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Faciliter et soutenir le travail des chercheurs : état des lieux, perspectives et réflexions sur l’exemple de la Haute école de travail social de Genève
Ressi — 30 décembre 2019
Claire Wuillemin, Haute Ecole de Gestion, Genève
Résumé
Open science, diffusion et archivage en open access, gestion des données de recherche ; c’est cet immense mur de thématiques qui se dresse devant les chercheurs. Pour la plupart, ces enjeux sont les fruits de lentes, mais sûres transformations de la recherche vers une forme toujours plus collaborative et axée sur les données. De plus, les chercheurs doivent faire face à une compétitivité toujours plus féroce où le nerf de la guerre réside dans la capacité à sécuriser des financements. Or, dans la continuité du foisonnement des nouveaux enjeux, les bailleurs de fonds durcissent leurs exigences d’année en année. Pris en tenaille entre leurs responsabilités et un temps limité, les chercheurs sont souvent débordés et désarmés pour faire face à tous ces aspects. Pourtant, les chercheurs possèdent des alliés de taille autour d’eux qui peuvent les épauler sur ces divers sujets : les services institutionnels.
Synthèse d’un travail de master réalisé sur mandat de la Haute école de travail social de Genève (HETS-GE), le présent article se propose d’explorer la notion de soutien à la recherche dans un premier temps à travers la définition de ce concept et de ces enjeux, couplée à une brève revue de la littérature spécialisée. Celle-ci est ensuite complétée par les éléments marquants d’entretiens individuels et de focus groups menés sur le terrain qui ont permis de dresser un tour d’horizon de la situation actuelle du soutien à la recherche à la HETS-GE.
La combinaison de ces deux types de données a mené à la formulation de propositions ancrées dans le contexte de la HETS-GE. Ces propositions se veulent toutefois applicables aux institutions préoccupées par les enjeux actuels de la recherche, et par les manières d’embrasser les transformations résultantes, afin de pouvoir faire évoluer l’offre de services et d’assurer un soutien adéquat et pérenne à la communauté de recherche.
Zusammenfassung
Open Science, Open Access Verbreitung und Archivierung, Forschungsdatenmanagement; es ist diese riesige Themenwand, die vor den Forschern steht. Diese Herausforderungen sind zum größten Teil das Ergebnis langsamer, aber sicherer Transformationen der Forschung in Richtung einer zunehmend kollaborativen und datengesteuerten Form. Zusätzlich stehen die Forscher in einem immer härteren Konkurrenzumfeld, in dem der Schlüssel zum Erfolg in der Fähigkeit zur Finanzierung liegt. Allerdings verschärfen die Geldgeber im Zuge der zunehmenden neuen Herausforderungen ihre Anforderungen von Jahr zu Jahr. Die Forscher, die zwischen ihrer Verantwortung und der begrenzten Zeit gefangen sind, sind oft überfordert und enttäuscht, um sich mit all diesen Fragen zu befassen. Dennoch haben Forscher starke Verbündete um sich herum, die sie bei diesen verschiedenen Themen unterstützen können: institutionelle Dienstleistungen.
Dieser Artikel ist eine Synthese einer Masterarbeit im Auftrag der Haute école de travail social de Genève (HETS-GE) und zielt darauf ab, den Begriff der Forschungsförderung in einem ersten Schritt durch die Definition dieses Konzepts und dieser Themen, verbunden mit einem kurzen Überblick über die Fachliteratur, zu erforschen. Diese werden dann durch die wichtigsten Elemente der Einzelinterviews und Fokusgruppen vor Ort ergänzt, die einen Überblick über die aktuelle Situation der Forschungsförderung an der HETS-GE geben.
Die Kombination dieser beiden Arten von Daten hat dazu geführt, dass die Formulierung von Vorschlägen, die im Rahmen von HETS-GE. Diese Vorschläge sollen jedoch auf Einrichtungen anwendbar sein, die sich mit aktuellen Forschungsfragen und mit Möglichkeiten zur Bewältigung der daraus resultierenden Transformationen befassen, um das Dienstleistungsangebot entwickeln und eine angemessene und nachhaltige Unterstützung der Forschungsgemeinschaft gewährleisten zu können.
Abstract
Open science, open access dissemination and archiving, research data management; it is that wide range of topics that researchers must currently address. These challenges are largely the result of slow but sure transformations of the research process into an increasingly collaborative and data-driven form. In addition, researchers face an increasingly competitive environment where the key to success lies in the ability to secure funding. However, as new challenges grow, research funders are tightening their requirements. Researchers caught between their responsibilities and their limited time are often overwhelmed and unprepared for dealing with these issues. Nevertheless, researchers can count on institutional services to help and support them through these issues.
This article is a synthesis of a master's thesis commissioned by the Haute école de travail social de Genève (HETS-GE) and aims to explore the concept of research support firstly by defining it. Then it proceed with a brief review of the literature complemented by the most important elements selected from the individual interviews and focus groups conducted in the field. The crossing of these data gives an overview of the current state of research support at the HETS-GE.
The combination of these data has led to the formulation of proposals fitted to the HETS-GE’s context. However, these proposals should be applicable to institutions dealing with current research issues and seeking ways to manage the resulting transformations, develop adequate services and sustainable support for the research community.
Faciliter et soutenir le travail des chercheurs : état des lieux, perspectives et réflexions sur l’exemple de la Haute école de travail social de Genève
Introduction
La recherche scientifique connaît actuellement une grande période de bouleversements : déluge de données, numérisation des méthodes et outils de travail, diversité des produits de la recherche et des nouveaux canaux pour leur diffusion… Voilà autant de thématiques appelant la mise à niveau des compétences et le développement de nouveaux savoirs. Les contextes économiques et réglementaires ne sont pas en reste et possèdent également une force de pression non négligeable, en particulier au travers des institutions de financement de la recherche qui développent leurs exigences au diapason de ces évolutions. Les chercheurs, qui souffrent déjà d’une démultiplication de leurs tâches tout au long du processus de recherche, sont amenés à devoir satisfaire de plus en plus d’exigences.
Ces transformations touchent bien évidemment les chercheurs, mais aussi toutes les parties prenantes qui participent, soutiennent et facilitent l’épanouissement de leurs projets. Comment s’attaquer à une entreprise si grande et hétéroclite alors que l’on est soi-même en plein apprentissage face à la nouveauté de ces enjeux ? Que faire en particulier lorsque l’on est une institution possédant des ressources humaines et financières plus modestes que les universités ?
Portée par ces questionnements, la Haute école de travail social de Genève (HETS-GE), sous l’impulsion de la responsable de son Infothèque, a confié à un mandat de travail de master en Sciences de l’information le soin de prendre la mesure de la situation institutionnelle actuelle ainsi que celle dans les autres écoles du domaine et de proposer des pistes de réflexion voire des solutions implémentables. Les résultats de cette recherche sont synthétisés dans le présent article.
Le soutien et la facilitation de la recherche dans la littérature
Cette partie propose un condensé des principaux éléments retenus dans la littérature : en premier lieu la définition du concept de soutien à la recherche, des types de prestations résultantes, mais aussi des bonnes pratiques de design de services, suivies de la présentation des principaux éléments de contexte à considérer pour obtenir une compréhension globale du sujet et, pour finir, une brève revue des parties prenantes généralement engagées dans les activités de soutien.
Définitions
La littérature spécialisée traite rarement du soutien à la recherche de manière holistique ; on trouve plutôt des ressources se concentrant sur quelques activités contenues au sein de ce processus. C’est pourquoi il est important d’en proposer avant tout une définition.
Dans sa compréhension la plus globale, le soutien à la recherche ou research support en anglais peut se définir comme :
« L’ensemble des activités, des personnes, des compétences et des ressources permettant de rendre possible ou de faciliter le travail entrepris par les diverses parties prenantes de la recherche scientifique – en particulier les chercheurs – lors de l’élaboration, du financement, de la conduite et de la valorisation de leurs projets de recherche » (Wuillemin 2018, p.18)
La recherche étant un cycle, le soutien et la facilitation prennent plusieurs formes selon la ou les étape(s) où ils interviennent. Des aides pourront par exemple être apportées lors de l’élaboration de dossiers de demande de subsides, ou pour la recherche d’information dans le but d’alimenter une revue de littérature ; une main-forte pourra aussi être prêtée pour mettre en place des infrastructures pour collecter ou pérenniser les données.
Figure 1: Cycle de la recherche
(Adapté de Nicholas, Rowlands et Wamae 2012; School of Clinical Sciences at Monash Health 2019 et Queen’s university Library 2019)
Quelle que soit l’étape à laquelle ils apparaissent, les services de soutien à la recherche sont le plus souvent séparés en deux catégories majeures : les services techniques et les services d’expert-conseil (Cox et al. 2017 ; Koltay, Spiranec, Karvalics 2015 ; Latham 2017 ; Tenopir et al. 2017 ; Yu 2017). On entend par la première appellation des services prodigués grâce à des compétences ou des connaissances spécialisées et opérationnelles, par exemple la mise en place d’une archive ouverte à l’échelle institutionnelle comme ce fût le cas pour ArODES (Archive ouverte des domaines de la HES-SO) en 2015 – pour stocker de manière pérenne les travaux des chercheurs – ou encore d’un dépôt pour les données de recherche. Les services expert-conseil se focalisent principalement sur la mise à disposition ou la dispense d’information, par exemple les Foires aux Questions (FAQ), les guides d’utilisation ou tout autre support permettant de rediriger les intéressés vers des ressources pertinentes. Cette catégorie de service inclut également les formations et les ateliers qui promeuvent une approche plus pédagogique et plus chaleureuse. Les participants bénéficient d’un contact humain dans la transmission des connaissances et peuvent poser directement leurs questions à l’animateur de la séance. Finalement, le dernier type de service d’expert-conseil le plus répandu sont les séances de coaching personnalisé. Celles-ci ont l’avantage de prodiguer des informations sur mesure aux chercheurs qu’ils peuvent donc inclure directement à leur projet.
Il va de soi que cette typologie dichotomique appelle naturellement le rassemblement de savoir-faire pluriels et hétéroclites. Soutenir et faciliter la recherche mobilise ainsi un éventail d’acteurs hétéroclites (Coomb et al. 2017) – aussi bien du fait de leurs compétences que de leur appartenance aux divers services institutionnels, voire à des entités externes, transversales ou nationales. Ces parties prenantes aidantes peuvent intervenir ponctuellement durant certaines étapes du cycle de recherche, concentrer leurs efforts sur une étape particulière ou, plus rarement, superviser l’intégralité de ce processus. Ces interventions sont fortement différenciées et font appel à des compétences qui ne peuvent être détenues par un individu, un métier ou un service singulier. La raison principale de cet état de fait est que la recherche scientifique a été influencée par plusieurs enjeux distincts qui ont à leur tour soulevé des problèmes pour la communauté de recherche et donc créé des besoins de soutien.
Un phénomène au diapason des transformations et des évolutions
Le soutien à la recherche est de toute évidence façonné par les différents courants qui agitent son environnement. Les aspects présentés ci-après ne sont pas exhaustifs. Il s’agit des enjeux les plus marquants dans le contexte HES et majeurs pour la problématique de la présente recherche, à savoir : le phénomène du publish or perish, la gestion des données de recherche et l’évolution des exigences de bailleurs de fonds.
Payer et publier ou publier et payer : telle est la question
Les enjeux – et surtout les difficultés – autour de la publication des productions scientifiques ne sont pas récents, car la conduite de la recherche scientifique a toujours été intimement liée à la publication de ses résultats. Un problème particulier a fait couler beaucoup d’encre durant ces dernières décennies : le publish or perish. L’injonction est simple à comprendre : les chercheurs doivent publier au risque de voir leur carrière s’étioler irrémédiablement. En effet, la publication scientifique est le moyen principal pour gagner la reconnaissance de leurs pairs et de leur discipline ainsi qu’obtenir des fonds pour poursuivre leurs recherches (Bertaud et Magron 2013). Ce phénomène est bien connu des disciplines scientifiques, techniques et médicales, mais touche également les sciences humaines et sociales. Dans le cas des HES, la contrainte des indicateurs bibliométriques est peut-être plus légère, mais la publication reste un facteur limitant pour la nomination et la conservation des postes appartenant au corps enseignant.
Par ailleurs, il ne suffit pas de publier occasionnellement pour survivre. Le publish or perish encourage une publication régulière, surtout dans des revues bien cotées par divers indicateurs bibliométriques. Puisque les revues deviennent des objets prisés et de convoitise, leur pouvoir de pression est considérable. En plus de devoir déjà se battre pour être publiés, les chercheurs peinent à accéder aux articles nécessaires pour rester informés des tendances et des dernières avancées de leur domaine. En effet, les institutions se retrouvent à devoir payer des frais d’abonnement astronomiques pour accéder aux revues et aux bases de données. Comme si cela ne suffisait pas, ces coûts augmentent chaque année de l’ordre d’environ 8% (Minet 2017).
Cette pression constante a contraint certaines institutions à chercher des alternatives. Ainsi est notamment née l’édition en libre-accès ou en open access, qui se décline en deux alternatives : la voix verte, qui consiste à publier (ou archiver) ses travaux sur une plateforme ouverte (ou institutionnelle) et la voix dorée, qui consiste à publier – parfois contre rémunération pour la prise en charge des frais de publication – dans des revues open access, c’est-à-dire accessibles gratuitement aux lecteurs. Bien évidemment, les grands éditeurs de revues sont conscients du potentiel latent du virage vers la publication en libre accès. C’est pourquoi ils proposent désormais leurs propres revues au format open access. Toutefois cette manière de publier est encore relativement récente et donc encore mal implantée dans les habitudes des chercheurs, qui la citent souvent dans leurs préoccupations (Muller 2014 & Bent 2016). En outre, l’open access s’inscrit dans le plus grand mouvement de l’open science qui cherche à proposer une nouvelle approche de la conduite des projets scientifiques placée sous le signe de la collaboration et la transparence.
Des données et des recherches
La gestion des données de recherche est un sujet très représenté dans la littérature spécialisée, ce qui reflète son actualité. Jusqu’à récemment, seules les publications scientifiques étaient valorisées et protégées comme produits de la recherche scientifique. Cependant, avec la numérisation de la science et le déluge des données, celles-ci commencent maintenant à être considérées comme des éléments angulaires faisant figure de preuves que les chercheurs doivent pouvoir présenter pour appuyer la véracité de leurs résultats. En effet, le mouvement de l’open science a souligné qu’une part non négligeable des projets de recherche étaient financés par des fonds publics. Dans cette même veine, il estime que les contribuables sont en droit de savoir comment est investi leur argent. D’autres prises de position de ce mouvement dénoncent la conduite de projets de recherche de nature similaire qui coûtent du temps et de l’argent aux contribuables, mais aussi aux équipes de recherche. Il est argumenté qu’une gestion plus adéquate et plus transparente ainsi qu’une ouverture des données de la recherche permettraient à des projets de pouvoir s’appuyer sur des résultats et des données antérieures pour éviter de refaire les manipulations nécessaires à la reproduction des données pour une autre application ou une autre recherche. Ainsi, une part de ce mouvement demande que les chercheurs subventionnés par des fonds publics mettent à disposition leurs données en libre-accès.
Ces revendications de transparence sur la gestion et la circulation des données se sont également reflétées dans les évolutions des exigences des institutions de recherche (voir chapitre suivant). Cependant, les chercheurs peinent à embrasser la gestion des données de recherche tout d’abord en raison du manque de temps et de moyens. En effet, pour les chercheurs affiliés aux universités, il est souvent complexe de combiner les activités d’enseignement et celles de recherche, qui sont intrinsèquement déjà complexes et chronophages entre le dépôt de dossiers pour les subventions, la conduite de la recherche proprement dite, la rédaction d’articles, la diffusion et la valorisation des résultats, etc. Malheureusement, plusieurs exemples de la littérature (Corrall 2012 & Delaney et Bates 2015) mettent en avant que les professionnels de l’information ne se sentent pas armés pour prendre en charge la gestion de cette thématique. Pour Sheila Corrall (2012), la source de ce manque de confiance se trouve dans les cursus des enseignements en bibliothéconomie et en sciences de l’information. En effet, bien que les programmes aient pris conscience de l’importance de la gestion des données de recherche, peu d’entre eux forment les professionnels aux compétences techniques requises pour gérer les données. Les formations sont aussi appelées à évoluer et inclure les transformations du monde de la science, qui sont des enjeux tout à fait neufs pour elles aussi. On se trouve donc encore dans une période d’ajustement avant que le personnel ne puisse aider plus efficacement les chercheurs, voire les délester d’une part importante de ce travail.
Des institutions de financement toujours plus exigeantes
À l’extérieur des établissements, plusieurs acteurs sont mobilisés par le soutien à la recherche, mais les plus puissantes sont les institutions de financement de la recherche, appelées aussi bailleurs de fonds. En Suisse, les deux plus connues sont le Fonds National Suisse (FNS) et Innosuisse (anciennement CTI). Ces institutions détiennent un pouvoir de pression non négligeable en ce qu’elles tiennent « les cordons de la bourse » ; sans elles, le financement de nombreux projets de recherche serait compromis, car bien que les institutions mettent à disposition de leurs chercheurs des fonds, ceux-ci sont souvent insuffisants. Les chercheurs les complètent ainsi à l’aide des subventions accordées par ces institutions. Leur caractère irremplaçable leur permet de modifier ou d’introduire unilatéralement de nouvelles exigences pour l’attribution de fonds que les chercheurs peuvent difficilement refuser ou contourner (voir plus bas).
L’émergence de la publication numérique en libre accès et de la gestion des données a agité le milieu scientifique, et les institutions subventionnant la recherche ont également pris position en conséquence, encourageant ainsi le changement. De plus en plus d’institutions, comme le FNS par exemple, exigent désormais qu’un plan de gestion des données de recherche ou Data Management Plan (DMP) soit systématiquement joint aux demandes de subvention. D’autre part, le FNS ne délivre plus de subside pour la publication autre qu’en open access. Les chercheurs sont donc astreints à publier dans des revues ou des bases de données en libre-accès (1). L’objectif est que tous les travaux soient publiés en open access d’ici à 2020. Ces mesures visent à augmenter la validité des résultats des projets scientifiques ainsi que leur reproductibilité (Latham 2017).
Déploiement de services : mode d’emploi et acteurs mobilisés
À la lumière de la diversité des thèmes susmentionnés, on pourra comprendre la nécessité de mobiliser un large éventail d’acteurs – qui constituent par ailleurs la raison d’être de la pluridisciplinarité de ce processus – et de les présenter ci-après. Mais avant tout, il est important de mettre en exergue quelques éléments de bonnes pratiques pour l’implémentation de services au sein des établissements d’enseignement de niveau tertiaire et tout particulièrement l’inclusion de ceux-ci au sein de leur stratégie.
Étant donné que ces différents services sont composés de différentes professions et manières de faire ainsi que de collaborateurs appartenant à un vaste éventail de départements, la littérature souligne que les universités souffrent souvent de la présence de structures en silos (Bent 2016). Les parties prenantes évoluent en groupements étanches et spécialisés sur des thèmes et compétences précis. Il n’y a pas de communication proactive hors de cet écosystème ni d’alliance. Cela constitue un frein à l’effort de soutenir et faciliter la recherche, car cet effort se doit d’être fondamentalement collectif et pluridisciplinaire. La coopération et la collaboration entre les services sont donc cruciales. D’autre part, et cela est intimement lié à la problématique susmentionnée, le soutien à la recherche souffre souvent d’un manque de leadership (Soehner et al. 2010, Cox et Pinfield 2014, Pryor 2014 & Yu 2017). La littérature propose plusieurs raisons à cette lacune, mais Moira Bent (2016) met en exergue l’importance lexicale propre à l’expression de soutien à la recherche, research support en anglais : le terme de support est intrinsèquement passif. Pourtant, la recherche ne pourrait s’accomplir sans l’implication des différents acteurs présentés. Moira Bent propose donc de préférer le terme « faciliter » pour y remettre un rôle plus actif et ainsi renvoyer une image plus fidèle de cette cohorte d’activités et de l’implication réelle et angulaire des unités facilitatrices. L’introduction de nouveaux services doit en outre suivre une approche bottom-up ; c’est-à-dire partir de l’identification des besoins de la communauté de recherche et les confronter ensuite aux ressources humaines et financières disponibles (Schöpfel et al. 2017). En outre, il faut que ceux-ci soient alignés sur la stratégie institutionnelle afin d’en pouvoir justifier la création et de bénéficier du soutien des instances décisionnelles. Il est finalement primordial de s’appuyer sur les expertises disponibles à l’interne et bien souvent disséminées au sein des divers départements mobilisés par le soutien à la recherche.
Un autre aspect à prendre en compte mis en avant par Moira Bent (2016) est que les chercheurs ne forment pas une communauté homogène. Effectivement, tous ne travaillent pas sur des thématiques identiques, ni même voisines, et possèdent des niveaux d’expérience variés. De plus, contrairement à ce que sous-entend la généralité de l’appellation “communauté”, on a plutôt affaire à plusieurs communautés. En effet, les chercheurs tendent à former des groupements hétérogènes dépendants de leurs centres d’intérêt et de leurs expertises de recherche, plutôt qu’un ensemble soudé. Il est donc important de prendre en compte les différents profils et intérêts de chercheurs avant de développer des services. Par exemple, tous les chercheurs ne bénéficient pas de subsides de fonds de tiers.
« It takes a village » : parties prenantes mobilisées
Au sein des institutions, plusieurs acteurs détiennent les compétences nécessaires pour faciliter et soutenir la recherche. Leur ordre d’apparition ci-après est aléatoire ; il ne reflète en aucun cas un ordonnancement par ordre de valeur ou d’importance.
Figure 2: Parties prenantes mobilisées par le soutien à la recherche
- Maison d’édition/presses universitaires
Certaines institutions tertiaires ont la chance de posséder des maisons d’édition au sein même de leurs murs. Les chercheurs peuvent donc choisir de publier directement par leur biais ou de se tourner vers des éditeurs externes. En raison de ses compétences éditoriales, ce genre de département a un rôle prééminent à jouer dans la relecture de manuscrits ou l’encouragement, l’information et l’accompagnement pour la publication en open access.
- Services institutionnels centraux de soutien à la recherche
Au sein des institutions d’enseignement tertiaire actives dans la recherche, il existe dans la plupart des cas un comité de pilotage formé de représentants des diverses sous-communautés de recherche ou de chercheurs confirmés, ainsi que des services de soutien à la recherche. Le rôle principal de cette entité est de coordonner les activités de recherche et d’accompagner les autres chercheurs durant les différentes étapes du cycle de la recherche. Il lui revient également la responsabilité d’appliquer les directives institutionnelles liées à la recherche.
- Services informatiques et des technologies de l’information
Les services dédiés à l’informatique et aux technologies de l’information assurent la mise en place et l’intégrité des infrastructures nécessaires au travail et au bon fonctionnement des autres services institutionnels. Dans le cadre des efforts pour soutenir et faciliter la recherche, ce type de service peut mettre en place des solutions sur mesure et/ou à la demande des chercheurs, ou collaborer avec d’autres services pour la mise en place de projets comme une archive ouverte institutionnelle par exemple.
- Instances décisionnelles
Sous l’appellation « instances décisionnelles » sont compris tous les organes d’une institution qui fédèrent et décident des orientations stratégiques à l’instar des comités de direction ou du rectorat. En leur qualité de tête de file, ce sont à elles que revient le devoir de mettre en place des objectifs et des politiques qui tissent les canevas sur lesquels doivent évoluer les chercheurs. Elles ont donc la responsabilité de prendre position sur les thématiques d’actualité pour donner une direction à leur stratégie et leur culture de recherche. Ce sont ces entités qui produiront des politiques et des directives afin d’entraîner ce changement, ou qui alloueront des ressources nécessaires aux services compétents.
- Les bibliothèques et centres de documentation
Les bibliothèques sont parfois mises à l’écart du reste de la communauté de recherche, tout d’abord, spatialement ; les bibliothèques n’étant souvent pas dans le même bâtiment ou zone du campus universitaire en raison de leur double-usage étudiants et chercheurs, mais également vis-à-vis du rôle que celles-ci ont joué dans le processus de recherche. En effet, les bibliothèques sont encore bien trop souvent perçues comme des lieux où l’on va chercher des livres ou où l’on peut travailler en silence. Pourtant, leur place traditionnelle et centrale dans l’accès et la diffusion du savoir – qui fait par ailleurs partie de leur êthos – s’inscrit tout à fait dans les enjeux actuels de publication en open access et de gestion des données de recherche (Corrall 2012 & Tenopir et al. 2017). Toutefois, elles souffrent de leur manque de visibilité, de la méconnaissance par les publics des services et des compétences qu’elles mettent à leur disposition, et de l’effritement de leur budget engendré par les tensions du tissu économique. En outre, certains bibliothécaires peinent à être convaincus que leur métier doit évoluer pour s’ouvrir vers le nouveau paradigme de l’e-science et ainsi inclure de nouveaux objets et thématiques tels que la gestion des données de recherche ou la publication et la diffusion des produits scientifiques en open access.
Perspectives pour les bibliothèques et autres services d’information documentaire
Pour clore cette première section, il semblait à propos de s’arrêter un instant sur les bibliothèques et autres services d’information pour une mise en perspective bien méritée. À l’heure où les bibliothèques doivent de plus en plus prouver leur valeur et leur utilité pour la collectivité, les professionnels prennent conscience qu’un changement de direction est nécessaire. De nouveaux modèles pour guider le métier sont à identifier. La littérature mentionne depuis quelques années l’idée des professionnels de l’information comme partenaires de recherche. Toutefois, certains peinent à croire à la viabilité de cette solution et les preuves empiriques de celle-ci sont rares, voire inexistantes. Assurément, un équilibre est à trouver entre partenaires et simples colocataires de locaux auxquels on fait vaguement et ponctuellement appel comme ultime recours. La bibliothèque ne doit pas être qu’une solution alternative pour les chercheurs, mais bien un acteur incontournable.
La bibliothèque ne peut plus se permettre de n’être qu’un lieu où l’on va consulter des livres et les bibliothécaires de n'être que les gardiens de contenus papier, ainsi que le laissent penser les clichés et la vision étriquée qu’on porte sur eux. Il est vital que les professionnels saisissent l’opportunité du tournant de la numérisation des savoirs, faute de quoi le changement se fera sans eux et les nouvelles thématiques, notamment la publication numérique en open access et la gestion des données de recherche, seront portées par d’autres peut-être historiquement moins équipés, mais qui auront été au bon endroit ou au bon moment. Du reste, cela devrait devenir l’adage des professionnels de l’information : la bonne information, au bon endroit au bon moment.
Finalement, il faut apprendre à jouer en équipe et chercher activement à tisser des relations avec les autres services impliqués dans le soutien. Il s’agit de changer de perspective et d’aller dans le sens du nouveau paradigme collaboratif de la recherche : une partie des efforts de facilitation peut être réorganisée ou faite en collaboration avec des collègues d’autres services dans l’idée de mise en commun des expertises. Pour reprendre un argument de Starr Hoffman (2016) – sur les bibliothèques académiques, mais qui peut tout à faire être étendu aux autres services de soutien – avec d’un côté la pression actuelle sur les ressources budgétaires et humaines, et de l’autre, la création de nouveaux besoins par les évolutions de l’environnement de recherche, les acteurs se sentent coincés et pensent devoir « faire plus avec moins ». Néanmoins, il s’agit plutôt de “do less, but deeper”, c’est-à-dire qu’il faut trouver les forces et les spécificités de chaque service et identifier ce dont la communauté de recherche a réellement besoin.
Méthodologie de la recherche
Partant des constats énumérés ci-dessus, l’institution mandante genevoise cherchait à déterminer comment soutenir et faciliter le travail de ses chercheurs tout en se positionnant en adéquation avec les exigences et les tendances de la recherche scientifique. Cette entreprise venait avec la difficulté supplémentaire de prendre en compte le contexte et l’organisation particuliers et typiquement suisses des hautes écoles spécialisées (HES). La Haute école spécialisée de Suisse occidentale (HES-SO) est une institution de niveau tertiaire – soit le même que les universités – constituée d’un réseau de plusieurs écoles réparties dans sept cantons romands. Dans le cas du Travail social, il existe quatre écoles dispensant des enseignements dans cette matière à Genève, Fribourg, Sierre et Lausanne. Ces quatre écoles forment le domaine Travail social de la HES-SO. Néanmoins, elles sont également et avant tout rattachées à des regroupements régionaux. En conséquence, les écoles conservent une certaine indépendance les unes des autres et tendent à ne pas mutualiser leurs services de soutien. Il est à noter que certains services sont proposés de manière transversale par la HES-SO et donc accessibles à tous les collaborateurs, quel que soit leur établissement d’attache.
Pour répondre aux attentes du mandant tout en prenant en considération le contexte susmentionné, le travail s’est articulé en trois axes : tout d’abord la conduite d’un état de l’art pour mettre en exergue le contexte de la recherche scientifique ainsi que les tendances actuelles du soutien à la recherche, en particulier dans les services d’information et de bibliothèques. Cette étape visait à obtenir des informations qui ont servi de base comparative avec les données qui ont été recueillies lors de la deuxième étape du travail. Cette dernière a consisté en la conduite d’entretiens à différents niveaux de la HETS : d’une part de manière individuelle avec les responsables des différents services actuellement impliqués dans la recherche et son soutien, et d’autre part au moyen de groupes de discussion focalisée avec différents chercheurs de l’institution. À la suite des collectes, des synthèses des entretiens ont été rédigées et soumises aux répondants pour validation. Ce moyen a été préféré à la rédaction de verbatim pour des considérations de gain de temps, mais aussi en raison du fait que certains répondants souhaitaient rester anonymes dans le rapport écrit. Avec une transcription mot à mot, cet anonymat n’aurait pas pu être garanti, car certaines informations ou le recoupement de groupes informations auraient permis l’identification du répondant. L’analyse des données contenues dans ces synthèses et leur comparaison avec les données compilées depuis l’état de l’art ont permis de réaliser l’ultime étape du travail : un diagnostic de l’écosystème du soutien à la recherche scientifique à la HETS-GE et la formulation de recommandations ainsi que de pistes d’optimisation et de développement de celui-ci.
Afin de pouvoir dresser le bilan de la situation actuelle du soutien à la recherche HES-SO en Travail social, il avait été prévu de rencontrer deux populations phares de cette thématique : les prestataires, soit les divers services impliqués, et les bénéficiaires, soit les chercheurs.
Au début de la recherche, il avait été planifié de rencontrer des membres des deux populations au sein des quatre écoles susmentionnées dans le but de mener une étude comparative de la situation actuelle et de la maturité du soutien à la recherche entre les quatre sites. Un autre objectif était d’évaluer s’il existait des recoupements dans les besoins et les volontés de développement afin de déterminer la faisabilité de la mise en place d’un centre ou de toute autre structure de soutien à la recherche commune à l’échelle du domaine Travail social. Néanmoins, en dehors de l’institution mandante genevoise, les personnes et les entités interrogées n’ont pas répondu par la positive à nos sollicitations. La recherche a donc été réorientée sur un état des lieux institutionnel tout en gardant dans les investigations la question d’un intérêt pour un centre ou des services mutualisés de soutien à la recherche.
Au total, cinq prestataires de services ont été rencontrés : la direction de l’école, de la bibliothèque et des éditions institutionnelles, ainsi qu’un responsable de l’unité de soutien de la recherche HES-SO. Pour la communauté de recherche, deux groupes de discussion focalisée ont pu être organisés et ont permis de rencontrer un quart des chercheurs actifs à la HETS-GE : l’un avec les membres du comité du centre de recherches sociales (CERES) – comité en charge de la coordination de la recherche à la HETS-GE formé de chercheurs expérimentés – et un second avec des chercheurs moins expérimentés ou appartenant au corps intermédiaire.
Résultats et discussion
Les données obtenues lors des différentes rencontres avec les responsables et membres des services impliqués dans la dispense de prestations ont mis en lumière que des efforts étaient déjà entrepris en termes de soutien et de facilitation de la recherche. En revanche ceux-ci ne sont ni formalisés, ni coordonnés. Ce chapitre s’arrête sur les points saillants mis en valeur par la collecte de données sur le terrain, puis propose un bilan global du soutien à la recherche au sein de la HETS-GE.
Éléments préexistants et facteurs limitants institutionnels
Avant de passer aux éléments tangibles, il est nécessaire de souligner quelques éléments de contexte qui permettront d’apporter une dimension supplémentaire aux résultats présentés ci-dessous.
Tout d’abord, les représentants des services institutionnels sont unanimes sur le fait que les ressources financières sont un facteur limitant majeur. Cela s’explique par le climat économique commun à la plupart des institutions d’enseignement supérieur, mais également par le fait que la position de directrice adjointe en charge des finances est restée longtemps vacante – jusqu’à septembre 2018, date à laquelle ce poste a été pourvu – ; ajoutant ainsi une difficulté supplémentaire à ce climat inconfortable. Du côté des responsables des éditions et de l’Infothèque, il est rapporté que le budget et les ressources humaines sont tout juste satisfaisants en l’état pour remplir leurs missions. Un investissement dans ces deux pans serait nécessaire pour améliorer le confort de travail et surtout pour accueillir plus de demandes et développer de nouvelles prestations. Il est logique que ce facteur rende considérablement incompatibles les stratégies rapides et spontanées d’accroissement du soutien à la recherche ; en particulier si elles nécessitent l’investissement de temps de travail et engendrent des coûts non négligeables – ce qui est invariablement le cas pour en assurer la qualité.
Un deuxième point à mettre en exergue est que, préalablement à la présente recherche, le CERES s’est engagé dans un projet pilote initié par le Dicastère Qualité d’évaluation de la recherche institutionnelle de la HES-SO. Celui consistait à mener une auto-évaluation sur les activités et les prestations existantes de recherche à la HETS-GE ; tâche qui a été menée par le responsable de la recherche et complétée par les membres du comité du CERES. Bien que la présente étude se soit déployée indépendamment de cet effort, elle a pu bénéficier des réponses et des réflexions mobilisées par l’auto-évaluation, laquelle possédait des similarités dans ses objectifs et questions de recherche, notamment sur les aspects de besoins des chercheurs et de l’évolution des exigences des bailleurs de fonds et de l’environnement de recherche.
Impacts de la tendance de la publication en open access
Les nouvelles exigences des bailleurs de fonds ont d’ores et déjà eu des retombées en particulier pour la publication en open access. En effet, lors des entretiens individuels, les représentants de la plupart des services rencontrés ont dit avoir mis en place de nouvelles infrastructures pour répondre à cet enjeu. Les éditions IES – maison d’édition institutionnelle de la HETS-GE – ont souscrit à OpenEdition Books, une plateforme de publication en libre-accès où elles publient désormais la majorité de leurs nouveaux ouvrages au format numérique. À noter que la publication papier est pour le moment maintenue, car les éditions sont d’avis que ce medium a encore une raison d’être dans le domaine. Néanmoins, les responsables sont conscientes que le dédoublement des coûts de publication n’est pas une solution viable sur le long terme. Elles s’inquiètent également de la place de la rémunération du travail d’édition au sein d’un modèle de publication en open access, ainsi que des enjeux liés à la visibilité des productions engendrées par ce modèle à l’heure où les plateformes de diffusion se multiplient et que leur interopérabilité n’est pas encore monnaie courante.
À l’échelle de l’institution, une politique sur la publication en open access a été adoptée. En revanche, il n’existe pas encore de service ou de comité formalisé chargé d’endosser la responsabilité de cette thématique au sein de la HETS-GE ou même au niveau régional ou de la HES-SO.
En ce qui concerne les chercheurs rencontrés, bien que la vaste majorité ait été informée de l’évolution de ces exigences – soit car ils en dépendent directement, soit parce qu’ils en ont eu vent à travers leurs lectures ou d’autres contacts avec l’environnement de recherche – il est néanmoins apparu que la compréhension de ces enjeux est inégale et imparfaite. Cette tendance a été observée dans les deux focus groups menés auprès des chercheurs seniors et des chercheurs plus novices. Les deux groupes de répondants ont fait part d’un désir qu’un accompagnement et des moyens de formation soient mis en place pour les armer et les aider à se conformer aux attentes qui pèsent ou vont peser sur eux.
(Bonnes) pratiques de la gestion des données de recherche
La gestion des données de recherche n’est pas encore une préoccupation majeure de la communauté de recherche HETS-GE. Les chercheurs seniors du premier focus group ont relaté qu’en dehors du devoir de fournir un plan de gestion des données (DMP), le reste de la gestion des données est laissé à leur discrétion. Les bailleurs de fonds auxquels ces chercheurs font appel, notamment des fondations privées et d’autres organismes actifs en travail social, n’ont pas encore établi d’exigences sur la gestion ou l’archivage des données issues de leur parrainage, contrairement aux publications découlant des recherches. Ainsi, les chercheurs ont chacun des méthodes et des outils ad hoc pour gérer leurs données : qu’il s’agisse de les stocker sur une mémoire externe ou dans le cloud à l’aide de SwitchDrive ou de Dropbox. De plus, il a été mentionné par le groupe composé principalement de membres du corps intermédiaire, que la plupart d’entre eux ne bénéficiaient pas de fonds de tiers et donc d’aucune obligation de rendre des comptes sur la gestion de leurs données de recherche.
C’est pourquoi une des premières conclusions de la présente étude est que la mise en place d’un centre institutionnel de soutien à la recherche n’est pas une proposition plausible en l’état. Cela reviendrait à sauter une étape dans le développement du processus. Le soutien à la recherche institutionnel doit auparavant bétonner un certain nombre de fondations critiques afin de s’inscrire dans la stratégie globale de l’institution. Il faut également qu’il s’enracine davantage au sein des différents services mobilisés. Le développement inter-institutionnel ne pourra être envisagé qu’une fois que ce processus se sera parfaitement intégré au sein de l’institution.
Expression des besoins et propositions de développement de services
Lors des entretiens semi-dirigés et des deux focus groups, les participants ont eu l’occasion d’exprimer des propositions d’amélioration des services existants ou de développement de nouvelles prestations en réponse à des besoins encore insatisfaits. Sont présentés ici les éléments jugés majeurs et entrant en résonance avec ceux identifiés dans la revue de littérature.
Pour commencer, les responsables du CERES, de la direction et de l’Infothèque tombent tous d’accord sur le fait que la visibilité via les sites internet, peu satisfaisante, et leur ergonomie, sont des éléments à revoir. En effet, pour les premiers, il s’agit d’un frein conséquent à la visibilité des activités de recherche, et pour l’Infothèque cela limite la visibilité de ses prestations et de ses compétences. Par ailleurs, il existe une volonté de développer un lien plus fort entre l’Infothèque et le CERES en raison de la sous-utilisation des ressources et savoir-faire de cette première, volonté appuyée par la direction.
Du côté des chercheurs, plusieurs besoins ont été mis en lumière ; parfois uniquement lors d’un des deux focus groups et d’autres fois faisant consensus auprès de tous les profils rencontrés. D’abord, il est nécessaire que les chercheurs restent informés des dernières nouveautés liées à leurs objets de recherche. C’est pourquoi, certains répondants appartenant au premier focus group faisaient part de l’intérêt de pouvoir confier leur veille à un service interne – notamment à l’Infothèque. Toujours à ce sujet, la veille média actuellement assurée par l’Infothèque, et dont les résultats sont envoyés régulièrement sous forme de PDF par courriel, a été mentionnée. En effet, les participants ont salué l’utilité de cette démarche, mais soulignent le côté inadéquat du support PDF, qui engendre un délaissement regrettable de leur part. Ils souhaiteraient donc voir modifiés les résultats de cette veille vers une forme de livrable plus aisément et rapidement consultable.
Les membres du premier focus group ont mentionné devoir réaliser dans le cadre de dépôt de dossier des revues de littérature exhaustives, qui sont par conséquent exigeantes et chronophages. C’est pourquoi il leur serait utile de pouvoir déléguer en partie, voire entièrement, ce travail. À l’heure actuelle, certains répondants confient déjà cette tâche à des personnes externes à leurs frais. Étant donné le consensus autour de ce besoin, les répondants soulignaient donc que la mise en place d’une telle prestation sponsorisée par l’institution, ou mutualisée à l’échelle du domaine Travail social serait appréciable. Dans cette même veine, certains chercheurs exprimaient aussi leur intérêt pour une prestation de relecture de manuscrits avant publication, tout particulièrement pour les aspects de conformité des bibliographies et des citations – et mentionnent l’adéquation de cette requête avec les compétences naturelles de l’Infothèque.
Pour leur part, les membres du second focus group – principalement affiliés au corps intermédiaire – ont expressément demandé l’accroissement de la visibilité des ressources et des aides actuellement proposées par les différents services institutionnels pour les activités de recherche. Bien qu’ils imaginent qu’une offre non-négligeable existe, elle leur est totalement méconnue. Un vœu est donc exprimé pour accroître la visibilité et l’accessibilité de cette offre qui rejoint la faiblesse précédemment identifiée par les services institutionnels.
Finalement, un besoin unanime des deux focus groups est celui d’être informé et soutenu vis-à-vis des nouvelles exigences (open access et gestion des données de recherche, mais pas uniquement) de l’environnement de recherche. Directement concerné ou non à travers leurs activités de recherche actuelles, l’ensemble des répondants sait que ces évolutions doivent être embrassées et comprises, car elles sont des éléments angulaires de l’environnement dans lequel ils évoluent. Leur souhait est d’être munis du savoir adéquat pour faire des choix éclairés et de posséder des connaissances suffisantes pour choisir des outils fiables et efficaces.
Bilan du soutien à la recherche à la HETS
L’ensemble des éléments précédemment mis en exergue permettent de dresser un bilan général du soutien à la recherche actuellement proposé au sein de la HETS-GE.
Le premier constat du présent mandat a été que, bien que des services de soutien existent déjà au sein de la HETS-GE, ceux-ci souffrent d’un manque de visibilité qui entraîne souvent leur non-utilisation. Par ailleurs, le personnel des divers services rencontrés s’est montré très conscient de son rôle à jouer, mais s’étonnait que les chercheurs ne fassent pas davantage appel à ses compétences et ses expertises sur des sujets pointus (open access, veille, gestion des données de recherche). De leur côté, les chercheurs ignoraient effectivement l’existence de certaines prestations internes, mais aussi proposées par la HES-SO (notamment le Research Data Coordination Desk et l’unité d’appui Ra&D) ainsi que les compétences détenues par le personnel encadrant la recherche.
Cette méconnaissance est imputable à plusieurs facteurs :
Tout d’abord, l'absence d’une structure claire et formalisée destinée à soutenir et faciliter la recherche qui permettrait aux différents acteurs de se rassembler ainsi que de coordonner leurs efforts et de créer un groupement de compétences transversales prêt à répondre aux multiples enjeux du soutien à la communauté scientifique. À l’heure actuelle, chaque acteur agit de manière indépendante et propose des solutions sur mesure, ad hoc pour donner suite aux sollicitations. Cette situation entache la visibilité des compétences, mais également des services, tout en entraînant le risque d’une redondance dans les efforts de deux services différents s’attaquant à une thématique. De plus, cette carence d’organisation entraîne une certaine informalité et une absence totale de stratégie – dont le rôle devrait être de motiver et de donner une raison d’être à ces services.
Dans un deuxième temps, une caractéristique unique à la HETS-GE, et dont résultent les constats susmentionnés, est son organisation. En effet, les services et les chercheurs sont dispersés dans divers bâtiments localisés à plusieurs endroits. Tout naturellement, cela limite considérablement les rencontres fortuites. Il s’agit donc d’occasions manquées pour les chercheurs d’exprimer leurs besoins, et pour les membres d’un service d’affirmer leurs compétences et de mentionner l’existence de services ou d’une ressource. Cette structure en silo est donc un frein à la communication entre les acteurs qui poursuivent parfois des buts communs chacun de leur côté – démultipliant ressources et temps investis.
Conséquence directe de la remarque précédente, il n’y a actuellement que peu de communication entre les services et les chercheurs, et également inter-services. Le travail de promotion des services et des compétences reste souvent timide, voire presque absent. Les pages web des services ne mentionnent par exemple pas quelles prestations sont ou peuvent être proposées aux chercheurs.
Les répondants n’étaient pas au courant de l’existence de services de soutien à l’échelle de la HES-SO, notamment la présence d’une archive ouverte (ArODES) ou les diverses unités de soutien à leur disposition : l’unité d’appui Ra&D, spécialiste des questions d’acquisition de fonds de tiers, et le Data coordination Desk. Il semble que leur non-utilisation soit également imputable à un manque de communication. Cependant, ces services s’adressent à l’ensemble de la HES-SO. Par conséquent, leur promotion n’est pas du ressort direct de la HETS-GE, même si on peut s’attendre à ce qu’elle diffuse et promeuve un peu ces prestations.
Pour conclure, lors des rencontres, une question était posée sur l’intérêt des répondants vis-à-vis de la mutualisation de certains services de soutien, voire de la mise en place d’un centre dédié au soutien à la recherche, mutualisé à l’échelle du domaine Travail social de la HES-SO. À la lumière du bilan institutionnel et des facteurs limitants liés aux ressources, mutualiser à l’échelle du domaine s’impose comme une solution intelligente et efficiente puisqu’elle permet d’en faire plus sans devoir investir toutes les ressources nécessaires individuellement. L’ensemble des répondants des focus groups et des entretiens abondait dans ce sens. Toutefois en l’absence de réponses des trois autres écoles, il a été impossible d’en juger la faisabilité. Nonobstant ce manque et les limitations existantes, des dispositions ont déjà été mises en place et des améliorations demandant un investissement maigre en ressources peuvent être envisagées, comme proposé ci-après.
Propositions et recommandations
En prenant en compte le contexte HES – en particulier celui de la HETS de Genève – ainsi que les résultats de la collecte de données, une proposition théorique ainsi que cinq recommandations ont été formulées. Bien que ces recommandations soient avant tout des pistes de solutions aux difficultés constatées à la HETS-GE, leur pertinence peut s’étendre à toutes les institutions faisant face aux mêmes enjeux environnementaux ou souhaitant simplement mettre en place un soutien à la recherche efficient et adéquat.
Les trois piliers du soutien et de la facilitation de la recherche
Les résultats des investigations sur le terrain, croisés avec les informations recueillies dans la littérature, ont permis de déterminer que la facilitation de la recherche dépendait étroitement de l’équilibre de trois piliers :
- La communication ; on entend par là autant les échanges entre les prestataires de soutien entre eux qu’avec les bénéficiaires de leurs efforts. Ces derniers doivent également transmettre leurs suggestions et leurs besoins de manière proactive et itérative.
- La coordination ; c’est-à-dire l’organisation formelle de tous les efforts, services et activités de facilitation mis à l’œuvre dans le but de réduire la redondance et d’augmenter l’efficience et l’adéquation avec les besoins de la communauté de recherche.
- La collaboration ; cela implique que le soutien et la facilitation ne peuvent être dispensés par un service ou un profil de compétences unique. Étant donné l’hétérogénéité des enjeux mobilisés par ce processus, une pluralité d’acteurs est nécessaire pour y répondre et trouver des solutions efficaces.
Figure 3: Les trois piliers du soutien à la recherche
(Wuillemin 2018, p.53)
Ces trois points devront donc être utilisés comme leviers lors du déploiement d’un effort de facilitation de la recherche transversal et commun à l’ensemble de l’institution afin de permettre d’ancrer celui-ci dans la culture institutionnelle et stratégique de l’institution.
Unifier pour régner : création d’un organe de coordination
La présence d’une entité réunissant l’ensemble des parties prenantes mobilisées par le soutien à la recherche – à savoir : l’Infothèque, les éditions IES, le centre de recherche sociale (CERES) et un représentant des chercheurs et de la direction des établissements – est cruciale. Cette entité pourrait par exemple prendre la forme d’un comité.
Les missions de cet organe devraient inclure les points suivants :
- Observer et coordonner les activités institutionnelles de soutien et de facilitation de la recherche.
- Mettre en place des objectifs stratégiques pour développer le soutien à la recherche qui soient cohérents et en continuité avec les objectifs de l’institution et de la HES-SO.
- Rédiger et diffuser des politiques, des guides ou des règlements pour orienter, encadrer et uniformiser les divers aspects de la facilitation de la recherche notamment autour des questions de publication des résultats de recherche et de gestion des données de recherche.
- Créer un espace permettant l’échange entre les représentants des services et les chercheurs, afin que les besoins de ces derniers soient entendus et que les services puissent mettre en avant leurs compétences, et le partage autour des thématiques/enjeux/nouveautés de la recherche scientifique et de son environnement.
Mise en place d’un modèle de maturité du processus et d’un tableau de bord
En matière de gestion des données de recherche, la littérature propose à plusieurs reprises d’aborder cette thématique sous l’angle d’un modèle de maturité. L’avantage d’un tel dispositif est qu’il permet de détailler la qualité et l’avancée du processus de manière visuelle. Chaque niveau peut donc être exprimé en objectifs stratégiques à atteindre.
Le but de la recherche n’était pas la création d’un tel dispositif. Toutefois, les résultats ont mis en lumière une maturité encore insuffisante au sein de la HETS-GE pour la mise en place d’un centre de soutien à la recherche institutionnel ou commun au domaine Travail social. L’utilisation d’un modèle de maturité semblait ainsi toute indiquée, car elle permettrait à l’institution de se développer et d’atteindre la maturité nécessaire à une telle entreprise. Une brève revue de la littérature a été menée afin de s’inspirer et de développer le prototype ci-dessous. Celui-ci a suivi le style graphique d’une figure proposée par Cox et al. dans un article de 2017 et a été alimenté par 2 modèles centrés sur la gestion des données de recherche, celui de Cox et al. (2017) et du Australian national data service (2018), ainsi que par le constat précédemment formulé sur les trois piliers de la recherche.
Figure 4: Modèle de maturité pour le soutien à la recherche
(Wuillemin 2018, p.59)
Niveau 1
Ce niveau de maturité est le plus bas et il se caractérise par une certaine passivité institutionnelle en ce qui concerne le processus de soutien à la recherche dans sa globalité. Pour en revenir aux trois piliers, la collaboration et la coordination sont pour ainsi dire inexistantes. Les chercheurs trouvent des solutions par leurs propres moyens.
Niveau 2
À ce palier, les divers acteurs commencent à prendre conscience de leurs compétences et les besoins de leurs bénéficiaires ainsi que de l’importance du processus de soutien et des activités qu’il implique. Ces changements sont une réaction aux évolutions de l’environnement (comme la gestion des données de recherche, l’open access etc.), mais sont aussi motivés par la lecture d’articles ou de retours d’expériences. Les activités sont principalement ad hoc et peu ordonnées. La qualification de ce niveau est celle de phase réactive : l’institution ne prend pas encore des décisions par elle-même, mais met en place des services à usage unique sur la demande des chercheurs. Cette phase coïncide également avec la conduite d’enquêtes et d’évaluation de l’existant afin de dresser un portrait des compétences et des ressources exploitables.
Niveau 3
Arrivés à cette étape, les efforts de soutien deviennent proactifs. Le processus fait désormais partie intégrante du plan stratégique de l’établissement. Les efforts deviennent plus systématiques : les prestations ne sont plus ad-hoc mais s’adressent à des profils divers et le rôle de chacun des prestataires est défini précisément. Les parties prenantes communiquent plus efficacement sur leurs prestations et entre elles. L’offre de services commence donc à s’étoffer. Des politiques, des marches à suivre et des règlements sont en production afin de formaliser les activités et d’unifier les pratiques.
Niveau 4
Ce niveau est placé sous le signe de l’intégration. Les politiques susmentionnées sont disséminées et s’intègrent progressivement à l’ADN de l’institution. L'offre de service est conséquente et s’optimise. Du côté des trois piliers, la collaboration est satisfaisante et la coordination et la communication sont optimales.
Niveau 5
Le point culminant du modèle est atteint lorsque l’ensemble des activités associées au processus sont implantées et formalisées de sorte qu’elles fassent pleinement partie de la culture institutionnelle et stratégique de l’entité concernée. Tout le monde travaille de concert et les efforts sont ajustés aux besoins et rationalisés. L’institution peut maintenant s’ouvrir vers l’extérieur et chercher à créer des partenariats ou des services mutualisés avec d’autres institutions. Dans le contexte HES-SO, ces alliances peuvent se faire avec d’autres écoles de travail social ou avec un ou des services à l’échelle de la HES-SO.
La faiblesse du présent modèle de maturité est qu’il représente le processus comme une activité unique. Or, la revue de la littérature couplée aux rencontres sur le terrain a montré qu’une pléthore d’activités est concernée par la facilitation de la recherche et que chacune d’entre elles peut se décomposer en sous-activités.
Ainsi le modèle de maturité devrait surtout jouer le rôle d’un “pense-bête” ou d’une feuille de route pour orienter globalement les efforts stratégiques.
En revanche, il est nécessaire pour les aspects opérationnels de compléter le prototype par un tableau de bord. Celui-ci devrait directement découler des différentes phases du modèle de maturité (ici cinq), et détailler les différentes activités par étape. On peut éventuellement décliner et séparer le tableau de bord par domaines d’activité (par exemple gestion des données de la recherche, publication des articles scientifiques, stimulation de la communauté de recherche, etc.). Pour chacune de ces activités il est nécessaire de lister les prérequis du palier et les tâches et les paramètres qui doivent être mis en place pour valider l’obtention du niveau de maturité.
Figure 5: Exemple de tableau de bord de suivi de la maturité du soutien à la recherche
(Wuillemin 2018, p.60 – adapté du Australian Data Service 2018, p.3-4)
Cet outil conserve non seulement la force visuelle du modèle de maturité, mais possède aussi une réelle plus-value opérationnelle. Ces deux outils de pilotage, il va sans dire, doivent impérativement être développés par toutes les parties prenantes mobilisées. C‘est pourquoi l’une des recommandations émises lors de ce travail est de charger l’organe de coordination du soutien institutionnel à la recherche de cette responsabilité.
Développer la compréhension des exigences de l’environnement de recherche
La revue de littérature ainsi que les actualités récentes ont mis en exergue l’importance et le poids des nouvelles exigences de l’environnement de la recherche. À l’ère numérique, dans un contexte où la production de données croît de manière exponentielle, et à la lumière de célèbres cas de falsification de résultats de recherche (voir notes (2) et (3)) qui ont parfois des retombées négatives mais surtout durables dans l’esprit collectif, il est crucial pour toutes les parties prenantes de prendre les nouvelles exigences à bras le corps et de se les approprier en les intégrant à terme dans leurs propres politiques et règlements internes. En effet, même si les changements réglementaires ont principalement été ressentis par les bénéficiaires des institutions de financement de la science, ces changements sont les symptômes d’une transformation générale et profonde dans la manière de mener la recherche scientifique. Le contrôle et la transparence autour de la recherche sont donc des enjeux phares et les exigences vont dans ce sens.
Dès lors, les services de soutien à la recherche ont la responsabilité de répandre les connaissances autour de ce nouveau paradigme au sein de la communauté de recherche afin de l’accompagner activement dans cette période de transformation. L’enjeu est de lui donner les ressources ainsi que le soutien nécessaires pour que cette transition se fasse en douceur et non sous la contrainte ou la peur d’une perte de financement de tiers.
Dans le contexte des institutions d’enseignement tertiaire, il existe généralement des unités et des services institutionnels spécialisés sur les différentes thématiques touchées par ces changements. Au sein de la HES-SO, on citera notamment l’unité Ra&D, et le Research Data Coordination Desk. En l’absence de telles unités ou à titre complémentaire, on peut également faire appel à des experts extérieurs comme ceux du projet DLCM, groupe spécialisé sur le cycle de vie des données de la recherche.
Visibilité des services et de leurs prestations
Travailler sur la visibilité des services et de leurs prestations est également un point crucial pour l’accroissement des trois piliers du soutien à la recherche. La littérature soulignait la présence de silos institutionnels qui pouvaient freiner la mise en place de services, et l’accroissement de la maturité du processus, mais parfois les services déjà existants sont eux-mêmes méconnus, voire inutilisés. Les chercheurs rencontrés dans le cadre de l’étude avaient des besoins auxquels des prestations préexistantes auraient pu répondre, mais dont ils ignoraient l’existence. Cette non-utilisation implique que les besoins des chercheurs ne sont pas satisfaits et que les services dédient des ressources à entretenir des prestations qui ne sont pas utilisées. Tout le monde est ainsi perdant.
Il est donc nécessaire, avant d’accroître l’offre, de mettre en place des solutions pour renforcer la visibilité de l’existant. Pour cela, il n’est pas forcément nécessaire de réinvestir des ressources particulières ; on peut bien développer des choses que l’on a déjà sans avoir à faire appel à des compétences nouvelles. Une chose aisée à mettre en place est une page dédiée au support à la recherche sur le site institutionnel. Celle-ci devrait regrouper les règlements et politiques institutionnels, mais aussi la liste des prestations dispensées par chaque service, ainsi que des liens renvoyant vers leurs pages. Les pages web des services devraient aussi mettre en exergue leurs offres de prestations. Des renvois vers des ressources externes comme le fameux Research Data Coordination Desk et l’unité Ra&D seraient également judicieux.
Cette centralisation de toutes les ressources à disposition faciliterait la vie aux chercheurs et augmenterait leur connaissance des prestations offertes et, on peut l’espérer, l’utilisation de celles-ci.
Encourager l’entraide et participer à l’épanouissement de la communauté de recherche
Bien que la communauté de recherche soit au centre de toutes les préoccupations, il peut arriver que les parties prenantes oublient que des actions peuvent également être entreprises pour la stimuler. C’est pourquoi, il est important de connaître son « état de santé » et la façon dont les relations interpersonnelles s’y cartographient. L’hétérogénéité de la communauté de recherche, soulevée dans la revue de littérature, a par ailleurs été vérifiée par les données recueillies sur le terrain. Les niveaux d’expérience et les domaines d’intérêt sont variés et un manque de cohésion a malheureusement été rapporté. Certains des chercheurs nouvellement engagés et qui n’ont pas une grande expérience de recherche se sentent parfois isolés, ou du moins pas très intégrés. La principale raison est que les informations ont de la peine à circuler, notamment concernant les projets sur lesquels les chercheurs travaillent. La diffusion ou la mise en place d’une base de données des projets en cours et passés accessible aux chercheurs, mais aussi au personnel administratif et technique (PAT), permettrait la propagation de ces informations cruciales pour créer des liens entre les chercheurs. Par exemple, un nouveau chercheur pourrait prendre contact avec un chercheur expérimenté travaillant sur une thématique voisine afin de discuter de sa méthodologie ou de demander des contacts. Cette proposition serait également bénéfique pour les relations entre les chercheurs et les membres du soutien à la recherche. En effet, les services de soutien seront ainsi au courant du quotidien des chercheurs et des nouveautés liées à leurs recherches et pourront effectuer des tâches comme de la veille informationnelle, technologique et réglementaire sur les sujets étudiés.
Conclusion
Cet article a fait état de l’écosystème de la recherche et des difficultés rencontrées par les services institutionnels pour soutenir les activités des chercheurs. Le milieu de la recherche a subi des évolutions majeures telles qu’un changement de paradigme – toujours en cours –vers un fonctionnement placé sous le signe de la collaboration, de la promotion de l’open access, du durcissement des exigences des bailleurs de fonds, mais aussi d’une réduction significative des budgets. On a rappelé ensuite l’importance de s’appuyer sur les services institutionnels et sur leur capacité à épauler les chercheurs dans leur travail grâce à des outils et compétences adaptés. Les données présentées dans cet article convergent vers une demande croissante de création et d’utilisation de ce genre de services.
En effet, du fait du foisonnement des activités de recherche, de l’hyper compétitivité et des activités d’enseignement, les chercheurs sont débordés. Les nouveaux aspects de la recherche scientifique, comme la gestion des données de recherche et la diffusion en open access des résultats, sont des soucis supplémentaires qu’il leur revient de gérer alors que le temps et les compétences leur manquent. Or, la littérature et les résultats de la recherche démontrent que les services institutionnels cherchent à prêter main-forte aux chercheurs pour les soulager là où il est possible de le faire. Néanmoins la communication peine bien souvent à aboutir. Cette volonté reste ainsi votive et les chercheurs se démènent en silence.
Les données montrent que la HETS-GE traverse les changements identifiés dans la littérature : les chercheurs HETS sont aussi en contact avec les transformations de l’environnement. Même s’ils ne subissent pas tous les contraintes des bailleurs de fonds, ils reconnaissent les enjeux portés par ces thématiques et la responsabilité de les endosser. Du côté des services, une volonté existe d’être plus proactif dans le soutien et de s’aligner sur les tendances. Mais la bonne volonté ne suffit pas ; il manque encore un maillon pour connecter les prestataires et les bénéficiaires. Il est donc primordial de le créer afin de suivre le paradigme de la recherche et donc de travailler ensemble. Le soutien et la facilitation de la recherche devraient se développer autour de deux pôles : les évolutions des exigences de l’environnement de recherche et les besoins de la communauté de recherche – qui du reste sont intimement liées aux premières.
Suivant ce constat, des pistes de réflexion et des recommandations ont pu être formulées pour surmonter les difficultés constatées et encourager l’épanouissement du soutien institutionnel à la recherche au sein de la HETS de Genève. Un premier constat général est que le soutien à la recherche doit s’efforcer de trouver un équilibre entre trois piliers : la communication, la collaboration et la coordination entre toutes les parties prenantes concernées et mobilisées. Ainsi, la première recommandation pour l’institution mandante est de mettre en place un organe de coordination institutionnel du soutien à la recherche composé d’au moins un représentant de toutes les parties prenantes concernées. Cet organe est incité à se charger d’élaborer un modèle de maturité du processus ainsi qu’un tableau de bord pour en suivre les évolutions et mesurer les progrès. L’avantage de ces deux outils est d’aider à la fois à la planification stratégique de la maturation des activités ainsi qu’à la mise en place des aspects opérationnels et des tâches nécessaires pour y parvenir – le tout en tirant parti de leur force intrinsèquement visuelle.
En parallèlement à ces efforts, il est aussi important de développer la compréhension des chercheurs et des entités qui les soutiennent au sujet des exigences de l’environnement de la recherche. Il s’agit là de comprendre autant les thématiques émergentes que les nouvelles exigences des bailleurs de fonds. La visibilité des services institutionnels et leurs prestations est également un point qui mérite un investissement particulier. Finalement, il est crucial de favoriser un environnement fécond et encourageant l’entraide mutuelle pour que la communauté de recherche puisse s’épanouir au mieux.
L’étude dont le présent article fait la synthèse se voulait être comparative. Or, faute de répondants, elle s’apparente davantage à une étude de cas. C’est pourquoi il serait intéressant d’explorer les divers éléments soulevés par sa méthodologie au sein des trois autres écoles du domaine. Cela permettrait de déterminer si la situation à Genève est un cas isolé ou si elle est commune au reste des institutions de formation et de recherche en travail social, et tout particulièrement de détecter un intérêt potentiel pour la mutualisation de services de soutien.
Plus globalement encore, il est intéressant de constater que les enjeux de soutien à la recherche – pourtant objet des réflexions de la littérature spécialisée depuis plusieurs années déjà – continuent à animer les débats entre professionnels et à faire couler de l’encre, sans pour autant qu’une solution ou une réponse finale ne s’impose. Plus qu’un tournant appuyé par l’évolution du paradigme de la science ou par les pressions financières, les interrogations mises en lumière par le soutien à la recherche dénotent un profond et irrémédiable changement de société vis-à-vis de l’utilisation des médias, de la relation aux données et à la vie privée, ainsi que des exigences de transparence, notamment à propos des investissements de l’argent du contribuable dans le financement de la recherche. Tous ces enjeux n’épargnent pas les métiers de l’information documentaire, qui vont devoir tôt ou tard se positionner sur la nécessité de s’approprier des compétences traditionnellement rattachées à d’autres corps de métiers, avec le risque de remettre en question des savoir-faire historiques ou leur identité même.
Notes
[*] Veuillez noter que cet article reflète uniquement l’opinion de son autrice et n’engage nullement la Haute école de travail social de Genève ou toute autre entité mentionnée.
[**] L’italique dans le texte ne sert qu’à signaler les mots issus de langues étrangères.
(1) Davantage d’informations sur la politique d’open access du FNS sont disponibles à l’adresse:http://www.snf.ch/fr/leFNS/points-de-vue-politique-de-recherche/open-access/Pages/default.aspx
(2) Une étude publiée en 1998 dans la revue anglaise The Lancet argumentait qu’un lien de causalité existait entre la vaccination contre la rougeole et le développement de l’autisme. L’Organisation mondiale de la Santé a néanmoins publié un rapport en 2003 qui dénonçait la fraude scientifique véhiculée par cette publication et The Lancet a depuis réfuté l’article. Néanmoins, cette étude a eu un impact durable sur l’opinion publique et alimente aujourd’hui encore l’argumentaire des personnes en défaveur de la vaccination.
(3) Un exemple plus récent, mais d’un même phénomène est une étude publiée en 2018 dans la revue GSC Biological and Pharmaceutical Studies et co-signée par deux chercheurs suisses. Cependant, celle-ci a été récemment réfutée et retirée de la revue, car un examen a mis en lumière que les données avancées pour corroborer les résultats étaient frauduleuses et avait été manipulées. Voir l’article du Temps : le vaccin Ebola co-signé par des chercheurs suisses
Bibliographie
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N°Spécial 100ans ID
Ressi — 4 avril 2019
Editorial
En 2018, la filière Information documentaire de la HEG-Genève a fêté ses 100 ans !
C’est en effet en octobre 1918 que s’ouvraient les premiers cours de formation au métier de bibliothécaire, dans le cadre de l’École d’études sociales pour femmes. Que de chemin parcouru de ces quelques cours pour futures « secrétaires-bibliothécaires –libraires » aux enseignements de Master en Sciences de l’information actuels !
Outre une brève rétrospective des grandes étapes de ce parcours, la filière a souhaité marquer cet anniversaire par la tenue, du 18 au 22 juin, d’une session de l’école d’été internationale francophone en sciences de l’information. Pendant cinq jours ont été proposés aux participants conférences, ateliers, témoignages, visites, et même un escape game ! Plusieurs centaines de professionnel-le-s et d’étudiant-e-s de toute la francophonie ont ainsi eu l’opportunité de réfléchir sur l’évolution des métiers de l’information documentaire et d’envisager les grandes mutations à venir.
L’équipe de RESSI a souhaité marquer cet événement par la parution d’un numéro spécial, le premier du genre, entièrement consacré à cette commémoration. Il débute par une revue des grandes étapes parcourue en un siècle, avec un accent tout particulier sur l’enseignement de l’informatique documentaire, intégrée dès 1968 par l’École de bibliothécaires, par petites touches d’abord puis de façon de plus en plus intensive.
C’est ensuite l’École d’été qui fait l’objet de résumés, qui pour certaines sessions sont complétés par les présentations powerpoint des intervenants et des vidéos Youtube filmées lors de leur intervention.
Enfin, et pour définitivement ancrer la formation dans l’avenir, ce numéro se termine par une synthèse de travaux de recherche menés dans le domaine si prometteur de la gouvernance informationnelle, un domaine en plein développement auquel notre filière tient à former solidement les futur-e-s professionnel-le-s.
Nous vous souhaitons une très bonne lecture et nous remercions vivement toutes celles et ceux qui ont contribué à ce numéro spécial.
Le Comité de rédaction
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N°19 décembre 2018
Ressi — 20 décembre 2018
Sommaire - N° 19, Décembre 2018
Articles de recherche :
-
La contribution suisse dans la recherche sur la communication institutionnelle dans les hôpitaux - Pablo Medina Aguerrebere et Emmanuel Kabengele
-
La Perspective du Continuum des archives illustrée par l’exemple d’un document personnel - Viviane Frings-Hessami
Comptes-rendus d'expériences :
-
Renouvaud : de la gestion de projet à la coordination du réseau vaudois des bibliothèques - Jeannette Frey et Piergiuseppe Esposito
- Des ebooks dans sa poche : projet de valorisation de la col-lection numérique de la Bibliothèque de l’UNIGE - Pablo Iriarte, Aurélie Vieux et Marc Meury
-
Apprentissage et classification automatiques pour améliorer la pertinence d'un corpus d’articles - Julien Gobeill, Matthias van den Heuvel, Laura Minu Nowzohour, Joëlle Noailly, Gaétan de Rassenfosse et Patrick Ruch
- Conserver et valoriser les archives de la Société des Arts de Genève - Sylvain Wenger
-
Les bibliothèques de la Communauté du savoir - Agnès Dervaux-Duquenne
- Demain sera mieux qu’aujourd’hui : évolution des rôles et missions du bibliothécaire - Matthieu Cevey et Michel Gorin
Comptes-rendus d'événements :
-
Conférence nationale Open Access - Benoìt Epron
- Quelle veille pour les start-ups ? compte rendu de la 15ème journée franco-suisse sur la veille stratégique et l’intelligence économique, 14 juin 2018, Besançon - Hélène Madinier
-
Les 100 ans de la filière Information documentaire de la HEG-Genève : numéro spécial de RESSI à paraître - Hélène Madinier
Recensions :
-
Cinquante ans de numérique en bibliothèque - Alexis Rivier
- Rechercher l’information stratégique sur le web : sourcing, veille et analyse à l’heure de la révolution numérique - Claire Wuillemin
-
Consommer l’information : de la gestion à la médiation documentaire - Siham Alaoui
- Service Science and the Information Professional - Tullio Basaglia
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Editorial
Ressi — 20 décembre 2018
Comité RESSI
Editorial n°19
C’est un numéro 19 très riche en contributions que nous avons le plaisir de vous proposer.
Dans la rubrique « Etudes et Recherches », vous trouverez un premier article recensant la production scientifique sur la communication hospitalière. Intitulé La contribution suisse dans la recherche sur la communication institutionnelle dans les hôpitaux et signé Pablo Medina Aguerrebere et Emmanuel Kabengele, respectivement assistant de recherche et professeur à l’Institut de Santé Globale, de la Faculté de Médecine de l’Université de Genève, il arrive à la conclusion que la production suisse sur le sujet est encore peu présente.
La deuxième contribution est signée Viviane Frings-Hessami, chargée de cours à l’université de Monash, en Australie. Intitulé La Perspective du Continuum des archives illustré par l’exemple d’un document personnel, il explicite de manière très concrète une nouvelle approche du cycle de vie des données, le records continuum, au travers d’une photo de famille.
Dans la rubrique « Comptes rendus d’expérience », nous vous proposons six contributions.
La première est signée Jeannette Frey, Directrice de la BCU Lausanne, Présidente de Renouvaud et Piergiuseppe Esposito, chargé de mission à la BCU de Lausanne. Intitulé Renouvaud : de la gestion de projet à la coordination du réseau vaudois des bibliothèques, il détaille les étapes et les méthodes ayant permis à l’ensemble des bibliothèques vaudoises (plus de 100 jusqu’à présent), de migrer de Rero vers le système Alma au sein du réseau Renouvaud. C’est un projet mené en deux ans, d’une ampleur sans précédent, et qui a comporté plusieurs dimensions : organisationnelle, informatique et bibliothéconomique.
La deuxième, rédigée par Aurélie Vieux, Pablo Iriarte et Marc Meury, collaborateurs à la Division de l’information scientifique de l’Université de Genève, est intitulée Des e-books dans sa poche : projet de valorisation de la collection numérique de la Bibliothèque de l’Université de Genève. Elle décrit le projet d’harmonisation de la valorisation des ressources numériques entre les différents sites des bibliothèques de l’Université de Genève, grâce à la création de l’Application de valorisation numérique “Avalon”, qui simplifie le processus de création des supports de valorisation, optimisant ainsi la visibilité des ressources numériques.
La troisième contribution émane de Julien Gobeill et Patrick Ruch, respectivement chargé de cours et professeur ordinaire à la HEG-Genève, et membres de l’Institut suisse de bio-informatique, Matthias van den Heuvel et Gaétan de Rassenfosse, respectivement doctorant et professeur à l’EPFL, ainsi que Laura Minu Nowzohour et Joëlle Noailly, respectivement doctorante et professeure à l’IHEID à Genève. Intitulé Apprentissage et classification automatiques pour améliorer la pertinence d’un corpus d’articles, il explique avec un exemple comment utiliser la fouille de textes (text mining) pour aider le spécialiste en recherche documentaire dans une activité de constitution de corpus, tout spécialement avec des masses d’informations importantes.
La quatrième contribution est signée par Sylvain Wenger, Directeur de projet de la Valorisation du patrimoine et de la promotion de la recherche auprès de la Société des Arts et intitulée Conserver et valoriser les archives de la Société des Arts de Genève. Il y décrit les enjeux et étapes du projet de mise en place, depuis 2016, des actions de valorisation de cette Société, fondée en 1776 pour la promotion de l’économie locale, actions destinées à la communauté de la recherche et à un public plus large, dont les résultats sont attendus pour 2019-2020.
La cinquième contribution, intitulée Les bibliothèques de la Communauté du Savoir, et signée Agnès Dervaux-Duquenne, bibliothécaire responsable de la Haute Ecole Arc Ingénierie à Neuchâtel, décrit les actions de collaboration – et leurs bénéfices - mises en œuvre par les bibliothèques de Communauté du savoir, réseau visant à renforcer, valoriser et stimuler les collaborations franco-suisses dans l'Arc jurassien (incluant la Franche-Comté et les cantons de Berne, Jura, Neuchâtel et Vaud côté Suisse), en matière d'enseignement supérieur, de recherche et d'innovation.
La sixième contribution est due à Michel Gorin et Matthieu Cevey, respectivement maître d’enseignement et assistant d’enseignement à la Haute Ecole de Gestion de Genève. Intitulée Demain est mieux qu’aujourd’hui : évolution des rôles et missions des bibliothèques, elle constitue le reflet d’une intervention faite par ses auteurs lors du Congrès des professionnels de l’information de Montréal, organisé du 12 au 14 novembre 2018 et centré sur le thème : « Les professionnel-le-s de l’information, actrices et acteurs de changement ». Ils font tout d’abord état de l’importance des bibliothèques comme garantes de la démocratie en tirant un parallèle avec l’initiative populaire suisse « No Billag ». Ensuite, reconnaissant la nécessité, pour les bibliothécaires, de s’adapter aux mutations en cours, ils proposent un modèle de « bibliothèque-plateforme », basé sur le récent travail de bachelor d’un étudiant.
Dans la rubrique « Compte rendu d’événement », on trouvera deux contributions principales et la mention d’une recension à venir.
La première, signée Benoît Epron, professeur associé à la HEG-Genève et intitulée Conférence nationale Open access, rend compte de la journée organisée le 26 octobre 2018 par swissuniversities à l'Université de Lausanne, qui faisait le point sur l'open access en Suisse en abordant ses aspects académiques, économiques et politiques.
La deuxième contribution rend compte de la dernière Journée franco-suisse sur la veille stratégique et l'intelligence économique, la 15ème, qui a eu lieu le 12 juin 2018 à Besançon sur le thème: Quelle veille pour les start-ups ? Signée par Hélène Madinier, professeure associée à la HEG-Genève, il rend compte des différentes interventions de nature théorique et sous forme de témoignages de start-ups, ainsi que d’une démonstration de méthode de recherche d’information pour une start-up faite en direct par un consultant.
La troisième est une annonce du numéro spécial de RESSI, faite par le Comité de rédaction, à l’occasion des 100 ans de la filière Information documentaire de la HEG-Genève. Cet anniversaire a été l’occasion de diverses conférences et autres manifestations qui ont eu lieu en juin 2018, qui seront résumées, avec photos, chronologie, articles récapitulatifs, prospectifs et interviews, dans un numéro spécial de RESSI à paraître début 2019.
Finalement, on trouvera quatre recensions d’ouvrages.
La première recension est écrite par Alexis Rivier, Conservateur des ressources numériques et des périodiques à la Bibliothèque de Genève, et rend compte de l’ouvrage d’Yves Desrichard Cinquante ans de numérique en bibliothèque. Publié en 2017, ce livre articule le numérique en bibliothèque en cinq « temps », couvrant chacun à peu près une décennie, et décrit les transformations des bibliothèques – encore à venir - induites par l’arrivée de l’informatique.
La deuxième recension émane de Claire Wuillemin, assistante d’enseignement à la HEG-Genève, et rend compte de l’ouvrage de Véronique Mesguich, Rechercher l’information stratégique sur le web : sourcing, veille et analyse à l’heure de la révolution numérique. Publié en 2018, ce livre fait un point essentiel sur l’évolution de Google et des moteurs de recherche. Il donne des clés pour la recherche d’information et l’évaluation de la qualité de l’information, en visant le développement d’une véritable littératie numérique.
Le troisième compte rendu d’ouvrage est signé Siham Alaoui, étudiante au doctorat en archivistique à l’Université Laval du Québec, et recense le livre Consommer l’information : de la gestion à la médiation documentaire, de Martine Cardin et Anne Klein, publié en 2018 aux Presses de l’Université Laval. Il décrit la nouvelle approche de l’archivistique, soit celle de l’archivistique ouverte, résultant de l’interdisciplinarité entre l’archivistique et le marketing ouvert.
Enfin, le quatrième compte rendu, sous la plume de Tullio Basaglia, chef de section de la bibliothèque du CERN à Genève, rend compte de l’ouvrage en anglais d’Yvonne de Grandbois - qui a fait sa carrière de professionnelle de l’information en Suisse romande- Service Science and the Information Professional, publié en 2016. Ce livre offre un aperçu succinct mais complet de la discipline qu’est la science des services, et il souligne l’importance de cette dernière pour les professionnels de l’information.
Nous vous souhaitons une très bonne lecture et nous remercions vivement les auteurs de cette édition, ainsi que les fidèles réviseurs, ainsi que ceux et celles qui ont contribué à la mise en ligne de RESSI.
Le Comité de rédaction
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Renouvaud : de la gestion de projet à la coordination du réseau vaudois des bibliothèques
Ressi — 20 décembre 2018
Jeannette Frey, Directrice BCU Lausanne, Présidente Renouvaud
Piergiuseppe Esposito, Chargé de missions BCU Lausanne
Résumé
En 2014, le Canton de Vaud décide de quitter RERO, le réseau des bibliothèques de Suisse occidentale, pour migrer vers de nouvelles technologies cloud. La Bibliothèque cantonale et universitaire - Lausanne va utiliser la méthode de gestion de projets HERMES, développée par la Confédération. Elle renonce à passer aux règles de catalogage RDA, conserve le format MARC21. Elle complète le cahier des charges GEMEVAL, élaboré par RERO, IDS et la BNS, pour lancer un appel d'offres qui aboutit à la sélection du système Alma de l’entreprise Ex Libris. Le contrat est signé à la fin de l'été 2015. Le programme, intitulé Renouvaud, se compose de trois sous-projets : organisationnel, informatique et bibliothéconomique. Il englobe, à peu d'exceptions près, toutes les bibliothèques du Canton de Vaud : patrimoniales, scientifiques, scolaires et lecture publique. Le réseau Renouvaud est opérationnel dès le 22 août 2016. Considérant que le projet national SLSP a choisi la même solution informatique (Alma), Renouvaud devrait être à même de coopérer avec lui. Renouvaud a tenu les délais fixés en respectant le budget voté. Fin 2017, il offre plus de 3,5 millions de documents imprimés et presque 1 million de documents numériques.
Renouvaud : de la gestion de projet à la coordination du réseau vaudois des bibliothèques [1]
Historique de la décision vaudoise
Le projet Renouvaud a été initié suite à la décision du canton de Vaud de quitter RERO (REseau ROmand, réseau des bibliothèques de Suisse occidentale). Le 14 mars 2014, la Conseillère d’État Anne-Catherine Lyon, cheffe du Département de la formation, de la jeunesse et de la culture (DFJC), annonçait à la Conférence intercantonale de l’instruction publique de la Suisse romande et du Tessin (CIIP), organe titulaire de RERO, que le canton de Vaud se dédisait de la convention intercantonale RERO à fin 2016[2]. Cette décision était motivée par l’impossibilité de trouver une nouvelle gouvernance pour RERO après 8 ans de tractations, ce qui bloquait l’investissement pour le passage à de nouvelles technologies cloud. Plusieurs solutions pour la gouvernance avaient été étudiées, le concordat intercantonal, puis l’option de créer une association, sans succès. Au terme de nombreuses discussions et de longs blocages, la Conseillère d’État constatait que RERO était devenu pénalisant pour le réseau vaudois et la Bibliothèque cantonale et universitaire – Lausanne, en particulier pour répondre aux demandes pressantes des utilisateurs universitaires. Le 17 mars 2014, la Direction de la BCU Lausanne répercutait la nouvelle de la dédite de la convention auprès de l’ensemble de ses collaborateurs ainsi qu’aux partenaires des bibliothèques vaudoises membres de RERO.
Mandat donné par le politique pour Renouvaud
Donnant suite à cette décision, le DFJC émettait en avril 2014 un mandat de reprise de la gestion du réseau vaudois par la BCU Lausanne à la sortie du canton de Vaud de RERO, soit au 1er janvier 2017. Le mandat détaille les objectifs généraux et spécifiques du projet Renouvaud. À la fin du projet, la BCU Lausanne devait se trouver en mesure d’offrir une solution de gestion effective et efficiente du réseau, au point de vue organisationnel, financier et métier et avoir mis en place un système de gestion intégré de bibliothèque (SIGB) dans le cloud, permettant aux bibliothèques vaudoises de collaborer entre elles et avec d’autres réseaux suisses et francophones, ainsi qu’avec la Bibliothèque Nationale Suisse (BNS). Le mandat prévoyait également que la BCU Lausanne propose au DFJC une gouvernance pour le réseau vaudois ainsi qu’un nouveau business model avec des flux d’argent simples et transparents. Le défi était de taille en raison des délais imposés.
La gestion de grands projets à la BCU Lausanne
Pour la gestion de ses projets, la BCU Lausanne a recours à la méthode de gestion de projets HERMES, développée par l’Unité de pilotage informatique de la Confédération[3]. L’organigramme, les rôles, le phasage et planning ont donc été mis en place selon cette méthode. Le pilotage et la conduite reposent sur deux instances : un comité de pilotage (CoPil) et un comité de projet (CoPro).
Éléments de la méthode HERMES 5
Source : Manuel de référence HERMES 5.1 (repli cartonné de couverture)
Principes de base pour la mise en place du réseau Renouvaud
La BCU Lausanne a lancé le projet Renouvaud avec l’objectif d’implémenter les outils, services et processus de travail nécessaires à la reprise des fonctionnalités couvertes pour le réseau vaudois par les anciens outils de RERO, et de les compléter avec des fonctionnalités pour lesquelles le réseau vaudois n’avait pas reçu de réponses de RERO au cours des années précédentes – en particulier l’acquisition, la gestion et la mise à disposition des ressources numériques. Déjà au sein de RERO, la BCU Lausanne assurait pour les bibliothèques vaudoises la gestion d’un certain nombre de processus : bon nombre de formations dispensées, la participation aux groupes de travail et aux task forces, etc.).
La reprise complète de la gestion du réseau vaudois nécessitait cependant d’étudier les processus de travail partagés existants entre la Centrale RERO et la Coordination locale vaudoise, ainsi que de cartographier les processus de travail à créer pour compléter l’existant, un travail qui a été fait dans le cadre de la phase d’analyse préliminaire.
Plusieurs scénarios ont été élaborés, avec ou sans modification des règles de catalogage et du format de métadonnées lors de la migration des données.
Au-delà de leur utilisation au sein de RERO, les règles AACR2 (règles de catalogage anglo-américaines) constituaient alors l’ensemble structuré de règles de catalogage le plus usité dans le monde, traduit dans de nombreuses langues. Un mandat de veille prioritaire fut confié à un groupe de travail composé d’experts en catalogage afin d’évaluer l’impact et la faisabilité d’un passage aux normes RDA / FRBR durant la phase de conception du projet. Il en ressortit que le RDA n’était pas encore abouti, que la traduction française avait été interrompue et que la France ne prévoyait pas une transition dans un futur proche.
Finalement, ce fut le scénario impliquant un changement de SIGB sans passage aux règles de catalogage RDA, et sans modification du format des notices MARC21 vers un modèle FRBR qui fut choisi, en raison d’une part des délais de réalisation et de mise en œuvre très serrés et d’autre part parce que cela réduisait considérablement la complexité du projet.
Le cahier des charges Renouvaud
En ce qui concerne le cahier des charges, le projet Renouvaud ne partait pas de rien. De 2009 à 2012, RERO, IDS et la BNS avaient mené le projet GEMEVAL (Gemeinsame Evaluation eines neuen Bibliothekssystems), au cours duquel un cahier des charges commun avait été ébauché. Un appel d’offres commun n’avait cependant pas pu être envisagé, notamment en raison du fait que pour les partenaires IDS, chaque canton aurait dû être partenaire et valideur de l’appel d’offres public, ce qui semblait impraticable.
Après l’initialisation du projet Renouvaud, l’ébauche de cahier des charges issue de GEMEVAL a donc été reprise et complétée par un recueil exhaustif des besoins des membres du réseau vaudois, afin d’offrir un tableau synthétique des éléments principaux devant être couverts par un appel d’offres public. Les spécialistes de chaque domaine ont participé à la rédaction en détail de tous les points. La récolte des informations s’est déroulée par tandem de deux personnes : une personne en charge de la rédaction du besoin et une personne en charge de la relecture du besoin.
On remarquera que la description de la solution cible comprend des fonctions requises (obligatoires), des fonctions additionnelles souhaitables (optionnelles) et des fonctions facultatives (Nice to have). Cette différentiation résulte des conditions-cadres des appels d’offres publics. Les fonctions facultatives sont par exemple des points présentant un intérêt, mais hors périmètre du projet tel qu’évalué dans le cadre de l’appel d’offres public.
Les fonctionnalités standards étaient regroupées en sept modules pour décrire l’architecture fonctionnelle : acquisitions, catalogage, périodiques, lecteurs, circulation, statistiques et catalogue public. Les exigences du système, autant fonctionnelles que non fonctionnelles, ont été modélisées selon le formalisme UML des cas d’utilisation (Use Case). Les cas d’utilisation ainsi obtenus sont regroupés dans des modules qui eux-mêmes sont regroupés dans des thèmes. Pour chaque module précité, les exigences requises sont jugées indispensables pour le démarrage de l’exploitation du SIGB au 1er janvier 2017, tandis que les fonctionnalités souhaitées peuvent être mises à disposition des usagers dans un second temps.
L’appel d’offres public – état du marché du SIGB cloud en 2014
La rédaction du cahier des charges fut effectuée dans un temps record durant l’été 2014, ce qui permit de lancer l’appel d’offres public à l’automne 2014. L’objet du marché était d’acquérir et déployer un SIGB couvrant l’ensemble des besoins des bibliothèques du réseau vaudois ainsi que la fourniture de prestations associées. Le périmètre de l’offre comprenait la fourniture et la maintenance d’un SIGB dans le cloud, incluant la mise à disposition et la maintenance de deux environnements (soit production et test), ainsi que la formation de l’équipe de projet et des formateurs eux-mêmes.
Le marché a été adjugé sur la base des cinq critères d’évaluation suivants (avec leurs pondérations) : prix total de l’offre (30%), organisation pour l’exécution du marché (15%), qualité fonctionnelle et technique (30%), organisation de base du soumissionnaire (15%) et références du soumissionnaire (10%).
Négociations avec Ex Libris : quelques constats
La BCU Lausanne a reçu cinq offres dont deux durent être rejetées en raison du non-respect des conditions de forme et de participation. Sur les trois offres retenues, le choix de la solution Alma - Primo de la société Ex Libris présentait le rapport qualité-prix le plus avantageux. Alma est une solution cloud de SIGB dernière génération permettant une gestion unifiée de toutes les ressources documentaires, imprimées, multimédias et électroniques. Orienté processus, le logiciel propose des outils de gestion puissants et personnalisables, bien adaptés à un réseau de bibliothèques tel que le réseau vaudois. Primo est l’outil de découverte utilisé pour accéder au catalogue permettant l’accès direct à tout le contenu proposé par les bibliothèques du réseau ; cet outil était déjà connu des bibliothèques vaudoises dans la mesure où il s’agit de la solution à la base du portail Explore de RERO.
L’adjudication du marché fut suivie d’une assez longue phase de négociation. Pour ces formulations juridiques pointues, l’équipe de projet put s’appuyer sur le Service juridique et législatif (SJL) de l’État de Vaud, qui apporta une contribution fondamentale en termes de rédaction et de relecture du contrat. Après plusieurs tours de négociation, le contrat put être signé entre l’État de Vaud et Ex Libris à la fin d’été 2015, avec un démarrage officiel des activités de projet avec le fournisseur fixé au mois de septembre. En attendant, un premier workshop avec deux personnes d’Ex Libris – un chef de projet et un spécialiste de l’équipe d’implémentation du logiciel – fut organisé durant l’été 2015 à la BCU Lausanne, workshop au cours duquel le processus de migration des données fut discuté et la date du go-live confirmée au 22 août 2016.
Dès lors commença le long travail de description détaillée de l’implémentation. Une décision dut tout d’abord être prise sur l’architecture globale du système. Au premier niveau de définition, le système d’Ex Libris offre une « community zone » globale, agrégeant des données en provenance des éditeurs et de toutes les bibliothèques utilisant le système. Au second niveau, le réseau Renouvaud a acheté une zone réseau, qui génère pour le réseau un catalogue commun. Un troisième niveau regroupe toutes les bibliothèques scolaires et de lecture publique dans un ensemble, et toutes les bibliothèques scientifiques et patrimoniales dans un autre. Chaque ensemble partage ses fichiers lecteurs et d’autres paramétrages. Un quatrième niveau définit les bibliothèques, un cinquième respectivement leurs différents sites et dépôts.
L’affinage du paramétrage entraîna un grand nombre de discussions de détail : ainsi, pour le paramétrage de l’accès au catalogue des bibliothèques scolaires, l’équipe de projet exigea que dans ce catalogue n’apparaissent que les ouvrages disponibles dans la bibliothèque d’où était effectuée la recherche. Cette demande se justifie par le type de public qui fréquente les bibliothèques scolaires, peu apte à se déplacer physiquement dans une autre bibliothèque ou à effectuer un Prêt Entre Bibliothèques (PEB) pour emprunter un ouvrage. Aussi simple que cela puisse paraître, la question a posé de prime abord un problème de taille au fournisseur, pour qui ce type de développement allait à l’encontre de ceux prévus pour l’outil de découverte Primo. Finalement, les discussions portèrent leurs fruits et le problème fut réglé par la création d’un portail par bibliothèque scolaire.
Gestion du projet, structure du projet et personnels BCUL impliqués
- le projet d’organisation permettait de constituer le nouveau réseau vaudois de bibliothèques et de formaliser sa gouvernance. Le projet d’organisation a également défini la structure de la centrale de coordination du réseau vaudois de bibliothèques, ses responsabilités et son business plan. Il a établi le cadre contractuel déterminant les relations entre la BCU Lausanne, les membres du réseau et ses partenaires (RERO, BNS, BNF, etc.). Il a aussi été chargé de créer les conditions-cadres pour assurer une collaboration active entre bibliothèques du réseau vaudois et, dans la mesure du possible, avec d’autres réseaux de bibliothèques (IDS, SUDOC, etc.) ;
- le projet informatique comprenait l’acquisition du nouveau SIGB localisé dans le cloud, la migration des données et la recette du système qui devait permettre la gestion des ressources des bibliothèques du réseau vaudois, l’acquisition des ouvrages, le prêt, ainsi que l’accès aux contenus imprimés, multimédias et électroniques, dès le 1er janvier 2017 ;
- le projet bibliothéconomique permit de formaliser les normes et les standards appliqués au sein du réseau vaudois dans tous les domaines d’activité des bibliothèques, c’est-à-dire l’acquisition, le catalogage, le bulletinage, le prêt, le prêt interurbain, respectivement l’indexation et l’importation de masse de notices, l’activation des ressources numériques ainsi que la livraison d’indicateurs statistiques. Ceci permit aussi de créer et de dispenser les formations, ainsi que de mettre en place un contrôle qualité.
Selon HERMES, le pilotage du projet Renouvaud reposait sur un comité de pilotage (CoPil), qui assumait collégialement la responsabilité du projet dans son ensemble. Présidé par Jeannette Frey, directrice de la BCU Lausanne, et composé de représentants des différents types de bibliothèques membres du réseau vaudois, le CoPil s’est réuni tous les deux mois. Il a surveillé et piloté le déroulement du projet de manière globale, assuré l’acquisition et la mise à disposition des moyens nécessaires et garanti leur utilisation optimale. Le CoPil traitait aussi des problèmes extraordinaires, et, last but not least, validait les différents points de décision, notamment la conclusion et la libération des différentes phases du projet. Afin d’avoir une gestion professionnelle et neutre de la qualité et des risques, une consultante externe fut mandatée par la BCU Lausanne et associée au CoPil.
La conduite du projet reposait ensuite sur un comité de projet (CoPro), présidé par Alexandre Lopes, responsable Technologies bibliothécaires de la BCU Lausanne, ce dernier assumant le rôle de chef de projet. Le CoPro se réunissait de façon hebdomadaire. Le chef de projet était épaulé par un consultant externe mandaté pour prendre en charge la conduite de la partie informatique du projet. Au bénéfice de compétences sénior en gestion de projet, il était le principal répondant pour l’appel d’offres public, les spécifications détaillées ainsi que la recette.
Le projet Renouvaud se composait de trois sous-projets afin de répondre aux exigences du mandat du DFJC :
Organigramme Renouvaud
Source : Rapport Annuel Renouvaud 2017, p. 15.
Les tâches des sous-projets ainsi que les activités transversales furent assurées par une dizaine de groupes de travail ad hoc : GT appel d’offres, GT migration, GT spécifications détaillées, GT recette, GT bibliothéconomie, GT fonctionnement du réseau, GT formation, GT gestion qualité, GT communication, GT gestion du changement et GT organisation de la coordination. Les objectifs des groupes de travail furent définis dans un mandat propre à chaque groupe. Chaque responsable gérait son GT comme un projet en tant que tel avec son propre planning, ses charges, ses délais et ses livrables. Il assurait la coordination des activités du groupe et était garant du respect des délais et des jalons fixés par le groupe. Il veillait également à la qualité des livrables de son groupe, avec le support de la responsable Qualité. Du côté de la BCU Lausanne, le chef de projet prit en charge le GT migration, tandis que le directeur adjoint du site Unithèque, Jean-Claude Albertin, dirigea le GT fonctionnement du réseau et le GT gestion du changement. Un apport majeur vint aussi de Jasmin Hügi (GT bibliothéconomie), de Jean-François Richer (GT formation) et de Fanny Peuker (GT organisation de la coordination). 80% des personnels impliqués dans les groupes de travail furent mis à disposition par la BCU Lausanne, 20 % par les autres membres du réseau, avec des provenances aussi diverses que les bibliothèques scolaires et les bibliothèques du CHUV.
Principaux défis dans la gestion du projet
Au cours de l’année 2015, le CoPil a pris l’une après l’autre les décisions nécessaires à la formulation du concept et à la réalisation du projet Renouvaud. Le CoPil a notamment validé les organigrammes pour les différentes phases du projet, les règles de catalogage au passage sur le nouvel outil, le plan de communication, le plan qualité, le suivi des risques, la topologie du futur réseau, les mesures de protection des données des lecteurs et l’interfaçage avec des applications tierces. De plus, le CoPil a validé le passage à une indexation avec RAMEAU précoordonnée, composé d’une chaîne de mots matières (en opposition à l’utilisation de mots matières individuels). Parmi les nombreux avantages de cette pratique, on doit mentionner l’exploitation des indexations des bibliothèques partenaires RAMEAU (p.ex. BNF, SUDOC) et une meilleure exploitation de Primo dans l’organisation hiérarchique des mots matières.
L’un des principaux défis dans la gestion du projet fut de tenir les délais tout en maintenant la motivation des collaborateurs sur la durée. Un planning détaillé du projet fut établi et mis à jour régulièrement, afin d’avoir une vue d’ensemble de l’avancement des travaux de chaque groupe de travail. Outre les rapports de phase produits à la fin de chaque phase HERMES, des documents de reporting permirent de jalonner la vie du projet Renouvaud avec une périodicité mensuelle : le rapport d’état du projet, le rapport d’évaluation des risques et l’état des lieux des groupes de travail.
Un autre défi de taille était de réussir à motiver les groupes de travail impliqués dans le projet, sous la contrainte d’un planning serré. Une grande importance fut accordée par le chef de projet au recrutement de membres des équipes et des groupes à la fois engagés, motivés et prêts à relever un défi sur une durée relativement longue. Pendant toute la durée du projet, les vacances furent accordées en fonction du calendrier du projet et des reports furent parfois nécessaires afin de tenir les délais. L’équipe de projet fit également preuve de souplesse et ne ménagea pas ses efforts en termes d’horaires, les séances pouvant se prolonger jusque dans la nuit.
La définition précise des configurations souhaitées, les tests et la préparation de la migration des données ont constitué un autre défi majeur pour l’équipe de projet. Un test de conformité des données à migrer relativement aux spécifications de migration fut suivi par un test de chargement des données dans le futur système informatique. Conformément à la loi sur la protection des données, au début du mois de décembre 2015 et avant de charger les données dans le système même test, une communication fut faite à l’ensemble des usagers les informant que leurs données seraient transmises au fournisseur du nouveau SIGB. La bonne préparation de la communication permit d’optimiser cette étape et seule une trentaine de personnes refusa que leurs données soient transmises, dont une quinzaine pour des raisons autres que la protection des données. En parallèle, les données extraites du catalogue de RERO furent transmises via un protocole sécurisé à Ex Libris le 14 décembre, date à laquelle commença donc la migration de test sur l’intégralité des données ; le but de cette opération était de faire une répétition générale de la migration de bascule prévue en août 2016. Ex Libris livra dans les délais prévus l’environnement de préproduction du logiciel Alma, le 8 février 2016. Dès la livraison effective, le groupe de travail chargé de la migration effectua des tests de manière à s’assurer que la qualité des données était bien conforme pour poursuivre les travaux. Aucun problème majeur nécessitant de refaire entièrement la migration de test ne fut rencontré. Quelques anomalies furent détectées et rigoureusement inventoriées, mais, de manière générale, la qualité des données migrées fut jugée très satisfaisante. En dépit du décalage en urgence du début de la phase de bascule (cutover) en raison d’une erreur de planification du fournisseur, la migration de bascule put être effectuée au moment du passage en production, soit le 22 août 2016.
La traduction des interfaces des outils Alma et Primo, qui faisait partie du cahier des charges pour l’appel d’offres, représenta un autre défi à gérer pour l’équipe de projet ainsi que pour les différents groupes de travail impliqués, et en particulier pour le GT6 formation. Lors de la livraison des interfaces en français, prévue relativement tardivement pour le printemps 2016, des problèmes de traduction de l’anglais, voire des oublis furent détectés. De plus, certaines traductions portaient parfois à confusion soit pour les professionnels, car le vocabulaire-métier ne se retrouvait pas dans Alma, soit pour les utilisateurs. Bien que des contrepropositions de traduction furent faites par la Coordination Renouvaud, il s’avérait parfois très laborieux d’obtenir l’intégration des modifications demandées. Concernant l’aide en ligne d’Alma, les textes furent traduits en français, mais les captures d’écran et les vidéos restèrent finalement en anglais, en raison du fait qu’elles sont mises à jour de manière centrale pour toutes les langues. Cela ne fut pas sans poser problème au groupe de travail chargé de la formation de plus de 500 collaborateurs du réseau avant le lancement.
Renouvaud se lance !
À la veille du go-live, les résultats obtenus par les équipes et les groupes de travail furent considérés conformes aux attentes. Concernant la partie informatique du projet, la recette était terminée avec un bilan de 80% des besoins testés avec succès. Après de longs mois de préparation, Renouvaud fut lancé le 22 août 2016, comme prévu dès le montage du projet avec le fournisseur juste après l’adjudication du marché. En dehors d’un problème mineur avec le chargement des données « lecteurs » des bibliothèques scolaires, le démarrage fut fluide et les services proposés aux usagers furent actifs dans tout le réseau dès 14h00 ce jour-là, à l’heure prévue pour le début des activités de prêt. Pour l’anecdote, la première transaction fut effectuée à 14h01. Le service de prêt fut tout de suite fonctionnel, des dizaines de milliers d’utilisateurs purent se loguer pendant la première semaine et il y eut beaucoup de feedbacks positifs des bibliothèques du réseau. Certes, le 22 août ne fut qu’une étape et de nombreuses tâches attendaient encore l’équipe de projet. Les mois qui suivirent le lancement permirent néanmoins aux collaborateurs et aux utilisateurs de prendre en main l’outil et de l’utiliser quotidiennement dès avant la sortie effective du réseau RERO, soit au 31 décembre 2016.
Plusieurs actions de communication accompagnèrent le lancement. Outre les informations régulièrement mises à jour sur le site web de la BCU Lausanne, une charte graphique Renouvaud fut créée et déclinée, aussi bien sur les interfaces du SIGB que sur les imprimés, crayons et sacs distribués dans toutes les bibliothèques du réseau. À l’interne, plusieurs séances plénières réunirent les professionnels du réseau tandis que des messages informant les usagers et des présentations publiques permirent de préparer les usagers à ce changement.
Les travaux après le lancement
La migration des données étant désormais terminée et le changement de logiciel effectif, la Coordination Renouvaud reprit ses travaux. Lorsque les fonctionnalités offertes par les outils Alma et Primo ne répondaient pas aux besoins ou attentes, des développements informatiques furent faits en interne afin de se rapprocher au maximum du fonctionnement prévu. Pour gérer les demandes en provenance des bibliothèques du réseau, un outil de ticketing testé au préalable à la BCU Lausanne fut mis à disposition de tous les professionnels du réseau après le go-live. Dès lors, un important travail de stabilisation du système fut mené par la Coordination : elle repérait les dysfonctionnements des outils et les annonçait à l’équipe de support d’Ex Libris, afin qu’elle puisse les résoudre ou proposer une solution de contournement dans les meilleurs délais. Ex Libris acceptait de faire des développements s’il s’agissait d’un besoin partagé par un nombre suffisamment important de clients. Ainsi, Alma évolue très régulièrement avec des mises à jour mensuelles de l’outil contenant des améliorations et de nouvelles fonctionnalités. Le paramétrage fin de certaines fonctionnalités permit l’adoption progressive de « bonnes » pratiques et la prise en main d’Alma par les professionnels du réseau vaudois ; ceci s’accompagna de la mise à disposition de manuels sur mesure pour intégrer les processus.
À la fin de l’année 2016, la Coordination Renouvaud mit pour la première fois à disposition des bibliothèques du réseau toutes les statistiques habituellement fournies par la Coordination vaudoise ou par RERO. À noter que la nouvelle plateforme de gestion implique certaines différences dans la façon d’élaborer les chiffres, différences liées aux méthodes propres à chaque logiciel. Alma propose un outil très puissant de génération de produits et statistiques nommé Analytics (développé par Oracle) qui permet aux bibliothécaires-système de préparer des rapports et listages flexibles. Le tableau de bord « statistiques d’acquisitions » est par exemple destiné à faciliter le pilotage, la gestion des budgets et des commandes dans Alma. Il s’agit alors de définir les paramètres permettant la génération correcte de ces statistiques en fonction d’un certain nombre de critères choisis par les bibliothécaires du réseau. Parfois, des erreurs de calcul furent repérées et corrigées grâce au zèle des bibliothécaires – ce fut le cas par exemple des statistiques des prolongations de prêt.
Par ailleurs, un toilettage des processus de travail est amorcé au sein de la BCU Lausanne, aussi bien dans le cadre du circuit du document que dans celui des services au public, afin de revoir ou de redistribuer autrement certaines tâches. Pour ce faire, des réflexions approfondies sont engagées par les différents services sur la manière de fonctionner, le potentiel de collaboration entre les équipes, les sites et avec le réseau.
L’utilisation d’un système cloud permet en l’essence de partager et de réutiliser très facilement des métadonnées en provenance du monde entier. D’autres acteurs suisses avancent également dans la réinformatisation de leurs bibliothèques et réseaux. La Bibliothèque nationale suisse, tout comme le projet SLSP (pour Swiss Library Service Platform, géré maintenant par la SLSP S.A.) utiliseront à moyen terme les mêmes outils que le réseau Renouvaud. La question est donc maintenant de savoir comment ces différents acteurs suisses interagiront au niveau national sur la base d’un même outil plus global, quelles coopérations seront envisagées, respectivement quels services seront proposés par une plateforme commerciale comme SLSP S.A., à quel prix et avec quelle plus-value pour les éventuels clients.
Interconnexion des systèmes par APIs
Un des avantages d’un système comme Alma est son potentiel de connexion facilitée à d’autres systèmes par les APIs (Applications Programming Interfaces). À l’initiative de deux services centraux de la BCU Lausanne, l’interfaçage avec d’autres systèmes apporta rapidement une autre pierre à l’édifice Renouvaud. La 1re Assemblée annuelle Renouvaud du 29 septembre 2017 fut l’occasion de présenter GOBI de la maison EBSCO, un outil d’acquisition automatisée de livres numériques.
De son côté, le service Finances de la BCU Lausanne étudia le développement d’une interface permettant l’interconnexion avec le système de facturation de l’État de Vaud (SAP). Ensuite, les principaux fournisseurs furent contactés afin de leur proposer de passer au système d’importation automatique de factures en format EDI (Electronic Data Interchange). La mise en place de ce système permettra un gain de temps considérable au service Finances ; une extension de ce système à d’autres bibliothèques du réseau est envisagée à moyen terme. Ces deux réalisations permettent à la fois de travailler de manière plus efficace (réduction du temps), et plus efficiente, car elles permettent de diminuer le risque d’erreurs.
Gestion du réseau vaudois par la Coordination Renouvaud
Au début de l’année 2017, Renouvaud sortit peu à peu du mode projet et mit en place les différents organes pour garantir un fonctionnement efficient sur la durée. Le CoPil muta en Conseil Renouvaud et valida d’une part les missions, la structure et l’organisation de la Coordination Renouvaud et confirma d’autre part la mise en place des commissions techniques pour traiter les questions métier au sein du réseau. Un responsable de la Coordination Renouvaud put être recruté en la personne de Christian Bürki, dès le 1er mai 2017. Son engagement s’accompagna de la mise en place d’un plan d’action composé de trois axes stratégiques : stabiliser, optimiser et innover. Les deux premiers axes posèrent les bases pour la gestion du réseau les années à venir. D’abord, il s’agissait de consolider le fonctionnement du réseau après le lancement de la nouvelle plateforme. Ensuite, il s’agissait de simplifier et de standardiser les tâches afin d’augmenter la cadence de l’intégration des bibliothèques. En effet, la vitesse d’intégration des bibliothèques dépend non seulement des ressources financières et humaines à disposition, mais aussi de l’expérience acquise avec Alma.
Dès le mois de mai 2017, la Coordination se penchait sur le processus d’intégration des nouvelles bibliothèques et les paramétrages de base d’Alma. Le temps de paramétrage du prêt fut divisé par 10 après 5 mois. En parallèle, il fut établi que l’optimisation du processus d’intégration passera par une priorisation des bibliothèques à intégrer en fonction de leur degré de complexité d’intégration, selon les prestations sollicitées. Le principe est d’intégrer les bibliothèques par wagons, selon les paramétrages souhaités. Afin de les intégrer pleinement au réseau, la migration de leurs données, la formation des collaborateurs et le paramétrage de l’outil sont réalisés. L’année 2017 permit ainsi une première consolidation de la plateforme hébergeant déjà 109 bibliothèques du réseau vaudois. Ce fut l’occasion d’harmoniser un certain nombre de pratiques, par exemple au niveau des règles de prêt, de mettre en place des procédures et de développer des outils pour faciliter l’arrivée de nouveaux membres. Un des premiers outils développés permit de charger de manière semi-automatique les données des étudiants et écoliers avant chaque nouvelle rentrée scolaire. Une adaptation de l’outil de raccrochage pour les migrations permettra de concrétiser ultérieurement les efforts de la Coordination. En effet, ce seront plus de 50 nouvelles bibliothèques qui vont grossir le réseau Renouvaud entre 2018 et 2021.
Organes Renouvaud
Source : Rapport Annuel Renouvaud 2017, p. 11.
Bilan deux ans après le lancement
Lors du lancement du projet Renouvaud en 2014, la Conseillère d’État Anne-Catherine Lyon avait défini les objectifs généraux et spécifiques du projet. Deux ans après le lancement de la nouvelle plateforme de gestion, 95% des fonctionnalités ont été validées et les objectifs ont tous été atteints, sauf la validation formelle de gouvernance, qui est encore en attente. La publication du premier rapport annuel Renouvaud 2017 montre que les délais ont été tenus et le réseau Renouvaud dispose depuis le 1er janvier 2017 de toute l’infrastructure nécessaire au bon fonctionnement des bibliothèques le composant. Le budget a été respecté et le solde au 31 décembre 2017 du crédit d’investissement s’établit à CHF 85'494. A cette date, Renouvaud compte au total 109 bibliothèques, dont 53 scientifiques et/ou patrimoniales et 56 bibliothèques scolaires et de lecture publiques. Les chiffres de l’utilisation du réseau par les publics sont excellents et représentent une progression forte par rapport aux années précédentes : de l’offre imprimée totale (3'507'127) à l’offre de ressources électroniques (938'443), des recherches dans le catalogue (2'111’813), du nombre de prêts (1'843'627) au nombre de consultations des ressources électroniques (près de 3 millions). De toute évidence, l’intégration des outils Alma et Primo, permet aux publics d’accéder plus facilement aux ressources imprimées et numériques.
En 2017, Renouvaud est l’un des plus grands réseaux de bibliothèques suisses et le premier à utiliser une plateforme de dernière génération basée sur une technologie cloud. Pour relever les défis de la 4e révolution industrielle, qui touchent les bibliothèques de plein fouet, Renouvaud a mis en place une organisation structurelle agile au niveau des décisions stratégiques. Le réseau a aussi construit une équipe bicéphale, technique et métier, qui permet une gestion professionnelle de la plateforme technique tout en maintenant un lien métier fort avec les bibliothécaires, stimulant d’échanges intensifs et assurant la formation continue des bibliothécaires. Cette organisation s’appuie sur une bonne compréhension du terrain et permet une mise en place de processus et d’outils les plus adaptés possible aux besoins de plus de 500 professionnels du réseau qui travaillent quotidiennement au service d’environ 140’000 usagers de tous les âges. Renouvaud est un réseau jeune, dynamique et complexe qui est en train de mûrir grâce aux échanges entre professionnels du réseau. L’organisation d’assemblées annuelles et de tables rondes par la Coordination Renouvaud nourrit cette perspective. Ces plateformes d’échanges entre professionnels permettent la circulation des informations et des idées et font progresser l’ensemble du réseau, tout en ouvrant des perspectives de collaboration très réjouissantes dans les années à venir.
Bibliographie
DFJC, Reprise de la gestion du réseau vaudois par la Bibliothèque cantonale et universitaire Lausanne (BCU Lausanne) au 1er janvier 2017, 8 septembre 2014
État de Vaud et BCU Lausanne, Appel d’offres marché public : procédure ouverte. Projet Renouvaud. Conditions et formes de participation, 11 novembre 2014
État de Vaud et BCU Lausanne, Appel d’offres marché public : procédure ouverte. Projet Renouvaud. Cahier des charges, 11 novembre 2014
État de Vaud, Exposé des motifs et projet de décret accordant au Conseil d’État un crédit d’investissement de CHF 2'307'000 pour financer la mise en œuvre du futur réseau vaudois des bibliothèques et du système d’information associé dans le cadre du programme de gestion des bibliothèques du réseau vaudois (RenouVaud), juin 2015
Lettre d’information Renovaud, années 2015-2018
Rapport annuel BCU Lausanne, années 2014-2017
Rapport annuel Renouvaud, année 2017
Notes
[1]Note méthodologique. La préparation de cet article se base sur la consultation de sources publiées et non publiées produites dans le cadre du projet Renouvaud. Certaines parties de l’article reprennent le contenu des rapports annuels de la BCU Lausanne et du premier rapport annuel Renouvaud, édités sous la direction de Jeannette Frey. Nous avons également repris et adapté certaines parties des sources non publiées (rapport d’initialisation, rapport d’analyse préliminaire et appel d’offres public du projet Renouvaud). Nous remercions vivement Alexandre Lopes, Christian Bürki et Jasmin Hügi pour leurs renseignements et suggestions. Le contenu de cet article reste bien sûr de la seule responsabilité de ses auteurs.
[2]Comme le stipule l’article 24 de la Convention RERO, adoptée le 25 novembre 1999, la sortie est effective au 31 décembre 2016, afin de respecter le délai de sortie de 24 mois à l’avance pour la fin d’une année civile.
[3]HERMES online : http://www.hermes.admin.ch. La version 5 a été lancée en 2013 et le release 5.1 en juin 2014.
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Des ebooks dans sa poche : projet de valorisation de la collection numérique de la Bibliothèque de l’UNIGE
Ressi — 20 décembre 2018
Bibliothèque de l’Université de Genève, CODIS - Service de coordination de la DIS
Rue du Général-Dufour 24, 1211 Genève 4 - Suisse
Résumé
La valorisation des ressources en ligne, coûteuses et invisibles dans les rayons des bibliothèques, se fait souvent manuellement avec un grand nombre d’étapes chronophages nécessitant des compétences techniques. En 2017, la Bibliothèque de l’Université de Genève a mis sur pied un groupe de travail dont l’objectif est d’harmoniser les pratiques de promotion de leurs collections numériques, notamment les ebooks. Ce projet a abouti à la création de l’Application de valorisation numérique “Avalon”, qui simplifie le processus de création des supports de valorisation (collecte de métadonnées et d’images de couverture, création des URLs raccourcis et QR-codes) tout en respectant la charte graphique institutionnelle. L’accès aux ebooks est simplifié grâce à la lecture des QR-codes, fonctionnalité intégrée à l’application UNIGE mobile, et l’affichage des informations sur une page Web intermédiaire. L’usager peut ainsi littéralement “mettre un ebook dans sa poche”. Cet article a pour objectif de présenter le contexte du projet, la méthodologie employée, le fonctionnement d’Avalon et de proposer un retour d’expérience sur ce projet.
Abstract
The promotion of online resources, which are expensive and invisible on the library shelves, is often done manually with a lot of time-consuming steps requiring technical skills. In 2017, the Geneva University Library set up a working group whose objective is to harmonize the promotion practices of their digital collections, particularly e-books. This project has led to the creation of the digital resources promotion application “Avalon”, which optimizes the process of creating promotional materials (collection of metadata and cover images as well as the creation of shortened URLs and QR-codes) respecting the institutional visual identity. Access to ebooks is simplified by scanning the QR-codes, feature included in the mobile UNIGE application, and displaying the information on an intermediate web page. The user can literally “put an ebook in his pocket”. This article aims to present the context of the project, the methodology, the functionalities of Avalon and to provide experience feedback.
Des ebooks dans sa poche : projet de valorisation de la collection numérique de la Bibliothèque de l’UNIGE
L’impact du numérique dans les bibliothèques universitaires
La Bibliothèque de l’Université de Genève (UNIGE) évolue dans un contexte académique et social marqué par un très fort développement du numérique dans toutes les disciplines. L’impact de cette mutation est global et il a provoqué des changements majeurs dans les pratiques des publics et des professionnels des bibliothèques universitaires. En effet, en une génération nous sommes passés d’une collection exclusivement physique et locale à une autre hybride, dominée par une nouvelle offre des contenus en format numérique, hébergés majoritairement en dehors de la bibliothèque.
Figure 1 : Proportion des frais d’acquisition des documents électroniques par rapport aux frais d’acquisition totaux dans les bibliothèques universitaires suisses de 2004 à 2017
(Source : Statistique suisse des bibliothèques, Office fédéral de la statistique, https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/culture-medias-societe-information-sport/culture/bibliotheques.html)
Les avantages du numérique sont nombreux : pas d’espace de stockage physique nécessaire, ni de manutention, consultations simultanées possibles, etc. Ils répondent aux pratiques de plus en plus nomades du public universitaire (documents accessibles partout et en tout temps). Cependant, certaines caractéristiques des ebooks constituent aussi des inconvénients face au livre papier : la complexité liée à la multiplication des formats propriétaires et ouverts (EPUB, PDF, Mobipocket, iBook, Kindle, etc.), le contrôle des accès par DRMs ou soumis à des contrats, son absence dans les espaces physiques en sont quelques exemples.
Ce changement de paradigme documentaire, basé sur la location d’un service et l’accès à distance, nous éloigne de plus en plus du traitement traditionnel des documents, qui représentait le cœur du métier pendant plusieurs siècles. La maintenance d’une collection numérique en expansion constante est complexe, la nature instable des médias électroniques (formats, liens, etc.) et la multiplicité des modèles de services (licences, plateformes, Open Access, etc.) engendrent un bouleversement des pratiques professionnelles dans le monde des bibliothèques académiques. Ce caractère insaisissable provoque une certaine inconsistance dans le traitement documentaire et la mise en valeur de ce type de documents. En effet, cette difficulté à maîtriser le contenu et le flux des métadonnées de cette collection numérique, explique que les bibliothèques académiques se contentent souvent d’un signalement minimaliste au niveau de l’outil de découverte et de la liste de titres (liste A-Z générée par le résolveur des liens).
Si le livre en format papier reste majoritaire pour le type de document “Livre”, la collection d’ebooks continue de se développer très rapidement. Par exemple, à la Bibliothèque de l’UNIGE, la collection d’ebooks a dépassé la barre des 500'000 documents et elle s’est étoffée d’environ 5'000 nouveaux titres en 2017. Ainsi, les ebooks représentent 13% de la collection totale des livres (ISBNs uniques). Cependant la majorité de la collection numérique est invisible au rayon (87% des ISBNs en format électronique n’ont pas d’équivalent papier). Une partie de cette collection d’ebooks existe aussi en format papier, ce qui représente environ 13'000 titres actuellement.
Figure 2 : Comparaison des ISBNs uniques dans la collection de la
Bibliothèque de l’UNIGE selon le support
Le contexte numérique et technologique actuel ouvre de nouvelles perspectives pour les bibliothèques universitaires. Les catalogues et les solutions de découvertes exploitent et fournissent de nouvelles APIs (Applications programming interface) qui permettent le développement de nouveaux outils. Les données bibliographiques s’ouvrent de plus en plus (mouvement Open Data) pour favoriser l’échange de métadonnées entre les systèmes.
Ces 10 dernières années, l’usage d’Internet a été bouleversé par l’arrivée des smartphones qui sont devenus l’une des portes principales pour la consultation de l’information sous forme numérique. Ces objets sont de véritables « couteaux suisses » informatiques incluant une pléthore d’applications à exploiter par les bibliothèques. Par exemple, les QR-codes fournissent aux bibliothèques un pont entre le monde physique et virtuel. Longtemps considérés comme désuets et sous-exploités en dehors de l’usage industriel, les QR-codes sont récemment revenus sur le devant de la scène pour répondre à de nouveaux usages (micro-paiement, promotion, vente en ligne, etc.). De plus, la lecture des QR-codes est aujourd’hui facilitée par l’intégration de sa lecture par la caméra des nouveaux smartphones.
La Bibliothèque de l’UNIGE a décidé de participer au développement de l’application mobile institutionnelle et propose actuellement de nouvelles fonctionnalités telles que le calcul de l’occupation des salles en temps réel, la lecture des codes-barres (QR-codes et ISBNs), la recherche dans l’outil de découverte RERO Explore Genève.
Etat de la valorisation des ebooks à la Bibliothèque de l’UNIGE
La Bibliothèque de l’UNIGE met à disposition du public des collections papier et numériques déployées sur quatre sites répartis dans la ville : Uni Arve, Uni Bastions, Uni CMU et Uni Mail. La collection d’ebooks s’est largement développée dans tous les domaines mais sa mise en valeur dans les espaces physiques n’a pas fait l’objet d’une réflexion concertée. En 2017, le service de coordination de la Bibliothèque (CODIS) qui a pour mission de coordonner des projets transversaux et d’harmoniser les activités au sein de l’institution, a reçu pour mandat de se pencher sur cette problématique.
La valorisation des ebooks et des périodiques électroniques était déjà pratiquée sur certains sites via des affiches, flyers ou fantômes incluant des QR-codes. Cependant, il n’existait pas de pratiques ni de procédures communes. Certains sites menaient des actions de valorisation dans les espaces depuis plusieurs années, tandis que d’autres se contentaient d’une promotion en ligne uniquement. Les dispositifs de valorisation existants différaient d’un site à l’autre : certains utilisaient des étiquettes pour signaler l’existence de la version numérique sur l’exemplaire physique, d’autres des blocs en plexiglas avec des affiches, d’autres des fantômes. Le visuel (logos, couleurs, mise en page, etc.) variait également et ne respectait pas toujours la charte graphique de la Bibliothèque. Par ailleurs, ces supports de valorisation ne renvoyaient pas tous aux mêmes type de contenu (texte intégral ou catalogue des ebooks), et les QR-codes utilisés ne dirigeaient pas toujours sur des pages adaptées à la consultation sur dispositif mobile.
Du côté des collaborateurs, la création des URLs raccourcis et des QR-codes posait problème puisque les outils pour les générer étaient des sites commerciaux parfois peu fiables. Pour créer manuellement ces supports de valorisation, les collègues avaient besoin de plusieurs logiciels dont certains nécessitent des compétences techniques particulières et chronophages (environ 10 minutes pour créer un seul support). Ce procédé peu efficient ne permettait pas de faire face à une masse de ressources numériques toujours plus importante à valoriser. Contrairement à la chaîne de traitement documentaire des imprimés, bien maîtrisée, celle des ebooks n’était pas formellement intégrée dans les pratiques professionnelles.
Du point de vue des usagers, les statistiques d’utilisation des QR-codes récoltées ponctuellement montraient une faible utilisation de ces supports comme moyen d’accéder à ces ressources. En effet, la multiplicité des formats et des supports pouvait diminuer l’impact de ce type d’actions, qui ne bénéficiaient pas d’une identité visuelle commune et d’un accompagnement technique et promotionnel suffisant.
Fort de ce constat et considérant la volonté de la Bibliothèque de promouvoir plus efficacement les ressources numériques, le contexte s’avérait favorable à la mise en place d’un projet transversal qui a pu démarrer en 2017. Dans un premier temps, le périmètre a été circonscrit à la valorisation des ebooks dans les espaces physiques, écartant la valorisation des autres types de ressources (périodiques électroniques et bases de données). La mise en valeur de ces ressources sur des canaux numériques (site web, écrans d’information, etc.) est quant à elle prévue dans un projet futur.
Objectifs et coordination du projet
Les objectifs du projet étaient multiples. Ils visaient principalement à fournir aux collaborateurs en charge de la valorisation des ressources numériques sur les sites des procédures et un outil commun pour intégrer cette étape dans la chaîne de traitement documentaire, au même titre que les ressources papier. Le projet avait également pour but d’améliorer la visibilité de ces collections et de faciliter leur accès. Plus concrètement, il s’agissait de :
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promouvoir plus systématiquement les collections d’ebooks auprès des usagers sur l’ensemble des sites de la Bibliothèque ;
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faciliter la création et la gestion des supports communs de valorisation (affiches, fantômes, etc.) munis de QR-codes et de liens pérennes ;
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rendre plus visibles ces collections immatérielles grâce à un visuel commun identifiable qui répond à la charte graphique institutionnelle ;
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augmenter la consultation de ces ressources grâce à un accès facilité et plus direct sur dispositifs mobiles.
En début d’année 2017, une étude préalable au projet avait permis de réaliser un état de l’art de la valorisation des ressources électroniques en bibliothèque et d’identifier les différentes méthodes et outils mis en place. Cette étude a été complétée avec des retours d’expérience d’autres institutions.
Pour mener à bien cette réflexion transversale, un groupe de travail ponctuel a été créé. Il est composé d’une sélection de spécialistes en charge de la gestion des ebooks sur chaque site et au sein du CODIS, et d’un bibliothécaire système. Il est animé par le coordinateur du pôle Informatique documentaire et la coordinatrice du pôle Communication. Le groupe s’est réuni régulièrement tout au long du projet qui a duré pratiquement 2 ans et s’est articulé en trois temps. La première période, allant d’avril à septembre 2017, a été consacrée à la définition du cadrage du projet (état des lieux de la valorisation sur les sites, définition des besoins et des fonctionnalités de l’application). Les 8 mois suivants ont été dédiés au développement technique de l’application Avalon, à la rédaction de la documentation et à la personnalisation graphique des supports de valorisation. Une fois en ligne, l’application Avalon a été testée par les membres du groupe, ce qui a permis d’intégrer de nouvelles fonctionnalités et des améliorations afin d’affiner la logique du processus de valorisation. Enfin, la phase de déploiement sur les sites impliquant la formation des collègues, s’est articulée pendant l’été, de mai à août 2018. Lors de cette dernière étape, les membres du groupe de travail ont pris en charge l’organisation du travail sur leurs sites respectifs.
Avalon : réalisation de l’Application de Valorisation Numérique
L’objectif de la plateforme était double. Premièrement, Avalon a été conçue pour offrir aux collaborateurs de la Bibliothèque une interface ergonomique permettant la production efficiente de supports de valorisation homogènes et facilement identifiables dans les rayons. Ensuite, elle devait aussi faciliter l’accès aux ressources pour les usagers.
La réalisation dans son ensemble constitue un écosystème d’applications de gestion (applications web développées en PHP sur un serveur interne de l’UNIGE LAMP géré par la Bibliothèque) permettant de connecter entre eux les éléments suivants :
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flux de données en provenance des base de données institutionnelles (RERO Explore et SFX) et commerciales (images de couverture issues de Google, Amazon, etc.),
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interface d’administration pour la création et la gestion des supports de valorisation,
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création et gestion des URLs raccourcis et QR-codes,
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génération des pages web intermédiaires destinées au public
Figure 3 : Schéma de fonctionnement d’Avalon :
workflow de valorisation et d’accès pour une ressource.
L’interface d’administration permet de valoriser les ressources numériques en moins d’une minute. Elle se compose d’un formulaire de recherche communicant avec RERO Explore Genève, via l’API PNX Rest de Primo, qui récupère les principales métadonnées de l’ebook à valoriser.
Figure 4 : Etape 1, recherche du titre “apoptosis and cancer”
Figure 5 : Etape 2, collecte des données du titre “apoptosis and cancer”
Dans ce formulaire, l’ensemble des métadonnées de la ressource sélectionnée (titre, image de couverture, ISBN/ISSN, lien SFX, etc.) ont été récupérées automatiquement. Il est possible de les modifier, d’ajouter des éléments complémentaires (informations de gestion, résumé, cote, etc.). Un URL raccourci est également généré, celui-ci servira pour la création du QR-code. L’ensemble de ces métadonnées servira de contenu aux supports de valorisation.
Une fois complété, les données du formulaire sont stockées dans la base de données, et une nouvelle valorisation (entrée) apparait dans le tableau de gestion. A partir de ce tableau, il est possible de générer les supports de valorisation au format PDF.
Figure 6 : Etape 3, affichage de la valorisation pour le titre « apoptosis and cancer »
dans le tableau de gestion
Quelques fonctionnalités ont été développées pour donner plus d’autonomie aux créateurs des supports de valorisation, qui ne possèdent pas forcément de compétences techniques. Pour la mise en page, il est possible de choisir la taille des caractères dans les résumés, modifier les textes affichés, ajouter des commentaires et choisir une image de couverture autre que celle récoltée automatiquement. Des fonctionnalités spécifiques ont été ajoutées par la suite pour permettre l’impression en plusieurs fois d’un même code-barre pour les exemplaires multiples ou pour un lot de stickers sur une page d'étiquettes incomplète (déjà utilisée).
Pour répondre aux besoins des sites qui souhaitaient valoriser aussi bien des lots (ebooks, bouquets) que des titres à l’unité cinq modèles de supports ont été définis.
Un titre sera valorisé par le biais d’affiches en format A4 (portrait/paysage), de fantômes ou encore d’étiquettes. Un lot de ressources (collections, thématiques) sera mis en valeur par le biais d’affiches en format A3 ou de marques-page/échéancier dans le cadre de campagnes.
Ces 5 modèles de supports de valorisation ont une mise en page prédéfinie en accord avec la charte graphique de la Bibliothèque.
Figure 7 : supports de valorisation au titre
Figure 8 : supports de valorisation des lots
Par le biais de ces supports de valorisation générés avec Avalon (et en particulier du QR-code présent), l’usager peut accéder à la ressource numérique ou à une sélection thématique (recherche Explore pré-établie). Le flash d’un QR-Code amène sur une “page intermédiaire” (page web) également générée par Avalon.
Cette page permet de prendre connaissance des règles d’usage des ressources numériques, d’accéder à la ressource désirée et souvent au texte intégral, de partager la référence sur des réseaux sociaux mais aussi, et surtout, d’envoyer le lien de la “page intermédiaire” par email en vue d’une utilisation ultérieure. Cette dernière fonctionnalité a été développée pour offrir la possibilité à l’usager de consulter la ressource sur un appareil de lecture plus confortable et à un moment plus opportun.
Figure 9 : Vue de la page intermédiaire (ordinateur et tablette)
Figure 10 : Vue de la page intermédiaire (smartphone)
Cette page intermédiaire permet en outre de matérialiser le rôle de la Bibliothèque en tant que fournisseur des ressources numériques et offre une valeur ajoutée en proposant une solution technique en cas de problème d’accès.
Figure 11 : Fenêtre modale qui apparaît lorsque l’usager tente d’accéder à la ressource numérique sans être sur le réseau de l’Université.
Déploiement et communication sur le projet
Pour faciliter la coordination du déploiement sur l’ensemble des sites de la Bibliothèque, un calendrier global commun a été défini. Il prévoyait 4 mois de mise en œuvre avec comme échéance la rentrée universitaire de septembre 2018. Néanmoins, les sites ayant des fonctionnements propres, il était important que chacun puisse s’organiser de manière autonome. Cette mise en œuvre consistait en deux étapes principales :
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former les collègues des sites sur Avalon, organiser ou réorganiser (si déjà existant) le processus de traitement documentaire afin que l’étape de valorisation soit intégrée comme nouvelle tâche systématique,
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générer et imprimer les supports de valorisation à installer dans les rayons. Une étape supplémentaire qui consistait à enlever tous les anciens supports et à les remplacer par les nouveaux a été nécessaire pour certains sites.
Etant donné que ce projet allait toucher un très grand nombre de collaborateurs de la Bibliothèque, la gestion des communications au lancement, mais aussi tout au long du projet, était indispensable. Dès lors, des communications à deux niveaux, transversal et par site, ont été transmises à toute la Bibliothèque à des moments clés (séances de coordination du CODIS, réunions du comité de direction de la Bibliothèque, emails, newsletter interne, etc.). Au niveau des sites, les membres du groupe s’étaient chargés de relayer les informations (les procès-verbaux, séances d’équipe, lettres d’information des sites).
Lors de la dernière phase du projet, la communication interne s’est intensifiée afin de soutenir le déploiement sur les sites. Plusieurs documents ont été produits et ont servis de supports de communication :
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un schéma de présentation de l’application (cf figure 1)
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un guide d’utilisation
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une vidéo de démonstration de l’interface “collaborateurs” d’Avalon
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une vidéo de démonstration de l’utilisation de l’application UNIGE mobile pour accéder aux ressources (https://mediaserver.unige.ch/play/110505).
Six séances de présentation d’Avalon ont été organisées juste avant le lancement effectif. Ces réunions visaient à sensibiliser les collaborateurs de la Bibliothèque à la problématique de la valorisation des ressources numériques d’une part et à leur faire des démonstrations pratiques d’autre part. L’enjeu était que l’ensemble des collègues puissent prendre en main les fonctionnalités de l’application UNIGE mobile, notamment le lecteur de QR-codes et les fonctionnalités de la page intermédiaire. Au terme des présentations, les collègues devaient être familiers avec les nouveaux supports de valorisation installés dans les rayons afin de répondre aux questions des usagers et de les accompagner dans ces nouvelles pratiques.
Communication aux usagers
A l’occasion de la rentrée de septembre 2018, le lancement de ce nouveau service s’est accompagné de plusieurs actions de communication autour des fonctionnalités développées par la Bibliothèque dans l’application UNIGE mobile. En effet, une campagne de communication pour le lancement officiel de la version 2 de l’application mobile était prévue au même moment. Dès lors, il semblait plus pertinent de profiter de la visibilité offerte par cette campagne globale et décliner le visuel retenu pour la “Bibliothèque version mobile”.
Figure 12 : Affiches promotionnelles de l’application UNIGE mobile
Figure 13 : Flyer de promotion de « la Bibliothèque version mobile » (recto)
Figure 14 : Flyer de promotion de « la Bibliothèque version mobile » (verso)
Retour d’expériences
A ce stade du projet, l’un des premiers constats est l’importance de l’accompagnement et la communication, notamment dans la phase de déploiement. Malgré les efforts déployés, ces nouveaux supports de facilitation ne sont pas encore perçus par l’ensemble des collaborateurs comme un service à part entière de la Bibliothèque. Cela peut s’expliquer par un manque de temps ou d’intérêt face aux nouvelles technologies.
L’une des difficultés majeures rencontrées dans ce projet est inhérente à l’organisation interne et à la taille de la Bibliothèque de l’UNIGE qui fonctionne selon deux dimensions ; transversale et par site. Cette structure conditionne l’organisation de ce type de projet qui implique une gestion centralisée avec un groupe de travail multisites, mais un déploiement qui doit tenir compte des besoins et des contraintes au niveau local. Ce fonctionnement a l’avantage de laisser une grande autonomie aux sites tout en encourageant l’appropriation de l’application Avalon. A titre d’exemple, tous les sites ont pu déployer les supports de valorisation selon un processus et un rythme propres. Cette souplesse implique toutefois une perte de la vision d’ensemble et un déploiement décalé dans le temps.
Les retours des collègues impliqués sur l’application Avalon ont été très positifs. La formation et le matériel mis à leur disposition lors de la phase de déploiement ainsi que l’ergonomie et la simplicité d’utilisation de l’interface ont contribué à la prise en main rapide de l’outil et permis la création d’un grand nombre de supports en peu de temps.
Un facteur de réussite important du projet est lié à sa temporalité qui a coïncidé avec le développement de l’application mobile institutionnelle. Ainsi, il a été possible d’intégrer le lecteur de QR-codes parmi les fonctionnalités de la section “Bibliothèque” de l’application mobile de l’Université, anticipant son intégration sur les nouveaux smartphones.
Conclusion et suites du projet
A l’heure où nous écrivons ce texte, cela fait seulement 4 mois que les supports de valorisation ont été placés dans les rayons de la Bibliothèque et notre expérience se limite pour le moment aux étapes de conception, développement de l’application et déploiement. La collecte de statistiques d’utilisation de ces supports, consultables par les administrateurs sur l’application Avalon, a bien démarré à la rentrée universitaire de septembre 2018. À ce stade, la période observée est trop courte pour analyser l’impact de ce nouveau service auprès du public ainsi que sur le nombre de consultations des ressources valorisées.
Il est prévu de réaliser un bilan du projet une année après le lancement (septembre 2019). L’objectif sera de vérifier l’intégration de ces nouvelles pratiques de consultation des ressources numériques par les collègues et les publics de la Bibliothèque. Il est également planifié d’analyser les statistiques d’usage des QR-codes, en coopération avec le pôle Ressources documentaires, afin de connaître l’impact des actions de promotion sur l’usage réel des ressources numériques valorisées.
La deuxième étape du projet qui consiste désormais à intégrer de nouveaux types de ressources numériques dans Avalon, notamment les périodiques et les bases de données, a déjà démarré et se poursuit actuellement avec le même groupe de travail. Selon le calendrier en cours et les discussions actuelles, au printemps 2019, Avalon pourra être utilisé pour promouvoir des bases de données, des périodiques électroniques, des sites Web et d’autres ressources multimédias.
Par la suite, il sera question de lancer un nouveau projet qui traitera de la création d’une nouvelle solution technique de promotion en ligne des documents physiques et numériques.
Bibliographie
Barron G. (2014) Intégrer des ressources numériques dans les collections. Villeurbanne: ENSSIB.
Jeanson A. (2013) Les services innovants liés au numérique: l’exemple des bibliothèques universitaires [Mémoire d’étude]. Villeurbanne: ENSSIB. Disponible sur: http://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/notices/60394-les-services-i...
Meury M. (2013). Les QR codes en bibliothèque: un exemple de médiation numérique au service des usagers [Mémoire de Certificate of Advanced Studies (CAS)]. Université de Fribourg. Disponible sur: http://doc.rero.ch/record/209354/
Pouchot S, Vieux A, Peregrina R. (2016) Si proche, si loin: prêt de ebooks en bibliothèque: la situation en Suisse romande. In: Les Presses de l’ENSSIB. p. 37‑54. (Collection Les numériques). Disponible sur: https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01412659
Souchon, F. (2014). Faire vivre les ressources numériques dans la bibliothèque physique. Le cas des bibliothèques universitaires. [Mémoire d’étude]. Villeurbanne: ENSSIB; Disponible sur: http://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/notices/64182-faire-vivre-le...
Vieux A. (2014). Signaler et valoriser les ressources documentaires numériques en bibliothèque universitaire: quels enjeux pour la Bibliothèque de l’Université de Genève? 2014; Disponible sur: https://archive-ouverte.unige.ch/unige:91498
Valoriser les ressources électroniques en bibliothèque. http://www.enssib.fr/offre-de-formation/formation-continue/18e34-valoris...
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Quelle veille pour les start-ups ? compte rendu de la 15ème journée franco-suisse sur la veille stratégique et l’intelligence économique, 14 juin 2018, Besançon
Ressi — 20 décembre 2018
Hélène Madinier, Haute Ecole de Gestion, Genève
Quelle veille pour les start-ups ? compte rendu de la 15ème journée franco-suisse sur la veille stratégique et l’intelligence économique, 14 juin 2018, Besançon
La 15ème journée franco-suisse en veille et intelligence économique s’est tenue jeudi 14 juin 2018 à Besançon à la Communauté d’universités Bourgogne-Franche-Comté (COMUE) sur le thème de «Quelle veille pour les start-ups ? ».
Cette journée, qui a rassemblé environ 60 personnes, était subventionnée par la Communauté du savoir, réseau de l’Arc jurassien franco-suisse, visant à «renforcer, valoriser et stimuler les collaborations franco-suisses en matière de recherche, d’enseignement et d'innovation ». [1]
Après des mots de bienvenue des représentants de cette communauté et de celle de l’Université de Bourgogne-Franche-Comté, Pascale Brenet, maître de conférences à l’IAE de Besançon, directrice de PEPITE BFC (et membre du comité des journées franco-suisses), exposait les objectifs et enjeux du thème de la journée dans l’intervention d’ouverture intitulée Quelle veille pour les start-up : les besoins d’information associés au processus entrepreneurial .
Un startuppeur est confronté à 2 écueils : la difficulté de trouver l’information pour un produit ou un service qui n’existe pas et la menace de la surinformation si la recherche est trop large, d’où la nécessité de structurer ses questionnements.
Le futur entrepreneur a une idée précise, une intention, une envie d’entreprendre. Le processus entrepreneurial résulte d’une co-construction sur l’opportunité d’entreprendre avec les parties prenantes, de séquences et d’itération, puis de décisions et d’actions spécifiques. La veille doit aider à identifier s’il y a opportunité d’entreprendre.
L’idée est de s’inspirer de la lean start-up : fabriquer et vendre rapidement pour tester et mesurer le marché et adapter son offre en conséquence, plutôt que de faire une étude de marché.
Comme il existe une échelle de Technology Readyness Level, Pascale Brenet propose une échelle de Market Readyness Level avec 9 niveaux :
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Définition du concept
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Identification de l’OE (opportunité d’entreprendre) par données secondaires
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Etalonnage concurrentiel
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Définition de la proposition de valeur orientée utilisateur
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Etude qualitative du marché (test hors marché)
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Identification d’une liste de prospects
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Lancement test / MVP (minimum viable product)
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Lancement commercial sur un segment de marché
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Développement du marché.
La veille et la recherche d’information vont aider à étudier l’environnement stratégique, la dynamique de marché, l’étalonnage de la concurrence et les comportements et attentes des utilisateurs. Le startuppeur devra décider s’il procède lui-même à la recherche et à la veille ou s’il sous-traite, et il lui faudra être attentif à la fiabilité des sources, au coût et à l’actualité des informations identifiées, et enfin à analyser et sélectionner les données actionnables.
Ensuite, Frédéric Martinet, fondateur et gérant de Actulligence Consulting, consultant en systèmes de veille a proposé une méthode de veille en 10 minutes chaque jour et introduit l’atelier de l’après-midi: « Veillez en 10 mn par jour » : préparation de l’atelier de l’après-midi.
La vie d’un entrepreneur de start-up consiste à prendre des décisions. Il n’a en général pas le temps de faire de la veille, mais doit se tenir informé. Les responsables de start-up disent connaître leur domaine, mais ne savent pas toujours bien chercher l’information en fonction de leurs besoins et ne connaissent pas les outils. F. Martinet propose la méthode suivante : il s’agit de comprendre le besoin, d’identifier les acteurs-clés, demander leurs sources d’information incontournables, définir le champ lexical autour de leur activité (différent du lexique utilisé pour le marketing), en s’alignant sur le processus décisionnel et en faisant des priorités. Il demande alors au public des exemples de thématiques. Les 3 suivantes sont proposées :
- Le confort acoustique dans un avion-réducteur de bruit dynamique
- Un outil de liaison micromécanique pour les mouvements de rotation- pour l’horlogerie- l’énergie-
- L’immunothérapie pour soigner les tumeurs solides des cancers
La troisième intervention de la journée était assurée par Ali Yacin El Ayouch, chercheur postdoctoral, Institut FEMTO-ST, et Youssef Tejda, ingénieur de recherche, Institut FEMTO-ST. Ils ont présenté le projet innovant «Métabsorber» et leur démarche de recherche d’information.
La pollution sonore, avec les maladies qu’elle occasionne, coûte plus de 57 milliards d’euros par an. En ville, elle provient à 60% des transports. Les deux chercheurs proposent une technologie de rupture sur les méta-matériaux, c’est-à-dire faire qu’un méta-matériau soit ultra-réflecteur et ultra-absorbeur. Il faut pouvoir travailler sur du verre, du bois et des métaux.
Les marchés possibles sont l’ameublement, les transports, et l’industrie. Ils travaillent sur le mobilier acoustique, et la recherche d’information effectuée les a amenés à l’idée de structurer d’emblée le mobilier et non pas devoir ajouter des éléments anti-bruit.
Finalement, Sandy Wetzel, CEO de l’incubateur Neode, ancien directeur de Y-Parc à Yverdon-les-Bains, et Dr. Khalid Zahouily, fondateur et CEO de Horlovia Chemicals, ont conclu cette matinée.
Sandy Wetzel présentait : Quels outils et quels soutiens pour la veille des start-up technologiques à Neuchâtel ? Neode est l’incubateur du canton de Neuchâtel qui met en relation les start-ups avec des experts des industries concernées, qui les guide sur le terrain (dans des salons), leur permet d’avoir accès à des prestataires (comme Centredoc) et accompagne la collaboration entre startups et PME établies.
Il s’agit d’aider les start-ups à définir leur marché ; ces start-up ne doivent pas s’éparpiller mais bien veiller à rester sur leur «core business».
Il y a plusieurs dispositifs de soutien de la veille à Neuchâtel : quatre plateformes sectorielles, des missions économiques, une antenne à San Francisco (Neuchâtel innohub@san francisco), ainsi que des aides financières directes du canton.
Ensuite, Dr Khalid Zahouily, CEO de Horlovia Chemicals, a d’abord présenté sa société, qui a développé des matériaux polymères innovants pour l’horlogerie et l’industrie du luxe : elle propose des revêtements temporaires de protection des montres. Il a montré comment la veille effectuée sur la protection temporaire des montres l’avait aidé aussi bien à identifier des marchés, à affiner ses produits pour qu’ils correspondent à ce qui est recherché, à fixer ses prix qu’à trouver des informations technologiques lui permettant de trouver plusieurs méthodes d’application de son film protecteur. Les informations recherchées étaient notamment les solutions existantes, les volumes des marchés horlogers, les prix des protections concurrentes etc… Outre Google, ses sources ont été les manufactures horlogères, les sous-traitants, les fournisseurs de consommables, les foires et salons (comme EPHJ) ainsi que les clients.
En début d’après-midi, David Borel, directeur du développement à Centredoc, a présenté les prestations proposées aux start-ups par son organisation Centredoc, société coopérative qui offre des prestations dans les domaines de la veille technologique, concurrentielle et stratégique ainsi que dans la recherche d’information brevets, techniques et économiques, et qui existe depuis plus de 50 ans (voir Quelles prestations pour les start-up clientes de Centredoc ?)
Centredoc se définit comme un opticien pour entrepreneurs, leur permettant de mieux anticiper. Il apparaît en effet que la plupart des responsables de start-up ne connaissent pas les sources d’information de brevets, et se reposent sur Google, ce qui est très insuffisant vu les quelques 12 millions de demandes de dépôt de brevets, d’enregistrement de marques et modèles par an ; cela revient à 5% de visibilité. Or le circuit est miné car des brevets peuvent exister sur ce que les start-ups proposent : à défaut de recherches ciblées et suffisantes, les entreprises peuvent être accusées de copie involontaire de brevet.
Centredoc accompagne les start-up avec une méthode en 3 étapes : idéation, business plan et financement.
L’étape d’idéation permet d’aider la start-up à faire sa recherche de brevets, et de démarrer une veille technologique plus large (y compris normes et publications scientifiques) sur le produit/service projeté. L’étape du business plan doit permettre d’aider à transformer l’idée en opportunité d’affaires : identification et segmentation des clients et partenaires, précision des marchés possibles ; et l’étape de financement permet de rassembler des preuves, de mettre en œuvre une veille brevet permanente pour rassurer les investisseurs.
Centredoc anime également des formations permettant d’apprendre à lire des brevets.
Finalement, pour illustrer son atelier de veille en 10 minutes par jour, Frédéric Martinet a traité un des exemples proposés le matin : l’isolation acoustique en aéronautique. Il s’agit tout d’abord d’arriver à formaliser un champ lexical, pour faire des requêtes complètes. Pour ce faire, il recherche cette expression en français et en anglais (Aeronautics acoustic insulation) sur Google, ce qui lui permet d’identifier des sources d’information et de trouver des synonymes ou des termes associés (comme vibration, par exemple), et cela lui permet de trouver des noms de sociétés, d’associations professionnelles, de fabricants comme Aerospace, Hutchinson, Dunmore, 3M ; il va ensuite sur les sites des fabricants pour voir leurs produits, leurs partenaires (laboratoires de recherche), ce qui donne des acteurs-clés. Il identifie des sources d’information comme des revues spécialisées (Journal of the acoustical society of America par exemple), des bases de données spécialisées et crée ensuite des alertes sur les sources pertinentes –attention à Google alerts, qui passe à côté de trop de choses, et filtre la langue et le pays qui correspondent au compte Google.
Il préconise de les agréger dans Inoreader et d’y adjoindre des filtres. Il suggère ensuite d’utiliser soit son Intranet ou Sharepoint ou alors Slack pour diffuser les résultats de sa veille.
Après cette brillante démonstration, François Courvoisier a synthétisé les points-clés de cette journée franco-suisse très instructive, riche en témoignages et en échanges.
Notes
[1]Voir l’article sur les bibliothèques de la communauté du savoir, dans ce même numéro
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Conférence nationale Open Access
Ressi — 20 décembre 2018
Benoît Epron, Haute école de Gestion, Genève
Conférence nationale Open Access
Le 26 octobre 2018, swissuniversities organisait une conférence nationale Open Access à l'Université de Lausanne.
A l'occasion de la semaine internationale de l'Open Access, cette journée souhaitait proposer un point sur l'Open Access dans un contexte suisse marqué par la mise en place de la stratégie nationale suisse sur l'Open Access et par l'annonce du Plan S (initiative de soutien à l’Open Access porté par la commission européenne et Science Europe).
Au travers des différentes interventions cette journée, qui a rassemblé 300 personnes environ, a permis de dresser un état des lieux des problématiques liées à la dynamique Open Access en Suisse.
Ces problématiques se retrouvent principalement à trois niveaux, académique, économique, politiques, repris par plusieurs intervenants. Nous proposons ici un compte rendu personnel de cette journée, il reflète notre propre lecture des enjeux et informations marquantes et ne prétend pas retranscrire l'intégralité des interventions et des débats.
Le premier plan est un plan académique. Tout au long de la journée ont été abordées deux facettes académiques de l'activité de publication scientifique. La première concerne la problématique de la diffusion et des usages. Souvent oublié, cet aspect des modèles OA de l'édition scientifique a été illustré lors de cette journée par la présentation de Mme Nouria Hernandez, rectrice de l'Université de Lausanne. Ainsi, lors de son intervention elle a évoqué la situation de Serval, dépôt institutionnel de l'Université de Lausanne et dont la fréquentation a quasiment doublé en septembre 2018 pour atteindre 100 000 consultations, notamment à l'occasion de l'intégration de Serval dans Google Scholar. Cette variation illustre par l'exemple un paradoxe des dépôts institutionnels, utilisés d'une part par les institutions universitaires comme infrastructures support pour l'Open Access et l'évaluation des chercheurs et dont d'autre part l'utilisation par les chercheurs eux-mêmes passe largement par Google Scholar, les rendant de fait peu visibles.
Sur le plan académique, la question des indicateurs de la recherche a également été largement abordée avec deux problématiques différentes s'y rattachant.
D'une part la nécessité d'imaginer de nouveaux indicateurs de la production scientifique permettant d'échapper à la dépendance actuelle vis-à-vis des plateformes fournissant actuellement les principaux indicateurs bibliométriques. Cette dépendance est donc double, elle concerne d'une part les indicateurs eux-mêmes qui restent uniquement quantitatifs et placent les revues et les éditeurs au centre des processus d'évaluation et de recrutement. Elle porte également sur les producteurs de ces indicateurs, plateformes d'éditeurs commerciaux qui s'appuient sur la maîtrise d'une part quasi-exhaustive des publications d'un domaine pour produire ces indicateurs.
Cette situation restreint le champ des possibles pour le développement de modèles Open Access pour la publication scientifique en rendant incontournables certaines revues et plateformes.
Sur le plan économique, la dynamique suisse de l'Open Access est confrontée à une situation de transition. Cette transition des modèles de publication académique est déjà bien avancée en Suisse. Ainsi d'après la présentation de Mme Angelina Kalt, Directrice générale du Fonds national suisse de la recherche scientifique, ce sont aujourd'hui 28% des publications scientifiques suisses qui sont disponibles en Green Open Access (auto-archivage de la publication par l’auteur dans une archive ouverte, souvent après une période d’embargo) et 11% disponibles en Gold Open Access (publication directement accessible en Open Access, souvent avec un financement en amont). Cela laisse donc 61% des publications non disponibles en Open Access en Suisse et place la Suisse devant les Pays-Bas, le Royaume-Uni, l'Autriche, la France, l'Allemagne et l'Italie, qui atteignent un taux de publication indisponibles en Open Access compris entre 64% et 72%.
Ce développement fort de l'Open Access en Suisse laisse toutefois une réelle marge de progression pour laquelle le FNS souhaite se positionner comme un levier d'accompagnement des politiques OA, que ce soit pour les revues ou pour les monographies.
L'ambition suisse pour le développement de l'Open Access vise un passage de la totalité des publications en Open Access à l'horizon 2024, soit après l'échéance prévue au niveau de l’Union européenne en 2020.
Du point de vue financier, la présentation de M. Michael Hengartner, Président de swissuniversities et Recteur de l'Université de Zurich, s'appuyait en partie sur l'étude Financial Flows in Swiss Publishing produite en 2016 pour le FNS. Il en a présenté quelques données et notamment le coût total d'accès à l'information en Suisse, soit approximativement 109 millions de francs suisses. Ce montant se répartit de la façon suivante : 70 millions pour les abonnements à des revues, 31 millions pour l'achat de monographies, 6 millions pour les APC (Articles Processing Charges, financement amont par le chercheur ou son institution pour rendre son article disponible en Open Access sans embargo) et 2 millions pour les infrastructures.
Les enjeux financiers relevés dans cette étude rejoignent les interrogations de Mme Nouria Hernandez qui s'inquiète de la capacité des institutions comme la sienne de supporter le triple coût de la publication académique de ses chercheurs aujourd’hui pour lesquels elles doivent assurer à la fois le prix des abonnements, celui des APC et enfin le coût de développement et de maintenance des infrastructures nécessaires à la mise en place des dépôts institutionnels.
A ces coûts il convient enfin d'ajouter les efforts de pédagogie et d'acculturation portés par les institutions scientifiques à destination des chercheurs et qui apparaissent prioritaires dans l'étude annuelle sur l'Open Access réalisée par l'EUA (European University Association). En effet, les trois actions prioritaires d'après cette enquête sont, par ordre d'importance, la sensibilisation des chercheurs, la mise en place d'incitations supplémentaires à destination des chercheurs et enfin la mise en place de politiques nationales de soutien à l'Open Access.
Cette enquête européenne présentée par M. Jean-Pierre Finance, Président de l'Open Science Experts Group, au sein de European University Association, a permis d'apporter d'autres éléments financiers à la réflexion. En effet, l'enquête chiffre à plus de 421 millions d'euros les dépenses annuelles pour les périodiques, les bases de données et les livres numériques, dont plus de 383 millions d'euros pour les seuls périodiques.
Plusieurs intervenants ont enfin balayé plusieurs enjeux politiques relatifs à l'Open Access. Le premier de ces enjeux a été la nécessité d'une organisation cohérente et unifiée des différents acteurs. C'est dans cette logique que devrait se mettre en place d'ici le premier trimestre 2019 une Open Access Alliance pilotée par swissuniversities (programme P-5) et regroupant l'ensemble des parties prenantes : Académies, éditeurs suisses, CSS (Conseil suisse de la science), etc. mais également des membres de projets comme Sliner, le FNS ou la délégation recherche de swissuniversities.
La place des HES dans les modèles Open Access a également été soulignée avec notamment la nécessité de concevoir des solutions qui permettent de prendre en compte les partenaires économiques impliqués dans l'activité de recherche appliquée des HES et pour lesquels l'ouverture des résultats doit se construire de façon cohérente avec leurs enjeux économiques et commerciaux.
La journée s'est terminée sur une intervention rafraichissante de M. Jacques Dubochet, prix Nobel de Chimie en 2017, qui a replacé, à travers son expérience de chercheur, "la connaissance comme un bien commun pour le bénéfice de tous".
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Cinquante ans de numérique en bibliothèque
Ressi — 20 décembre 2018
Alexis Rivier, Conservateur Ressources numériques et périodiques, BGE
Cinquante ans de numérique en bibliothèque
Dans l’essai d’Yves Desrichard, conservateur des bibliothèques et ancien rédacteur en chef du Bulletin des bibliothèques de France, les professionnels actifs depuis une vingtaine d’années ou davantage reconnaîtront des personnes, des sigles, des événements politiques qui ont façonné le destin numérique des bibliothèques françaises.
En France, l’histoire est une discipline prestigieuse et valorisée. Nombre d’historiens ont occupé de hautes fonctions à la Bibliothèque nationale, comme Jean-Noël Jeanneney, président de la BnF de 2002 et 2007 et préfacier de l’ouvrage. Pour autant le parcours rétrospectif sur ce facteur fondamental de transformation des bibliothèques qu’a représenté l’arrivée de l’informatique a été plutôt négligé, ou cantonné à l’intérieur d’ouvrages au périmètre plus large .
Cinquante ans de numérique en bibliothèque s’articule en cinq « temps », couvrant chacun approximativement une décennie. Suivre les faits et les avancées dans ce continuum chronologique s’avère efficace et très parlant.
Le premier temps est celui des pionniers, qui mettent au point les premiers formats de catalogage. Peu après, les premières politiques d’ «automatisation» des bibliothèques voient le jour.
S’ensuit le temps des découvreurs qui consolident les acquis, développent les fonctionnalités et s’emparent de technologies qui semblaient prometteuses : Minitel, CD-Rom, vidéodisque.
Le temps des bâtisseurs concrétise les chantiers d’informatisation de la BnF, la rétroconversion des catalogues, les réseaux informatisés.
Le temps des expérimentateurs suggère une nouvelle étape de tâtonnements. La montée en puissance des ressources numériques entraîne des stratégies de rassemblement autour des consortiums, puis une mobilisation en faveur de l’open access. Des services d’Internet affichent une croissance surprenante, les bibliothèques s’y adaptent : Web 2.0, archivage du numérique, grands programmes de numérisation.
Le dernier temps appartient aux médiateurs : la mise en concurrence des bibliothèques les oblige à repenser leurs fondamentaux, principalement dans la mise en relation des usagers avec des sources et des contenus d’information. Un certain renversement de perspective s’opère : l’usager devient prioritaire et non plus la collection, dont le statut doit être revisité. On ne peut s’empêcher de voir dans ce titre un hommage au dernier opus d’un grand nom de la bibliothéconomie française, disparu prématurément : Les bibliothèques et la médiation des connaissances de Bertrand Calenge.
Chaque partie relate de façon très complète les initiatives, les structures institutionnelles et les personnages qui ont forgé cette histoire, générant une floraison de sigles dont peu ont subsisté jusqu’à nos jours. La concision du livre (132 pages) en fait une excellente synthèse. Non sans modestie, Yves Desrichard estime cependant qu’une histoire complète de l’informatisation des bibliothèques reste à écrire…
Une fois posé à gros traits les étapes, quels sont les principaux enseignements de cette rétrospective ? Nous en proposons quelques-uns.
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A ses débuts, l’informatisation des bibliothèques apparaît presque simultanément dans les pays développés. Mais l’avance des Etats-Unis est réelle. C’est à la Bibliothèque du Congrès que le format Marc, pierre angulaire de l’informatique en bibliothèque, a été défini en 1966. Le prétendu retard français est cependant minime : cette même année, Henri-Jean Martin travaille à la Bibliothèque municipale de Lyon sur un format de catalogage pour le livre ancien et en 1968 Marc Chauveinc conçoit le format Monocle à Grenoble. C’est également dans ces années-là que l’aventure commence en Grande-Bretagne , mais aussi en Suisse avec les projets Sibil à Lausanne et Ethics à Zurich. Il y a là une remarquable convergence, tant il apparut très tôt que l’informatique était un outil essentiel pour les bibliothèques.
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On s’en doute, l’informatisation n’est pas une route paisible. Les réussites y côtoient les échecs. Ce n’est pas le moindre mérite de ce livre d’y faire place. Certaines idées viennent trop tôt, d’autres fois la réalisation est laborieuse. Enfin certaines technologies n’ont pas été confirmées. Parfois les bibliothèques sont confrontées à des temporalités qui les dépassent, le volontarisme ne suffit pas toujours. "Ceux qui ont réussi ne savaient pas qu'ils allaient réussir; ceux qui ont échoué ne savaient pas qu'ils allaient échouer." (p. 11). Deux cas sont symptomatiques. Le système centralisé Libra, voulu et conçu par le Ministère de la culture entre 1982 et 1989 pour combler le retard des bibliothèques centrales de prêt n’a jamais fonctionné correctement, et les lois de décentralisation ont précipité son abandon. Le projet d’informatisation de la BnF, aussi ambitieux dans son genre que celui de la construction du nouveau bâtiment sur le site de Tolbiac, a été émaillé de difficultés qui ont beaucoup ému la profession. Le système n’a été véritablement opérationnel qu’en 2002, soit 4 ans après les prévisions. Plus récemment le projet Relire, complexe montage technico-juridique au bénéfice d’une noble idée : la remise à disposition du public d’œuvres protégées par le droit d’auteur mais plus commercialisées, n’a pas eu l’effet désiré. Le dispositif a été décrié par les auteurs et invalidé par l’Union européenne.
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Se pencherait-on sur le passé parce que le présent et surtout le futur inquiètent ? Yves Desrichard se défend de se prêter au jeu de la prophétie, mais sait que l’on attend de lui qu’il dise ce que l’examen du passé lui inspire pour l’avenir des bibliothèques. Le numérique a pris partout une telle place qu’il n’est plus perçu comme aussi désirable qu’au temps des pionniers.
A ses débuts l’informatisation est un facteur de modernisation accueilli avec enthousiasme. C’est un moyen de gérer un « monde physique » qui ne remet aucunement en cause la position de la bibliothèque, ni même son fonctionnement, ses instruments. L’informatique aide d’abord à mettre sur pied des outils de travail comme les catalogues sur fiches ou des bibliographies. Dans les années 1970, le groupe Gibus (Groupe informatiste de bibliothèques universitaires et spécialisées) prône un accès direct par les usagers aux données informatisées, mais c’est bien plus tard que le catalogue sera mis à disposition en ligne via les Opac.
La véritable fracture, et nous suivons l’auteur sur ce point, survient avec le développement de l’information primaire – les contenus – sous forme numérique. Les bibliothèques ont gardé le monopole de l’information imprimée mais ne maîtrisent qu’une petite partie des ressources numériques, celle de la numérisation de leurs fonds. Les ressources sont pour l’essentiel commercialisées et difficiles à acquérir par les bibliothèques. En témoigne la délicate mise en place de la plate-forme Prêt numérique en bibliothèques (PNB) permettant de prêter des ebooks. Malgré tout, cela stimule aussi les capacités d’adaptation des institutions, à l’instar de la création des consortiums Couperin et Carel, respectivement pour les bibliothèques universitaires et pour les bibliothèques de lecture publique. « La profession a toujours été aux avant-postes de l'expérimentation et de l'appropriation des outils informatiques et numériques » (p. 12). Elle a investi Internet avec enthousiasme et continue de le faire, dans la bataille pour l’open access et des contenus gratuits de qualité. Mais le public est capté par d’autres acteurs, puissants et très performants sur le plan des technologies, qui mettent en suspicion l’utilité des bibliothèques, même au niveau politique. J.-N. Jeanneney souligne dans sa préface « l’inquiétude » des professionnels et n’hésite pas à qualifier cette mutation de leur métier comme « la plus violente, en somme, depuis l’invention de l’imprimerie » (p. 10). A cela s’ajoutent des tendances contradictoires qui rendent peu lisibles l’évolution numérique. Le cas le plus typique est celui du livre électronique, dont Desrichard rappelle que « plus de 15 ans après sa première apparition », en 2000, il « continue à provoquer questionnements, enthousiasmes, critiques et incertitudes » (p. 84). C’est donc sur un optimisme prudent qu’il clôt son ouvrage.
Au fil de ce parcours de Cinquante ans de numérique en bibliothèque, on prend la mesure des conditions spécifiques liées au développement informatique de ce secteur en France : influence déterminante de l’Etat central et des ministères concernés, poids de la Bibliothèque nationale, volontarisme technologique. Mais au final, en raison de la globalisation des technologies, la situation des bibliothèques françaises n’est pas si différente de celle d’autres pays. Yves Desrichard a tracé une voie prometteuse.
Bibliographie
Yves Desrichard. Cinquante ans de numérique en bibliothèque. Paris: Electre-Ed. du Cercle de la Librairie, 2017 (collection Bibliothèques)
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Les bibliothèques de la Communauté du savoir
Ressi — 20 décembre 2018
Agnès Dervaux-Duquenne, bibliothécaire-responsable, Haute Ecole Arc Ingénierie
Les bibliothèques de la Communauté du savoir
Des solutions simples pour des défis complexes
Un des derniers livres blancs partagés sur le site http://www.archimag.com/ [1] nous propose une étude intitulée « Les défis des bibliothèques universitaires au cœur de l’enseignement, de l’apprentissage et de la recherche » [2].
Notre métier change, c’est une évidence, notre profession évolue, et nous aussi, les professionnel-le-s. Les défis identifiés se posent donc autant au niveau des lieux, des institutions et des objectifs que des ressources, des outils et enfin des compétences des personnels.
C’est une chance dès lors de faire partie d’une des institutions membres de la Communauté du savoir et de bénéficier des encouragements et des infrastructures mises en place pour se rencontrer, partager sur nos pratiques, nos savoir-faire, nos questions et nos solutions et tenter de développer des projets à haute valeur ajoutée avec nos collègues régionaux transfrontaliers.
Mais qu’est-ce que cette Communauté du savoir ?
La Communauté du savoir : historique et composantes
La Communauté du savoir (Cds) est un réseau visant à renforcer, valoriser et stimuler les collaborations franco-suisses dans l'Arc jurassien en matière d'enseignement supérieur, de recherche et d'innovation.
D'abord sous l'égide de la Conférence TransJurassienne, la Communauté du savoir a organisé tous les deux ans (2012, 2014, 2016) un colloque transfrontalier afin de permettre aux acteurs de la collaboration transfrontalière dans les domaines de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation de se rencontrer et d'échanger sur les solutions à apporter aux problématiques inter-régionales générées par les frontières. Les colloques se sont tenus alternativement en France et en Suisse afin de permettre aux participant-e-s de visiter un établissement partenaire.
Le premier colloque de 2012 a été organisé à l'’École Nationale Supérieure de Mécanique et des Microtechniques (Besançon, France) et a réuni une centaine d'acteurs des échanges franco-suisses. Il a donné lieu à la signature d'une déclaration d'intention signée par 17 partenaires présents et a permis de créer les prémices d’une communauté du savoir, de la recherche et de l’innovation de l’Arc jurassien.
Le deuxième colloque de 2014 s’est tenu à la Haute Ecole Arc (Neuchâtel, Suisse) et a réuni environ 150 participant-e-s autour de la thématique : "La collaboration transfrontalière : aller au-delà des outils existants". C’est lors de ce colloque qu’ont été proposées de nouvelles pistes d'actions franco-suisses structurantes dans plusieurs domaines - dont les bibliothèques, et que le nom de cette communauté a été validé par les participant-e-s.
Le troisième colloque de 2016 a eu lieu à l'Atria de Belfort (France) sur le thème "Frontières : dynamique et enjeux d'un territoire transfrontalier", et a permis de mettre en lumière les avantages (également pour les acteurs publics et politiques) liés à la coopération au sein du réseau de la Communauté du savoir. La signature d’un accord-cadre entre sept membres académiques est venue consolider cette volonté de travailler ensemble et de soutenir activement le développement de leurs collaborations.
Les sept membres académiques sont les suivants :
- l’Ecole Nationale Supérieure de Mécanique et des Microtechniques (ENSMM) - Besançon
- la Haute Ecole Arc (HE-Arc) – Neuchâtel
- la Haute Ecole d’Ingénierie et de Gestion du canton de Vaud (HEIG-VD) - Yverdon
- la Haute Ecole Pédagogique des cantons de Berne, Jura et Neuchâtel (HEP-BEJUNE)
- l’Université de Franche-Comté (UFC)
- l’Université de Neuchâtel (UniNE)
- l’Université de Technologie de Belfort-Montbéliard (UTBM)
Inscrite dans un territoire de coopération qui couvre actuellement la Franche-Comté côté français et les cantons de Berne, Jura, Neuchâtel et Vaud côté suisse, la Cds est, par son existence et son développement, un facteur de dépassement de la frontière au profit d’une mise en commun de potentiels scientifiques, académiques, culturels et économiques de l’entier de l’Arc jurassien franco-suisse.
Depuis 2014, ce projet est soutenu par le programme européen de coopération transfrontalière Interreg V France-Suisse 2014-2020 et a bénéficié à ce titre d'un soutien financier du Fonds européen de développement régional (FEDER). Grâce à ces fonds, les premiers objectifs de la Cds ont pu être atteints, à savoir un soutien direct à la mobilité des personnes engagées, à l’organisation d’actions, de journées thématiques, de mises en réseau des structures d’innovation et de groupes comme celui des bibliothèques.
Actuellement, la dernière phase du projet Cds est en préparation et son objectif est de pérenniser les acquis et les actions de ce réseau dont l'autonomie de fonctionnement doit être atteinte au 1er janvier 2020.
Dans cette perspective, le projet se développera en 2019 autour de trois nouveaux objectifs qui rassemblent et prolongent ceux de la période 2015-2018 :
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Un campus transfrontalier à même de poursuivre et d’impulser des projets de collaborations ;
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Un incubateur de projets transfrontaliers destiné à accompagner au cas par cas la structuration et le montage de projets de collaborations ;
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La pérennisation du réseau en vue de préparer le transfert des responsabilités et des financements aux établissements membres à l’horizon 2020.
Bilan Cds 2015-2018
Une évaluation globale réalisée en octobre 2018 a montré que, entre les projets et groupes de travail prospectifs, séminaires et journées thématiques, réunions de gouvernance et de coordination du réseau, webcasts et stages, 118 rencontres franco-suisses ont eu lieu entre 2015 et 2018 et 4263 personnes ont participé à ces échanges. Ces chiffres ont fini de convaincre les partenaires engagés de pérenniser leur soutien pour maintenir actifs les groupes engagés et tenter de poursuivre les démarches encore en réflexion.
Voici à quoi ressemble aujourd’hui le bilan de ces actions et préconisations.
Les groupes de travail dits de "proposition"
Cotutelles de thèse
A l'issue de ses séances de travail, la principale préconisation du groupe a été d’élaborer une procédure pilote entre les établissements partenaires de la Communauté du savoir en ciblant 3-4 diplômes de masters éligibles à l’inscription d’une formation doctorale donnée. L’idée est de démontrer la valeur ajoutée d'un réseau comme la Cds et notamment sa capacité à favoriser des synergies interdisciplinaires.
Formations continues
Le groupe de travail a livré les préconisations suivantes :
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Proposer des partages d’expérience pédagogique entre les acteurs du réseau ;
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Faciliter les échanges de pratiques en termes d’activités métier opérationnelles (intitulé des offres de formation, partenariats dans les formations continues, mise à disposition de ressources en ligne) ;
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Constituer un annuaire des personnes-ressources dans chaque établissement.
Formations initiales
Sur la base d’une analyse des situations de formations bi ou tri-nationales existantes, de la typologie de ces situations sur la base de leur organisation (doubles diplômes, élaboration de titres commun, …), quelques recommandations ont été proposées :
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combiner des formations existantes afin de déboucher sur des "doubles diplômes " ;
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intégrer dans des programmes au sein de différents établissements des modules de cours/formations construits en communs ;
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développer un « annuaire » d’enseignant-e-s (par discipline/compétence) qui pourrait faciliter l’émergence d’un tel ensemble de cours;
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développer un référentiel d'aides à la mobilité des étudiant-e-s (identification de lieux de stages, ...).
Offensive Sciences
Ce groupe a orienté ses travaux sur trois niveaux :
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Etudier le fonctionnement du programme de financement des travaux de recherche « Offensive Sciences » de la Région Métropolitaine Trinationale (RMT);
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Explorer des pistes de réflexions autour de nouveaux outils de financement pour la recherche dans le réseau de la Communauté du savoir;
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Exprimer des recommandations pour les futures programmations de la Communauté du savoir sur le sujet.
Toutefois, il était impossible pour ce groupe de produire des résultats directement exploitables, les enjeux évoqués étant plutôt de nature "politique". Les discussions devront donc se poursuivre au sein du comité de pilotage et des responsables d'établissements de la Cds, la mise en place éventuelle d'un fonds de ressources mutualisées relevant de ce niveau de décision.
En parallèle à ces différents groupes de travail, des études et actions ont été menées qui ont permis de proposer des guides de financements, un soutien à la mobilité des collaborateurs et collaboratrices des structures académiques de la Cds, la mise en place de stages et séminaires communs, l'identification d'expert-e-s pour la constitution de jurys et l'offre d'une solution de visioconférence flexible pour les membres de la Cds.
Un accent important a également été mis sur les actions de communication : site internet, cartographie en ligne des acteurs du territoire, Webcastings et captations d’événements organisés par les partenaires de la Cds, plateforme de partage de fichiers/documents (GED), nouveaux outils de communication (flyers, livrets) pour faciliter la diffusion des objectifs du réseau auprès des différents publics-cibles et pour favoriser l'appropriation des différents financements proposés par les enseignant-e-s et les étudiant-e-s.
Les groupes de travail dits "actifs"
Jurassic Labs
Les FabLabs mettent à disposition de nouveaux dispositifs de fabrication numérique et la connaissance de leur utilisation.
L'intérêt de ces ateliers est de faire sortir la créativité des bureaux d’études et des laboratoires universitaires en ouvrant à la population des lieux d'expérimentation accessibles.
L’autre force des FabLabs est de mettre en relation des types de personnes qui ne se rencontrent généralement pas, ou peu : étudiant-e-s et spécialistes de différents domaines ; universitaires et industriel-le-s, artistes et ingénieur-e-s, générations différentes.
Jurassic Labs propose d’étendre ces mises en réseaux, internes à chaque FabLab, à tous les FabLabs et structures de créativité (existants ou futurs) du territoire de la Communauté du savoir. Il propose également que ce réseau devienne le lien naturel de tous ces territoires pour ce qui est des questions de créativité et d’innovation. Les FabLabs offrent en outre l’avantage d’être neutres, entre industries et universités, entre économie publique, économie privée et économie collaborative, un territoire commun où tout le monde se sent à l’aise pour interagir.
L’objectif de Jurassic Labs est ainsi résumé : créer des ponts verticaux entre trois niveaux identifiés :
Sphère «maker» = espace citoyen ( Fablabs, HackerSpaces, MakerSpaces etc.).
Sphère «professionnelle» = espace de l’économie privée (réseau des centres créatifs [sens large], pépites, etc., connecté aux entreprises, start-ups, chambres de commerce, etc.).
Sphère «institutionnelle» = espace de l’économie publique (réseau des institutions [hautes écoles, universités], connecté au monde politique).
Deux actions principales ont pu être développées par ce groupe :
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un FabLab mobile transfrontalier dans l'Arc jurassien, plus particulièrement à destination des publics scolaires, via des modules pédagogiques; une version expérimentale de ce FabLab mobile circulera côté France d’ici la fin 2018;
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une forte implication au Crunch à Belfort en mai 2018, apportant ainsi un soutien « maker » aux 1'500 participant-e-s de ce hackathon universitaire et industriel.
ArcLab
Projet pilote et expérimental, l'action ArcLab a été mise en place à la rentrée 2018 avec pour objectifs l’identification et la définition de compétences pour des professions emblématiques du territoire, en lien avec les enjeux du 4.0 identifiés comme prioritaires par le Comité de pilotage.
Deux ateliers ont permis aux enseignant-e-s/chercheurs et chercheuses de la Cds d’identifier les professions sur lesquelles travailler et de poser les bases des compétences-clefs présentes et à venir, et profils-types qui les composent. A cette occasion, quatre professions emblématiques ont été identifiées (e-firmier-ère, community commerçant-e, digital transgénieur-e et digital transformateur-trice).
Cette expérimentation permettra la réalisation de vidéos thématisées sur chacune des quatre professions étudiées, à destination des établissements membres du réseau et des collectivités publiques.
Les bibliothèques de la Cds
Chacune des 7 institutions partenaires dispose d'une (ou d'un réseau de) bibliothèque(s) que l’on peut identifier sur cette carte :
Ces bibliothèques partagent 20 lieux physiques et emploient 150 collaborateurs et collaboratrices environ. Certaines sont rassemblées en un seul lieu (pour des domaines différents), d'autres sont réparties sur un territoire géographique de type campus. Elles ont également en commun d'avoir comme principal public les étudiant-e-s et enseignant-e-s de leur établissement, ainsi que des chercheurs et chercheuses orientés "métier". Mais les personnes privées et professionnelles sont également bienvenues et présentes dans ces structures.
Toutes ensemble ces bibliothèques conservent et mettent à disposition de leurs publics environ 1.000.000 de documents papier et elles traitent environ 420.000 prêts par an. Organisées en consortiums dans leurs pays respectifs, elles proposent en outre un nombre imposant de ressources en ligne aux membres de leurs institutions.
Dès les balbutiements du réseau, ces mêmes bibliothèques se sont regroupées et ont immédiatement perçu l'intérêt qu'elles auraient à collaborer. Non seulement elles sont toutes pilotées au sein d'une institution d'enseignement supérieur mais en plus, les thématiques qu'elles couvrent sont parfois proches, voire très proches et donc complémentaires en terme de fonds documentaires (bibliothèques « jumelles » de part et d’autre de la frontière).
Très rapidement, elles ont mis en place des actions simples de collaborations basées sur une charte qui part du principe de base de réciprocité et qui favorise la mise en réseau de bibliothèques membres. Cette charte s’établit sur une base d’égalité et d’avantages mutuels.
Dès avant la signature de l'«accord-cadre» validé par les responsables des institutions partenaires en juillet 2017, les différentes actions prévues ont immédiatement été mises en œuvre ou en chantier. Il s'agit de :
1 : Accueil réciproque des étudiant-e-s des établissements membres de la Cds
Cela signifie que toute personne inscrite dans une de ces bibliothèques bénéficie gratuitement d’une carte de bibliothèque dans un autre établissement membre.
Ainsi les étudiant-e-s qui optent pour un parcours mixte (voir par exemple le partenariat mis en place entre la HE-Arc ingénierie et l'UTBM) ont accès aussi bien aux ressources de la bibliothèque de leur institution d'affiliation qu'aux ressources de la bibliothèque du lieu sur lequel ils poursuivent leur formation.
2 : Prêts entre bibliothèques
Les bibliothèques ont établi une procédure très simple qui permet, grâce à la mutualisation des liens vers les catalogues en ligne (voir plus loin), de demander en prêt entre bibliothèques un ouvrage détenu par une bibliothèque partenaire de l'autre côté de la frontière. La communication se fait par e-mail et une plateforme collaborative permet d'enregistrer les échanges ainsi convenus. Les prêts sont accordés gratuitement par les bibliothèques partenaires et les frais de livraison par poste sont centralisés et pris en charge par le budget Cds du groupe de travail. En effet, afin de favoriser les prêts transfrontaliers entre bibliothèques partenaires, les frais engagés pour la bonne marche de ces échanges de documents sont pris en charge par le réseau Cds.
3 : Mutualisation des catalogues
Par le biais d’une carte des bibliothèques partenaires publiée sur le site web de la Cds, les membres ont accès à tout moment aux catalogues des bibliothèques et à leurs coordonnées.
Un document interne partagé permet également de disposer des contacts-clés dans cette organisation pour que la communication se fasse directement avec la bonne personne (essentiellement les collaborateurs et collaboratrices qui gèrent le prêt entre bibliothèques).
Cet aspect de la collaboration entre bibliothèques est bien sûr évolutif : si la plupart des fonds documentaires des partenaires français sont accessibles en interrogeant un seul catalogue (le Sudoc donne accès aux collections des bibliothèques de l’enseignement supérieur et de la recherche et permet de visualiser la localisation des exemplaires et donc leur disponibilité dans les bibliothèques participantes), les partenaires suisses sont membres soit du réseau Nebis, soit du réseau RERO dont l’interrogation est un peu plus complexe pour les collègues français. On s’aperçoit que dans ce cadre, la solution Worldcat peut être plus intéressante mais on se réjouit surtout de voir les bibliothèques académiques suisses rassemblées prochainement dans un seul réseau SLSP à l’horizon 2021.
4 : Cartographie des thématiques
En cours de réalisation, cette carte permettra de visualiser rapidement les thématiques fortes de chaque bibliothèque partenaire. Cet outil est conçu pour assister aussi bien les personnels concernés que les publics intéressés et leur permettra d’identifier plus facilement les catalogues à interroger en priorité pour obtenir des réponses précises et immédiates à leurs recherches documentaires. Il permet également de visualiser rapidement quelles bibliothèques sont complémentaires en termes de fonds et d’orienter ainsi immédiatement le public vers la bibliothèque qui répondra le mieux à ses attentes selon le lieu où il se trouve.
Une chargée de mission a été engagée par la Communauté du savoir pour une période de 7 mois afin de réaliser ce projet qui demande une analyse plus précise des partenaires, de leurs fonds et de leurs services parallèlement à leur offre de formation.
Une version beta de cette carte est publiée sur le site web de la Cds. Elle pourra être mise à jour au fur à mesure de l'évolution des politiques documentaires des bibliothèques partenaires et sera relayée également sur les sites web de ces mêmes bibliothèques.
5 : Mutualisation de supports de communication
Un ensemble de supports ont été réalisés sur budget de la Cds pour permettre aux bibliothèques participantes d’informer
- d'une part les équipes en charge de la mise en pratique des échanges convenus,
- et d'autre part leurs publics selon un processus « réseau » clairement identifié.
Pour leurs équipes, les membres du groupe ont élaboré des affiches qui permettent d'identifier clairement le rôle du groupe du travail et le cadre dans lequel il évolue. Ces affiches ont pour thèmes :
- Les systèmes éducatifs en France et en Suisse ;
- Le réseau de bibliothèques et notamment : les lieux, les personnels, les environnements de travail, les publics, les catalogues et réseaux documentaires des uns et des autres ;
- Les collections et chiffres-clés des bibliothèques ;
- La carte des bibliothèques des établissements partenaires.
Ainsi les personnels des bibliothèques qui, sur le terrain, mettent en œuvre les échanges convenus entre les membres du groupe de travail ont une meilleure compréhension des situations des bibliothèques et de leurs réseaux dans leurs pays respectifs, et peuvent à leur tour promouvoir les services de la Communauté du savoir en exploitant les avantages de ces échanges au bénéfice de leurs lecteurs et lectrices.
Un élément important de cette communication interne est évidemment l'engagement des parties à respecter la législation nationale et les règlements intérieurs de chaque structure en matière de propriété intellectuelle et commerciale, y compris en matière de reproduction des œuvres. Elles s’engagent également à les faire respecter par leurs publics.
Pour communiquer cette fois avec ces mêmes publics, existants ou potentiels, et les informer des services que ce réseau peut leur offrir, le groupe de travail a également conçu des supports d'information mutualisés qui peuvent être partagés sur les sites web des bibliothèques et/ou institutions partenaires ainsi que sur les réseaux sociaux quand les bibliothèques disposent de tels supports de communication. Faire connaître les accès supplémentaires aux ressources documentaires que permet l’affiliation des bibliothèques à la Communauté du savoir est également un enjeu important de cette communication.
Enfin, dans l’idée de profiter de retours d'expériences entre elles, les bibliothèques ont également en projet le partage entre professionnel-le-s uniquement d'une newsletter par laquelle chaque membre peut informer les autres d'une initiative ou d'une animation particulière et de ses résultats. Cet échange de bonnes pratiques permet aux partenaires d'exploiter à leur façon des formats d'expériences nouvelles en les adaptant à leur propre structure.
6 : Projet de service questions-réponses
Selon l'évolution de la prise en charge du réseau par ses partenaires en 2019, le groupe bibliothèques a pour projet de mettre sur pied un service de questions-réponses à l'échelle transfrontalière. Il fait actuellement l'objet d'une étude de faisabilité et devrait bénéficier du soutien ponctuel d'une personne externe pour la mise en place et la réalisation concrète de cette action. Il pourrait dans un premier temps être intégré pour une phase test dans les bibliothèques de l’UFC à Besançon et, dans un deuxième temps, fédérer les unes après les autres toutes les bibliothèques affiliées à la Cds. Un tel service serait d’une grande richesse pour tous les publics de nos bibliothèques quelle que soit leur localisation géographique.
En conclusion, le groupe de travail «bibliothèques» de la Communauté du savoir est fier d’avoir pu mettre en place très rapidement des services documentaires transfrontaliers simples tout en poursuivant une réflexion de fond sur les projets qui pourraient profiter aux publics des bibliothèques participantes, qu’ils soient étudiant-e-s, enseignant-e-s, chercheurs, chercheuses ou membres à quelque titre que ce soit des institutions partenaires.
Et même si immédiatement, au sein de cette communauté, notre démarche collaborative nous a permis d’enrichir nos services par un prêt entre bibliothèques au niveau international, d’enrichir nos connaissances « métier » par le partage de nos bonnes pratiques et de réfléchir à la faisabilité d’un service transfrontalier de questions-réponses, nous abordons également ensemble toutes les questions que l'évolution de notre métier va nous amener à nous poser dans un proche avenir et notamment :
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La définition de thématiques partagées puisque développer nos partenariats permet de mutualiser les ressources et de miser sur des points forts dans une optique de complémentarité (réduire les coûts, gagner en efficacité, exploiter les compétences expertes) et de se tourner vers une économie d’accès plutôt qu’une économie de stock ;
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L’identification d’un service commun et uniformisé pour un public de plus en plus mobile qui pourra bénéficier du développement des synergies particulièrement encouragées dans un environnement géographique européen;
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La promotion des résultats de la recherche et de la valorisation des données en partageant nos archives institutionnelles et nos ressources en open access ;
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L’accès aux ressources documentaires et la prise en charge de nouvelles responsabilités dans le domaine des données de la recherche;
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La communication via les réseaux sociaux qui permettent de faire connaître nos services et activités et participent au rayonnement des bibliothèques.
Si les défis à relever se nomment « recentrer les bibliothèques au cœur de l’apprentissage » pour qu’elles soient le relais des savoirs, « connecter les chercheurs et chercheuses avec leur bibliothèque » afin qu’ils bénéficient d’une expertise à leur service et qu’ils puissent utilement préciser leurs besoins, « rendre visibles les bibliothèques et en simplifier l’accès » grâce au développement de solutions réciproques, alors nous sommes au bon endroit avec les bonnes personnes pour les relever !
Pour le groupe de travail des bibliothèques de la Communauté du savoir :
Agnès Dervaux-Duquenne, bibliothécaire-responsable
Haute Ecole Arc Ingénierie
Notes
[1][Consulté le 20.06.2018]
[2] ©Ex Libris
Sources et liens utiles :
http://www.communautedusavoir.org/
http://www.conference-transjurassienne.org/
http://www.communautedusavoir.org/nos-actions/les-bibliotheques-arc-jurassien/
Groupe de travail des bibliothèques - documents internes
© des illustrations : Cds
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