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Bibliothèque universitaire
Renouvaud : de la gestion de projet à la coordination du réseau vaudois des bibliothèques
Ressi — 20 décembre 2018
Jeannette Frey, Directrice BCU Lausanne, Présidente Renouvaud
Piergiuseppe Esposito, Chargé de missions BCU Lausanne
Résumé
En 2014, le Canton de Vaud décide de quitter RERO, le réseau des bibliothèques de Suisse occidentale, pour migrer vers de nouvelles technologies cloud. La Bibliothèque cantonale et universitaire - Lausanne va utiliser la méthode de gestion de projets HERMES, développée par la Confédération. Elle renonce à passer aux règles de catalogage RDA, conserve le format MARC21. Elle complète le cahier des charges GEMEVAL, élaboré par RERO, IDS et la BNS, pour lancer un appel d'offres qui aboutit à la sélection du système Alma de l’entreprise Ex Libris. Le contrat est signé à la fin de l'été 2015. Le programme, intitulé Renouvaud, se compose de trois sous-projets : organisationnel, informatique et bibliothéconomique. Il englobe, à peu d'exceptions près, toutes les bibliothèques du Canton de Vaud : patrimoniales, scientifiques, scolaires et lecture publique. Le réseau Renouvaud est opérationnel dès le 22 août 2016. Considérant que le projet national SLSP a choisi la même solution informatique (Alma), Renouvaud devrait être à même de coopérer avec lui. Renouvaud a tenu les délais fixés en respectant le budget voté. Fin 2017, il offre plus de 3,5 millions de documents imprimés et presque 1 million de documents numériques.
Renouvaud : de la gestion de projet à la coordination du réseau vaudois des bibliothèques [1]
Historique de la décision vaudoise
Le projet Renouvaud a été initié suite à la décision du canton de Vaud de quitter RERO (REseau ROmand, réseau des bibliothèques de Suisse occidentale). Le 14 mars 2014, la Conseillère d’État Anne-Catherine Lyon, cheffe du Département de la formation, de la jeunesse et de la culture (DFJC), annonçait à la Conférence intercantonale de l’instruction publique de la Suisse romande et du Tessin (CIIP), organe titulaire de RERO, que le canton de Vaud se dédisait de la convention intercantonale RERO à fin 2016[2]. Cette décision était motivée par l’impossibilité de trouver une nouvelle gouvernance pour RERO après 8 ans de tractations, ce qui bloquait l’investissement pour le passage à de nouvelles technologies cloud. Plusieurs solutions pour la gouvernance avaient été étudiées, le concordat intercantonal, puis l’option de créer une association, sans succès. Au terme de nombreuses discussions et de longs blocages, la Conseillère d’État constatait que RERO était devenu pénalisant pour le réseau vaudois et la Bibliothèque cantonale et universitaire – Lausanne, en particulier pour répondre aux demandes pressantes des utilisateurs universitaires. Le 17 mars 2014, la Direction de la BCU Lausanne répercutait la nouvelle de la dédite de la convention auprès de l’ensemble de ses collaborateurs ainsi qu’aux partenaires des bibliothèques vaudoises membres de RERO.
Mandat donné par le politique pour Renouvaud
Donnant suite à cette décision, le DFJC émettait en avril 2014 un mandat de reprise de la gestion du réseau vaudois par la BCU Lausanne à la sortie du canton de Vaud de RERO, soit au 1er janvier 2017. Le mandat détaille les objectifs généraux et spécifiques du projet Renouvaud. À la fin du projet, la BCU Lausanne devait se trouver en mesure d’offrir une solution de gestion effective et efficiente du réseau, au point de vue organisationnel, financier et métier et avoir mis en place un système de gestion intégré de bibliothèque (SIGB) dans le cloud, permettant aux bibliothèques vaudoises de collaborer entre elles et avec d’autres réseaux suisses et francophones, ainsi qu’avec la Bibliothèque Nationale Suisse (BNS). Le mandat prévoyait également que la BCU Lausanne propose au DFJC une gouvernance pour le réseau vaudois ainsi qu’un nouveau business model avec des flux d’argent simples et transparents. Le défi était de taille en raison des délais imposés.
La gestion de grands projets à la BCU Lausanne
Pour la gestion de ses projets, la BCU Lausanne a recours à la méthode de gestion de projets HERMES, développée par l’Unité de pilotage informatique de la Confédération[3]. L’organigramme, les rôles, le phasage et planning ont donc été mis en place selon cette méthode. Le pilotage et la conduite reposent sur deux instances : un comité de pilotage (CoPil) et un comité de projet (CoPro).
Éléments de la méthode HERMES 5
Source : Manuel de référence HERMES 5.1 (repli cartonné de couverture)
Principes de base pour la mise en place du réseau Renouvaud
La BCU Lausanne a lancé le projet Renouvaud avec l’objectif d’implémenter les outils, services et processus de travail nécessaires à la reprise des fonctionnalités couvertes pour le réseau vaudois par les anciens outils de RERO, et de les compléter avec des fonctionnalités pour lesquelles le réseau vaudois n’avait pas reçu de réponses de RERO au cours des années précédentes – en particulier l’acquisition, la gestion et la mise à disposition des ressources numériques. Déjà au sein de RERO, la BCU Lausanne assurait pour les bibliothèques vaudoises la gestion d’un certain nombre de processus : bon nombre de formations dispensées, la participation aux groupes de travail et aux task forces, etc.).
La reprise complète de la gestion du réseau vaudois nécessitait cependant d’étudier les processus de travail partagés existants entre la Centrale RERO et la Coordination locale vaudoise, ainsi que de cartographier les processus de travail à créer pour compléter l’existant, un travail qui a été fait dans le cadre de la phase d’analyse préliminaire.
Plusieurs scénarios ont été élaborés, avec ou sans modification des règles de catalogage et du format de métadonnées lors de la migration des données.
Au-delà de leur utilisation au sein de RERO, les règles AACR2 (règles de catalogage anglo-américaines) constituaient alors l’ensemble structuré de règles de catalogage le plus usité dans le monde, traduit dans de nombreuses langues. Un mandat de veille prioritaire fut confié à un groupe de travail composé d’experts en catalogage afin d’évaluer l’impact et la faisabilité d’un passage aux normes RDA / FRBR durant la phase de conception du projet. Il en ressortit que le RDA n’était pas encore abouti, que la traduction française avait été interrompue et que la France ne prévoyait pas une transition dans un futur proche.
Finalement, ce fut le scénario impliquant un changement de SIGB sans passage aux règles de catalogage RDA, et sans modification du format des notices MARC21 vers un modèle FRBR qui fut choisi, en raison d’une part des délais de réalisation et de mise en œuvre très serrés et d’autre part parce que cela réduisait considérablement la complexité du projet.
Le cahier des charges Renouvaud
En ce qui concerne le cahier des charges, le projet Renouvaud ne partait pas de rien. De 2009 à 2012, RERO, IDS et la BNS avaient mené le projet GEMEVAL (Gemeinsame Evaluation eines neuen Bibliothekssystems), au cours duquel un cahier des charges commun avait été ébauché. Un appel d’offres commun n’avait cependant pas pu être envisagé, notamment en raison du fait que pour les partenaires IDS, chaque canton aurait dû être partenaire et valideur de l’appel d’offres public, ce qui semblait impraticable.
Après l’initialisation du projet Renouvaud, l’ébauche de cahier des charges issue de GEMEVAL a donc été reprise et complétée par un recueil exhaustif des besoins des membres du réseau vaudois, afin d’offrir un tableau synthétique des éléments principaux devant être couverts par un appel d’offres public. Les spécialistes de chaque domaine ont participé à la rédaction en détail de tous les points. La récolte des informations s’est déroulée par tandem de deux personnes : une personne en charge de la rédaction du besoin et une personne en charge de la relecture du besoin.
On remarquera que la description de la solution cible comprend des fonctions requises (obligatoires), des fonctions additionnelles souhaitables (optionnelles) et des fonctions facultatives (Nice to have). Cette différentiation résulte des conditions-cadres des appels d’offres publics. Les fonctions facultatives sont par exemple des points présentant un intérêt, mais hors périmètre du projet tel qu’évalué dans le cadre de l’appel d’offres public.
Les fonctionnalités standards étaient regroupées en sept modules pour décrire l’architecture fonctionnelle : acquisitions, catalogage, périodiques, lecteurs, circulation, statistiques et catalogue public. Les exigences du système, autant fonctionnelles que non fonctionnelles, ont été modélisées selon le formalisme UML des cas d’utilisation (Use Case). Les cas d’utilisation ainsi obtenus sont regroupés dans des modules qui eux-mêmes sont regroupés dans des thèmes. Pour chaque module précité, les exigences requises sont jugées indispensables pour le démarrage de l’exploitation du SIGB au 1er janvier 2017, tandis que les fonctionnalités souhaitées peuvent être mises à disposition des usagers dans un second temps.
L’appel d’offres public – état du marché du SIGB cloud en 2014
La rédaction du cahier des charges fut effectuée dans un temps record durant l’été 2014, ce qui permit de lancer l’appel d’offres public à l’automne 2014. L’objet du marché était d’acquérir et déployer un SIGB couvrant l’ensemble des besoins des bibliothèques du réseau vaudois ainsi que la fourniture de prestations associées. Le périmètre de l’offre comprenait la fourniture et la maintenance d’un SIGB dans le cloud, incluant la mise à disposition et la maintenance de deux environnements (soit production et test), ainsi que la formation de l’équipe de projet et des formateurs eux-mêmes.
Le marché a été adjugé sur la base des cinq critères d’évaluation suivants (avec leurs pondérations) : prix total de l’offre (30%), organisation pour l’exécution du marché (15%), qualité fonctionnelle et technique (30%), organisation de base du soumissionnaire (15%) et références du soumissionnaire (10%).
Négociations avec Ex Libris : quelques constats
La BCU Lausanne a reçu cinq offres dont deux durent être rejetées en raison du non-respect des conditions de forme et de participation. Sur les trois offres retenues, le choix de la solution Alma - Primo de la société Ex Libris présentait le rapport qualité-prix le plus avantageux. Alma est une solution cloud de SIGB dernière génération permettant une gestion unifiée de toutes les ressources documentaires, imprimées, multimédias et électroniques. Orienté processus, le logiciel propose des outils de gestion puissants et personnalisables, bien adaptés à un réseau de bibliothèques tel que le réseau vaudois. Primo est l’outil de découverte utilisé pour accéder au catalogue permettant l’accès direct à tout le contenu proposé par les bibliothèques du réseau ; cet outil était déjà connu des bibliothèques vaudoises dans la mesure où il s’agit de la solution à la base du portail Explore de RERO.
L’adjudication du marché fut suivie d’une assez longue phase de négociation. Pour ces formulations juridiques pointues, l’équipe de projet put s’appuyer sur le Service juridique et législatif (SJL) de l’État de Vaud, qui apporta une contribution fondamentale en termes de rédaction et de relecture du contrat. Après plusieurs tours de négociation, le contrat put être signé entre l’État de Vaud et Ex Libris à la fin d’été 2015, avec un démarrage officiel des activités de projet avec le fournisseur fixé au mois de septembre. En attendant, un premier workshop avec deux personnes d’Ex Libris – un chef de projet et un spécialiste de l’équipe d’implémentation du logiciel – fut organisé durant l’été 2015 à la BCU Lausanne, workshop au cours duquel le processus de migration des données fut discuté et la date du go-live confirmée au 22 août 2016.
Dès lors commença le long travail de description détaillée de l’implémentation. Une décision dut tout d’abord être prise sur l’architecture globale du système. Au premier niveau de définition, le système d’Ex Libris offre une « community zone » globale, agrégeant des données en provenance des éditeurs et de toutes les bibliothèques utilisant le système. Au second niveau, le réseau Renouvaud a acheté une zone réseau, qui génère pour le réseau un catalogue commun. Un troisième niveau regroupe toutes les bibliothèques scolaires et de lecture publique dans un ensemble, et toutes les bibliothèques scientifiques et patrimoniales dans un autre. Chaque ensemble partage ses fichiers lecteurs et d’autres paramétrages. Un quatrième niveau définit les bibliothèques, un cinquième respectivement leurs différents sites et dépôts.
L’affinage du paramétrage entraîna un grand nombre de discussions de détail : ainsi, pour le paramétrage de l’accès au catalogue des bibliothèques scolaires, l’équipe de projet exigea que dans ce catalogue n’apparaissent que les ouvrages disponibles dans la bibliothèque d’où était effectuée la recherche. Cette demande se justifie par le type de public qui fréquente les bibliothèques scolaires, peu apte à se déplacer physiquement dans une autre bibliothèque ou à effectuer un Prêt Entre Bibliothèques (PEB) pour emprunter un ouvrage. Aussi simple que cela puisse paraître, la question a posé de prime abord un problème de taille au fournisseur, pour qui ce type de développement allait à l’encontre de ceux prévus pour l’outil de découverte Primo. Finalement, les discussions portèrent leurs fruits et le problème fut réglé par la création d’un portail par bibliothèque scolaire.
Gestion du projet, structure du projet et personnels BCUL impliqués
- le projet d’organisation permettait de constituer le nouveau réseau vaudois de bibliothèques et de formaliser sa gouvernance. Le projet d’organisation a également défini la structure de la centrale de coordination du réseau vaudois de bibliothèques, ses responsabilités et son business plan. Il a établi le cadre contractuel déterminant les relations entre la BCU Lausanne, les membres du réseau et ses partenaires (RERO, BNS, BNF, etc.). Il a aussi été chargé de créer les conditions-cadres pour assurer une collaboration active entre bibliothèques du réseau vaudois et, dans la mesure du possible, avec d’autres réseaux de bibliothèques (IDS, SUDOC, etc.) ;
- le projet informatique comprenait l’acquisition du nouveau SIGB localisé dans le cloud, la migration des données et la recette du système qui devait permettre la gestion des ressources des bibliothèques du réseau vaudois, l’acquisition des ouvrages, le prêt, ainsi que l’accès aux contenus imprimés, multimédias et électroniques, dès le 1er janvier 2017 ;
- le projet bibliothéconomique permit de formaliser les normes et les standards appliqués au sein du réseau vaudois dans tous les domaines d’activité des bibliothèques, c’est-à-dire l’acquisition, le catalogage, le bulletinage, le prêt, le prêt interurbain, respectivement l’indexation et l’importation de masse de notices, l’activation des ressources numériques ainsi que la livraison d’indicateurs statistiques. Ceci permit aussi de créer et de dispenser les formations, ainsi que de mettre en place un contrôle qualité.
Selon HERMES, le pilotage du projet Renouvaud reposait sur un comité de pilotage (CoPil), qui assumait collégialement la responsabilité du projet dans son ensemble. Présidé par Jeannette Frey, directrice de la BCU Lausanne, et composé de représentants des différents types de bibliothèques membres du réseau vaudois, le CoPil s’est réuni tous les deux mois. Il a surveillé et piloté le déroulement du projet de manière globale, assuré l’acquisition et la mise à disposition des moyens nécessaires et garanti leur utilisation optimale. Le CoPil traitait aussi des problèmes extraordinaires, et, last but not least, validait les différents points de décision, notamment la conclusion et la libération des différentes phases du projet. Afin d’avoir une gestion professionnelle et neutre de la qualité et des risques, une consultante externe fut mandatée par la BCU Lausanne et associée au CoPil.
La conduite du projet reposait ensuite sur un comité de projet (CoPro), présidé par Alexandre Lopes, responsable Technologies bibliothécaires de la BCU Lausanne, ce dernier assumant le rôle de chef de projet. Le CoPro se réunissait de façon hebdomadaire. Le chef de projet était épaulé par un consultant externe mandaté pour prendre en charge la conduite de la partie informatique du projet. Au bénéfice de compétences sénior en gestion de projet, il était le principal répondant pour l’appel d’offres public, les spécifications détaillées ainsi que la recette.
Le projet Renouvaud se composait de trois sous-projets afin de répondre aux exigences du mandat du DFJC :
Organigramme Renouvaud
Source : Rapport Annuel Renouvaud 2017, p. 15.
Les tâches des sous-projets ainsi que les activités transversales furent assurées par une dizaine de groupes de travail ad hoc : GT appel d’offres, GT migration, GT spécifications détaillées, GT recette, GT bibliothéconomie, GT fonctionnement du réseau, GT formation, GT gestion qualité, GT communication, GT gestion du changement et GT organisation de la coordination. Les objectifs des groupes de travail furent définis dans un mandat propre à chaque groupe. Chaque responsable gérait son GT comme un projet en tant que tel avec son propre planning, ses charges, ses délais et ses livrables. Il assurait la coordination des activités du groupe et était garant du respect des délais et des jalons fixés par le groupe. Il veillait également à la qualité des livrables de son groupe, avec le support de la responsable Qualité. Du côté de la BCU Lausanne, le chef de projet prit en charge le GT migration, tandis que le directeur adjoint du site Unithèque, Jean-Claude Albertin, dirigea le GT fonctionnement du réseau et le GT gestion du changement. Un apport majeur vint aussi de Jasmin Hügi (GT bibliothéconomie), de Jean-François Richer (GT formation) et de Fanny Peuker (GT organisation de la coordination). 80% des personnels impliqués dans les groupes de travail furent mis à disposition par la BCU Lausanne, 20 % par les autres membres du réseau, avec des provenances aussi diverses que les bibliothèques scolaires et les bibliothèques du CHUV.
Principaux défis dans la gestion du projet
Au cours de l’année 2015, le CoPil a pris l’une après l’autre les décisions nécessaires à la formulation du concept et à la réalisation du projet Renouvaud. Le CoPil a notamment validé les organigrammes pour les différentes phases du projet, les règles de catalogage au passage sur le nouvel outil, le plan de communication, le plan qualité, le suivi des risques, la topologie du futur réseau, les mesures de protection des données des lecteurs et l’interfaçage avec des applications tierces. De plus, le CoPil a validé le passage à une indexation avec RAMEAU précoordonnée, composé d’une chaîne de mots matières (en opposition à l’utilisation de mots matières individuels). Parmi les nombreux avantages de cette pratique, on doit mentionner l’exploitation des indexations des bibliothèques partenaires RAMEAU (p.ex. BNF, SUDOC) et une meilleure exploitation de Primo dans l’organisation hiérarchique des mots matières.
L’un des principaux défis dans la gestion du projet fut de tenir les délais tout en maintenant la motivation des collaborateurs sur la durée. Un planning détaillé du projet fut établi et mis à jour régulièrement, afin d’avoir une vue d’ensemble de l’avancement des travaux de chaque groupe de travail. Outre les rapports de phase produits à la fin de chaque phase HERMES, des documents de reporting permirent de jalonner la vie du projet Renouvaud avec une périodicité mensuelle : le rapport d’état du projet, le rapport d’évaluation des risques et l’état des lieux des groupes de travail.
Un autre défi de taille était de réussir à motiver les groupes de travail impliqués dans le projet, sous la contrainte d’un planning serré. Une grande importance fut accordée par le chef de projet au recrutement de membres des équipes et des groupes à la fois engagés, motivés et prêts à relever un défi sur une durée relativement longue. Pendant toute la durée du projet, les vacances furent accordées en fonction du calendrier du projet et des reports furent parfois nécessaires afin de tenir les délais. L’équipe de projet fit également preuve de souplesse et ne ménagea pas ses efforts en termes d’horaires, les séances pouvant se prolonger jusque dans la nuit.
La définition précise des configurations souhaitées, les tests et la préparation de la migration des données ont constitué un autre défi majeur pour l’équipe de projet. Un test de conformité des données à migrer relativement aux spécifications de migration fut suivi par un test de chargement des données dans le futur système informatique. Conformément à la loi sur la protection des données, au début du mois de décembre 2015 et avant de charger les données dans le système même test, une communication fut faite à l’ensemble des usagers les informant que leurs données seraient transmises au fournisseur du nouveau SIGB. La bonne préparation de la communication permit d’optimiser cette étape et seule une trentaine de personnes refusa que leurs données soient transmises, dont une quinzaine pour des raisons autres que la protection des données. En parallèle, les données extraites du catalogue de RERO furent transmises via un protocole sécurisé à Ex Libris le 14 décembre, date à laquelle commença donc la migration de test sur l’intégralité des données ; le but de cette opération était de faire une répétition générale de la migration de bascule prévue en août 2016. Ex Libris livra dans les délais prévus l’environnement de préproduction du logiciel Alma, le 8 février 2016. Dès la livraison effective, le groupe de travail chargé de la migration effectua des tests de manière à s’assurer que la qualité des données était bien conforme pour poursuivre les travaux. Aucun problème majeur nécessitant de refaire entièrement la migration de test ne fut rencontré. Quelques anomalies furent détectées et rigoureusement inventoriées, mais, de manière générale, la qualité des données migrées fut jugée très satisfaisante. En dépit du décalage en urgence du début de la phase de bascule (cutover) en raison d’une erreur de planification du fournisseur, la migration de bascule put être effectuée au moment du passage en production, soit le 22 août 2016.
La traduction des interfaces des outils Alma et Primo, qui faisait partie du cahier des charges pour l’appel d’offres, représenta un autre défi à gérer pour l’équipe de projet ainsi que pour les différents groupes de travail impliqués, et en particulier pour le GT6 formation. Lors de la livraison des interfaces en français, prévue relativement tardivement pour le printemps 2016, des problèmes de traduction de l’anglais, voire des oublis furent détectés. De plus, certaines traductions portaient parfois à confusion soit pour les professionnels, car le vocabulaire-métier ne se retrouvait pas dans Alma, soit pour les utilisateurs. Bien que des contrepropositions de traduction furent faites par la Coordination Renouvaud, il s’avérait parfois très laborieux d’obtenir l’intégration des modifications demandées. Concernant l’aide en ligne d’Alma, les textes furent traduits en français, mais les captures d’écran et les vidéos restèrent finalement en anglais, en raison du fait qu’elles sont mises à jour de manière centrale pour toutes les langues. Cela ne fut pas sans poser problème au groupe de travail chargé de la formation de plus de 500 collaborateurs du réseau avant le lancement.
Renouvaud se lance !
À la veille du go-live, les résultats obtenus par les équipes et les groupes de travail furent considérés conformes aux attentes. Concernant la partie informatique du projet, la recette était terminée avec un bilan de 80% des besoins testés avec succès. Après de longs mois de préparation, Renouvaud fut lancé le 22 août 2016, comme prévu dès le montage du projet avec le fournisseur juste après l’adjudication du marché. En dehors d’un problème mineur avec le chargement des données « lecteurs » des bibliothèques scolaires, le démarrage fut fluide et les services proposés aux usagers furent actifs dans tout le réseau dès 14h00 ce jour-là, à l’heure prévue pour le début des activités de prêt. Pour l’anecdote, la première transaction fut effectuée à 14h01. Le service de prêt fut tout de suite fonctionnel, des dizaines de milliers d’utilisateurs purent se loguer pendant la première semaine et il y eut beaucoup de feedbacks positifs des bibliothèques du réseau. Certes, le 22 août ne fut qu’une étape et de nombreuses tâches attendaient encore l’équipe de projet. Les mois qui suivirent le lancement permirent néanmoins aux collaborateurs et aux utilisateurs de prendre en main l’outil et de l’utiliser quotidiennement dès avant la sortie effective du réseau RERO, soit au 31 décembre 2016.
Plusieurs actions de communication accompagnèrent le lancement. Outre les informations régulièrement mises à jour sur le site web de la BCU Lausanne, une charte graphique Renouvaud fut créée et déclinée, aussi bien sur les interfaces du SIGB que sur les imprimés, crayons et sacs distribués dans toutes les bibliothèques du réseau. À l’interne, plusieurs séances plénières réunirent les professionnels du réseau tandis que des messages informant les usagers et des présentations publiques permirent de préparer les usagers à ce changement.
Les travaux après le lancement
La migration des données étant désormais terminée et le changement de logiciel effectif, la Coordination Renouvaud reprit ses travaux. Lorsque les fonctionnalités offertes par les outils Alma et Primo ne répondaient pas aux besoins ou attentes, des développements informatiques furent faits en interne afin de se rapprocher au maximum du fonctionnement prévu. Pour gérer les demandes en provenance des bibliothèques du réseau, un outil de ticketing testé au préalable à la BCU Lausanne fut mis à disposition de tous les professionnels du réseau après le go-live. Dès lors, un important travail de stabilisation du système fut mené par la Coordination : elle repérait les dysfonctionnements des outils et les annonçait à l’équipe de support d’Ex Libris, afin qu’elle puisse les résoudre ou proposer une solution de contournement dans les meilleurs délais. Ex Libris acceptait de faire des développements s’il s’agissait d’un besoin partagé par un nombre suffisamment important de clients. Ainsi, Alma évolue très régulièrement avec des mises à jour mensuelles de l’outil contenant des améliorations et de nouvelles fonctionnalités. Le paramétrage fin de certaines fonctionnalités permit l’adoption progressive de « bonnes » pratiques et la prise en main d’Alma par les professionnels du réseau vaudois ; ceci s’accompagna de la mise à disposition de manuels sur mesure pour intégrer les processus.
À la fin de l’année 2016, la Coordination Renouvaud mit pour la première fois à disposition des bibliothèques du réseau toutes les statistiques habituellement fournies par la Coordination vaudoise ou par RERO. À noter que la nouvelle plateforme de gestion implique certaines différences dans la façon d’élaborer les chiffres, différences liées aux méthodes propres à chaque logiciel. Alma propose un outil très puissant de génération de produits et statistiques nommé Analytics (développé par Oracle) qui permet aux bibliothécaires-système de préparer des rapports et listages flexibles. Le tableau de bord « statistiques d’acquisitions » est par exemple destiné à faciliter le pilotage, la gestion des budgets et des commandes dans Alma. Il s’agit alors de définir les paramètres permettant la génération correcte de ces statistiques en fonction d’un certain nombre de critères choisis par les bibliothécaires du réseau. Parfois, des erreurs de calcul furent repérées et corrigées grâce au zèle des bibliothécaires – ce fut le cas par exemple des statistiques des prolongations de prêt.
Par ailleurs, un toilettage des processus de travail est amorcé au sein de la BCU Lausanne, aussi bien dans le cadre du circuit du document que dans celui des services au public, afin de revoir ou de redistribuer autrement certaines tâches. Pour ce faire, des réflexions approfondies sont engagées par les différents services sur la manière de fonctionner, le potentiel de collaboration entre les équipes, les sites et avec le réseau.
L’utilisation d’un système cloud permet en l’essence de partager et de réutiliser très facilement des métadonnées en provenance du monde entier. D’autres acteurs suisses avancent également dans la réinformatisation de leurs bibliothèques et réseaux. La Bibliothèque nationale suisse, tout comme le projet SLSP (pour Swiss Library Service Platform, géré maintenant par la SLSP S.A.) utiliseront à moyen terme les mêmes outils que le réseau Renouvaud. La question est donc maintenant de savoir comment ces différents acteurs suisses interagiront au niveau national sur la base d’un même outil plus global, quelles coopérations seront envisagées, respectivement quels services seront proposés par une plateforme commerciale comme SLSP S.A., à quel prix et avec quelle plus-value pour les éventuels clients.
Interconnexion des systèmes par APIs
Un des avantages d’un système comme Alma est son potentiel de connexion facilitée à d’autres systèmes par les APIs (Applications Programming Interfaces). À l’initiative de deux services centraux de la BCU Lausanne, l’interfaçage avec d’autres systèmes apporta rapidement une autre pierre à l’édifice Renouvaud. La 1re Assemblée annuelle Renouvaud du 29 septembre 2017 fut l’occasion de présenter GOBI de la maison EBSCO, un outil d’acquisition automatisée de livres numériques.
De son côté, le service Finances de la BCU Lausanne étudia le développement d’une interface permettant l’interconnexion avec le système de facturation de l’État de Vaud (SAP). Ensuite, les principaux fournisseurs furent contactés afin de leur proposer de passer au système d’importation automatique de factures en format EDI (Electronic Data Interchange). La mise en place de ce système permettra un gain de temps considérable au service Finances ; une extension de ce système à d’autres bibliothèques du réseau est envisagée à moyen terme. Ces deux réalisations permettent à la fois de travailler de manière plus efficace (réduction du temps), et plus efficiente, car elles permettent de diminuer le risque d’erreurs.
Gestion du réseau vaudois par la Coordination Renouvaud
Au début de l’année 2017, Renouvaud sortit peu à peu du mode projet et mit en place les différents organes pour garantir un fonctionnement efficient sur la durée. Le CoPil muta en Conseil Renouvaud et valida d’une part les missions, la structure et l’organisation de la Coordination Renouvaud et confirma d’autre part la mise en place des commissions techniques pour traiter les questions métier au sein du réseau. Un responsable de la Coordination Renouvaud put être recruté en la personne de Christian Bürki, dès le 1er mai 2017. Son engagement s’accompagna de la mise en place d’un plan d’action composé de trois axes stratégiques : stabiliser, optimiser et innover. Les deux premiers axes posèrent les bases pour la gestion du réseau les années à venir. D’abord, il s’agissait de consolider le fonctionnement du réseau après le lancement de la nouvelle plateforme. Ensuite, il s’agissait de simplifier et de standardiser les tâches afin d’augmenter la cadence de l’intégration des bibliothèques. En effet, la vitesse d’intégration des bibliothèques dépend non seulement des ressources financières et humaines à disposition, mais aussi de l’expérience acquise avec Alma.
Dès le mois de mai 2017, la Coordination se penchait sur le processus d’intégration des nouvelles bibliothèques et les paramétrages de base d’Alma. Le temps de paramétrage du prêt fut divisé par 10 après 5 mois. En parallèle, il fut établi que l’optimisation du processus d’intégration passera par une priorisation des bibliothèques à intégrer en fonction de leur degré de complexité d’intégration, selon les prestations sollicitées. Le principe est d’intégrer les bibliothèques par wagons, selon les paramétrages souhaités. Afin de les intégrer pleinement au réseau, la migration de leurs données, la formation des collaborateurs et le paramétrage de l’outil sont réalisés. L’année 2017 permit ainsi une première consolidation de la plateforme hébergeant déjà 109 bibliothèques du réseau vaudois. Ce fut l’occasion d’harmoniser un certain nombre de pratiques, par exemple au niveau des règles de prêt, de mettre en place des procédures et de développer des outils pour faciliter l’arrivée de nouveaux membres. Un des premiers outils développés permit de charger de manière semi-automatique les données des étudiants et écoliers avant chaque nouvelle rentrée scolaire. Une adaptation de l’outil de raccrochage pour les migrations permettra de concrétiser ultérieurement les efforts de la Coordination. En effet, ce seront plus de 50 nouvelles bibliothèques qui vont grossir le réseau Renouvaud entre 2018 et 2021.
Organes Renouvaud
Source : Rapport Annuel Renouvaud 2017, p. 11.
Bilan deux ans après le lancement
Lors du lancement du projet Renouvaud en 2014, la Conseillère d’État Anne-Catherine Lyon avait défini les objectifs généraux et spécifiques du projet. Deux ans après le lancement de la nouvelle plateforme de gestion, 95% des fonctionnalités ont été validées et les objectifs ont tous été atteints, sauf la validation formelle de gouvernance, qui est encore en attente. La publication du premier rapport annuel Renouvaud 2017 montre que les délais ont été tenus et le réseau Renouvaud dispose depuis le 1er janvier 2017 de toute l’infrastructure nécessaire au bon fonctionnement des bibliothèques le composant. Le budget a été respecté et le solde au 31 décembre 2017 du crédit d’investissement s’établit à CHF 85'494. A cette date, Renouvaud compte au total 109 bibliothèques, dont 53 scientifiques et/ou patrimoniales et 56 bibliothèques scolaires et de lecture publiques. Les chiffres de l’utilisation du réseau par les publics sont excellents et représentent une progression forte par rapport aux années précédentes : de l’offre imprimée totale (3'507'127) à l’offre de ressources électroniques (938'443), des recherches dans le catalogue (2'111’813), du nombre de prêts (1'843'627) au nombre de consultations des ressources électroniques (près de 3 millions). De toute évidence, l’intégration des outils Alma et Primo, permet aux publics d’accéder plus facilement aux ressources imprimées et numériques.
En 2017, Renouvaud est l’un des plus grands réseaux de bibliothèques suisses et le premier à utiliser une plateforme de dernière génération basée sur une technologie cloud. Pour relever les défis de la 4e révolution industrielle, qui touchent les bibliothèques de plein fouet, Renouvaud a mis en place une organisation structurelle agile au niveau des décisions stratégiques. Le réseau a aussi construit une équipe bicéphale, technique et métier, qui permet une gestion professionnelle de la plateforme technique tout en maintenant un lien métier fort avec les bibliothécaires, stimulant d’échanges intensifs et assurant la formation continue des bibliothécaires. Cette organisation s’appuie sur une bonne compréhension du terrain et permet une mise en place de processus et d’outils les plus adaptés possible aux besoins de plus de 500 professionnels du réseau qui travaillent quotidiennement au service d’environ 140’000 usagers de tous les âges. Renouvaud est un réseau jeune, dynamique et complexe qui est en train de mûrir grâce aux échanges entre professionnels du réseau. L’organisation d’assemblées annuelles et de tables rondes par la Coordination Renouvaud nourrit cette perspective. Ces plateformes d’échanges entre professionnels permettent la circulation des informations et des idées et font progresser l’ensemble du réseau, tout en ouvrant des perspectives de collaboration très réjouissantes dans les années à venir.
Bibliographie
DFJC, Reprise de la gestion du réseau vaudois par la Bibliothèque cantonale et universitaire Lausanne (BCU Lausanne) au 1er janvier 2017, 8 septembre 2014
État de Vaud et BCU Lausanne, Appel d’offres marché public : procédure ouverte. Projet Renouvaud. Conditions et formes de participation, 11 novembre 2014
État de Vaud et BCU Lausanne, Appel d’offres marché public : procédure ouverte. Projet Renouvaud. Cahier des charges, 11 novembre 2014
État de Vaud, Exposé des motifs et projet de décret accordant au Conseil d’État un crédit d’investissement de CHF 2'307'000 pour financer la mise en œuvre du futur réseau vaudois des bibliothèques et du système d’information associé dans le cadre du programme de gestion des bibliothèques du réseau vaudois (RenouVaud), juin 2015
Lettre d’information Renovaud, années 2015-2018
Rapport annuel BCU Lausanne, années 2014-2017
Rapport annuel Renouvaud, année 2017
Notes
[1]Note méthodologique. La préparation de cet article se base sur la consultation de sources publiées et non publiées produites dans le cadre du projet Renouvaud. Certaines parties de l’article reprennent le contenu des rapports annuels de la BCU Lausanne et du premier rapport annuel Renouvaud, édités sous la direction de Jeannette Frey. Nous avons également repris et adapté certaines parties des sources non publiées (rapport d’initialisation, rapport d’analyse préliminaire et appel d’offres public du projet Renouvaud). Nous remercions vivement Alexandre Lopes, Christian Bürki et Jasmin Hügi pour leurs renseignements et suggestions. Le contenu de cet article reste bien sûr de la seule responsabilité de ses auteurs.
[2]Comme le stipule l’article 24 de la Convention RERO, adoptée le 25 novembre 1999, la sortie est effective au 31 décembre 2016, afin de respecter le délai de sortie de 24 mois à l’avance pour la fin d’une année civile.
[3]HERMES online : http://www.hermes.admin.ch. La version 5 a été lancée en 2013 et le release 5.1 en juin 2014.
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Les humanités numériques et les spécialistes en information documentaire : compte-rendu de la 1re Digital Humanities Summer School, 26-29 juin 2013, Berne
Ressi — 20 décembre 2013
Mathilde Panes, Haute Ecole de Gestion, Genève
Igor Milhit, Haute Ecole de Gestion, Genève
Les humanités numériques et les spécialistes en information documentaire : compte-rendu de la 1re Digital Humanities Summer School, 26-29 juin 2013, Berne
Les Digital Humanities, un terme en vogue actuellement, suscitent la curiosité d’une partie des professionnels des sciences humaines et de l'information, font l'objet de nombreux articles et ont eu droit à leur première école d'été en Suisse. Organisé par infoclio.ch (Infoclio 2013), cet événement a eu lieu du 26 au 29 juin 2013 à l'Université de Berne (Natale 2013a).
La jeunesse de cette discipline induit une certaine liberté de définition. En effet, les acteurs des Digital Humanities n'ont pas encore formulé une définition établie de ce domaine, mais plutôt des esquisses. Lors de son intervention durant l'école d'été, Susan Schreibman, professeur au Département des Humanités numériques du Trinity College de Dublin (Trinity College Dublin 2011), interroge l'audience : les humanités numériques sont-elles un domaine, un outil, une discipline ? Tout cela à la fois ? Ou encore autre chose ? La question reste en suspens. Wikipédia, l'encyclopédie libre en ligne, présente les digital humanities de la manière suivante : elles « sont un domaine de recherche, d'enseignement et de création concernés par le croisement entre l'informatique et les disciplines des sciences humaines. » (Humanités numériques 2013). L'expression digital humanities se traduit en français par « humanités numériques » ou encore « humanités digitales » (Clivaz 2012). Nous utiliserons dans ce texte ces trois expressions indifféremment.
Si la plupart des chercheurs travaillent dans un environnement numérique, l'utilisation des nouvelles technologies pour élargir et mettre en valeur les sciences humaines en est à ses balbutiements, ou alors, selon le point de vue, à sa redécouverte. Comme le mettent en évidence les deux graphiques ci-dessous, l'expression Digital Humanities semble apparaître au début des années 2000. Le terme "Humanities computing" est son prédécesseur, ce qui souligne que les sciences humaines, comme la plupart des sciences, se sont intéressées à l'ordinateur il y a quelques décennies déjà. L'outil Google Trends met en avant l'émergence du terme Digital humanities à partir de 2006.
Graphique 1 - Comparaison des termes "Humanities computing" et "digital humanities", selon leurs occurences dans un corpus de l'outil Ngram Viewer de Google - http://goo.gl/RJ7Ycb
Graphique 2 - Evolution des recherches effectuées sur Google utilisant le terme "digital humanities", avec l'outil Google Trends - http://goo.gl/6Fmyr0
Dans cet article, nous esquissons les ponts qui rapprochent le domaine des humanités numériques, où beaucoup reste à explorer, et celui de l'information documentaire, à la recherche de convergences prometteuses.
Le programme, serré mais bien équilibré, de ces trois jours d'école d'été a permis d'aborder le sujet de manière conceptuelle et pratique. Les deuxième et troisième journées ont été rythmées par une alternance entre cours et ateliers, la dernière demi-journée ayant été consacrée à des mini unconferences : dans un mode horizontal de collaboration, les participants ont pu proposer des sujets de discussions, dont une partie a été sélectionnée par l'assemblée par une procédure de vote. Ces sujets ont ensuite été approfondis de manière informelle par tous les participants intéressés. La collaboration et la communication ont été facilitées par l'usage d'un outil de prise de notes collectives et par l'échange de tweets grâce au hashtag #dhch.
Des mécanos pour l'humaniste
Parmi les concepts et les outils abordés lors de l'école d'été, nous avons choisi une sélection susceptible d'intéresser, voire d'impliquer les métiers de l'information documentaire.
Analyse textuelle avec des outils en ligne
Le cours de Susan Schreibman a offert un regard rétrospectif sur les digital humanities et avancé quelques définitions. Il a mis en évidence que l'analyse textuelle et l'édition critique a, dès les années 50, rencontré l'informatique (Roberto Busa 2013). Schreibman a par ailleurs animé un atelier (Natale 2013b), qui a permis de découvrir un certain nombre d'outils en ligne pour accompagner l'analyse de texte, des services web qui ont l'avantage d'être relativement simples à utiliser. Simples, parce qu'ils ne nécessitent pas de prendre en charge l'installation de logiciels sur un ordinateur, ni l'apprentissage d'un langage de programmation ou de manipulation des données. Nous sommes d’avis que l’analyse textuelle est un domaine que peuvent s’approprier les spécialistes de l’information, et ce grâce à leurs connaissances des mécanismes de recherche d’information à travers les moteurs de recherche. En effet, les moteurs de recherche font subir plusieurs traitements synchrones et asynchrones aux requêtes formulées et au corpus indexés pour pouvoir être le plus efficaces possibles. Nous pensons qu'un des nouveaux rôles des bibliothèques académiques est d'initier les chercheurs intéressés à ces outils. Aussi, les compétences spécifiques à ces enseignements doivent être représentées au sein de l'équipe.
Nous constatons que certains des exemples présentés par Schreibman ne sont pas inconnus de nos professions. Le fameux Google Ngram Viewer, cité plus haut, est un des outils de recherche, mis à disposition par Google, que les spécialistes de la recherche connaissent. Il exprime graphiquement le nombre d’occurrences d'un terme ou d'une expression dans le corpus de livres numérisés par Google. Celui-ci est certainement l'un des plus conséquents disponible à ce jour. Néanmoins, il est important de garder à l'esprit qu'il est circonscrit aux collections qui ont été numérisées, et qu'il ne représente pas la "littérature mondiale". L'univers anglo-saxon y est par exemple surreprésenté. De plus, l'algorithme qu'utilise Google n'est pas public, ce qui empêche d'utiliser Ngram Viewer de manière scientifique, en reproduisant la méthodologie utilisée. Lors de l'atelier, il a été remarqué qu'il n'est pas toujours évident de comprendre comment fonctionne le lissage (smoothing) de la courbe. Google Ngram Viewer ne permet pas d'ajouter des données pour les analyser, l'utilisateur est contraint de se servir du corpus proposé, même si celui-ci est impressionnant. Il est toutefois possible de sélectionner une langue particulière ou de définir une échelle temporelle.
IBM offre également un outil en ligne très intéressant pour la visualisation de données : Many Eyes (IBM 2007). Il est possible de charger ses propres données, par exemple grâce à l'export d'un tableur en CSV, ou tout simplement une œuvre littéraire sous la forme d'un fichier TXT. Ce fichier peut être le résultat de l'OCR d'un livre numérisé, ou un fichier trouvé dans une bibliothèque numérique comme Projet Gutenberg, Internet Archive ou encore Wikisources. Différents types de visualisations sont possibles : créer un nuage de mots tout en sélectionnant une racine particulière (stemming), ou observer une structure du contexte d'un terme particulier, ou le réseau qui peut exister entre deux termes mis en relation de diverses manières. Par contre, Many Eyes ne s'adapte pas très bien aux textes francophones : l'outil d'IBM ne reconnaît pas les caractères accentués et les signes diacritiques.
De ce point de vue, Voyant est un service bien plus utile pour l'utilisateur non anglophone (Sinclair, Rockwell 2013; Lincoln Logarithms: Finding Meaning in Sermons : Text Mining with Voyant 2013). Il s'utilise sans création de compte. Il suffit de copier-coller le texte à analyser, ou de charger sur le site un fichier TXT. Une fois les données disponibles, Voyant affiche plusieurs cadres. Le cadre central est constitué par le texte lui-même, dans lequel il est possible de naviguer. Un nuage de mots est proposé, ainsi que des statistiques générales sur le texte : le nombre total de mots, de mots uniques, les mots les plus fréquents. Si on sélectionne un mot dans le texte, alors s'affiche un graphique représentant la fréquence de ce terme, ainsi que le contexte de ce terme. Chacun de ces cadrans peut être configuré, et c'est là que l'outil devient très intéressant. Il est en effet possible de choisir dans des listes prédéfinies de stop words – tous les mots non significatifs, comme les déterminants – en fonction de la langue utilisée, mais également d'ajouter ou de retirer tel ou tel terme de la liste sélectionnée.
Figure 1 - Interface de Voyant
Nous pouvons constater que les outils à disposition offrent des possibilités intéressantes, mais le chercheur peut vite en rencontrer les limites. Par ailleurs, comme c'est toujours le cas pour les services en ligne, la question de la sécurité et de la confidentialité des données se pose, surtout selon la nature de la recherche. De plus, ces outils d'analyses ne se substituent pas à une analyse classique, mais viennent la compléter. Enfin, selon les besoins, il peut être intéressant de mettre en œuvre un tel outil d'analyse textuelle au moyen des logiciels libres disponibles (moteurs de recherche, outils d'analyse des données, outils de visualisation, etc.), afin de pouvoir les paramétrer avec une plus grande liberté.
Encodage de manuscrits
Avec Elena Pierazzo (Pierazzo 2012), nous nous sommes penchés sur l'édition de textes (Natale 2013c), et plus particulièrement sur l'édition de textes à partir de manuscrits. Cette activité relève d'une tradition ancienne et marquée par une exigence d'exactitude, condition nécessaire à la pratique de l'analyse littéraire, de l'étude philosophique ou des sciences historiques. Quel est l'apport du numérique dans ce domaine ? Représenter un texte sur un écran revient-il au même que de le faire sur du papier ?
Au-delà des difficultés qui ne peuvent être résolues que par des compétences précises en littérature, histoire, paléographie, etc., retranscrire un manuscrit consiste à rendre compte de la « matérialité » de l'écrit, de sa disposition sur un support. De sa temporalité également : par rapport à un texte imprimé, un manuscrit reflète l'activité de la pensée qui n'est pas aussi linéaire que ce que l'imprimé suggère trop facilement (Grandjean 2013). Du point de vue de ces particularités de l'édition du manuscrit, il s'agit à la fois d'être en mesure de transcrire cette matérialité sur un écran, et de pouvoir utiliser la puissance de calcul de l'ordinateur pour retranscrire le côté dynamique de la pensée. Le « Proust Prototype » est un exemple pertinent de cette démarche (Pierazzo, André 2012). La retranscription du texte se superpose au fac-similé numérique et le lecteur peut soit suivre la chronologie de l'écriture, soit celle de la lecture.
Le codage de textes imprimés pour un support numérique, se fait au moyen d'un standard particulier, mis au point par la Text Encoding Initiative (TEI). Il s'agit d'un ensemble de directives constituant un format XML, dont l'objectif est de transcrire un texte imprimé pour que la machine puisse le traiter, en encodant à la fois la structure et les métadonnées. Aussi le TEI, jusqu'à récemment, ne permettait pas de retranscrire un document, avec ses aspects physiques, comme la page, la disposition du texte sur la page ou les ratures. C'est dans le but de pouvoir le faire que s'est constitué le TEI Manuscript Special Interest Group (Schreibman, Pierazzo, Vanhoutte 2013). Le groupe s'est attelé au développement d'un nouveau module dédié à l'édition critique de manuscrits et à la critique génétique (Génétique des textes 2013). L'atelier de l'après-midi a été l'occasion de pratiquer cette méthode d'encodage, à partir d'un court extrait d'un manuscrit de Jane Austen, dont on peut admirer, non pas les résultats de l'atelier, mais l'édition officielle à l'URL suivante : http://www.janeausten.ac.uk/manuscripts/pmwats/b1-4.html.
Cette évolution de la TEI est certainement en mesure d’interpeller les professionnels de l'information documentaire, dans la mesure où, historiquement, elle est apparue au début de l'aventure des bibliothèques numériques. D'autant que cette technique offre la possibilité de pousser encore plus loin la mise en valeur des collections de manuscrits numérisés, ajoutant à l'image scannée une transcription du texte qui respecte la matérialité du document.
RDF pour un retour dans le futur
Frédéric Kaplan (EPFL 2013) a présenté le projet Venice Time Machine, qui a pour but d'offrir aux chercheurs et au public des outils de visualisation de l'histoire de Venise. Il s'agit donc de récolter des données et de leur faire porter du sens grâce à des modèles sémantiques (Natale 2013d, 2013e).
Pour la première étape, l'acquisition des données, il est question de numériser la totalité des archives de Venise : 80 km de documents d'archives, sur une surface temporelle de plus de 1000 ans. Kaplan pense qu'en optimisant les techniques de numérisation, il est possible de parvenir à traiter 450 volumes par jour, afin de numériser le tout en dix ans. Quant à l'OCR, c'est un fait connu qu'actuellement le taux de réussite de la reconnaissance optique des caractères appliquée sur des manuscrits atteint, au mieux, 80 %. Ce taux peut sembler élevé, or il signifie que le cinquième de chaque volume doit être corrigé à la main, par des personnes capables de lire de telles écritures. Ce qui rend le projet de numérisation impossible. Kaplan pense que l'on aborde la question de l'OCR des manuscrits par un angle qui n'est pas des plus pertinents. La recherche actuelle s’attelle à produire des algorithmes capables de reconnaître des écritures manuelles quels que soient les contextes. Il se trouve que si l'on tient compte de ce contexte – est-ce un livre de droit, écrit à Venise au XVIe siècle, une chronique du XIIe ? –, alors il est possible de réduire considérablement le type de langues, de phrases, de mots, voire de formes de caractères, qui sont vraisemblablement utilisés dans un corpus précis. Aussi faudrait-il produire autant d'algorithmes que de corpus particuliers, et, selon Kaplan, par cette méthode il est possible de parvenir à un bien meilleur taux de réussite.
En imaginant que le point de la numérisation, y compris de l'OCR, soit résolu, reste à donner du sens à cette énorme masse de données, et que ce sens soit accessible au traitement automatique par les machines. C'était le propos de l'atelier Semantic Modelling for Humanities (Natale 2013e). Celui-ci a abordé les différentes méthodes connues jusqu'ici pour enregistrer et structurer des données. La méthode la plus simple est d'utiliser un tableur (Microsoft Excel, LibreOffice Calc, etc.). On dispose ainsi d'éléments sémantiques : l'intitulé des colonnes. Bien entendu, avec une telle méthode les requêtes de recherche possibles sont relativement limitées, et les logiciels actuels ne permettent pas de dépasser un nombre fixe de colonnes.
L'étape suivante consiste à utiliser un système de bases de données relationnelles (par exemple SQL). Le problème de la limite des colonnes se contourne par la création de nouvelles tables qui relient les informations entre elles. Et dans un tel contexte, la complexité de requêtes est bien plus élevée et donne lieu à des résultats plus approfondis. En revanche, alors que la quantité des données évolue, il sera peut-être nécessaire de migrer d'un schéma de base de données à un autre, ce qui peut vite devenir complexe et pénible.
Pour se libérer de ces contraintes, il est souhaitable d'utiliser non plus seulement les données, mais les métadonnées. Plus s'ajoutent des données, plus s'enrichissent les métadonnées, qui sont une manière de structurer les données, et qui offrent des possibilités de requêtes très développées. C'est lors de cette étape qu'intervient le RDF (Resource Description Framework 2013): il s'agit de relier des données au moyen de métadonnées. Avec cette solution, les éléments sémantiques sont nombreux, puisque les relations entre les données donnent justement du sens à celles-ci. Structurer revient à définir, et inversement. De plus, cette structure n'est ni figée ni limité par un logiciel (les limites d’un tableur comme Excel) ou par un schéma (le schéma d'une base de données), mais évolue et se développe simplement en ajoutant des données et des relations entre elles.
Ce type de projet rencontre un certain scepticisme à la fois des chercheurs en sciences humaines et des spécialistes de l'information documentaire, principalement concernant le volet de la numérisation et de « l'OCRisation » de telles masses de documents d'archives, le plus souvent manuscrits. Pourtant, comme cela a souvent été le cas dans l'histoire récente, c'est du monde des ingénieurs que des évolutions significatives sont venues modifier de manière fondamentale les méthodes à la fois des sciences humaines et des sciences de l'information. Mais, au-delà de ce scepticisme bien compréhensible, il est indéniable que les spécialistes de l'information documentaire ont des compétences à faire valoir, que ce soit en termes de projets de numérisation, de traitement de textes anciens et de gestion des métadonnées, voire de leur mise à disposition justement dans le but de construire de grands ensembles sémantiques de données (voir par exemple Hügi, Prongué 2013).
Un nouveau souffle pour les ID
Au-delà de l'intégration des spécialistes de l'information documentaire (ID) dans le développement des humanités numériques, l'émergence de ce nouveau domaine peut être une source d'inspiration pour les professionnels de l'ID. En effet, nous pensons tout d'abord que le rapport entre le passé, la tradition et la transition vers le monde numérique est un processus similaire, qu'il se déroule dans les sciences humaines ou dans l'information documentaire. L'adoption des nouvelles technologies est inéluctable. Les humanistes et les professionnels de l'information documentaire doivent identifier les méthodes et le savoir-faire propres à leurs disciplines et les utiliser dans un contexte numérique. Dans les deux cas, cela nécessite d’importantes capacités d'introspection et d’adaptation.
Par ailleurs, le poids de la tradition joue un rôle que nous percevons comme potentiellement contre-productif. L'image d'une profession ou d'une discipline véhiculée auprès des autres communautés professionnelles, du grand public et des détenteurs des cordons de la bourse, ainsi qu'auprès des acteurs du domaine eux-mêmes, peut freiner l'évolution vers la modernité. Assurément, un déficit en termes d'image entraîne une crédibilité réduite lorsqu'il s'agit de débuter des projets audacieux.
Lors de la participation à l'école d'été des humanités numériques, nous avons pu saisir l'enthousiasme bouillonnant qui va de pair avec la naissance des nouvelles idées et de nouveaux concepts, soutenus par les nouvelles technologies. Cet enthousiasme se traduit par une utilisation accrue d'outils informatiques, parfois imparfaits ou non-standards, ainsi que par la collaboration à la création de nouveaux instruments. Le site infoclio.ch en est un exemple : il rassemble de nombreux outils (informationnels, techniques, méthodologiques) à destination des professionnels des sciences historiques.
Sans oublier les fondations de leurs disciplines respectives, ni mettre de côté un regard critique et questionnant, les participants à la Summer School ont naturellement adopté une posture favorisant les échanges, et donc l'innovation. Comme nous l'avons évoqué en introduction, la création d'un espace collaboratif pour la prise de notes (DHCH 2013) a permis à l'audience de s'impliquer. Les unconferences (non-conférences), qui ont eu lieu lors de la dernière demi-journée, ont été un autre indicateur d'une communication transversale qui ne se formalise pas du statut de chacun. Dans un contexte si dynamique, la prise de parole par chacun est encouragée. Ce contexte précis pourrait bénéficier au domaine de l'information documentaire pour la construction de concepts novateurs et de nouveaux paradigmes. Aujourd'hui, l’effervescence qui a eu cours dans le milieu ID lors du début de l'informatisation des catalogues est retombée, et une association avec les humanistes est l'occasion de donner un nouveau souffle à l'engouement pour l'innovation technologique en matière de traitement de l'information.
La combinaison de l'ancien et du neuf donne lieu à des associations inédites : l'histoire et la visualisation de données, la philologie et l'encodage de texte ou l'information documentaire et la curation de données. Pour ce faire, il est nécessaire de définir les compétences métiers intrinsèques à une discipline, puis de mener une réflexion concernant les outils qui serviront le mieux cette discipline. Une fois les premiers pas effectués, une communication adéquate sur les projets est nécessaire. En cela, il est important que les chercheurs s'entendent sur une définition concertée des humanités numériques. Tout comme les professionnels de l'information tentent constamment de définir « l'information documentaire ».
Une place à prendre
Dans ce contexte, quels peuvent être les rôles des professionnels de l'information documentaire dans les humanités numériques ? En préambule à ce point, il n'est peut-être pas inutile de rappeler que si les humanités numériques sont nées de la confrontation des sciences humaines avec l'informatisation généralisée, la science de l'information est souvent située à l'intersection des sciences de l'ingénieur et des sciences humaines. Ici, la question de la double ou triple compétence est centrale. En effet, dans les humanités numériques, l'équation est la suivante : sujet (littérature du XVIe siècle, manuscrits médiévaux, etc.) ET technique (encodage de textes, visualisation des données, fouille de données textuelles, etc.) ET utilisation des outils documentaires informatisés (gestion des références bibliographiques avec, par exemple, Zotero, système de gestion de contenu, wiki, etc.). Dans ce cadre, il y a donc toujours un sujet, plus ou moins spécifique, avec ses particularités et ses concepts fondamentaux, ainsi qu'une couche technique. Les professionnels de l'information documentaire sont plus ou moins familiers avec cette partie technique, car, avec l'évolution de leurs métiers, ils sont souvent versés dans l'utilisation d'outils informatiques.
Traditionnellement, les professionnels ID sont en mesure d'appréhender des sujets pour lesquels ils n'ont pas forcément d'expertise. Par exemple, lors de l'indexation, le bibliothécaire sélectionne les mots-matières adéquats sans comprendre le contenu du livre dans son intégralité. Il est simplement capable d'en extraire assez d'informations pour pouvoir rendre le livre accessible via une recherche. Si nous transposons cette pratique dans le cadre des humanités digitales, le professionnel ID devra appliquer les techniques de gestion de l'informatique numérique à des sujets relatifs aux sciences humaines. Il pourra apporter une aide concrète, plutôt technique, sans devoir être un spécialiste, par exemple, de la correspondance de tel écrivain du XVIIIe siècle.
Pour saisir les enjeux des humanités numériques, un spécialiste de l'information devrait comprendre les méthodologies et les compétences spécifiques au domaine des humanistes, en faisant appel à ses capacités d'adaptation et d'apprentissage ou en privilégiant l'échange de connaissances. Le niveau d’expertise du spécialiste dépend principalement des exigences d'un employeur qui pourrait souhaiter qu'une double ou triple compétence soit déjà acquise par la personne qu'il emploie. En partant du principe que les humanités numériques ne sont pas encore circonscrites, les emplois et les compétences qui s'y rapportent ne sont pas encore clairement définis. En clair, les humanistes n'ont pas encore déterminé quels étaient leurs besoins pour une transition vers le numérique, les professionnels ID peuvent être intégrés au sein de ces terrains mouvants.
Si la summer school de 2013 a permis de mettre en évidence qu'une partie des chercheurs en sciences humaines ont acquis des compétences certaines à la fois dans les domaines de l'informatique (outil de visualisation basé sur la maîtrise de langages) et des sciences de l'information (Zotero, RDF), ce n'est de loin pas le cas de toute la communauté. Or, ces mêmes chercheurs vont de plus en plus se tourner vers ce type d'outils. Et si les professionnels de l'information documentaire leur apportent déjà une aide pour s'emparer des outils de recherches existants (OPAC, banques de données commerciales, recherche sur le Web, logiciel de gestion de références bibliographiques), ils peuvent certainement étendre ce rôle. Notamment parce que les projets de recherche impliquent aujourd'hui des équipes d'une certaine ampleur, des productions de documents importantes, ainsi que la gestion de volumes de données non négligeables. De ce point de vue, les compétences ID sont d'évidence des ressources utiles dans l'accompagnement des usagers, la structuration de l'information ainsi que le développement d'interfaces et d'outils de recherche permettant de soutenir les efforts des chercheurs et l'exploitation future des données.
À cela s'ajoute que la position particulière des professionnels de l'information documentaire est tout à fait intéressante. Nos métiers, nous l'avons déjà mentionné, ont une longue tradition de services offerts aux chercheurs, professeurs et étudiants en sciences humaines. Mais, depuis quelques décennies au moins, nous avons été confrontés avec le monde de l'informatique. Comme le travail des chercheurs, même en sciences humaines, implique de gérer de l'information, avec les moyens et les contraintes de l'informatique, les professionnels de l'information documentaire doivent développer les compétences nécessaires pour soutenir les chercheurs dans leur travail. Nous pensons, par exemple, aux exigences pointues qui sont de plus en plus imposées aux chercheurs en matière d'archivage électronique des données de la recherche.
Dans ce sens, nous pensons qu'il est essentiel que les spécialistes ID puissent, d'une part, intervenir très tôt dans le cursus universitaire, comme c'est d'ailleurs la tendance, non seulement pour former les étudiants à la recherche d'information, à la citation et la rédaction de bibliographies, mais également pour introduire des notions de gestion de l'information, ne serait-ce que la maîtrises des sauvegardes, ou le choix de formats offrant de meilleures assurances d'archivage. D'autre part, nos métiers doivent accompagner les chercheurs, et ce dès la phase de conception d'un projet de recherche, afin d'apporter toute l'aide nécessaire à la digital curation des données de la recherche, ou à la manipulation de certains outils d'analyse (comment préparer un corpus de texte pour que des outils d'analyse puissent les traiter, par exemple).
Bibliographie
CLIVAZ, Claire, 2012. «Humanités Digitales»: mais oui, un néologisme consciemment choisi! Suite. Digital Humanities Blog [en ligne]. 13 septembre 2012. [Consulté le 16 décembre 2013]. Disponible à l’adresse : http://claireclivaz.hypotheses.org/114
DHCH, 2013. Framapad Lite [en ligne]. [Consulté le 16 décembre 2013]. Disponible à l’adresse : http://lite.framapad.org/p/DHCH
EPFL, 2013. Frédéric Kaplan. EPFL [en ligne]. 2013. [Consulté le 16 décembre 2013]. Disponible à l’adresse : http://personnes.epfl.ch/frederic.kaplan
Génétique des textes, 2013. Wikipédia [en ligne]. [Consulté le 16 décembre 2013]. Disponible à l’adresse : https://fr.wikipedia.org/wiki/Génétique_des_textes
GRANDJEAN, Martin, 2013. #dhch Manuscript edition « Sometimes there is no text! » @epierazzo (non linear examples) pic.twitter.com/cCEoy3h1oc. @GrandjeanMartin [en ligne]. 10 AM - -06-27 2013. [Consulté le 25 novembre 2013]. Disponible à l’adresse : https://twitter.com/GrandjeanMartin/status/350164196094255104
HÜGI, Jasmin et PRONGUÉ, Nicolas, 2013. Marc contre Élodie, ou les avantages des Linked Open Data en bibliothèque. Recherche d’ID : carnet de recherche des étudiants du master en information documentaire de la Haute école de gestion de Genève [en ligne]. 10 décembre 2013. [Consulté le 16 décembre 2013]. Disponible à l’adresse : http://recherchemid.wordpress.com/2013/12/10/marc-contre-elodie/
Humanités numériques, 2013. Wikipédia [en ligne]. [Consulté le 2 décembre 2013]. Disponible à l’adresse : https://fr.wikipedia.org/wiki/Humanités_numériques
IBM, 2007. Many Eyes. Many Eyes [en ligne]. 2007. [Consulté le 8 décembre 2013]. Disponible à l’adresse : http://www-958.ibm.com/software/data/cognos/manyeyes/
INFOCLIO, 2013. infoclio.ch. infoclio.ch : le portail professionnel des sciences historiques en Suisse [en ligne]. 2013. [Consulté le 2 décembre 2013]. Disponible à l’adresse : http://www.infoclio.ch/
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Concordance des classifications et étude comparative du recoupement des collections : les bibliothèques de la Faculté des Sciences de l'Université de Genève
Ressi — 30 avril 2008
Résumé
Cette étude évalue la collection de monographies de la Faculté des Sciences de l'Université de Genève. Sur cette base, une étude plus approfondie peut être menée dans le but de mettre en place une politique d'acquisition et une gestion des collections communes des sept bibliothèques de la faculté. Un tableau de concordance entre les sept classifications a été établi afin d'obtenir un référentiel commun et d'étudier les sujets couverts par plusieurs bibliothèques. Des scripts Python ont été développés pour obtenir des statistiques de recoupement des collections. L'algorithme UPGMA de GNU-R a été appliqué pour créer un dendrogramme, essai original de comparaison des collections. Les résultats mettent en évidence les recoupements et redondances entre les sept collections et un manque de consistance dans leur gestion.
En parallèle aux classifications en usage dans chaque bibliothèque, une classification commune basée sur le tableau de concordance faciliterait la mise en place d'une politique documentaire globale et cohérente. Affiner cette analyse requiert une étude des collections complètes, notamment en ce qui concerne les niveaux des documents et leurs usages.
Abstract
This analysis lends an initial assessment of the monograph collection of the Faculty of Science at the University of Geneva. These results can be used as a basis for a more detailed study aiming to help the establishment of a common management of the libraries' collections in the future. In order to allow the comparative study of the subjects covered by the libraries, a table of correspondence was constructed to provide insight and a common reference point for the classifications used in the seven locations. Statistical data concerning overlaps in the different collections were gathered using Python scripts, and a dendrogram was created using the GNU-R's UPGMA algorithm. The results showed some management inadequacies including cross-checking and redundancy across the seven collections. In parallel with the currently used classifications in each library, a common classification based on the correspondence table can be implemented to facilitate the set-up of a global and coherent collection development and management policy. To take this study further, we can consider the entire collections and take into account the documents' levels and their usage.
1 Introduction
Cette étude a pour objet d’établir une concordance entre les classifications utilisées pour les monographies dans les bibliothèques de la Faculté des Sciences de l’Université de Genève, et d'étudier le recoupement documentaire d’une partie des collections de ces bibliothèques. De telles informations sont nécessaires pour débuter une étude détaillée des collections de ces bibliothèques, et finalement mettre en place une politique d’acquisition commune aux bibliothèques de la Faculté.
La Faculté des Sciences de l'Université de Genève comporte six bibliothèques, correspondant à des sections ou départements, soit les bibliothèques d’anthropologie, de mathématiques, de l’Observatoire, de physique, de Sciences II (biologie, chimie et sciences pharmaceutiques) et des Sciences de la Terre. Le Centre universitaire d’informatique (CUI) a été également intégré à cette étude car il est lié à plusieurs facultés dont celle des Sciences. Toutes ces bibliothèques sont situées à moins d’un quart d’heure de marche les unes des autres, sauf celle de l’Observatoire qui se trouve à 20 kilomètres.
En terme de collection (monographies et périodiques reliés), la bibliothèque de Sciences II est la plus importante avec 68'700 volumes, viennent ensuite les mathématiques avec 43'339 volumes, les Sciences de la Terre avec 43'000 volumes, la physique avec 34'360 volumes, l’anthropologie avec 20'600 volumes, l’Observatoire avec 20'095 volumes et le CUI avec 12'500 volumes.
Jusqu’à présent, ces sept bibliothèques fonctionnaient de manière relativement autonome. Elles sont sous la direction de leur section ou département respectif. Dans le but d’améliorer la qualité des services des différentes bibliothèques, plusieurs projets, tel un site Web commun, ont été lancés. De même, l’idée d’une politique d’acquisition commune à toutes les bibliothèques des Sciences est née.
Suite à l’arrivée d’une nouvelle Directrice de l’information scientifique à l’Université, un projet identique a été initié pour toute l’institution. Cette étude a débuté avant la création de ce poste, mais les résultats seront évidemment utiles dès le début du processus de création d’une politique d’acquisition, qu’elle soit facultaire ou institutionnelle.
2 Méthodologie
Cette étude a débuté par les visites des sept bibliothèques afin d’obtenir leurs classifications et de rencontrer leurs responsables pour avoir des renseignements supplémentaires concernant ces classifications (contexte, historique, évolution, etc.).
Un tableau de concordance a ensuite été établi entre la CDU (Classification décimale universelle) (UDC Consortium, 2004) et les classifications utilisées (voir tableau 1 pour un extrait de ce tableau). La CDU a été choisie comme référence car celle-ci est utilisée dans deux des bibliothèques concernées et possède une version récente datant de 2004 en français. Les concordances ont été définies manuellement par Aline Maurer et Cynthia Dufaux en comparant les diverses classifications à la CDU. Cela leur a été facilité par leurs connaissances en sciences, toutes deux étant de formation scientifique (respectivement biologie/botanique et sciences de la Terre).
Les classifications utilisées par les bibliothèques diffèrent dans leur degré de détails. Celle d’anthropologie est par exemple très générale, alors que celle du CUI, avec trois niveaux, est très détaillée. Le niveau hiérarchique de chaque indice CDU a été choisi au plus proche de celui de la classification locale, et est parfois plus élevé lorsque la CDU n’était pas assez détaillée. Pour la classification du CUI, tous les niveaux n’ont pas été pris en compte car ils étaient trop détaillés par rapport à la CDU.
Ce tableau a permis ensuite de déterminer les sujets communs à plusieurs bibliothèques. Seuls les indices CDU ayant un équivalent dans trois bibliothèques ou plus ont été retenus pour être étudiés, le nombre de documents concernés étant déjà conséquent.
A noter que dans le texte, le terme « domaine » est utilisé pour les thèmes représentés par deux chiffres dans la CDU, à l’exception de l’informatique (trois chiffres pour des raisons historiques). Les domaines sont par exemple les mathématiques, la physique, la biologie, etc. Le terme « sujet » désigne les subdivisions de ces domaines.
Afin de mieux comparer les sujets identiques dans plusieurs bibliothèques, une deuxième visite sur place a permis de déterminer de façon plus précise lesquels étaient traités par les documents présents dans les indices retenus.
Un programme informatique, comprenant deux scripts, a également été créé pour obtenir des statistiques concernant le nombre de documents se trouvant dans plusieurs bibliothèques, et donc les taux de recoupement entre les bibliothèques. Le premier script va chercher les notices bibliographiques dans le catalogue du Réseau des bibliothèques genevoises (Réseau des bibliothèques genevoises, 2007) pour un indice donné. La recherche est faite par classification, c’est-à-dire par un sigle décrivant la bibliothèque suivi de l’indice (ex : « ge-ussa O » pour l’indice O en anthropologie). Cette classification est saisie lors du catalogage d’un document en zone 980_2 du format MARC21. Le deuxième script compare le résultat du premier avec l’indice en question pour éliminer les notices ne correspondant pas à la recherche (erreurs et doublons). Ce script produit également un tableau avec un indice recherché par ligne, et en colonne les bibliothèques possédant les documents représentés par chaque indice.
Les résultats obtenus permettent d’analyser la cohérence de l’échantillon étudié des collections de la Faculté des Sciences, et de faire des suggestions pour la mise en place d’une future politique d’acquisition commune aux sept bibliothèques.
3 Résultats
3.1 Tableau de concordance des classifications
Le tableau 1 présente un extrait du tableau de concordance (celui-ci comportant environ 110 pages, il n’est pas inclus dans cet article mais est disponible sur demande).
Un indice CDU est attribué à chaque indice de chaque classification. Ainsi le tableau se compose, dans la colonne de gauche, des indices CDU retenus et des intitulés correspondants, puis à droite, sur deux colonnes par bibliothèque, des indices locaux et leur intitulé. Le degré de spécificité des indices CDU retenus est très variable, étant donné que les classifications étudiées ont des degrés de précision différents. Par contre, les indices généraux CDU qui n’avaient pas de correspondance, mais dans lesquels des sous-indices étaient utilisés dans le tableau, ont été rajoutés. Le tableau se compose ainsi de 1031 indices CDU, dont 151 ne correspondent pas à des indices appartenant aux autres classifications mais sont les indices généraux des indices spécifiques retenus.
Pour chaque indice CDU retenu, il est donc possible de savoir combien de bibliothèques possèdent des ouvrages y correspondant.
La figure 1 montre que 85% des indices se trouvent uniquement dans une bibliothèque. Le pourcentage d’indices présents dans deux bibliothèques ou plus peut donc paraître assez faible, pourtant le nombre de documents concernés est important étant donné l’étendue des collections, et concerne tout de même environ 150 indices et sous-indices.
Deux domaines et sujets seulement se trouvent dans six bibliothèques. Il s’agit de l’informatique et des probabilités et statistiques. Viennent ensuite les mathématiques présentes dans cinq bibliothèques.
Fig. 1 : Pourcentage des indices présents dans 1, 2, 3, 4, 5 ou 6 bibliothèques
Les domaines et sujets présents dans quatre bibliothèques sont les suivants :
- Langages de programmation
- Histoire des sciences
- Mathématique numérique, analyse numérique, programmation (informatique), science des ordinateurs
- Astronomie, astrophysique, recherche spatiale, géodésie
- Physique
- Mécanique
- Mécanique des fluides, hydraulique
- Vibration, acoustique
- Optique
- Chaleur, thermodynamique
- Electricité, magnétisme, électromagnétisme
- Chimie, sciences minéralogiques, cristallographie
- Climatologie
- Biologie
Il s’agit de domaines généraux (biologie, chimie, physique), et de sujets (mathématique numérique, mécanique, etc.) appartenant principalement à la physique.
Les domaines et sujets apparaissant dans trois bibliothèques sont essentiellement sujets concernant l’informatique, les mathématiques, la physique, la chimie et les Sciences de la Terre :
- Langages de programmation
- Intelligence artificielle
- Traitement des images
- Bibliothéconomie, lecture
- Mathématiques. Sciences naturelles
- Généralités sur les sciences pures : Philosophie. Psychologie
- Sciences environnementales. Ressources naturelles. Conservation des ressources naturelles. Protection de l'environnement
- Logique mathématique
- Algèbre
- Géométrie
- Analyse mathématique
- Théorie de l'information: aspects mathématiques
- Théorie quantique
- Langages de programmation
- Intelligence artificielle
- Traitement des images
- Bibliothéconomie, lecture
- Mathématiques. Sciences naturelles
- Généralités sur les sciences pures : Philosophie. Psychologie
- Sciences environnementales. Ressources naturelles. Conservation des ressources naturelles. Protection de l'environnement
- Logique mathématique
- Algèbre
- Géométrie
- Analyse mathématique
- Théorie de l'information: aspects mathématiques
- Théorie quantique
En général, tous les indices présents dans trois bibliothèques ou plus représentent des sujets assez vastes et généraux ou des domaines. Les indices très spécifiques n’existent souvent que dans une seule bibliothèque.
Le graphique suivant (figure 2) a été élaboré en regroupant tous les indices spécifiques sous leur indice général (comportant au maximum trois chiffres) et indique donc combien de domaines ou sujets généraux sont présents dans plusieurs bibliothèques, même si à l’intérieur de ceux-ci, les sujets plus spécifiques traités ne sont pas les mêmes. Cela permet de déterminer si les bibliothèques contiennent des ouvrages concernant les mêmes types de domaines ou sujets généraux.
Fig. 2 : Pourcentages des indices spécifiques cumulés présents dans 1, 2, 3, 4, 5, 6 ou 7 bibliothèques
64% des domaines et sujets généraux représentés par trois chiffres dans la CDU sont donc traités dans plusieurs bibliothèques. Cela signifie que leurs collections ne sont pas limitées à leurs domaines respectifs.
Le troisième graphique (figure 3) permet de relativiser le précédent. En effet, celui-ci prend en compte uniquement les indices sans chiffre après la virgule. On remarque que ces indices généraux ne sont présents que dans un moindre pourcentage par rapport au graphique précédent. Seul 43% de ces domaines et sujets généraux existent dans deux à six bibliothèques. 11% ne sont présents dans aucune bibliothèque, ce sont des indices qui ont été rajoutés pour compléter des indices spécifiques existant dans le tableau.
Finalement, ces taux de recoupement montrent que certains domaines et sujets sont redondants. Il est sûr que certaines applications d’un domaine peuvent en concerner un autre, ou qu’une science a besoin d’éléments d’une autre, ce qui implique que certains ouvrages soient classés dans une autre partie de la CDU que celle qui concerne en premier lieu la bibliothèque.
3.2 Données statistiques
Comme la recherche des données statistiques a été effectuée sur la base locale genevoise de RERO, les bibliothèques touchées sont celles de la Faculté des Sciences et toutes celles faisant parties du Réseau des bibliothèques genevoises. L'analyse porte principalement sur les sept bibliothèques étudiées, mais quelques remarques seront également faites en relations avec les autres localisations genevoises.
Le tableau obtenu à l'aide du deuxième script a été travaillé de différentes manières, notamment en additionnant les résultats de tous les indices d’une bibliothèque pour avoir une comparaison des totaux par bibliothèques, en nombre de notices et en pourcentage (tableau 2 et 3). Il a également été nécessaire de produire une matrice triangulaire contenant la moyenne des totaux par couple de bibliothèques. En effet, la comparaison d’une bibliothèque A avec une B, ou de B avec A, devrait théoriquement donner le même résultat. Mais principalement à cause de différences de cotations et du fait que notre étude ne concerne qu’une partie des collections, ce n’est pas le cas. La moyenne des deux résultats a été calculée afin de n'avoir qu'un seul chiffre par couple de bibliothèques. Il faut comprendre par différences de cotations le fait que, même si il a été décidé de faire correspondre deux indices, un même livre ne sera pas forcément coté dans la bibliothèque selon le tableau de concordance: la bibliothèque d’anthropologie mettra un livre de mathématiques dans l’indice correspondant aux mathématiques générales, alors que la bibliothèque de mathématiques mettra peut-être ce même livre dans un indice plus précis. Cela explique par exemple que le nombre de notices en commun obtenu en cherchant, dans les livres de la bibliothèque de mathématiques, ceux que possède la bibliothèque d’informatique, est égal à 145, alors que le contraire donne 62.
Seules les collections formées par les indices retenus grâce au tableau de concordance des classifications ont été étudiées et non les collections dans leur ensemble, il faut lire ces résultats en conséquence.
Dans les deux tableaux suivants, on trouve horizontalement un échantillon de notices d’une bibliothèque dans lequel on a cherché la présence des zones MARC 980_2 des bibliothèques représentées verticalement. Par exemple, 2101 documents ont été extraits pour la bibliothèque du CUI, et 62 de ces documents se trouvent également dans la bibliothèque de mathématiques (n'importe où dans la collection).
Il est important de remarquer que le nombre de notices prises en compte pour la bibliothèque des Sciences de la Terre est très faible car peu de documents possèdent une cote, ce qui rend les résultats peu comparables avec les autres bibliothèques.
Le tableau 1 présente un extrait du tableau de concordance (celui-ci comportant environ 110 pages, il n’est pas inclus dans cet article mais est disponible sur demande).
3.3 Analyse par bibliothèque
Le tableau 2 montre, pour chaque ligne, le nombre de notices de la bibliothèque en question retrouvées dans les bibliothèques en colonne. Le nombre total de notices pris en compte pour chacune des bibliothèques est en gris. Par exemple, dans les livres étudiés à la bibliothèque de mathématiques, 145 se trouvent aussi au CUI, mais ceux-ci ne sont pas forcément dans les indices étudiés au CUI.
Tableau 2 : Nombre de notices en commun entre les sept bibliothèques de la Faculté des Sciences
Sur ce tableau, les bibliothèques partageant le plus grand nombre de notices avec d’autres localisations sont les bibliothèques de physique et de mathématiques. Entre elles deux, elles possèdent plus de 200 documents en commun, et passablement avec les cinq autres (surtout la bibliothèque de l’Observatoire et du CUI). Viennent ensuite le CUI, la bibliothèque de l’Observatoire et de Sciences II. Les bibliothèques des Sciences de la Terre et d’anthropologie sont celles qui ne partagent que peu de notices : moins de 50. Sur le tableau 3, le nombre de notices est pondéré par le nombre de notices total trouvées par bibliothèque, pour donner un pourcentage de notices en commun.
Tableau 3 : Pourcentage de notices en commun entre les sept bibliothèques de la Faculté des Sciences
Ici, en lisant le tableau en colonne, on remarque que les bibliothèques de physique et de mathématiques sont celles qui possèdent le plus grand pourcentage de notices se trouvant dans les collections des indices retenus des autres bibliothèques.
Horizontalement, on voit par contre que la bibliothèque de mathématiques partage un pourcentage plutôt faible de sa collection avec les autres, physique à part. Par exemple, plus de 10% de la collection représentée par les indices retenus à l'Observatoire se trouve en mathématiques, alors que seulement 1.8% de la collection représentée par les indices retenus en mathématiques se retrouve dans la bibliothèque de l’Observatoire. Ceci est dû au nombre de livres, et au fait que ce sont essentiellement des indices généraux qui ont été retenus. D’une part, il y a relativement peu de livres qui concernent le domaine des mathématiques à l’Observatoire et ils sont classés dans des indices généraux (les indices détaillés concernent logiquement l’astronomie). En contrepartie, il y a évidemment un grand nombre de livres de mathématiques dans la bibliothèque de mathématiques et ils sont éparpillés dans des indices détaillés ne correspondant pas aux indices retenus.
Toujours horizontalement, c’est la bibliothèque de l’Observatoire qui partage le plus grand nombre de notices avec les autres bibliothèques, en particulier avec les bibliothèques de mathématiques et physique, un peu moins avec le CUI et Science II. Viennent ensuite les bibliothèques de physique, Sciences II et mathématiques avec plus de 5% de notices en commun avec une autre bibliothèque, puis les bibliothèques d’anthropologie et du CUI avec plus de 3%. La collection de la bibliothèque des Sciences de la Terre, comme mentionné ci-dessus est difficile à commenter puisque le nombre de documents étudiés est faible. On peut tout de même remarquer environ 3% de notices en commun avec les bibliothèques de l’Observatoire et de Sciences II.
3.4 Analyse par dendrogramme
A partir de la matrice triangulaire, un dendrogramme a été produit à l’aide du programme R (R-Project, 2007), suivant l’algorithme (UPGMA Christian de Duve Institute of cellular pathology, 1997 ; Wikipédia, l'encyclopédie libre, 2007).Cet algorithme produit un arbre phylogénétique (dendrogramme) à partir d’une matrice de distances. Ceci est normalement utilisé pour étudier des séquences génomiques ou l’évolution des espèces à partir de leur génome. Le résultat illustre les distances entre bibliothèques, avec les deux bibliothèques les plus proches à l’extrémité de l’arbre (la branche la plus lointaine de la racine), puis la bibliothèque la plus proche de ce couple, etc., jusqu’à la dernière bibliothèque. Ce dendrogramme est un essai d’une méthode originale de comparaison des collections et il n'est pas aisé d’en faire l’analyse.
Pour créer le dendrogramme de la figure 4, il a fallu prendre « 1-le pourcentage de notices en commun » (ramené à un nombre entre 0 et 1) du tableau 2, puis appliquer l’algorithme UPGMA. Il faut se souvenir que la matrice triangulaire à la base de ces données résulte d’un calcul de moyenne entre deux résultats. Ceci peut donc parfois tirer le pourcentage vers le haut ou vers le bas. Pour analyser ce dendrogramme, il faut prendre en compte la distance horizontale et verticale entre les bibliothèques. Les deux bibliothèques les plus proches en terme des collections étudiées sont celles de l’Observatoire et de physique (à l’extrémité du dendrogramme). Ensuite, la bibliothèque la plus proche de ce couple est celle de mathématiques, puis celle de Sciences II, etc. Il faut remarquer que chaque bibliothèque est comparée avec le groupe formé par celles qui la précèdent dans l’arbre. Du point de vue de la distance verticale, on voit que le groupe Observatoire-physique est relativement éloigné de la bibliothèque de mathématiques, qui est elle-même éloignée de celle de Sciences II. Par contre, Sciences II, le CUI, les bibliothèques des Sciences de la Terre et d’anthropologie sont relativement proches.
On peut donc distinguer trois parties dans le dendrogramme: le couple du bas (observatoire et physique), le groupe du haut (anthropologie, Sciences de la Terre, CUI et Sciences II), et la bibliothèque de mathématiques au milieu. Il faut toujours garder à l’esprit que les résultats concernant la bibliothèque des Sciences de la Terre ne sont pas représentatifs. On peut donc dire que les collections étudiées dans le premier couple sont relativement proches. La collections de la bibliothèque de mathématiques est la plus proche de ce couple, mais relativement éloignée vu la longueur de la barre verticale les séparant. La bibliothèque de Sciences II est la plus proche de ces trois mais avec une distance verticale également relativement grande. Les quatre dernières bibliothèques sont peu distantes verticalement.
Fig. 4 : Dendrogramme obtenu par l’algorithme UPGMA
Légende: ge-ussa = anthropologie, cdu-geusst = Sciences de la Terre, amc-geucui = CUI, cdu-geussc = Sciences II, ams-geussm = mathématiques, ge-usob = Observatoire, ge-ussp = physique
3.5 Comparaison avec les autres bibliothèques genevoises
L'analyse des notices en commun entre les bibliothèques de la Faculté des Sciences et les autres bibliothèques genevoises montre que les bibliothèques des Sciences économiques et sociales (SES), et de la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation (FPSE) possèdent plus de 100 notices en communs avec la bibliothèque de mathématiques.
Entre la bibliothèque d’histoire des sciences et celle de physique, il y a plus de 50 notices en commun. Cela montre à quel point la bibliothèque de physique possède une grande collection de livres sur l’histoire des sciences et de la physique.
Plus de 50 notices en commun se trouvent également:
- entre les bibliothèques d’anthropologie, de l’Observatoire et de physique et celle de SES. Il est difficile de dire quels sont les sujets couverts par ces documents, mais on peut imaginer qu’avec les bibliothèques de l’Observatoire et de physique, ça peut être des livres de statistiques et de mathématiques. Avec l’anthropologie, cela doit être un mélange de différents sujets : la sociologie et la démographie, la géographie et les statistiques, les mathématiques et l’informatique.
- entre la bibliothèque de philosophie et celles de mathématiques et physique. D'une part ces deux bibliothèques de la Faculté des Sciences possèdent un bon nombre de livres concernant la philosophie des sciences, et d’autre part, les logiques philosophique et mathématique sont liées.
- entre la bibliothèque de la Faculté de médecine (BFM) et Sciences II. Ces deux bibliothèques partagent probablement des documents de biologie, pharmacie et médecine.
4 Discussion
Il est évidemment difficile de dire que tel pourcentage de notices en commun entre deux bibliothèques est trop élevé ou pas, cela dépend du domaine, du type de bibliothèque et des usages de la bibliothèque.
La redondance des documents a des «pour» et des «contre». Les «pour» sont :
- L’accessibilité: la redondance entre bibliothèques rend les documents plus proches des usagers, d’autant plus que la grande majorité des monographies étudiées ici ne sont pas accessible en ligne à la Faculté des Sciences.
- La conservation: la redondance permet d’augmenter les chances de préservation à long terme. Ce n’est pas la mission principale des bibliothèques de la Faculté, bien que les documents anciens soient importants pour certains domaines.
- Usages simultanés: Les étudiants des différents départements ou sections de la Faculté ont une majorité de cours en commun au début de leur cursus et ont donc besoin des mêmes ouvrages.
Les «contre» sont :
- Coût élevé de la surface à Genève: plusieurs bibliothèques se trouvent dans des locaux inadaptés et manquent de place.
- Budget d’acquisition: il est en diminution systématique dans toutes les bibliothèques.
- Budget de fonctionnement: plus la collection est importante plus les coûts sont élevés.
Par ailleurs, pour pouvoir faire une bonne critique de ces résultats, il faudrait faire l’étude complète des collections, et notamment connaître le niveau des documents et leurs usages.
Le niveau des documents est intéressant car, comme le mentionne l'étude de Missingham & Walls (2003), il est justifiable que les ouvrages de référence et ceux destinés aux étudiants de premier cycle soient redondants, étant donné la nécessité d'un accès immédiat et multiple à ces documents.
Les usages et en particulier le taux de prêt permettent de savoir si une section de la collection est utile dans la bibliothèque étudiée bien que hors de son domaine. Cela permet également de se rendre compte si les usagers sont prêts à se rendre dans la bibliothèque de référence pour satisfaire leurs besoins en information.
Il faut également tenir compte l’environnement qui influence le comportement de l’usager:
- la distance entre les bibliothèques, qui peut être un obstacle au déplacement des usagers, même lorsqu’elle est faible ;
- les conditions de prêt qui limitent la disponibilité des documents (dans le temps et l’espace) ;
- etc.
4.1 Discussion de l'analyse par bibliothèque
En analysant les pourcentages globaux de notices en commun pour chaque bibliothèque, il ressort nettement que les bibliothèques se recoupant le plus sont celles de physique, mathématiques et astronomie. Cette constatation est renforcée par le dendrogramme qui rassemble ces trois bibliothèques en un cluster. Cela paraît assez logique puisque l’astronomie est apparentée à la physique, et que ces deux domaines ont pour outils principaux les mathématiques.
Le peu de notices en commun entre les bibliothèques d’anthropologie et de Sciences II (contenant les collections de biologie) est en revanche plus étonnant. Les tableaux montrent peu de recoupement et les deux bibliothèques sont éloignées dans le dendrogramme. On aurait pu imaginer plus de similitudes car la bibliothèque d’anthropologie contient une collection importante de documents sur la biologie, la génétique et l’évolution, qui sont des sujets de recherche couverts par des chercheurs du département d'anthropologie.
4.2 Discussion des résultats indice par indice
Une analyse de tous les indices présents dans trois bibliothèques ou plus a été faite à partir du tableau obtenu avec la deuxième partie du programme. Les détails ne sont pas présentés ici, mais en voici les points principaux :
- Une bibliothèque se distingue des autres : la bibliothèque de physique. Elle a souvent un taux de recoupement élevé avec les autres bibliothèques, en particulier avec celles de l’Observatoire, de mathématiques et dans une moindre mesure Sciences II.
- La bibliothèque de mathématiques ressort également du lot. Mais dans ce cas, c’est souvent les autres bibliothèques qui possèdent des livres de mathématiques, et il est donc normal que les mathématiques possèdent les ouvrages que les autres bibliothèques ont acquis dans son domaine. De plus, cette bibliothèque a un grand nombre de documents classés dans des indices qui a priori ne sont pas des mathématiques, mais il s’agit en réalité souvent d’ouvrages de mathématiques appliquées à un autre domaine et donc classés sous cet autre domaine, pour les distinguer des mathématiques non appliquées.
- La bibliothèque de Sciences II a, de manière générale et au contraire de ces deux premières bibliothèques, un taux de recoupement très faible avec les autres. Ses documents sont donc plus ciblés sur les sujets qu’elle couvre.
- Les taux de recouvrement relativement élevés qu’on peut trouver avec la bibliothèque du CUI, ne concernent pratiquement que des indices de sujets informatiques. Comme pour les mathématiques, ces taux de recoupement sont donc à attribuer aux autres bibliothèques et non à celle du CUI qui reste bien limitée à son domaine.
- Les taux de recouvrement les plus élevés qu’on trouve avec la bibliothèque de l’Observatoire sont liés aux bibliothèques de mathématiques et physique, ce qui est logique vu la proximité de ces trois sciences.
- Pour la bibliothèque des Sciences de la Terre, il est difficile de tirer des conclusions pertinentes, car peu de documents de cette bibliothèque sont dotés d’une cote.
- Les résultats pour la bibliothèque d’anthropologie sont également difficiles à commenter car les indices utilisés couvrent plusieurs sujets différents. En général, les taux de recouvrement sont assez faibles. Cependant, les visites sur place ont montré qu’il existait un nombre relativement élevé de documents traitant d’autres sujets et domaines que ceux normalement couverts par cette bibliothèque. De plus, la majorité de ces documents « hors sujet » étaient pour la plupart très anciens (vieux de plusieurs dizaines d’années), ce qui diminue encore l’intérêt de leur présence dans cette bibliothèque.
4.3 Discussion de la précision des données (approximation d'erreur)
L’imprécision de la méthode de récolte des statistiques est due à trois sources d’erreurs :
- les documents étudiés ne représentant pas la totalité de la collection des bibliothèques
- les incohérences dans les méthodes de catalogage, notamment pour les documents en plusieurs volumes
- la concordance établie entre les classifications dans cette étude, potentiellement différente des pratiques de cotation dans les bibliothèques
Etant donné l’asymétrie du tableau 2, une estimation de l’erreur a été calculée pour déterminer si les résultats sont tout de même significatifs. Pour chaque couple de bibliothèques (i, j), la formule | ni,j – nj,i | / max(ni,j , nj,i) a été appliquée (tableaux 4 et 5).
Tableau 4: Approximation d'erreur pour toutes les bibliothèques: somme totale = 9.85, moyenne = 0.47
Tableau 5: Approximation d'erreur sans la bibliothèque des Sciences de la Terre: somme totale = 4.78, moyenne = 0.32
En comparant deux bibliothèques de deux façon différentes tel que dans le tableau 2, les résultats obtenus sont relativement proches car la variation entre les deux parties du tableau de cette figure est de 32% sans tenir compte de la bibliothèque des Sciences de la Terre En général, la corrélation est bonne, ce qui montre que la méthode est assez représentative. Une mauvaise corrélation, par contre, ressort nettement chaque fois que la bibliothèque des Sciences de la Terre est concernée. Ceci était prévisible car le nombre de documents cotés et donc étudiés dans cette bibliothèque est faible et non représentatif.
4.4 Synthèse de l'analyse
Des tendances se détachent clairement de l’étude de ces statistiques et donnent une bonne idée des relations entre les échantillons des collections des sept bibliothèques étudiées. Elle souligne notamment la redondance, nécessaire ou non, de certains sujets et documents dans les diverses bibliothèques.
Selon le nombre de notices communes entre les sept bibliothèques, celles de mathématiques et physique partagent le plus de documents avec les autres localisations. Viennent ensuite les bibliothèques du CUI, de l’Observatoire et de Sciences II. En ce qui concerne le dendrogramme, l’ordre est un peu différent : les bibliothèques de l’Observatoire et de physique sont les plus proches, suivies de celles de mathématiques. Les bibliothèques du CUI et de Sciences II se rapprochent plus, elles, de l’anthropologie et des Sciences de la Terre.
L’étude des statistiques et les visites sur place ont fait ressortir certains points :
- Pour la bibliothèque de physique, le nombre de documents concernant l’histoire et la philosophie des sciences est important. De plus, le nombre de notices en commun avec certaines bibliothèques hors de la Faculté des Sciences comme celles du Musée d’histoire des sciences, de la Faculté des sciences économiques et sociales et du Département de philosophie est élevé. Il serait nécessaire de mener une réflexion sur la politique à suivre pour la gestion de cette partie de la collection.
- Pour la bibliothèque de physique en particulier, mais également pour celles de mathématiques, d’anthropologie, et dans une moindre mesure en astronomie, Sciences de la Terre et à Sciences II, les collections d’informatique contiennent beaucoup d’ouvrages sur des sujets redondants, souvent obsolètes. Sachant que la bibliothèque du CUI ne conserve en général pas les ouvrages trop anciens, les autres bibliothèques devraient d’autant plus désherber leurs collections dans ce domaine.
- Il y a beaucoup de recoupement entre les collections des bibliothèques de physique et de l’Observatoire, mais vu la distance entre les deux localisations, la proximité des domaines de recherche et le prêt exclu à l’Observatoire, ceci est en partie justifié. Il serait intéressant d’étudier l’usage des documents de ces deux bibliothèques pour savoir si ce recoupement correspond réellement à un besoin.
- Pour la bibliothèque de l’Observatoire, outre les remarques ci-dessus, on trouve un recoupement important avec la bibliothèque de mathématiques, que la distance peut à nouveau expliquer.
- La bibliothèque de mathématiques a beaucoup de recoupement avec les autres bibliothèques, mais il s’agit surtout de documents de mathématiques possédés par les autres. Par ailleurs, cette bibliothèque possède plus de 250 livres de physique et 90 livres d’histoire/philosophie des sciences. Ici aussi, l’étude de l’usage de documents pourrait apporter d’avantage d’éléments pour décider de la nécessité ou non d’un tel recoupement.
- En ce qui concerne la bibliothèque de Sciences II, la plus grande des sept, il y a peu de recoupement avec les autres bibliothèques. La seule remarque à faire concerne le domaine de la physique qui est très représenté, d’autant plus que la bibliothèque de physique se trouve à environ 200 mètres.
- La collection de la bibliothèque du CUI est ciblée car le recoupement avec les autres localisations concerne principalement des livres d’informatique. Les mathématiques y sont bien représentées, mais elles constituent un outil essentiel de l’informatique.
- Le tableau 2 montre que très peu des livres étudiés dans la bibliothèque des Sciences de la Terre se retrouvent dans les autres collections. Il y a par contre plus de livres en commun si on étudie les collections des autres bibliothèques par rapport à celle des Sciences de la Terre. Cela veut dire qu’il s’agit dans ce cas de livres catalogués mais non cotés dans cette localisation. Si tous les livres étaient cotés, plus de recoupement aurait peut-être été mis en évidence.
- Pour la bibliothèque d’anthropologie, les observations sur place ont montré la présence de beaucoup de livres hors des sujets étudiés au département. Ceci est dû à l’historique, au manque de désherbage et à l’évolution des sujets couverts par la bibliothèque. Seuls 2% des livres étudiés se retrouvent à la bibliothèque de Sciences II (comprenant la section de biologie), ce qui est très peu sachant qu’un des sujets d’étude du département d’anthropologie est la génétique des populations et l’évolution. Cela tient peut-être au fait qu’il s’agit d’un sujet très précis de la génétique.
Ces résultats mériteraient d’être complétés par d’autres études concernant les usages et des indicateurs détaillés sur les ouvrages eux-mêmes. Cependant ils posent une base utile pour une future étude complète des collections à la Faculté des Science, étape nécessaire à la mise en place d’une politique d’acquisition commune, et à une gestion des collections concertée entre les bibliothèques.
4.5 Les politiques d’acquisition à la Faculté des Sciences et à l'Université de Genève
Il n’y a pas de politique d’acquisition commune aux bibliothèques de la Faculté des Sciences, et pas non plus de politique d’acquisition formelle par bibliothèque. Chaque bibliothécaire responsable des acquisitions a bien sûr sa politique, mais elle n’est pas formalisée.
La situation de l’ensemble de l’Université de Genève ressemble à une plus large échelle à celle de la Faculté des Sciences: il n’y a pas véritablement de politique documentaire commune à l’Université. Plus précisément, concernant la politique d’acquisition, aucune charte des collections n’existe. Ce manque est sur le point d’être comblé puisqu’une directrice de l’information scientifique (fonction qui n’existait pas auparavant) vient d’être engagée au niveau de l’Université. Celle-ci a mis en place plusieurs groupes de travail, dont un est chargé des collections. Ce groupe est actuellement en train d’établir une vision à long terme des collections (10 ans), et a commencé à faire une évaluation des collections pour réunir les indicateurs nécessaires à la mise en place d’un plan de développement des collections.
Etant donné qu’une politique d’acquisition au niveau de l’Université (1) va bientôt voir le jour, celle de la Faculté des Sciences devra s’y conformer. Mais il faudra détailler celle-ci davantage pour chaque bibliothèque afin établir des plans de développement des collections ainsi que des protocoles de sélection propres à chaque domaine, et rendre ainsi la politique d’acquisition de l’Université applicable à chaque bibliothèque de la Faculté des Sciences.
Voici quelques remarques dont il serait intéressant de tenir compte au moment où la politique d’acquisition sera mise en place dans les sept bibliothèques.
Dans les bibliothèques de la Faculté des Sciences, les publics sont assez bien définis, suite à un travail de diplôme de la HEG sur les pratiques documentaires de leurs usagers (Bui et al., 2006). Par contre, les collections sont assez mal connues, totalement indépendantes les unes des autres (il n’y a pas de concertation entre les bibliothèques à ce sujet) et parfois, à cause de leur historique, surprenantes dans leur contenu. Une étude globale des sept collections paraît fondamentale si l’on désire avoir un jour un ensemble de collections cohérent, et pouvoir considérer les acquisitions en réseau ou centralisées pour la Faculté.
Ce travail s’inscrit donc dans un premier pas vers cette étude des collections. Pour cela, le tableau de concordance des classifications peut servir comme repère pour la segmentation des collections en catégories comparables d’une bibliothèque à l’autre. Même s’il semble peu probable qu’une classification unique soit utilisée dans toutes les bibliothèques pour classer les monographies, ce tableau pourrait être utilisé pour gérer de manière centrale les acquisitions, et les répartir en fonction d’une classification unique. Les sujets couverts par les bibliothèques étant pointus, ce serait, dans certains cas, une perte de précision que de vouloir tout classer selon la CDU. Par contre, une cote CDU attribuée à chaque document pourrait être utilisée pour la gestion globale des collections, et une cote selon la classification locale permettrait de le ranger en rayon.
Les résultats montrent que les collections se recoupent, tant du point de vue des sujets que des documents eux-mêmes. Il est visible que chaque collection a été gérée comme une entité indépendante, et les vestiges de l’histoire de la bibliothèque n’ont pas été remis en cause. Par exemple, quatre bibliothèques possèdent une collection non négligeable de documents sur l’histoire et la philosophie des sciences, sujets tout à fait d’actualité dans un environnement universitaire et scientifique. Mais on peut imaginer qu’il n’est pas nécessaire d’en avoir autant, éparpillés dans quatre localisations. Une bibliothèque pourrait être désignée comme référence sur le sujet, et le reste des documents non conservés pourraient être donnés à la bibliothèque d’Histoire des Sciences.
Il en est de même pour l’informatique où toutes les bibliothèques regorgent de livres sur les logiciels et langages de programmation, dont certains tout à fait obsolètes. Pour ce qui est des statistiques et probabilités, toutes les sciences utilisent ces outils. Mais on pourrait ne laisser dans chaque bibliothèque que les documents présentant les mathématiques appliquées au domaine couvert par la bibliothèque, ainsi qu’un ou deux ouvrages généraux de qualité, et rassembler l’excédant à la bibliothèque de mathématiques.
En général, définir les responsabilités des bibliothèques en matière d’achat et de conservation des différents domaines en présence paraît être la solution pour rationaliser la gestion des collections.
5 Conclusion
La redondance des sujets mise en lumière par cette étude est en partie nécessaire car elle concerne les catégories suivantes : les sujets inhérent à l’environnement scientifique (comme l’histoire ou la philosophie des sciences), les outils de base en sciences (comme les mathématiques ou l’informatique).
Diverses études se sont penchées sur la redondance de collections, notamment celle de Missingham & Walls (2003). Contrairement à celles-ci, notre étude se base sur sept bibliothèques spécialisées par domaines. De plus, nous n'avons analysé que les documents correspondant aux indices présents dans trois bibliothèques ou plus. Ainsi, notre étude concerne un sous ensemble des collections des bibliothèques de la Faculté des Sciences, choisi pour obtenir une estimation maximale de la redondance. Il est donc inapproprié de comparer nos résultats à ceux des études mentionnées précédemment. La suite logique de ce travail serait d'étudier les collections dans leur ensemble à l'aide d'un tableau d’indicateurs détaillé. Cela permettrait d'obtenir entre autres des chiffres comparables à la littérature mentionnée ci-dessus. Pour pouvoir tirer des conclusions définitives, il serait également important de prendre en compte les statistiques d'usages des collections.
Sur la base du tableau de concordance, une classification unique destinée à la gestion des collections pourrait être attribuée à chaque document, tout en gardant les classifications propres à chaque localisation pour le rangement en rayon. Cela permettrait de développer une vue d'ensemble des collections de la Faculté des Sciences et de mettre en place une gestion globale cohérente.
Si la gestion centralisée des sept bibliothèques, telle qu’envisagée à une période, semble difficile en tenant compte des remarques des chercheurs, on pourrait en revanche tout à fait imaginer une « centralisation des documents par domaines ». Selon ce modèle, chaque bibliothèque s’occuperait de ses domaines, ce qui est en partie déjà le cas du point de vue des acquisitions, mais pas de la gestion de la collection en général (désherbage par exemple). Pour les bibliothèques ayant des domaines se chevauchant, mathématiques et physique par exemple, chaque bibliothèque pourrait être désignée comme référence pour un certain nombre de sujets. Ainsi la répartition des acquisitions serait clarifiée et il serait plus facile de prendre des décisions en matière de désherbage. Six des sept bibliothèques se trouvant dans le même quartier, la contrainte de déplacement est légère, et le sentiment de réseau en serait renforcé.
Remerciements
Nous remercions Anne-Christine Robert, coordinatrice des bibliothèques de la Faculté des Sciences de l’Université de Genève, qui a commandité cette étude, et Bertrand Calenge pour la direction de ce travail dans le cadre de la formation du CESID.
Notes
(1) Le poste de Direction est vacant depuis août et les projets subiront certainement quelques retards.
Bibliographie
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BAKER, Sharon L., LANCASTER, F. Wilfrid (1991). The measurement and evaluation of library services. Second ed. Alington, Information Resources Press
BUI, Céline, LEHNER Susanne, MORESI Nadia (2006). étude des pratiques documentaires des usagers : quels services pour la bibliothèque de demain ? 153 p. Mémoire de diplôme HES, Haute école de gestion de Genève
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UDC CONSORTIUM, (2004). Classification décimale universelle. Edition moyenne internationale. Liège, Editions du CEFAL
WIKIPEDIA, L’ENCYCLOPEDIE LIBRE (2007). UPGMA [en ligne]. [Consulté le 04.06.2007]. http://fr.wikipedia.org/wiki/UPGMA
WikiBiGe, un wiki qui bouge
Ressi — 30 avril 2008
Résumé
Ce compte-rendu décrit l’expérience d’un groupe de bibliothécaires dans la mise en place d’un wiki comme outil de communication et de partage de connaissances pour les bibliothécaires de l’Université de Genève. Les statistiques de consultation des pages du wiki sont analysées depuis sa création afin de dégager les tendances de son utilisation. Il en ressort que le dynamisme et la mise à jour de l’information sont cruciaux pour que les pages soient consultées. L’utilisation du wiki pour gérer les projets en cours et en informer les professionnels est un bon moyen pour motiver la consultation et la participation.
Abstract
This report reviews the experience of a group of librarians who set up a wiki as a communication and knowledge-sharing tool for librarians at the University of Geneva.
Through analysis of visitor statistics of the wiki pages consulted since its creation, a sense of the usage trends of the target community has been developed. The results of the study highlight that frequency of information change and the addition of up-to-date information are crucial factors for pages to be frequently consulted and re-visited. It was found that the use of the wiki for managing on-going projects and keeping participants informed was a good means to encourage consultation and participation within the community.
WikiBiGe, un wiki qui bouge
Introduction
Suite à une présentation d’Iris Buunk, bibliothécaire à la Faculté des sciences économiques et sociales, sur les outils du Web 2.0 et ses applications possibles dans les bibliothèques, un groupe de bibliothécaires de différentes Facultés de l’Université de Genève s’est formé spontanément pour mettre sur pied un wiki au service des bibliothécaires. Le but était d’avoir un outil qui facilite l’échange et le partage d’informations, d’idées ou d’expériences, et renforce la communication et la cohésion entre des bibliothécaires dont les lieux de travail sont disséminés en plusieurs endroits de la ville.
Pourquoi un wiki ?
à la différence d’une plateforme collaborative classique, la mise en place et la gestion d’un wiki sont simples, ce qui permet un gain de temps notable et évite l’implantation d’un système plus complexe, souvent géré par l’intermédiaire d’informaticiens dont on dépend par la suite. La facilité d’édition en temps réel est un autre atout non négligeable, car cela permet effectivement de travailler “ensemble” et (presque) en même temps sur un dossier.
La définition du wiki donnée par Wikipedia (2007) reprend effectivement ces deux aspects liés à la collaboration et à la simplicité : « Un wiki est un système de gestion de contenu de site Web qui rend les pages Web librement et également modifiables par tous les visiteurs autorisés. On utilise les wikis pour faciliter l’écriture collaborative de documents avec un minimum de contraintes.»
Un wiki, outil typique du Web 2.0, rime également avec transparence, puisque toutes les modifications des pages peuvent être librement consultées, et partage, puisqu’il permet le travail collaboratif, ce qui en fait un excellent outil de “Knowledge Management”.
Pourquoi un wiki des bibliothécaires à l'Université de Genève?
De telles fonctionnalités ont vite séduit les bibliothécaires qui ont constitué spontanément un groupe de travail. Le WikiBiGe (Université de Genève, 2007) était né.
Certes, c’était un moyen de se mettre à la page et d’appliquer les développements du Web 2.0 de façon concrète. Mais outre cet “effet de mode” (avant le WikiBiGe, la création d’un blog avait été envisagée), un outil collaboratif de ce type devait contribuer à renforcer l’échange et la collaboration entre les professionnels.
Assez vite, les objectifs du WikiBiGe ont donc été définis comme suit :
- améliorer la communication entre les différents professionnels des bibliothèques
- disposer d’un espace d’échange collaboratif
- favoriser et consolider la collaboration
- fédérer l’accès à l’information professionnelle
- partager les connaissances
- capitaliser les compétences
De tels objectifs pouvaient sembler ambitieux et malgré tout, le groupe de travail s’accordait à dire que “l’outil” wiki n’allait pas changer les pratiques d’échanges d’informations - aussi limitées fussent-elles jusqu’alors - du jour au lendemain. Le WikiBiGe ne resterait qu’un moyen incitant à échanger entre collègues, fournissant une plateforme pour cet échange. Il n’allait pas être LA solution miracle qui ferait de ses utilisateurs des “hypercommunicants”. L’utilisation de l’outil wiki ne devait pas être une finalité en soi, mais constituer une forte incitation à renforcer ce qui faisait légèrement défaut : la communication.
Création du WikiBiGe
L’enthousiasme des participants au groupe de travail a été tel qu’il a provoqué une gestion de projet un peu particulière : plutôt que de débuter par des études d’opportunité et de faisabilité, et donc de multiplier les réunions, il a été décidé de créer le wiki aussi vite que possible ! Certains ont donc commencé par élaborer le contenu et la structure du wiki, pendant que d’autres recherchaient et testaient divers logiciels. Le choix s’est assez rapidement porté sur le logiciel libre DokuWiki (DokuWiki, 2007). Les principaux arguments en sa faveur relèvent de la technique : scripts écrits en PHP - langage maîtrisé en interne, importante communauté d’utilisateurs, donc nombreux templates (modèles) et plug-ins, simplicité intrinsèque due à l’absence de base de données. Plus pragmatiquement, le choix a également été effectué en fonction de ce qu’il était possible d’installer sur les serveurs de l’Université avec l’aide du webmaster. Notons qu’un blog a été créé pour échanger les informations dans le groupe de projet, mais celui-ci a vite été abandonné, car la plus classique communication par e-mail s’est révélée être amplement suffisante lors de cette phase de démarrage.
Deux mois après la rencontre initiale, le wiki était en ligne: léger au niveau du contenu, mais néanmoins installé avec les fonctionnalités de base permettant de le développer. Le choix du contenu a bien sûr évolué depuis le début, mais les thèmes principaux sont restés les mêmes. La structure thématique s’est également adaptée à la mise en place de groupes de travail réfléchissant à une réorganisation générale des bibliothèques universitaires de Genève.
Fig. 1: Exemple d’une page du WikiBiGe: la page du projet WikiBiGe lui-même
Formation
Le wiki a été officiellement présenté au personnel des bibliothèques en mai 2007 lors d’une séance de travail. Celui-ci a eu la possibilité de s’autoformer ou de participer à des sessions de formations organisées. Dès lors, chacun-e a eu la possibilité de consulter, d’insérer ou de modifier le contenu du wiki.
Autoformation :
Dans une Boîte à outils, plusieurs documents permettent à chacun de se familiariser avec le wiki:
- Le wikikit ou kit de démarrage fournit les informations nécessaires à l’inscription sur le wiki.
- Avant toute nouvelle utilisation, chaque personne est tenue de consulter la charte d’utilisation.
- Un mode d’emploi présente les principales manipulations.
- Un bac à sable permet de faire ses premiers pas sans risques.
Formation en groupe :
Des formations en petits groupes d’une dizaine de personnes ont été proposées sur chaque site de l’Université de Genève en juin 2007. Commençant par la présentation du principe du wiki ainsi que des principales manipulations, elles ont permis à chaque participant de se familiariser avec le WikiBiGe en pratiquant quelques exercices. Notons que ces formations ont rencontré un vif succès !
Thématiques et usages actuels :
Voici les thématiques principales présentes dans WikiBiGe :
- Gouvernance : tout ce qui touche à la direction et à la gestion des bibliothèques
- Professionnel-le-s : profils (et compétences) des collègues, formation continue, offres d’emploi
- Public et services : prêt, formation documentaire, services de référence, catalogues
- Collections : politique d’acquisitions, catalogage, indexation, classification, ressources électroniques
- Promotion et marketing : mission, animations
- Agenda : agenda des formations continues et évènements professionnels
- Projets en cours : espace réservé aux projets en évolution (WikiBiGe, archives institutionnelles, implantation de SFX, etc.)
- Humour : page essentielle!
- Littérature : page qui regroupe des liens sur des sites web et des articles d’intérêt professionnel, classés par thème.
Ou, puisqu’une image vaut mille mots:
Fig. 2: Tag cloud du WikiBiGe
Ce tag cloud ou “nuage d’étiquettes” se base sur la version HTML du wiki qui contient près de 100’000 “mots”! Les étiquettes représentées ici sont constituées d’au moins trois lettres et apparaissent au minimum 30 fois (les noms de personnes ont été éliminés, l’algorithme utilisé est celui de mozcloud). Plus le mot est gros, plus il apparaît fréquemment dans le wiki.
Rubriques les plus utilisées
Des statistiques d’utilisation ont été récoltées, correspondant au nombre de clics sur une rubrique par mois (y compris plusieurs clics lorsqu’on désire éditer une page). Les graphiques ci-dessous donnent une idée de la consultation du WikiBiGe, mais il faut garder à l’esprit que le nombre de clics n’est pas forcément égal au nombre de personnes ayant consulté la page et encore moins à l’utilisation de cette page. A noter également que le nombre de personnes inscrites sur le wiki est de 117 le 6 décembre 2007.
La figure 3 montre la fréquentation globale du wiki. On observe nettement un grand intérêt durant les mois de mai et juin (le wiki a été lancé en mai), puis une diminution au fil des mois suivants. Le regain de consultation que l’on pouvait attendre après la pause de l’été est visible, mais relativement faible. On retrouve logiquement la même tendance dans les autres graphiques.
En ce qui concerne les rubriques principales (figure 4), les Projets sont très consultés car ils permettent au personnel des bibliothèques de se tenir au courant des projets en cours ainsi que de leur évolution. Chacun peut donc être au même niveau d’information quel que soit le poste qu’il occupe dans la bibliothèque. La page Professionnel-le-s a également du succès car elle contient les pages personnelles des collègues, toujours très consultées (voir figure 7). A noter que la seule page à nouveau bien consultée après la pause de l’été est celle des projets en cours. Les autres pages sont liées aux différents groupes de travail, gelés jusqu’à nouvel avis.
La figure 5 détaille la consultation des pages Projets. Très logiquement, c’est le projet du Wiki lui-même qui est le plus consulté puisque les bibliothécaires instigateurs de cet outil sont des convaincus et l’utilisent pour la gestion complète du processus (y compris la rédaction de cet article). Les autres projets concernent les divers groupes de travail (les données “Groupes de travail” correspondent au total des consultations de sept groupes). Ceux-ci étant gelés, leur consultation tend vers zéro.
La figure 6 présente les projets ajoutés au wiki dès septembre. Ces pages suscitent une consultation modeste (chaque projet n’intéresse pas forcément toute la communauté des professionnels) mais réelle.
Dans la figure 7, les autres rubriques sont analysées et comme mentionné plus tôt, ce sont les pages personnelles des collègues qui ont le plus de succès, mais l’intérêt retombe lorsque tout le monde les a visitées. On peut remarquer le concours de la plus belle page personnelle lancé en juillet : le pic de juillet concerne l’appel à créer ces pages, et le pic de septembre l’appel à voter pour la meilleure.
La figure 8 enfin représente la consultation des divers outils permettant à chacun de se familiariser avec le wiki et ses fonctionnalités. Le bac à sable a été pris d’assaut lorsque tout le monde a voulu y faire ses premiers pas, puis l’intérêt pour ces outils est vite retombé.
Et l'avenir alors ?
Cet outil est encore jeune, mais on peut déjà noter que le nombre d’utilisateurs inscrits dépasse la centaine, et les graphiques ci-dessus montrent que certaines rubriques rencontrent de l’intérêt.
Pour que ce type d’outil Web 2.0 apporte un vrai plus à la communication (par rapport à un site web simple, ou une communication par e-mail), il est nécessaire d’encourager la consultation et la participation, ce qui constitue un véritable défi. Comme le dit Liziard (2007), <« l’utilisateur doit pouvoir s’approprier le site et avoir un intérêt à y participer.»
Pour rendre la consultation du WikiBiGe attractive, quelques idées ont déjà été mises en oeuvre comme le concours de la plus belle page personnelle, mais d’autres actions sont nécessaires. On peut remarquer que lorsqu’une page est statique, sa consultation tend vers zéro après quelques temps. La mise à jour et l’apport de nouvelles informations sont donc cruciaux pour que l’intérêt demeure. A noter par exemple que l’organisation de la page d’accueil a été repensée: elle va être utilisée pour mieux diriger l’utilisateur, tout en restant claire et dynamique (ajout de nouvelles, etc.). L’ajout de pages consacrées aux nouveaux projets est également un bon moyen de rendre le wiki indispensable à tous ceux qui désirent se tenir informés.
Le taux de participation à la vie du wiki dépend, lui, de la motivation de la communauté à être proactive. En général, seul un petit pourcentage des personnes participent véritablement à l’enrichissement du wiki, les autres se contentant de le consulter. Encourager les groupes de projet à utiliser cet outil pour leur communication interne ou externe permet par exemple aux professionnels de s’habituer à son utilisation.
Il sera également intéressant d’observer ce qu’il se passera dans le cas où la nouvelle directrice nommée au poste de Direction de l’information scientifique pour l’Université de Genève reprend ce wiki comme outil de communication, comme cela avait été initié à la naissance de ce wiki avec la directrice précédente.
Dans tous les cas, il est indéniable que le suivi et la sauvegarde de l’historique des projets des bibliothécaires et de la vie des bibliothèques en général en sont facilités. Le côté convivial de l’outil ressort également des nombreuses consultations des profils des bibliothécaires et du concours du plus beau de ces profils.
Quoi qu’il en soit, s’habituer à un nouvel outil prend toujours du temps et la surveillance des statistiques de consultation futures permettra de confirmer ou non le succès à long terme de WikiBiGe.
Conclusion
Cet article a été rédigé, corrigé, modifié et recorrigé à 18 mains, mais sur des claviers différents... C’est aussi ça, la “magie” du wiki. Les bibliothécaires de l’Université de Genève sont-ils désormais en plein surf sur les vagues du Web 2.0 ? Même si les vagues ne sont pas encore hautes, c’est déjà un début !
Bibliographie
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Une enquête qualitative auprès des publics de BiblioSciences à l’Université de Genève
Ressi — 30 novembre 2007
Florence Muet, Haute Ecole de Gestion, Genève
Céline Bui, diplômée Haute Ecole de Gestion, Genève en Information documentaire
Susanne Lehner, diplômée Haute Ecole de Gestion, Genève en Information documentaire
Nadia Moresi, diplômée Haute Ecole de Gestion, Genève en Information documentaire.
Résumé
Dire que, dans l’univers de la documentation spécialisée, les bibliothèques académiques vivent aujourd’hui une période de transition relève aujourd’hui presque du lieu commun. Un faisceau d’évolutions bouleverse en effet, comme pour d’autres types de services d’information, leur environnement et leurs repères. L’avènement de la documentation numérique modifie en profondeur le métier des bibliothèques, qui passe d’une logique de traitement bibliothéconomique et de conservation de collections à une logique de gestion des accès à des ressources informationnelles multiformes. Le bouleversement vient aussi, et peut-être surtout, des utilisateurs, dont les pratiques documentaires évoluent face à une masse d’informations et de documents numériques directement accessibles, par l’intermédiaire ou non de la bibliothèque. Dans ce contexte, les bibliothèques universitaires sont placées devant l’obligation d’une réflexion sur l’évolution de leur offre de service et de leur positionnement.
L’objectif de cette courte communication est de contribuer à la réflexion sur cette évolution. Il présente les résultats d’une étude qualitative auprès du public potentiel de bibliothèques universitaires, dans le cadre d’un Travail de Diplôme de fin d’études au sein du département Information documentaire de la Haute Ecole de Gestion de Genève. Au-delà de l’objectif de valorisation du travail fait par des étudiantes dans le cadre de leur formation en information – documentation, la présentation de ces résultats, mis en perspective avec quelques autres enquêtes publiées, donne l’opportunité de dresser quelques pistes sur les axes de structuration possibles de l’offre de services des bibliothèques universitaires.
Une enquête qualitative auprès des publics de Bibliosciences de l’Uni Genève
La Faculté des Sciences de l’Université de Genève comprend six sections (Biologie, Chimie, Mathématiques, Physique, Sciences Pharmaceutiques, Sciences de la Terre) et deux départements (Astronomie et Informatique). Elle dispose de sept bibliothèques principalement situées dans Genève : Anthropologie et écologie (Département de Biologie) ; Centre universitaire informatique ; Mathématiques ; Observatoire ; Physique ; Sciences de la Terre ; Sciences II (Biologie, Chimie, Sciences Pharmaceutiques). Ces sept bibliothèques proposent une collection d'environ 300'000 volumes, plus de 1'300 journaux spécialisés, ainsi que de la documentation électronique, gérés par une vingtaine de professionnels. Comme d’autres bibliothèques académiques, elles ont pour mission principale de mettre à disposition des membres de la communauté universitaire la documentation scientifique et technique nécessaire à l’enseignement et à la recherche effectués au sein de l’Université. Le gros de leurs utilisateurs est composé par les membres de la Faculté (étudiants, assistants, professeurs). Le réseau interne constitué par ces sept bibliothèques est aujourd’hui très hétérogène, tant au niveau des budgets que des locaux ou du personnel. Une fonction de coordination a été mise en place (avec la création d’une nouvelle appellation pour l’ensemble des bibliothèques : Bibliosciences), dans la perspective d’une harmonisation progressive de l’offre faite aux utilisateurs. Une réflexion globale est donc engagée sur les évolutions nécessaires de cette offre de service.
C’est dans ce contexte qu’une enquête a été menée entre juin et septembre 2006 par trois étudiantes du département Information documentaire de la HEG Genève, dans le cadre de leur Travail de Diplôme, sous la responsabilité de Florence Muet, professeure à la HEG Genève et d’Anne Christine Robert, coordinatrice de Bibliosciences. L’objectif de l’étude était d’appréhender de façon exploratoire (aucune enquête n’ayant jamais été réalisée dans ce lieu) les pratiques et les comportements documentaires de la communauté desservie par ces bibliothèques universitaires, soit les enseignants et les étudiants. Ce parti pris méthodologique de se centrer sur les pratiques des publics cibles ainsi que sur leur vision des services que devrait proposer une bibliothèque universitaire, et ce dans une logique qualitative (sous la forme d’entretiens semi-directifs en face-à-face), diffère de la pratique plus souvent répandue d’enquêtes d’usages et/ou de satisfaction sous forme d’enquête par questionnaire en sortie de bibliothèque (Renoult, 2006). Au total, une soixantaine de personnes ont été interrogées, dont 18 professeurs, 12 maîtres d’enseignement et de recherche, 14 assistants, 2 chercheurs et 13 étudiants (ces derniers ont été plus difficiles à toucher du fait de la période de réalisation de l’enquête, contrainte par le calendrier du Travail de Diplôme).
Le guide d’entretien proposait un échange autour de quatre principales thématiques, autour desquels nous organiserons la présentation des principaux résultats de l’enquête :
- Les habitudes et lieux privilégiés de travail;
- Les pratiques documentaires personnelles ainsi que la perception des enseignants et des étudiants sur leur propre compétence en matière de recherche d’information;
- L’usage de la bibliothèque et son intégration dans les pratiques personnelles;
- La définition personnelle de la bibliothèque idéale.
Les lieux et les rythmes de travail
Les entretiens montrent la forte mobilité des enseignants mais aussi des étudiants dans leur travail, mobilité dans laquelle la bibliothèque universitaire est repérée comme un des points de chute possibles. Même si des tendances se profilent, il faut noter également la diversité des pratiques, notamment liée aux conditions matérielles de travail disponibles pour les individus.
Les professeurs et assistants possèdent généralement leur propre bureau, salle de travail ou laboratoire. Ils préfèrent effectuer les recherches, lire de la documentation et analyser des données à partir de ce lieu, équipé de tout ce dont ils ont besoin pour leurs activités de recherche. La bibliothèque n’est donc pas utilisée en tant que lieu de travail, mais constitue essentiellement un espace d’accès à l’information papier. « Depuis que l’on trouve pratiquement tout en ligne, il n’y a plus besoin de se déplacer physiquement », déclare un professeur de Physique. « Pour ma part, j’utilise virtuellement la bibliothèque », indique un autre. Cette tendance est générale. Toutefois, certains déclarent se rendre encore occasionnellement sur place afin de consulter et emprunter des ouvrages pour la préparation de leurs cours. « C’est plus pratique d’avoir les livres sur place et comme cela, je n’ai pas besoin de les trimbaler dans mon bureau ! » affirme un physicien. Les enseignants se déplacent énormément pour effectuer leurs activités et travaillent par conséquent souvent ailleurs, voire à l’étranger. Cette mobilité n’a pas véritablement d’impact sur le recours à la littérature scientifique, car ils peuvent accéder aux ressources documentaires de l’université grâce à un accès sécurisé. Dans leurs déplacements, ils peuvent aussi parfois utiliser les bibliothèques locales pour trouver de la documentation.
Les étudiants viennent pour leur majorité utiliser l’espace physique des différentes bibliothèques pour travailler. Bien que certains étudient en priorité chez eux, beaucoup évoquent la distraction à leur domicile : « Je n’arrive pas à travailler chez moi. Il y a le téléphone qui sonne ou je suis souvent tenté de faire autre chose » explique un étudiant. Du coup, « la bibliothèque représente le lieu d’étude par excellence », selon une étudiante en Physique. Les étudiants apprécient le fait de pouvoir venir travailler individuellement à la bibliothèque (ils peuvent même venir avec leur ordinateur portable personnel) mais aussi de pouvoir y retrouver d’autres étudiants. La recherche de contact avec d’autres et le sentiment de solidarité sont ainsi souvent invoqués : « on aime bien se retrouver pour travailler et réviser ensemble… en plus, on a tous les livres sur place». Les périodes d’examens voient également un afflux d’étudiants à la bibliothèque. A l’inverse, on trouvera quelques étudiants qui préfèrent étudier à la maison pour des raisons d’habitude ou parce que la bibliothèque ne leur semble pas assez accueillante (trop bruyante ; pas de véritable salle de lecture).
Le travail à la maison est lié à l’équipement informatique sur place (ordinateur personnel, accès Internet haut débit et imprimante). C’est fréquemment le cas pour les enseignants, qui apprécient également l’isolement possible : « Dans mon bureau, je me fais sans cesse interrompre par le téléphone, des étudiants viennent pour me poser des questions… quand j’ai besoin de calme, je préfère travailler chez moi ». Même si la plupart du personnel enseignant pris en compte affirme ne pas aimer travailler à la maison pour des raisons variées (temps à consacrer à la famille, trop de distractions, etc.), presque tous sont obligés de le faire, le temps à disposition pendant la journée étant parfois insuffisant pour finaliser leurs tâches (lecture et rédaction d’articles, analyse de données ou préparation de cours). En revanche, de manière générale, les étudiants partagent leur temps de travail entre la maison et d’autres endroits, notamment les bibliothèques.
Certains étudiants utilisent plusieurs bibliothèques, celle de leur faculté mais aussi d’autres. Les arguments avancés concernent autant la recherche d’un confort de travail meilleur que la possibilité d’accéder à des collections connexes. On remarquera cependant que plus la bibliothèque est perçue comme bien fournie en ressources documentaires, moins le recours à d’autres bibliothèques est fréquent. Par contre, la qualité du confort de travail devient un critère premier dans les périodes de révision d’examen.
On le voit donc, la bibliothèque n’est plus, et de loin, le seul lieu physique d’accès aux informations et à la littérature scientifique. Les technologies Internet permettent une mobilité des enseignants et des étudiants, mobilité dont ils usent fortement. La tendance est générale. Une étude américaine récente montre que 41,5% de la population académique travaille le plus souvent hors du campus (Friedlander, 2002). Le constat de la forte baisse de la fréquentation des bibliothèques universitaires par les enseignants et les chercheurs est général (Van Dooren, 2006). Une autre enquête auprès de publics étudiants montre en fait deux profils : les assidus, qui fréquentent très régulièrement la bibliothèque pour y travailler sur leurs notes mais aussi exploiter les collections ; et ceux qui utilisent la bibliothèque à distance et ne font qu’y passer pour emprunter voire y séjourner un temps court pour consulter (Maresca, 2005).
Les pratiques documentaires
Les types de documents utilisés
Les articles scientifiques électroniques sont les documents les plus sollicités par les professeurs et assistants interrogés, qui les ont tous cités comme source principale pour la recherche. L’accès aux articles de revues électroniques permet aux enseignants de suivre rapidement l’évolution de leur domaine. Le recours à ce type de document est donc très fréquent pour eux, voire quotidien. Les monographies viennent en second lieu et sont surtout utilisées pour rappeler les connaissances de base ou comme références pour la préparation des cours. Viennent ensuite les actes de conférence. Selon les domaines, certains peuvent avoir recours à d’autres types de documents, par exemple des documents iconographiques ou audiovisuels.
Généralement, les enseignants préfèrent rechercher et effectuer une lecture rapide à l’écran pour des questions d’efficacité afin d’évaluer le contenu du document. Certains professeurs n’aiment pas lire sur écran et impriment systématiquement, le support papier étant plus confortable pour la lecture. D’autres repèrent le titre, lisent l’introduction, l’abstract et la conclusion, puis impriment si nécessaire. Le support papier est donc privilégié pour la lecture approfondie pour des raisons de confort mais aussi pour son côté pratique : il a encore l’avantage d’être transportable et permet de faire des annotations (par exemple l’attribution de mots-clés personnels), des comparaisons, de surligner et reste par conséquent un support de travail très apprécié. Un seul enseignant dit lire à l’écran et utilise pour cela Adobe 7, qui permet de faire directement des annotations.
De leur côté, les étudiants recherchent en priorité les monographies citées dans les bibliographies données par leurs professeurs (dont la valeur prescriptive a déjà été montrée, voir Després-Lonnet et al. 2006). Il s’agit surtout d’ouvrages et de manuels de base, qu’ils privilégient parce qu’il s’agit de document très structurés. La lecture d’un chapitre est généralement préférée à une lecture intégrale de l’ouvrage. Les étudiants préfèrent aller chercher les livres à la bibliothèque, éventuellement les feuilleter avant de les emprunter pour pouvoir les lire ailleurs, notamment à la maison. Ils effectuent aussi souvent des photocopies de parties intéressantes, avec une pratique d’annotation personnelle très répandue. Les articles sont recherchés plus occasionnellement, notamment pour des séminaires et les travaux de fin d’étude. Le reste du temps, les étudiants se basent essentiellement sur les polycopiés distribués par les professeurs pour préparer leurs examens : « Ils sont bien faits, je n’ai donc pas besoin de chercher d’autres informations », déclare un étudiant en Physique. De ce fait, ils connaissent peu les ressources en ligne (périodiques électroniques) proposées par la Faculté des Sciences et une minorité les utilise. La prédominance des polycopies et des ouvrages comme source documentaire première des étudiants a déjà été montrée par des enquêtes plus vastes. Par exemple, un étudiant de sciences humaines de l’Université Paris 4 passe en moyenne deux heures par jour de lecture sur ses polycopiés et notes de cours et autant sur des livres (Singly, 2005).
Il est intéressant de relever que la plupart des personnes interviewées conserve les documents lus, en essayant de suivre une certaine rigueur dans leur classement personnel. Pratiquement tous les étudiants classent ces copies personnelles par cours, alors que les professeurs et assistants semblent plutôt les différencier par thème. L’archivage se fait principalement sous forme papier. L’enregistrement des articles sous forme électronique se répand cependant de plus en plus, souvent d’ailleurs en complément du document papier. Les articles sont enregistrés en format PDF dans des dossiers sous un répertoire personnel. Une minorité de personnes utilise une version étendue d’Acrobate Reader (version PDF Maker) ou un logiciel de gestion de bibliographie comme Endnote ou Reference Manager pour ce type d’archivage. Certains professeurs enregistrent dans un dossier commun les articles électroniques intéressants pour les mettre à disposition du groupe de recherche ou des collègues. On notera aussi que la quasi totalité des enseignants possède une collection personnelle de livres, dont l’ampleur varie beaucoup en fonction du statut et du département de rattachement (dans certains domaines, par exemple en mathématiques, le prix des ouvrages est souvent exorbitant et rend plus difficile une acquisition personnelle). De manière globale, les ouvrages achetés constituent une référence de base dans le domaine de recherche. Ils sont acquis indépendamment du fait que la bibliothèque les possède ou non, les enseignants mettant en avant le besoin d’avoir ces ouvrages sous la main et ce à long terme.
Les sources d’information utilisées
Les professeurs, chercheurs et assistants préfèrent rechercher leur documentation dans les bases de données scientifiques généralistes (ScienceDirect, Web of Science, etc.) ou spécifiques à leur domaine d’activité (par exemple Chemical Abstracts pour la chimie ou MathScinet pour les mathématiques). Très peu d’étudiants consultent régulièrement ce type de source d’information. Bien qu’ils aient la possibilité de découvrir les bases de données relatives à leur domaine en naviguant sur le site web des bibliothèques, ceux qui les connaissent ont découvert ces sources surtout par le bouche-à-oreille entre eux ou dans certains cas grâce aux cours de formations dispensés par les bibliothécaires ou à leurs professeurs.
Certains professeurs et quelques très rares étudiants disent rechercher assez régulièrement des articles dans le catalogue des bibliothèques, sur le portail de périodiques suisses (PSP) ou dans le catalogue collectif suisse des publications en série « RP » (qui n’est pourtant plus actualisé depuis 2002) pour la recherche de documents anciens. Pour la recherche de livres, ils choisissent de consulter le catalogue des bibliothèques de la Faculté, intégré dans le catalogue collectif du réseau documentaire romand RERO. La consultation des catalogues d’autres bibliothèques semble rare. Un seul professeur indique par exemple utiliser de temps en temps le catalogue collectif NEBIS (Netzwerk von Bibliotheken und Informationsstellen in der Schweiz) ou le site web de la Bibliothèque Nationale de France.
Si la plupart des enseignants semble relativement à l’aise avec la recherche dans les catalogues, ce n’est pas du tout le cas pour l’ensemble des étudiants, dont certains ignorent leur existence ou en ont « juste entendu parler ». Un étudiant parmi d’autres précise : « Quand j’ai besoin d’un livre, je vais me promener dans les rayons. Je sais où se trouve le domaine qui m’intéresse. Si je ne trouve pas, je demande aux bibliothécaires ! ». Généralement, les étudiants repèrent les rayons d’ouvrages relatifs à leur domaine d’étude lors de leur première visite à la bibliothèque ou demandent au personnel de lui indiquer où se trouve ce dont ils ont besoin. Par la suite, ils se rendent directement au rayon correspondant. Au niveau des recherches, on peut constater que très peu de personnes connaissent les fonctions de recherches avancées dans RERO.
Notons aussi que le réseau est très actif dans le milieu scientifique : les chercheurs se transmettent les sources et les références entre eux. Deux maîtres d’enseignement et de recherche déclarent avoir installé un système d’alerte personnalisé sur leur profil afin d’être informés régulièrement des actualités du domaine.
Pour les recherches d’informations plus générales, Google est cité par quasiment tous. Ils se servent de Google surtout quand:
- Ils n’ont pas d’informations précises sur un sujet afin de se faire une idée de base et cherchent ainsi à cibler le domaine de recherche;
- Quand ils ont besoin d’une petite information rapide et simple, notamment la recherche d’une définition sur un dictionnaire en ligne;
- Pour la recherche d’informations génériques, comme par exemple celles figurant sur le site Internet d’un chercheur (ex. bibliographie).
Google Scholar est utilisé par quelques professeurs qui le préfèrent à sa version standard : ils trouvent les résultats beaucoup plus ciblés et s’en déclarent très satisfaits. Cet outil a également été cité par quelques rares étudiants (la majorité d’entre eux ne connaît pas l’outil), tout aussi satisfaits quant aux résultats. Cependant, l’un d’entre eux avoue tout de même « ne pas trop comprendre comment ça marche ».
L’usage de la bibliothèque et de ses services
Un autre thème de l’enquête concernait l’usage de la bibliothèque et sa place dans les pratiques documentaires des enseignants et des étudiants. Le niveau de fréquentation des bibliothèques diffère en fonction des différents départements. Cela peut dépendre du fait que des usagers d’un domaine spécifique ont plus besoin de s’y rendre régulièrement que d’autres, comme par exemple en Mathématiques, où la bibliothèque constitue un outil de travail quotidien et indispensable pour les chercheurs.
En général, les individus interrogés vont à la bibliothèque selon leurs besoins ou leur emploi du temps. Leur taux de fréquentation ne dépend donc pas de facteurs internes à la bibliothèque (par exemple trop de monde). En revanche, le type d’utilisation des bibliothèques varie relativement peu au sein des différents départements. Les activités les plus pratiquées dans les sept bibliothèques sont pratiquement les mêmes : la consultation rapide, l’emprunt et le travail sur place.
Trois usages principaux de la bibliothèque ressortent de l’enquête:
- La consultation rapide sur place et l’emprunt des documents sélectionnés. Une pratique assez commune est celle de se promener entre les rayons pour feuilleter des ouvrages. Les ouvrages retenus sont ensuite le plus souvent empruntés. De manière globale, les usagers connaissent assez bien les ouvrages relatifs à leur domaine et ont une connaissance plus générale de l’intégralité de la collection. Ils vont chercher les livres directement au rayon correspondant. Les personnes qui semblent bien connaître le contenu global des bibliothèques sont à la Faculté depuis relativement longtemps et savent où se trouvent les ouvrages à force d’en emprunter. D’autres affirment mieux connaître les nouveautés ou l’actualité relative aux périodiques. Le fait que les bibliothèques de Physique et de l’Observatoire soient petites facilite aussi la connaissance du contenu.
- La consultation d’ouvrages et de revues sur place sans emprunt, qui est presque toujours le fait des enseignants.
- Le travail sur place avec des documents et outils personnels, essentiellement par les étudiants.
- On voit donc que, de manière générale, outre la zone de travail évoquée précédemment, la zone de stockage des bibliothèques reste bien utilisée par les usagers. La plupart viennent repérer les ouvrages intéressants, voir s’il y a des nouveautés ou chercher des livres dont ils possédaient la référence. Le guichet de prêt est également très sollicité par les utilisateurs pour des raisons liées au prêt des ouvrages ou à la demande de renseignements. D’autres usages de la bibliothèque sont mis en avant :
- Commander des articles : c’est l’une des principales raisons pour lesquelles les professeurs se rendent à la bibliothèque. Cette activité a été citée par l’ensemble des professeurs, chercheurs et assistants.
- Proposer des nouvelles acquisitions : pratiquement tous les enseignants se rendent à la bibliothèque pour soumettre leurs propositions ou envoient leurs demandes par courrier électronique au bibliothécaire. En revanche, les étudiants effectuent moins de propositions d’achat soit parce qu’ils n’ont pas la possibilité de le faire dans certaines bibliothèques, soit parce qu’ils ignorent cette opportunité.
- Demander des renseignements : bien qu’aucune bibliothèque ne dispose de service de référence à proprement parler, plus de la moitié des usagers vient régulièrement ou occasionnellement demander des renseignements aux bibliothécaires. Généralement, les questions des enseignants sont plutôt relatives à l’accès aux ressources électroniques alors que celles des étudiants concernent essentiellement la recherche d’ouvrages.
- Faire des photocopies : cette activité est plus particulièrement citée par les assistants et les étudiants. En Pharmacie, certains y vont aussi pour imprimer des posters, car la bibliothèque de Sciences II possède une imprimante couleur.
- Effectuer des recherches bibliographiques : en plus des recherches électroniques, qui peuvent être faites aussi à distance, la plupart des usagers interrogés effectue aussi de temps en temps des recherches bibliographiques de livres ou d’articles dans des revues sur format papier. Les professeurs cherchent plutôt des monographies spécialisées ou des articles ; les étudiants des livres mentionnés dans les bibliographies distribuées par les professeurs ;
La plupart des usagers interrogés connaît les services de prêt, de prêt inter bibliothèques et de renseignements. Ces trois services sont d’ailleurs ceux qui sont les plus utilisés. Les personnes ne fréquentant pas d’autres bibliothèques ont notamment souvent recours au prêt inter bibliothèques.
On remarque donc que ce sont principalement les services de base, « traditionnels », des bibliothèques, qui sont utilisés. Ainsi, la majorité des professeurs et quelques étudiants sondés connaissent l’existence des cours de formation à la recherche documentaire par bouche-à-oreille, mais un seul étudiant de la section de Chimie en a suivi un. D’autres professeurs savent qu’il existe un service d’alerte qui peut les informer par mail des nouvelles acquisitions de la bibliothèque. Malgré la connaissance de l’existence de ce service, un grand nombre de professeurs néglige ces mails d’avertissement. Ce recours principal aux services de base est aussi mentionné dans d’autres études. Par exemple, une enquête auprès des étudiants de la bibliothèque de l’Université Paris X montre également le poids dominant de la consultation sur place et de l’emprunt des ouvrages et la méconnaissance globale des ressources numériques proposées : plus de la moitié des étudiants utilise les ressources papier de la bibliothèque mais seulement un sur dix consulte les périodiques électroniques (Dupuy, 2006). Une étude récente faite auprès du public étudiant de la bibliothèque de l’Université Paris 8 apporte un éclairage plus précis sur les usages sur place de la bibliothèque. Basée sur un volume important de réponses, elle a permis l’identification statistique de trois principaux profils d’usagers : ceux qui utilisent principalement la bibliothèque comme lieu de travail (50%) ; ceux qui utilisent quasi uniquement le service de prêt (23%) ; et enfin, les gros utilisateurs, qui exploitent l’ensemble de la palette des services proposés (23%) (MV2 Conseil, 2007).
La bibliothèque idéale
Enfin, enseignants et étudiants ont été interrogés de façon très ouverte sur leur vision de la bibliothèque idéale. Pour tous, cette bibliothèque devrait d’abord être confortable et disposer d’un bon équipement ; de places de travail en nombre suffisant avec des tables assez grandes et des chaises confortables ; d’une température adéquate (ni trop chaud l’été ni trop froid l’hiver) ; d’une bonne luminosité. Bien sur, elle doit aussi mettre à disposition des ordinateurs avec accès à Internet, des prises électriques pour les portables et un accès Wifi. Cette bibliothèque devrait également être un endroit calme, convivial et spacieux, où décoration, couleurs et plantes apportent une touche de bien-être.
Un nombre non négligeable de chercheurs et d’étudiants voudrait que la bibliothèque devienne également un lieu de détente avec la présence de canapés pour pouvoir se relaxer par moments, la possibilité de se restaurer (avec par exemple la création d’une cafétéria au centre de la bibliothèque) ou la présence de livres « loisirs » (par exemple des bandes dessinées).
Certains chercheurs souhaiteraient aussi que la bibliothèque ne soit pas qu’un lieu de passage et de consultation, mais au contraire un lieu de rencontre, de renseignements et d’enseignement. Afin de favoriser l’échange et en même temps la tranquillité, quelques personnes suggèrent la création d’espaces cloisonnés pour pouvoir parler sans déranger les autres (par exemple des box fermés pour le travail en groupe) et des coins calmes pour travailler.
Tout le monde voudrait un classement simple des livres, un système d’indexation et de cotation lui aussi simple, clair, efficace afin de retrouver les livres facilement. Les personnes rencontrées semblent insister sur la mise en place d’un « endroit fait pour les gens et non pas pour les livres ».
Souvent, les personnes évoquent aussi le fait que leur bibliothèque idéale devrait bénéficier de moyens financiers suffisants, voire élevés, afin d’acheter le plus d’ouvrages possible et d’assurer les abonnements aux revues électroniques. Les usagers interviewés souhaiteraient ainsi disposer sur place de collections complètes (« pas de trous », acquisition de livres à double, etc.), à jour et surtout en libre accès. Ils aimeraient également avoir accès aux archives des périodiques électroniques antérieurs à 1996. Quelques chercheurs sondés proposent de mieux mettre en valeur les ouvrages anciens. La bibliothèque idéale devrait également avoir beaucoup de personnel et des horaires d’ouverture plus étendus. Certains souhaiteraient même avoir un accès permanent, même en l’absence de personnel, afin de travailler quand ils le souhaitent avec les outils de la bibliothèque.
Dans le même sens, on met l’accent sur le fait que la bibliothèque idéale devrait être virtuelle et en réseau avec un accès permanent aux documents. La numérisation de toute la collection (scannage de livres) et l’archivage à long terme des revues électroniques deviendrait nécessaire afin de gagner du temps dans les recherches. L’accès aux bases de données est également évoqué, mais avec des interfaces de recherche plus simples. A l’inverse, d’autres ne voudraient surtout pas d’une bibliothèque uniquement numérique : les ouvrages sur papier et les périodiques électroniques devraient selon eux coexister, du fait de leur complémentarité.
Les personnes consultées semblent aussi attribuer beaucoup d’importance à la mise à disposition d’un service de revue de presse (certains évoquent l’idée d’un « coin actualité »), de services d’alerte personnalisés et enfin au fait d’avoir la possibilité d’effectuer le prêt de manière automatique (introduction de puces dans les livres). Ils imaginent également avoir à disposition un prêt inter - bibliothèques et un service de référence performants (notamment un personnel qui les aide en ligne dans leurs recherches bibliographiques). Quelques chercheurs aimeraient aussi que leur bibliothèque idéale ait un site Internet qui soit convivial et facile d’utilisation et depuis lequel on puisse transmettre des vidéoconférences. D’autres suggestions sont également faites sur l’aide à apporter aux utilisateurs : la mise à disposition de modes d’emplois (par exemple : comment rechercher un livre) mais aussi l’organisation de recherches bibliographiques assistées à la bibliothèque ou encore la réalisation de bibliographies pendant les heures de cours.
Pistes pour une structuration de l’offre de service en bibliothèque académique ?
Bien que menée sur un petit nombre de personnes, l’enquête qualitative réalisée auprès des publics cibles de Bibliosciences pointe des pratiques et des comportements documentaires soulevés également par d’autres enquêtes (dont nous avons cité quelques unes) : l’importance de la bibliothèque comme lieu de travail pour les étudiants ; le recours aux ressources numériques à distance principalement par les enseignants et les chercheurs ; l’usage premier des services sur place dits traditionnels comme le prêt ou la consultation ; etc. L’interrogation ouverte sur la bibliothèque idéale montre différents axes d’attentes de la part de la communauté académique : autour du confort et des conditions d’accès au lieu ; autour de l’offre documentaire (pour laquelle on pourra cependant constater que les attentes énoncées diffèrent parfois des pratiques : on voudrait l’accès à tous les périodiques électroniques, mais, dans la réalité, pour certains types de public, on les consulte assez peu fréquemment) ; et enfin autour des services proposés par les bibliothèques à leur public. Ce résultat nous semble susceptible d’aider à dresser une cartographie possible de l’offre de service en bibliothèque académique autour de trois axes.
Un espace de travail et de rencontre
La question de la baisse de fréquentation physique des bibliothèques académiques, au profit d’un usage à distance des ressources numériques mises à disposition, revient actuellement comme un leitmotiv dans les revues et les colloques professionnels (certaines études amèneraient cependant à relativiser ce constat : une enquête d’ampleur menée auprès des publics étudiants des bibliothèques universitaires de Paris montrait que, en 2003, encore 67% des étudiants fréquentaient régulièrement leur bibliothèque universitaire. Renoult, 2004 ; dans l’enquête menée à Paris 8, on voit que la moitié des étudiants a encore un usage sur place documentaire de la bibliothèque, MV2 Conseil, 2007). Face à ce constat, une première posture serait de mettre résolument l’accent sur les services à distance proposés par la bibliothèque et de désinvestir les services rendus sur place. Or, les différentes études disponibles, dont celle présentée ici, montrent bien l’importance pour les étudiants de la bibliothèque comme lieu de travail et de socialité (d’autres études montrent également la valeur symbolique que revêt la bibliothèque universitaire pour les enseignants, comme lieu de conservation du savoir). Une approche opposée vise alors à revaloriser la bibliothèque comme point d’attache pour la communauté académique, dans une fonction de centre de ressources mais aussi de lieu de vie universitaire. Des projets se développent ainsi autour de la notion de Learning Center, engagée de façon précursive par la Hallam University de Sheffield (Jeapes, 1996). On donnera ici l’exemple plus proche du projet conduit par l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne. Ce projet, qui inclut une ambition architecturale forte, consiste à intégrer la bibliothèque dans ses fonctions traditionnelles (accès aux collections papier ou numériques, consultation, prêt, orientation et référence) dans un espace ouvert et modulable plus vaste, incluant aussi une proposition de services (cafeteria, restaurant), une proposition éducative (zones de travail, laboratoire de langues, etc.) et une proposition culturelle (zone d’exposition, de conférences ou de spectacles). Selon les porteurs du projet, la bibliothèque est ainsi repensée dans une logique de création « d’expérience sensible », avec trois missions : « placer ses collections au milieu d’un complexe de vie et de socialisation ; satisfaire les besoins physiologiques de la communauté (détente, alimentation, consommation) ; mettre en scène le savoir de manière spectaculaire » (Aymonin, 2005). Cette tendance s’inscrit dans un mouvement plus global de « re-enchantement des lieux de consommation » qui (re)met en avant la place de la médiation humaine (Ferchaud, 2003).
L’accès assisté 24/7 aux ressources
Le corollaire de la baisse de fréquentation physique est le développement de l’accès à distance aux ressources proposées via la bibliothèque. Là encore, il faudrait peut-être relativiser le propos. L’étude menée auprès des enseignants et étudiants de la Faculté des Sciences a montré que l’usage des périodiques électroniques est essentiellement le fait des enseignants ; et que les bases de données sont très peu connues et utilisées. D’autres observateurs font le même constat : « la faiblesse du taux d’utilisation des outils informatisés en BU est un fait attesté, et, disons-le, compte tenu des enjeux humains et financiers, problématique… » (Renoult, 2006). Un des enjeux clés est celui de la facilité de l’accès à ces ressources. Une étude américaine récente sur l’utilisation des bibliothèques académiques par les chercheurs montre bien que ceux-ci privilégient un accès immédiat à l’information et n’acceptent plus de passer beaucoup de temps en recherche documentaire (Research information network, 2007). Au-delà de la constitution de l’offre documentaire à distance, dont il faut gérer la qualité et la pertinence (et ce le plus souvent dans un contexte de tension budgétaire), trois dimensions de l’offre de service des bibliothèques académiques semblent importantes.
- La garantie de l’accès 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 aux ressources numériques gérées par la bibliothèque pour sa communauté d’utilisateurs, où que soit situés physiquement ceux-ci, donc dans une logique d’extranet avec des accès sécurisés. C’est par exemple déjà le cas pour les enseignants de la Faculté des Sciences de l’Uni Genève, qui disposent du système VPN (Virtual Private Network).
- La formation à la recherche et à l’utilisation de ce type de ressource. Pour beaucoup, le développement de cette fonction pédagogique, dans une perspective d’enracinement d’une culture et d’une maîtrise de l’information (Information literacy) devient aujourd’hui une des missions essentielles des bibliothèques académiques.
- L’assistance aux utilisateurs. Dans ce domaine, les bibliothèques investissent aujourd’hui fortement autour des services de référence en ligne (Nguyen, 2006), notamment devant le constat général de la chute des demandes pour les services de références sur place. Pour certains, cependant, il faut sortir de cette logique. Elle est basée sur l’idée selon laquelle l’usager sollicite l’aide de la bibliothèque quand il en a besoin alors que toutes les études faites sur les pratiques montrent aujourd’hui le désir d’autonomie de l’utilisateur. Une autre approche peut se développer dans une logique d’accompagnement direct au niveau du réseau, dans une perspective en quelque sorte « éditoriale » : mettre plus de valeur ajoutée dans le catalogue, proposer des orientations dans les sources, développer les produits documentaires électroniques (Balin et al. 2005). Autrement dit, être dans une logique de « push » et non de « pull » de l’assistance documentaire. Une autre dimension de l’assistance concerne l’assistance technique. Certaines bibliothèques ont fait le constat que l’équipement individuel de l’utilisateur, à la fois en logiciels spécialisés et en compétences techniques pour utiliser ces logiciels, est souvent déficient et constitue un frein important à l’utilisation des ressources documentaires numériques. Il y a là un autre axe d’assistance à développer, à l’exemple de cette bibliothèque universitaire australienne qui a mis au point un kit de logiciels et d’outils utiles pour la recherche et le traitement documentaires diffusé sur cd-rom à l’ensemble des étudiants et de la faculté (Cavanagh, 2001).
Des services personnalisés à forte valeur ajoutée
Un troisième axe de structuration de l’offre de service des bibliothèques académiques pour leur public se situe à l’évidence autour du développement de services à valeur ajoutée, se positionnant en complément de l’accès direct aux ressources documentaires, notamment numériques. Les enseignants et étudiants interrogés dans le cadre de l’enquête pour la Faculté des Sciences de l’Université de Genève émettent de fortes attentes vis-à-vis des professionnels des bibliothèques dans ce sens. Le maître mot est ici celui de la personnalisation du service rendu à l’utilisateur, ainsi bien sûr que sa qualité (Ferchaud, 2006) Toute une gamme de produits et de services, notamment liés à la diffusion documentaire, peut être implantée par les bibliothèques universitaires. La Bibliothèque interuniversitaire de médecine de l’Université de Paris 5 a par exemple investi depuis longtemps déjà sur la mise en ligne de bibliographies et de dossiers, dans une logique de portail documentaire. Les bibliothèques ont aujourd’hui des perspectives ouvertes avec les outils issus du Web 2.0. On pourra citer l’exemple de la Bibliothèque universitaire de Médecine de Lausanne, dont le centre de documentation en santé publique a mis en place un système d’alerte documentaire en utilisant le format RSS (Iriarte, 2006). Cet axe de développement suppose de mettre fortement l’accent sur la dimension service de l’activité des bibliothèques et de prendre en compte de façon beaucoup plus ciblée et adaptée les pratiques des différentes catégories d’usagers en présence (Van Dooren, 2006). Autrement dit, il suppose que la bibliothèque sorte d’une posture de prestataire pour engager une relation de « co-production » avec l’utilisateur.
Pour conclure provisoirement, on voit bien que les évolutions de l’accès libre et direct via la documentation numérique aux publications scientifiques obligent les bibliothèques académiques à un repositionnement dans ce nouveau circuit de l’information (Salaun, 2004). Face à ce constat, les bibliothèques académiques ne peuvent plus se concevoir uniquement comme des lieux de conservation et d’accès au savoir, dont elles ne sont plus les seuls récipiendaires, mais plus comme des prestataires de services autour de l’accès à l’information (Bailin, 2003). La question clé est alors de savoir autour de quelle logique de service doit s’orienter chaque bibliothèque académique. L’enquête menée auprès des publics cibles des bibliothèques de sciences de l’Université de Genève a permis de donner à ces bibliothèques des pistes pour orienter et harmoniser leur gamme de services et fourni l’occasion d’une réflexion sur les logiques de structuration de cette offre. Un travail complémentaire reste à faire pour consolider cette réflexion et y ajouter la perspective institutionnelle (avec certainement un quatrième axe de développement du rôle des bibliothèques universitaires autour de la valorisation des productions académiques et scientifiques de l’institution), non prise en compte dans l’enquête menée auprès des utilisateurs potentiels des bibliothèques.
Références
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