Publiée une fois par année, la Revue électronique suisse de science de l'information (RESSI) a pour but principal le développement scientifique de cette discipline en Suisse.
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Publié par Ressi
L’offre de périodiques en bibliothèque universitaire : les avantages d’une démarche collective
Ressi — 29 mars 2007
Anne-Christine Robert
Tamara Morcillo
Michel Maillefer
L’offre de périodiques en bibliothèque universitaire : les avantages d’une démarche collective
Historique
En 2000, les bibliothécaires de la Faculté de Médecine et de la Faculté des Sciences de l’Université de Genève avaient décidé de lancer un appel d’offre commun auprès d’agences d’abonnements pour leurs souscriptions aux publications en série de l’année 2001. Ainsi réunis, le nombre de titres et la masse budgétaire étaient assez importants pour espérer obtenir des conditions de prix avantageuses ; par ailleurs un fournisseur unique permettait d’alléger les activités de gestion de la collection de publications en série. Le projet s’inscrivait également dans la ligne des recommandations faites dans un rapport d’audit concernant les bibliothèques réalisé en 1999 et était largement soutenu par les personnes impliquées, tant au niveau académique, des instances décisionnelles que des bibliothécaires concernés. Le projet avait alors abouti à la sélection d’un prestataire unique pour les bibliothèques de la Faculté des Sciences, celles de Médecine n’ayant pas pu, pour des raisons internes et indépendantes de leur volonté, s’associer au contrat établi. Le contrat, d’une durée de 3 ans, a été reconduit pour être en vigueur jusqu’en 2006. Il est à relever que les bibliothèques de l’Université sont rattachées aux facultés, disposent chacune de directions séparées et évoluent dans des contextes administratifs et financiers différents.
Objectifs de la démarche
En 2006, la démarche a été renouvelée sur la base des mêmes motivations qu’en 2000 par les bibliothèques des Facultés de Médecine, des Sciences et de Psychologie et des sciences de l’éducation.
- L’un des objectifs principaux était tout d’abord d’obtenir des conditions financières avantageuses, afin de limiter l’impact de l’augmentation systématique des prix des périodiques. En effet, cette problématique touche directement l’adéquation de la collection des bibliothèques avec les besoins documentaires de leurs utilisateurs. Le nombre de titres de périodiques présents dans les bibliothèques est en diminution constante depuis de nombreuses années et dans certains cas, la suppression d’abonnements existants touche directement à la collection minimale nécessaire à l’enseignement et la recherche. Les résiliations ont alors un impact direct sur les informations nécessaires à nos utilisateurs.
- En raison des bouleversements technologiques actuels qui obligent les prestataires à se positionner dans ce marché concurrentiel et à offrir de nouveaux outils de gestion performants, il était devenu souhaitable d’avoir un aperçu des possibilités techniques en regard de nos besoins.
- Par ailleurs, il était également indispensable de rationaliser la gestion des abonnements, ainsi que d’avoir une vue d’ensemble des titres et des budgets relatifs. Ces informations permettent en effet de dégager des indicateurs de pertinence du fonds, ainsi que d’adapter la collection aux besoins évolutifs des utilisateurs. Bien que certains soient payants, les outils mis à disposition par les agents présentent un intérêt évident pour faciliter la gestion de nos collections.
- Le dernier objectif qui nous tenait tout particulièrement à cœur, était de favoriser et consolider les synergies et la collaboration entre plusieurs facultés. En effet, à l’époque des politiques d’édition numérique, les interactions entre les différents acteurs sont stimulées et peuvent avoir des retours positifs importants. La collaboration entre la Faculté de Médecine, la Faculté des Sciences et la Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education nous a permis d’élargir notre portefeuille, en terme de volume de la collection à traiter, du budget en jeu et de force de travail pour la comparaison des offres que nous devions ensuite recevoir.
Forts de l’expérience effectuée en 2000 et sur la base des objectifs liés à la situation en 2006, nous avons pu nous lancer dans l’exercice de l’appel d’offre pour les publications en série de la Faculté de Médecine, de la Faculté des Sciences et de la Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education.
La situation avant l’appel
Les trois bibliothèques des facultés participantes se trouvent dans des situations très hétérogènes, notamment au niveau organisationnel interne : d’une bibliothèque centralisée à plusieurs bibliothèques délocalisées, appartenant à des structures différentes ; d’un fournisseur commun à plusieurs fournisseurs parfois pour la même bibliothèque.Par ailleurs, et ce problème n’était pas des moindres, les bibliothèques ne partagent pas d’outil de gestion des périodiques commun, travaillant chacune sur des logiciels différents, renseignant de manière individuelle leurs propres bases de données.
Notre forte et joyeuse volonté de collaborer ensemble nous a permis tout au long du projet de surmonter les difficultés liées à la gestion de l’appel d’offre, à notre situation organisationnelle hétérogène, à la dispersion des informations et ce, dans des formats différents.
Par ailleurs, nous avons pu bénéficier – tant sur le plan de la méthodologie que sur celui des documents produits à cette occasion – de l’excellent travail réalisé par nos collègues en 2000 et nous nous en sommes largement inspirés. Nous avons également bénéficié d’un rapport intermédiaire et d’un rapport final qui ont attiré notre attention sur différentes problématiques rencontrées lors du premier appel d’offre. Le partage de cette expérience nous a été précieux tout au long de la démarche.
Déroulement du projet
Sur la base du projet réalisé en 2000, nous avons déterminé les principales étapes et fixé le calendrier. L’une des conditions critiques temporelles était le renouvellement des abonnements en cours pour 2007 sans interruption d’accès à l’information pour nos utilisateurs.
Les principales étapes étaient les suivantes :
1. Définition du cadre du projet, des objectifs et du calendrier général
Un projet se définit par un certain nombre de caractéristiques, permettant d’assurer sa réalisation, dans les délais et budgets impartis, tout en respectant l’objectif de départ. Ces éléments standard ont été fixés dans un premier temps entre les partenaires du projet.
2. Réalisation du dossier et des documents annexes
La réalisation du dossier nous a été grandement facilitée par l’exemple que nous avions à disposition, issu de l’appel d’offre réalisé en 2000. En effet, dans la mesure du possible, nous nous sommes basés sur les documents existants en les adaptant aux évolutions du marché et des besoins des bibliothèques. Les ajustements se sont faits essentiellement sur les thèmes des interfaces, des outils de gestion, de la gestion des périodiques au format électronique. Il a fallu dans un premier temps réaliser un fichier commun contenant l’ensemble des titres souhaités par toutes les entités participantes. La fusion des données a posé un certain nombre de problèmes, de format, de formatage et de partage des données. Suite à la fusion des données, nous sommes arrivés aux chiffres suivants pour l’année 2006 : 1684 titres pour un montant total de 2'230'697 CHF. Forts de ces informations, nous avons réalisé que nous figurions certainement parmi les clients de taille moyenne, voire importante, pour les fournisseurs.
3. Contact des fournisseurs potentiels
Nous avons sélectionné les prestataires potentiels aux niveaux suisse, européen et international. Ce marché est largement ouvert et nous nous devions d’élargir au maximum la portée de l’appel d’offre. Nous avons donc transmis notre dossier aux fournisseurs suivants : Karger Libri, Huber & Lang, Ebsco, Médecine & Hygiène, Harrassowitz et Swets.
4. Réception, traitement et analyse des offres reçues
Tous nous ont répondu dans le délai imparti. L’un d’entre eux a renoncé à nous faire parvenir une offre, ne pouvant répondre aux exigences du cahier des charges. Les raisons évoquées étaient de l’ordre des prestations techniques, ainsi que des exigences contractuelles étendues sur 3 ans. Les autres prestataires nous ont fourni des dossiers de tailles très différentes et répondant de manière plus ou moins exacte au cahier des charges.
5. Négociations et choix du prestataire
Suite à l’analyse des offres, la sélection des prestataires répondant le plus précisément à notre cahier des charges a été faite. Les négociations nous ont permis de clarifier certains points concernant la gestion, ainsi que la procédure en cas de transfert de portefeuille. Les entretiens se sont déroulés avec les représentants des prestataires qui ont fait le déplacement sur Genève.
Détails sur le traitement des offres reçues
La qualité et la présentation des offres reçues en retour étaient très variables, ce qui nous a posé quelques problèmes lors de la comparaison des différents fournisseurs. En effet, nous avions demandé des informations standardisées afin de pouvoir comparer non seulement les prix, mais également les services offerts par chacun des prestataires contactés. L’hétérogénéité des réponses, notamment au niveau des offres financières nous a obligé à manipuler les informations reçues afin de pouvoir les comparer sur une base homogène.
Cette analyse nous a permis de sélectionner les prestataires dont l’offre s’approchait le plus de nos besoins exprimés dans le dossier de soumission. Nous avons pu ensuite pondérer l’analyse comparative en fonction des éléments déterminants et prendre contact avec les prestataires sélectionnés afin d’éclaircir quelques points et éventuellement négocier certains détails du contrat, notamment en terme de prix, de marge, de commission ou de services.
Le traitement des offres reçues a été la partie la plus importante en terme d’investissement en temps et en énergie de la part des personnes impliquées dans le projet. En effet, nous avions réalisé une grille de comparaison très détaillée afin de confronter les offres sur l’ensemble des points exposés dans le cahier des charges. Le but principal de cette démarche était de sélectionner le prestataire idéal selon les objectifs en terme de fourniture de périodiques pour les facultés investies dans le projet.
Les négociations
Deux prestataires ont été déterminés et conviés à la phase finale de sélection. Après le traitement des questions concernant les renouvellements, les fonctionnalités des interfaces à disposition, les négociations ont porté sur les intérêts financiers en jeu.
Les séances de négociation ont eu lieu en présence des bibliothécaires chefs concernés par le projet, mais sous la direction du Prof. Ph. Halban et avec la participation de M. P. Batardon, administrateur, de la Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education. La contribution de MM Halban et Batardon à cette étape du projet a été déterminante et la qualité des négociations incombe à leur détermination et leur grande compétence en la matière. Les conditions ont également pu être élargies à l’ensemble des bibliothèques de l’Université de Genève, ainsi qu’aux bibliothèques des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et du Centre hospitalier universitaire vaudois.
Sur la base des dossiers et de ces séances, le choix du prestataire final s'est porté sur l'entreprise Ebsco.Les bibliothécaires ont alors pu effectuer le transfert des abonnements existants.
Les résultats de la démarche
Grâce à l’appel d’offre ainsi qu’aux négociations, nous avons obtenu des conditions que nous pouvons qualifier d’excellentes, pour ce qui concerne à la fois la gestion des coûts et la gestion administrative des abonnements aux périodiques.
Au niveau financier, nous pouvons relever une réduction de 3% sur le prix éditeur. Les remises octroyées sont comprises entre 0,5% et 3% pour des paiements s’étalant jusqu’à février de l’année en cours des abonnements. Aucune commission n’est prélevée par le prestataire sélectionné.
Concernant la gestion des abonnements, les outils mis à disposition sur l’interface EbscoNet nous ont permis de rationaliser le travail, en obtenant facilement des rapports de gestion, des statistiques, des listes par éditeurs etc.
Le choix d’un fournisseur unique pour les trois facultés permet de plus d’échanger facilement des informations en interne et de comparer nos données.
Enfin, la collaboration entre nos bibliothèques nous a permis de relever que les problématiques de gestion sont similaires d’une faculté à l’autre quand bien même les disciplines sont différentes. La réalisation de l’appel d’offre en commun a permis de prendre en compte l’ensemble des problématiques et d’y apporter une réponse globale, qui s’est montrée bénéfique pour chacun des partenaires. Les conclusions et avantages du travail réalisé
Cet exercice nous a permis d’atteindre les objectifs que nous nous étions fixés. A l’origine de la démarche, le partenariat entre les trois facultés a mis en évidence un budget d’acquisition suffisamment important pour que les fournisseurs nous considèrent comme des clients importants. Ceci est sans aucun doute une des raisons pour lesquelles nous avons pu obtenir des conditions financières aussi intéressantes.
Les négociations ont été une étape déterminante non seulement pour bénéficier des meilleures conditions financières, mais également pour décrocher les mêmes conditions pour l’ensemble des bibliothèques de l’Université de Genève et celles des HUG.
La démarche a démontré qu'il est bénéfique pour l'Université de Genève que trois bibliothèques de facultés travaillent en collaboration sur un projet commun. Cette collaboration a en effet permis d'atteindre, voire de dépasser, les objectifs fixés. Mais les échanges et les réflexions issus de cette expérience ont également favorisé la prise de conscience du fait, qu'en dépit de rattachements administratifs différents, les partenaires partagent les mêmes problèmes et peuvent mettre en commun leurs compétences pour y apporter des solutions. Finalement, c’est un type de démarche qui ne peut que profiter aux publics des bibliothèques (c’est-à-dire leur première raison d’être) qui en l’occurrence bénéficient d’un meilleur service: le maintien d’une offre de périodiques très large malgré des budgets en baisse.
En quoi le SMSI peut être utile au développement des bibliothèques
Ressi — 29 mars 2007
Danielle Mincio, BCU, Lausanne
En quoi le SMSI peut etre utile au developpement des bibliotheques
Le Sommet Mondial sur la Société de l’Information s’est déroulé en 2 phases :
L'objectif de la première phase était le suivant: formuler de façon parfaitement claire une volonté politique et prendre des mesures concrètes pour poser les bases d'une société de l'information accessible à tous, tout en tenant pleinement compte des différents intérêts en jeu (1).
L'objectif de la deuxième phase était le suivant: mettre en oeuvre le Plan d'action de Genève et aboutir à des solutions et parvenir à des accords sur la gouvernance de l'Internet, les mécanismes de financement, et le suivi et la mise en oeuvre des documents de Genève et Tunis (2).
La première phase, qui a élaboré une Déclaration de principe (3) et un plan d’action (4), s’est tenue à Genève en décembre 2003. La seconde s’est tenue à Tunis en novembre 2005 et a eu pour objet de trouver des moyens de régler la gouvernance de l’Internet, de trouver des schéma de financement et de régler les modalités de suivi et de mise en œuvre du plan d’action de Genève. Elle a débouché sur l’Engagement de Tunis (5) et l’Agenda de Tunis pour la société de l’information (6).
Au cours de la première phase, les bibliothèques se sont très rapidement, par le biais de l’IFLA mais surtout grâce à l’instigation et avec l’appui des bibliothécaires suisses regroupés dans le SLIR (Swiss Librarians for International Relations, groupe d’intérêt de la BBS), impliquées dans le processus d’élaboration des textes du sommet.
Un processus multipartenarial
En effet, malgré quelques difficultés de mise en place au départ, le SMSI est un des premiers sommets placé sous l’égide de l’ONU qui soit multipartenaire. Ce multipartenariat est composé : des Etats, des organisations internationales rattachées à l’ONU (7), de la société civile et du secteur privé.
La société civile est composée d’ONG agissant dans différents secteurs mais aussi d’individualités concernées par le sujet. Les relations entre l’ONU et la société civile sont réglées par le biais du CONGO (8).
Le secteur privé est composé de représentants de grandes entreprises concernées par le marché en relation avec le développement des technologies de l’information.
La démarche multipartenariale du SMSI a permis, déjà dans les processus préparatoires servant à l’élaboration de documents approuvés lors des deux phases, d’orienter les objectifs du SMSI en s’appuyant sur des éléments existants.
Dans le document de base ayant servi aux travaux préparatoires de la rédaction de la déclaration de principe et du plan d’action préparé par l’UIT (9), la société de l’information était vue seulement sous l’angle technique de la communication mais pas sous celui du contenu. Grâce à l’action conjointe de nombreuses OI et ONG, dont l’IFLA, le volet «contenu» de la société de l’information a pris la place qui lui revenait dans la problématique de la société de l’information.
Toujours dans ce premier document de base, les points d’accès se limitaient aux bureaux de poste !
Sans l’action conjointe de l’IFLA, de l’ICA (10) et de l’UNESCO, les bibliothèques, les archives et les centres de documentation, qui sont au cœur de l’accès à l’information et au savoir pour tous sans distinction d’aucune sorte, auraient été tenus à l’écart de la société de l’information.
Ces résultats ont été obtenus également grâce à une participation très active des bibliothécaires du SLIR et des membres du conseil d’administration de l’IFLA aux travaux préparatoires où ils ont pu intervenir pour faire valoir leur point de vue.
Ce travail ne fut pas facile. Il a fallu s’initier au langage onusien très formel et aux règles de fonctionnement des séances. Grâce aux contacts établis avec le secrétariat permanent du SMSI géré par la Suisse pendant les deux premières phases, nous avons pu intégrer plus facilement les mécanismes de cette grande machine pour faire valoir le point de vue des bibliothèques.
Cela étant, même si le processus des deux premières phases du SMSI était multipartenarial, le droit de vote était limité aux délégations des États.Il fallut donc les convaincre de soutenir les paragraphes officialisant le rôle des bibliothèques dans la société de l’information.
Pour cette raison, le SLIR a organisé avec l’IFLA et la Bibliothèque de l’Office des Nations Unies de Genève, une conférence préparatoire au sommet en novembre 2003. Ces deux journées (11) ont permis aux représentants des bibliothèques de plus de 70 pays de rencontrer les représentants de leur gouvernement au SMSI et de faire valoir l’importance des bibliothèques dans ce contexte. Le résultat des tables rondes et des discussions bilatérales de ces deux journées a été édité par l’IFLA et distribué aux délégations gouvernementales avant le sommet de décembre qui s’est tenu à Genève.
Les résultats de la phase de Genève
Au sommet lui-même, l’IFLA était présente sur un stand conjoint avec l’ICA et a pu organiser des tables rondes permettant de montrer le rôle utile des bibliothèques dans la société de l’information.
Le résultat obtenu fut très satisfaisant pour les bibliothèques puisqu’elles sont présentes dans la déclaration de principe aux points qui suivent (12) :
- 2) L’infrastructure de l'information et de la communication, fondement essentiel d'une société de l'information inclusive
- 23 Des politiques propres à créer, à tous les niveaux, des conditions favorables de stabilité, de prévisibilité et d'équité dans la concurrence devraient être établies et mises en oeuvre d'une manière susceptible, non seulement de mobiliser davantage d'investissements privés pour le développement des infrastructures TIC, mais encore de répondre aux obligations de service public dans les régions où les mécanismes traditionnels du marché ne fonctionnent pas. Dans les zones défavorisées, l'installation de points d'accès public aux TIC en des lieux tels que bureaux de poste, écoles, bibliothèques et archives peut être un moyen efficace d'assurer l'accès universel à l'infrastructure et aux services de la société de l'information.
- 3) L’accès à l'information et au savoir
- 26 La croissance de la société de l'information passe par la création d'un domaine public riche, qui serait à l'origine de multiples avantages: formation du public, création d'emplois, innovation, débouchés économiques et progrès scientifiques. Les informations relevant du domaine public devraient être facilement accessibles de manière à étayer la société de l'information et devraient être protégées contre les utilisations abusives. Il faudrait renforcer les établissements publics tels que les bibliothèques, les archives, les musées, les collections culturelles et d'autres points d'accès communautaire, de manière à promouvoir la préservation des archives documentaires et un accès libre et équitable à l'information.
- 4) Le renforcement des capacités
- 32 Les créateurs, éditeurs et auteurs de contenus devraient, de même que les enseignants, les formateurs, les archivistes, les bibliothécaires et les apprenants contribuer activement à promouvoir la société de l'information, en particulier dans les pays les moins avancés.
Dans le plan d’action, les bibliothèques sont également présentes aux points suivants (13) :
- B Objectifs, buts et cibles
-
- 6 Fondées sur les objectifs de développement qui ont été approuvés au plan international, notamment ceux de la Déclaration du Millénaire, qui s'appuient sur la coopération internationale, des cibles indicatives peuvent servir de référence globale pour améliorer la connectivité et l'accès aux TIC pour promouvoir les objectifs du Plan d'action, fixés pour 2015. Ces cibles pourront être prises en compte dans l'établissement de cibles nationales, compte tenu des conditions propres à chaque pays:
- d) connecter les bibliothèques publiques, les centres culturels, les musées, les bureaux de poste et les services d’archives aux TIC;
-
- C Grandes orientations
- C2 L’infrastructure de l'information et de la communication: fondement essentiel d'une société de l'information inclusive
- 9 L'infrastructure est essentielle pour concrétiser l'objectif d'inclusion numérique, si l'on veut que l'accès aux TIC soit universel, durable, ubiquiste et financièrement abordable, compte tenu des solutions appropriées déjà en place dans certains pays en développement et dans certains pays à économie en transition, pour assurer connectivité et accès durables aux zones reculées et marginalisées aux niveaux national et régional.
- c) Dans le contexte des cyberstratégies nationales, la connectivité aux TIC devrait être assurée et améliorée dans l’ensemble des établissements scolaires, universités, établissements de santé, bibliothèques, bureaux de poste, centres communautaires, musées et autres établissements ouverts au public, conformément aux cibles indicatives.
- C2 L’infrastructure de l'information et de la communication: fondement essentiel d'une société de l'information inclusive
- C3 L’accès à l'information et au savoir
- 10 Les TIC permettent à chacun d'entre nous, en tout point du monde, d'accéder quasi instantanément à l'information et au savoir dont les particuliers, les organisations et les communautés devraient pouvoir bénéficier.
- d) Les gouvernements et les autres parties prenantes devraient créer des points d'accès communautaire publics, multifonctionnels et durables offrant aux citoyens un accès abordable ou gratuit aux diverses ressources de communication, notamment à l'Internet. Ces points d'accès devraient, dans la mesure du possible, avoir une capacité suffisante pour fournir une assistance aux utilisateurs, dans les bibliothèques, les établissements d'enseignement, les administrations publiques, les bureaux de poste et autres lieux publics, l’accent étant mis en particulier sur les zones rurales et mal desservies, dans le respect des droits de propriété intellectuelle (DPI) et en encourageant l'utilisation de l'information et le partage du savoir.
- h) Il faudrait soutenir la création et l'élargissement d'un service numérique de bibliothèque et d'archives publiques, adapté à la société de l'information, par exemple en actualisant les stratégies et législations nationales relatives aux bibliothèques, en sensibilisant tous les pays à la nécessité de disposer de "bibliothèques hybrides" et en encourageant la coopération internationale entre les bibliothèques.
- 10 Les TIC permettent à chacun d'entre nous, en tout point du monde, d'accéder quasi instantanément à l'information et au savoir dont les particuliers, les organisations et les communautés devraient pouvoir bénéficier.
- C4 Le renforcement des capacités
- 11 Chacun devrait avoir les compétences nécessaires pour tirer pleinement parti de la société de l'information. Il est donc essentiel de développer les capacités et d'assurer la familiarisation avec les TIC. Les TIC peuvent contribuer à l'éducation de tous dans le monde entier, par la formation des enseignants, ainsi qu’ à l'amélioration des conditions nécessaires à la formation permanente, car elles touchent des personnes hors du système d'enseignement officiel et permettent d'améliorer les compétences professionnelles.
- c) Promouvoir le développement des compétences pour tous dans le domaine de l'informatique, par exemple en concevant des cours d'initiation à l'informatique dispensés aux fonctionnaires des administrations publiques, en tirant parti des installations existantes - bibliothèques, centres communautaires polyvalents, points d'accès public - et en créant des centres de formation aux TIC au niveau local, en coopération avec toutes les parties prenantes. Une attention particulière devrait être accordée aux catégories défavorisées et vulnérables.
- 11 Chacun devrait avoir les compétences nécessaires pour tirer pleinement parti de la société de l'information. Il est donc essentiel de développer les capacités et d'assurer la familiarisation avec les TIC. Les TIC peuvent contribuer à l'éducation de tous dans le monde entier, par la formation des enseignants, ainsi qu’ à l'amélioration des conditions nécessaires à la formation permanente, car elles touchent des personnes hors du système d'enseignement officiel et permettent d'améliorer les compétences professionnelles.
- C8 Diversité et identité culturelles, diversité linguistique et contenus locaux
- 23 La diversité culturelle et linguistique, qui entraîne le respect de l'identité culturelle, des traditions et des religions, est essentielle au développement d'une société de l'information fondée sur le dialogue entre les cultures et sur la coopération régionale et internationale. Elle constitue un facteur important du développement durable.
- b) Elaborer des politiques et des législations nationales pour permettre aux bibliothèques, archives, musées et autres institutions culturelles de jouer pleinement leur rôle de fournisseurs de contenu - savoirs traditionnels compris - dans la société de l'information, et plus particulièrement de donner accès en permanence aux informations archivées.
- 23 La diversité culturelle et linguistique, qui entraîne le respect de l'identité culturelle, des traditions et des religions, est essentielle au développement d'une société de l'information fondée sur le dialogue entre les cultures et sur la coopération régionale et internationale. Elle constitue un facteur important du développement durable.
En lisant attentivement ces points validés par les États comme prioritaires au niveau international dans le cadre de la société de l’information, on pourrait penser que l’avenir des bibliothèques est garanti. Ce serait faire preuve de légèreté, comme il y a en effet un monde de la loi à son application, il y a un monde entre la reconnaissance internationale de principes et leur application dans la vie quotidienne.
Ce premier pas fut néanmoins décisif. Sans lui, aujourd’hui, les bibliothèques, institutions publiques dans un monde s’orientant vers la libéralisation économique et la globalisation, auraient beaucoup de peine à justifier leur existence et à faire reconnaître leur utilité.
La seconde phase du sommet
Conscients de l’importance de continuer l’action, l’IFLA et le SLIR ont été présents durant les travaux préparatoires de la seconde phase du SMSI, en participant activement aux différentes séances ouvertes.
Parallèlement, pour continuer dans la tradition de ce qui avait porté ses fruits, l’IFLA a organisé une nouvelle conférence préparatoire au SMSI à la Bibliothèque d’Alexandrie en Égypte quelques jours avant l’ouverture de la seconde phase du SMSI à Tunis en novembre 2005. Orientée sur la présentation d’actions concrètes réalisées par les bibliothèques pour mettre en place la société de l’information et l’accès au savoir un peu partout dans le monde, elle n’a malheureusement pas attiré les membres des délégations officielles à Tunis. Heureusement, cette conférence préparatoire a été validée comme un événement lié au sommet, et de ce fait a permis au président de l’IFLA de prendre la parole en assemblée plénière lors du sommet lui-même à Tunis (14).
Parallèlement à l’organisation de la conférence préparatoire et à la participation aux travaux préparatoires, le SLIR et l’IFLA ont créé une base de données de « Success stories » (15) montrant les projets en cours ou déjà réalisés par les bibliothèques dans le monde entier en matière d’implantation de la société de l’information autour de 6 grands axes : les bibliothèques comme
- point d’accès à l’information,
- centre de formation aux TIC,
- lieu de formation continue,
- réponses à des besoins spécifiques,
- lieu de conservation
- et lieu de mise en valeur du patrimoine culturel.
Cette base de données permet à la fois aux décideurs de trouver des exemples de réalisations réussies de mise en place de la société de l’information avec des modèles de financement parfois originaux et aux institutions de trouver des exemples pouvant appuyer des demandes de subsides pour la réalisation de projets. Elle fut présentée à la conférence préparatoire d’Alexandrie et diffusée sous forme de cdrom dans l’enceinte du sommet à Tunis.
L’IFLA était présente au sommet de Tunis mais sans avoir de stand. Malgré l’intervention en séance plénière de son président, sa présence était nettement moins visible qu’à Genève. Intégrée dans le stand de Global Knowledge Partnerships (16), dont elle est membre, elle a néanmoins pu créer des contacts utiles.
Dans l’agenda de Tunis pour la société de l’information (17), les bibliothèques sont bien présentes. Elles font désormais partie intégrante du processus de mise en œuvre du SMSI.
- Mise en oeuvre et suivi
- 90 Nous réaffirmons l'engagement que nous avons pris de fournir à tous un accès équitable à l'information et au savoir, en reconnaissant le rôle joué par les TIC dans la croissance économique et le développement. Nous sommes résolus à collaborer pour que soient atteintes, d'ici à 2015, les cibles indicatives énoncées dans le Plan d'action de Genève, qui servent de références globales pour améliorer la connectivité ainsi que l'accès universel, ubiquiste, équitable, non discriminatoire et financièrement abordable aux TIC et l'utilisation des TIC en tenant compte des spécificités nationales, et nous sommes résolus à utiliser les TIC comme outils pour atteindre les buts et objectifs de développement arrêtés à l'échelle internationale, notamment les Objectifs du Millénaire pour le développement, en:
- k) appuyant les institutions à but éducatif, scientifique et culturel, notamment les bibliothèques, les archives et les musées, dans leur mission qui consiste à élaborer et préserver des contenus divers et variés et à offrir un accès équitable, ouvert et peu coûteux à ces contenus, y compris sous forme numérique, pour faciliter l'enseignement formel et informel, la recherche et l'innovation; en particulier, en aidant les bibliothèques à s'acquitter de leur mission de service public consistant à offrir un accès gratuit et équitable à l'information et à améliorer la connaissance des TIC et la connectivité au niveau des communautés locales, en particulier dans les communautés mal desservies;
De manière plus générale, la phase de Tunis a défini les mécanismes de suivi par un centre de coordination et de mise en œuvre par grandes orientations.
La mise en place du mécanisme de suivi
La résolution adoptée le 28 juillet 2006, donne une place plus importante au multipartenariat.
Dans la résolution (E/2006/L.37), adoptée le 28 juillet 2006, intitulée "Mise en œuvre des textes issus du Sommet mondial sur la société de l'information et réexamen de la Commission de la science et de la technique au service du développement", l'ECOSOC a indiqué comment elle supervisera le suivi du Sommet à l'échelle du système, conformément à ce qui a été demandé dans les conclusions de Tunis, dans le cadre de son examen annuel de l'application et du suivi intégrés et coordonnés des textes issus des grandes conférences organisées sous l'égide de l'ONU(18). A cette fin, l'ECOSOC a décidé que la Commission de la science et de la technologie au service du développement (CSTD) aidera le Conseil économique et social en tant que centre de coordination pour le suivi du SMSI à l'échelle du système.
Il a été convenu que le suivi à l'échelle du système doit être largement axé sur le développement et que la Commission devra être renforcée par un surcroît de moyens opérationnels et par la participation effective et constructive des Etats Membres à ses travaux. Tout en en préservant le caractère intergouvernemental, l'ECOSOC a décidé que la CSTD devrait utiliser l'approche multi-parties prenantes qui a été pratiquée avec succès par le SMSI. Lors de ses deux prochaines sessions (2007 et 2008), la CSTD ouvrira en conséquence ses délibérations non seulement aux ONG ayant statut consultatif auprès de l'ECOSOC, mais également, après approbation de l'ECOSOC, aux autres ONG et entités de la société civile intéressées qui étaient accréditées au SMSI. Comme cette solution provisoire ne durera que deux ans, il est vivement conseillé aux ONGs et entités de la société civile qui voudront participer au-delà des deux ans aux travaux de la Commission, de demander un statut consultatif auprès de l'ECOSOC. Les entités du secteur privé seront, elles aussi, en mesure de participer aux travaux de la Commission, après approbation de l'ECOSOC (19).
L’IFLA va demander la confirmation de son statut consultatif auprès de l’ECOSOC.
La mise en place de l’Internet Governance Forum
Ce forum a pour but de trouver un accord multipartenaire sur la gouvernance d’Internet. Il est composé de représentants de la société civile, notamment la communauté universitaire, des gouvernements, des OI, et du secteur privé. Il travaille essentiellement par liste de discussion. Sa première conférence plénière s’est tenue à Athènes en octobre 2006 (20).
S’agissant essentiellement de discussions autour d’infrastructures techniques, l’IFLA participe de loin aux discussions. Elle intervient et prend position quand il s’agit de la problématique des noms de domaines et des problèmes posés par la diversité linguistique et scripturale.
La mise en place par grandes orientations
Dans les instances de mise en œuvre par grandes orientations, le processus est totalement démocratique. Tous les participants ont le droit d’intervenir et de voter sur les décisions qui peuvent être prises dans les séances sur les orientations. C’est dans cette partie du processus que l’IFLA se doit d’être très active.
Les grandes orientations ont été définies par le sommet de Tunis et sont coordonnées et modérées par des organisations internationales du système de l’ONU généralement spécialisées dans le domaine traité.
LES GRANDES ORIENTATIONS
- C1. Le rôle des instances publiques chargées de la gouvernance et de toutes les parties prenantes dans la promotion des TIC pour le développement ECOSOC/COMMISSIONS RÉGIONALES DES NATIONS UNIES/UIT/[ONU-DAES]
- C2. L'infrastructure de l'information et de la communication UIT/[APC]
- C3. L'accès à l'information et au savoir UIT/UNESCO/[FAO/ONUDI]
- C4. Le renforcement des capacités PNUD/UNESCO/UIT/CNUCED/[ONU-DAES/FAO/ONUDI]
- C5. Établir la confiance et la sécurité dans l'utilisation des TIC UIT
- C6. Créer un environnement propice UIT/PNUD/COMMISSIONS RÉGIONALES DES NATIONS UNIES/CNUCED/[ONU-DAES/ONUDI/APC]
- C7. Les applications TIC
- administration électronique [ONU-DAES]PNUD/UIT
- commerce électronique OMC/UNCTAD/UIT/UPU
- téléenseignement UNESCO/UIT/ONUDI
- télésanté OMS/UIT
- cybertravail OIT/UIT
- cyberécologie OMS/OMM/PNUE/UN-Habitat/UIT/OACI
- cyberagriculture FAO/UIT
- cyberscience UNESCO/UIT/CNUCED
- C8. Diversité et identité culturelles, diversité linguistique et contenus locaux UNESCO
- C9. Média UNESCO
- C10. Dimensions éthiques de la société de l'information UNESCO/ECOSOC/[OMS/ECPAT Int'l]
- C11. Coopération internationale et régionale COMMISSIONS RÉGIONALES DES NATIONS UNIES/PNUD/UIT/UNESCO/ECOSOC/[ONU-DAES]
Politique de suivi de l’IFLA de la mise en place du SMSI
Si le SMSI était un dossier ponctuel pour l’IFLA, il est devenu en 2006, un dossier permanent en raison même de l’installation du processus de mise en place voulu par le SMSI. Ce processus court jusqu’en 2015.
Lors de la conférence annuelle de l’IFLA à Séoul, la présidente élue Claudia Lux a fait du groupe de travail IFLA SMSI un groupe directement rattaché à la présidence. Dans son programme, elle propose que les associations et les institutions membres de l’IFLA agissent à l’intérieur de leur pays ou de leur région pour que la mise en place de la société de l’information dans les bibliothèques se fasse en accord avec les résolutions du SMSI dans le domaine des bibliothèques. Il faut donc que les associations nationales, locales et régionales soient informées et se forment à l’action politique.
En effet, bon nombre de pays, quand ce n’est pas déjà fait, sont en train de rédiger leur politique de l’information.
Si on observe l’exemple suisse (21), c’est plutôt triste de constater que le document ne met pas en évidence le rôle central des bibliothèques dans la diffusion du savoir. Elles apparaissent juste dans la version révisée de janvier 2006, sous le chapitre culture comme des lieux qui conservent le patrimoine et qui, par le biais de la numérisation peuvent le rendre accessible à tous « Les possibilite´s offertes par le multime´dia, notamment l’interactivite´, doivent être exploite´es en faveur de la diffusion de la culture. En particulier, le patrimoine conserve´ dans les bibliothèques, les archives, les muse´es et les collections doit être ouvert a` tous par le biais du re´seau. La collaboration de la Confe´de´ration et des cantons est primordiale a` cet e´gard. » . Rien n’est dit sur le rôle des bibliothèques comme point d’accès direct à l’information et au savoir. La BBS a réagi en rappelant à Monsieur Couchepin le rôle central joué par les bibliothèques pour une société de l’information et du savoir accessible à tous. La réponse qu’elle a reçue est peu satisfaisante pour notre profession. Le développement des bibliothèques n’est pas considéré comme prioritaire dans la stratégie gouvernementale du fait qu’elles dépendent dans leur majorité des autorités cantonales ou communales et ne sont de ce fait pas du ressort de la Confédération.
Nous osons espérer que la BBS n’en restera pas là. Il faudrait peut être qu’elle organise une table ronde avec les commissions parlementaires ad-hoc pour mieux faire comprendre le rôle moteur des bibliothèques.
Il faut cependant être honnête et dire que la réponse des autorités fédérales ne nous étonne guère. Elle nous interpelle une fois de plus sur l’image que notre profession donne d’elle-même à l’extérieur et nous amène à réfléchir sur les méthodes que nous utilisons pour faire connaître au public les services que nous offrons. Rien n’a semble-t-il changé depuis l’enquête de faite par la BBS en 2000. Les bibliothèques sont toujours considérées comme un lieu poussiéreux où on vient emprunter un livre. Pour le reste, il y a Google. Pourtant, dès qu’ils ont fait appel à nos compétences, nos lecteurs se rendent compte que le bibliothécaire peut lui faire gagner un temps précieux dans ses recherches sur la toile et lui faire trouver rapidement le document pertinent et validé dont il a besoin sans devoir fouiller au milieu d’un monceau de publicités ou d’informations sans rapport direct avec l’objet de sa recherche. Le moteur de recherche le plus puissant et le plus efficace possible ne sera jamais aussi rapide et aussi pertinent qu’un spécialiste de l’information documentaire connaissant son sujet. Certes les moteurs de recherche sont utiles et on ne peut plus s’en passer aujourd’hui mais leur faire une confiance aveugle serait aussi simpliste que de faire confiance aux correcteurs orthographiques performants pour les choses simples (fautes de frappe ou inversion de lettres dans un mot basique) mais incompétents au niveau grammatical et d’une pauvreté impressionnante au niveau du vocabulaire. Pour se rendre compte des dégâts du « tout-automatique » il suffit de relever les coquilles, les changements ou les non-sens infligés par le correcteur orthographique du traitement de texte à l’article rédigé par les journalistes des quotidiens. Il en va de même pour la recherche d’information sur Internet.
Les outils pour agir mis à disposition par l’IFLA
Pour permettre aux associations de réagir, sur proposition du SLIR, l’IFLA va développer les outils suivants: accroissement de la base de données « Success stories » et transformation en base plurilingue avec recherche en français et en espagnol en plus de l’anglais; création d’un observatoire du SMSI à Genève.
Jusqu’à fin 2006, le groupe est coordonné par Tuula Haavisto. Pendant la conférence de l’IFLA à Séoul en août, des collègues français se sont proposés pour étoffer les rangs des membres actifs du groupe de contact IFLA SMSI, qui compte actuellement une petite dizaine de personnes, et participer aux séances se tenant à Paris.
Au niveau international, le groupe IFLA SMSI participe activement aux différentes grandes orientations en fonction des priorités proposées au conseil d’administration en juin 2006 et validées lors de leur réunion à Séoul (22).
La première priorité de l’IFLA est accordée à la ligne C1 «le rôle des instances publiques », C3 « accès à l’information et au savoir ». Cette ligne d’action a tenu une première réunion d’organisation à Paris à l’UNESCO, le 16 octobre au cours de laquelle elle a déterminé des sous-groupes de travail. Bibliothèques et archives forment un de ces sous-groupes.
En seconde priorité, l’IFLA a placé la ligne C4 « renforcement des capacités », C7 «les applications TIC: administration électronique », C8 « diversité et identité culturelles, diversité linguistique et contenus locaux », C10 « dimensions éthiques de la société de l’information ».
En priorité moyenne, l’IFLA place la ligne C7 « Application des TIC : commerce électronique, téléenseignement, télésanté, cybertravail, cyberécologie, cyberagriculture et cyberscience ».
En basse priorité se trouvent les lignes C2 « l’infrastructure de l’information et de la communication », C5 « Etablir la confiance et la sécurité dans l’utilisation des TIC », C6 « Créer un environnement propice », C9 « Media », C11 « Coopération internationale et régionale ».
L’objectif du Groupe de contact(23) IFLA SMSI est d’avoir pour chaque ligne , en fonction des priorités susmentionnées, une petite équipe avec un coordinateur qui participe activement aux débats et assure une présence active aux séances. A l’issue de chaque séance, le représentant de l’IFLA rédige un rapport et le diffuse à l’ensemble du groupe. Ces séances ont généralement lieu soit à Paris au siège de l’UNESCO soit à Genève à l’Office des Nations Unies . Il manque encore des coordinateurs pour certaines lignes d’action.
Les premières séances ont eu lieu à Genève en mai pour les lignes d’action C1(24) , C2(25) , C4(26) , C5 (2)7, C6 (28), C7 (29) commerce, cybertravail, administration électronique,
C8 (30) et C11 (31). Ces séances ont été précédées par une séance des modérateurs des différentes lignes afin de déterminer une ligne commune d’action. L’IFLA était représentée par des bibliothécaires suisses aux lignes C1, C7 administration électronique et C8 diversité culturelle.
Les lignes C3 (32), C7 téléenseignement (33), C9 media (34) et C10 (35) se sont réunies pour le première fois à Paris au siège de l’UNESCO en octobre. La ligne C7 cyberscience pour sa part a tenu sa première séance organisée par l’UNESCO à Beijing. L’IFLA était représentée à la ligne C3 et à la ligne C7 cyberscience.
Toutes ces séances ont eu pour objet de se mettre d’accord sur les modalités de travail et d’organiser la suite des travaux en groupe ou sous-groupes et de définir ceux-ci. Des plateformes de suggestions sont mises en place pour les grandes lignes dont l’UNESCO est facilitateur. Tout un chacun peut y apporter sa contribution.
Que peut nous apporter la mise en place du SMSI et le suivi actif mis en place par l’IFLA dans notre activité professionnelle ?
Les bibliothécaires sont généralement d’un naturel timide et discret. La déclaration de principes, le plan d’action et l’agenda de Tunis du SMSI les placent pourtant au cœur de la société de l’information, leur donnant un rôle central dans la mise en place concrète d’une société de l’information et du savoir accessible à tous.
En gardant présentes à l’esprit les résolutions du SMSI dans tous les projets que nous mettons en place dans nos bibliothèques et en les utilisant dans nos argumentaires, nous pouvons obtenir un meilleur soutien de nos autorités pour leur réalisation et ainsi offrir les prestations attendues par le public. En utilisant les exemples existants dans la base de données « Success stories », nous pouvons leur montrer l’utilité de nos projets.
Il faut également penser à mieux faire connaître du public notre rôle dans la société du 21ème siècle. En recourant à la presse pour chaque nouveauté mise à disposition de nos lecteurs, mais aussi en établissant par le biais de manifestations culturelles ou de débats un dialogue direct avec le public, petit à petit tout un chacun aura le reflexe de s’adresser aux bibliothèques pour trouver les informations et les documents qui l’intéresse que ce soit à distance ou sur place.
Pour ceux qui sont impliqués dans la vie associative, il est important de faire comprendre aux hommes politiques exactement ce que les bibliothèques offrent au public. Trop souvent encore, la bibliothèque est vue comme un magasin de livres où on peut emprunter celui qui nous intéresse. Beaucoup de personnes dans le public ignorent tous les services en ligne offerts par nos institutions depuis l’accès aux trésors numérisés du patrimoine documentaire jusqu’aux documents validés de la recherche scientifique.
Outre les services directs, il convient de mettre en avant notre savoir-faire au niveau de la recherche documentaire. Trop d’information tue l’information. C’est un peu l’effet que produit Google sur le commun des mortels qui n’a pas été initié aux subtilités de la recherche par un professionnel qui ne demande qu’à lui transmettre son savoir-faire. Dans les bibliothèques universitaires l’initiation des nouveaux étudiants à la bibliothèque est devenue chose commune. Elle mériterait d’être mieux connue du grand public.
Dans nos travaux quotidiens, ayons conscience de nos compétences. Le bibliothécaire, l’archiviste ou le documentaliste est celui qui peut faire gagner un temps précieux au chercheur, au professionnel ou au simple citoyen qui a besoin d’une information pertinente et certifiée pour résoudre un problème.
Notes
(1) http://www.itu.int/wsis/basic/about-fr.html
(2) http://www.itu.int/wsis/basic/about-fr.html
(3) http://www.itu.int/wsis/documents/doc_multi.asp?lang=fr&id=1161|0
(4) http://www.itu.int/wsis/documents/doc_multi.asp?lang=fr&id=1160|0
(5) http://www.itu.int/wsis/documents/doc_multi.asp?lang=fr&id=2266|0
(6) http://www.itu.int/wsis/documents/doc_multi.asp?lang=fr&id=2267|0
(7) OI
(8) Conférence des ONG ayant des relations consultatives avec les Nations Unies http://www.ngocongo.org/index.php
(9)Union Internationale des Télécommunications
(10)International Council of Archives
(11)Documents relatifs à cette conférence préparatoire sous http://www.ifla.org/III/wsis.html
(12) http://www.itu.int/wsis/documents/doc_multi.asp?lang=fr&id=1161|0
(13)http://www.itu.int/wsis/documents/doc_multi.asp?lang=fr&id=1160|0
(14)Texte de l’intervention d’Alex Byrne http://www.ifla.org/III/wsis/Byrne-Plenary-Address.html
(15)http://fmp-web.unil.ch/IFLA
(16)http://www.globalknowledge.org/
(17)http://www.itu.int/wsis/documents/doc_multi.asp?lang=fr&id=2267|0
(18) http://www.un.org/french/ecosoc/2004/ Pour en savoir plus sur le système de l’ONU : http://www.un.org/french/aboutun/organigramme.html
(19)http://www.itu.int/wsis/follow-up/index-fr.html
(20)Pour en savoir plus : http://www.igfgreece2006.gr/?tid=22&aid=43
(21) Textes disponibles sur http://www.bakom.admin.ch/themen/infosociety/00695/index.html?lang=fr
(22)Libraries and the WSIS actions lines (draft) http://www.ifla.org/III/wsis.html
(23)Coordinateurs : C1 Daisy.McAdam, C2 Kristine Clara, C3 Geneviève Clavel, Danielle Mincio, C4 IFLA ALP coordinateur des sections régionales, C5 Kristine Clara avec CLM et FAIFE, C6 en fonction des sujets traités l’IFLA désigne une personne, C7 les sections spécialisées de l’IFLA, C8 Geneviève Clavel, Danielle Mincio, Sinikka Sipila, C9 FAIFE, C10 FAIFE, C11ALP.
(24)http://www.itu.int/wsis/c1/index.html
(25)http://www.itu.int/wsis/c2/index.html
(26)http://www.itu.int/wsis/c4-c6/index.html
(27)http://www.itu.int/wsis/c5/index.html
(28)voir C4
(29)http://www.itu.int/wsis/c7/e-government/index.html, http://www.itu.int/wsis/c7/e-business/index.html, http://www.itu.int/wsis/c7/e-employment/index.html
(30)http://www.itu.int/wsis/c8/index.html
(31)http://www.itu.int/wsis/c11/index.html
(32)http://portal.unesco.org/ci/en/ev.php-URL_ID=22546&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html
(33)http://portal.unesco.org/ci/en/ev.php-URL_ID=22548&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html
(34)http://portal.unesco.org/ci/en/ev.php-URL_ID=22549&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html
(35)http://portal.unesco.org/ci/en/ev.php-URL_ID=22547&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html
Online Information 2006 : se préparer à l’information 2.0
Ressi — 29 mars 2007
Ariane Rezzonico, Haute Ecole de Gestion, Genève
Online Information 2006 : se preparer a l’information 2.0
Pour sa trente et unième édition, le congrès Online s’est tenu à Londres du 28 au 30 novembre 2006. Il a réuni environ 700 délégués ainsi que 250 entreprises proposant leurs produits durant l’exposition professionnelle. Environ quarante conférences ont permis de découvrir les nouvelles tendances dans le domaine de la recherche d’information, des bibliothèques virtuelles, du knowledge management ou des outils collaboratifs. Le choix des conférenciers est toujours extrêmement varié et ceux-ci sont issus de milieux très diversifiés comme la NASA, la BBC, IBM ou des administrations publiques (universités, gouvernements).
De nombreux spécialistes proposent des masterclass pour partager avec les participants leurs expériences de chercheur d’information ou discuter des compétences que doivent posséder les professionnels de l’information. A cela s’ajoute un blog tenu presque heure par heure pendant la durée du congrès et mettant en valeur certains points présentés lors des conférences. De nombreux conférenciers y ajoutent leurs commentaires.
Cette année, le thème central était l’information 2.0 et ses conséquences dans les organisations. Ce point a été abordé soit en termes d’outils soit en termes de nouvelles formes de collaboration au sein des entreprises ou des institutions publiques. Les réseaux sociaux avaient déjà fait l’objet de conférences l’année dernière mais de nombreuses réalisations ont été présentées lors de cette édition.
L’utilisation des blogs et des podcasts à la BBC a montré que ces outils apportaient des informations complémentaires aux sources proposées lors des journaux télévisés ou radiophoniques. Les usagers complètent ces sources en envoyant chaque semaine des centaines d’images et de vidéos sur le site de la BBC. Les responsables du site ont dû imaginer toute une série de scénarii pour répondre à la manière dont les usagers s’informaient. Ils se sont par exemple rendu compte que 80 % de leurs podcasts n’étaient pas trouvés directement sur leur site mais via l’application I-Tunes. Ils ont donc renforcé l’indexation de leurs sources par l'ajout de métadonnées de manière à ce qu’elles soient accessibles à partir d’autres applications. De manière générale on observe dans tous les milieux que la frontière entre producteurs d’information et utilisateurs s’estompe, les échanges se faisant dans les deux sens. On remarque également que des plateformes très coûteuses permettant l’échange de documents ou le travail collaboratif, sont complétées voire remplacées par des wikis ou des blogs nettement plus simples à utiliser mais également beaucoup moins onéreux. Le wiki permet par exemple de construire très rapidement une base de connaissances sur un sujet avec des contributions d'un grand nombre de collaborateurs de différents pays. Tant Microsoft qu’IBM ont adopté ces technologies et observent que le dialogue peut s’instaurer entre employés mais également entre les employés et la hiérarchie. Parfois le blog de l’entreprise va offrir un très bon moyen de s’informer sur l’entreprise sans passer par les journalistes qui vont effectuer une sélection des informations. Par exemple, une interview enregistrée sera proposée intégralement sur un podcast, et une interview effectuée par courrier électronique sera diffusée sur le blog. Il est essentiel que ces applications soient simples à utiliser pour que les collaborateurs se les approprient. Toutes les entreprises proposant le recours à ces technologies constatent que pour encourager les employés à les utiliser, elles ont dû développer de nombreuses aides. Afin d’éviter les dérapages, elles mettent en place des procédures spécifiques.
Les bibliothèques publiques ou universitaires ont également intégré ces outils et le concept "Library 2.0" a été maintes fois évoqué. De nombreux exemples ont illustré ce thème. La British Library a créé une galerie en ligne (1) qui propose des podcasts et des webcasts et des bibliothèques publiques, comme la Cheshire Public Library (2) , offrent des podcasts de livres audio (libres de droits) pour les enfants. D'autres encore utilisent des wikis pour partager des informations avec leurs usagers.
En ce qui concerne la recherche d’information, on a constaté que Google n’a pas renouvelé sa présence à l’exposition professionnelle. Google vient d’ailleurs d’abandonner son service « Google Answers » certainement pas assez rentable et souvent peu pertinent. La plupart des outils de recherche tirent le maximum de leurs revenus de la publicité (99 % du chiffre d'affaires pour Google) et sont considérés comme des sociétés publicitaires plutôt que de réels outils de recherche. Ainsi, l'outil de recherche d'information scientifique Scirus (3) apporte des revenus à la société Elsevier dans la mesure où il fournit des résultats provenant en partie des périodiques ou monographies scientifiques publiés par Elservier et de sites scientifiques.
Du côté des nouveautés, MSN a présenté sa nouvelle interface Live Search qui offre de très bonnes options de recherche d’images ou de vidéos. Windows Live propose une nouvelle application « Live Search Academic » en version Beta, qui semble offrir un contenu plus homogène que Google Scholar et qui permet, par exemple, de trouver des références structurées que l'on peut récupérer dans un logiciel de gestion bibliographique (EndNote,etc.). Actuellement, il est encore difficile de se faire une idée précise des fonctionnalités de « Live Search Academic » car ce service est en développement. On remarque que de plus en plus d'outils intègrent une fonction de recherche de flux RSS. Les outils qui proposent la catégorisation et le filtrage des résultats étaient également mis en valeur. Accoona (4) ou Exalead (5) proposent ces options et sont toujours cités par les professionnels de la recherche comme offrant des fonctionnalités particulièrement utiles. Sur Accoona, on peut ainsi cibler les résultats en fonction de différents critères comme les entreprises, les lieux, les personnes, etc. Cet outil recourt à l'intelligence artificielle pour analyser les termes entrés lors d'une requête afin de contextualiser les résultats. Quant à la société Exalead, elle proposait un stand et son président, François Bourdoncle, intervenait dans des conférences.
Les conférenciers se sont tous entendus pour affirmer que toute recherche professionnelle d'information doit être réalisée sur des robots travaillant avec des algorithmes (comme Google) mais également sur des sites où la personnalisation et la sélection humaine sont essentielles. Les réseaux sociaux où le partage d'information est valorisé (comme le propose un site tel que Del.icio.us (6) ) sont fortement plébiscités. On observe d'ailleurs que de plus en plus de bibliothèques intègrent ces outils spécifiques au Web 2.0 qui les rendent interactives, collaboratives et multimédias.
La prochaine édition d'Online Information aura lieu du 4 au 6 décembre 2007 à Londres. Les informations sont disponibles sur le site d'Online à l'adresse http://www.online-information.co.uk/
Bütikofer, Niklaus. Managing and archiving records in the digital era : changing professional orientations
Ressi — 29 mars 2007
Claire Peltier, Haute Ecole de Gestion, Genève
Bütikofer, Niklaus. Managing and archiving records in the digital era : changing professional orientations / ed. By Niklaus Bütikofer, Hans Hofman, Seamus Ross. Baden : Hier+Jetzt, 2006. 131 p.
Le présent ouvrage constitue les actes d’un colloque organisé par les Archives fédérales suisses (Berne, octobre 2004) dans le cadre du projet européen ERPANET (Electronic Resource Preservation and Acess Network). Il regroupe des communications émanant d'une palette de professionnels néerlandais, américains, allemands, français, britanniques, luxembourgeois, australiens, italiens et canadiens. L'objet du colloque était de confronter les points de vues des participants sur six problèmes liés à l'avènement d'un "Nouvel ordre numérique". Ces six questions se ramènent en fait à trois problèmes fondamentaux : les nouveaux défis posés par la gestion et la conservation des documents électroniques ainsi que l’évolution des besoins concomitants des usagers, la nécessité de nouveaux modèles d'organisation de l’archivage et la pertinence (ou non) des paradigmes archivistiques existants, et enfin l'impact de l'ère numérique sur l'archivistique et ses disciplines connexes. En un mot, il s'agissait de réfléchir aux moyens de repenser l'archivistique et aux formations professionnelles reliées à celle-ci.
Défis posés par le "Nouvel ordre numérique" et nouveaux besoins des usagers
Ces défis découlent notamment de l’instabilité, de la production exponentielle et de l’obsolescence rapide des documents électroniques. Eric Ketelaar (Pays-Bas) fait ainsi remarquer que l'ère du numérique a fait disparaître la notion même de document "original" (p. 11) : comme signalé par Maria Guercio (Italie), il n'y a plus, tout au plus, que des "copies authentiques" (p. 96). En outre, les informations tendent à s'accroître exponentiellement tout en devenant plus faciles et moins coûteuses à stocker (Eric Ketelaar, p. 13), ainsi que d'une accessibilité sans précédent (Helen R. Tibbo, USA, p. 16). Les documents électroniques ont pour particularité d'être accessibles au public dès leur création, d'échapper au contrôle des archivistes (Barbara Reed, Australie, p. 78) et de devenir vite obsolètes à la suite de leur altération ou suppression (Guercio, pp. 87, 94 et 100; Wendy Duff, Canada, p. 105). Le "Nouvel ordre numérique" affecte ainsi les fonctions traditionnelles relatives à la préservation, à la description et à l'accès aux ressources documentaires (Duff, p. 111). En conséquence, de nouvelles méthodes et conditions de travail s'imposent en réponse aux demandes croissantes d'information, à la diversification des publics (Delmas, p. 44-45) aussi bien qu'à la "stabilisation" de la documentation (Angelika Menne-Hartiz, Allemagne, p. 34).
Nécessité de nouveaux modèles d'organisation de l'archivage et pertinence (ou non) des paradigmes archivistiques existants
De l'avis général, la disparition de la notion de document original requiert une interdépendance accrue au niveau des concepts, théories et méthodes de travail jusque-là en vigueur. Pour certains contributeurs, les paradigmes existants restent valides tout en en requérant une certaine redéfinition des responsabilités archivistiques, Dans ce sens, Bruno Delmas, (p. 45) insiste sur la nécessité pour l’archiviste d’acquérir un certain degré de connaissances informatiques, de travailler en équipe et même d’intervenir à la source, de manière à devenir un acteur à part entière de la création des documents électroniques. Vu la nécessité d’une synergie entre archivistes, bibliothécaires, conservateurs de musées et informaticiens (Duff, pp. 105, 110-111 et 112), certains font valoir que la pratique australienne du records continuum – qui implique un traitement cohérent et uniforme de tout document, numérique on non, depuis la création du document jusqu’à sa conservation et son utilisation comme archives définitives – pourrait permettre le dépassement de la dichotomie existante entre archivistes et records managers (Guercio, p. 98). La méthodologie de cette pratique fait d’ailleurs l’objet d’une présentation complète par une professionnelle australienne (Barbara Reed, pp. 69-86).
Impact du "Nouvel ordre numérique" sur l'archivistique et les sciences de l'information
Le "Nouvel ordre numérique" appelle-t-il à la réunion ou à la séparation de la discipline archivistique au sens large du terme et des autres disciplines relevant des sciences de l’information ? Tout dépend de l'organisation pratique de la profession dans le pays considéré. En France, où le système archivistique est fondé sur une profession unique d'archiviste qui couvre l’ensemble des documents, il n'y a aucune raison de séparer le records management de l'archivistique (Delmas, p.43). Le scénario le plus plausible est celui d'une double formule : une fonction en deux métiers (comme en Amérique du Nord) ou deux fonctions en un métier comme dans la plupart des pays européens (ibid., p.48). Toutefois, une alliance entre les différentes disciplines par la voie de comités et d'équipes interdisciplinaires (Duff, pp.112-113), ainsi que l’élaboration de cursus communs (Elisabeth Sheperd, p.56) est nécessaire. Il est cependant clair que nulle discipline ne peut à elle seule fournir des solutions aux défis actuels (Duff, p.105).
Si le "Nouvel ordre numérique" pousse en faveur d'une unification de la doctrine archivistique et qu’un consensus règne entre les différents auteurs autour des nouveaux défis et de la nécessité d’implanter des nouveaux modes d’organisation, un point de désaccord n'en existe pas moins. Il se situe autour du choix de ces modèles : du côté français il est nécessaire de maintenir la dichotomie existante, tandis que du côté anglophone on souhaite dépasser cette même dichotomie.
Editorial n°5
Ressi — 29 mars 2007
Editorial n°5
Première livraison de l’année 2007, voici le numéro 5 de la Revue électronique suisse de science de l’information. Le fait même de pouvoir vous présenter ce cinquième numéro prouve que nous n’avons pas créé notre revue pour satisfaire à une mode ambiante mais bien parce qu’elle répond à un réel besoin de diffusion des travaux.
Dans la rubrique Etudes et recherches, Isabelle de Kaenel et Pablo Iriarte du Centre Hospitalier universitaire vaudois, nous proposent une étude de synthèse sur les nouveaux champs d’application possibles des catalogues et analysent les conditions de base pour obtenir un « Open catalog ». Les nouveaux usages et les nouveaux outils tendent à faire un rapprochement entre utilisateurs et catalogues en ligne et dans leur étude, les auteurs étudient les conditions qui font que l’on s’achemine vers un catalogue qui n’est plus un outil isolé du monde mais également une ouverture aux services web externes.
Dans les Compte-rendu d’expériences, Anne-Christine Robert, Tamara Morcillo et Michel Maillefer de l’Université de Genève, relatent une expérience de partenariat entre la Faculté de Médecine, la Faculté des Sciences et la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’Université de Genève. La collaboration a montré des problématiques de gestion similaires dans les trois institutions et les auteurs nous démontrent les avantages d’une démarche collective pour un appel d’offre de périodiques. Réjean Savard, de l’Université de Montréal nous fait part d’une expérience de pédagogie de projets menée par les étudiants de l’Ecole de bibliothéconomie et des sciences de l’information visant à comparer les bibliothèques publiques du Québec et celles de Suisse romande.
Sous la rubrique Evénements, Danielle Mincio, membre du Swiss Librarians for International Relations (SLIR) se pose la question de savoir en quoi le Sommet mondial sur la Société de l’information peut être utile au développement des bibliothèques ? Après les Conférences de Genève en 2003 et de Tunis en 2005, peut-on voir l’effet des recommandations sur les bibliothèques ? Ariane Rezzonico de la Haute école de gestion de Genève, nous donne un aperçu du 31ème Congrès Online Information 2006 qui s’est tenu à Londres en décembre dernier sur le thème : Se préparer à l’information 2.0. Congrès mondial avec environ 700 délégués de tous pays, cette manifestation est l’occasion d’observer les tendances dans le domaine de la gestion, du traitement et de la diffusion de l’information.
Claire Peltier, de la Haute école de gestion de Genève, nous propose une recension de l’ouvrage coordonné par Niklaus Butikofer relatant le colloque organisé par les Archives fédérales suisses en octobre 2004 à Berne, dans le cadre du projet ERPANET (Electronic Resource Preservation and Access Network).
Nous remercions tous les auteurs qui ont contribué à ce numéro.
Nos forces ne nous permettent pas actuellement une publication plus fréquente mais, dans un souci de donner plus de dynamisme à RESSI, Benigno Delgado, de la Haute école de gestion de Genève, vous propose une nouvelle maquette basée sur un « portail » de type CMS (Content Management System). Celle-ci permet une simplification de la gestion des articles soumis, possède des fonctionnalités de recherche et une plus forte interaction avec les lecteurs et avec l'actualité. Ce numéro apparaît donc en deux versions simultanément. La nouvelle mouture de notre revue, dont l’adresse provisoire est http://www.otracuba.org/ressi, est encore en construction et des améliorations aussi bien dans l’interface que dans la gestion seront effectuées. Nous souhaitons que le lecteur n’hésite pas à employer l’interactivité pour nous communiquer ses réactions, ses critiques et ses propositions.
Bonne lecture
Les catalogues des bibliothèques : du web invisible au web social (I)
Ressi — 29 mars 2007
Isabelle de Kaenel, CHUV, Lausanne
Pablo Iriarte, CHUV, Lausanne
Résumé
Les catalogues des bibliothèques sont rentrés dans une phase critique. Les dernières évolutions du web, avec l’entrée en jeu enfin de XML, des nouveaux usages et nouveaux outils, ainsi que le déplacement du centre de gravité qui s’est fortement rapproché des utilisateurs, ouvrent de nouvelles voies et de nouveaux champs d’application pour les catalogues en ligne. Le catalogue n’est plus un outil isolé du monde : dans un mouvement à double sens, il doit s’ouvrir à Internet autant pour tirer parti des services web externes, de plus en plus importants, que pour l’alimenter en contenu et fournir des informations structurées et validées tout en permettant aux utilisateurs d’apporter du contenu et du sens, ainsi que de s’approprier les données du catalogue en lui offrant des nouvelles possibilités de réutilisation à travers les réseaux. Cet article fait un inventaire de ces nouveaux champs d’application possibles et analyse les conditions de base qu’un catalogue devrait remplir pour pouvoir quitter le web invisible et investir pleinement les possibilités actuelles du web social pour devenir enfin un « OpenCatalog ».
Les catalogues des bibliothèques : du web invisible au web social (I)
Introduction
Les catalogues des bibliothèques sont tombés en disgrâce (Markey, 2007). Délaissés, ignorés, critiqués (1) et, dans le pire des cas, ridiculisés(2) , ils nous lancent un dernier cri d’alarme avant de tomber dans le tiroir des outils oubliés. Or, les dernières évolutions du web(3) , avec l’entrée en jeu enfin de XML(4) , des nouveaux usages et nouveaux outils, ainsi que le déplacement du centre de gravité qui s’est fortement rapproché des utilisateurs, ouvrent de nouvelles voies et de nouveaux champs d’application pour les catalogues en ligne. Le temps est donc venu d’aider ces outils de recherche à sortir de cette image négative liée à une complexité, certes inévitable mais jamais compensée par un aspect créatif. Peu armés pour affronter la rapidité des changements de l’ère Internet au cours de ces dix dernières années, les bibliothécaires se sont plus ou moins contentés d’un fonctionnement qui semblait avoir fait ses preuves, avec de promesses d’améliorations, sans vouloir se rendre compte que, tout autour, le monde de l’information numérique expérimentait plusieurs révolutions. Il est bien connu que celui qui n’avance pas…
La tendance est pourtant depuis quelque temps vers la flexibilité et l'ouverture : « Open Source(5) » (ouverture du code source des logiciels), « Open Access(6) » (accès ouvert aux publications et données issues de la recherche scientifique et technique) et « Open Archives Initiative(7) » (ouverture et interopérabilité entre serveurs institutionnels dépositaires de cette production), « OpenURL(8) » (liens ouverts grâce aux métadonnées encodées dans l'URL(9) ), « OpenSearch(10) » (syntaxe des requêtes et format des résultats ouverts), sont des exemples concrets des réalisations qui ont modifié le monde de la documentation numérique. Le but de cet article est donc de faire un petit inventaire de ces nouveaux champs d’application possibles et d’analyser les conditions de base qu’un catalogue devrait remplir (sans devoir tout remettre en question et sans renoncer aux acquis qui font sa spécificité et sa richesse), afin d’investir pleinement les possibilités actuelles et devenir enfin un « OpenCatalog(11) ».
Plusieurs raisons peuvent expliquer ce retard en dépit d’une communauté de bibliothèques bien structurée et dynamique. Les contraintes physiques et matérielles importantes imposées aux catalogues (catalogues papier reliés en volumes, format des cartes pour les cardex ou limitations de mémoire pour les premiers systèmes informatisés) ont probablement joué un rôle majeur (Calhoun, 2006, p. 36). Ainsi, le catalogue a pris l’option d’être un système autoréférentiel, autarcique, dans le sens où il s’autosuffisait, ne citant pratiquement pas de ressources externes en dehors de son propre univers informationnel. Par conséquent, la bibliothèque de type universitaire ou encyclopédique, utilisant ce modèle de catalogue, qui a parfaitement fonctionné et perduré pendant des siècles, complété par d’imposantes bibliographies, des répertoires des périodiques, des services de commandes et de prêt entre bibliothèques, pouvait alors prétendre à une très large exhaustivité.
La combinaison de ces deux aspects a engendré des méthodes de travail : le catalogage, et un produit : le catalogue, qui ont peu évolué en comparaison avec le reste des outils informatiques dans le domaine de l’édition commerciale qui, eux, ont dû faire face et s’adapter plus rapidement aux changements radicaux survenus depuis l’arrivée du web et des NTICs(12). Les bibliothèques ne se sont pas mobilisées pour faire évoluer leurs catalogues face à ces bouleversements. Les évolutions restent très lentes, avec beaucoup d'expérimentations et des réalisations partielles(13).
Si nous remontons dans le temps, nous pouvons constater que les bibliothèques ont été très actives dans la période d’informatisation des catalogues au cours des années 70-80, dont l’un des meilleurs exemples est le système de catalogage et de gestion SIBIL(14) développé à la BCU(15) de Lausanne (Gavin, 1997). Cette étape a apporté le format MARC(16) utilisé actuellement dans la plupart des bibliothèques, malgré une remise en question récurrente. Les bibliothèques ont aussi participé activement au projet du WWW. Par exemple, il est significatif que le premier site web en dehors du CERN(17) fût créé par Louise Addis, bibliothécaire du Stanford Linear Accelerator Center (SLAC)(18), qui devenait ainsi la première bibliothécaire–webmaster de l’histoire(19). Aussi, dès les premiers temps du web, les catalogues des bibliothèques sont devenus accessibles sur la Toile de manière libre et gratuite pour la plus grande satisfaction des utilisateurs du monde entier. Ces OPACs (« Online Public Access Catalog ») ont été aussi l'une des premières réalisations à grande échelle du principe de la séparation entre contenu et mise en page, principe popularisé plus tard pour les systèmes de gestion de contenu (CMS)(20). L’aspect collaboratif du travail de catalogage partagé (chaque notice du catalogue peut en principe être corrigée ou améliorée par n’importe quel autre catalogueur du réseau) était aussi en avant par rapport à son temps. Cependant, ce sont les wikis(21) qui, en donnant cette possibilité d’édition des données à tout un chacun, ont poussé le concept de travail collaboratif à l’extrême et l’ont popularisé dans l’univers du web. De la même façon, le protocole de communication Z39.50(22) , développé et maintenu depuis plus de 20 ans par la Library of Congress(23) , fut l’un des précurseurs d’Internet et, malgré un déclin important dû à son « incompatibilité » avec les technologies web(24) , il est toujours utilisé par un bon nombre de logiciels (bibliographiques ou de pompage des notices) et de plateformes de métarecherche comme le KVK(25).
Lorsque les catalogues informatisés (souvent gérés, comme dans le cas de SIBIL, avec des outils développés localement) ont atteint une taille trop importante, ils ont dû migrer sur des outils devenus propriétaires et développés par des entreprises commerciales internationales. Cette évolution a peut-être tué une bonne partie de l’initiative des bibliothèques qui se sont peu à peu tournées vers d’autres fronts (Open Access et serveurs institutionnels pour lutter contre la crise des prix des périodiques et gérer les publications institutionnelles par exemple) et vers d’autres outils destinés au web et venant compléter le catalogue (portails, CMS, blogs(26) et wikis, podcasts(27) , outils de gestion de liens(28) et de recherche fédérée…), laissant un peu pour compte son outil principal de travail dont on annonce régulièrement plus ou moins la fin ou la désintégration.
Ainsi, la publication web des catalogues reflète encore passablement cet ancien esprit autarcique, et les OPACs restent souvent « déconnectés » du reste des ressources en ligne(29) et sont, encore aujourd’hui, conditionnés par d’anciennes limitations qui n’ont plus de sens dans l’environnement culturel et technologique actuel.
Le catalogue n’est plus un outil isolé du monde. Dans un mouvement à double sens, il doit s’ouvrir au web autant pour tirer parti des services web externes, de plus en plus importants, que pour alimenter le web en contenu et fournir des informations structurées et validées. L’enjeu est de taille : comment rester fidèle à son sens premier (répertorier de manière cohérente les ressources mises à disposition du public et aider à la recherche, découverte, localisation, et gestion des collections) tout en permettant aux utilisateurs d’apporter du contenu et du sens, ainsi que de s’approprier les données du catalogue en lui offrant des nouvelles possibilités de réutilisation à travers le web. Sans se pervertir, le catalogue doit évoluer rapidement pour pouvoir rester dans la course où il a déjà pris un retard considérable.
La conclusion d’un rapport commandé par la Library of Congress en 2006 ne laisse pas de doutes sur le chemin qui reste à parcourir : “The future will require the kind of catalog that is one link in a chain of services enabling users to find, [pick], and obtain the information objects they want. One requirement of this future catalog is thus to ingest and disperse data from and to many systems inside and outside the library. It would be helpful to reconsider what needs to be part of catalog data —and where catalog data needs to be present— to facilitate the user’s process of discovering, requesting, and getting the information they need.” (Calhoun, 2006, p. 38).
Dans les pages suivantes, nous essayerons d’explorer les possibilités de mise en place de ces deux ouvertures souhaitables du catalogue : l'ouverture à l'intégration des nouveaux contenus (internes ou externes) et, d'autre part, l'ouverture à de nouvelles formes d'utilisation de ses propres données par des tiers.
1ère partie : ouverture du catalogue à l'intégration des nouveaux contenus
1. Intégration de l’hypertexte : deux modèles à suivre
Grâce aux logiciels libres et surtout au couple PHP/MySQL(30), l’architecture de la Toile a changé et repose désormais sur un vaste ensemble de bases de données. Le Web est devenu une véritable plateforme de travail, autonome, indépendante des contraintes spatiales ou matérielles liées à des systèmes d’exploitation, des versions des logiciels, etc. De la même façon que la messagerie peut être utilisée depuis n’importe quel ordinateur relié à Internet à l’aide d’un simple navigateur, il sera bientôt possible de travailler avec un minimum de logiciels et clients lourds installés sur les postes, car la plupart des outils seront disponibles en version 100% web(31).
A l’image des développements réalisés pour les autres outils de gestion et de diffusion de l’information, la logique et les mécanismes de fonctionnement du catalogue sont de plus en plus orientés vers le web, au détriment des autres formes de consultation ou de publication (clients professionnels en mode OPAC installés sur les postes de consultation, bulletins de nouvelles acquisitions, bibliographies nationales…). Si cette tendance suit un certain effet de mode, elle correspond aussi à un changement dans le mode de fonctionnement de la société occidentale, de plus en plus relié à Internet à haut débit, et qui dédie de plus en plus de temps à la « consommation » de médias numériques, qui dépassent déjà chacun des autres médias traditionnels (TV, radio, journaux et revues papier, cinéma, etc.)(32) . Cette évolution qui semble pour l’instant irréversible, nous pousse à repenser le catalogue comme un outil fait par et pour le web, intégrant ainsi de manière véritable ce média dont la caractéristique et l’avantage principal réside dans l’immédiateté et dans la navigation à travers les liens hypertexte. Les deux outils principaux de publication web actuels, les blogs et les wikis, sont des bons exemples de la façon dont cette dimension hypertextuelle peut être ajoutée à l’information de manière simple et rapide.
Les blogs
Tout comme la messagerie web, le blog, né directement dans l’univers de l’Internet, a adopté le HTML comme langage principal. Il utilise toutefois un intermédiaire pour aider les non initiés à la saisie : le code HTML est généré et caché automatiquement par un outil d’édition de type WYSIWYG(33) . Pour les courriels, le code HTML est encapsulé dans le corps du message. Dans les blogs, il est enregistré dans la base de données et re-proposé à nouveau tel quel sur le web(34) :
Les wikis
Dans les wikis, le code HTML est simplement produit à la volée(35) au moment de l’affichage de la page. Les balises HTML sont créées dynamiquement en fonction de la syntaxe propre au wiki. On assiste alors à la transformation d’une syntaxe arbitraire et plus ou moins proche du HTML vers la syntaxe HTML. Par exemple :
La syntaxe wiki étant plus facile à retenir que les balises HTML, les textes peuvent être alors écrits rapidement et on peut utiliser l’aide des boutons de l’éditeur qui effectuent les mêmes fonctions que les éditeurs WYSIWYG, mais sans cacher le code et sans faire la transformation en HTML. Seul le texte avec la syntaxe propre au wiki est alors enregistré dans la base de données et non pas du code HTML.
Cette intégration du code au message, en HTML ou selon une syntaxe propre, permet d’apporter les améliorations suivantes avec peu d’efforts :
- Disposer du véritable hypertexte, avec des liens internes ou externes intégrés au message sans devoir à chaque fois afficher l’URL en clair.
- Ajouter une mise en page simple à l’intérieur du texte (courriel, corps d’un billet sur un blog, page entière d’un wiki) : gras, italique, souligné, listes numérotées ou à puces, tableaux, ajout d’images.
Extraire certaines parties (titres) dans le cas du wiki, pour créer des tables des matières à la volée.
Ces applications peuvent être utiles aussi aux catalogues dans les zones destinées aux notes, commentaires, résumés ou tables des matières, qui souffrent aujourd’hui du manque de mise en page et d’hypertexte :
Source : http://opac.rero.ch/get_bib_record.cgi?rero_id=R003636602
Source : http://www.saphirdoc.ch/permalien.htm?saphirid=41062
Cependant, avant d’appliquer l’un ou l’autre modèle au catalogue, il faut évaluer en profondeur les utilisations pour lesquelles cette introduction des balises ou des syntaxes pourrait être nuisible (impression des catalogues sur papier, maintenance à long terme des tables de conversion entre la syntaxe ou les balises et la mise en page…).
Malgré l’absence encore du véritable hypertexte dans les catalogues, il faut noter que le format MARC prévoit la zone 856(36) pour les URLs en admettant un sous-champ pour ajouter un commentaire qui permet de le qualifier ou de lui donner un contexte sommaire. Ces URLs sont alors transformés à la volée en hyperliens par le système au moment de l’affichage qui, trop souvent encore, se fait uniquement au niveau de la notice complète(37).
La présence des URLs dans la notice (champ 856 mais aussi dans le champ du titre, des notes, du résumé…) est un pas important, mais il n’est pas tout. Pour être vraiment utiles à l’internaute, ces URLs doivent impérativement être transformés en lien hypertexte dans la page HTML de l’OPAC, faute de quoi ils seront affichés comme du simple texte qui ne peut pas « être cliqué », et l’utilisateur doit faire recours au copier/coller pour placer cet URL dans l’adresse du navigateur. Pour éviter cela, les logiciels de gestion tentent systématiquement d’effectuer cette transformation URL -> hyperlien en scrutant chaque champ au moment de l’affichage, à la recherche d’un URL. Certains le font mieux que d’autres, car si en principe il est simple pour une machine de trouver le début et la fin d’un URL bien formé au milieu d’une chaîne de caractères (commence par « http:// » et fini par un espace), il est plus complexe de tester toutes les autres variantes possibles (l’URL ne commence pas par « http:// » mais directement par « www. » ; ou ne finit pas par un espace mais par un point, une virgule ou la fin d’une parenthèse…). Ce problème, récurrent aussi dans le cas des courriels qui portent des URLs dans le corps du message, est de difficile solution sans l’utilisation d’un codage à priori comme ceux utilisés par les blogs et les wikis.
Dans le cas du catalogue de RERO(38), le système convertit automatiquement à la volée chaque champ contenant « http:// » (856 mais aussi les champs de titre et des notes) en lien hypertexte, au moment de l’affichage sur l’OPAC. Cependant cette conversion se limite au premier URL trouvé dans le champ(39), et elle ne se fait pas pour les URLs qui ne commencent pas par « http:// » mais par exemple « www.»(40) , ce qui limite l’utilisation des liens dans un même champ. Dans le réseau SAPHIR(41), étant donné que le nombre des URLs est plus important à l’intérieur d’un seul champ comme le résumé, la transformation a été étendue à tout URL contenu dans ce champ, et aussi pour ceux qui commencent par « www. ».
Si cette génération à la volée des hyperliens est possible grâce aux caractéristiques reconnaissables des URLs, pour les autres points utiles du codage à priori (mise en page, gras, italique, listes…) il n’y a pas de solution automatique à posteriori. Par conséquent, pour améliorer la mise en page et faciliter la lecture pour les longs résumés correspondant à certains dossiers thématiques, le catalogue SAPHIR a adopté le modèle du wiki de façon encore informelle comme nous le montre la copie d’écran ci-dessous.
Source : http://www.saphirdoc.ch/permalien.htm?saphirid=45776
De son coté, le logiciel Alexandrie(42), SIGB utilisé par ce réseau, a aussi introduit une possibilité de mise en page dans les résumés des documents, en suivant le modèle du blog : trois boutons permettent d’ajouter les balises HTML pour appliquer au texte les styles gras, italique et souligné. Deux autres boutons permettent d’ajouter des liens hypertexte sur des pages externes ou des documents internes à la base, et encore deux pour ajouter des images du serveur :
Dans le champ de logiciels de gestion bibliographiques, le système RefWorks(43), qui fonctionne entièrement sur le web, a aussi introduit un éditeur WYSIWYG pour ajouter certains styles (gras, italique, souligné, exposant ou indice) aux champs titre, notes et commentaire :
Le code HTML introduit dans la base est correctement supprimé dans tout format d’export sauf pour les bibliographies de type HTML ou RTF, dans lesquelles l’enrichissement graphique est utile et peut être conservé.
2. L'enrichissement des catalogues
Les systèmes automatisés mis au point pour la recherche d'informations textuelles sur le web, moteurs de recherche, annuaires, méta moteurs, rivalisent en performance et en innovations et montrent le chemin en matière de fonctionnalités et d'enrichissements possibles pour les catalogues. Plusieurs niveaux sont concernés : le graphisme, l'ergonomie de l'affichage, l’intégration d’informations complémentaires (résumés, commentaires, tables des matières), l'aide à la recherche, les possibilités de tri des résultats, etc.
Images de couverture, résumés et tables des matières des livres
Les catalogues de bibliothèques sont des mines d'information librement disponibles. Mais les données sont très dépouillées et certaines informations importantes manquent encore terriblement à l'appel, comme les tables des matières et les résumés.
Depuis plusieurs années, les moteurs de recherche et les sites commerciaux comme Amazon(44) ont montré une très grande inventivité en enrichissant de plus en plus leur contenu qui, en devenant plus étendu, attire de plus en plus d'utilisateurs qui à leur tour le complètent, dans un phénomène de cercle vertueux qui s’auto-génère une fois dépassée une certaine masse critique. Des fournisseurs de services sont alors apparus permettant aux bibliothèques de s'offrir ce que d’autres avaient réussi à intégrer : tables des matières, résumés et images de couverture sont maintenant vendus ou loués par des sociétés comme Electre(45) ou Syndetics(46). Il est ainsi possible de les ajouter au catalogue à la demande (au moment de la visualisation de la notice complète par exemple) à partir de l'ISBN(47) du document.
Avec une autre logique commerciale visant plutôt à étendre son rayon d’influence et à promouvoir son site grâce aux liens hypertexte, les services web mis en place par Amazon(48) , permettent depuis l’année 2002 d'utiliser gratuitement le contenu en provenance de sa propre base (images des couvertures, revues des lecteurs, prix, etc.) sur n'importe quel autre site Internet qui respecte les conditions légales d’utilisation. Ainsi plusieurs catalogues utilisent déjà les services web d’Amazon pour enrichir les pages du catalogue : Dreiländerkatalog(49) , Lamson Library(50), etc.
Le catalogue SAPHIR, qui a toujours repris dans ses notices des résumés et éléments de tables des matières, utilise maintenant aussi ces services web pour afficher l’image de couverture sur la page de la notice complète des livres. En utilisant de façon contextuelle l’ISBN et le code de la langue du document introduits au catalogage, la technique AJAX(51) permet d’appeler les services web d’Amazon.fr, Amazon.de ou Amazon.com du côté client (c’est le navigateur qui fait le travail) sans aucune charge supplémentaire du coté serveur(52) :
Source : http://www.saphirdoc.ch/permalien.htm?saphirid=44787
Si l’affichage à la demande dans l'OPAC de contenus externes est intéressant et relativement facile à mettre en place, il a le désavantage de ne pas enrichir le contenu de la base de données. Si les tables des matières et les résumés ne sont pas indexés comme les autres champs, il ne sont pas recherchables en même temps que les données du catalogue. D'autres services permettent de remédier à cet inconvénient en permettant d'importer dans la base de données des résumés et tables des matières qui sont alors vendus, et non plus simplement accessibles sous licence comme dans le cas précédent.
Echanges des notices entre catalogues
Avec l’utilisation des AACR2(53) comme règles communes de catalogage et, grâce à des outils simples de pompage(54), intégrés au système de gestion et qui utilisent le protocole Z39.50 mais aussi des techniques d’extraction à partir de pages web, les bibliothèques ont commencé plus que jamais à réutiliser des notices en provenance d’autres catalogues.
En dépit de la réticence de certains catalogueurs qui voient là un risque de perte de créativité (Gavin, 2006), cet usage est devenu très courant et soutenu(55) par la plupart des bibliothèques des réseaux suisses (RERO, IDS(56), etc.).
Importation et syndication des notices d’articles
L’explosion de la production scientifique a poussé depuis quelques années les producteurs de bases de données bibliographiques à développer des partenariats forts avec les éditeurs. Par exemple, la NLM(57), qui produit une base de la taille et de l’importance de PubMed(58), a cessé en 2006 d’introduire manuellement les métadonnées dans sa base, grâce au développement à grande échelle de l’importation des notices d’articles en format XML fournis par les éditeurs(59). Cette technique d’importation des flux XML permet à PubMed de diffuser très rapidement l’information reçue, car les contrôles et les améliorations successives des notices (corrections, indexation…) se font progressivement sans entraver la diffusion des références, qui gardent le même identificateur quel que soit le stade du traitement dans le système. Lorsque les éditeurs ne sont pas à même de fournir les notices dans ce format XML, un système de numérisation puis d’OCR(60) est utilisé pour importer les références avec les résumés dans la base.
Ces partenariats ont toujours fait défaut dans le domaine des bibliothèques, où la relation avec les éditeurs n’est pas de toute évidence, car l’un des rôles subversifs de la bibliothèque provient du fait qu’elle donne accès, à moindre coût, à des contenus soumis au droit d’auteur (Le Moal, 2004) et surtout aux lois du commerce. Du moment où l’hypertexte entre en jeu, les bibliothèques ont un argument pour la négociation, car elles peuvent rendre service aux éditeurs en ajoutant des liens vers leurs plateformes de commerce électronique (ou via des librairies en ligne), ce qui pourrait permettre de développer des collaborations plus importantes.
Une autre possibilité à explorer pour les bases qui ont des ressources plus modestes est d’utiliser les flux RSS(61) offerts par les éditeurs comme source pour l’importation des données dans le catalogue. Le projet TOCRRoS(62) va dans ce sens, en permettant d’ajouter automatiquement et périodiquement les articles publiés par les revues pour lesquelles la bibliothèque dispose d’un abonnement en cours. Le logiciel de gestion Alexandrie permet depuis la version 6 d’importer automatiquement des contenus en provenance des flux RSS externes.
Sans arriver à l’intégration de ces informations dans le catalogue lui-même, une dernière possibilité consiste à afficher le contenu du dernier numéro d’un périodique proposant un flux RSS, au moment de l’affichage de la notice complète dans l’OPAC (Iriarte, 2006). Cette possibilité nécessite l’enregistrement préalable de l’adresse du flux RSS dans le catalogue, pour ensuite pouvoir utiliser de façon contextuelle des services de conversion RSS -> Javascript offerts par différents sites(63).
Importation des notices en provenance des archives ouvertes : utilisation du protocole OAI-PMH(64)
De la même façon qu’aujourd’hui nous pouvons importer dans le catalogue des informations en provenance des flux XML (en format ONIX(65), RSS ou autre) proposés par les éditeurs, il serait possible d’utiliser le protocole OAI-PMH pour ajouter des références en provenance des archives ouvertes ou des dépôts institutionnels comme e-prints(66), arXiv(67), HAL(68), RERO DOC(69), Infoscience(70), etc.
Cette possibilité de moissonner des serveurs de documents à partir du catalogue ne semble pas, à notre connaissance, avoir été exploitée dans les bibliothèques. C’est plutôt dans le sens inverse, c’est-à-dire l’intégration des notices du catalogue dans une base externe, que nous pouvons trouver des réalisations, comme dans les cas des notices de l’OPAC intégrées au serveur institutionnel du CERN (CERN Document Server(71)) ou dans la plateforme Infoscience de l’EPFL (72).
Cette intégration des références provenant de sources hétérogènes dans une couche supplémentaire, permet une plus grande souplesse : il n’y a pas le risque de toucher aux notices qui servent en même temps à la gestion, et éviter d’appliquer aux données importées les mêmes critères de qualité et de sécurité que pour les notices du catalogue. La base de données située dans cette couche (par exemple WorldCat(73), Dreiländerkatalog, TEL(74), etc.) peut alors proposer de nouveaux services et peut être ouverte aux contenus générés par les utilisateurs, dans la ligne des outils sociaux ou web 2.0(75). Dans ce sens il y a un nouveau marché qui se développe, avec des nouveaux outils orientés web 2.0 qui sont proposés aux bibliothèques comme RLG(76), Primo(77), etc.
Texte intégral
L’année 2006 a vu le développement de la campagne de numérisation de livres à grande échelle, « Google Books(78) » , entreprise par la société Google en 2004 en collaboration avec deux groupes de partenaires : d’un côté certains éditeurs et de l’autre un groupe restreint de bibliothèques(79) . D’abord appelé « Google Print », le nom du programme est devenu « Google Books » en 2006, pour palier entre autres aux tensions entre Google et certains éditeurs.
Sans complexe, Google Books affiche l’ambition « de travailler avec des éditeurs et des bibliothèques pour créer un catalogue virtuel complet de tous les livres et dans toutes les langues, dans lequel les internautes pourront effectuer des recherches. »
Si ce projet reste encore très controversé (Salaün, 2005), il a eu le mérite de réveiller la communauté des bibliothèques qui, avec le Président de la Bibliothèque Nationale de France M. Jeanneney à la tête, a réagi de façon active en donnant une impulsion plus forte au projet de la bibliothèque numérique européenne(80) . D’autres bibliothèques ont aussi annoncé des projets de numérisation à large échelle. La British Library(81) a conclu un partenariat avec la société Microsoft(82). De leur côté Yahoo! et la fondation Internet Archive(83) ont aussi annoncé le début de sa propre campagne « Open Content Alliance(84) » . La Library of Congress est, quant à elle, en discussion avec l’UNESCO pour amorcer le lancement d’une Bibliothèque numérique mondiale(85).
Le projet de Google a aussi commencé à porter ses fruits et une grande quantité d’information contenue dans ces bibliothèques est devenue accessible, même si la qualité de numérisation peut être jugée décevante(86). A l’heure actuelle, 10'000 éditeurs et 13 bibliothèques font partie du projet dans son ensemble et, selon les chiffres donnés par Google, le nombre des livres dans son index avoisine le million(87).
Selon le contrat que les bibliothèques participant au volet « Google Books for Libraries » ont signé avec la société Google(88), les fichiers issus de la numérisation ne pourront pas être diffusés par la bibliothèque sans l’accord de Google, ce qui limite leur utilisation dans le catalogue. Malgré cette entrave commerciale, la bibliothèque de l’Université de Michigan(89) propose de visualiser le document numérisé(90)en format image, texte ou pdf dans sa propre plateforme digitale(91) par le biais d’un lien figurant dans la notice complète du catalogue, parallèlement au lien sur le même document dans la plateforme de Google :
Source : http://mirlyn.lib.umich.edu/F?func=find-b&find_code=MDN&local_base=MIU01_PUB&request=39015014807104
Selon ce même principe, les bibliothèques établissent aujourd’hui de plus en plus des liens vers le texte intégral des documents situés sur des serveurs externes au catalogue : articles de périodiques électroniques (en open access ou payants), documents disponibles en libre accès dans les bibliothèques numériques nationales ou internationales (Gallica(92), Projet Gütenberg(93), Biblioteca Virtual Cervantes(94) …), e-prints et thèses des archives ouvertes, etc. Cependant, dans la plupart des cas, ce lien est créé uniquement manuellement (avec les risques que cela comporte, comme la faible pérennité des liens quand on sort du cadre du DOI(95)) et facultativement au moment de la création d’une nouvelle notice et non pas de façon rétrospective. Vu le rythme des campagnes de numérisation en cours, cela signifie que de plus en plus de notices dans nos catalogues resteront sans lien hypertexte avec la version électronique disponible pourtant quelque part sur Internet. Seul un outil performant de gestion des liens peut servir de solution à ce problème, comme nous l’évoquerons dans la deuxième partie, seulement. Après les difficultés rencontrées au moment vouloir intégrer les revues en format électronique au catalogue, nous risquons de nouveau de voir s’agrandir le fossé entre catalogue et ressources en texte intégral en ligne.
Concernant la recherche sur le texte intégral, étant donné que le stockage des documents numériques se situe généralement sur des serveurs déconnectés du catalogue, la recherche simultanée dans les métadonnées et dans le texte intégral des documents ne peut pas être proposée dans l’OPAC, sauf si c’est le catalogue lui-même qui rejoint cette plateforme des documents numériques, comme nous l’avons vu plus haut dans l’exemple du CERN et de l’EPFL.
Dans le cas de l’Université de Michigan, de même que dans le service « Search Inside » d’Amazon(96), la recherche dans le texte intégral ne peut se réaliser que sur un seul document à la fois. Il faut alors passer par Google Books pour pouvoir effectuer une recherche sur l’ensemble du texte intégral de la collection en même temps que sur les métadonnées fournies par la bibliothèque.
Liens profonds : le rôle des identificateurs
Comme nous venons de constater plus haut, les catalogues de bibliothèques introduisent de plus en plus de liens profonds pointant sur le texte intégral du document répertorié ou sur la notice bibliographique résidant sur une base de données externe comme PubMed, dans le but de donner à l’utilisateur le plus grand nombre d’informations disponibles et de source sure, concernant le document catalogué : résumé et liens offerts par PubMed, texte intégral ou résumé offert par l’éditeur de la revue ou sur une plateforme Open Access, nombre de fois que l’article est cité, offerts par une base de données comme Google Scholar, etc.
L’utilisation de ces liens profonds pose de nouveaux problèmes et de nouveaux défis aux catalogues, qui devraient en plus les maintenir à jour à l’aide des méthodes plus ou moins automatisés. Dans cette recherche de stabilité, seulement les liens profonds basés sur des identificateurs pérennes comme le DOI(97) , le PMID(98) ou un identificateur OAI-PMH(99) , ont de garanties de perdurer dans le temps. Il est donc évident qu’il faut utiliser ces identificateurs de façon préférentielle pour établir des liens dans le catalogue, et que nous devons les prendre en charge avec le même soin que nous appliquons à l’ISBN : dans un champ à part bien identifié et avec une syntaxe cohérente et normalisée de type URN(100) . Par exemple il serait préférable d’enregistrer le DOI ou le PMID dans un champ ad hoc et de générer l’URL à la demande, au lieu d’enregistrer cette adresse directement dans le champ dédié aux liens Internet :
- doi:10.1000/182 -> http://dx.doi.org/10.1000/182
- pmid:1234 -> http://www.ncbi.nlm.nih.gov/entrez/query.fcgi?cmd=retrieve&db=pubmed&list_uids=1234
La raison de cette préférence réside dans le fait qu’il est possible d’utiliser cet identificateur à d’autres fins que celui de construire un URL, comme par exemple l’utiliser dans un OpenURL destiné à trouver d’autres services associés au document ou bien dans un format d’export destiné à des logiciels bibliographiques. Bien qu’il soit toujours possible d’extraire automatiquement l’identificateur à partir de l’URL, c’est bien le cas contraire qui est plus aisé et canonique, d’autant plus que les URLs utilisés par CrossRef(101) et par PubMed, bien que garantis pour un bon nombre d’années, ne sont pas des liens pérennes et peuvent varier dans le futur (on peut imaginer par exemple un nouveau protocole qui remplacerait le http, etc.).
Dans la même optique, le catalogage des notices d’articles (aussi appelées notices analytiques) devraient incorporer autant que possible ces identificateurs pérennes ainsi que l’ISSN(102), seul élément d’identification fiable de la revue à laquelle ils appartiennent. Si ces informations, ainsi que la date de publication, le numéro du périodique, du volume, la page de début et celle de fin de l’article étaient codées de façon structurée dans ce type de notices, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui dans la plupart de catalogues de bibliothèques(103), l’utilisation d’un outil de gestion de liens serait beaucoup plus efficace et permettrait une plus grande précision à l’heure d’identifier l’existence du texte intégral ou de proposer des services associés via un OpenURL en provenance de l’OPAC.
Contenu généré par les utilisateurs
Suivant l’exemple des sites commerciaux comme Amazon et des outils sociaux de plus en plus nombreux (Wikio(104), del.icio.us(105), Flickr(106), Connotea(107) …), il est grand temps que les lecteurs puissent déposer des annotations, des tags ou des commentaires par rapport aux livres disponibles dans les catalogues des bibliothèques et, pourquoi pas, les laisser intervenir sur l'indexation des documents avec des tags, sans utiliser les ressources du SIGB, mais en offrant des applications s’appuyant sur des services web comme le fait par exemple HubMed(108).
Cette possibilité de commenter ou tagger l’information est déjà implémentée dans certains catalogues ou archives ouvertes : WorldCat, Lamson Library(109), Dreiländerkatalog, CERN Document Server… Cependant, elle est absent de la plupart des OPACs classiques gérés par un SIGB.
Utilisation des données de gestion
En s’inspirant d’Amazon, les catalogues ont commencé à exploiter les données générées par l’activité des utilisateurs pour effectuer des suggestions de lecture :
- à partir des données anonymisées en provenance des emprunts, comme le fait la Ann Arbor District Library (AADL)(110) : « Les utilisateurs qui ont emprunté ce document ont aussi emprunté…»
- à partir des données en provenance de la consultation web, comme le fait RERO DOC : « Les utilisateurs qui ont vu cette page ont aussi vu… »
La possibilité d’exploiter de façon dynamique et pondérée les données du document en cours de visualisation, peut aussi conduire à des suggestions de type « Related articles » de PubMed ou « Related Books » de WorldCat.
Autres services web bibliographiques
En dehors des services web d’Amazon, il y a malheureusement un choix très restreint pour le moment :
- XISBN(111) (OCLC) : ISBNs en relation avec l’ISBN envoyé (utilisé par le Dreiländerkatalog)
- CrossRef(112) : Métadonnées à partir d’un DOI et vice-versa
- PubMed(113) : une des applications les plus avancées dans ce domaine, il met à disposition de la communauté plusieurs services web : métadonnées à partir d’un ou plusieurs PMIDs ou vice-versa, ainsi que les articles liés ou les informations des bases de données connexes (génétique, moléculaire, etc.) à partir de l’identificateur d’une ou de plusieurs références. Il offre aussi par service web la correction orthographique des termes de recherche.
D’autres services web généralistes pourraient être aussi exploités, comme par exemple l’affichage des localisations géographiques des bibliothèques d’un réseau qui possèdent un document en particulier, en utilisant l’API de Google Maps(114). Un service web de ce type pourrait aussi être utilisé pour afficher l’emplacement précis dans lequel une image ou un film du catalogue a été prise. Ceci nécessiterait l’ajout des métadonnées géographiques (ou « geotagging »(115) ) au catalogage des images fixes ou animées, comme cela se fait déjà sur des plateformes de partage des photos comme Flickr(116).
Conclusion
Après cette énumération de services, d’outils et d’informations externes au catalogue dignes d’être incorporés dans cet outil, la question de la surcharge informationnelle pourrait être posée. Toutes ces options ne risquent-elles pas d’engendrer confusion et désorientation ? La force du catalogue résiderait-elle alors dans son dépouillement ? Nous pouvons en douter. Les catalogues offrent actuellement peu de possibilités pour que les utilisateurs, y compris les professionnels de l’information eux-mêmes, s’approprient cet outil, ce qui est indispensable pour qu’il puisse trouver une place importante dans l’ensemble du paysage informationnel du web, devenu aujourd’hui notre plateforme de travail.
Certes, le risque est grand de se retrouver noyé sous une masse impressionnante d'applications et d'informations. Mais en offrant des données riches, bien structurées et ouvertes à l’extérieur, ainsi qu’une interface ergonomique, simple d’utilisation et d’appropriation par les usagers, le catalogue peut prouver à nouveau son utilité et redevenir ainsi un élément fort dans l’univers d’Internet. Pour y arriver, nous avons parcouru quelques pistes qui vont dans le sens d’une maîtrise des technologies du web par les bibliothèques et dans l’intégration d’éléments externes au catalogue. L’autre aspect clé de la question, la face opposée de la même monnaie, réside dans l’ouverture du catalogue à de nouvelles formes d'utilisation de ses propres données par des tiers, dans un changement de mentalité qui considérerait « le web » comme un utilisateur à part entière.
Dans la deuxième partie de cet article, nous traiterons donc les aspects suivants liés à cette ouverture du catalogue vers la réutilisation de ses données :
- Citabilité et Permaliens
- OpenURL et COINS
- RSS
- Sitemaps
- Indexation par des moteurs de recherche
- Export XML pour Google Scholar
- Open search et SRU/SRW
- Services web et APIs
Notes
(1) Quelques exemples sortis de la « biblioblogsphère » : Burn the catalog http://www.swarthmore.edu/SocSci/tburke1/perma12004.html ; Disintegration, disenchantment, distrust, and development http://www.polarislibrary.com/forums/blogs/techtidbits/archive/2006/12/0...
(2) If amazon sucked like our old opac http://library2.csusm.edu/amazon/index.htm
(3) Caractérisés par le phénomène connu sous le nom du « web 2.0 »
(4) eXtensible Markup Language http://www.w3.org/XML/
(5) http://www.opensource.org
(6) http://openaccess.inist.fr
(7) http://www.openarchives.org
(8) http://openurl.info/registry
(9) Uniform Resource Locator http://www.w3.org/Addressing/URL/Overview.html
(11) http://www.opensearch.org
(12) Si ce terme est complètement nouveau, le concept ne l’est pas. Voir par exemple le projet « eXtensible Catalog (XC) » de l’Université de Rochester à New-York http://www.extensiblecatalog.info/ et http://www.rochester.edu/news/show.php?id=2518 Nouvelles Technologies de l’Information et la Communication
(13) Pour suivre l’évolution et les nouveaux OPACs innovateurs, vous pouvez utiliser la liste de diffusion « NGC4Lib - Next Generation Catalogs for Libraries » et ses archives : http://dewey.library.nd.edu/mailing-lists/ngc4lib/
(14) SIBIL était à l’origine l’acronyme de « Système intégré pour les bibliothèques universitaires de Lausanne » (Gavin, 1997)
(15) http://www.unil.ch/bcu
(16) MAchine-Readable Cataloging http://www.loc.gov/marc/
(17) Conseil Européen pour la Recherche Nucléaire. Aujourd'hui le nom CERN désigne l'Organisation européenne pour la Recherche nucléaire http://www.cern.ch
(18) http://www.slac.stanford.edu
(19) http://news-service.stanford.edu/news/2001/april11/addis-411.html
(20) Content Management System
(21) Outil de publication web instantanée et ouvert aux modifications des utilisateurs. Il est utilisé par exemple pour le projet Wikipédia http://fr.wikipedia.org/wiki/Wiki
(22) Devenue norme ISO 23950 en 1998, ce protocole s’appelait dans sa version d’origine « Information Retrieval (Z39.50); Application Service Definition and Protocol Specification, ANSI/NISO Z39.50-1995 ». Il s’agit d’un protocole antérieur au web et qui spécifie des structures de données et les règles d’échange qui permettent à une machine client (nommé « origin ») de chercher des données dans un serveur (nommé « target ») et de d’obtenir les entrées résultant de cette recherche http://www.loc.gov/z3950/agency/resources/
(23) http://www.loc.gov
(24) La norme Z39.50, malheureusement très peu utilisée en dehors du domaine des bibliothèques, n’est pas exploitable à travers le protocole HTTP et il faut donc un logiciel spécifique pour l’utiliser. L’apparition de XML et les services web associés qui se développent un peu partout, sont en train de précipiter son déclin.
(25) Karlsruher Virtuelle Katalog http://www.ubka.uni-karlsruhe.de/kvk.html
(26) Outil de publication web personnelle appelé aussi weblog, carnet web, joueb… Pour plus d'information voir l’article de Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Blog
(27) Contraction de « iPod » et de « broadcasting ». Forme de flux RSS auquel on ajoute des fichiers sonores qui sont alors disponibles directement à partir du lecteur RSS ou téléchargeables automatiquement dans un baladeur numérique. Voir aussi la définition de Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Podcasting
(28) Aussi appelés « Link resolvers », ces outils permettent de générer dynamiquement une liste de liens cibles à partir des métadonnées de la source : lien vers le texte intégral ou vers le formulaire de commande, recherches par ISSN, auteur, titre ou descripteur dans les catalogues, etc. En Suisse l’outil le plus utilisé reste SFX http://www.exlibrisgroup.com/sfx.htm commercialisé par la société Ex.libris qui possède aussi le SIGB Aleph utilisé par le réseau suisse alémanique IDS.
(29) Les catalogues donnent pour le moment très peu des liens externes. Par exemple pour le catalogue collectif du réseau romand (RERO) seulement le 1% de notices portent un URL (environ 30.000 sur 3 millions)
(30) PHP est l'acronyme récursif de « PHP Hypertext Preprocessor ». PHP est un langage de script qui est très utilisé pour créer des sites web dynamiques. Site officiel : http://www.php.net. MySQL est un logiciel libre de gestion de bases de données de type SQL (Structured Query Language). Site officiel : http://www.mysql.com
(31) « Google Docs & Spreadsheets » http://docs.google.com et « Think free » http://www.thinkfree.com sont déjà des bons exemples de cette évolution. Les SIGB open source disponibles sur le marché (PMB http://www.sigb.net, Koha http://www.koha.org, OpenBiblio http://openbiblio.sourceforge.net…) sont pour la plupart déjà des systèmes « full-web » car, autant la gestion, le paramétrage, le catalogage que la consultation se font à travers le navigateur sans utiliser des clients lourds comme dans les systèmes propriétaires actuels, où seules la consultation et certaines options liées à la gestion des prêts et des lecteurs (inscriptions, réservations, prolongations, PEB, etc.) passent à travers le web
(32) Voir les statistiques publiées par l’OFS « Utilisation d'Internet dans les ménages en Suisse : Résultats de l'enquête 2004 et indicateurs » et qui montrent l’augmentation très forte de l’utilisation d’internet au sein de la population suisse ces dernières années : http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/themen/kultur__medien__zeitv.... Ces chiffres suivent la tendance générale annoncée par l’UIT dans son rapport « digital.life » http://www.itu.int/digitalife et qui donnent, pour une personne entre 18 et 54 ans, une consommation moyenne hebdomadaire de médias numériques de 16 heures, tandis que de 13 heures pour la TV, 8 pour la radio, 4 pour les journaux et quotidiens papier et 1 pour le cinéma
(33) WYSIWYG est l’acronyme de la locution anglaise « What You See Is What You Get ». Les interfaces de ce type sont utilisées dans les logiciels de mise en page et surtout dans les plateformes de blogging comme outil pour pouvoir écrire facilement pour le web sans connaître le langage HTML
(34) Le fait de copier/coller du contenu en provenance d'une page web dans le corps d'un billet d'un blog peut poser des problèmes d'affichage car l'éditeur WYSIWYG cache le code HTML. Ce dernier peut pourtant contenir des balises pouvant interférer avec le code de la page du blog
(35) Généré automatiquement au moment de l’affichage
(36) http://www.rero.ch/page.php?section=zone&pageid=856
(37) C’est encore le cas des catalogues du réseau IDS et ce fut aussi le cas pendant longtemps pour les catalogues du réseau romand. Cependant, RERO a changé son approche et dans la nouvelle version de son OPAC http://opac.rero.ch, introduite depuis le 8 janvier 2007, les liens de la zone 856 sont désormais affichés déjà au niveau de la liste de résultats
(38) RERO est l’acronyme de « REseau Romand », et désigne le réseau des bibliothèques de Suisse occidentale majoritairement de langue française http://www.rero.ch
(39) Par exemple http://opac.rero.ch/get_bib_record.cgi?rero_id=R277678560
(40) Par exemple http://opac.rero.ch/get_bib_record.cgi?rero_id=R003636602
(41) SAPHIR (Swiss Automated Public Health Information Ressources) http://www.saphirdoc.ch. Base documentaire suisse spécialisé en santé publique et dont le CDSP est le responsable.
(42) http://www.gbconcept.com/pro_alexandrie.html
(43) http://www.refworks.com
(44) http://www.amazon.com
(45) http://www.electre.com
(46) http://www.syndetics.com
(47) « International Standard Book Number ». l’ISBN est un identificateur international, défini par la norme ISO 2108, et qui sert à identifier sans ambiguïté chaque livre. Existant depuis 1972, les ISBN son attribués et gérés par un réseau d’agences reparties dans 166 pays, avec une centrale à Londres. En suisse romande, c’était l'agence francophone pour la numérotation internationale du livre (AFNIL) qui gérait les numéros ISBN jusqu’à 1994. Depuis cette date, la gestion est assuré par la « Schweizer Buchhändler- und Verleger-Verband SBVV » ttp://www.swissbooks.ch/prestations/isbn/uebersicht.shtm. D’abord constitué par 10 chiffres significatives, il a passé à 13 depuis janvier 2007 devenant ainsi compatible avec les codes-barre de la norme EAN 13 http://isbn-international.org
(48) http://www.amazon.com/AWS-home-page-Money/b/ref=sc_iw_l_0/103-1555994-97...
(49) http://suchen.hbz-nrw.de/dreilaender/
(50) Projet expérimental d’OPAC http://www.plymouth.edu/library/opac/ basé sur la plateforme de blogging WordPress http://wordpress.org
(51) Asynchronous JavaScript And XML. C’est un ensemble de techniques qui permet à une page web d’échanger des informations externes sans devoir être actualisée. Voir l’article fondateur de Jesse James Garrett « Ajax: A New Approach to Web Applications » http://www.adaptivepath.com/publications/essays/archives/000385.php
(52) La technique est expliquée en détail sur le blog de la BiUM http://www.bium.ch/blog/?p=106
(53) Anglo-American Cataloguing Rules, 2nd Edition http://www.aacr2.org
(54) Comme par exemple « EZPump (EZP) » http://www.ngscan.com/easypump/index.htm, logiciel de pompage des notices bibliographiques avec client Z39.50, développé par un bibliothécaire de la Médiathèque Valais et utilisé par les bibliothèques de RERO
(55) Voir La Lettre de RERO, 2006-4 http://www.rero.ch/pdfview.php?section=lalettre&filename=LaLettre2006_04...
(56) IDS est l’acronyme de « Informationsverbund Deutschschweiz » et désigne le réseau des bibliothèques de Suisse orientale, majoritairement de langue allemande http://www.informationsverbund.ch
(57) http://www.nlm.nih.gov
(58) http://www.pubmed.org
(59) http://www.nlm.nih.gov/bsd/bsd_key.html
(60) Optical Character Recognition
(61) RSS est utilisé comme acronyme de « Really Simple Syndication », « Rich Site Summary », « RDF Site Summary » ou une autre variante de ces termes. Pour plus de détails, voir la page explicative faite par l'ADBS : http://www.adbs.fr/site/repertoires/outils/rss.php
(62) TOCRoSS http://www.jisc.ac.uk/whatwedo/programmes/programme_pals2/project_tocros...
(63) Par exemple http://itde.vccs.edu/rss2js/build.php ou http://www.rss-to-javascript.com
(64) « Open Archive Initiative and Protocol for Metadata Harvesting » http://www.openarchives.org/pmh/
(65) http://www.editeur.org/onix.html
(66) http://www.eprints.org
(67) http://arxiv.org
(68) http://hal.archives-ouvertes.fr
(69) http://doc.rero.ch
(70) http://infoscience.epfl.ch
(71) http://cdsweb.cern.ch
(72) http://www.epfl.ch
(73) http://www.worldcat.org
(74) The European Library : http://www.theeuropeanlibrary.org
(75) Voir par exemple l’article de wikipedia http://en.wikipedia.org/wiki/Web_2 et l’article fondateur de Tim O’Reilly « What Is Web 2.0 : Design Patterns and Business Models for the Next Generation of Software » http://www.oreillynet.com/pub/a/oreilly/tim/news/2005/09/30/what-is-web-.... Version française : http://web2rules.blogspot.com/2006/01/what-is-web-20-par-tim-oreilly-ver...
(76) http://www.rlg.org
(77) Primo http://www.exlibrisgroup.com/webinar_1144862525.htm
(78) http://books.google.com et depuis quelque temps seulement aussi consultable sur http://books.google.ch
(79) D’abord limité à 5, maintenant ce sont 13 bibliothèques qui fournissent les documents en échange des données obtenues par la numérisation : la bibliothèque de l'Université de Virginie, de Californie, de Harvard, de Stanford, du Michigan, du Wisconsin-Madison, de Texas, de Princeton, de Madrid, d’Oxford ainsi que la bibliothèque publique de New York et les bibliothèque de Catalogne et de Bavière. La bibliothèque du Congrès américain (Library of Congress) fait l'objet d'un autre projet à part : http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2005/11/21/AR200511...
(80) Voir le communiqué de presse de la commission européenne : http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=IP/06/253&format... et la page du programme de l’UE « i2010: Digital Libraries Initiative » : http://ec.europa.eu/information_society/activities/digital_libraries/ind...
(81) http://www.bl.uk
(82) http://www.microsoft.com
(83) http://www.archive.org
(84) http://www.opencontentalliance.org. Voir aussi l’article de CNET News.com : « Yahoo to digitize public domain books » http://news.com.com/Yahoo+to+digitize+public+domain+books/2100-1038_3-58...
(85) Voir l’annonce fait par l’UNESCO : http://portal.unesco.org/fr/ev.php-URL_ID=35949&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECT...
(86) Voir par exemple l’article et le billet de Lorcan Dempsey « Fingering volumes » http://orweblog.oclc.org/archives/001122.html, « Le travail bâclé de Google Print » http://www.dsi-info.ca/moteurs-de-recherche/2005/11/le-travail-bcl-de-go... ou « Digitized by Google » http://e-benedictins.blogspot.com/2006/09/digitalized-by-google.html
(87) http://librariancentral.blogspot.com/2007/03/checking-in-with-google-boo...
(88) Voir l’article de LibraryJournal.com « Release of Google Contract with UC Sparks Criticism » http://www.libraryjournal.com/article/CA6367340.html
(89) http://lib.umich.edu/
(90) Par exemple, la page 7 du document « Versuch schweizerischer Gedichte » : http://mdp.lib.umich.edu/cgi/m/mdp/pt?seq=7&size=100&id=39015014807104&v.... Voir aussi à ce sujet l’article de The Chronicle of Higher Education : « U. of Michigan Adds Books Digitized by Google to Online Catalog, but Limits Use of Some » http://chronicle.com/free/2006/08/2006083101t.htm
(91) « Mbooks » : http://www.lib.umich.edu/mdp/
(92) http://gallica.bnf.fr
(93) http://www.gutenberg.org
(94) http://www.cervantesvirtual.com
(95) Document Object Identifier : http://www.doi.org
(96) http://www.amazon.com/Search-Inside-Book-Books/b?ie=UTF8&node=10197021
(97) http://www.doi.org
(98) http://en.wikipedia.org/wiki/PMID ou http://pmid.us/
(99) http://www.openarchives.org/OAI/openarchivesprotocol.html#UniqueIdentifier
(100) http://fr.wikipedia.org/wiki/Uniform_Resource_Name
(101) Organisation chargée de gérer les DOI http://www.crossref.org
(102) L'ISSN (International Standard Serial Number) est un numéro à huit chiffres non significatives de la forme 1234-5678 et qui identifie les périodiques, y compris en format électronique. La gestion des ISSN, qui compte plus d'un million aujourd’hui, est effectuée par un réseau mondial de 80 centres nationaux (dont la Bibliothèque Nationale Suisse) coordonnés par un centre international à Paris http://www.issn.org/fr En effet dans la majorité de notices analytiques présentes dans les catalogues des bibliothèques universitaires, l’ISSN de la revue est absent.
(103) Les autres éléments clés pour identifier un article, tels le volume, et les pages de début et de fin, sont répertoriés dans une zone « In » peu normalisée et difficilement exploitables sans un traitement informatique
(104) http://www.wikio.com
(105) http://del.icio.us
(106) http://flickr.com
(107) http://www.connotea.org
(108) Interface alternative à PubMed utilisant les services web de cette dernière en ajoutant des nouvelles fonctionnalités comme le « tagging » ou la catégorisation par facettes : http://www.hubmed.org
(109) http://www.plymouth.edu/library/opac/
(110) http://www.aadl.org/catalog
(111) http://www.oclc.org/research/projects/xisbn/
(112) http://www.google.com/apis/maps/
(115) Voir l’article de Wikipedia http://en.wikipedia.org/wiki/GeoTagging
(116) http://www.flickr.com/groups/geotagging/
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Comment découvrir les bibliothèques publiques, la bibliothéconomie comparée et la Suisse en utilisant la pédagogie de projets
Ressi — 29 mars 2007
Réjean Savard, Université de Montréal
Comment decouvrir les bibliotheques publiques, la bibliotheconomie comparee et la Suisse en utilisant la pedagogie de projets.
Compte-rendu d’une expérience de formation à l’Université de Montréal
Selon un groupe de recherche en sciences de l’éducation de l’Université de Genève (TECFA), la pédagogie de projets est « tournée vers la réalisation d’un événement » répondant aux caractéristiques suivantes :
- l’apprenant est acteur, il participe à sa formation et doit s’approprier le projet
- le projet est collectif : «de cette dynamique naît des questionnements, un élargissement des points de vue et des solutions.»
- le professeur doit avoir un certain recul : il coordonne, focalise et aide.
- Le projet doit constituer un défi (1).
C’est dans cet esprit que la pédagogie de projets est utilisée à l’École de Bibliothéconomie et des Sciences de l’Information (EBSI) de l’Université de Montréal depuis plusieurs années dans le cadre de la formation sur les bibliothèques publiques. En général formées de petits groupes ne dépassant pas une douzaine d’étudiants, les classes sont invitées à participer à un projet de bibliothéconomie comparée où il leur sera possible d’étudier et de visiter un autre pays où ils pourront comparer le fonctionnement de deux réseaux de lecture publique. Il est évident que ce genre de projet nécessite un investissement important, tant par le travail exigé que sur le plan financier, et par conséquent de tels projets ne sont pas initiés chaque année. Mais depuis le début des années 1990, trois projets ont ainsi été menés. En 1992 un premier groupe avait comparé le fonctionnement des bibliothèques publiques en France par rapport au Québec (2). Puis, en 1999, un autre groupe avait visité la Belgique francophone et avait publié un rapport semblable (3). Et finalement, six ans plus tard, à l’hiver 2005, une autre classe réalisait un nouveau projet, cette fois en étudiant la Suisse romande (4).
Ces projets furent tous réalisés dans une optique de bibliothéconomie comparée. « La bibliothéconomie comparée peut être définie comme l’analyse systématique du développement, des pratiques et des problèmes reliés aux bibliothèques tels qu’ils se rencontrent sous différentes circonstances (la plupart du temps dans différents pays), et qui tient compte des facteurs historiques, géographiques, politiques, économiques, sociaux, culturels et autres qui ont pu influencer la situation faisant l’objet de l’étude. Essentiellement, elle constitue une approche importante visant à déterminer les causes et effets relatifs au développement des bibliothèques et la compréhension des problématiques qui les concernent. » (5). Celle-ci est certes considérée comme un champ de recherche à part entière, tout comme l’éducation comparée. Mais son cadre méthodologique et ses paramètres théoriques sont loin d’être arrivés à un stade de développement avancé. L’objectif ici visait à comparer les bibliothèques publiques du Québec et celles de Suisse romande mais sans non plus se référer à une méthodologie très sophistiquée, ou encore en faisant appel à des concepts théoriques poussés. Le temps et les moyens manquaient pour ce faire. L’étude s’apparente davantage à une recherche exploratoire : une recherche destinée à établir des bases pour une recherche théorique future plus approfondie, ou à guider les pratiques professionnelles concernées. En ce sens, elle aura été profitable.
La démarche
Le projet s’inscrivait dans le cadre d’un cours (optionnel) de trois crédits à la maîtrise en sciences de l’information donné à l’hiver 2005. Des échanges eurent lieu de manière informelle avec les étudiants intéressés dès le début de l’automne 2004. Il s’agissait d’une part de recruter un groupe d’étudiants motivés, et d’autre part d’informer sur les exigences d’un tel projet. Suite à cette première approche, six étudiants acceptaient de relever le défi : Carl Brouillard, Benoît Lafleur, Ève Lagacé, Élise Martin, Sophie St-Cyr et Karyne St-Pierre. Très motivés, ces étudiants avaient déjà complété une des deux années de leur programme d’études et connaissaient déjà assez bien le fonctionnement des bibliothèques publiques au Québec pour y avoir été initié dans d’autres cours plus généraux, ou encore pour y avoir travaillé.

Les participants au projet.
De gauche à droite : Benoît Lafleur, Carl Brouillard, Karyne St-Pierre, Élise Martin, Ève Lagacé, Sophie St-Cyr et le professeur, Réjean Savard
Dans un premier temps, il fut demandé aux étudiants de trouver des sources de financement pour le projet, principalement pour le déplacement en Suisse, estimé à environ 20 000 dollars canadiens. L’objectif était évidemment que les étudiants n’aient à peu près rien à débourser de leurs propres poches. Dès le mois de novembre 2005, de nombreuses demandes furent faites à des associations, institutions et entreprises, et même au niveau politique (élus représentant le secteur culturel). Heureusement, le groupe réussit à accumuler suffisamment de fonds pour effectuer le voyage. Signalons notamment la générosité de nos partenaires suisses qui dès le départ ont cru au projet : la Médiathèque du Valais et la Haute École de Gestion de Genève. Au Québec, peu de réponses positives sinon d’une entreprise qui permit aux étudiants de vendre leurs produits en récupérant le montant des ventes (l’entreprise de café Van Houtte) et la Direction des relations internationales de l’Université de Montréal. Les étudiants furent donc heureux de pouvoir partir sans trop se soucier des aspects financiers.
Le projet fut donc lancé officiellement en janvier 2006, avec les objectifs suivants :
- Permettre aux étudiants et étudiantes d’approfondir leurs connaissances en ce qui a trait aux bibliothèques publiques
- Effectuer un état des lieux sur la question des bibliothèques publiques en Suisse francophone (incluant sur les infrastructures de coopération les concernant, notamment la Bibliothèque nationale de Suisse) en regard de la situation québécoise
- Publier les résultats
- Permettre un regard critique par rapport à l’exercice de la profession de bibliothécaire grâce à la comparaison de deux milieux différents
- Établir des liens permettant de soutenir dans les années à venir la coopération entre la Suisse et le Québec en matière de bibliothèques et de culture
La première étape consistait évidemment à recueillir de l’information sur les bibliothèques en Suisse, et bien entendu sur ce pays en général. Ce qui fut fait et généra un nombre impressionnant de lectures pour les participants. Ainsi, au moment de quitter le Québec, les étudiants avaient déjà une bonne idée de ce qui les attendait en territoire helvétique.
Après cette préparation essentielle, le départ fut donné le 9 mars 2005. Pour des raisons pratiques (stages en cours au Québec pour certains étudiants notamment) l’horaire dût être comprimé. Le programme - très serré donc - fut établi en collaboration avec nos partenaires suisses et en tentant de rentabiliser au maximum les dix jours disponibles.
9 mars 2005 | Départ |
10 mars 2005 | Arrivée à Genève prévue le midi mais retardée d’une journée (grève à Paris) |
11 mars 2005 | Visite des Bibliothèques municipales de la Ville de Genève et rencontres avec leurs responsables (écourtée, à cause du retard) |
12 mars 2005 | Visite de la Bibliothèque de Meyrin, commune suburbaine genevoise, et rencontre avec son directeur et collaborateurs Visite de la Fondation Bodmer à Cologny près de Genève |
13 mars 2005 | Journée libre (dimanche) |
14 mars 2005 | Visite de Bibliomedia à Lausanne et rencontre avec son directeur Présentation et visite de la Médiathèque du Valais En soirée : Rencontre avec les bibliothécaires valaisans réunis pour une réunion de leur Association |
15 mars 2005 | Rencontres et visites de bibliothèques à Sierre, Crans-Montana et Martigny (Centrale RERO) |
16 mars 2005 | Visite de la Bibliothèque publique d’Yverdon-les-bains et rencontre avec sa directrice Visite de la Bibliothèque de la Ville de La Chaux-de-Fonds et rencontre avec son directeur et collaborateurs |
17 mars 2005 | Visite et rencontres à la Bibliothèque des Jeunes de La Chaux-de-Fonds |
18 mars 2005 | Visite de la Bibliothèque nationale de Suisse, présentation de la BNS et rencontre avec des responsables de secteurs Visite de la Bibliothèque cantonale et universitaire de Fribourg |
19 mars 2005 | Journée libre (samedi) |
20 mars 2005 | Retour sur Genève tôt le matin et départ pour Montréal |
Mis à part un délai de 24 heures à cause d’une grève générale des transports à l’Aéroport de Paris où nous étions en correspondance, l’horaire prévu fut respecté à la lettre. Partout l’accueil fut très chaleureux. Les étudiants pour qui c’était la première expérience de coopération internationale – certains franchissant même l’Atlantique pour la première fois – ont été impressionnés par le professionnalisme des personnes nous ayant accueillis, prenant le temps de discuter, de répondre à nos questions, de chercher et de nous remettre des documents administratifs nécessaires à notre étude, nous faisant découvrir toutes les ressources de leurs bibliothèques, etc.
Les résultats
En ce qui concerne le premier objectif du projet – permettre aux étudiants d’approfondir leurs connaissances en ce qui a trait aux bibliothèques publiques – nul doute qu’il fut atteint. En ce sens, l’approche de la pédagogie de projet est méritoire : elle permet aux apprenants d’approfondir le sujet à l’étude dans un contexte de défi et de découverte. Les participants sont doublement motivés. Ils n’hésiteront pas à mettre le temps qu’il faut – généralement plus que dans un contexte d’apprentissage normal – pour réaliser leur projet et en faire un succès. J’en profite d’ailleurs pour féliciter les six étudiants pour l’excellent travail qu’ils ont accompli. Leur rapport, riche en observations de toutes sortes, a été publié en ligne et est disponible sur : http://www.aliaco.com/bibliocomparee/rapport.html. Ce rapport est hébergé gratuitement grâce à un autre partenaire important, l’entreprise Aliaco, dont les responsables ont développé avec les étudiants un site complet permettant de faire le compte rendu de leur voyage (http://www.aliaco.com/bibliocomparee).
En ce qui concerne le deuxième objectif – Effectuer un état des lieux sur la question des bibliothèques publiques en Suisse francophone en regard de la situation québécoise – le résultat est tout à fait intéressant si on considère le peu de temps disponible pour effectuer le travail. Ainsi, il est vrai que la comparaison n’a pas permis d’établir des différences très apparentes, ou très spécifiques. D’où le titre du rapport («points de comparaison») qui exprime l’idée de départ : il ne s’agissait pas de comparer en profondeur les deux systèmes – cela était impossible vu les ressources disponibles – mais il s’agissait surtout d’explorer les différences possibles.
Première constatation: évidemment l’environnement de travail dans son ensemble est très différent. La Suisse est européenne dans l’âme, même si elle possède un côté international assez marqué à cause des nombreuses institutions onusiennes qui s’y sont établies, alors que le Québec est tout à fait nord-américain, malgré la langue qui le différencie du reste du continent. Jusqu’à un certain point on pourrait affirmer que la proximité de la France, dans le premier cas, et celle des Etats-Unis dans le deuxième, ont certainement influencé le développement des deux systèmes de lecture publique.
Dans chacun des deux territoires s’inscrit également un passé, une histoire, fort différents, même si – coïncidence intéressante – un personnage unique a influencé d’une certaine manière le développement de la lecture publique au Québec et en Suisse. Il s’agit du Général Frederick Haldimand, né à Yverdon-les-Bains (1718-1791) et dont la famille était parmi les premiers bienfaiteurs de la bibliothèque publique de cette commune. Or, avant de revenir finir ses jours à Yverdon, l’ancien mercenaire Haldimand fut nommé Gouverneur du Canada par les Britanniques et c’est dans le cadre de ses fonctions qu’il fonda à Québec la première bibliothèque publique (de souscription) en 1779. Certes, comme il l’explique dans sa correspondance, l’objectif était davantage de servir le conquérant britannique qui l’employait, en proposant des lectures bien spécifiques, mais la bibliothèque de Haldimand subsista bien après son départ de Québec et chez les intellectuels canadiens «les réactions furent positives» (6), de sorte qu’on doit considérer Haldimand comme un précurseur de la lecture publique au Québec.
Sur le plan des pratiques de travail et malgré des façons générales de procéder assez similaires, quelques éléments ont frappé les membres de l’équipe. Notons d’abord une manière différente de «nommer» les institutions. La notion de lecture publique en Suisse romande recouvre une réalité beaucoup plus large qu’au Québec où elle s’identifie à la bibliothèque publique, qu’elle soit municipale autonome ou affiliée à un Centre Régional de Services aux Bibliothèques Publiques (les «CRSBP», appelés depuis peu «Réseau Biblio», et s’apparentant aux Bibliothèques Départementales en France). En Suisse romande, on trouve une typologie des bibliothèques publiques qui n’est pas aussi simple. Il y a bien entendu des bibliothèques municipales, mais aussi des bibliothèques cantonales de lecture publique, dont la mission dépasse la lecture publique traditionnelle. On y adjoint des missions de conservation par rapport au Canton par exemple, et souvent une mission académique en relation avec l’Université. Il existe aussi des bibliothèques publiques régionales, et des réseaux indépendants de bibliobus, ainsi que des «points lecture» en milieu scolaire ou autre. Donc un certain foisonnement des types de bibliothèques publiques, ce qui tranche avec ce que l’on peut observer au Québec.
Le but ultime de la bibliothèque étant de satisfaire les besoins de lecture et d’information des citoyens, les membres du groupe de travail se sont demandé s’il existait une différence entre le Québec et la Suisse romande quant à la perception d service offert de part et d’autre. Force est de constater qu’il est difficile de répondre à cette question sans, par exemple, une enquête approfondie auprès des clientèles avec un instrument identique pour les deux territoires. Peut-être un jour serait-il intéressant de procéder à une telle recherche mais pour l’instant nous ne disposons pas de données à ce sujet, sinon l’impression de l’équipe de travail que partout en Suisse romande, les usagers rencontrés semblaient apprécier énormément les services reçus de leur bibliothèque, peu importe son rattachement institutionnel.
Du point de vue gestion par contre, les membres de l’équipe se sont demandé s’il ne serait pas mieux d’uniformiser davantage le réseau, de le structurer hiérarchiquement pour favoriser les économies d’échelle. Encore là, pour le savoir et surtout pour proposer une nouvelle structure, une étude plus approfondie du système suisse romand incluant une analyse coûts-bénéfices serait nécessaire. Ceci dit, on pourrait affirmer la même chose pour le Québec où le système de lecture publique repose sur un canevas établi dès les années cinquante, avec d’une part celles affiliées aux CRSBP, et d’autre part celles relevant entièrement des municipalités (appelées «Bibliothèques Publiques Autonomes» ou BPA), où il est difficile de faire coopérer les bibliothèques relevant du premier système avec celles appartenant à l’autre.
Malgré cela, la Suisse romande ne manque pas d’exemples intéressants en matière de coopération entre bibliothèques. On note la présence de catalogues collectifs et d’une carte de prêt universelle pour les bibliothèques universitaires, publiques et patrimoniales, ce qui est sans conteste un avantage extrêmement positif pour les Suisses par rapport au Québec, où un abonné dans une bibliothèque publique X ne peut pas encore emprunter dans une bibliothèque publique Y avec la même carte, y compris dans une même région administrative. Effectivement, le fait de centraliser l’accès aux services autour d’une seule carte d’usager, gratuite, et d’un seul catalogue facilite l’utilisation des bibliothèques qui deviennent ainsi plus conviviales et accueillantes. Quoi de mieux pour augmenter la fréquentation de ces lieux !
De même pour l’existence de différents bibliobus, parfois régis sous le statut d’associations, pour desservir de façon ponctuelle les communautés rurales ou encore éloignées d’une bibliothèque traditionnelle, une pratique qui serait la bienvenue en sol québécois. En raison de la réalité géographique du Québec, beaucoup de régions éloignées souffrent d’un manque de ressources professionnelles en termes de services de bibliothèques. Les bibliobus, qui offrent des services adaptés aux besoins locaux, pourraient pallier ce manque, tout en offrant un moyen attrayant pour les clientèles qui n’ont pas l’habitude de fréquenter la bibliothèque. Apparemment, les bibliobus ont été abandonnés au Québec (sauf pour la Ville de Montréal qui en possède toujours un) pour des raisons économiques : les membres du groupe de travail auraient bien aimé trouver l’étude qui a permis de justifier une telle décision mais il semble qu’elle n’existe pas…
Globalement, nous avons trouvé que les bibliothèques suisses romandes sont très actives en ce qui a trait à la formation de réseaux et à l’offre de services. La collaboration des bibliothèques, provenant même de milieux distincts, doit certes être une avenue à envisager dans un contexte de coupures budgétaires, de rationalisation et de compétition face à d’autres instances qui cherchent à attirer la clientèle. RÉRO est l’évocation de cette tendance et s’avère un franc succès pour les bibliothèques suisses romandes.
La coopération de bibliothèques analogues demeure difficile au Québec. La mise en commun des efforts de bibliothèques issues de milieux dont les objectifs, le fonctionnement et la mission divergent, demeure donc un défi de taille. Reste à espérer que le nouvel organisme qu’est Bibliothèque et Archives nationales du Québec devienne un pôle centralisateur qui accentuerait les liens entre les différents milieux d’information qui, somme toute, possèdent des points en commun sur lesquels il est possible de bâtir pour l’avenir.
Qui plus est, pendant qu’au Québec on dénonce le piètre état des bibliothèques scolaires et que les bibliothèques publiques municipales ont peine à combler ce manque pour les enfants, la Suisse romande est très dynamique à ce niveau. On peut effectivement retrouver dans leurs bibliothèques du personnel qualifié en nombre suffisant, des sections pour les jeunes bien garnies ainsi qu’une multitude d’animations diversifiées. Ce sont ces jeunes usagers qui, ayant un rapport positif avec la bibliothèque, l’utiliseront tout au long de leur vie. De quoi inspirer les bibliothèques publiques québécoises dans lesquelles, plus souvent qu’autrement, les sections jeunesse sont prises en charge par du personnel qui, quoique très motivé, travaille souvent avec des moyens restreints.
À cet égard, si les ressources financières et humaines ont semblé plus importantes en Suisse romande, il fut démontré que les résultats en termes de mesure de performances (nombre de prêts per capita, pourcentage d’abonnés, par exemple) sont parfois plus intéressants au Québec. Pourquoi ? Les membres du groupe pensent que des méthodes de travail plus rationnelles typiquement nord-américaines conduisent peut-être à ces résultats, tout en notant que cet avantage n’est pas observable partout et de façon généralisée. Il est possible également que l’approche marketing soit plus répandue au Québec, ce qui confère généralement une plus grande visibilité aux bibliothèques et par conséquent de meilleures statistiques de performance. Encore là, une étude plus poussée mériterait d’être faite pour mieux comprendre cette dynamique.
On peut se demander aussi si la formation et le statut des personnels pourraient influencer indirectement ces résultats. Du point de vue de la formation, on a pu observer qu’il existe toujours en Suisse romande diverses approches de formation, et que celles-ci ne sont pas nécessairement harmonisées, contrairement à l’Amérique du Nord où elles le sont davantage. Cette situation ne favorise pas une hiérarchisation des emplois, comme il en existe au Québec :
- bibliothécaire : formation spécialisée au niveau universitaire (en principe de deuxième cycle)
- technicien : formation spécialisée (trois années au niveau post-secondaire)
- commis de bibliothèque et autre personnel général: formation non-spécialisée
On peut penser que cette structure entraîne une meilleure organisation du travail car des tâches spécifiques correspondent en principe à chaque statut, ce qui pourrait par conséquent expliquer certains chiffres plus élevés au niveau des performances, comme nous l’exprimions plus haut.
Côté immeubles et collections cependant, la Suisse romande est loin d’être en reste. Les bibliothèques visitées ont été perçues comme très agréables, lumineuses et bien situées (comment ne pas rappeler ici l’environnement enchanteur de Crans-Montana en pleine montagne, ou la vue des Alpes des fenêtres de la Bibliothèque de Sierre ?). Les collections des bibliothèques publiques suisses sont souvent plus importantes qu’au Québec mais cela est sans doute attribuable au statut de certaines d’entre elles qui ont un mandat de conservation et où on pratique peu d’élagage. Signalons également qu’au Québec, les bibliothèques publiques ne peuvent se prévaloir du mécanisme d’appels d’offres pour l’achat de documents, contrairement à la Suisse romande et aux autres pays du monde, une loi les obligeant à acheter leurs livres au plein tarif ce qui réduit leur pouvoir d’achat. Cette mesure vise à maintenir sur le très large territoire du Québec un réseau de librairies suffisamment développé.
Quant aux nouvelles technologies, l’informatisation des bibliothèques publiques suisses est nettement en retard : alors qu’au Québec toutes sont pour ainsi dire informatisées, de la plus petite (grâce aux CRSBP) à la plus grande, plus du tiers des bibliothèques publiques de Suisse romande ne l’étaient toujours pas au moment de l’étude. Par contre, on y a observé des sites Web de bibliothèques beaucoup plus articulés qu’au Québec. En ce qui a trait à l’accès à l’information, au Québec comme en Suisse romande, on a la fâcheuse tendance à tarifier l’accès aux postes Internet (y compris l’abonnement à la Bibliothèque), ce qui est contraire à l’esprit du Manifeste de l’Unesco-IFLA. Certaines bibliothèques publiques suisses ont aussi beaucoup avancé en matière de numérisation des collections, ce qu’on ne retrouve pas au Québec (sauf à Bibliothèque et Archives nationales du Québec), ce qui peut facilement s’expliquer du fait que les bibliothèques publiques suisses possèdent souvent des fonds patrimoniaux importants.
Finalement, le point le plus enviable pour les bibliothécaires publics québécois est incontestablement la présence d’une certaine législation des bibliothèques publiques en Suisse romande. Même si des lois ne sont pas instaurées de façon uniforme dans tous les cantons romands, certains textes législatifs, tel celui du Valais, définissent de façon exhaustive les statuts des établissements bibliothéconomiques. De plus, les normes de fonctionnement des bibliothèques suisses, quoique peu élevées à notre avis, ont le mérite d’être liées au financement de l’État. Au Québec, nous espérons l’instauration prochaine d’une telle loi et de telles normes, qui détermineraient les bases élémentaires d’une offre de services de qualité pour les citoyens. En conclusion
Pour conclure, il faut retenir de cette étude que francophones suisses et québécois auraient avantage à communiquer plus souvent, voire même à se visiter davantage. Il est incontestable en effet que les deux communautés professionnelles en retireraient énormément de bénéfices. De part et d’autre des enseignements précieux pourraient en être retirés, permettant par exemple d’améliorer les méthodes de travail, et par conséquent d’enrichir la qualité des services. Somme toute, ce sont les usagers des bibliothèques qui en sortiraient gagnants. Comme ceux-ci sont aussi des électeurs, on peut penser en toute logique que leur niveau de satisfaction finira par influencer positivement les élus qui ont la responsabilité des bibliothèques et qui décident de leurs budgets.
Nous souhaitons donc vivement un rapprochement des bibliothécaires suisses et québécois afin qu’ils connaissent mieux leurs différentes réalités professionnelles. Comme il fut souligné à quelques reprises dans ce bref article, des études comparatives plus poussées sur certains points spécifiques pourraient être effectuées pour améliorer les deux systèmes de lecture publique. Espérons que cette étude donnera lieu à des projets en ce sens (7).
Notes
(1) http://tecfa.unige.ch/perso/lombardf/ped_projet/notes_semin_hullent.html... Page consultée le 12 novembre 2006.
(2) Les bibliothèques publiques en France. Points de comparaison avec le Québec. Sous la direction de Réjean Savard. Montréal : EBSI 1993. 114 p.
(3) Les bibliothèques publiques en Belgique. Points de comparaison avec le Québec. Sous la direction de Réjean Savard. Montréal : EBSI 2000. 136 p.
(4) Les bibliothèques publiques en Suisse romande. Points de comparaison avec le Québec. Sous la direction de Réjean Savard. Montréal : EBSI 2006. 144 p. Rapport disponible : http://www.aliaco.com/bibliocomparee/rapport.html
(5) Dorothy Collings la définissait ainsi dans l’Encyclopedia of Library and Information Science (New York, Dekker : 1968)
(6) Gilles Gallichan, «Bibliothèques et culture au Canada après la Conquête, 1760-1800», in Livre, bibliothèque et culture québécoise : mélanges offerts à Edmond Desrochers, Montréal : Asted 1977, p.299-310.
(7) L’auteur tient à remercier tous les partenaires du projet, notamment les principaux correspondants (et amis) en Suisse : Michel Gorin à la HEG, Jacques Cordonier à la Médiatèque du Valais, sans oublier Patrice Landry à la Bibliothèque nationale Suisse.
Editorial n°4
Ressi — 9 octobre 2006
Editorial n°4
Voici la seconde livraison de l’année 2006. Fidèle aux buts qu’elle s’est fixés, notre Revue électronique suisse de science de l’information – RESSI – se veut une chambre d’écho aux travaux menés dans notre discipline.
Bien que la science de l’information reste discrète en Suisse, elle bénéficie de conditions favorables à son développement et à sa visibilité parmi les disciplines établies de longue date. Tout en ayant une forte dimension pratique – qui d’ailleurs se donne à voir dans cette livraison - elle assure pleinement sa fonction de traiter de manière théorique des questions documentaires soulevées dans la communauté professionnelle. Elle permet à ceux qui sont engagés dans l’action de transformer ces analyses en solutions aux problèmes qu’ils se posent, problèmes qui, à leur tour, peuvent être érigés en légitimes questions scientifiques.
Sous la rubrique Etudes et recherches, Céline Tissot nous montre l’intérêt d’évaluer un système de Records management. Ses réflexions constituent des pistes fort utiles pour mener à bien un tel projet. Les personnes qui s’interrogent sur la mise en place d’un programme de gestion de l’information au sein d’une institution, publique ou privée, liront cet article avec intérêt. Ensuite, Florent Dufaux se penche sur la problématique de la musique en ligne et nous propose une étude très fouillée sur un univers complexe. Secteur stratégique des bibliothèques de lecture publique, la musique se trouve au cœur de la « révolution numérique » et comme le souligne Florent Dufaux, reste à savoir la position que défendront les bibliothèques face aux offres de musique en ligne ?
Sous la rubrique Compte rendu d’expériences nous vous proposons la contribution de deux collègues du Maroc, Hanan Erhif et Lamyaa Belmekki. Travaillant pour l’Institut marocain de l’information scientifique et technique à Rabat, dans le service d’intelligence économique et d’aide à l’innovation, les deux auteurs nous relatent comment elles ont mis en œuvre un service de veille technologique destiné à servir les PMI/PME marocaines.
Sous la rubrique Evénements il est encore question d’intelligence économique avec une contribution collective de François Courvoisier, Jacqueline Deschamps et Françoise Simonot qui nous font un compte rendu de la 3ème Journée en Intelligence économique et veille stratégique qui a eu lieu le 15 juin 2006 à Besançon. Cette rencontre a rassemblé des professionnels, chefs d’entreprise et enseignants pour débattre de « L’information au service de l’innovation ». Comment, grâce à une veille stratégique, une entreprise peut innover, prendre en compte les attentes du marché ou encore choisir de bons canaux de distribution ? L’alternance d’exposés théoriques avec des témoignages de professionnels relatant des expériences de terrain, montrent la présence bien réelle d’une réflexion sur la veille stratégique au service de l’entreprise.
Sous la rubrique Ouvrages parus en science de l’information, Daniel Ducharme nous propose une recension de l’ouvrage présentant Troisième journée des archives.
Nous remercions les auteurs qui ont contribué à la parution de ce numéro. Nous remercions également les membres du Comité de lecture et la Haute école de gestion de Genève, qui soutient notre entreprise. Nous comptons sur vous, lecteurs, pour les prochaines parutions et attendons vos articles.
Le Comité de rédaction
Musique en ligne : la discothèque publique face à la médiathèque universelle?
Ressi — 9 octobre 2006
Florent Dufaux, Bibliothèque de la Cité, Genève
Résumé
La musique enregistrée est présente depuis de nombreuses années dans les collections des médiathèques de lecture publique.
Ces institutions ne peuvent ignorer le développement de la diffusion commerciale de musique sur Internet qui implique des questions importantes en termes de politique documentaire et d’adaptation aux besoins des usagers.
Cet article propose un tour d’horizon des offres commerciales existantes aujourd’hui ainsi que des services destinés spécifiquement aux bibliothèques. Il questionne sur la place que pourront prendre les bibliothèques de lecture publique dans ce nouveau marché.
Musique en ligne : la discothèque publique face à la médiathèque universelle?
1. Introduction
La musique possède une place privilégiée dans les médiathèques de lecture publique. Les travaux des discothécaires en ont fait l’un des premiers champs d’une approche multi-support.
Comme les autres domaines du savoir et de la culture, la musique vit depuis la fin des années nonante sa dématérialisation et l’apparition de modes de diffusion en ligne. Celui-ci représentera probablement l’un des principaux vecteurs de la « révolution numérique » des bibliothèques de lecture publique.
Les bibliothèques universitaires et scientifiques ont vécu cette révolution, il y a quelques années déjà, avec les périodiques. Des interrogations prégnantes restent, mais le document numérique est déjà parti intégrante des collections de ces bibliothèques.
Ce n’est pas le cas pour les bibliothèques de lecture publique. Si celles-ci peuvent s’appuyer sur les avancées de leurs consoeurs scientifiques sur les plans techniques et juridiques, il faut noter une différence de taille que représente le marché. Dans le domaine qui nous intéresse, celui des documents audiovisuels édités, les bibliothèques ne constituent pas un débouché important pour la grande majorité des éditeurs (les « majors » de la musique et du film).
La problématique de la musique en ligne se révèle complexe. Les technologies ont déjà quelques années, mais ce n’est que depuis deux ans environ que de véritables applications commerciales se développent.
La presse, généraliste ou spécialisée, se fait régulièrement l’écho des nouveaux services de musique en ligne lancés à grand renfort de marketing. Une vision d’ensemble y est par contre rare. Des comparatifs utiles existent, mais ils se limitent aux grandes plates-formes de vente (Mabon & Genoud, 2005). Nous avons trouvé assez peu de documents offrant un aperçu global de la problématique. On peut toutefois relever un excellent numéro de l’émission de la TSR « A bon entendeur » (Mariot, 2006).
Nous nous proposons donc d'effectuer ici un état de la question.
Nous ne ferons qu’évoquer ici les problèmes liés au téléchargement dit illégal. Cette question constitue certes la toile de fonds de nombre de débat autour de cette problématique, mais les bibliothèques ne peuvent bien entendu que se positionner du côté des offres légales. Nous verrons toutefois que ce phénomène influe sur les usages.
Nous commencerons donc par décrire l’émergence de ce marché légal, et verrons par la suite que « légal » ne signifie pas forcément payant.
Nous donnerons ensuite un aperçu des principaux formats informatiques. Nous nous pencherons sur les systèmes de gestion des droits mis en place pour contrôler les utilisations des fichiers et qui se révèlent finalement plus important que le format informatique de compression.
Nous examinerons les différentes applications qui découlent de ces technologies, en décrivant les systèmes de diffusion de musique en ligne dont nous avons connaissance, esquissant ainsi une typologie des sites. Force est d’admettre que celle-ci s’avérera forcément incomplète, puis rapidement obsolète, tant ce domaine semble évoluer rapidement.
A l’issue de ce tour d’horizon, il restera difficile de répondre à la question qui nous préoccupe, à savoir quelle peut être la place des médiathèques publiques dans cet univers. Nous tenterons d’examiner les différentes solutions existantes dans la perspective d’une bibliothèque publique, notamment par la grille de lecture qu’offre le concept de concurrence défini par D. Lahary (2005).
2. Apparition d’un marché de la musique en ligne
Le développement de l’échange de fichiers musicaux sur Internet, devenu un phénomène massif dès le début des années 2000, a été identifié par l’industrie musicale comme un facteur aggravant de la crise qu’elle traversait. Ses premières réactions ont été de combattre ce nouveau mode de diffusion, illégal en regard du droit d’auteur, sans toutefois proposer d’alternative.
Les solutions légales ont été longues à apparaître. Elles se développent fortement depuis 2004. Cela est dû à des facteurs concomitants :
- L'explosion de la vente d'appareils de lecture dédiés aux fichiers multimédia : baladeurs, lecteur CD/DVD capable de lire les formats compressés, orientation de l’ordinateur familial comme « multimédia center » relié à la télévision et à la chaîne hi-fi. On constate une très forte croissance de la vente de baladeurs : 10 Mio d’iPods (Apple) vendus dans le monde en 2005, dont 6 Mio en 2004 ! (Seydtaghia, 2005).
- L'augmentation des accès à Internet à « haut débit » et donc la « nécessité » d’offrir des contenus.
- Un positionnement fort de l’industrie musicale pour la création d’un marché légal (payant) de la musique en ligne (IFPI, 2005 ; Nicolas, 2005 ; Nicolas & Conradsson, 2005)
Il ne s'agit pas ici pas de chanter la mort du disque. La vente en ligne pèse encore peu dans l’économie de la musique. Selon l’OCDE (Wunsch-Vincent & Vickery, 2005), ce marché représentait en 2004 entre 1 et 2 % des revenus de l’industrie musicale. Il pourrait évoluer entre 5 et 10 % d’ici 2008 selon différentes projections. Il faut noter que la Fédération internationale de l’industrie se montre particulièrement optimiste dans son rapport 2006 sur la musique en ligne (IFPI, 2006). Elle y estime que la vente en ligne représente maintenant en France 6% du marché. 2004 et 2005 constituent deux années charnières. Les grandes maisons d’éditions commencent à entrevoir tout le potentiel financier de ce mode de distribution.
L’influence réelle des échanges illégaux de fichiers musicaux par le biais des fameux réseaux « peer-to-peer (1) » sur la chute globale des ventes de disques est largement discutée, ce n’est toutefois pas notre propos. La crise du disque est réelle, en France, les ventes ont connu une chute impressionnante depuis deux ans : - 31 % en valeur (Nicolas, 2005b), l’IFPI annonce des chiffres similaires pour la Suisse.
Un autre facteur influe sur ce marché, et donc sur nos politiques documentaires. Il s’agit de la forte concentration que connaît ce secteur : 4.4% des références représentaient 90% des ventes en 2004 (Nicolas, 2005a). Ce phénomène tend à s’amplifier en un cercle vicieux : les majors en crise concentrent leurs moyens de production et de marketing sur les artistes les plus « rentables ». De plus, lorsque l’on sait qu’en France toujours, la moitié des ventes s’effectue dans des grandes surfaces, qui privilégient en général la rentabilité du mètre linéaire, on peut se faire quelques soucis.
Que ce soit pour le marché physique ou le commerce de fichiers musicaux numériques, Internet peut s'avérer porteur. Il peut être considéré comme un espace d'échange, libéré des contraintes matérielles. Ce concept est particulièrement développé par Chris Anderson (2005). Traduit en français par « longue traîne » son concept peut se résumer ainsi. Internet permet de passer outre les contraintes du magasin physique. Un disquaire en ligne peut ainsi proposer un choix quasi illimité, ce qu'une échoppe aux rayons forcément restreints ne peut se permettre. Il peut ainsi proposer des références extrêmement pointues et atteindre facilement la « niche » constituée des amateurs du genre le plus spécifique, répartis sur toute la planète, ce qui est impossible pour un disquaire « physique » dont l'audience se limite en général à une ville. De plus les sites marchands mettent en place des systèmes de recommandations : « si vous avez aimé... vous aimerez... » pouvant conduire les utilisateurs vers de nouvelles découvertes. Issus des données récoltées lors des transactions de l'ensemble des clients, ces systèmes de conseils s'avèrent particulièrement efficaces. L'intérêt d'Internet réside donc dans le fait qu'il peut permettre la diffusion plus grande de toutes les productions situées dans la longue traîne : des oeuvres qui se vendent peu, mais dont le cumul représente, finalement, peut-être plus de ventes potentielles que les hit-parades et les best-sellers.
Il s'agit bien entendu d'une vision utopiste de la diffusion des produits culturels sur Internet. Il n'est pas certain qu'à terme les échanges en ligne favorisent réellement la longue traîne.
Ajoutons à cette brève analyse que ce sont les sonneries de téléphones mobiles qui représentent à l'heure actuelle le marché le plus prometteur pour la musique en ligne. L'industrie musicale retrouve là une source de revenus important, par le biais d'un public qui n'est pas réellement composé de mélomanes.
Comme dans le marché physique du disque un même enregistrement peut être diffusé et vendu en ligne par des intermédiaires différents, avec des conditions différentes. Ce sont surtout les conditions d’utilisation qui peuvent varier.
2.1. Chaîne de diffusion
La chaîne de distribution de la musique en ligne peut se schématiser de la façon suivante. Le chemin noir étant le plus commun.
L'apparition de la distribution de musique en ligne à la fin des années nonante avait fait naître l’utopie de la distribution directe de musique, sans l’intermédiaire du label (circuit grisé). A l’heure actuelle, les carrières, même modestes, bâties sur ce modèle restent l’exception (Wunsch-Vincent & Vickery, 2005).
Les notions d’agrégateur et de plate-forme sont spécifiques au mode de distribution. Il convient donc de les définir plus précisément.
2.2. Agrégateurs de contenus
En règle générale, les catalogues d'oeuvres numérisées sont constitués par des agrégateurs de contenus de type B2B (business to business). L’agrégateur prend en charge le traitement des aspects légaux et techniques. Il vend ensuite son catalogue aux sites de vente aux particuliers. « On demande distribution » http://www.ondemanddistribution.com/FR/company.asp (OD2), leader sur le marché européen fournit ainsi la plupart des grands sites de vente à l’exception d’iTunes.
Notons que certains agrégateurs sont spécialisés dans les catalogues indépendants. Ioda http://www.iodalliance.com par exemple fournit le site Bleep http://www.bleep.com, spécialisé dans les labels de musique électronique, mais aussi iTunes et… OD2.
Les imbrications s’avèrent complexes. Il n'est pas toujours facile de déterminer quel agrégateur se « cache » derrière une plate-forme, mais il ressort que la plupart des sites proposent en gros le catalogue OD2. Voilà qui ne va pas forcément dans le sens d'une plus grande diversité des contenus dans le domaine numérique.
2.3. Plates-formes de vente
Nous retrouvons certes les intervenants qui pèsent dans le marché physique du disque. Les grandes surfaces culturelles d'abord comme la Fnac http://www.fnacmusic.com par exemple et leurs équivalents dans la distribution par Internet comme Alapage http://www.alapage.com par exemple. Les grandes surfaces alimentaires elles aussi bien présentes sur le marché du disque prennent position avec la musique en ligne, comme par exemple Migros http://www.exlibris.ch/downloadm.aspx en Suisse.
De nouveaux acteurs plus ou moins attendus, semblent appelés à jouer un rôle important dans ce contexte.
Il s'agit tout d'abord des deux grands concurrents du monde de l'informatique. Apple exploite iTunes http://www.apple.com/fr/itunes/overview, tandis que Microsoft vend de la musique sur son portail MSN http://fr.ch.msn.com, où nous retrouvons le fameux catalogue OD2. Les motivations des constructeurs d'informatique apparaissent relativement claires. Il s'agit de promouvoir leurs logiciels, lecteurs multimédia et solutions de gestion des droits numériques.
Pour Apple s'ajoute une préoccupation de constructeur d'électronique, puisque sa plate-forme lui sert aussi à promouvoir son fameux baladeur iPod.
Nous rencontrons aussi dans le monde de la musique en ligne un fort investissement des fournisseurs d'accès Internet. Wanadoo en France par exemple http://www.wanadoo.fr. Pour ceux-ci, il apparaît clairement que la musique constitue un excellent moyen d'attirer ou de fidéliser des clients pour leurs offres haut débit.
La musique semble constituer un très bon moyen de générer du trafic et donc des revenus publicitaires pour les sites de type portail. Yahoo investit fortement dans le contenu musical, comme on le verra plus loin.
Des portails spécialisés, comme le portail d'informatique 01net http://musique.01net.com utilisent aussi la musique comme produit d'appel.
Finalement, la musique en ligne semble être considérée comme un excellent produit marketing. Certaines grandes marques l'utilisent pour leur image. C'est par exemple le cas de Coca-cola http://www.mycokemusic.ch.
Bien entendu, cette utilisation publicitaire de la musique n'est pas nouvelle. Toutefois, si l'on repense en terme de concurrence, comment notre médiathèque publique rivalisera-t-elle avec les millions de titres proposés par les marchands de limonades?
3. Nouveaux usages
Certains auteurs relèvent des évolutions marquées dans les pratiques et usages liées à l'écoute avec le développement de la musique en ligne (Bogucki Duncan & Fox, 2005).
La musique devient de plus en plus « portable », on peut l’écouter partout, tout le temps. Un baladeur à disque dur de taille moyenne peut stocker 10'000 titres.
Le disque en tant que tel semble perdre de son importance. En effet, avec l’échange puis la vente en ligne, on se dirige vers un marché de la chanson et non plus de l’album. L’utilisateur compose sa propre compilation. (Davet, 2005 ; Wunsch-Vuncent & Vickery, 2005)
Enfin, une offre plus riche en terme de contenu documentaire semble pouvoir se développer. L’éditeur ou l’artiste n’est plus limité par le livret du CD, tous les contenus additionnels peuvent être imaginés. (Anderies, 2005). Les possibilités de recherche augmentent grâce aux méta-données.
Le sociologue Jean-Samuel Beuscart (Guillaud, 2005) a étudié les usages et pratiques des internautes utilisant le peer-to-peer. Pour lui, la modification des comportements liés à la musique s'amorce dans les années 60. Depuis cette date, il apparaît que les générations successives écoutent toujours plus de musique. Le public devient en outre de plus en plus éclectique dans ses goûts. Les genres musicaux jouent un rôle important dans la construction identitaire.
Il identifie deux grands profils d'usagers du peer-to-peer. Le « collectionneur » qui accumule un maximum d'enregistrements et le « sampler » qui va tester des nouveautés grâce à cet accès gratuit et ensuite acheter les disques qu'il juge intéressants.
Ces usages nous semblent assez similaire à ceux, qu'empiriquement, nous pouvons observer dans nos discothèques de prêt. Notre question de départ ne paraît donc pas tout à fait inutile, comment pourrons-nous jouer notre rôle de médiateurs face à la concurrence de réseaux peer-to-peer, puis des offres légales?
Krstulovic et Martin (2005) relèvent eux un déplacement de valeurs. Ce n'est plus tellement la bonne musique que recherche le public mais la bonne expérience musicale. Ce sont donc plutôt les échanges liés à la musique qui se trouvent valorisés. Les concerts, mais aussi toutes les formes de dialogue plus ou moins direct avec les artistes et entre amateurs que permet Internet. Là aussi, nos pratiques de médiathécaires ne paraissent pas tout à fait hors champs. Médiations et animations consacrées au disque représentent bien une valorisation de l'échange. Reste la question de savoir comment nous les transposerons « en ligne ».
4. Formats de compression et mesures techniques de protection
Le fameux acronyme mp3 est fréquemment utilisé pour évoquer la musique sur Internet ou les baladeurs numériques. Or, il ne s'agit que d'un format de compression parmi d'autres. Il reste certes le plus courant, mais s'avère en fait le moins utilisé dans le cadre de la musique légale. En effet, ce format n'inclut pas de système de gestion des droit numériques (en anglais : digital rights management, DRM) et ce n'est donc pas le format utilisé par la plupart des plates-formes de vente. Ce sont donc plutôt ces DRM qui se trouvent au coeur de la problématique.
4.1. Formats de compression
Il existe d'innombrables sites discutant des qualités respectives des différents formats. Nous n'entrerons pas ici dans ce débat.
Nous nous limiterons à signaler que, techniquement, ils se répartissent en deux grandes familles que l'on retrouve d'ailleurs pour tous les types de formats de compression, à savoir si le format est destructif ou non. Les formats couramment utilisés sont destructifs, car cette technique permet un meilleur gain de place pour un temps de calcul moindre.
D'une manière très simplifiée, un format audio destructif va supprimer certaines données considérées comme inaudibles. Bien entendu cette soustraction aura tout de même une influence sur le résultat.
Les formats non destructifs sont encore relativement peu utilisés, signalons dans cette catégorie les formats FLAC et Monkeyaudio. Apple propose aussi un format sans perte nommé Apple loseless. Ces formats peuvent réduire les tailles des fichiers en opérant uniquement à des calculs, ils sont donc plus « gourmands » en puissance informatique.
Le second niveau de description s'attache au statut légal du format. Là aussi il s'agit d'une constante de tous les types de formats informatiques. Ils sont propriétaires ou non, c'est-à-dire rattachés à une marque ou non. Ils peuvent être ouverts ou fermés. Un format ouvert voit son mode de codage des données publié et n'est pas protégé par un brevet ou un copyright. Un format est dit fermé s'il contredit l'une de ces conditions.
Paradoxalement, le mp3 n'est pas un format ouvert, il est protégé par un brevet. Son ancienneté sur le marché l'a toutefois rendu incontournable. On notera qu'Apple utilise un format fermé, mais dont il n'est pas propriétaire nommé AAC, tandis que Microsoft développe un format propriétaire : WMA.
Sony utilise aussi son propre format propriétaire ATRAC3.
Bien entendu, la multiplication des formats fermés propriétaires pose des problèmes d'interopérabilité entre les logiciels de lectures ainsi qu'entre les baladeurs numériques.
En réaction se sont créés des formats ouverts, principalement le format destructif Ogg Vorbis et les formats non destructifs FLAC et Monkeyaudio.
4.2. DRM
Les DRM désignent les techniques cryptographiques permettant de contrôler l’usage qui peut être fait d’un fichier. Il s'agit d'un verrou informatique reflétant la licence d'utilisation accordée. Ils gèrent notamment :
- la vente définitive d’un fichier, utilisable uniquement sur un nombre défini d’ordinateurs,
- la location d’un fichier (« chronodégradable », il devient inutilisable après une période donnée),
- l'écoute gratuite mais limitée en nombre de lecture,
- le contrôle du nombre de copie sur CD-R,
- le contrôle du nombre de transfert sur un appareil mobile,
- l'utilisation sur un appareil mobile de fichiers loués,
- la récolte d’information sur les utilisations du fichier (nombre d’écoute, durée…)
La solution DRM la plus présente sur le marché est celle de Microsoft (WMA DRM ou « Janus »). Elle est utilisée par la plupart des sites de vente. Elle est compatible avec la majorité des baladeurs – à l'exception de l'iPod d'Apple. Elle est bien entendu liée au format de Microsoft, le WMA. Elle implique l'utilisation de Windows et son logiciel de lecture « Media player ». Les autres systèmes d'exploitation sont de ce fait exclus.
Cette solution est en concurrence directe avec celle d’Apple (Fairplay) qui est couplée au format AAC et protège les titres vendus sur la plate-forme iTunes. Ce format DRM ne peut être décodé que par le baladeur maison, le iPod.
Il existe aussi d’autres solutions plus marginales. Sony notamment qui utilise sa propre solution DRM pour son site de vente et ses baladeurs.
Real http://www.real.com/musicstore avec sa technologie baptisée « Harmony » est l'un des seuls intervenants à jouer le jeu de l'interopérabilité. Cela lui avait d'ailleurs attiré les foudres d'Apple (Dumout, 2004). Cette couche logicielle permet d'assurer la compatibilité des morceaux vendus par Real avec son propre système DRM « Helix » ainsi qu'avec ceux de Microsoft et Apple.
Les solutions DRM, dans leurs applications actuelles, se trouvent au coeur d’un vaste débat. Les DRM pourraient constituer une solution à la gestion des droits d’auteurs et droits voisins pour les média en ligne. Ils pourraient ainsi servir pour les médiathèques à gérer le prêt en ligne de fichiers audiovisuels.
Il faut toutefois noter qu’ils représentent surtout à l’heure actuelle une réponse très rigoriste, voire paranoïaque pour certains, des majors au problème du téléchargement illégal.
Certaines associations de consommateurs s’élèvent actuellement contre l’application qui est faite des DRM, en ce sens qu’elle restreint de manière trop importante les droits de l’acheteur et pourraient mettre en danger le respect de la sphère privée (par la collecte d’information).
Le projet danois Netmusik, mettant à disposition de la musique en ligne pour les usagers de bibliothèques au format de Microsoft s’était à ce titre attiré les foudres du Conseil de la consommation de ce pays (Westh Nielsen, 2004).
5. Typologie des sites de musique en ligne
5.1. Modes de diffusion principaux
Deux principaux modes de diffusion semblent se dessiner, la vente à l'unité ou l'abonnement. Tous les sites ne proposent pas de formule d’abonnement. Les sites qui proposent des abonnements semblent proposer aussi la vente à l’unité à prix préférentiel.
5.1.1. Vente à l'unité
En ce qui concerne la vente au titre, le prix d’environ 1,50 Francs suisses semble être devenu la norme (0.99$ puis 0.99€ établis par les premiers sites de vente).
Ce prix peut être jugé comme relativement élevé, notamment compte tenu des restrictions d’usage importantes. Notons ainsi que la plupart des grandes plates-formes de ventes ne font que louer les fichiers, il deviennent inutilisables après 12 mois (Mariot, 2006). Paradoxalement, il semble que ce mode de vente se révèle peu rentable pour les plates-formes de vente en ligne (Krstulovic, 2005). Celles-ci ne touchent en effet qu'une part très faible de ce prix de vente. La plus grande partie étant absorbée par les frais de licences, versés aux agrégateurs puis aux maisons de disques.
5.1.2. Abonnement
Les abonnements mensuels sont proposés entre 5 $ et 15 $ selon les fournisseurs et surtout les options disponibles liées aux DRM. Durant la période de validité de sa souscription, le client a accès à l'ensemble des titres du catalogue et peut les télécharger, mais pas les graver sur un CD. Dès qu'il ne paye plus par contre, il n'a plus rien.
Les abonnements les plus chers permettent d’écouter les titres sur un appareil mobile sans qu’il soit connecté à Internet (par exemple « Rhapsody to go » http://www.real.com/rhapsody ou « Napster to go » http://www.napster.com . La validité de la licence – liée à la durée de l'abonnement – est vérifiée sur la base de l'horloge interne du baladeur.
Pour la petite histoire, Napster était il y a quelques années la bête noire des majors du disque, puisqu'il s'agissait de l'un des premiers réseaux peer-to-peer ayant conquis une très large audience, notamment dans les universités américaines. Actuellement, en plus de s'être « légalisé » (il ne fonctionne plus avec la technologie peer-to-peer, Napster propose ses services aux universités qui peuvent s'y abonner pour offrir du contenu musical sur leurs réseaux.
Yahoo propose un service similaire intitulé Yahoo music unlimited, lui aussi décliné en version écoute sur PC uniquement ou aussi sur baladeur http://music.yahoo.com/unlimited. A l'heure actuelle, il n'est accessible qu'aux États-Unis. Sur le marché européen, Yahoo propose aussi une section musique, mais elle se limite à des offres gratuites – des clips vidéo et des radios en ligne http://fr.launch.yahoo.com. Tim Roback, directeur de Yahoo music, cité par ZDNet (Dumout, 2006) estime que le marché francophone n'est pas encore prêt pour les offres payantes sur abonnement.
Les formules d'abonnements restent donc surtout développées sur le marché anglo-saxon. Notons que Napster a lancé depuis peu son service en Allemagne http://www.napster.de.
La société française MusicMe http://www.musicme.com semble se positionner en France sur ce type d'offre sur abonnement http://www.musicme.com/illimite.php.
Il ne faut toutefois pas s'y tromper. A l'heure actuelle, le service proposé reste très éloigné de ce qu'offrent Napster et consorts. Il s'agit en fait uniquement d'écoute en ligne (streaming (3) ) sur un catalogue relativement restreint (Champeau, 2006). L'abonnement permettant le téléchargement était annoncé pour mars 2006 (Dumout, 2006), mais il n'est pas arrivé. A l'heure actuelle, MusicMe reste surtout un moteur de recherche musical renvoyant sur les grandes plates-formes pour l'achat de téléchargement ou... de disques.
5.2. Modèles alternatifs
Les modèles décrits plus haut restent principalement les canaux de diffusion des productions des grandes majors du disque. La production indépendante y est encore peu présente (Nicolas & Conradsson, 2005 : p. 40-41). Il n'est pas du tout certain que la concentration du marché physique ne se retrouve pas en ligne.
Nous observons toutefois le développement de modèles alternatifs particulièrement intéressants. Ils sont le fait de deux courants : l'édition indépendante et une certaine frange de la communauté des internautes préoccupés par la diffusion démocratique des contenus. Si nous nous référons à nouveau à notre schéma de la « chaîne de diffusion», il s'agira des chemins grisés.
5.2.1 Vente sans DRM
Certains labels qui ne se trouvent pas dans le giron des grandes majors offrent une approche plus souple de la musique en ligne.
Si les fichiers musicaux de leurs catalogues sont aussi vendus – à des prix souvent proches de ceux proposés par les grandes plates-formes – ils ne comportent pas de DRM.
Il ne s’agit pas d’un choix technique, mais bien d’une politique. Le vendeur offre au client les mêmes possibilités qu’avec un CD qu’il aurait acheté : la copie privée sur support (CD-ROM gravé), un transfert libre sur des appareils mobiles sans contraintes de marques, la lecture sur plusieurs ordinateurs. Bien évidemment, si le client a une notion quelque peu biaisée de la notion de « copie privée », il serait à même d’offrir le fichier acquis sur un réseau illégal.
Certains grands labels de musique électronique se sont logiquement positionnés sur ce marché. Le label anglais Warp a ainsi lancé la plate-forme Bleep http://www.bleep.com sur laquelle sont vendues ses propres productions, mais aussi celles d'autres labels.
Certains sites se positionnent comme plate-forme pour les musiciens autoproduits. C'est ainsi le cas du site suisse Europamp3 http://www.europamp3.org. Là aussi, les fichiers musicaux ne comportent pas de DRM, il est en outre possible d'écouter entièrement les morceaux en streaming avant de les acheter.
Ces plates-formes mettent en avant leurs contenus « libre de DRM », mais finalement, elles restent dans leur modèle économique proche des grandes plates-formes décrites plus haut.
5.2.2. DRM alternatif
Il existe un modèle alternatif basé sur les DRM, il s'agit de la technologie Weed. On en trouvera description sur le site Weedfrance http://www.weedfrance.com.
Le modèle s'avère assez curieux. Il garantit une rémunération constante à l'artiste, de 50% du prix de vente pour chaque transaction, tout en versant aussi une commission à chaque vendeur. C'est à dire qu'un internaute qui revend un fichier touche 10% du prix de vente. Il s'agit de créer une chaîne de diffusion répartie. Un utilisateur peut ainsi tout à fait placer un morceau acquis sur un réseau peer-to-peer. Si d'autres utilisateurs l'achètent, il touchera une commission. À la vue du catalogue disponible, ce système reste encore très marginal.
5.2.3. Le peer-to-peer légal
Comme nous l’avons vu, Napster s’est « légalisé » en abandonnant la technologie peer-to-peer.
Certaines entreprises tentent, toujours outre Atlantique, de rentabiliser des réseaux de ce type, fonctionnant avec l’accord des ayants droits (Rauline, 2006). Les modèles économiques ne semblent pas encore très clairs. La plupart fonctionnent tout de même avec l’abonnement ou le téléchargement payant au titre. Il semblerait, toujours selon Rauline (op. cit.), qu’une société projette un réseau rémunérant les ayants droits grâce à la publicité.
Il n’est de loin pas certain que ce type d’offres commerciales « convertisse » les adeptes du peer-to-peer illégal, car à l’heure actuelle ces modèles restent relativement restrictifs (Champeau, 2005). La donne pourrait probablement changer si des modèles basés sur la publicité se développaient réellement. Ceux-ci deviendraient de redoutables concurrents dans le monde de la musique en ligne.
5.2.4. Vers le Web 2.0
Le Web 2.0 est une étiquette placée sur les technologies les plus innovantes du Web, notamment celles qui favorisent les échanges entre internautes et celles sur lesquelles s'appuient les sites de services. Il s'agit d'un concept assez vaste, pour ne pas dire flou. Tim O'Reilly, considéré comme l'un des inventeurs du concept en a donné sa définition dans un article traduit par InternetActu (O'Reilly, 2006)
La musique représente un domaine où les potentialités du Web 2.0 s'avèrent particulièrement parlantes.
Ainsi le peer-to-peer. Selon la logique Web 2.0, il s'agit d'une technologie visant à répartir les coûts en bande passante entre les utilisateurs. C'est aussi un outil qui peut amener des échanges entre ces utilisateurs, même si l'on peut estimer que ces pratiques restent minoritaires (Guillaud, 2005).
Le phénomène des blog peut aussi s'étiqueter Web 2.0. Les blogs musicaux sont devenu en peu de temps des sources incroyablement riches pour l'information musicale. Tout un chacun peut publier au jour le jour ses critiques accompagnées des morceaux concernés. Nous retrouvons ainsi un élément de la longue traîne : la multiplication de sources très spécialisées dans des courants musicaux pointus, améliorant la visibilité et éventuellement la disponibilité des enregistrements correspondants.
Les ayants-droits ne sont que rarement rémunérés et cette pratique reste donc souvent illégale. Toutefois les objectifs de la diffusion par les blogs étant très différents de celle des réseaux peer-to-peer, la plupart des blogs musicaux semblent à l’heure actuelle tolérés. De plus du fait qu’ils se situent en général dans des « niches » restreintes et peu commerciales, certains sont même considérés par les petits labels comme des moyens de promotion tout à fait intéressants. (Alden, 2005)
Napster, qui avait déjà « légalisé » le peer-to-peer, semble s'attaquer maintenant au phénomène blog. Son site américain propose maintenant le streaming gratuit des morceaux, limité à 5 écoutes. Le blogueur est invité à créer des liens sur son site grâce à Napster.links http://www.napster.com/napsterlinks. Son visiteur pourra ainsi écouter le morceau concerné – 5 fois – via Napster... puis l'acheter ou s'abonner à Napster.
Les clients (ou futurs clients!) de Napster sont aussi encouragés à participer, N-archive propose à tout un chacun de rédiger des rédactionnels sur son groupe, son courant musical favori et à illustrer ceci par les liens Napster.links. La boucle est bouclée.
Napster se positionne ainsi à notre avis comme l'un des futurs grands acteurs de la musique en ligne et comme un sérieux concurrent pour les médiathèques.
Myspace http://music.myspace.com représente aussi un cas intéressant. Il s'agit de l'un des plus vastes réseaux sociaux (Blecher, 2005), revendiquant plus de 40 millions de membres inscrits. Il offre à tout un chacun de créer sa page Internet. Orienté dès le départ sur la musique, il permet aux artistes de déposer leurs morceaux sur leurs pages, en streaming et d'en autoriser ou non le téléchargement. Les musiciens présents sur Myspace vont maintenant du petit groupe espérant ainsi se faire connaître aux grandes stars.
Le concept de radio en ligne évolue aussi dans la perspective du Web 2.0. Ainsi la radio gratuite proposée par Yahoo France http://fr.launch.yahoo.com, outre des stations thématiques, propose une radio personnalisable. Après avoir défini ses genres et artistes favoris, l'utilisateur se voit suggérer des titres par le système. L'auditeur peut noter les morceaux qui lui sont diffusés et ainsi influencer le « comportement » de la radio. L'ensemble des notations permet de définir des similitudes. Il est aussi possible de partager sa station avec des amis (inscrits à Yahoo...)
La radio en ligne Last.fm http://www.last.fm est aussi personnalisable. Elle pousse encore plus loin l’interaction avec l’utilisateur. Celui-ci dispose d’un profil évoluant selon ses écoutes. Il peut en plus attribuer des mots-clefs, des « tags », aux morceaux écoutés, selon le principe de « folksonomy (4) ». On découvre ainsi une classification tout à fait surprenante – à faire frémir d'horreur un bibliothécaire – mais qui, pourquoi pas, pourrait nous conduire à de nouvelles découvertes.
Les auditeurs peuvent aussi participer à la rédaction d’articles consacrés aux artistes, découvrir d’autres utilisateurs ayant des goûts musicaux proches et interagir avec eux.
5.2.5 Podcasting
… ou « baladodiffusion », terme francophone retenu officiellement par les québécois.
Le néologisme « Podcasting » est une contraction de la marque de baladeurs iPod et du mot anglais broadcasting.
Il s’agit de l’application aux contenus audio de la technique de diffusion d’informations RSS. Le RSS permet à l’utilisateur de souscrire un flux d’informations diffusé par un site web au format xml. Ce flux permet à un logiciel lecteur RSS d’afficher en permanence un sommaire mis à jour du site. Le flux RSS est particulièrement adapté aux blogs.
Étendue au domaine audio, cette technique permet de mettre à disposition des émissions. Le lecteur podcast installé sur l’ordinateur client permet de s’abonner à différents « flux », de télécharger automatiquement les nouveaux fichiers, et de synchroniser ceux-ci avec un baladeur. Contrairement à ce que le nom podcasting pourrait laisser entendre, les fichiers peuvent aussi être lus sur l’ordinateur.
De plus en plus de radio diffusent des émissions par ce biais, mais comme le blog, le podcast n'est pas avant tout un outil de professionnel.
5.3. Contenus libres
Les modèles alternatifs de musique en ligne les plus prometteurs sont à notre avis à rechercher du côté des contenus libres.
En réaction au verrouillage des oeuvres par l'industrie culturelle se développent de multiples mouvements recherchant d'autres moyens de diffuser la culture sur Internet. Ils s'inspirent du mouvement des logiciels libres et de la « Licence publique générale » (GNU).
Bien que les contenus libres soient souvent associés à la gratuité, ce n'est pas forcément l'aspect fondamental. Il s'agit avant tout de garantir les possibilités de diffusion des oeuvres et des idées sur Internet. Selon cette philosophie, les artistes y trouveront leur compte, profitant d'Internet comme d'un outil de promotion et de diffusion d'idées et gagnant leur vie grâce à la vente de disques, d'entrées aux concerts, des droits de diffusion dans les média et aux dons des internautes.
De nombreuses licences libres existent. L'une des plus « dynamiques » à l'heure actuelle semble être « Creative Commons », abrégée « CC ». Il faut d'ailleurs préciser qu'il s'agit d'un ensemble de licences qui regroupent la plupart des caractéristiques des différentes approches. Un vaste réseau promeut l'usage de ces licences http://creativecommons.org. Des juristes s'emploient notamment à les adapter aux différentes législations. Ce travail est en cours pour la Suisse http://creativecommons.org/worldwide/ch.
Les Creative Commons se déclinent en 6 licences qui combinent différentes restrictions d'utilisation. Les licences possèdent des conditions communes notamment l'autorisation de diffuser gratuitement des copies de l'oeuvre.
Dans les restrictions des différentes licences notons l'interdiction d'une utilisation commerciale sans autorisation et l'interdiction de produire des oeuvres dérivées.
Les licences Creative Commons sont aussi très sérieusement développées sur le plan technique. Les différentes façons de les inclure dans les méta-données sont bien documentées.
De nombreux sites reflètent la créativité de cette mouvance. Nous citerons notamment Musiclibre.org http://www.musique-libre.org, portail associatif visant à promouvoir la musique libre.
Le site Rezal404 référence un nombre considérable de sites diffusant de la musique libre http://rezal404.org/wikini/wakka.php?wiki=PagePrincipale.
Nous décrirons finalement deux sites dédiés à la musique libre particulièrement intéressants, en ce sens qu'ils utilisent des technologies Web 2.0 de manière assez poussée.
5.3.1. Jamendo
Jamendo http://www.jamendo.com utilise le concept de « folksonomy ».
Les artistes décrivent le genre qu'ils jugent approprié pour leur musique, mais les utilisateurs vont ensuite pouvoir renseigner leurs propres mots-clés, pour les albums qu'ils apprécient.
Les utilisateurs sont aussi invités à poster leurs critiques et à interagir sur des forums. Ils ont aussi la possibilité de soutenir les artistes qui leur plaisent par des dons.
Les morceaux peuvent être écoutés en ligne, ou téléchargés sur des réseaux peer-to-peer.
5.3.2. BNflower
Bnflower http://www.bnflower.com/indexFR.htm repose sur un concept particulièrement simple et s'estampille lui-même « résolument Web 2.0 ».
Ce site, par le biais de son forum, souhaite faire le lien entre musiciens indépendants et internautes disposés à les promouvoir. Le musicien, nommé « fleur » met la musique libre à disposition, l'internaute qui maîtrise les technologies de diffusion, nommé « abeille » va l'aider à se faire connaître. Il s'agit d'un bel exemple de réseau social. Le site souhaite aussi promouvoir l'économie du don.
6. Offres destinées aux bibliothèques
Après ce tour d'horizon de la musique sur Internet nous décrirons quelques offres spécifiquement destinées aux bibliothèques.
6.1. Bases de données d'écoute
Il existe des bases de données musicales permettant l'écoute en ligne, en streaming. Leur intérêt reposera sur le contenu documentaire qui peut être associé aux oeuvres.
Le label classique Naxos http://www.naxosmusiclibrary.com en propose une, ainsi que l’éditeur américain Alexander Street Press http://alexanderstreet.com/products/disc.htm#music. Ces bases de données peuvent être offertes à la consultation sur place, dans les locaux de la bibliothèque, mais aussi, selon les licences payées, fournies aux usagers en accès à distance.
6.2. Prêt de fichiers musicaux
Les bibliothèques danoises ont mis en place un système de prêt en ligne de musique : Netmusik https://www.bibliotekernesnetmusik.dk (Westh Nielsen, 2004).
Il permet aux usagers d'emprunter des fichiers musicaux pour une durée d'un à sept jours. Il utilise les DRM Microsoft. Le catalogue contient environ 100'000 titres, de production locale, mais aussi internationale, négociés pour ce mode de diffusion.
La société américaine Overdrive propose aux bibliothèques une plate-forme gérant le prêt de document en ligne appelée Digital library reserve http://www.dlrinc.com. Elle a débuté avec le texte (ebooks), continué avec les livres audio et, depuis cette année, gère aussi des contenus musicaux et vidéo. Ici aussi, pour les fichiers audiovisuels ce sont les DRM de Microsoft qui sont appliqués. Ce service semble particulièrement bien implanté aux États-Unis.
La Médiathèque de l'agglomération Troyenne fait figure de pionnière en France et développe une solution originale de prêt qui semble ne pas devoir reposer sur des DRM propriétaires. Baptisée Ithèque http://www.mediatheque-agglo-troyes.fr/bmtroyes/_/itheque/itheque.htm, elle devrait permettre le téléchargement de fichier chronodégradables. Cette solution est gérée par la société canadienne Tonality http://www.tonality.ca.
7. Conclusion
Même si les services de musique en ligne restent encore rares dans les bibliothèques publiques, deux conclusions nous paraissent évidentes.
Premièrement, il semble important pour les bibliothèques de se positionner dans le domaine, du fait des nouveaux usages que la musique en ligne induit dans leur public. Deuxièmement, les offres de musique en ligne destinées spécifiquement aux bibliothèques semblent à nos portes.
Reste à savoir quelle attitude nous allons adopter face à ces nouveaux modes de diffusion, pour ne pas dire, quelle position allons-nous défendre.
L'exemple scandinave montre qu'il est possible de développer des services de musique en ligne plus ou moins sur mesure, basés sur un catalogue principalement national. Mais ce type de plate-forme s'avère coûteux : la création de Netmusik était financée par le ministère danois de la culture à hauteur de 550'000 Euros (Westh Nielsen, 2004).
Des services « clés en mains » vont se développer sur le modèle de Digital library reserve. Ces services auront aussi un certain prix – ce qui est normal, mais leur usabilité s'avérera-t-elle satisfaisante pour nos usagers ? En d'autres termes, lorsqu'ils les mettront en concurrence avec les plates-formes commerciales, y trouveront-il un avantage?
Ces catalogues en ligne pour bibliothèques resteront probablement très en deçà de ce qu'offriront les plates-formes payantes en nombre de titres. L'accessibilité des titres laissera à désirer (« ce titre est déjà emprunté, désolé, revenez plus tard! »). Les DRM seront perçus comme particulièrement restrictifs (c'est d'ailleurs déjà le cas, nous semble-t-il, avec la plate-forme danoise). Ces systèmes cherchent à transposer dans le numérique la bibliothèque physique, avec ses contraintes : la durée de prêt limitée, le nombre d’exemplaires restreint.
Enfin, débat déjà familier à nos collègues des bibliothèques scientifiques avec les périodiques, nous nous trouverons pieds et poings liés aux éditeurs et aux technologies informatiques propriétaires.
Les bibliothèques publiques ont peut-être finalement un plus grand rôle à jouer du côté de la musique libre. Que l'on nous permette pour conclure de défendre une approche militante (utopiste?) de la musique en ligne pour les bibliothèques.
Il ne s'agit pas de profiter d'une gratuité, mais de défendre une certaine idée de la diffusion de la culture qui est probablement la plus proche de la nôtre : la plus simple d'accès, ouverte à tous et visant à nourrir le débat et la créativité du plus grand nombre.
Sur le plan des technologies du Web, nous avons en outre pu constater que se trouvait dans ce domaine de fort belles réalisations.
Les bibliothèques souhaitent jouer leur rôle dans la société de l'information, en offrant des accès à Internet, en sélectionnant des ressources de qualité, en guidant les usagers dans ce paysage informationnel complexe.
La promotion de la musique libre constituera peut-être une pierre supplémentaire à cet édifice. Elle pourra peut-être aussi représenter une participation du monde des bibliothèques à ces réseaux sociaux qui se dessinent actuellement avec le Web 2.0.
Notes
(1) En deux mots, le « peer-to-peer » est un modèle de réseau dans lequel les différents intervenants jouent à la fois le rôle de client et de serveur. Il peut être utilisé pour toutes sortes d’applications : répartition du travail de calcul entre plusieurs ordinateurs ou, comme dans le cas qui nous intéresse, échange de fichiers. Les échanges sont répartis entre tous les nœuds du réseau. Les applications peer-to-peer sont donc très difficiles à contrôler (pour le respect des droits d’auteurs par exemple). Il n’est pas possible de simplement fermer quelques serveurs centraux pour arrêter un réseau de ce type. L’expression est très fréquemment abrégée « P2P ». Les tentatives de traduction française sont « point à point », « poste à poste », « pair à pair », « égal à égal ». Nous conserverons dans cet article l’expression anglaise.
(Source Wikipédia http://fr.wikipedia.org/wiki/Peer_to_peer)
(2) Les motivations des différents intervenants sont détaillées par Wunsch-Vincent et Vickery (2005 : p. 10-11)
(3) On parle de « streaming » lorsque le fichier audiovisuel joué n’est pas téléchargé sur le poste client mais lu au fur et à mesure sur le serveur. Le client ne peut donc normalement pas enregistrer directement le fichier.
Le streaming possède de nombreuses applications :
- Radio en ligne
- Extraits musicaux sur les sites de vente de CD
- Extraits musicaux sur les sites de vente de fichiers
- Illustration sonore pour un site
- Bases de données musicales en ligne.
(4) Néologisme désignant un système de classification spontané, non structuré, tout en étant centralisé.
(Source Wikipédia http://fr.wikipedia.org/wiki/Folksonomie)
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L'intérêt d'évaluer tout système de Records management: enseignement de la pratique dans un département de l'Etat de Genève
Ressi — 9 octobre 2006
Résumé
Malgré les bénéfices qu'il peut apporter, la mise en place d'un programme de Records management au sein d’une institution ne va pas de soi: cela implique généralement le bouleversement des pratiques en place.
Tout comme l'acceptation de tels changements n'est possible qu'en accompagnant de façon soutenue les utilisateurs, le maintien du système nécessite la planification de contrôles réguliers. Cette étape est d’ailleurs clairement mentionnée dans la norme ISO 15 4 89 Records management.
L'intérêt d'évaluer tout système de Records management: enseignement de la pratique dans un département de l'Etat de Genève.
Introduction
Je ne reviendrai pas ici sur les avantages que peut retirer une organisation, quelle qu'elle soit, à instaurer un programme de Records management pour gérer ses documents. Nombre d'ouvrages et d'articles ont développé cet aspect en détail.
Malgré les bénéfices qu'il peut apporter, la mise en place d'un tel programme ne va cependant pas de soi: cela implique généralement le bouleversement des pratiques en place, l'introduction de nouvelles procédures de travail, voire d'une nouvelle culture au sein de l'institution concernée.
Tout comme l'acceptation de tels changements n'est possible qu'en accompagnant de façon soutenue les utilisateurs, le maintien et la pérennité du système nécessite la planification d'évaluations, d'audits réguliers.
Cette étape est d’ailleurs clairement mentionnée dans la norme ISO 15 4 89 Records management, qui préconise de "procéder régulièrement à un contrôle de conformité, pour s'assurer que la mise en œuvre des méthodes et procédures du système d'archivage respecte les politiques et les contraintes de l'organisme et que les résultats correspondent aux attentes. Il convient que de tels contrôles prennent en compte la performance du système et la satisfaction des utilisateurs". En bref, pas de système de Records management pertinent et efficient sans contrôle périodique.
En tant qu’archiviste de l’ex Département de l’action sociale et de la santé du Canton de Genève, ou DASS (je suis aujourd’hui archiviste du nouveau département de l’économie et de la santé, le DES), j'ai eu l'occasion de définir une politique départementale de gestion des documents, de mettre en place un système de Records management, et d'aller jusqu'à cette étape capitale qu'est l'évaluation. Je souhaite ici partager cette expérience en expliquant dans quel contexte cela a été possible, les raisons qui ont motivé ce projet et enfin le plan d'action défini pour mener à bien ma mission.
1.Quel contexte pour quelle évaluation?
a) Contexte législatif genevois
A Genève, l’activité des archivistes de département s’inscrit dans le cadre d’une série de législations cantonales. La principale référence est la loi sur les archives publiques (LArch B 2 15) du 1er décembre 2000, complétée par son règlement d’application du 21 août 2001. Ces textes, issus d’une refonte complète de dispositions antérieures (1), devenues au fil du temps et des remaniements partiels obsolètes, incomplètes ou franchement disparates, s’appliquent à l’ensemble des archives publiques genevoises; celles-ci sont formées des fonds d’archives et collections réunis aux Archives d’État (AEG), et des archives des institutions publiques, qu’il s’agisse des institutions dépendant de l’ancienne République de Genève, des autorités législatives, exécutives et judiciaires, des autorités communales, de leurs administrations et commissions respectives ou des établissements et corporations de droit public cantonaux et communaux. Outre la définition classique de concepts archivistiques empruntée à la littérature professionnelle, le législateur (le Grand Conseil) et son pouvoir exécutif (le Conseil d’État) ont choisi de faire figurer dans les différents articles un ensemble de dispositions relatives à l’organisation de l’archivage, au traitement des dossiers et à leur diffusion.
Une nouvelle loi dédiée à l’information du public et à l’accès aux documents (LIPAD A 2 08) est par ailleurs entrée en vigueur le 1er mars 2002. Désormais, ce n’est plus le secret qui est la règle, mais bien la publicité de l’information, " dans toute la mesure compatible avec les droits découlant de la protection de la sphère privée, en particulier des données personnelles, et les limites d’accès aux procédures judiciaires et administratives " comme le stipule d’emblée l’article 1. Cette législation présente la particularité d’obliger explicitement, dans son article 17, " les institutions publiques à adopter des systèmes adéquats de classement des informations qu’elles diffusent ainsi que des documents qu’elles détiennent, afin d’en faciliter la recherche et l’accès ". Au moment de son entrée en vigueur, les dispositions transitoires de l’article 41 leur octroyaient " un délai de deux ans ?…? pour adopter et mettre en oeuvre des systèmes de classement de l’information et des documents qu’elles détiennent qui soient adaptés aux exigences de la présente loi ".
Ces injonctions ont eu pour effet bénéfique la création de plusieurs postes d’archivistes de département dont la mission fondamentale, une fois accomplie la mise en place de ces systèmes, s’inscrit dans le cadre plus général de la législation sur les archives publiques.
b) Politique de gestion documentaire du DASS
Début 2003, le Département de l’action sociale et de la santé a engagé une démarche d'organisation de sa gestion documentaire dans le but de répondre aux besoins de ses collaborateurs en adoptant un système clair, rationnel et efficace. Cette démarche s'inscrit en outre, comme cela vient d’être précisé, dans un mouvement général amorcé au niveau de l'Etat: l'entrée en vigueur de la LIPAD a engendré la nomination d'un archiviste responsable au sein de chaque département pour assurer une bonne gestion des documents, conformément aux besoins exprimés par les collaborateurs et aux principes édictés par les Archives d'Etat.
J'ai ainsi été mandatée pour conduire l'analyse des besoins du département en la matière, avec comme objectif de proposer une politique de gestion des documents conforme à la fois aux besoins du département, aux dispositions légales cantonales et aux normes de Records management. Ce travail s'est fondé sur l'étude des activités et missions du département, sur la nature des dossiers qui en découlent, sur l'évaluation des systèmes de classement existants ainsi que sur les conditions de stockage et de conservation des archives.
Plusieurs constats se sont imposés suite à cette analyse:
- Tout d'abord l'existence d'une grande disparité au sein du DASS en matière de gestion des archives. Certains services avaient en effet instauré des politiques de gestion des documents s'accordant avec les recommandations légales ; d'autres avaient mis en place des plans de classement thématiques qui répondaient aux besoins du service, mais dont l'organisation générale devait être revue ; d'autres encore ne disposaient d'aucun système cohérent.
- Ensuite la gestion des archives intermédiaires n'était pas organisée, ce qui provoquait des problèmes de repérage, voire de perte de l'information à moyen et long terme, ainsi que de sérieux problèmes de stockage. Un important arriéré d'archives existait dans la majorité des services, qu'il a été nécessaire de traiter rapidement afin de pouvoir procéder à des éliminations et à des versements d'archives aux Archives d'Etat. Cette étape a été essentielle pour pouvoir repérer et préserver les documents importants qui étaient jusqu'alors conservés dans des conditions inadaptées, et libérer des espaces de stockage.
A partir de ce premier état des lieux, les besoins du département ont pu être clarifiés et précisés. En voici la liste:
- unifier le processus de traitement et de classement des documents
- repérer rapidement l'information recherchée
- avoir une vision globale des documents produits ou reçus au sein du département
- limiter la masse de papier et éviter les doublons entre services
- assurer une meilleure circulation de l'information au sein du département
- assurer une bonne gestion du cycle de vie des documents pour éviter toute accumulation de documents devenus inutiles
- définir des responsabilités vis-à-vis des documents
- répondre aux exigences légales fixées (citées plus haut)
- s'inscrire dans une dynamique transversale commune aux départements de L'Etat en définissant des principes communs de Records management.
Parallèlement à l'analyse des besoins, l'étude organisationnelle du département a permis de relever les caractéristiques suivantes:
- une bonne répartition des niveaux de responsabilités décisionnelles entre les directions, la présidence et le secrétariat général
- une grande disparité entre les activités des différents services opérationnels et peu de points communs dans leur fonctionnement
- un éclatement géographique du département (7 sites différents).
.
L’élaboration de la politique de gestion documentaire devait nécessairement prendre ces facteurs en considération. Il est en effet important de s’adapter à la réalité de l’institution pour laquelle on travaille, afin de lui fournir un système qui soit applicable et appliqué. Il n’y a pas de système unique que l’on peut instaurer de façon systématique, il s’agit au contraire de trouver la bonne combinaison de procédures archivistiques qui correspondent à l’organisation de l’institution et qui répondent à ses besoins. Des changements organisationnels peuvent cependant être proposés s’ils permettent d’améliorer la gestion des documents de façon significative. Dans ce cas de figure, une analyse approfondie doit être faite pour définir les avantages que l’on en retirera ainsi que des ressources que cela implique.
Quatre axes ont été suivis durant cette année et demie écoulée afin de mettre en œuvre la politique définie.
1er axe - Gestion des archives courantes
Le travail entrepris a consisté, d’une part, à recenser et évaluer l’ensemble des dossiers traités au sein de chaque service afin d’avoir une cartographie complète de la production documentaire du département, et, d’autre part, à unifier le système de classement en définissant un cadre de classement départemental, appliqué dans tous les services. Ceci a abouti à:
- l'application d'un plan de classement normalisé au sein de chaque service pour les dossiers papiers.
- la mise en place d'une gestion cohérente des documents bureautiques: des arborescences de référence ont été développées au sein de chaque service, conformément au plan de classement défini. La même logique de classement est donc adoptée pour les dossiers papier et informatique, ce qui facilite les recherches des utilisateurs. Ceci permet en outre d'éviter la multiplication des doublons et des versions de documents: un document n'est classé qu'une seule fois et disponible pour tous, son état (document de travail, version validée,…) est précisé clairement soit dans son titre, soit dans ses propriétés.
2ème axe – Gestion des archives intermédiaires
Deux actions ont été menées en parallèle:
- le traitement de l’arriéré d’archives des différents services. Ces documents ont été localisés, recensés, analysés puis évalués. Des propositions de destruction ou de conservation ont ensuite été soumises aux Archives d'Etat pour validation. Des destructions et des versements aux Archives d'Etat ont été planifiés et organisés. Ces opérations ont permis d'une part de dégager de l'espace de rangement dans les bureaux, de l'espace de stockage dans les locaux d'archivage, et, d'autre part, de libérer des locaux qui ont pu être réaménagés en bureaux.
- la définition et la mise en œuvre d’un système de gestion approprié des archives intermédiaires. Une directive très précise a été établie afin de définir le processus d'archivage des dossiers. Tous les dossiers archivés sont dorénavant conditionnés en boites archives et enregistrés dans une base de données, administrée par l'archiviste de département. Cet outil permet de gérer les espaces de stockage, de rechercher rapidement les dossiers archivés, et de gérer les destructions et versements aux Archives d’Etat.
3ème axe – Relations avec les institutions publiques dépendant du DASS
Une enquête a été lancée en mars 2004 auprès des institutions et des services placés sous la surveillance du DASS et soumis à la LIPAD, afin d’établir un état de la situation de la gestion des documents en leur sein.
Au vu de l’importance des résultats attendus, ce travail a été repris en interne suite à l’abandon du projet initial lancé par la Chancellerie en 2002, qui devait concerner l’ensemble des institutions publiques du Canton. L’analyse des besoins en matière de gestion des documents des institutions publiques autres que celles dépendant du DASS reste encore à faire aujourd’hui.
L’analyse des résultats a rendu possible la diffusion de recommandations personnalisées en matière de gestion des documents aux établissements s’engageant dans un travail d’organisation de leurs archives. Elle a également conduit à organiser des séances de coordination régulières entre les archivistes de la FSASD, de l’Hospice général, des Hôpitaux Universitaires de Genève et de l’archiviste de département afin d’harmoniser les politiques de gestion documentaire développées et de travailler ensemble sur des problématiques communes, comme la gestion électronique des documents par exemple.
4ème axe – Les relations interdépartementales
Des échanges réguliers ont été développés tant avec les Archives d’Etat qu’avec les autres archivistes de département, permettant de mener une action commune et coordonnée. Cette collaboration a notamment abouti à la définition d'un calendrier de conservation de référence pour les dossiers de gestion des administrations publiques genevoises.
En complément à ces quatre axes de travail, des directives ont été émises pour fixer et décrire les processus à suivre à chaque étape de la politique de gestion documentaire départementale, à savoir:
- la capture des documents dans le système et leur classement: classement des dossiers papiers, classement et description des documents numériques, gestion des mails
- leur transfert, c'est-à-dire leur passage de l'état d'archives courantes à celui d'archives intermédiaires (utilisation du calendrier de conservation, conditionnement des documents…)
- la communication des archives
- le sort final, à savoir la destruction ou le versement des documents aux Archives d'Etat.
Ces directives et procédures d’archivage sont valables pour l’ensemble des services, et doivent y être appliquées de la même façon. Cependant, chaque service est considéré comme une entité productrice et gestionnaire de documents, devant avoir son propre plan de classement. L’ensemble des plans de classement des services sont construits selon la même structure mais adaptés aux besoins spécifiques de chacun. Le tout forme le plan de classement du département, et reflète l’ensemble des activités qu’il dirige.
Le système ainsi défini est un système d’archivage décentralisé, qui correspond au mieux à l’organisation du département identifiée lors de l’analyse des besoins, et décrite plus haut.
Ce qui le caractérise est qu’il n’y a pas de service d’archives à proprement parler, organisé avec plusieurs collaborateurs. Je travaille avec un réseau de correspondants-archives. Un correspondant-archives a été désigné au sein de chaque service par ses supérieurs et moi-même sur des critères de bonne connaissance de son service et des documents qu'il produit. Son rôle est d'être en contact direct avec l'archiviste de département pour participer à l'élaboration et à la mise en œuvre de la politique de gestion des archives au niveau de son service. Il doit être le principal intermédiaire entre l'archiviste et ses collaborateurs.
Ce fonctionnement correspond à la philosophie du département qui veut que les responsabilités soient déléguées au maximum au niveau des services. Je suis donc responsable de la politique de gestion des documents, les correspondants-archives sont responsables de sa bonne application au sein des services. De même, ils gèrent avec moi les archives intermédiaires de leur service, qui sont stockées dans leurs locaux et non dans un dépôt centralisé pour l’ensemble des archives intermédiaires du département. Les correspondants-archives gèrent les demandes de consultation des archives intermédiaires, et veillent à leur intégrité.
Ce choix a été fait en raison de la dispersion géographique des services, pour faciliter la consultation d’archives intermédiaires. Ces correspondants sont le plus souvent des assistantes de direction, qui ont une bonne connaissance de l’ensemble des dossiers traités, et qui ont en outre l’autorité suffisante pour faire appliquer les procédures en interne. L’avantage d’un tel réseau est qu’il est très souple, et que je travaille directement avec les utilisateurs, ce qui permet d’être plus réactif et de mieux comprendre leurs attentes. Le bon fonctionnement d’un tel système suppose de définir clairement les rôles et responsabilités de chacun afin de lever toute ambiguïté. Cela nécessite également d’organiser des séances de coordination régulières avec l’ensemble des correspondants-archives du département, pour les informer des changements ou projets en cours mais surtout pour leur permettre d’échanger sur leurs expériences.
La mise en place d’un tel système représente une réelle démarche de progrès, impliquant une nouvelle perception des ressources informationnelles du département : les documents sont en effet d’autant plus perçus comme des outils d’information, devant être identifiables, contrôlés et accessibles tout au long de leur cycle de vie.
L'accompagnement des collaborateurs est capital dans cette mise en œuvre. J’ai pour cela organisé des séances d'information ainsi que des formations aux personnes plus directement concernées.
Une politique d’archivage est un outil à la fois contraignant et évolutif, dont le bon fonctionnement nécessite un suivi régulier ; c’est pourquoi il est indispensable de dresser un premier bilan des actions engagées, en organisant régulièrement des évaluations du système instauré.
2. Evaluer: pourquoi ?
L'organisation d'une évaluation du système instauré depuis une année et demie nous a semblé une évidence en interne. L'intérêt pour nous était multiple.
Nous souhaitions tout d’abord nous assurer que les procédures définies étaient véritablement comprises et appliquées, qu’elles fonctionnaient et correspondaient donc aux besoins des collaborateurs.
Nous voulions ensuite vérifier que la formation qui a été dispensée aux utilisateurs était pertinente et adaptée, que les actions demandées étaient bien comprises.
Il s’agissait également de prouver que l'ensemble des moyens et outils mis en œuvre garantit l'authenticité et la fiabilité des documents produits.
Enfin, cela permettait de faire le bilan du système, d’en mesurer la performance et les acquis, d’en corriger les dysfonctionnements pour le faire progresser. Ce bilan permet d’éviter l’inadaptation progressive du système et de justifier son existence auprès des instances décisionnelles.
Une évaluation de ce type permet également de mettre en lumière le travail accompli et de communiquer auprès de tous les collaborateurs (cadres et non cadres) sur les avantages attendus.
3. Évaluer, oui, mais comment ? a-Les bons interlocuteurs: identifier clairement les personnes auprès desquelles sera menée l'enquête
Avant toute chose, il est essentiel de bénéficier du soutien de la direction pour mener cette évaluation. A défaut, les cadres ou chefs de service ne comprendront pas l'importance de l'exercice et auront des réticences à octroyer du temps à leurs collaborateurs pour leur permettre de vous aider. Pour gagner leur soutien, il est nécessaire de leur démontrer les avantages qu’il est possible de retirer de cette évaluation, tels que le gain d'espace, de temps, la mise à jour de procédures, la conformité avec la réglementation…
Le soutien de la direction, seul, ne suffit pas: tout le personnel doit coopérer. C'est essentiel parce que c'est justement le personnel qui n'exerce pas de fonctions directoriales qui vous aidera dans l'audit. Il s’agit donc de trouver ce qu'ils ont à y gagner et de le faire valoir auprès d’eux. Nous avons ainsi mis en avant le fait que les résultats permettraient d’ajuster le système à leurs besoins. Il est important de sélectionner des personnes qui soient à des niveaux hiérarchiques variés. Cela donne une vision plus large et permet d’enrichir la réflexion: un cadre n’aura pas la même perception du système que sa secrétaire qui l’utilise quotidiennement.
Pendant tout le processus, la communication est capitale. J’ai donc organisé des séances d’information avec les correspondants-archives des services à chaque étape de l’évaluation:
- Lors du démarrage pour leur présenter la démarche adoptée et les outils utilisés dans ce cadre,
- Après la récolte d’informations pour analyser les réponses faites avec eux, et leur permettre de s’exprimer et d’échanger entre eux,
- Lors de la présentation du rapport final pour leur exposer les mesures d’améliorations envisagées.
A chaque étape, ces correspondants ont transmis les informations données au sein de leur service, assurant ainsi une communication claire auprès de l’ensemble des collaborateurs concernés.
b-Quelles données recueillir? Identifier clairement les points que vous souhaitez auditer
Les données qu’il est important de recueillir sont définies par la finalité ou les objectifs de l'audit. Quelles sont les données nécessaires pour atteindre ces objectifs? Il faut éviter de recueillir des données qui seront inutiles. La préparation des questions demande une réflexion particulière: il faut en effet prendre en compte plusieurs paramètres:
- cerner précisément ses objectifs afin de rédiger des questions qui soient le plus précises possible
- élaborer des questions claires, sans ambiguïté
- alterner les questions fermées et les questions ouvertes, pour permettre aux personnes de s’exprimer librement, mais sans leur prendre trop de temps (il est beaucoup plus rapide de cocher une case que de rédiger une réponse)
- limiter le nombre de questions pour que les collaborateurs ne passent pas plus d’une demie heure à répondre. Dans le cas contraire, peu de personnes iront jusqu’au bout et le taux de réponse sera faible.
Sur cette base, j’ai organisé les questions en fonction des grandes thématiques de la politique de records management, afin de couvrir l’ensemble du système en place. Ces thématiques sont les suivantes:
- le plan de classement : savoir s’il est appliqué pour les dossiers papiers, s’il répond aux besoins, si les répertoires informatiques sont organisés selon ce plan, s’il permet de gagner du temps dans le travail quotidien, de limiter les doublons et s’il facilite les recherches
- l’archivage et la communication des archives intermédiaires : savoir si le service dispose d’un local d’archives adapté aux normes, si les dossiers sont archivés selon la procédure en vigueur, si les délais de communication des dossiers archivés et les résultats des recherches sont satisfaisants.
- l’élimination : savoir si la procédure d’élimination est appliquée et si la traçabilité des dossiers archivés est assurée.
- la formation des utilisateurs : savoir si les formations dispensées sont satisfaisantes et suffisamment fréquentes et s’il y a des suggestions de thèmes à aborder à l’avenir.
- la performance du système : savoir si ce système facilite les suppléances entre collaborateurs, réduit le temps de recherche, assure la fiabilité de l’information traitée.
26 questions au total ont été posées (en moyenne 4 par grande thématique).
c-Les outils de collecte des données: bien choisir le moyen par lequel sera récoltée l'information
Il existe deux méthodes principales d'enquête ou d'audit: vous pouvez recueillir les données par le biais d’un questionnaire, ou par celui d’un entretien.
J’ai pour ma part utilisé les deux outils, à des étapes différentes.
Les questionnaires
Les questionnaires sont les principaux outils de collecte de données. Mais ils ne sont efficaces que s'il existe une forte implication des collaborateurs. Autrement ils risquent de ne pas prendre le temps de les remplir et de les retourner. Même dans le cas où cette implication existe, il est nécessaire de rédiger le questionnaire avec le plus grand soin pour faire en sorte que les données recueillies soient aussi exactes que possible, comme cela a été expliqué plus haut.
Je me suis servie du questionnaire pour toucher le plus de monde possible. Toutes les secrétaires des services en ont reçu un exemplaire par mail, ainsi que quelques cadres. Il n’a pas été jugé pertinent de l’envoyer systématiquement aux cadres: certains délèguent totalement ces tâches à leur secrétaire, d’autres n’ont pas le temps de remplir le formulaire. Il s’agit donc là aussi de bien réfléchir aux personnes concernées, en prenant en compte les habitudes de travail de chacun et l’organisation des services. 34 personnes ont été interrogées, 6 cadres et 28 secrétaires.
Il est également très important de préciser une date de retour des réponses dans le mail d’accompagnement, sans quoi ce questionnaire sera oublié.
L'entretien
Cette méthode est jugée en général plus efficace que les questionnaires. En rencontrant directement les personnes concernées, vous pouvez effectivement clarifier les données au fur et à mesure, aller plus loin dans les renseignements demandés, consulter les documents concernés, et également soulever des questions qui ne vous étaient pas venues à l’esprit en préparant le questionnaire. Rien ne vaut le contact direct avec les utilisateurs. Cela leur permet de vous connaître et vous permet d’avoir une bonne connaissance de leurs pratiques de travail, des documents qu’ils traitent et des paramètres pratiques à prendre en compte (manque de place dans les bureaux,…). L’inconvénient de l’entretien est qu’il prend beaucoup de temps (compter deux heures pour une personne ou un groupe).
J’ai donc privilégié les entretiens avec les correspondants-archives des services uniquement, qui se sont faits en quelque sorte les porte parole des collaborateurs. Il m’a semblé également plus pertinent d’organiser des entretiens en groupe et non pas individuels, pour leur permettre d’échanger entre eux sur des problématiques communes, de connaître ce qui se fait dans les autres services, et de bénéficier de la dynamique de groupe pour récolter le maximum d’informations. Ces entretiens ont été très appréciés et riches d’enseignement pour moi. Cela permet également à ces personnes de se sentir plus concernées par le projet et de s’impliquer beaucoup plus: elles se sont en effet chargées de rassembler les différentes questions des collaborateurs de leur service, et de leur transmettre les conclusions de nos entretiens. L’évaluation est alors perçue comme un partenariat et non pas comme un jugement de leur travail.
d-La conduite de l’audit
Là encore il est important que les collaborateurs ne se sentent pas jugés mais qu’ils participent au contraire à ce travail afin d’améliorer et de faire évoluer le système en place en fonction de leurs besoins. Ceci suppose de communiquer activement et clairement sur le projet et sa finalité. Les moyens de diffuser l’information peuvent être divers : mails, téléphones informels, réunions avec les correspondants-archives…La encore il s’agit de choisir le moyen le plus adapté à la situation.
e-L'analyse des données
Les données recueillies doivent être analysées aussitôt après l’audit. J’ai pour cela procédé en deux temps :
- j’ai tout d’abord étudié la situation de chaque service, afin de dresser un bilan personnalisé pour chacun.
- j’ai ensuite analysé ces bilans en détail afin d’identifier les problématiques qui se posent de façon identique à tous les services, et celles qui, en revanche, sont propres à certains.
Cette analyse croisée m’a permis de définir les points forts de la politique de gestion documentaire en place, les points restant à améliorer, et d’envisager des solutions à moyen terme pour faire évoluer ce système.
Pour donner un rapide aperçu de ce que peut représenter la mise en place d’un tel système au sein d’une organisation, je vous livre les conclusions auxquelles a abouti cette évaluation :
De façon générale, le système répond très bien aux attentes des utilisateurs. Les avancées significatives concernent principalement le gain de temps dans les recherches grâce à une meilleure identification et localisation des dossiers, le gain de place tant dans les bureaux que dans les locaux d’archivage, une plus grande facilité à assurer des suppléances entre collaborateurs.
Bien que la mise en place et la tenue à jour soient jugées lourdes, les apports sont significatifs et satisfaisants.
La collaboration développée avec les autres archivistes de département ainsi qu’avec les Archives d’Etat est également très fructueuse et permet de mener des réflexions plus larges, notamment sur la gestion électronique des documents.
La constitution de la cellule correspondant-archives est un réel succès. Elle présente deux avantages:
- Dans les relations avec chaque service: la présence du correspondant permet de centraliser les demandes et remarques des utilisateurs avant d’en parler avec l’archiviste. Il diffuse d’autre part les informations relatives au système d’archivage et s’assure qu’elles sont comprises et suivies. Il est également sur place et peut donc intervenir directement pour régler des questions rapidement.
- Au niveau transversal: les séances de coordination réunissant l’ensemble des correspondants-archives et l’archiviste de département sont l’occasion d’ouvrir des débats autour de points précis concernant l’ensemble des services. La confrontation des différents points de vue et situations permet d’enrichir la réflexion et de renforcer la cohérence du système.
Les améliorations à apporter au système doivent se concentrer sur quatre axes:
- Renforcer la diffusion d’information concernant l’archivage au sein des services.
- La mise en place d’une gestion électronique des documents. Cette problématique doit être étudiée de façon coordonnée au niveau de l’Etat afin d’assurer une gestion plus cohérente et efficace des documents et de l’information institutionnelle.
- Cette gestion électronique des documents doit s’accompagner d’un contrôle sur la qualité, la validité, la crédibilité et la pérennité de l'information produite. L’intervention de l’archiviste dès la création des documents doit donc être mise en place pour définir les éléments utiles à l’identification et à la gestion dans le temps de ces documents.
- Faciliter la circulation et le partage de l’information en interne, notamment par la mise en place d’outils de groupware.
Cette évaluation a donc révélé que ce système fonctionne bien tel qu’il est appliqué actuellement, mais qu’il doit être déployé davantage afin de répondre totalement aux besoins des utilisateurs. Ce déploiement concerne les outils informatiques, qui viendront s’interfacer entre le système de gestion documentaire et les utilisateurs pour faciliter leur travail.
f- Récapitulation des constats et pérennité du système
Ces constats et propositions d’améliorations doivent être présentés aux services concernés ainsi qu’à la direction, qui a apporté son soutien à l’audit. Il s’agit là aussi de choisir le moyen le plus adapté. Dans tous les cas de figure, il est recommandé de rédiger un rapport, dans lequel il faut:
- être bref et pertinent
- résumer les conclusions principales et mettre en avant les points les plus importants
- énumérer les différentes recommandations préconisées
- établir les priorités
- inclure un plan d’action pour les tâches à mener: prévision d’un planning, des ressources nécessaires…
Nous avons là encore procédé de deux façons différentes pour diffuser ce rapport :
- une copie papier a été transmise aux directeurs de service
- une séance a été organisée avec les correspondants-archives pour leur remettre ce rapport et leur présenter oralement les conclusions. Là encore l’objectif était de susciter la discussion avec eux.
Il aurait été souhaitable d’organiser également une présentation orale pour les directeurs et cadres, mais les restructurations départementales de la fin d’année 2005 ne nous en ont pas laissé le temps. Le DASS est ainsi devenu le DES (Département de l’économie et de la santé), ce qui a engendré l’intégration de nouveaux services, et l’abandon d’autres, rattachés dorénavant à d’autres départements. En ce sens, l’évaluation menée a fait figure de bilan du système à une étape cruciale de la vie du département.
Ces bouleversements organisationnels ont évidemment eu des répercussions sur le système de gestion documentaire en place, qu’il faut réajuster en fonction.
Mais ils représentent également un très bon test d'évaluation de la politique d’archivage; cela permet immédiatement de savoir si ce système peut évoluer et répondre aux nouveaux besoins organisationnels, ou bien s'il devient complètement inadapté et caduque. Nous avons ainsi pu constater que les principes définis permettent d’évoluer pour répondre aux nouveaux besoins. Nous avons surtout pu constater que l’existence d’un tel système était un atout majeur dans le cadre de restructurations comme celles-ci. Il facilite en effet le transfert de dossiers entre service, assure la traçabilité et la fiabilité de l’information quoi qu’il arrive et évite les destructions sauvages de documents. Sans une politique de gestion des documents sérieusement appliquée, ce type de situation peut engendrer des pertes d’informations capitales pour le suivi des affaires.
4. En guise de conclusion
Souvent négligée, l’évaluation d’un système de Records management est pourtant un élément capital et nécessaire à son maintien au sein d’une institution.
Les conclusions auxquelles on aboutit permettent en effet de justifier les actions menées auprès des instances décisionnelles, et donc de légitimer l'existence du programme.
L'évaluation sert de plus à identifier les nouveaux besoins afin de faire évoluer le système et d'éviter son décalage progressif avec la réalité vécue par les utilisateurs.
Je tiens à souligner enfin que les Records managers doivent s'inscrire dans une démarche générale de qualité pour assurer le succès de leurs actions. Il est capital de soigner sa communication pour être au service des utilisateurs, recueillir et analyser leurs besoins. Pour qu'un système soit pérenne, il doit bien évidemment répondre à des normes archivistiques reconnues, mais il doit également s'aligner sur les objectifs et les finalités de l'organisation au sein de laquelle il est mis en œuvre.
Notes
(1) La première loi sur les archives publiques genevoises datait du 2 décembre 1925 et ses règlements d’application successifs des 26 juin 1928, 3 décembre 1979 et 1er juillet 1987.
Bibliographie
DOUHET, G, KESLASSY, G, MORINEAU, E (2000). Records management: mode d'emploi. Paris. ADBS éditions. ISBN 2-84365-040-2
HARE, Catherine, McLEOD, Julie (2003). Mettre en place le Records management dans son organisation. Nouvelle édition. Paris. IDP-Archimag. Guides pratiques. ISBN 209510477-0-3
ARCHIMAG. Records management et archivage. 2ème édition. Paris. IDP-Archimag. Guides pratiques.ISSN 1242 - 1367
Groupe métiers AAF - ADBS Records management (2005). Comprendre et pratiquer le records management. Analyse de la norme ISO 15 4 89 au regard des pratiques archivistiques françaises. Version 2. In site de l'Association des Archivistes Français [en ligne]. Paris (France), [consulté le 8 décembre 2005]. http://90plan.ovh.net/~archivis/article.php3?id_article=227

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