Publiée une fois par année, la Revue électronique suisse de science de l'information (RESSI) a pour but principal le développement scientifique de cette discipline en Suisse.
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WikiBiGe, un wiki qui bouge
Ressi — 30 avril 2008
Résumé
Ce compte-rendu décrit l’expérience d’un groupe de bibliothécaires dans la mise en place d’un wiki comme outil de communication et de partage de connaissances pour les bibliothécaires de l’Université de Genève. Les statistiques de consultation des pages du wiki sont analysées depuis sa création afin de dégager les tendances de son utilisation. Il en ressort que le dynamisme et la mise à jour de l’information sont cruciaux pour que les pages soient consultées. L’utilisation du wiki pour gérer les projets en cours et en informer les professionnels est un bon moyen pour motiver la consultation et la participation.
Abstract
This report reviews the experience of a group of librarians who set up a wiki as a communication and knowledge-sharing tool for librarians at the University of Geneva.
Through analysis of visitor statistics of the wiki pages consulted since its creation, a sense of the usage trends of the target community has been developed. The results of the study highlight that frequency of information change and the addition of up-to-date information are crucial factors for pages to be frequently consulted and re-visited. It was found that the use of the wiki for managing on-going projects and keeping participants informed was a good means to encourage consultation and participation within the community.
WikiBiGe, un wiki qui bouge
Introduction
Suite à une présentation d’Iris Buunk, bibliothécaire à la Faculté des sciences économiques et sociales, sur les outils du Web 2.0 et ses applications possibles dans les bibliothèques, un groupe de bibliothécaires de différentes Facultés de l’Université de Genève s’est formé spontanément pour mettre sur pied un wiki au service des bibliothécaires. Le but était d’avoir un outil qui facilite l’échange et le partage d’informations, d’idées ou d’expériences, et renforce la communication et la cohésion entre des bibliothécaires dont les lieux de travail sont disséminés en plusieurs endroits de la ville.
Pourquoi un wiki ?
à la différence d’une plateforme collaborative classique, la mise en place et la gestion d’un wiki sont simples, ce qui permet un gain de temps notable et évite l’implantation d’un système plus complexe, souvent géré par l’intermédiaire d’informaticiens dont on dépend par la suite. La facilité d’édition en temps réel est un autre atout non négligeable, car cela permet effectivement de travailler “ensemble” et (presque) en même temps sur un dossier.
La définition du wiki donnée par Wikipedia (2007) reprend effectivement ces deux aspects liés à la collaboration et à la simplicité : « Un wiki est un système de gestion de contenu de site Web qui rend les pages Web librement et également modifiables par tous les visiteurs autorisés. On utilise les wikis pour faciliter l’écriture collaborative de documents avec un minimum de contraintes.»
Un wiki, outil typique du Web 2.0, rime également avec transparence, puisque toutes les modifications des pages peuvent être librement consultées, et partage, puisqu’il permet le travail collaboratif, ce qui en fait un excellent outil de “Knowledge Management”.
Pourquoi un wiki des bibliothécaires à l'Université de Genève?
De telles fonctionnalités ont vite séduit les bibliothécaires qui ont constitué spontanément un groupe de travail. Le WikiBiGe (Université de Genève, 2007) était né.
Certes, c’était un moyen de se mettre à la page et d’appliquer les développements du Web 2.0 de façon concrète. Mais outre cet “effet de mode” (avant le WikiBiGe, la création d’un blog avait été envisagée), un outil collaboratif de ce type devait contribuer à renforcer l’échange et la collaboration entre les professionnels.
Assez vite, les objectifs du WikiBiGe ont donc été définis comme suit :
- améliorer la communication entre les différents professionnels des bibliothèques
- disposer d’un espace d’échange collaboratif
- favoriser et consolider la collaboration
- fédérer l’accès à l’information professionnelle
- partager les connaissances
- capitaliser les compétences
De tels objectifs pouvaient sembler ambitieux et malgré tout, le groupe de travail s’accordait à dire que “l’outil” wiki n’allait pas changer les pratiques d’échanges d’informations - aussi limitées fussent-elles jusqu’alors - du jour au lendemain. Le WikiBiGe ne resterait qu’un moyen incitant à échanger entre collègues, fournissant une plateforme pour cet échange. Il n’allait pas être LA solution miracle qui ferait de ses utilisateurs des “hypercommunicants”. L’utilisation de l’outil wiki ne devait pas être une finalité en soi, mais constituer une forte incitation à renforcer ce qui faisait légèrement défaut : la communication.
Création du WikiBiGe
L’enthousiasme des participants au groupe de travail a été tel qu’il a provoqué une gestion de projet un peu particulière : plutôt que de débuter par des études d’opportunité et de faisabilité, et donc de multiplier les réunions, il a été décidé de créer le wiki aussi vite que possible ! Certains ont donc commencé par élaborer le contenu et la structure du wiki, pendant que d’autres recherchaient et testaient divers logiciels. Le choix s’est assez rapidement porté sur le logiciel libre DokuWiki (DokuWiki, 2007). Les principaux arguments en sa faveur relèvent de la technique : scripts écrits en PHP - langage maîtrisé en interne, importante communauté d’utilisateurs, donc nombreux templates (modèles) et plug-ins, simplicité intrinsèque due à l’absence de base de données. Plus pragmatiquement, le choix a également été effectué en fonction de ce qu’il était possible d’installer sur les serveurs de l’Université avec l’aide du webmaster. Notons qu’un blog a été créé pour échanger les informations dans le groupe de projet, mais celui-ci a vite été abandonné, car la plus classique communication par e-mail s’est révélée être amplement suffisante lors de cette phase de démarrage.
Deux mois après la rencontre initiale, le wiki était en ligne: léger au niveau du contenu, mais néanmoins installé avec les fonctionnalités de base permettant de le développer. Le choix du contenu a bien sûr évolué depuis le début, mais les thèmes principaux sont restés les mêmes. La structure thématique s’est également adaptée à la mise en place de groupes de travail réfléchissant à une réorganisation générale des bibliothèques universitaires de Genève.

Fig. 1: Exemple d’une page du WikiBiGe: la page du projet WikiBiGe lui-même
Formation
Le wiki a été officiellement présenté au personnel des bibliothèques en mai 2007 lors d’une séance de travail. Celui-ci a eu la possibilité de s’autoformer ou de participer à des sessions de formations organisées. Dès lors, chacun-e a eu la possibilité de consulter, d’insérer ou de modifier le contenu du wiki.
Autoformation :
Dans une Boîte à outils, plusieurs documents permettent à chacun de se familiariser avec le wiki:
- Le wikikit ou kit de démarrage fournit les informations nécessaires à l’inscription sur le wiki.
- Avant toute nouvelle utilisation, chaque personne est tenue de consulter la charte d’utilisation.
- Un mode d’emploi présente les principales manipulations.
- Un bac à sable permet de faire ses premiers pas sans risques.
Formation en groupe :
Des formations en petits groupes d’une dizaine de personnes ont été proposées sur chaque site de l’Université de Genève en juin 2007. Commençant par la présentation du principe du wiki ainsi que des principales manipulations, elles ont permis à chaque participant de se familiariser avec le WikiBiGe en pratiquant quelques exercices. Notons que ces formations ont rencontré un vif succès !
Thématiques et usages actuels :
Voici les thématiques principales présentes dans WikiBiGe :
- Gouvernance : tout ce qui touche à la direction et à la gestion des bibliothèques
- Professionnel-le-s : profils (et compétences) des collègues, formation continue, offres d’emploi
- Public et services : prêt, formation documentaire, services de référence, catalogues
- Collections : politique d’acquisitions, catalogage, indexation, classification, ressources électroniques
- Promotion et marketing : mission, animations
- Agenda : agenda des formations continues et évènements professionnels
- Projets en cours : espace réservé aux projets en évolution (WikiBiGe, archives institutionnelles, implantation de SFX, etc.)
- Humour : page essentielle!
- Littérature : page qui regroupe des liens sur des sites web et des articles d’intérêt professionnel, classés par thème.
Ou, puisqu’une image vaut mille mots:

Fig. 2: Tag cloud du WikiBiGe
Ce tag cloud ou “nuage d’étiquettes” se base sur la version HTML du wiki qui contient près de 100’000 “mots”! Les étiquettes représentées ici sont constituées d’au moins trois lettres et apparaissent au minimum 30 fois (les noms de personnes ont été éliminés, l’algorithme utilisé est celui de mozcloud). Plus le mot est gros, plus il apparaît fréquemment dans le wiki.
Rubriques les plus utilisées
Des statistiques d’utilisation ont été récoltées, correspondant au nombre de clics sur une rubrique par mois (y compris plusieurs clics lorsqu’on désire éditer une page). Les graphiques ci-dessous donnent une idée de la consultation du WikiBiGe, mais il faut garder à l’esprit que le nombre de clics n’est pas forcément égal au nombre de personnes ayant consulté la page et encore moins à l’utilisation de cette page. A noter également que le nombre de personnes inscrites sur le wiki est de 117 le 6 décembre 2007.
La figure 3 montre la fréquentation globale du wiki. On observe nettement un grand intérêt durant les mois de mai et juin (le wiki a été lancé en mai), puis une diminution au fil des mois suivants. Le regain de consultation que l’on pouvait attendre après la pause de l’été est visible, mais relativement faible. On retrouve logiquement la même tendance dans les autres graphiques.

En ce qui concerne les rubriques principales (figure 4), les Projets sont très consultés car ils permettent au personnel des bibliothèques de se tenir au courant des projets en cours ainsi que de leur évolution. Chacun peut donc être au même niveau d’information quel que soit le poste qu’il occupe dans la bibliothèque. La page Professionnel-le-s a également du succès car elle contient les pages personnelles des collègues, toujours très consultées (voir figure 7). A noter que la seule page à nouveau bien consultée après la pause de l’été est celle des projets en cours. Les autres pages sont liées aux différents groupes de travail, gelés jusqu’à nouvel avis.

La figure 5 détaille la consultation des pages Projets. Très logiquement, c’est le projet du Wiki lui-même qui est le plus consulté puisque les bibliothécaires instigateurs de cet outil sont des convaincus et l’utilisent pour la gestion complète du processus (y compris la rédaction de cet article). Les autres projets concernent les divers groupes de travail (les données “Groupes de travail” correspondent au total des consultations de sept groupes). Ceux-ci étant gelés, leur consultation tend vers zéro.

La figure 6 présente les projets ajoutés au wiki dès septembre. Ces pages suscitent une consultation modeste (chaque projet n’intéresse pas forcément toute la communauté des professionnels) mais réelle.

Dans la figure 7, les autres rubriques sont analysées et comme mentionné plus tôt, ce sont les pages personnelles des collègues qui ont le plus de succès, mais l’intérêt retombe lorsque tout le monde les a visitées. On peut remarquer le concours de la plus belle page personnelle lancé en juillet : le pic de juillet concerne l’appel à créer ces pages, et le pic de septembre l’appel à voter pour la meilleure.

La figure 8 enfin représente la consultation des divers outils permettant à chacun de se familiariser avec le wiki et ses fonctionnalités. Le bac à sable a été pris d’assaut lorsque tout le monde a voulu y faire ses premiers pas, puis l’intérêt pour ces outils est vite retombé.

Et l'avenir alors ?
Cet outil est encore jeune, mais on peut déjà noter que le nombre d’utilisateurs inscrits dépasse la centaine, et les graphiques ci-dessus montrent que certaines rubriques rencontrent de l’intérêt.
Pour que ce type d’outil Web 2.0 apporte un vrai plus à la communication (par rapport à un site web simple, ou une communication par e-mail), il est nécessaire d’encourager la consultation et la participation, ce qui constitue un véritable défi. Comme le dit Liziard (2007), <« l’utilisateur doit pouvoir s’approprier le site et avoir un intérêt à y participer.»
Pour rendre la consultation du WikiBiGe attractive, quelques idées ont déjà été mises en oeuvre comme le concours de la plus belle page personnelle, mais d’autres actions sont nécessaires. On peut remarquer que lorsqu’une page est statique, sa consultation tend vers zéro après quelques temps. La mise à jour et l’apport de nouvelles informations sont donc cruciaux pour que l’intérêt demeure. A noter par exemple que l’organisation de la page d’accueil a été repensée: elle va être utilisée pour mieux diriger l’utilisateur, tout en restant claire et dynamique (ajout de nouvelles, etc.). L’ajout de pages consacrées aux nouveaux projets est également un bon moyen de rendre le wiki indispensable à tous ceux qui désirent se tenir informés.
Le taux de participation à la vie du wiki dépend, lui, de la motivation de la communauté à être proactive. En général, seul un petit pourcentage des personnes participent véritablement à l’enrichissement du wiki, les autres se contentant de le consulter. Encourager les groupes de projet à utiliser cet outil pour leur communication interne ou externe permet par exemple aux professionnels de s’habituer à son utilisation.
Il sera également intéressant d’observer ce qu’il se passera dans le cas où la nouvelle directrice nommée au poste de Direction de l’information scientifique pour l’Université de Genève reprend ce wiki comme outil de communication, comme cela avait été initié à la naissance de ce wiki avec la directrice précédente.
Dans tous les cas, il est indéniable que le suivi et la sauvegarde de l’historique des projets des bibliothécaires et de la vie des bibliothèques en général en sont facilités. Le côté convivial de l’outil ressort également des nombreuses consultations des profils des bibliothécaires et du concours du plus beau de ces profils.
Quoi qu’il en soit, s’habituer à un nouvel outil prend toujours du temps et la surveillance des statistiques de consultation futures permettra de confirmer ou non le succès à long terme de WikiBiGe.
Conclusion
Cet article a été rédigé, corrigé, modifié et recorrigé à 18 mains, mais sur des claviers différents... C’est aussi ça, la “magie” du wiki. Les bibliothécaires de l’Université de Genève sont-ils désormais en plein surf sur les vagues du Web 2.0 ? Même si les vagues ne sont pas encore hautes, c’est déjà un début !
Bibliographie
DOKUWIKI (2007). Wiki:dokuwiki. In : DokuWiki [en ligne]. Modifié le 07 mars 2007, [consulté le 06.12.2007]. http://wiki.splitbrain.org/wiki:dokuwiki
LIZIARD, David (2007). Travail collaboratif avec un wiki : pistes à partir d’expériences de bibliothécaires. Bulletin des Bibliothèques de France [en ligne], [consulté le 19.12.2007], t. 52, no. 6, p. 56-59. http://bbf.enssib.fr/sdx/BBF/frontoffice/2007/06/document.xsp?id=bbf-2007-06-0056-012/2007/06/fam-dossier/dossier&statutMaitre=non&statutFils=non
UNIVERSITE DE GENEVE (2007). WikiBiGe : le wiki des bibliothécaires de l’Uni [en ligne]. Modifié le 04 décembre 2007, [consulté le 06.12.2007, accessible uniquement depuis le réseau informatique de l’Université de Genève]. http://lnxweb.unige.ch/biblio/WikiBiGe/doku.php?id=accueil
WIKIPEDIA (2007). Wiki. In : Wikipédia, l’encyclopédie libre [en ligne]. Modifié le 23 novembre 2007, [consulté le 06.12.2007]. http://fr.wikipedia.org/wiki/Wiki
Congrès Online information 2005: la montée en puissance des réseaux sociaux
Ressi — 29 mars 2006
Hélène Madinier, Haute Ecole de Gestion, Genève
Ariane Rezzonico, Haute Ecole de Gestion, Genève
Congres Online information 2005 : La montée en puissance des réseaux sociaux
Le congrès Online Information 2005, qui s'est tenu du 29 novembre au 1 er décembre, pour sa trentième édition, a rassemblé quelque 775 délégués d'une quarantaine de pays, et plus de 9700 visiteurs autour de 250 exposants.
Comme les années précédentes, plus de 30 conférences et une centaine de séminaires en libre accès (free seminars) en marge de l'exposition ont été organisés.
Donc une assez bonne tenue par rapport à Online 2004 ; même si les éditeurs scientifiques, au niveau de l'exposition sont surreprésentés.
Plusieurs grandes tendances se dégagent:
- l'importance des réseaux sociaux dans l'information, illustrée par la vogue des outils comme les wikis et les blogs, auxquels était consacrée toute une session;
- la démocratisation de la recherche et ses conséquences ;
- la participation des professionnels de l'information à la gestion de l'information dans l'organisation, qui a fait l'objet d'une session entière (track «managing enterprise content») pendant les 3 jours du congrès.
On décrira ici l'évolution des outils de recherche, les wikis et les blogs, et des exemples particulièrement intéressants de gestion de l'information et d'innovation dans des bibliothèques, illustrant la nécessaire évolution des rôles des professionnels de l'information.
Mais tout d'abord, il nous paraît important de rendre compte de la conférence d'ouverture, donnée par David Weinberger, professeur-chercheur associé au centre Berkman d'études sur Internet et la société, centre rattaché à la faculté de droit de Harvard. (1)
Sa conférence, intitulée « the shape of knowledge- everything is miscellaneous » a esquissé quelques grandes tendances, non sans provocation.
On en citera deux:
- Les gens cherchent par eux-mêmes, ils n'ont plus besoin d'intermédiaires ; les professionnels de l'information doivent décidément abandonner l'idée de servir de filtres. Même si leur façon de rechercher n'est pas toujours adéquate, les travailleurs du savoir trouvent grosso modo ce qu'ils cherchent: « pretty good is good enough ».
S'il est indéniable que les utilisateurs recherchent eux-mêmes l'information, que les experts connaissent les sources fiables, et qu'il faut revoir le rôle de l'intermédiaire en conséquence, n'a-ton pas intérêt ici à aller à contre-courant de cette tendance et à démontrer l'importance de la validation de l'information ? Il y a eu ici des objections de l'assistance, remarquant que l'on ne peut se satisfaire d'informations non validées dans les domaines scientifiques, juridiques etc…, domaines dans lesquels la validation de l'information est parfois vitale…
Cette tendance a parfois été confirmée par plusieurs intervenants qui citaient des utilisateurs pensant que « si l'information n'est pas sur Google, c'est qu'elle n'existe pas ».
- C'est le partage de connaissances qui crée de nouvelles connaissances, c'est via les connexions humaines, l'interaction, favorisées par les nouveaux outils comme les wikis et les blogs. On travaille maintenant de plus en plus selon un mode social, de «peer to peer», de réseaux sociaux.
Cette dernière tendance s'est trouvée dans les faits confirmée par plusieurs conférences :
Que ce soit des réalisations basées sur des blogs et des wikis, des systèmes de gestion de contenu (CMS) et de gestion des connaissances (KM), toutes ces initiatives ont en commun une forte composante communautaire, sociale, et on verra la place que peuvent y trouver des professionnels de l'information.
Outil de recherche, wikis et blogs
Outils de recherche
Les grands moteurs de recherche, à savoir « The Big4 » (comprenant Yahoo, MSN, Google et Ask), évoluent vers des applications offrant de plus en plus de services personnalisés. Si jusqu'à présent, la taille des index était un critère discriminant dans le choix d'un moteur, on remarque qu'actuellement la concurrence se joue sur la recherche verticale (segmentée par domaine ou par champ), la catégorisation des résultats ou encore l'intégration de contenus. Google multiplie les applications comme Google Base, Google Books, Google Blog Search, etc. Yahoo a développé une version beta d'un outil Yahoo Mindset (2) qui offre la possibilité d'orienter les résultats selon leur nature commerciale ou non. Cette fonctionnalité (que l'on utilise en positionnant un curseur) permet de choisir ce que l'on souhaite privilégier comme type d'information et les résultats seront issus de sources plus académiques ou institutionnelles. Yahoo propose depuis quelques temps la recherche de podcast dans une version beta (3). Cette nouvelle application permet de récupérer des fichiers audio ou vidéo et de les télécharger sur son baladeur numérique ou de les consulter directement sur son ordinateur.
Ask (4) offre de nouvelles possibilités permettant d'étendre ou de restreindre les résultats d'une recherche. Quant à la recherche sur ses propres fichiers (desktop search), tous les grands outils affinent leurs fonctionnalités mais la protection des données n'est pas garantie, particulièrement dans le cas de Google qui garde une copie des fichiers même si ceux-ci ont été effacés sur son ordinateur.
Les wikis
L'apport des wikis dans le monde professionnel est de plus en plus important. Un wiki permet à un groupe un travail collaboratif. Si les wikis se sont révélés très utiles pour publier des guides de voyages, des dictionnaires ou des encyclopédies, leur usage est de plus en plus répandu que ce soit sur un intranet ou sur internet. En gestion de projet, le wiki permet de publier des documents, de les mettre à jour, de les corriger et de conserver toutes les versions antérieures. On peut également utiliser un wiki pour planifier un travail. Le wiki ne nécessite pas d'application coûteuse et complexe et remplace parfois des échanges de courriers électroniques au sein des entreprises. Son utilisation ne requiert pas de compétences particulières de la part des collaborateurs. Toutefois, l'implantation et la mise en œuvre demandent des aptitudes en informatique pour choisir un outil de création et maintenir le fonctionnement du wiki. Si l'on ne veut pas créer son propre serveur on peut utiliser des serveurs externes qui offrent gratuitement ou non les logiciels ainsi que l'hébergement de l'application. Le contenu non structuré du wiki se distingue des pages structurées de l'intranet et il est important de définir clairement les usages propres à chacun.
Quant à Wikipedia, le wiki le plus connu, son créateur Jimmy Wales a présenté son fonctionnement et la manière dont sont assurées la gouvernance et la vérification du contenu des articles. Selon Jimmy Wales, la gouvernance de Wikipedia est « un mélange de consensus, de démocratie, d'aristocratie et de monarchie ». Beaucoup de rédacteurs sont étudiants et un nouveau sujet est vérifié à travers le « Google Test ». Ce test effectué sur Google permet de vérifier l'existence d'un thème. S'il n'y a pas de réponse, les experts considèrent que le sujet ne doit pas figurer dans l'encyclopédie .
Les blogs et la blogosphère
Cette année, une session entière leur était consacrée et des expériences originales ont été présentées tant dans l'enseignement supérieur, dans les entreprises ou dans les medias. La simplicité pour le mettre en œuvre, la création de communautés, la visibilité et le partage d'information sont les points forts des blogs. L'accroissement du nombre de blogs va se poursuivre et Technorati (5) (outil de recherche et de création) offre l'accès à plus de 25 millions de blogs.
Le quotidien anglais « The Guardian » propose une quarantaine de blogs à ses lecteurs. Il est certain que l'usage des blogs leur a permis de mieux présenter des informations par l'ajout de photos, de vidéos, de podcast, etc. Les lecteurs sont invités à participer à ces blogs en insérant leurs commentaires ou en partageant des analyses d'événements avec les journalistes. Tous les domaines couverts par le Guardian sont représentés : les sports, les jeux, les actualités, la culture, la politique, etc. Les quarante blogs du Guardian ont déjà généré plus de 85000 commentaires. Les lecteurs ont également la possibilité de réagir entre eux à des informations trouvées sur les blogs. On retrouve dans ces usages la notion de réseau social qui est le point fort de ces nouvelles applications. L'introduction des blogs a aidé le Guardian à mieux restituer des informations et à créer un véritable contenu multimédia.
Une autre illustration de l'usage des blogs a été présentée par l'entreprise IBM. IBM a choisi d'utiliser le blog comme moyen de communication avec ses collaborateurs et ses clients. Tout collaborateur peut animer son blog pour autant qu'il ne divulgue pas d'informations confidentielles ou nuisant à l'entreprise. IBM a mis en place des procédures destinées à accompagner la création des blogs. Ceux-ci peuvent être professionnels ou non. Certains blogs d'IBM ont une orientation marketing permettant aux consommateurs de s'informer sur les produits et de les commenter. D'autres blogs sont internes à l'entreprise et permettent l'échange d'information entre experts. Ils sont utilisés comme outil de Knowledge Management. Des développeurs partagent leurs recherches et la collaboration entre équipes s'en trouve renforcée. IBM recense environ 12000 blogueurs dans plus de 70 pays. Que ce soit en gestion de projet, en veille ou en KM, la simplicité de gestion du blog liée à la possibilité d'archiver les informations publiées, voire d'en syndiquer une partie offre aux collaborateurs des entreprises une source d'information inépuisable.
La gestion de l'information dans les organisations
Plusieurs expériences de gestion d'information dans les organisations ont été relatées.
Les noms de ces réalisations sont bien sûr tous différents mais il est frappant de constater que la démarche ainsi que les facteurs de succès et d'échec et les enseignements à en tirer sont souvent très proches. Ici encore, on constate l'importance des réseaux sociaux.
Certaines réalisations sont basées sur des portails. Dans tous les cas, il s'agit de mieux gérer les informations internes ou externes.
Il y a autant de spécialistes de portails que de définitions précises (6), mais on peut cependant considérer qu'un portail est un cadre supportant des sites Intranet, Internet, et Extranet; il intègre des applications et des processus à l'intérieur et au-delà des frontières de l'organisation.
On rendra compte des quatre exemples suivants (7) :
- Le choix d'un système de gestion du contenu (CMS) à l'Université de Reading, au Royaume-Uni
- La mise en œuvre d'un portail à l'université d'Utrecht, aux Pays-Bas
- La reconception du portail de gestion de contenu à TDC cable TV, au Danemark
- La mise en œuvre d'un système de gestion des connaissances à Swiss Re, Zurich
1. L'équipe de projet de l'Université de Reading devait convaincre la direction de choisir un CMS, d'élaborer l'appel d'offres et de procéder à sa mise en œuvre, sachant que coexistaient des centaines de contributeurs en interne avec des compétences techniques variables, un grand nombre de sites Web: plus de 64 000 pages de contenu et plus de 80 serveurs Web, le tout sans coordination centrale, ni stratégie de contenu.
La mise en œuvre du nouvel outil s'est accompagnée de la rédaction de guides de réutilisation du contenu et de guides de style de contenu à l'intention des différents contributeurs.
Une grande part de succès réside dans la «politique»: la nécessité de communiquer, de recueillir l'adhésion, de convaincre les sceptiques. Pour cela, il faut créer des comités avec des experts internes, recruter des consultants, faire des liens avec la stratégie d'entreprise, et faire un audit des contenus.
Il est aussi utile de choisir un site-pilote (ici le site de recrutement pour étudiants postgrades), permettant de tester la technologie, le personnel et les processus.
Dans l'appel d'offres, il est essentiel de ne pas trop détailler, de donner des scénarios d'utilisation du système, et d'indiquer clairement les exigences essentielles.
Pour le choix, il faut définir des critères pondérés de technologies, d'usage, et de processus, et demander des démonstrations des scénarios.
Même si cette présentation était davantage axée sur la façon de choisir, elle insistait néanmoins sur:
- l'accompagnement nécessaire de ces choix, en amont et en aval, permettant d'aboutir à terme à une réelle coordination de l'information externe.
- L'importance de réaliser ce travail en équipe: en l'occurrence il était mené par le service de la communication, avec contribution des systèmes d'information, de la bibliothèque, et des représentants des étudiants.
2. la mise en œuvre d'un portail à l'université d'Utrecht, aux Pays-Bas devait permettre d'avoir accès à l'Intranet, à toutes les ressources électroniques de l'université, à la messagerie et aux applications de gestion, au travers un seul cadre et une seule authentification (single sign-on). Ce dernier aspect n'est pas encore mis en œuvre, de même que l'intégration d'applications trop différentes. Il faut noter qu'il a fallu convaincre tous les départements de son utilité.
Enseignements tirés par l'équipe de projet :
- Un portail a besoin d'une application à très forte valeur ajoutée (killer application) pour justifier les coûts; à Utrecht, cela a été le cas pour l'accès aux ressources offertes par la bibliothèque,
- Le fait que les divers utilisateurs ou groupes d'utilisateurs puissent personnaliser leurs accès, et notamment les intranets de communautés, facilement modulables, est un facteur de succès décisif.
3. La chaîne câblée danoise TDC a fait une première expérience de portail malheureuse, dont elle a tiré les enseignements.
Elle avait choisi un CMS pas encore mûr technologiquement, le projet était mené par le service informatique, qui communiquait peu.
La solution n'a pas correspondu aux attentes. Le projet a donc été re-ciblé, en l'ancrant beaucoup plus sur les besoins des utilisateurs, en communiquant mieux et en élargissant l'équipe éditoriale.
Leur mot d'ordre: « Penser grand mais commencer petit »
4. Enfin, Swiss Re, une grande compagnie de réassurance basée à Zurich compte environ 9000 employés répartis sur une trentaine de localisations dans le monde, et a mis en place un projet de KM visant à gérer la surcharge informationnelle.
L'équipe de projet a recueilli les besoins et les a agrégés sous différents axes: par sujet, par fonction, organisationnel et géographique, puis a créé deux plateformes :
- Les réseaux de connaissances ou knowledge networks, qui comportent des bases de données, des actualités utiles à l'organisation, des outils de gestion de contenu et visent à créer et échanger des connaissances sur des sujets stratégiques et constituent ainsi des réseaux d'experts dans toute l'organisation;
- Les pages de communautés, qui offrent également des bases de données et des actualités, mais aussi des accès à des informations et applications internes; ces pages présentent l'intérêt d'être gérées par les communautés spécifiques, qui décident elles-mêmes ce qu'elles souhaitent traiter; ce sont des plateformes self-service, prêtes à l'emploi (portlets: mini-portails pré-définis), et qui forment des intranets de communautés.
Parmi les facteurs de succès :
- le soutien du top management et la forte implication des knowledge managers
- l'importance des sujets qui doivent relever des tâches quotidiennes
On peut identifier des points récurrents au travers ces 4 exemples :
- la nécessité de communiquer sans cesse pour réussir (les 3 premiers projets);
- la coordination des communautés d'utilisateurs: on rejoint ici ce qui était annoncé comme une tendance forte en conférence d'ouverture: les utilisateurs savent chercher eux-mêmes, mais ils ont besoin d'outils spécifiques, de taxonomies, de coordination, (cf les 2 derniers projets). C'est un rôle qui peut être assumé par des professionnels de l'information.
L'évolution du rôle des professionnels de l'information: «Des collections aux connexions»
Plusieurs communications et ateliers portaient (comme souvent à Online) sur la nécessaire évolution du rôle du professionnel de l'information, mais un récit d'expérience est apparu comme exemplaire: la transformation du rôle des bibliothèques des Nations Unies à New York (8).
Exemplaire dans le processus de changement, et exemplaire du rôle d'animation souligné plus haut.
Linda Stoddart, responsable de la bibliothèque centrale des Nations Unies (Dag Hammarskjöld Library) et du groupe de travail «knowledge sharing» a tout d'abord expliqué que la bibliothèque était en quelque sorte acculée au changement : les départs n'étaient plus remplacés, les budgets coupés, et ses services de moins en moins utilisés.
Bref, c'était changer ou disparaître.
En 2004, une nouvelle structure a été mise en place avec un groupe de travail de knowledge sharing, lançant une série d'initiatives qui ont transformé peu à peu les bibliothèques, qui d'une approche orientée processus ont développé une approche orientée conseil et coaching.
Ses objectifs :
- encourager le partage des connaissances en créant des réseaux entre les collaborateurs
- fournir un support personnalisé
Son mot d'ordre: «From collections to connections».
Il s'agit donc de passer d'un modèle de constitution de collections à un modèle de service, de connexion: connexions entre les documents et les utilisateurs, entre les documents et les fonctions, et entre les utilisateurs eux-mêmes.
Ce changement a pu s'opérer en élaborant une stratégie, en la communiquant aussi bien en direction du personnel que de la hiérarchie, en utilisant un petit groupe d'agents du changement et en formant intensivement les collaborateurs des bibliothèques. Il s'est concrétisé dans de nouvelles activités :
- la responsabilité de l'Intranet général des Nations Unies, confiée à la bibliothèque par le Secrétaire Général adjoint
- le PKM ou Personal Knowledge management: c'est un support personnalisé aux utilisateurs: grâce à leurs connaissances des outils technologiques et des sources d'information, des collaborateurs des bibliothèques ont développé une activité de conseil et de coach auprès de l'ensemble des collaborateurs, menée en coordination avec le service des systèmes d'information.
Cela n'a certes pas été sans mal dans une institution aussi bureaucratique que l'ONU: la culture centralisée, hiérarchique, la lourdeur des procédures et la résistance au changement ont constitué de réels obstacles. En ce sens, la communication de messages positifs, la promotion de la nouvelle image, des nouvelles activités, et la mise en valeur des succès ont contribué à vaincre ces résistances.
Mais depuis deux ans, les bibliothèques de l'ONU ont beaucoup gagné en visibilité et elles ont désormais une meilleure image dans l'organisation.
Les professionnels de l'information assument ici des rôles de consultants, d'interprètes, d'animateurs de réseaux, rôles qui favorisent le partage des connaissances et l'apprentissage organisationnel.
NOTES
(1) http://cyber.law.harvard.edu/home/david_weinberger
(2) http://mindset.research.yahoo.com/
(3) http://podcasts.yahoo.com/
(4) http://www.ask.com
(5) >http://www.technorati.com/
(6) Cf présentation de Janus Boye du 1.12.2005: Portals: from idea to reality - the dangers of the current state of portals in the marketplace, cf programme 2005 http://www.online-information.co.uk/ol05/conferenceprogramme.html
(7) http://www.online-information.co.uk/ol05/conferenceprogramme.html
(8) « Innovation and change: transforming United Nations libraries »,, cf programme 2005 http://www.online-information.co.uk/ol05/conferenceprogramme.html

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