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Renouvaud : de la gestion de projet à la coordination du réseau vaudois des bibliothèques
Ressi — 20 décembre 2018
Jeannette Frey, Directrice BCU Lausanne, Présidente Renouvaud
Piergiuseppe Esposito, Chargé de missions BCU Lausanne
Résumé
En 2014, le Canton de Vaud décide de quitter RERO, le réseau des bibliothèques de Suisse occidentale, pour migrer vers de nouvelles technologies cloud. La Bibliothèque cantonale et universitaire - Lausanne va utiliser la méthode de gestion de projets HERMES, développée par la Confédération. Elle renonce à passer aux règles de catalogage RDA, conserve le format MARC21. Elle complète le cahier des charges GEMEVAL, élaboré par RERO, IDS et la BNS, pour lancer un appel d'offres qui aboutit à la sélection du système Alma de l’entreprise Ex Libris. Le contrat est signé à la fin de l'été 2015. Le programme, intitulé Renouvaud, se compose de trois sous-projets : organisationnel, informatique et bibliothéconomique. Il englobe, à peu d'exceptions près, toutes les bibliothèques du Canton de Vaud : patrimoniales, scientifiques, scolaires et lecture publique. Le réseau Renouvaud est opérationnel dès le 22 août 2016. Considérant que le projet national SLSP a choisi la même solution informatique (Alma), Renouvaud devrait être à même de coopérer avec lui. Renouvaud a tenu les délais fixés en respectant le budget voté. Fin 2017, il offre plus de 3,5 millions de documents imprimés et presque 1 million de documents numériques.
Renouvaud : de la gestion de projet à la coordination du réseau vaudois des bibliothèques [1]
Historique de la décision vaudoise
Le projet Renouvaud a été initié suite à la décision du canton de Vaud de quitter RERO (REseau ROmand, réseau des bibliothèques de Suisse occidentale). Le 14 mars 2014, la Conseillère d’État Anne-Catherine Lyon, cheffe du Département de la formation, de la jeunesse et de la culture (DFJC), annonçait à la Conférence intercantonale de l’instruction publique de la Suisse romande et du Tessin (CIIP), organe titulaire de RERO, que le canton de Vaud se dédisait de la convention intercantonale RERO à fin 2016[2]. Cette décision était motivée par l’impossibilité de trouver une nouvelle gouvernance pour RERO après 8 ans de tractations, ce qui bloquait l’investissement pour le passage à de nouvelles technologies cloud. Plusieurs solutions pour la gouvernance avaient été étudiées, le concordat intercantonal, puis l’option de créer une association, sans succès. Au terme de nombreuses discussions et de longs blocages, la Conseillère d’État constatait que RERO était devenu pénalisant pour le réseau vaudois et la Bibliothèque cantonale et universitaire – Lausanne, en particulier pour répondre aux demandes pressantes des utilisateurs universitaires. Le 17 mars 2014, la Direction de la BCU Lausanne répercutait la nouvelle de la dédite de la convention auprès de l’ensemble de ses collaborateurs ainsi qu’aux partenaires des bibliothèques vaudoises membres de RERO.
Mandat donné par le politique pour Renouvaud
Donnant suite à cette décision, le DFJC émettait en avril 2014 un mandat de reprise de la gestion du réseau vaudois par la BCU Lausanne à la sortie du canton de Vaud de RERO, soit au 1er janvier 2017. Le mandat détaille les objectifs généraux et spécifiques du projet Renouvaud. À la fin du projet, la BCU Lausanne devait se trouver en mesure d’offrir une solution de gestion effective et efficiente du réseau, au point de vue organisationnel, financier et métier et avoir mis en place un système de gestion intégré de bibliothèque (SIGB) dans le cloud, permettant aux bibliothèques vaudoises de collaborer entre elles et avec d’autres réseaux suisses et francophones, ainsi qu’avec la Bibliothèque Nationale Suisse (BNS). Le mandat prévoyait également que la BCU Lausanne propose au DFJC une gouvernance pour le réseau vaudois ainsi qu’un nouveau business model avec des flux d’argent simples et transparents. Le défi était de taille en raison des délais imposés.
La gestion de grands projets à la BCU Lausanne
Pour la gestion de ses projets, la BCU Lausanne a recours à la méthode de gestion de projets HERMES, développée par l’Unité de pilotage informatique de la Confédération[3]. L’organigramme, les rôles, le phasage et planning ont donc été mis en place selon cette méthode. Le pilotage et la conduite reposent sur deux instances : un comité de pilotage (CoPil) et un comité de projet (CoPro).
Éléments de la méthode HERMES 5
Source : Manuel de référence HERMES 5.1 (repli cartonné de couverture)
Principes de base pour la mise en place du réseau Renouvaud
La BCU Lausanne a lancé le projet Renouvaud avec l’objectif d’implémenter les outils, services et processus de travail nécessaires à la reprise des fonctionnalités couvertes pour le réseau vaudois par les anciens outils de RERO, et de les compléter avec des fonctionnalités pour lesquelles le réseau vaudois n’avait pas reçu de réponses de RERO au cours des années précédentes – en particulier l’acquisition, la gestion et la mise à disposition des ressources numériques. Déjà au sein de RERO, la BCU Lausanne assurait pour les bibliothèques vaudoises la gestion d’un certain nombre de processus : bon nombre de formations dispensées, la participation aux groupes de travail et aux task forces, etc.).
La reprise complète de la gestion du réseau vaudois nécessitait cependant d’étudier les processus de travail partagés existants entre la Centrale RERO et la Coordination locale vaudoise, ainsi que de cartographier les processus de travail à créer pour compléter l’existant, un travail qui a été fait dans le cadre de la phase d’analyse préliminaire.
Plusieurs scénarios ont été élaborés, avec ou sans modification des règles de catalogage et du format de métadonnées lors de la migration des données.
Au-delà de leur utilisation au sein de RERO, les règles AACR2 (règles de catalogage anglo-américaines) constituaient alors l’ensemble structuré de règles de catalogage le plus usité dans le monde, traduit dans de nombreuses langues. Un mandat de veille prioritaire fut confié à un groupe de travail composé d’experts en catalogage afin d’évaluer l’impact et la faisabilité d’un passage aux normes RDA / FRBR durant la phase de conception du projet. Il en ressortit que le RDA n’était pas encore abouti, que la traduction française avait été interrompue et que la France ne prévoyait pas une transition dans un futur proche.
Finalement, ce fut le scénario impliquant un changement de SIGB sans passage aux règles de catalogage RDA, et sans modification du format des notices MARC21 vers un modèle FRBR qui fut choisi, en raison d’une part des délais de réalisation et de mise en œuvre très serrés et d’autre part parce que cela réduisait considérablement la complexité du projet.
Le cahier des charges Renouvaud
En ce qui concerne le cahier des charges, le projet Renouvaud ne partait pas de rien. De 2009 à 2012, RERO, IDS et la BNS avaient mené le projet GEMEVAL (Gemeinsame Evaluation eines neuen Bibliothekssystems), au cours duquel un cahier des charges commun avait été ébauché. Un appel d’offres commun n’avait cependant pas pu être envisagé, notamment en raison du fait que pour les partenaires IDS, chaque canton aurait dû être partenaire et valideur de l’appel d’offres public, ce qui semblait impraticable.
Après l’initialisation du projet Renouvaud, l’ébauche de cahier des charges issue de GEMEVAL a donc été reprise et complétée par un recueil exhaustif des besoins des membres du réseau vaudois, afin d’offrir un tableau synthétique des éléments principaux devant être couverts par un appel d’offres public. Les spécialistes de chaque domaine ont participé à la rédaction en détail de tous les points. La récolte des informations s’est déroulée par tandem de deux personnes : une personne en charge de la rédaction du besoin et une personne en charge de la relecture du besoin.
On remarquera que la description de la solution cible comprend des fonctions requises (obligatoires), des fonctions additionnelles souhaitables (optionnelles) et des fonctions facultatives (Nice to have). Cette différentiation résulte des conditions-cadres des appels d’offres publics. Les fonctions facultatives sont par exemple des points présentant un intérêt, mais hors périmètre du projet tel qu’évalué dans le cadre de l’appel d’offres public.
Les fonctionnalités standards étaient regroupées en sept modules pour décrire l’architecture fonctionnelle : acquisitions, catalogage, périodiques, lecteurs, circulation, statistiques et catalogue public. Les exigences du système, autant fonctionnelles que non fonctionnelles, ont été modélisées selon le formalisme UML des cas d’utilisation (Use Case). Les cas d’utilisation ainsi obtenus sont regroupés dans des modules qui eux-mêmes sont regroupés dans des thèmes. Pour chaque module précité, les exigences requises sont jugées indispensables pour le démarrage de l’exploitation du SIGB au 1er janvier 2017, tandis que les fonctionnalités souhaitées peuvent être mises à disposition des usagers dans un second temps.
L’appel d’offres public – état du marché du SIGB cloud en 2014
La rédaction du cahier des charges fut effectuée dans un temps record durant l’été 2014, ce qui permit de lancer l’appel d’offres public à l’automne 2014. L’objet du marché était d’acquérir et déployer un SIGB couvrant l’ensemble des besoins des bibliothèques du réseau vaudois ainsi que la fourniture de prestations associées. Le périmètre de l’offre comprenait la fourniture et la maintenance d’un SIGB dans le cloud, incluant la mise à disposition et la maintenance de deux environnements (soit production et test), ainsi que la formation de l’équipe de projet et des formateurs eux-mêmes.
Le marché a été adjugé sur la base des cinq critères d’évaluation suivants (avec leurs pondérations) : prix total de l’offre (30%), organisation pour l’exécution du marché (15%), qualité fonctionnelle et technique (30%), organisation de base du soumissionnaire (15%) et références du soumissionnaire (10%).
Négociations avec Ex Libris : quelques constats
La BCU Lausanne a reçu cinq offres dont deux durent être rejetées en raison du non-respect des conditions de forme et de participation. Sur les trois offres retenues, le choix de la solution Alma - Primo de la société Ex Libris présentait le rapport qualité-prix le plus avantageux. Alma est une solution cloud de SIGB dernière génération permettant une gestion unifiée de toutes les ressources documentaires, imprimées, multimédias et électroniques. Orienté processus, le logiciel propose des outils de gestion puissants et personnalisables, bien adaptés à un réseau de bibliothèques tel que le réseau vaudois. Primo est l’outil de découverte utilisé pour accéder au catalogue permettant l’accès direct à tout le contenu proposé par les bibliothèques du réseau ; cet outil était déjà connu des bibliothèques vaudoises dans la mesure où il s’agit de la solution à la base du portail Explore de RERO.
L’adjudication du marché fut suivie d’une assez longue phase de négociation. Pour ces formulations juridiques pointues, l’équipe de projet put s’appuyer sur le Service juridique et législatif (SJL) de l’État de Vaud, qui apporta une contribution fondamentale en termes de rédaction et de relecture du contrat. Après plusieurs tours de négociation, le contrat put être signé entre l’État de Vaud et Ex Libris à la fin d’été 2015, avec un démarrage officiel des activités de projet avec le fournisseur fixé au mois de septembre. En attendant, un premier workshop avec deux personnes d’Ex Libris – un chef de projet et un spécialiste de l’équipe d’implémentation du logiciel – fut organisé durant l’été 2015 à la BCU Lausanne, workshop au cours duquel le processus de migration des données fut discuté et la date du go-live confirmée au 22 août 2016.
Dès lors commença le long travail de description détaillée de l’implémentation. Une décision dut tout d’abord être prise sur l’architecture globale du système. Au premier niveau de définition, le système d’Ex Libris offre une « community zone » globale, agrégeant des données en provenance des éditeurs et de toutes les bibliothèques utilisant le système. Au second niveau, le réseau Renouvaud a acheté une zone réseau, qui génère pour le réseau un catalogue commun. Un troisième niveau regroupe toutes les bibliothèques scolaires et de lecture publique dans un ensemble, et toutes les bibliothèques scientifiques et patrimoniales dans un autre. Chaque ensemble partage ses fichiers lecteurs et d’autres paramétrages. Un quatrième niveau définit les bibliothèques, un cinquième respectivement leurs différents sites et dépôts.
L’affinage du paramétrage entraîna un grand nombre de discussions de détail : ainsi, pour le paramétrage de l’accès au catalogue des bibliothèques scolaires, l’équipe de projet exigea que dans ce catalogue n’apparaissent que les ouvrages disponibles dans la bibliothèque d’où était effectuée la recherche. Cette demande se justifie par le type de public qui fréquente les bibliothèques scolaires, peu apte à se déplacer physiquement dans une autre bibliothèque ou à effectuer un Prêt Entre Bibliothèques (PEB) pour emprunter un ouvrage. Aussi simple que cela puisse paraître, la question a posé de prime abord un problème de taille au fournisseur, pour qui ce type de développement allait à l’encontre de ceux prévus pour l’outil de découverte Primo. Finalement, les discussions portèrent leurs fruits et le problème fut réglé par la création d’un portail par bibliothèque scolaire.
Gestion du projet, structure du projet et personnels BCUL impliqués
- le projet d’organisation permettait de constituer le nouveau réseau vaudois de bibliothèques et de formaliser sa gouvernance. Le projet d’organisation a également défini la structure de la centrale de coordination du réseau vaudois de bibliothèques, ses responsabilités et son business plan. Il a établi le cadre contractuel déterminant les relations entre la BCU Lausanne, les membres du réseau et ses partenaires (RERO, BNS, BNF, etc.). Il a aussi été chargé de créer les conditions-cadres pour assurer une collaboration active entre bibliothèques du réseau vaudois et, dans la mesure du possible, avec d’autres réseaux de bibliothèques (IDS, SUDOC, etc.) ;
- le projet informatique comprenait l’acquisition du nouveau SIGB localisé dans le cloud, la migration des données et la recette du système qui devait permettre la gestion des ressources des bibliothèques du réseau vaudois, l’acquisition des ouvrages, le prêt, ainsi que l’accès aux contenus imprimés, multimédias et électroniques, dès le 1er janvier 2017 ;
- le projet bibliothéconomique permit de formaliser les normes et les standards appliqués au sein du réseau vaudois dans tous les domaines d’activité des bibliothèques, c’est-à-dire l’acquisition, le catalogage, le bulletinage, le prêt, le prêt interurbain, respectivement l’indexation et l’importation de masse de notices, l’activation des ressources numériques ainsi que la livraison d’indicateurs statistiques. Ceci permit aussi de créer et de dispenser les formations, ainsi que de mettre en place un contrôle qualité.
Selon HERMES, le pilotage du projet Renouvaud reposait sur un comité de pilotage (CoPil), qui assumait collégialement la responsabilité du projet dans son ensemble. Présidé par Jeannette Frey, directrice de la BCU Lausanne, et composé de représentants des différents types de bibliothèques membres du réseau vaudois, le CoPil s’est réuni tous les deux mois. Il a surveillé et piloté le déroulement du projet de manière globale, assuré l’acquisition et la mise à disposition des moyens nécessaires et garanti leur utilisation optimale. Le CoPil traitait aussi des problèmes extraordinaires, et, last but not least, validait les différents points de décision, notamment la conclusion et la libération des différentes phases du projet. Afin d’avoir une gestion professionnelle et neutre de la qualité et des risques, une consultante externe fut mandatée par la BCU Lausanne et associée au CoPil.
La conduite du projet reposait ensuite sur un comité de projet (CoPro), présidé par Alexandre Lopes, responsable Technologies bibliothécaires de la BCU Lausanne, ce dernier assumant le rôle de chef de projet. Le CoPro se réunissait de façon hebdomadaire. Le chef de projet était épaulé par un consultant externe mandaté pour prendre en charge la conduite de la partie informatique du projet. Au bénéfice de compétences sénior en gestion de projet, il était le principal répondant pour l’appel d’offres public, les spécifications détaillées ainsi que la recette.
Le projet Renouvaud se composait de trois sous-projets afin de répondre aux exigences du mandat du DFJC :
Organigramme Renouvaud
Source : Rapport Annuel Renouvaud 2017, p. 15.
Les tâches des sous-projets ainsi que les activités transversales furent assurées par une dizaine de groupes de travail ad hoc : GT appel d’offres, GT migration, GT spécifications détaillées, GT recette, GT bibliothéconomie, GT fonctionnement du réseau, GT formation, GT gestion qualité, GT communication, GT gestion du changement et GT organisation de la coordination. Les objectifs des groupes de travail furent définis dans un mandat propre à chaque groupe. Chaque responsable gérait son GT comme un projet en tant que tel avec son propre planning, ses charges, ses délais et ses livrables. Il assurait la coordination des activités du groupe et était garant du respect des délais et des jalons fixés par le groupe. Il veillait également à la qualité des livrables de son groupe, avec le support de la responsable Qualité. Du côté de la BCU Lausanne, le chef de projet prit en charge le GT migration, tandis que le directeur adjoint du site Unithèque, Jean-Claude Albertin, dirigea le GT fonctionnement du réseau et le GT gestion du changement. Un apport majeur vint aussi de Jasmin Hügi (GT bibliothéconomie), de Jean-François Richer (GT formation) et de Fanny Peuker (GT organisation de la coordination). 80% des personnels impliqués dans les groupes de travail furent mis à disposition par la BCU Lausanne, 20 % par les autres membres du réseau, avec des provenances aussi diverses que les bibliothèques scolaires et les bibliothèques du CHUV.
Principaux défis dans la gestion du projet
Au cours de l’année 2015, le CoPil a pris l’une après l’autre les décisions nécessaires à la formulation du concept et à la réalisation du projet Renouvaud. Le CoPil a notamment validé les organigrammes pour les différentes phases du projet, les règles de catalogage au passage sur le nouvel outil, le plan de communication, le plan qualité, le suivi des risques, la topologie du futur réseau, les mesures de protection des données des lecteurs et l’interfaçage avec des applications tierces. De plus, le CoPil a validé le passage à une indexation avec RAMEAU précoordonnée, composé d’une chaîne de mots matières (en opposition à l’utilisation de mots matières individuels). Parmi les nombreux avantages de cette pratique, on doit mentionner l’exploitation des indexations des bibliothèques partenaires RAMEAU (p.ex. BNF, SUDOC) et une meilleure exploitation de Primo dans l’organisation hiérarchique des mots matières.
L’un des principaux défis dans la gestion du projet fut de tenir les délais tout en maintenant la motivation des collaborateurs sur la durée. Un planning détaillé du projet fut établi et mis à jour régulièrement, afin d’avoir une vue d’ensemble de l’avancement des travaux de chaque groupe de travail. Outre les rapports de phase produits à la fin de chaque phase HERMES, des documents de reporting permirent de jalonner la vie du projet Renouvaud avec une périodicité mensuelle : le rapport d’état du projet, le rapport d’évaluation des risques et l’état des lieux des groupes de travail.
Un autre défi de taille était de réussir à motiver les groupes de travail impliqués dans le projet, sous la contrainte d’un planning serré. Une grande importance fut accordée par le chef de projet au recrutement de membres des équipes et des groupes à la fois engagés, motivés et prêts à relever un défi sur une durée relativement longue. Pendant toute la durée du projet, les vacances furent accordées en fonction du calendrier du projet et des reports furent parfois nécessaires afin de tenir les délais. L’équipe de projet fit également preuve de souplesse et ne ménagea pas ses efforts en termes d’horaires, les séances pouvant se prolonger jusque dans la nuit.
La définition précise des configurations souhaitées, les tests et la préparation de la migration des données ont constitué un autre défi majeur pour l’équipe de projet. Un test de conformité des données à migrer relativement aux spécifications de migration fut suivi par un test de chargement des données dans le futur système informatique. Conformément à la loi sur la protection des données, au début du mois de décembre 2015 et avant de charger les données dans le système même test, une communication fut faite à l’ensemble des usagers les informant que leurs données seraient transmises au fournisseur du nouveau SIGB. La bonne préparation de la communication permit d’optimiser cette étape et seule une trentaine de personnes refusa que leurs données soient transmises, dont une quinzaine pour des raisons autres que la protection des données. En parallèle, les données extraites du catalogue de RERO furent transmises via un protocole sécurisé à Ex Libris le 14 décembre, date à laquelle commença donc la migration de test sur l’intégralité des données ; le but de cette opération était de faire une répétition générale de la migration de bascule prévue en août 2016. Ex Libris livra dans les délais prévus l’environnement de préproduction du logiciel Alma, le 8 février 2016. Dès la livraison effective, le groupe de travail chargé de la migration effectua des tests de manière à s’assurer que la qualité des données était bien conforme pour poursuivre les travaux. Aucun problème majeur nécessitant de refaire entièrement la migration de test ne fut rencontré. Quelques anomalies furent détectées et rigoureusement inventoriées, mais, de manière générale, la qualité des données migrées fut jugée très satisfaisante. En dépit du décalage en urgence du début de la phase de bascule (cutover) en raison d’une erreur de planification du fournisseur, la migration de bascule put être effectuée au moment du passage en production, soit le 22 août 2016.
La traduction des interfaces des outils Alma et Primo, qui faisait partie du cahier des charges pour l’appel d’offres, représenta un autre défi à gérer pour l’équipe de projet ainsi que pour les différents groupes de travail impliqués, et en particulier pour le GT6 formation. Lors de la livraison des interfaces en français, prévue relativement tardivement pour le printemps 2016, des problèmes de traduction de l’anglais, voire des oublis furent détectés. De plus, certaines traductions portaient parfois à confusion soit pour les professionnels, car le vocabulaire-métier ne se retrouvait pas dans Alma, soit pour les utilisateurs. Bien que des contrepropositions de traduction furent faites par la Coordination Renouvaud, il s’avérait parfois très laborieux d’obtenir l’intégration des modifications demandées. Concernant l’aide en ligne d’Alma, les textes furent traduits en français, mais les captures d’écran et les vidéos restèrent finalement en anglais, en raison du fait qu’elles sont mises à jour de manière centrale pour toutes les langues. Cela ne fut pas sans poser problème au groupe de travail chargé de la formation de plus de 500 collaborateurs du réseau avant le lancement.
Renouvaud se lance !
À la veille du go-live, les résultats obtenus par les équipes et les groupes de travail furent considérés conformes aux attentes. Concernant la partie informatique du projet, la recette était terminée avec un bilan de 80% des besoins testés avec succès. Après de longs mois de préparation, Renouvaud fut lancé le 22 août 2016, comme prévu dès le montage du projet avec le fournisseur juste après l’adjudication du marché. En dehors d’un problème mineur avec le chargement des données « lecteurs » des bibliothèques scolaires, le démarrage fut fluide et les services proposés aux usagers furent actifs dans tout le réseau dès 14h00 ce jour-là, à l’heure prévue pour le début des activités de prêt. Pour l’anecdote, la première transaction fut effectuée à 14h01. Le service de prêt fut tout de suite fonctionnel, des dizaines de milliers d’utilisateurs purent se loguer pendant la première semaine et il y eut beaucoup de feedbacks positifs des bibliothèques du réseau. Certes, le 22 août ne fut qu’une étape et de nombreuses tâches attendaient encore l’équipe de projet. Les mois qui suivirent le lancement permirent néanmoins aux collaborateurs et aux utilisateurs de prendre en main l’outil et de l’utiliser quotidiennement dès avant la sortie effective du réseau RERO, soit au 31 décembre 2016.
Plusieurs actions de communication accompagnèrent le lancement. Outre les informations régulièrement mises à jour sur le site web de la BCU Lausanne, une charte graphique Renouvaud fut créée et déclinée, aussi bien sur les interfaces du SIGB que sur les imprimés, crayons et sacs distribués dans toutes les bibliothèques du réseau. À l’interne, plusieurs séances plénières réunirent les professionnels du réseau tandis que des messages informant les usagers et des présentations publiques permirent de préparer les usagers à ce changement.
Les travaux après le lancement
La migration des données étant désormais terminée et le changement de logiciel effectif, la Coordination Renouvaud reprit ses travaux. Lorsque les fonctionnalités offertes par les outils Alma et Primo ne répondaient pas aux besoins ou attentes, des développements informatiques furent faits en interne afin de se rapprocher au maximum du fonctionnement prévu. Pour gérer les demandes en provenance des bibliothèques du réseau, un outil de ticketing testé au préalable à la BCU Lausanne fut mis à disposition de tous les professionnels du réseau après le go-live. Dès lors, un important travail de stabilisation du système fut mené par la Coordination : elle repérait les dysfonctionnements des outils et les annonçait à l’équipe de support d’Ex Libris, afin qu’elle puisse les résoudre ou proposer une solution de contournement dans les meilleurs délais. Ex Libris acceptait de faire des développements s’il s’agissait d’un besoin partagé par un nombre suffisamment important de clients. Ainsi, Alma évolue très régulièrement avec des mises à jour mensuelles de l’outil contenant des améliorations et de nouvelles fonctionnalités. Le paramétrage fin de certaines fonctionnalités permit l’adoption progressive de « bonnes » pratiques et la prise en main d’Alma par les professionnels du réseau vaudois ; ceci s’accompagna de la mise à disposition de manuels sur mesure pour intégrer les processus.
À la fin de l’année 2016, la Coordination Renouvaud mit pour la première fois à disposition des bibliothèques du réseau toutes les statistiques habituellement fournies par la Coordination vaudoise ou par RERO. À noter que la nouvelle plateforme de gestion implique certaines différences dans la façon d’élaborer les chiffres, différences liées aux méthodes propres à chaque logiciel. Alma propose un outil très puissant de génération de produits et statistiques nommé Analytics (développé par Oracle) qui permet aux bibliothécaires-système de préparer des rapports et listages flexibles. Le tableau de bord « statistiques d’acquisitions » est par exemple destiné à faciliter le pilotage, la gestion des budgets et des commandes dans Alma. Il s’agit alors de définir les paramètres permettant la génération correcte de ces statistiques en fonction d’un certain nombre de critères choisis par les bibliothécaires du réseau. Parfois, des erreurs de calcul furent repérées et corrigées grâce au zèle des bibliothécaires – ce fut le cas par exemple des statistiques des prolongations de prêt.
Par ailleurs, un toilettage des processus de travail est amorcé au sein de la BCU Lausanne, aussi bien dans le cadre du circuit du document que dans celui des services au public, afin de revoir ou de redistribuer autrement certaines tâches. Pour ce faire, des réflexions approfondies sont engagées par les différents services sur la manière de fonctionner, le potentiel de collaboration entre les équipes, les sites et avec le réseau.
L’utilisation d’un système cloud permet en l’essence de partager et de réutiliser très facilement des métadonnées en provenance du monde entier. D’autres acteurs suisses avancent également dans la réinformatisation de leurs bibliothèques et réseaux. La Bibliothèque nationale suisse, tout comme le projet SLSP (pour Swiss Library Service Platform, géré maintenant par la SLSP S.A.) utiliseront à moyen terme les mêmes outils que le réseau Renouvaud. La question est donc maintenant de savoir comment ces différents acteurs suisses interagiront au niveau national sur la base d’un même outil plus global, quelles coopérations seront envisagées, respectivement quels services seront proposés par une plateforme commerciale comme SLSP S.A., à quel prix et avec quelle plus-value pour les éventuels clients.
Interconnexion des systèmes par APIs
Un des avantages d’un système comme Alma est son potentiel de connexion facilitée à d’autres systèmes par les APIs (Applications Programming Interfaces). À l’initiative de deux services centraux de la BCU Lausanne, l’interfaçage avec d’autres systèmes apporta rapidement une autre pierre à l’édifice Renouvaud. La 1re Assemblée annuelle Renouvaud du 29 septembre 2017 fut l’occasion de présenter GOBI de la maison EBSCO, un outil d’acquisition automatisée de livres numériques.
De son côté, le service Finances de la BCU Lausanne étudia le développement d’une interface permettant l’interconnexion avec le système de facturation de l’État de Vaud (SAP). Ensuite, les principaux fournisseurs furent contactés afin de leur proposer de passer au système d’importation automatique de factures en format EDI (Electronic Data Interchange). La mise en place de ce système permettra un gain de temps considérable au service Finances ; une extension de ce système à d’autres bibliothèques du réseau est envisagée à moyen terme. Ces deux réalisations permettent à la fois de travailler de manière plus efficace (réduction du temps), et plus efficiente, car elles permettent de diminuer le risque d’erreurs.
Gestion du réseau vaudois par la Coordination Renouvaud
Au début de l’année 2017, Renouvaud sortit peu à peu du mode projet et mit en place les différents organes pour garantir un fonctionnement efficient sur la durée. Le CoPil muta en Conseil Renouvaud et valida d’une part les missions, la structure et l’organisation de la Coordination Renouvaud et confirma d’autre part la mise en place des commissions techniques pour traiter les questions métier au sein du réseau. Un responsable de la Coordination Renouvaud put être recruté en la personne de Christian Bürki, dès le 1er mai 2017. Son engagement s’accompagna de la mise en place d’un plan d’action composé de trois axes stratégiques : stabiliser, optimiser et innover. Les deux premiers axes posèrent les bases pour la gestion du réseau les années à venir. D’abord, il s’agissait de consolider le fonctionnement du réseau après le lancement de la nouvelle plateforme. Ensuite, il s’agissait de simplifier et de standardiser les tâches afin d’augmenter la cadence de l’intégration des bibliothèques. En effet, la vitesse d’intégration des bibliothèques dépend non seulement des ressources financières et humaines à disposition, mais aussi de l’expérience acquise avec Alma.
Dès le mois de mai 2017, la Coordination se penchait sur le processus d’intégration des nouvelles bibliothèques et les paramétrages de base d’Alma. Le temps de paramétrage du prêt fut divisé par 10 après 5 mois. En parallèle, il fut établi que l’optimisation du processus d’intégration passera par une priorisation des bibliothèques à intégrer en fonction de leur degré de complexité d’intégration, selon les prestations sollicitées. Le principe est d’intégrer les bibliothèques par wagons, selon les paramétrages souhaités. Afin de les intégrer pleinement au réseau, la migration de leurs données, la formation des collaborateurs et le paramétrage de l’outil sont réalisés. L’année 2017 permit ainsi une première consolidation de la plateforme hébergeant déjà 109 bibliothèques du réseau vaudois. Ce fut l’occasion d’harmoniser un certain nombre de pratiques, par exemple au niveau des règles de prêt, de mettre en place des procédures et de développer des outils pour faciliter l’arrivée de nouveaux membres. Un des premiers outils développés permit de charger de manière semi-automatique les données des étudiants et écoliers avant chaque nouvelle rentrée scolaire. Une adaptation de l’outil de raccrochage pour les migrations permettra de concrétiser ultérieurement les efforts de la Coordination. En effet, ce seront plus de 50 nouvelles bibliothèques qui vont grossir le réseau Renouvaud entre 2018 et 2021.
Organes Renouvaud
Source : Rapport Annuel Renouvaud 2017, p. 11.
Bilan deux ans après le lancement
Lors du lancement du projet Renouvaud en 2014, la Conseillère d’État Anne-Catherine Lyon avait défini les objectifs généraux et spécifiques du projet. Deux ans après le lancement de la nouvelle plateforme de gestion, 95% des fonctionnalités ont été validées et les objectifs ont tous été atteints, sauf la validation formelle de gouvernance, qui est encore en attente. La publication du premier rapport annuel Renouvaud 2017 montre que les délais ont été tenus et le réseau Renouvaud dispose depuis le 1er janvier 2017 de toute l’infrastructure nécessaire au bon fonctionnement des bibliothèques le composant. Le budget a été respecté et le solde au 31 décembre 2017 du crédit d’investissement s’établit à CHF 85'494. A cette date, Renouvaud compte au total 109 bibliothèques, dont 53 scientifiques et/ou patrimoniales et 56 bibliothèques scolaires et de lecture publiques. Les chiffres de l’utilisation du réseau par les publics sont excellents et représentent une progression forte par rapport aux années précédentes : de l’offre imprimée totale (3'507'127) à l’offre de ressources électroniques (938'443), des recherches dans le catalogue (2'111’813), du nombre de prêts (1'843'627) au nombre de consultations des ressources électroniques (près de 3 millions). De toute évidence, l’intégration des outils Alma et Primo, permet aux publics d’accéder plus facilement aux ressources imprimées et numériques.
En 2017, Renouvaud est l’un des plus grands réseaux de bibliothèques suisses et le premier à utiliser une plateforme de dernière génération basée sur une technologie cloud. Pour relever les défis de la 4e révolution industrielle, qui touchent les bibliothèques de plein fouet, Renouvaud a mis en place une organisation structurelle agile au niveau des décisions stratégiques. Le réseau a aussi construit une équipe bicéphale, technique et métier, qui permet une gestion professionnelle de la plateforme technique tout en maintenant un lien métier fort avec les bibliothécaires, stimulant d’échanges intensifs et assurant la formation continue des bibliothécaires. Cette organisation s’appuie sur une bonne compréhension du terrain et permet une mise en place de processus et d’outils les plus adaptés possible aux besoins de plus de 500 professionnels du réseau qui travaillent quotidiennement au service d’environ 140’000 usagers de tous les âges. Renouvaud est un réseau jeune, dynamique et complexe qui est en train de mûrir grâce aux échanges entre professionnels du réseau. L’organisation d’assemblées annuelles et de tables rondes par la Coordination Renouvaud nourrit cette perspective. Ces plateformes d’échanges entre professionnels permettent la circulation des informations et des idées et font progresser l’ensemble du réseau, tout en ouvrant des perspectives de collaboration très réjouissantes dans les années à venir.
Bibliographie
DFJC, Reprise de la gestion du réseau vaudois par la Bibliothèque cantonale et universitaire Lausanne (BCU Lausanne) au 1er janvier 2017, 8 septembre 2014
État de Vaud et BCU Lausanne, Appel d’offres marché public : procédure ouverte. Projet Renouvaud. Conditions et formes de participation, 11 novembre 2014
État de Vaud et BCU Lausanne, Appel d’offres marché public : procédure ouverte. Projet Renouvaud. Cahier des charges, 11 novembre 2014
État de Vaud, Exposé des motifs et projet de décret accordant au Conseil d’État un crédit d’investissement de CHF 2'307'000 pour financer la mise en œuvre du futur réseau vaudois des bibliothèques et du système d’information associé dans le cadre du programme de gestion des bibliothèques du réseau vaudois (RenouVaud), juin 2015
Lettre d’information Renovaud, années 2015-2018
Rapport annuel BCU Lausanne, années 2014-2017
Rapport annuel Renouvaud, année 2017
Notes
[1]Note méthodologique. La préparation de cet article se base sur la consultation de sources publiées et non publiées produites dans le cadre du projet Renouvaud. Certaines parties de l’article reprennent le contenu des rapports annuels de la BCU Lausanne et du premier rapport annuel Renouvaud, édités sous la direction de Jeannette Frey. Nous avons également repris et adapté certaines parties des sources non publiées (rapport d’initialisation, rapport d’analyse préliminaire et appel d’offres public du projet Renouvaud). Nous remercions vivement Alexandre Lopes, Christian Bürki et Jasmin Hügi pour leurs renseignements et suggestions. Le contenu de cet article reste bien sûr de la seule responsabilité de ses auteurs.
[2]Comme le stipule l’article 24 de la Convention RERO, adoptée le 25 novembre 1999, la sortie est effective au 31 décembre 2016, afin de respecter le délai de sortie de 24 mois à l’avance pour la fin d’une année civile.
[3]HERMES online : http://www.hermes.admin.ch. La version 5 a été lancée en 2013 et le release 5.1 en juin 2014.
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