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Publié par Ressi
N°19 décembre 2018
Ressi — 20 décembre 2018
Sommaire - N° 19, Décembre 2018
Articles de recherche :
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La contribution suisse dans la recherche sur la communication institutionnelle dans les hôpitaux - Pablo Medina Aguerrebere et Emmanuel Kabengele
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La Perspective du Continuum des archives illustrée par l’exemple d’un document personnel - Viviane Frings-Hessami
Comptes-rendus d'expériences :
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Renouvaud : de la gestion de projet à la coordination du réseau vaudois des bibliothèques - Jeannette Frey et Piergiuseppe Esposito
- Des ebooks dans sa poche : projet de valorisation de la col-lection numérique de la Bibliothèque de l’UNIGE - Pablo Iriarte, Aurélie Vieux et Marc Meury
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Apprentissage et classification automatiques pour améliorer la pertinence d'un corpus d’articles - Julien Gobeill, Matthias van den Heuvel, Laura Minu Nowzohour, Joëlle Noailly, Gaétan de Rassenfosse et Patrick Ruch
- Conserver et valoriser les archives de la Société des Arts de Genève - Sylvain Wenger
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Les bibliothèques de la Communauté du savoir - Agnès Dervaux-Duquenne
- Demain sera mieux qu’aujourd’hui : évolution des rôles et missions du bibliothécaire - Matthieu Cevey et Michel Gorin
Comptes-rendus d'événements :
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Conférence nationale Open Access - Benoìt Epron
- Quelle veille pour les start-ups ? compte rendu de la 15ème journée franco-suisse sur la veille stratégique et l’intelligence économique, 14 juin 2018, Besançon - Hélène Madinier
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Les 100 ans de la filière Information documentaire de la HEG-Genève : numéro spécial de RESSI à paraître - Hélène Madinier
Recensions :
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Cinquante ans de numérique en bibliothèque - Alexis Rivier
- Rechercher l’information stratégique sur le web : sourcing, veille et analyse à l’heure de la révolution numérique - Claire Wuillemin
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Consommer l’information : de la gestion à la médiation documentaire - Siham Alaoui
- Service Science and the Information Professional - Tullio Basaglia
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Editorial
Ressi — 20 décembre 2018
Comité RESSI
Editorial n°19
C’est un numéro 19 très riche en contributions que nous avons le plaisir de vous proposer.
Dans la rubrique « Etudes et Recherches », vous trouverez un premier article recensant la production scientifique sur la communication hospitalière. Intitulé La contribution suisse dans la recherche sur la communication institutionnelle dans les hôpitaux et signé Pablo Medina Aguerrebere et Emmanuel Kabengele, respectivement assistant de recherche et professeur à l’Institut de Santé Globale, de la Faculté de Médecine de l’Université de Genève, il arrive à la conclusion que la production suisse sur le sujet est encore peu présente.
La deuxième contribution est signée Viviane Frings-Hessami, chargée de cours à l’université de Monash, en Australie. Intitulé La Perspective du Continuum des archives illustré par l’exemple d’un document personnel, il explicite de manière très concrète une nouvelle approche du cycle de vie des données, le records continuum, au travers d’une photo de famille.
Dans la rubrique « Comptes rendus d’expérience », nous vous proposons six contributions.
La première est signée Jeannette Frey, Directrice de la BCU Lausanne, Présidente de Renouvaud et Piergiuseppe Esposito, chargé de mission à la BCU de Lausanne. Intitulé Renouvaud : de la gestion de projet à la coordination du réseau vaudois des bibliothèques, il détaille les étapes et les méthodes ayant permis à l’ensemble des bibliothèques vaudoises (plus de 100 jusqu’à présent), de migrer de Rero vers le système Alma au sein du réseau Renouvaud. C’est un projet mené en deux ans, d’une ampleur sans précédent, et qui a comporté plusieurs dimensions : organisationnelle, informatique et bibliothéconomique.
La deuxième, rédigée par Aurélie Vieux, Pablo Iriarte et Marc Meury, collaborateurs à la Division de l’information scientifique de l’Université de Genève, est intitulée Des e-books dans sa poche : projet de valorisation de la collection numérique de la Bibliothèque de l’Université de Genève. Elle décrit le projet d’harmonisation de la valorisation des ressources numériques entre les différents sites des bibliothèques de l’Université de Genève, grâce à la création de l’Application de valorisation numérique “Avalon”, qui simplifie le processus de création des supports de valorisation, optimisant ainsi la visibilité des ressources numériques.
La troisième contribution émane de Julien Gobeill et Patrick Ruch, respectivement chargé de cours et professeur ordinaire à la HEG-Genève, et membres de l’Institut suisse de bio-informatique, Matthias van den Heuvel et Gaétan de Rassenfosse, respectivement doctorant et professeur à l’EPFL, ainsi que Laura Minu Nowzohour et Joëlle Noailly, respectivement doctorante et professeure à l’IHEID à Genève. Intitulé Apprentissage et classification automatiques pour améliorer la pertinence d’un corpus d’articles, il explique avec un exemple comment utiliser la fouille de textes (text mining) pour aider le spécialiste en recherche documentaire dans une activité de constitution de corpus, tout spécialement avec des masses d’informations importantes.
La quatrième contribution est signée par Sylvain Wenger, Directeur de projet de la Valorisation du patrimoine et de la promotion de la recherche auprès de la Société des Arts et intitulée Conserver et valoriser les archives de la Société des Arts de Genève. Il y décrit les enjeux et étapes du projet de mise en place, depuis 2016, des actions de valorisation de cette Société, fondée en 1776 pour la promotion de l’économie locale, actions destinées à la communauté de la recherche et à un public plus large, dont les résultats sont attendus pour 2019-2020.
La cinquième contribution, intitulée Les bibliothèques de la Communauté du Savoir, et signée Agnès Dervaux-Duquenne, bibliothécaire responsable de la Haute Ecole Arc Ingénierie à Neuchâtel, décrit les actions de collaboration – et leurs bénéfices - mises en œuvre par les bibliothèques de Communauté du savoir, réseau visant à renforcer, valoriser et stimuler les collaborations franco-suisses dans l'Arc jurassien (incluant la Franche-Comté et les cantons de Berne, Jura, Neuchâtel et Vaud côté Suisse), en matière d'enseignement supérieur, de recherche et d'innovation.
La sixième contribution est due à Michel Gorin et Matthieu Cevey, respectivement maître d’enseignement et assistant d’enseignement à la Haute Ecole de Gestion de Genève. Intitulée Demain est mieux qu’aujourd’hui : évolution des rôles et missions des bibliothèques, elle constitue le reflet d’une intervention faite par ses auteurs lors du Congrès des professionnels de l’information de Montréal, organisé du 12 au 14 novembre 2018 et centré sur le thème : « Les professionnel-le-s de l’information, actrices et acteurs de changement ». Ils font tout d’abord état de l’importance des bibliothèques comme garantes de la démocratie en tirant un parallèle avec l’initiative populaire suisse « No Billag ». Ensuite, reconnaissant la nécessité, pour les bibliothécaires, de s’adapter aux mutations en cours, ils proposent un modèle de « bibliothèque-plateforme », basé sur le récent travail de bachelor d’un étudiant.
Dans la rubrique « Compte rendu d’événement », on trouvera deux contributions principales et la mention d’une recension à venir.
La première, signée Benoît Epron, professeur associé à la HEG-Genève et intitulée Conférence nationale Open access, rend compte de la journée organisée le 26 octobre 2018 par swissuniversities à l'Université de Lausanne, qui faisait le point sur l'open access en Suisse en abordant ses aspects académiques, économiques et politiques.
La deuxième contribution rend compte de la dernière Journée franco-suisse sur la veille stratégique et l'intelligence économique, la 15ème, qui a eu lieu le 12 juin 2018 à Besançon sur le thème: Quelle veille pour les start-ups ? Signée par Hélène Madinier, professeure associée à la HEG-Genève, il rend compte des différentes interventions de nature théorique et sous forme de témoignages de start-ups, ainsi que d’une démonstration de méthode de recherche d’information pour une start-up faite en direct par un consultant.
La troisième est une annonce du numéro spécial de RESSI, faite par le Comité de rédaction, à l’occasion des 100 ans de la filière Information documentaire de la HEG-Genève. Cet anniversaire a été l’occasion de diverses conférences et autres manifestations qui ont eu lieu en juin 2018, qui seront résumées, avec photos, chronologie, articles récapitulatifs, prospectifs et interviews, dans un numéro spécial de RESSI à paraître début 2019.
Finalement, on trouvera quatre recensions d’ouvrages.
La première recension est écrite par Alexis Rivier, Conservateur des ressources numériques et des périodiques à la Bibliothèque de Genève, et rend compte de l’ouvrage d’Yves Desrichard Cinquante ans de numérique en bibliothèque. Publié en 2017, ce livre articule le numérique en bibliothèque en cinq « temps », couvrant chacun à peu près une décennie, et décrit les transformations des bibliothèques – encore à venir - induites par l’arrivée de l’informatique.
La deuxième recension émane de Claire Wuillemin, assistante d’enseignement à la HEG-Genève, et rend compte de l’ouvrage de Véronique Mesguich, Rechercher l’information stratégique sur le web : sourcing, veille et analyse à l’heure de la révolution numérique. Publié en 2018, ce livre fait un point essentiel sur l’évolution de Google et des moteurs de recherche. Il donne des clés pour la recherche d’information et l’évaluation de la qualité de l’information, en visant le développement d’une véritable littératie numérique.
Le troisième compte rendu d’ouvrage est signé Siham Alaoui, étudiante au doctorat en archivistique à l’Université Laval du Québec, et recense le livre Consommer l’information : de la gestion à la médiation documentaire, de Martine Cardin et Anne Klein, publié en 2018 aux Presses de l’Université Laval. Il décrit la nouvelle approche de l’archivistique, soit celle de l’archivistique ouverte, résultant de l’interdisciplinarité entre l’archivistique et le marketing ouvert.
Enfin, le quatrième compte rendu, sous la plume de Tullio Basaglia, chef de section de la bibliothèque du CERN à Genève, rend compte de l’ouvrage en anglais d’Yvonne de Grandbois - qui a fait sa carrière de professionnelle de l’information en Suisse romande- Service Science and the Information Professional, publié en 2016. Ce livre offre un aperçu succinct mais complet de la discipline qu’est la science des services, et il souligne l’importance de cette dernière pour les professionnels de l’information.
Nous vous souhaitons une très bonne lecture et nous remercions vivement les auteurs de cette édition, ainsi que les fidèles réviseurs, ainsi que ceux et celles qui ont contribué à la mise en ligne de RESSI.
Le Comité de rédaction
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Renouvaud : de la gestion de projet à la coordination du réseau vaudois des bibliothèques
Ressi — 20 décembre 2018
Jeannette Frey, Directrice BCU Lausanne, Présidente Renouvaud
Piergiuseppe Esposito, Chargé de missions BCU Lausanne
Résumé
En 2014, le Canton de Vaud décide de quitter RERO, le réseau des bibliothèques de Suisse occidentale, pour migrer vers de nouvelles technologies cloud. La Bibliothèque cantonale et universitaire - Lausanne va utiliser la méthode de gestion de projets HERMES, développée par la Confédération. Elle renonce à passer aux règles de catalogage RDA, conserve le format MARC21. Elle complète le cahier des charges GEMEVAL, élaboré par RERO, IDS et la BNS, pour lancer un appel d'offres qui aboutit à la sélection du système Alma de l’entreprise Ex Libris. Le contrat est signé à la fin de l'été 2015. Le programme, intitulé Renouvaud, se compose de trois sous-projets : organisationnel, informatique et bibliothéconomique. Il englobe, à peu d'exceptions près, toutes les bibliothèques du Canton de Vaud : patrimoniales, scientifiques, scolaires et lecture publique. Le réseau Renouvaud est opérationnel dès le 22 août 2016. Considérant que le projet national SLSP a choisi la même solution informatique (Alma), Renouvaud devrait être à même de coopérer avec lui. Renouvaud a tenu les délais fixés en respectant le budget voté. Fin 2017, il offre plus de 3,5 millions de documents imprimés et presque 1 million de documents numériques.
Renouvaud : de la gestion de projet à la coordination du réseau vaudois des bibliothèques [1]
Historique de la décision vaudoise
Le projet Renouvaud a été initié suite à la décision du canton de Vaud de quitter RERO (REseau ROmand, réseau des bibliothèques de Suisse occidentale). Le 14 mars 2014, la Conseillère d’État Anne-Catherine Lyon, cheffe du Département de la formation, de la jeunesse et de la culture (DFJC), annonçait à la Conférence intercantonale de l’instruction publique de la Suisse romande et du Tessin (CIIP), organe titulaire de RERO, que le canton de Vaud se dédisait de la convention intercantonale RERO à fin 2016[2]. Cette décision était motivée par l’impossibilité de trouver une nouvelle gouvernance pour RERO après 8 ans de tractations, ce qui bloquait l’investissement pour le passage à de nouvelles technologies cloud. Plusieurs solutions pour la gouvernance avaient été étudiées, le concordat intercantonal, puis l’option de créer une association, sans succès. Au terme de nombreuses discussions et de longs blocages, la Conseillère d’État constatait que RERO était devenu pénalisant pour le réseau vaudois et la Bibliothèque cantonale et universitaire – Lausanne, en particulier pour répondre aux demandes pressantes des utilisateurs universitaires. Le 17 mars 2014, la Direction de la BCU Lausanne répercutait la nouvelle de la dédite de la convention auprès de l’ensemble de ses collaborateurs ainsi qu’aux partenaires des bibliothèques vaudoises membres de RERO.
Mandat donné par le politique pour Renouvaud
Donnant suite à cette décision, le DFJC émettait en avril 2014 un mandat de reprise de la gestion du réseau vaudois par la BCU Lausanne à la sortie du canton de Vaud de RERO, soit au 1er janvier 2017. Le mandat détaille les objectifs généraux et spécifiques du projet Renouvaud. À la fin du projet, la BCU Lausanne devait se trouver en mesure d’offrir une solution de gestion effective et efficiente du réseau, au point de vue organisationnel, financier et métier et avoir mis en place un système de gestion intégré de bibliothèque (SIGB) dans le cloud, permettant aux bibliothèques vaudoises de collaborer entre elles et avec d’autres réseaux suisses et francophones, ainsi qu’avec la Bibliothèque Nationale Suisse (BNS). Le mandat prévoyait également que la BCU Lausanne propose au DFJC une gouvernance pour le réseau vaudois ainsi qu’un nouveau business model avec des flux d’argent simples et transparents. Le défi était de taille en raison des délais imposés.
La gestion de grands projets à la BCU Lausanne
Pour la gestion de ses projets, la BCU Lausanne a recours à la méthode de gestion de projets HERMES, développée par l’Unité de pilotage informatique de la Confédération[3]. L’organigramme, les rôles, le phasage et planning ont donc été mis en place selon cette méthode. Le pilotage et la conduite reposent sur deux instances : un comité de pilotage (CoPil) et un comité de projet (CoPro).
Éléments de la méthode HERMES 5
Source : Manuel de référence HERMES 5.1 (repli cartonné de couverture)
Principes de base pour la mise en place du réseau Renouvaud
La BCU Lausanne a lancé le projet Renouvaud avec l’objectif d’implémenter les outils, services et processus de travail nécessaires à la reprise des fonctionnalités couvertes pour le réseau vaudois par les anciens outils de RERO, et de les compléter avec des fonctionnalités pour lesquelles le réseau vaudois n’avait pas reçu de réponses de RERO au cours des années précédentes – en particulier l’acquisition, la gestion et la mise à disposition des ressources numériques. Déjà au sein de RERO, la BCU Lausanne assurait pour les bibliothèques vaudoises la gestion d’un certain nombre de processus : bon nombre de formations dispensées, la participation aux groupes de travail et aux task forces, etc.).
La reprise complète de la gestion du réseau vaudois nécessitait cependant d’étudier les processus de travail partagés existants entre la Centrale RERO et la Coordination locale vaudoise, ainsi que de cartographier les processus de travail à créer pour compléter l’existant, un travail qui a été fait dans le cadre de la phase d’analyse préliminaire.
Plusieurs scénarios ont été élaborés, avec ou sans modification des règles de catalogage et du format de métadonnées lors de la migration des données.
Au-delà de leur utilisation au sein de RERO, les règles AACR2 (règles de catalogage anglo-américaines) constituaient alors l’ensemble structuré de règles de catalogage le plus usité dans le monde, traduit dans de nombreuses langues. Un mandat de veille prioritaire fut confié à un groupe de travail composé d’experts en catalogage afin d’évaluer l’impact et la faisabilité d’un passage aux normes RDA / FRBR durant la phase de conception du projet. Il en ressortit que le RDA n’était pas encore abouti, que la traduction française avait été interrompue et que la France ne prévoyait pas une transition dans un futur proche.
Finalement, ce fut le scénario impliquant un changement de SIGB sans passage aux règles de catalogage RDA, et sans modification du format des notices MARC21 vers un modèle FRBR qui fut choisi, en raison d’une part des délais de réalisation et de mise en œuvre très serrés et d’autre part parce que cela réduisait considérablement la complexité du projet.
Le cahier des charges Renouvaud
En ce qui concerne le cahier des charges, le projet Renouvaud ne partait pas de rien. De 2009 à 2012, RERO, IDS et la BNS avaient mené le projet GEMEVAL (Gemeinsame Evaluation eines neuen Bibliothekssystems), au cours duquel un cahier des charges commun avait été ébauché. Un appel d’offres commun n’avait cependant pas pu être envisagé, notamment en raison du fait que pour les partenaires IDS, chaque canton aurait dû être partenaire et valideur de l’appel d’offres public, ce qui semblait impraticable.
Après l’initialisation du projet Renouvaud, l’ébauche de cahier des charges issue de GEMEVAL a donc été reprise et complétée par un recueil exhaustif des besoins des membres du réseau vaudois, afin d’offrir un tableau synthétique des éléments principaux devant être couverts par un appel d’offres public. Les spécialistes de chaque domaine ont participé à la rédaction en détail de tous les points. La récolte des informations s’est déroulée par tandem de deux personnes : une personne en charge de la rédaction du besoin et une personne en charge de la relecture du besoin.
On remarquera que la description de la solution cible comprend des fonctions requises (obligatoires), des fonctions additionnelles souhaitables (optionnelles) et des fonctions facultatives (Nice to have). Cette différentiation résulte des conditions-cadres des appels d’offres publics. Les fonctions facultatives sont par exemple des points présentant un intérêt, mais hors périmètre du projet tel qu’évalué dans le cadre de l’appel d’offres public.
Les fonctionnalités standards étaient regroupées en sept modules pour décrire l’architecture fonctionnelle : acquisitions, catalogage, périodiques, lecteurs, circulation, statistiques et catalogue public. Les exigences du système, autant fonctionnelles que non fonctionnelles, ont été modélisées selon le formalisme UML des cas d’utilisation (Use Case). Les cas d’utilisation ainsi obtenus sont regroupés dans des modules qui eux-mêmes sont regroupés dans des thèmes. Pour chaque module précité, les exigences requises sont jugées indispensables pour le démarrage de l’exploitation du SIGB au 1er janvier 2017, tandis que les fonctionnalités souhaitées peuvent être mises à disposition des usagers dans un second temps.
L’appel d’offres public – état du marché du SIGB cloud en 2014
La rédaction du cahier des charges fut effectuée dans un temps record durant l’été 2014, ce qui permit de lancer l’appel d’offres public à l’automne 2014. L’objet du marché était d’acquérir et déployer un SIGB couvrant l’ensemble des besoins des bibliothèques du réseau vaudois ainsi que la fourniture de prestations associées. Le périmètre de l’offre comprenait la fourniture et la maintenance d’un SIGB dans le cloud, incluant la mise à disposition et la maintenance de deux environnements (soit production et test), ainsi que la formation de l’équipe de projet et des formateurs eux-mêmes.
Le marché a été adjugé sur la base des cinq critères d’évaluation suivants (avec leurs pondérations) : prix total de l’offre (30%), organisation pour l’exécution du marché (15%), qualité fonctionnelle et technique (30%), organisation de base du soumissionnaire (15%) et références du soumissionnaire (10%).
Négociations avec Ex Libris : quelques constats
La BCU Lausanne a reçu cinq offres dont deux durent être rejetées en raison du non-respect des conditions de forme et de participation. Sur les trois offres retenues, le choix de la solution Alma - Primo de la société Ex Libris présentait le rapport qualité-prix le plus avantageux. Alma est une solution cloud de SIGB dernière génération permettant une gestion unifiée de toutes les ressources documentaires, imprimées, multimédias et électroniques. Orienté processus, le logiciel propose des outils de gestion puissants et personnalisables, bien adaptés à un réseau de bibliothèques tel que le réseau vaudois. Primo est l’outil de découverte utilisé pour accéder au catalogue permettant l’accès direct à tout le contenu proposé par les bibliothèques du réseau ; cet outil était déjà connu des bibliothèques vaudoises dans la mesure où il s’agit de la solution à la base du portail Explore de RERO.
L’adjudication du marché fut suivie d’une assez longue phase de négociation. Pour ces formulations juridiques pointues, l’équipe de projet put s’appuyer sur le Service juridique et législatif (SJL) de l’État de Vaud, qui apporta une contribution fondamentale en termes de rédaction et de relecture du contrat. Après plusieurs tours de négociation, le contrat put être signé entre l’État de Vaud et Ex Libris à la fin d’été 2015, avec un démarrage officiel des activités de projet avec le fournisseur fixé au mois de septembre. En attendant, un premier workshop avec deux personnes d’Ex Libris – un chef de projet et un spécialiste de l’équipe d’implémentation du logiciel – fut organisé durant l’été 2015 à la BCU Lausanne, workshop au cours duquel le processus de migration des données fut discuté et la date du go-live confirmée au 22 août 2016.
Dès lors commença le long travail de description détaillée de l’implémentation. Une décision dut tout d’abord être prise sur l’architecture globale du système. Au premier niveau de définition, le système d’Ex Libris offre une « community zone » globale, agrégeant des données en provenance des éditeurs et de toutes les bibliothèques utilisant le système. Au second niveau, le réseau Renouvaud a acheté une zone réseau, qui génère pour le réseau un catalogue commun. Un troisième niveau regroupe toutes les bibliothèques scolaires et de lecture publique dans un ensemble, et toutes les bibliothèques scientifiques et patrimoniales dans un autre. Chaque ensemble partage ses fichiers lecteurs et d’autres paramétrages. Un quatrième niveau définit les bibliothèques, un cinquième respectivement leurs différents sites et dépôts.
L’affinage du paramétrage entraîna un grand nombre de discussions de détail : ainsi, pour le paramétrage de l’accès au catalogue des bibliothèques scolaires, l’équipe de projet exigea que dans ce catalogue n’apparaissent que les ouvrages disponibles dans la bibliothèque d’où était effectuée la recherche. Cette demande se justifie par le type de public qui fréquente les bibliothèques scolaires, peu apte à se déplacer physiquement dans une autre bibliothèque ou à effectuer un Prêt Entre Bibliothèques (PEB) pour emprunter un ouvrage. Aussi simple que cela puisse paraître, la question a posé de prime abord un problème de taille au fournisseur, pour qui ce type de développement allait à l’encontre de ceux prévus pour l’outil de découverte Primo. Finalement, les discussions portèrent leurs fruits et le problème fut réglé par la création d’un portail par bibliothèque scolaire.
Gestion du projet, structure du projet et personnels BCUL impliqués
- le projet d’organisation permettait de constituer le nouveau réseau vaudois de bibliothèques et de formaliser sa gouvernance. Le projet d’organisation a également défini la structure de la centrale de coordination du réseau vaudois de bibliothèques, ses responsabilités et son business plan. Il a établi le cadre contractuel déterminant les relations entre la BCU Lausanne, les membres du réseau et ses partenaires (RERO, BNS, BNF, etc.). Il a aussi été chargé de créer les conditions-cadres pour assurer une collaboration active entre bibliothèques du réseau vaudois et, dans la mesure du possible, avec d’autres réseaux de bibliothèques (IDS, SUDOC, etc.) ;
- le projet informatique comprenait l’acquisition du nouveau SIGB localisé dans le cloud, la migration des données et la recette du système qui devait permettre la gestion des ressources des bibliothèques du réseau vaudois, l’acquisition des ouvrages, le prêt, ainsi que l’accès aux contenus imprimés, multimédias et électroniques, dès le 1er janvier 2017 ;
- le projet bibliothéconomique permit de formaliser les normes et les standards appliqués au sein du réseau vaudois dans tous les domaines d’activité des bibliothèques, c’est-à-dire l’acquisition, le catalogage, le bulletinage, le prêt, le prêt interurbain, respectivement l’indexation et l’importation de masse de notices, l’activation des ressources numériques ainsi que la livraison d’indicateurs statistiques. Ceci permit aussi de créer et de dispenser les formations, ainsi que de mettre en place un contrôle qualité.
Selon HERMES, le pilotage du projet Renouvaud reposait sur un comité de pilotage (CoPil), qui assumait collégialement la responsabilité du projet dans son ensemble. Présidé par Jeannette Frey, directrice de la BCU Lausanne, et composé de représentants des différents types de bibliothèques membres du réseau vaudois, le CoPil s’est réuni tous les deux mois. Il a surveillé et piloté le déroulement du projet de manière globale, assuré l’acquisition et la mise à disposition des moyens nécessaires et garanti leur utilisation optimale. Le CoPil traitait aussi des problèmes extraordinaires, et, last but not least, validait les différents points de décision, notamment la conclusion et la libération des différentes phases du projet. Afin d’avoir une gestion professionnelle et neutre de la qualité et des risques, une consultante externe fut mandatée par la BCU Lausanne et associée au CoPil.
La conduite du projet reposait ensuite sur un comité de projet (CoPro), présidé par Alexandre Lopes, responsable Technologies bibliothécaires de la BCU Lausanne, ce dernier assumant le rôle de chef de projet. Le CoPro se réunissait de façon hebdomadaire. Le chef de projet était épaulé par un consultant externe mandaté pour prendre en charge la conduite de la partie informatique du projet. Au bénéfice de compétences sénior en gestion de projet, il était le principal répondant pour l’appel d’offres public, les spécifications détaillées ainsi que la recette.
Le projet Renouvaud se composait de trois sous-projets afin de répondre aux exigences du mandat du DFJC :
Organigramme Renouvaud
Source : Rapport Annuel Renouvaud 2017, p. 15.
Les tâches des sous-projets ainsi que les activités transversales furent assurées par une dizaine de groupes de travail ad hoc : GT appel d’offres, GT migration, GT spécifications détaillées, GT recette, GT bibliothéconomie, GT fonctionnement du réseau, GT formation, GT gestion qualité, GT communication, GT gestion du changement et GT organisation de la coordination. Les objectifs des groupes de travail furent définis dans un mandat propre à chaque groupe. Chaque responsable gérait son GT comme un projet en tant que tel avec son propre planning, ses charges, ses délais et ses livrables. Il assurait la coordination des activités du groupe et était garant du respect des délais et des jalons fixés par le groupe. Il veillait également à la qualité des livrables de son groupe, avec le support de la responsable Qualité. Du côté de la BCU Lausanne, le chef de projet prit en charge le GT migration, tandis que le directeur adjoint du site Unithèque, Jean-Claude Albertin, dirigea le GT fonctionnement du réseau et le GT gestion du changement. Un apport majeur vint aussi de Jasmin Hügi (GT bibliothéconomie), de Jean-François Richer (GT formation) et de Fanny Peuker (GT organisation de la coordination). 80% des personnels impliqués dans les groupes de travail furent mis à disposition par la BCU Lausanne, 20 % par les autres membres du réseau, avec des provenances aussi diverses que les bibliothèques scolaires et les bibliothèques du CHUV.
Principaux défis dans la gestion du projet
Au cours de l’année 2015, le CoPil a pris l’une après l’autre les décisions nécessaires à la formulation du concept et à la réalisation du projet Renouvaud. Le CoPil a notamment validé les organigrammes pour les différentes phases du projet, les règles de catalogage au passage sur le nouvel outil, le plan de communication, le plan qualité, le suivi des risques, la topologie du futur réseau, les mesures de protection des données des lecteurs et l’interfaçage avec des applications tierces. De plus, le CoPil a validé le passage à une indexation avec RAMEAU précoordonnée, composé d’une chaîne de mots matières (en opposition à l’utilisation de mots matières individuels). Parmi les nombreux avantages de cette pratique, on doit mentionner l’exploitation des indexations des bibliothèques partenaires RAMEAU (p.ex. BNF, SUDOC) et une meilleure exploitation de Primo dans l’organisation hiérarchique des mots matières.
L’un des principaux défis dans la gestion du projet fut de tenir les délais tout en maintenant la motivation des collaborateurs sur la durée. Un planning détaillé du projet fut établi et mis à jour régulièrement, afin d’avoir une vue d’ensemble de l’avancement des travaux de chaque groupe de travail. Outre les rapports de phase produits à la fin de chaque phase HERMES, des documents de reporting permirent de jalonner la vie du projet Renouvaud avec une périodicité mensuelle : le rapport d’état du projet, le rapport d’évaluation des risques et l’état des lieux des groupes de travail.
Un autre défi de taille était de réussir à motiver les groupes de travail impliqués dans le projet, sous la contrainte d’un planning serré. Une grande importance fut accordée par le chef de projet au recrutement de membres des équipes et des groupes à la fois engagés, motivés et prêts à relever un défi sur une durée relativement longue. Pendant toute la durée du projet, les vacances furent accordées en fonction du calendrier du projet et des reports furent parfois nécessaires afin de tenir les délais. L’équipe de projet fit également preuve de souplesse et ne ménagea pas ses efforts en termes d’horaires, les séances pouvant se prolonger jusque dans la nuit.
La définition précise des configurations souhaitées, les tests et la préparation de la migration des données ont constitué un autre défi majeur pour l’équipe de projet. Un test de conformité des données à migrer relativement aux spécifications de migration fut suivi par un test de chargement des données dans le futur système informatique. Conformément à la loi sur la protection des données, au début du mois de décembre 2015 et avant de charger les données dans le système même test, une communication fut faite à l’ensemble des usagers les informant que leurs données seraient transmises au fournisseur du nouveau SIGB. La bonne préparation de la communication permit d’optimiser cette étape et seule une trentaine de personnes refusa que leurs données soient transmises, dont une quinzaine pour des raisons autres que la protection des données. En parallèle, les données extraites du catalogue de RERO furent transmises via un protocole sécurisé à Ex Libris le 14 décembre, date à laquelle commença donc la migration de test sur l’intégralité des données ; le but de cette opération était de faire une répétition générale de la migration de bascule prévue en août 2016. Ex Libris livra dans les délais prévus l’environnement de préproduction du logiciel Alma, le 8 février 2016. Dès la livraison effective, le groupe de travail chargé de la migration effectua des tests de manière à s’assurer que la qualité des données était bien conforme pour poursuivre les travaux. Aucun problème majeur nécessitant de refaire entièrement la migration de test ne fut rencontré. Quelques anomalies furent détectées et rigoureusement inventoriées, mais, de manière générale, la qualité des données migrées fut jugée très satisfaisante. En dépit du décalage en urgence du début de la phase de bascule (cutover) en raison d’une erreur de planification du fournisseur, la migration de bascule put être effectuée au moment du passage en production, soit le 22 août 2016.
La traduction des interfaces des outils Alma et Primo, qui faisait partie du cahier des charges pour l’appel d’offres, représenta un autre défi à gérer pour l’équipe de projet ainsi que pour les différents groupes de travail impliqués, et en particulier pour le GT6 formation. Lors de la livraison des interfaces en français, prévue relativement tardivement pour le printemps 2016, des problèmes de traduction de l’anglais, voire des oublis furent détectés. De plus, certaines traductions portaient parfois à confusion soit pour les professionnels, car le vocabulaire-métier ne se retrouvait pas dans Alma, soit pour les utilisateurs. Bien que des contrepropositions de traduction furent faites par la Coordination Renouvaud, il s’avérait parfois très laborieux d’obtenir l’intégration des modifications demandées. Concernant l’aide en ligne d’Alma, les textes furent traduits en français, mais les captures d’écran et les vidéos restèrent finalement en anglais, en raison du fait qu’elles sont mises à jour de manière centrale pour toutes les langues. Cela ne fut pas sans poser problème au groupe de travail chargé de la formation de plus de 500 collaborateurs du réseau avant le lancement.
Renouvaud se lance !
À la veille du go-live, les résultats obtenus par les équipes et les groupes de travail furent considérés conformes aux attentes. Concernant la partie informatique du projet, la recette était terminée avec un bilan de 80% des besoins testés avec succès. Après de longs mois de préparation, Renouvaud fut lancé le 22 août 2016, comme prévu dès le montage du projet avec le fournisseur juste après l’adjudication du marché. En dehors d’un problème mineur avec le chargement des données « lecteurs » des bibliothèques scolaires, le démarrage fut fluide et les services proposés aux usagers furent actifs dans tout le réseau dès 14h00 ce jour-là, à l’heure prévue pour le début des activités de prêt. Pour l’anecdote, la première transaction fut effectuée à 14h01. Le service de prêt fut tout de suite fonctionnel, des dizaines de milliers d’utilisateurs purent se loguer pendant la première semaine et il y eut beaucoup de feedbacks positifs des bibliothèques du réseau. Certes, le 22 août ne fut qu’une étape et de nombreuses tâches attendaient encore l’équipe de projet. Les mois qui suivirent le lancement permirent néanmoins aux collaborateurs et aux utilisateurs de prendre en main l’outil et de l’utiliser quotidiennement dès avant la sortie effective du réseau RERO, soit au 31 décembre 2016.
Plusieurs actions de communication accompagnèrent le lancement. Outre les informations régulièrement mises à jour sur le site web de la BCU Lausanne, une charte graphique Renouvaud fut créée et déclinée, aussi bien sur les interfaces du SIGB que sur les imprimés, crayons et sacs distribués dans toutes les bibliothèques du réseau. À l’interne, plusieurs séances plénières réunirent les professionnels du réseau tandis que des messages informant les usagers et des présentations publiques permirent de préparer les usagers à ce changement.
Les travaux après le lancement
La migration des données étant désormais terminée et le changement de logiciel effectif, la Coordination Renouvaud reprit ses travaux. Lorsque les fonctionnalités offertes par les outils Alma et Primo ne répondaient pas aux besoins ou attentes, des développements informatiques furent faits en interne afin de se rapprocher au maximum du fonctionnement prévu. Pour gérer les demandes en provenance des bibliothèques du réseau, un outil de ticketing testé au préalable à la BCU Lausanne fut mis à disposition de tous les professionnels du réseau après le go-live. Dès lors, un important travail de stabilisation du système fut mené par la Coordination : elle repérait les dysfonctionnements des outils et les annonçait à l’équipe de support d’Ex Libris, afin qu’elle puisse les résoudre ou proposer une solution de contournement dans les meilleurs délais. Ex Libris acceptait de faire des développements s’il s’agissait d’un besoin partagé par un nombre suffisamment important de clients. Ainsi, Alma évolue très régulièrement avec des mises à jour mensuelles de l’outil contenant des améliorations et de nouvelles fonctionnalités. Le paramétrage fin de certaines fonctionnalités permit l’adoption progressive de « bonnes » pratiques et la prise en main d’Alma par les professionnels du réseau vaudois ; ceci s’accompagna de la mise à disposition de manuels sur mesure pour intégrer les processus.
À la fin de l’année 2016, la Coordination Renouvaud mit pour la première fois à disposition des bibliothèques du réseau toutes les statistiques habituellement fournies par la Coordination vaudoise ou par RERO. À noter que la nouvelle plateforme de gestion implique certaines différences dans la façon d’élaborer les chiffres, différences liées aux méthodes propres à chaque logiciel. Alma propose un outil très puissant de génération de produits et statistiques nommé Analytics (développé par Oracle) qui permet aux bibliothécaires-système de préparer des rapports et listages flexibles. Le tableau de bord « statistiques d’acquisitions » est par exemple destiné à faciliter le pilotage, la gestion des budgets et des commandes dans Alma. Il s’agit alors de définir les paramètres permettant la génération correcte de ces statistiques en fonction d’un certain nombre de critères choisis par les bibliothécaires du réseau. Parfois, des erreurs de calcul furent repérées et corrigées grâce au zèle des bibliothécaires – ce fut le cas par exemple des statistiques des prolongations de prêt.
Par ailleurs, un toilettage des processus de travail est amorcé au sein de la BCU Lausanne, aussi bien dans le cadre du circuit du document que dans celui des services au public, afin de revoir ou de redistribuer autrement certaines tâches. Pour ce faire, des réflexions approfondies sont engagées par les différents services sur la manière de fonctionner, le potentiel de collaboration entre les équipes, les sites et avec le réseau.
L’utilisation d’un système cloud permet en l’essence de partager et de réutiliser très facilement des métadonnées en provenance du monde entier. D’autres acteurs suisses avancent également dans la réinformatisation de leurs bibliothèques et réseaux. La Bibliothèque nationale suisse, tout comme le projet SLSP (pour Swiss Library Service Platform, géré maintenant par la SLSP S.A.) utiliseront à moyen terme les mêmes outils que le réseau Renouvaud. La question est donc maintenant de savoir comment ces différents acteurs suisses interagiront au niveau national sur la base d’un même outil plus global, quelles coopérations seront envisagées, respectivement quels services seront proposés par une plateforme commerciale comme SLSP S.A., à quel prix et avec quelle plus-value pour les éventuels clients.
Interconnexion des systèmes par APIs
Un des avantages d’un système comme Alma est son potentiel de connexion facilitée à d’autres systèmes par les APIs (Applications Programming Interfaces). À l’initiative de deux services centraux de la BCU Lausanne, l’interfaçage avec d’autres systèmes apporta rapidement une autre pierre à l’édifice Renouvaud. La 1re Assemblée annuelle Renouvaud du 29 septembre 2017 fut l’occasion de présenter GOBI de la maison EBSCO, un outil d’acquisition automatisée de livres numériques.
De son côté, le service Finances de la BCU Lausanne étudia le développement d’une interface permettant l’interconnexion avec le système de facturation de l’État de Vaud (SAP). Ensuite, les principaux fournisseurs furent contactés afin de leur proposer de passer au système d’importation automatique de factures en format EDI (Electronic Data Interchange). La mise en place de ce système permettra un gain de temps considérable au service Finances ; une extension de ce système à d’autres bibliothèques du réseau est envisagée à moyen terme. Ces deux réalisations permettent à la fois de travailler de manière plus efficace (réduction du temps), et plus efficiente, car elles permettent de diminuer le risque d’erreurs.
Gestion du réseau vaudois par la Coordination Renouvaud
Au début de l’année 2017, Renouvaud sortit peu à peu du mode projet et mit en place les différents organes pour garantir un fonctionnement efficient sur la durée. Le CoPil muta en Conseil Renouvaud et valida d’une part les missions, la structure et l’organisation de la Coordination Renouvaud et confirma d’autre part la mise en place des commissions techniques pour traiter les questions métier au sein du réseau. Un responsable de la Coordination Renouvaud put être recruté en la personne de Christian Bürki, dès le 1er mai 2017. Son engagement s’accompagna de la mise en place d’un plan d’action composé de trois axes stratégiques : stabiliser, optimiser et innover. Les deux premiers axes posèrent les bases pour la gestion du réseau les années à venir. D’abord, il s’agissait de consolider le fonctionnement du réseau après le lancement de la nouvelle plateforme. Ensuite, il s’agissait de simplifier et de standardiser les tâches afin d’augmenter la cadence de l’intégration des bibliothèques. En effet, la vitesse d’intégration des bibliothèques dépend non seulement des ressources financières et humaines à disposition, mais aussi de l’expérience acquise avec Alma.
Dès le mois de mai 2017, la Coordination se penchait sur le processus d’intégration des nouvelles bibliothèques et les paramétrages de base d’Alma. Le temps de paramétrage du prêt fut divisé par 10 après 5 mois. En parallèle, il fut établi que l’optimisation du processus d’intégration passera par une priorisation des bibliothèques à intégrer en fonction de leur degré de complexité d’intégration, selon les prestations sollicitées. Le principe est d’intégrer les bibliothèques par wagons, selon les paramétrages souhaités. Afin de les intégrer pleinement au réseau, la migration de leurs données, la formation des collaborateurs et le paramétrage de l’outil sont réalisés. L’année 2017 permit ainsi une première consolidation de la plateforme hébergeant déjà 109 bibliothèques du réseau vaudois. Ce fut l’occasion d’harmoniser un certain nombre de pratiques, par exemple au niveau des règles de prêt, de mettre en place des procédures et de développer des outils pour faciliter l’arrivée de nouveaux membres. Un des premiers outils développés permit de charger de manière semi-automatique les données des étudiants et écoliers avant chaque nouvelle rentrée scolaire. Une adaptation de l’outil de raccrochage pour les migrations permettra de concrétiser ultérieurement les efforts de la Coordination. En effet, ce seront plus de 50 nouvelles bibliothèques qui vont grossir le réseau Renouvaud entre 2018 et 2021.
Organes Renouvaud
Source : Rapport Annuel Renouvaud 2017, p. 11.
Bilan deux ans après le lancement
Lors du lancement du projet Renouvaud en 2014, la Conseillère d’État Anne-Catherine Lyon avait défini les objectifs généraux et spécifiques du projet. Deux ans après le lancement de la nouvelle plateforme de gestion, 95% des fonctionnalités ont été validées et les objectifs ont tous été atteints, sauf la validation formelle de gouvernance, qui est encore en attente. La publication du premier rapport annuel Renouvaud 2017 montre que les délais ont été tenus et le réseau Renouvaud dispose depuis le 1er janvier 2017 de toute l’infrastructure nécessaire au bon fonctionnement des bibliothèques le composant. Le budget a été respecté et le solde au 31 décembre 2017 du crédit d’investissement s’établit à CHF 85'494. A cette date, Renouvaud compte au total 109 bibliothèques, dont 53 scientifiques et/ou patrimoniales et 56 bibliothèques scolaires et de lecture publiques. Les chiffres de l’utilisation du réseau par les publics sont excellents et représentent une progression forte par rapport aux années précédentes : de l’offre imprimée totale (3'507'127) à l’offre de ressources électroniques (938'443), des recherches dans le catalogue (2'111’813), du nombre de prêts (1'843'627) au nombre de consultations des ressources électroniques (près de 3 millions). De toute évidence, l’intégration des outils Alma et Primo, permet aux publics d’accéder plus facilement aux ressources imprimées et numériques.
En 2017, Renouvaud est l’un des plus grands réseaux de bibliothèques suisses et le premier à utiliser une plateforme de dernière génération basée sur une technologie cloud. Pour relever les défis de la 4e révolution industrielle, qui touchent les bibliothèques de plein fouet, Renouvaud a mis en place une organisation structurelle agile au niveau des décisions stratégiques. Le réseau a aussi construit une équipe bicéphale, technique et métier, qui permet une gestion professionnelle de la plateforme technique tout en maintenant un lien métier fort avec les bibliothécaires, stimulant d’échanges intensifs et assurant la formation continue des bibliothécaires. Cette organisation s’appuie sur une bonne compréhension du terrain et permet une mise en place de processus et d’outils les plus adaptés possible aux besoins de plus de 500 professionnels du réseau qui travaillent quotidiennement au service d’environ 140’000 usagers de tous les âges. Renouvaud est un réseau jeune, dynamique et complexe qui est en train de mûrir grâce aux échanges entre professionnels du réseau. L’organisation d’assemblées annuelles et de tables rondes par la Coordination Renouvaud nourrit cette perspective. Ces plateformes d’échanges entre professionnels permettent la circulation des informations et des idées et font progresser l’ensemble du réseau, tout en ouvrant des perspectives de collaboration très réjouissantes dans les années à venir.
Bibliographie
DFJC, Reprise de la gestion du réseau vaudois par la Bibliothèque cantonale et universitaire Lausanne (BCU Lausanne) au 1er janvier 2017, 8 septembre 2014
État de Vaud et BCU Lausanne, Appel d’offres marché public : procédure ouverte. Projet Renouvaud. Conditions et formes de participation, 11 novembre 2014
État de Vaud et BCU Lausanne, Appel d’offres marché public : procédure ouverte. Projet Renouvaud. Cahier des charges, 11 novembre 2014
État de Vaud, Exposé des motifs et projet de décret accordant au Conseil d’État un crédit d’investissement de CHF 2'307'000 pour financer la mise en œuvre du futur réseau vaudois des bibliothèques et du système d’information associé dans le cadre du programme de gestion des bibliothèques du réseau vaudois (RenouVaud), juin 2015
Lettre d’information Renovaud, années 2015-2018
Rapport annuel BCU Lausanne, années 2014-2017
Rapport annuel Renouvaud, année 2017
Notes
[1]Note méthodologique. La préparation de cet article se base sur la consultation de sources publiées et non publiées produites dans le cadre du projet Renouvaud. Certaines parties de l’article reprennent le contenu des rapports annuels de la BCU Lausanne et du premier rapport annuel Renouvaud, édités sous la direction de Jeannette Frey. Nous avons également repris et adapté certaines parties des sources non publiées (rapport d’initialisation, rapport d’analyse préliminaire et appel d’offres public du projet Renouvaud). Nous remercions vivement Alexandre Lopes, Christian Bürki et Jasmin Hügi pour leurs renseignements et suggestions. Le contenu de cet article reste bien sûr de la seule responsabilité de ses auteurs.
[2]Comme le stipule l’article 24 de la Convention RERO, adoptée le 25 novembre 1999, la sortie est effective au 31 décembre 2016, afin de respecter le délai de sortie de 24 mois à l’avance pour la fin d’une année civile.
[3]HERMES online : http://www.hermes.admin.ch. La version 5 a été lancée en 2013 et le release 5.1 en juin 2014.
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Des ebooks dans sa poche : projet de valorisation de la collection numérique de la Bibliothèque de l’UNIGE
Ressi — 20 décembre 2018
Bibliothèque de l’Université de Genève, CODIS - Service de coordination de la DIS
Rue du Général-Dufour 24, 1211 Genève 4 - Suisse
Résumé
La valorisation des ressources en ligne, coûteuses et invisibles dans les rayons des bibliothèques, se fait souvent manuellement avec un grand nombre d’étapes chronophages nécessitant des compétences techniques. En 2017, la Bibliothèque de l’Université de Genève a mis sur pied un groupe de travail dont l’objectif est d’harmoniser les pratiques de promotion de leurs collections numériques, notamment les ebooks. Ce projet a abouti à la création de l’Application de valorisation numérique “Avalon”, qui simplifie le processus de création des supports de valorisation (collecte de métadonnées et d’images de couverture, création des URLs raccourcis et QR-codes) tout en respectant la charte graphique institutionnelle. L’accès aux ebooks est simplifié grâce à la lecture des QR-codes, fonctionnalité intégrée à l’application UNIGE mobile, et l’affichage des informations sur une page Web intermédiaire. L’usager peut ainsi littéralement “mettre un ebook dans sa poche”. Cet article a pour objectif de présenter le contexte du projet, la méthodologie employée, le fonctionnement d’Avalon et de proposer un retour d’expérience sur ce projet.
Abstract
The promotion of online resources, which are expensive and invisible on the library shelves, is often done manually with a lot of time-consuming steps requiring technical skills. In 2017, the Geneva University Library set up a working group whose objective is to harmonize the promotion practices of their digital collections, particularly e-books. This project has led to the creation of the digital resources promotion application “Avalon”, which optimizes the process of creating promotional materials (collection of metadata and cover images as well as the creation of shortened URLs and QR-codes) respecting the institutional visual identity. Access to ebooks is simplified by scanning the QR-codes, feature included in the mobile UNIGE application, and displaying the information on an intermediate web page. The user can literally “put an ebook in his pocket”. This article aims to present the context of the project, the methodology, the functionalities of Avalon and to provide experience feedback.
Des ebooks dans sa poche : projet de valorisation de la collection numérique de la Bibliothèque de l’UNIGE
L’impact du numérique dans les bibliothèques universitaires
La Bibliothèque de l’Université de Genève (UNIGE) évolue dans un contexte académique et social marqué par un très fort développement du numérique dans toutes les disciplines. L’impact de cette mutation est global et il a provoqué des changements majeurs dans les pratiques des publics et des professionnels des bibliothèques universitaires. En effet, en une génération nous sommes passés d’une collection exclusivement physique et locale à une autre hybride, dominée par une nouvelle offre des contenus en format numérique, hébergés majoritairement en dehors de la bibliothèque.
Figure 1 : Proportion des frais d’acquisition des documents électroniques par rapport aux frais d’acquisition totaux dans les bibliothèques universitaires suisses de 2004 à 2017
(Source : Statistique suisse des bibliothèques, Office fédéral de la statistique, https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/culture-medias-societe-information-sport/culture/bibliotheques.html)
Les avantages du numérique sont nombreux : pas d’espace de stockage physique nécessaire, ni de manutention, consultations simultanées possibles, etc. Ils répondent aux pratiques de plus en plus nomades du public universitaire (documents accessibles partout et en tout temps). Cependant, certaines caractéristiques des ebooks constituent aussi des inconvénients face au livre papier : la complexité liée à la multiplication des formats propriétaires et ouverts (EPUB, PDF, Mobipocket, iBook, Kindle, etc.), le contrôle des accès par DRMs ou soumis à des contrats, son absence dans les espaces physiques en sont quelques exemples.
Ce changement de paradigme documentaire, basé sur la location d’un service et l’accès à distance, nous éloigne de plus en plus du traitement traditionnel des documents, qui représentait le cœur du métier pendant plusieurs siècles. La maintenance d’une collection numérique en expansion constante est complexe, la nature instable des médias électroniques (formats, liens, etc.) et la multiplicité des modèles de services (licences, plateformes, Open Access, etc.) engendrent un bouleversement des pratiques professionnelles dans le monde des bibliothèques académiques. Ce caractère insaisissable provoque une certaine inconsistance dans le traitement documentaire et la mise en valeur de ce type de documents. En effet, cette difficulté à maîtriser le contenu et le flux des métadonnées de cette collection numérique, explique que les bibliothèques académiques se contentent souvent d’un signalement minimaliste au niveau de l’outil de découverte et de la liste de titres (liste A-Z générée par le résolveur des liens).
Si le livre en format papier reste majoritaire pour le type de document “Livre”, la collection d’ebooks continue de se développer très rapidement. Par exemple, à la Bibliothèque de l’UNIGE, la collection d’ebooks a dépassé la barre des 500'000 documents et elle s’est étoffée d’environ 5'000 nouveaux titres en 2017. Ainsi, les ebooks représentent 13% de la collection totale des livres (ISBNs uniques). Cependant la majorité de la collection numérique est invisible au rayon (87% des ISBNs en format électronique n’ont pas d’équivalent papier). Une partie de cette collection d’ebooks existe aussi en format papier, ce qui représente environ 13'000 titres actuellement.
Figure 2 : Comparaison des ISBNs uniques dans la collection de la
Bibliothèque de l’UNIGE selon le support
Le contexte numérique et technologique actuel ouvre de nouvelles perspectives pour les bibliothèques universitaires. Les catalogues et les solutions de découvertes exploitent et fournissent de nouvelles APIs (Applications programming interface) qui permettent le développement de nouveaux outils. Les données bibliographiques s’ouvrent de plus en plus (mouvement Open Data) pour favoriser l’échange de métadonnées entre les systèmes.
Ces 10 dernières années, l’usage d’Internet a été bouleversé par l’arrivée des smartphones qui sont devenus l’une des portes principales pour la consultation de l’information sous forme numérique. Ces objets sont de véritables « couteaux suisses » informatiques incluant une pléthore d’applications à exploiter par les bibliothèques. Par exemple, les QR-codes fournissent aux bibliothèques un pont entre le monde physique et virtuel. Longtemps considérés comme désuets et sous-exploités en dehors de l’usage industriel, les QR-codes sont récemment revenus sur le devant de la scène pour répondre à de nouveaux usages (micro-paiement, promotion, vente en ligne, etc.). De plus, la lecture des QR-codes est aujourd’hui facilitée par l’intégration de sa lecture par la caméra des nouveaux smartphones.
La Bibliothèque de l’UNIGE a décidé de participer au développement de l’application mobile institutionnelle et propose actuellement de nouvelles fonctionnalités telles que le calcul de l’occupation des salles en temps réel, la lecture des codes-barres (QR-codes et ISBNs), la recherche dans l’outil de découverte RERO Explore Genève.
Etat de la valorisation des ebooks à la Bibliothèque de l’UNIGE
La Bibliothèque de l’UNIGE met à disposition du public des collections papier et numériques déployées sur quatre sites répartis dans la ville : Uni Arve, Uni Bastions, Uni CMU et Uni Mail. La collection d’ebooks s’est largement développée dans tous les domaines mais sa mise en valeur dans les espaces physiques n’a pas fait l’objet d’une réflexion concertée. En 2017, le service de coordination de la Bibliothèque (CODIS) qui a pour mission de coordonner des projets transversaux et d’harmoniser les activités au sein de l’institution, a reçu pour mandat de se pencher sur cette problématique.
La valorisation des ebooks et des périodiques électroniques était déjà pratiquée sur certains sites via des affiches, flyers ou fantômes incluant des QR-codes. Cependant, il n’existait pas de pratiques ni de procédures communes. Certains sites menaient des actions de valorisation dans les espaces depuis plusieurs années, tandis que d’autres se contentaient d’une promotion en ligne uniquement. Les dispositifs de valorisation existants différaient d’un site à l’autre : certains utilisaient des étiquettes pour signaler l’existence de la version numérique sur l’exemplaire physique, d’autres des blocs en plexiglas avec des affiches, d’autres des fantômes. Le visuel (logos, couleurs, mise en page, etc.) variait également et ne respectait pas toujours la charte graphique de la Bibliothèque. Par ailleurs, ces supports de valorisation ne renvoyaient pas tous aux mêmes type de contenu (texte intégral ou catalogue des ebooks), et les QR-codes utilisés ne dirigeaient pas toujours sur des pages adaptées à la consultation sur dispositif mobile.
Du côté des collaborateurs, la création des URLs raccourcis et des QR-codes posait problème puisque les outils pour les générer étaient des sites commerciaux parfois peu fiables. Pour créer manuellement ces supports de valorisation, les collègues avaient besoin de plusieurs logiciels dont certains nécessitent des compétences techniques particulières et chronophages (environ 10 minutes pour créer un seul support). Ce procédé peu efficient ne permettait pas de faire face à une masse de ressources numériques toujours plus importante à valoriser. Contrairement à la chaîne de traitement documentaire des imprimés, bien maîtrisée, celle des ebooks n’était pas formellement intégrée dans les pratiques professionnelles.
Du point de vue des usagers, les statistiques d’utilisation des QR-codes récoltées ponctuellement montraient une faible utilisation de ces supports comme moyen d’accéder à ces ressources. En effet, la multiplicité des formats et des supports pouvait diminuer l’impact de ce type d’actions, qui ne bénéficiaient pas d’une identité visuelle commune et d’un accompagnement technique et promotionnel suffisant.
Fort de ce constat et considérant la volonté de la Bibliothèque de promouvoir plus efficacement les ressources numériques, le contexte s’avérait favorable à la mise en place d’un projet transversal qui a pu démarrer en 2017. Dans un premier temps, le périmètre a été circonscrit à la valorisation des ebooks dans les espaces physiques, écartant la valorisation des autres types de ressources (périodiques électroniques et bases de données). La mise en valeur de ces ressources sur des canaux numériques (site web, écrans d’information, etc.) est quant à elle prévue dans un projet futur.
Objectifs et coordination du projet
Les objectifs du projet étaient multiples. Ils visaient principalement à fournir aux collaborateurs en charge de la valorisation des ressources numériques sur les sites des procédures et un outil commun pour intégrer cette étape dans la chaîne de traitement documentaire, au même titre que les ressources papier. Le projet avait également pour but d’améliorer la visibilité de ces collections et de faciliter leur accès. Plus concrètement, il s’agissait de :
-
promouvoir plus systématiquement les collections d’ebooks auprès des usagers sur l’ensemble des sites de la Bibliothèque ;
-
faciliter la création et la gestion des supports communs de valorisation (affiches, fantômes, etc.) munis de QR-codes et de liens pérennes ;
-
rendre plus visibles ces collections immatérielles grâce à un visuel commun identifiable qui répond à la charte graphique institutionnelle ;
-
augmenter la consultation de ces ressources grâce à un accès facilité et plus direct sur dispositifs mobiles.
En début d’année 2017, une étude préalable au projet avait permis de réaliser un état de l’art de la valorisation des ressources électroniques en bibliothèque et d’identifier les différentes méthodes et outils mis en place. Cette étude a été complétée avec des retours d’expérience d’autres institutions.
Pour mener à bien cette réflexion transversale, un groupe de travail ponctuel a été créé. Il est composé d’une sélection de spécialistes en charge de la gestion des ebooks sur chaque site et au sein du CODIS, et d’un bibliothécaire système. Il est animé par le coordinateur du pôle Informatique documentaire et la coordinatrice du pôle Communication. Le groupe s’est réuni régulièrement tout au long du projet qui a duré pratiquement 2 ans et s’est articulé en trois temps. La première période, allant d’avril à septembre 2017, a été consacrée à la définition du cadrage du projet (état des lieux de la valorisation sur les sites, définition des besoins et des fonctionnalités de l’application). Les 8 mois suivants ont été dédiés au développement technique de l’application Avalon, à la rédaction de la documentation et à la personnalisation graphique des supports de valorisation. Une fois en ligne, l’application Avalon a été testée par les membres du groupe, ce qui a permis d’intégrer de nouvelles fonctionnalités et des améliorations afin d’affiner la logique du processus de valorisation. Enfin, la phase de déploiement sur les sites impliquant la formation des collègues, s’est articulée pendant l’été, de mai à août 2018. Lors de cette dernière étape, les membres du groupe de travail ont pris en charge l’organisation du travail sur leurs sites respectifs.
Avalon : réalisation de l’Application de Valorisation Numérique
L’objectif de la plateforme était double. Premièrement, Avalon a été conçue pour offrir aux collaborateurs de la Bibliothèque une interface ergonomique permettant la production efficiente de supports de valorisation homogènes et facilement identifiables dans les rayons. Ensuite, elle devait aussi faciliter l’accès aux ressources pour les usagers.
La réalisation dans son ensemble constitue un écosystème d’applications de gestion (applications web développées en PHP sur un serveur interne de l’UNIGE LAMP géré par la Bibliothèque) permettant de connecter entre eux les éléments suivants :
-
flux de données en provenance des base de données institutionnelles (RERO Explore et SFX) et commerciales (images de couverture issues de Google, Amazon, etc.),
-
interface d’administration pour la création et la gestion des supports de valorisation,
-
création et gestion des URLs raccourcis et QR-codes,
-
génération des pages web intermédiaires destinées au public
Figure 3 : Schéma de fonctionnement d’Avalon :
workflow de valorisation et d’accès pour une ressource.
L’interface d’administration permet de valoriser les ressources numériques en moins d’une minute. Elle se compose d’un formulaire de recherche communicant avec RERO Explore Genève, via l’API PNX Rest de Primo, qui récupère les principales métadonnées de l’ebook à valoriser.
Figure 4 : Etape 1, recherche du titre “apoptosis and cancer”
Figure 5 : Etape 2, collecte des données du titre “apoptosis and cancer”
Dans ce formulaire, l’ensemble des métadonnées de la ressource sélectionnée (titre, image de couverture, ISBN/ISSN, lien SFX, etc.) ont été récupérées automatiquement. Il est possible de les modifier, d’ajouter des éléments complémentaires (informations de gestion, résumé, cote, etc.). Un URL raccourci est également généré, celui-ci servira pour la création du QR-code. L’ensemble de ces métadonnées servira de contenu aux supports de valorisation.
Une fois complété, les données du formulaire sont stockées dans la base de données, et une nouvelle valorisation (entrée) apparait dans le tableau de gestion. A partir de ce tableau, il est possible de générer les supports de valorisation au format PDF.
Figure 6 : Etape 3, affichage de la valorisation pour le titre « apoptosis and cancer »
dans le tableau de gestion
Quelques fonctionnalités ont été développées pour donner plus d’autonomie aux créateurs des supports de valorisation, qui ne possèdent pas forcément de compétences techniques. Pour la mise en page, il est possible de choisir la taille des caractères dans les résumés, modifier les textes affichés, ajouter des commentaires et choisir une image de couverture autre que celle récoltée automatiquement. Des fonctionnalités spécifiques ont été ajoutées par la suite pour permettre l’impression en plusieurs fois d’un même code-barre pour les exemplaires multiples ou pour un lot de stickers sur une page d'étiquettes incomplète (déjà utilisée).
Pour répondre aux besoins des sites qui souhaitaient valoriser aussi bien des lots (ebooks, bouquets) que des titres à l’unité cinq modèles de supports ont été définis.
Un titre sera valorisé par le biais d’affiches en format A4 (portrait/paysage), de fantômes ou encore d’étiquettes. Un lot de ressources (collections, thématiques) sera mis en valeur par le biais d’affiches en format A3 ou de marques-page/échéancier dans le cadre de campagnes.
Ces 5 modèles de supports de valorisation ont une mise en page prédéfinie en accord avec la charte graphique de la Bibliothèque.
Figure 7 : supports de valorisation au titre
Figure 8 : supports de valorisation des lots
Par le biais de ces supports de valorisation générés avec Avalon (et en particulier du QR-code présent), l’usager peut accéder à la ressource numérique ou à une sélection thématique (recherche Explore pré-établie). Le flash d’un QR-Code amène sur une “page intermédiaire” (page web) également générée par Avalon.
Cette page permet de prendre connaissance des règles d’usage des ressources numériques, d’accéder à la ressource désirée et souvent au texte intégral, de partager la référence sur des réseaux sociaux mais aussi, et surtout, d’envoyer le lien de la “page intermédiaire” par email en vue d’une utilisation ultérieure. Cette dernière fonctionnalité a été développée pour offrir la possibilité à l’usager de consulter la ressource sur un appareil de lecture plus confortable et à un moment plus opportun.
Figure 9 : Vue de la page intermédiaire (ordinateur et tablette)
Figure 10 : Vue de la page intermédiaire (smartphone)
Cette page intermédiaire permet en outre de matérialiser le rôle de la Bibliothèque en tant que fournisseur des ressources numériques et offre une valeur ajoutée en proposant une solution technique en cas de problème d’accès.
Figure 11 : Fenêtre modale qui apparaît lorsque l’usager tente d’accéder à la ressource numérique sans être sur le réseau de l’Université.
Déploiement et communication sur le projet
Pour faciliter la coordination du déploiement sur l’ensemble des sites de la Bibliothèque, un calendrier global commun a été défini. Il prévoyait 4 mois de mise en œuvre avec comme échéance la rentrée universitaire de septembre 2018. Néanmoins, les sites ayant des fonctionnements propres, il était important que chacun puisse s’organiser de manière autonome. Cette mise en œuvre consistait en deux étapes principales :
-
former les collègues des sites sur Avalon, organiser ou réorganiser (si déjà existant) le processus de traitement documentaire afin que l’étape de valorisation soit intégrée comme nouvelle tâche systématique,
-
générer et imprimer les supports de valorisation à installer dans les rayons. Une étape supplémentaire qui consistait à enlever tous les anciens supports et à les remplacer par les nouveaux a été nécessaire pour certains sites.
Etant donné que ce projet allait toucher un très grand nombre de collaborateurs de la Bibliothèque, la gestion des communications au lancement, mais aussi tout au long du projet, était indispensable. Dès lors, des communications à deux niveaux, transversal et par site, ont été transmises à toute la Bibliothèque à des moments clés (séances de coordination du CODIS, réunions du comité de direction de la Bibliothèque, emails, newsletter interne, etc.). Au niveau des sites, les membres du groupe s’étaient chargés de relayer les informations (les procès-verbaux, séances d’équipe, lettres d’information des sites).
Lors de la dernière phase du projet, la communication interne s’est intensifiée afin de soutenir le déploiement sur les sites. Plusieurs documents ont été produits et ont servis de supports de communication :
-
un schéma de présentation de l’application (cf figure 1)
-
un guide d’utilisation
-
une vidéo de démonstration de l’interface “collaborateurs” d’Avalon
-
une vidéo de démonstration de l’utilisation de l’application UNIGE mobile pour accéder aux ressources (https://mediaserver.unige.ch/play/110505).
Six séances de présentation d’Avalon ont été organisées juste avant le lancement effectif. Ces réunions visaient à sensibiliser les collaborateurs de la Bibliothèque à la problématique de la valorisation des ressources numériques d’une part et à leur faire des démonstrations pratiques d’autre part. L’enjeu était que l’ensemble des collègues puissent prendre en main les fonctionnalités de l’application UNIGE mobile, notamment le lecteur de QR-codes et les fonctionnalités de la page intermédiaire. Au terme des présentations, les collègues devaient être familiers avec les nouveaux supports de valorisation installés dans les rayons afin de répondre aux questions des usagers et de les accompagner dans ces nouvelles pratiques.
Communication aux usagers
A l’occasion de la rentrée de septembre 2018, le lancement de ce nouveau service s’est accompagné de plusieurs actions de communication autour des fonctionnalités développées par la Bibliothèque dans l’application UNIGE mobile. En effet, une campagne de communication pour le lancement officiel de la version 2 de l’application mobile était prévue au même moment. Dès lors, il semblait plus pertinent de profiter de la visibilité offerte par cette campagne globale et décliner le visuel retenu pour la “Bibliothèque version mobile”.
Figure 12 : Affiches promotionnelles de l’application UNIGE mobile
Figure 13 : Flyer de promotion de « la Bibliothèque version mobile » (recto)
Figure 14 : Flyer de promotion de « la Bibliothèque version mobile » (verso)
Retour d’expériences
A ce stade du projet, l’un des premiers constats est l’importance de l’accompagnement et la communication, notamment dans la phase de déploiement. Malgré les efforts déployés, ces nouveaux supports de facilitation ne sont pas encore perçus par l’ensemble des collaborateurs comme un service à part entière de la Bibliothèque. Cela peut s’expliquer par un manque de temps ou d’intérêt face aux nouvelles technologies.
L’une des difficultés majeures rencontrées dans ce projet est inhérente à l’organisation interne et à la taille de la Bibliothèque de l’UNIGE qui fonctionne selon deux dimensions ; transversale et par site. Cette structure conditionne l’organisation de ce type de projet qui implique une gestion centralisée avec un groupe de travail multisites, mais un déploiement qui doit tenir compte des besoins et des contraintes au niveau local. Ce fonctionnement a l’avantage de laisser une grande autonomie aux sites tout en encourageant l’appropriation de l’application Avalon. A titre d’exemple, tous les sites ont pu déployer les supports de valorisation selon un processus et un rythme propres. Cette souplesse implique toutefois une perte de la vision d’ensemble et un déploiement décalé dans le temps.
Les retours des collègues impliqués sur l’application Avalon ont été très positifs. La formation et le matériel mis à leur disposition lors de la phase de déploiement ainsi que l’ergonomie et la simplicité d’utilisation de l’interface ont contribué à la prise en main rapide de l’outil et permis la création d’un grand nombre de supports en peu de temps.
Un facteur de réussite important du projet est lié à sa temporalité qui a coïncidé avec le développement de l’application mobile institutionnelle. Ainsi, il a été possible d’intégrer le lecteur de QR-codes parmi les fonctionnalités de la section “Bibliothèque” de l’application mobile de l’Université, anticipant son intégration sur les nouveaux smartphones.
Conclusion et suites du projet
A l’heure où nous écrivons ce texte, cela fait seulement 4 mois que les supports de valorisation ont été placés dans les rayons de la Bibliothèque et notre expérience se limite pour le moment aux étapes de conception, développement de l’application et déploiement. La collecte de statistiques d’utilisation de ces supports, consultables par les administrateurs sur l’application Avalon, a bien démarré à la rentrée universitaire de septembre 2018. À ce stade, la période observée est trop courte pour analyser l’impact de ce nouveau service auprès du public ainsi que sur le nombre de consultations des ressources valorisées.
Il est prévu de réaliser un bilan du projet une année après le lancement (septembre 2019). L’objectif sera de vérifier l’intégration de ces nouvelles pratiques de consultation des ressources numériques par les collègues et les publics de la Bibliothèque. Il est également planifié d’analyser les statistiques d’usage des QR-codes, en coopération avec le pôle Ressources documentaires, afin de connaître l’impact des actions de promotion sur l’usage réel des ressources numériques valorisées.
La deuxième étape du projet qui consiste désormais à intégrer de nouveaux types de ressources numériques dans Avalon, notamment les périodiques et les bases de données, a déjà démarré et se poursuit actuellement avec le même groupe de travail. Selon le calendrier en cours et les discussions actuelles, au printemps 2019, Avalon pourra être utilisé pour promouvoir des bases de données, des périodiques électroniques, des sites Web et d’autres ressources multimédias.
Par la suite, il sera question de lancer un nouveau projet qui traitera de la création d’une nouvelle solution technique de promotion en ligne des documents physiques et numériques.
Bibliographie
Barron G. (2014) Intégrer des ressources numériques dans les collections. Villeurbanne: ENSSIB.
Jeanson A. (2013) Les services innovants liés au numérique: l’exemple des bibliothèques universitaires [Mémoire d’étude]. Villeurbanne: ENSSIB. Disponible sur: http://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/notices/60394-les-services-i...
Meury M. (2013). Les QR codes en bibliothèque: un exemple de médiation numérique au service des usagers [Mémoire de Certificate of Advanced Studies (CAS)]. Université de Fribourg. Disponible sur: http://doc.rero.ch/record/209354/
Pouchot S, Vieux A, Peregrina R. (2016) Si proche, si loin: prêt de ebooks en bibliothèque: la situation en Suisse romande. In: Les Presses de l’ENSSIB. p. 37‑54. (Collection Les numériques). Disponible sur: https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01412659
Souchon, F. (2014). Faire vivre les ressources numériques dans la bibliothèque physique. Le cas des bibliothèques universitaires. [Mémoire d’étude]. Villeurbanne: ENSSIB; Disponible sur: http://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/notices/64182-faire-vivre-le...
Vieux A. (2014). Signaler et valoriser les ressources documentaires numériques en bibliothèque universitaire: quels enjeux pour la Bibliothèque de l’Université de Genève? 2014; Disponible sur: https://archive-ouverte.unige.ch/unige:91498
Valoriser les ressources électroniques en bibliothèque. http://www.enssib.fr/offre-de-formation/formation-continue/18e34-valoris...
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Quelle veille pour les start-ups ? compte rendu de la 15ème journée franco-suisse sur la veille stratégique et l’intelligence économique, 14 juin 2018, Besançon
Ressi — 20 décembre 2018
Hélène Madinier, Haute Ecole de Gestion, Genève
Quelle veille pour les start-ups ? compte rendu de la 15ème journée franco-suisse sur la veille stratégique et l’intelligence économique, 14 juin 2018, Besançon
La 15ème journée franco-suisse en veille et intelligence économique s’est tenue jeudi 14 juin 2018 à Besançon à la Communauté d’universités Bourgogne-Franche-Comté (COMUE) sur le thème de «Quelle veille pour les start-ups ? ».
Cette journée, qui a rassemblé environ 60 personnes, était subventionnée par la Communauté du savoir, réseau de l’Arc jurassien franco-suisse, visant à «renforcer, valoriser et stimuler les collaborations franco-suisses en matière de recherche, d’enseignement et d'innovation ». [1]
Après des mots de bienvenue des représentants de cette communauté et de celle de l’Université de Bourgogne-Franche-Comté, Pascale Brenet, maître de conférences à l’IAE de Besançon, directrice de PEPITE BFC (et membre du comité des journées franco-suisses), exposait les objectifs et enjeux du thème de la journée dans l’intervention d’ouverture intitulée Quelle veille pour les start-up : les besoins d’information associés au processus entrepreneurial .
Un startuppeur est confronté à 2 écueils : la difficulté de trouver l’information pour un produit ou un service qui n’existe pas et la menace de la surinformation si la recherche est trop large, d’où la nécessité de structurer ses questionnements.
Le futur entrepreneur a une idée précise, une intention, une envie d’entreprendre. Le processus entrepreneurial résulte d’une co-construction sur l’opportunité d’entreprendre avec les parties prenantes, de séquences et d’itération, puis de décisions et d’actions spécifiques. La veille doit aider à identifier s’il y a opportunité d’entreprendre.
L’idée est de s’inspirer de la lean start-up : fabriquer et vendre rapidement pour tester et mesurer le marché et adapter son offre en conséquence, plutôt que de faire une étude de marché.
Comme il existe une échelle de Technology Readyness Level, Pascale Brenet propose une échelle de Market Readyness Level avec 9 niveaux :
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Définition du concept
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Identification de l’OE (opportunité d’entreprendre) par données secondaires
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Etalonnage concurrentiel
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Définition de la proposition de valeur orientée utilisateur
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Etude qualitative du marché (test hors marché)
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Identification d’une liste de prospects
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Lancement test / MVP (minimum viable product)
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Lancement commercial sur un segment de marché
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Développement du marché.
La veille et la recherche d’information vont aider à étudier l’environnement stratégique, la dynamique de marché, l’étalonnage de la concurrence et les comportements et attentes des utilisateurs. Le startuppeur devra décider s’il procède lui-même à la recherche et à la veille ou s’il sous-traite, et il lui faudra être attentif à la fiabilité des sources, au coût et à l’actualité des informations identifiées, et enfin à analyser et sélectionner les données actionnables.
Ensuite, Frédéric Martinet, fondateur et gérant de Actulligence Consulting, consultant en systèmes de veille a proposé une méthode de veille en 10 minutes chaque jour et introduit l’atelier de l’après-midi: « Veillez en 10 mn par jour » : préparation de l’atelier de l’après-midi.
La vie d’un entrepreneur de start-up consiste à prendre des décisions. Il n’a en général pas le temps de faire de la veille, mais doit se tenir informé. Les responsables de start-up disent connaître leur domaine, mais ne savent pas toujours bien chercher l’information en fonction de leurs besoins et ne connaissent pas les outils. F. Martinet propose la méthode suivante : il s’agit de comprendre le besoin, d’identifier les acteurs-clés, demander leurs sources d’information incontournables, définir le champ lexical autour de leur activité (différent du lexique utilisé pour le marketing), en s’alignant sur le processus décisionnel et en faisant des priorités. Il demande alors au public des exemples de thématiques. Les 3 suivantes sont proposées :
- Le confort acoustique dans un avion-réducteur de bruit dynamique
- Un outil de liaison micromécanique pour les mouvements de rotation- pour l’horlogerie- l’énergie-
- L’immunothérapie pour soigner les tumeurs solides des cancers
La troisième intervention de la journée était assurée par Ali Yacin El Ayouch, chercheur postdoctoral, Institut FEMTO-ST, et Youssef Tejda, ingénieur de recherche, Institut FEMTO-ST. Ils ont présenté le projet innovant «Métabsorber» et leur démarche de recherche d’information.
La pollution sonore, avec les maladies qu’elle occasionne, coûte plus de 57 milliards d’euros par an. En ville, elle provient à 60% des transports. Les deux chercheurs proposent une technologie de rupture sur les méta-matériaux, c’est-à-dire faire qu’un méta-matériau soit ultra-réflecteur et ultra-absorbeur. Il faut pouvoir travailler sur du verre, du bois et des métaux.
Les marchés possibles sont l’ameublement, les transports, et l’industrie. Ils travaillent sur le mobilier acoustique, et la recherche d’information effectuée les a amenés à l’idée de structurer d’emblée le mobilier et non pas devoir ajouter des éléments anti-bruit.
Finalement, Sandy Wetzel, CEO de l’incubateur Neode, ancien directeur de Y-Parc à Yverdon-les-Bains, et Dr. Khalid Zahouily, fondateur et CEO de Horlovia Chemicals, ont conclu cette matinée.
Sandy Wetzel présentait : Quels outils et quels soutiens pour la veille des start-up technologiques à Neuchâtel ? Neode est l’incubateur du canton de Neuchâtel qui met en relation les start-ups avec des experts des industries concernées, qui les guide sur le terrain (dans des salons), leur permet d’avoir accès à des prestataires (comme Centredoc) et accompagne la collaboration entre startups et PME établies.
Il s’agit d’aider les start-ups à définir leur marché ; ces start-up ne doivent pas s’éparpiller mais bien veiller à rester sur leur «core business».
Il y a plusieurs dispositifs de soutien de la veille à Neuchâtel : quatre plateformes sectorielles, des missions économiques, une antenne à San Francisco (Neuchâtel innohub@san francisco), ainsi que des aides financières directes du canton.
Ensuite, Dr Khalid Zahouily, CEO de Horlovia Chemicals, a d’abord présenté sa société, qui a développé des matériaux polymères innovants pour l’horlogerie et l’industrie du luxe : elle propose des revêtements temporaires de protection des montres. Il a montré comment la veille effectuée sur la protection temporaire des montres l’avait aidé aussi bien à identifier des marchés, à affiner ses produits pour qu’ils correspondent à ce qui est recherché, à fixer ses prix qu’à trouver des informations technologiques lui permettant de trouver plusieurs méthodes d’application de son film protecteur. Les informations recherchées étaient notamment les solutions existantes, les volumes des marchés horlogers, les prix des protections concurrentes etc… Outre Google, ses sources ont été les manufactures horlogères, les sous-traitants, les fournisseurs de consommables, les foires et salons (comme EPHJ) ainsi que les clients.
En début d’après-midi, David Borel, directeur du développement à Centredoc, a présenté les prestations proposées aux start-ups par son organisation Centredoc, société coopérative qui offre des prestations dans les domaines de la veille technologique, concurrentielle et stratégique ainsi que dans la recherche d’information brevets, techniques et économiques, et qui existe depuis plus de 50 ans (voir Quelles prestations pour les start-up clientes de Centredoc ?)
Centredoc se définit comme un opticien pour entrepreneurs, leur permettant de mieux anticiper. Il apparaît en effet que la plupart des responsables de start-up ne connaissent pas les sources d’information de brevets, et se reposent sur Google, ce qui est très insuffisant vu les quelques 12 millions de demandes de dépôt de brevets, d’enregistrement de marques et modèles par an ; cela revient à 5% de visibilité. Or le circuit est miné car des brevets peuvent exister sur ce que les start-ups proposent : à défaut de recherches ciblées et suffisantes, les entreprises peuvent être accusées de copie involontaire de brevet.
Centredoc accompagne les start-up avec une méthode en 3 étapes : idéation, business plan et financement.
L’étape d’idéation permet d’aider la start-up à faire sa recherche de brevets, et de démarrer une veille technologique plus large (y compris normes et publications scientifiques) sur le produit/service projeté. L’étape du business plan doit permettre d’aider à transformer l’idée en opportunité d’affaires : identification et segmentation des clients et partenaires, précision des marchés possibles ; et l’étape de financement permet de rassembler des preuves, de mettre en œuvre une veille brevet permanente pour rassurer les investisseurs.
Centredoc anime également des formations permettant d’apprendre à lire des brevets.
Finalement, pour illustrer son atelier de veille en 10 minutes par jour, Frédéric Martinet a traité un des exemples proposés le matin : l’isolation acoustique en aéronautique. Il s’agit tout d’abord d’arriver à formaliser un champ lexical, pour faire des requêtes complètes. Pour ce faire, il recherche cette expression en français et en anglais (Aeronautics acoustic insulation) sur Google, ce qui lui permet d’identifier des sources d’information et de trouver des synonymes ou des termes associés (comme vibration, par exemple), et cela lui permet de trouver des noms de sociétés, d’associations professionnelles, de fabricants comme Aerospace, Hutchinson, Dunmore, 3M ; il va ensuite sur les sites des fabricants pour voir leurs produits, leurs partenaires (laboratoires de recherche), ce qui donne des acteurs-clés. Il identifie des sources d’information comme des revues spécialisées (Journal of the acoustical society of America par exemple), des bases de données spécialisées et crée ensuite des alertes sur les sources pertinentes –attention à Google alerts, qui passe à côté de trop de choses, et filtre la langue et le pays qui correspondent au compte Google.
Il préconise de les agréger dans Inoreader et d’y adjoindre des filtres. Il suggère ensuite d’utiliser soit son Intranet ou Sharepoint ou alors Slack pour diffuser les résultats de sa veille.
Après cette brillante démonstration, François Courvoisier a synthétisé les points-clés de cette journée franco-suisse très instructive, riche en témoignages et en échanges.
Notes
[1]Voir l’article sur les bibliothèques de la communauté du savoir, dans ce même numéro
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Conférence nationale Open Access
Ressi — 20 décembre 2018
Benoît Epron, Haute école de Gestion, Genève
Conférence nationale Open Access
Le 26 octobre 2018, swissuniversities organisait une conférence nationale Open Access à l'Université de Lausanne.
A l'occasion de la semaine internationale de l'Open Access, cette journée souhaitait proposer un point sur l'Open Access dans un contexte suisse marqué par la mise en place de la stratégie nationale suisse sur l'Open Access et par l'annonce du Plan S (initiative de soutien à l’Open Access porté par la commission européenne et Science Europe).
Au travers des différentes interventions cette journée, qui a rassemblé 300 personnes environ, a permis de dresser un état des lieux des problématiques liées à la dynamique Open Access en Suisse.
Ces problématiques se retrouvent principalement à trois niveaux, académique, économique, politiques, repris par plusieurs intervenants. Nous proposons ici un compte rendu personnel de cette journée, il reflète notre propre lecture des enjeux et informations marquantes et ne prétend pas retranscrire l'intégralité des interventions et des débats.
Le premier plan est un plan académique. Tout au long de la journée ont été abordées deux facettes académiques de l'activité de publication scientifique. La première concerne la problématique de la diffusion et des usages. Souvent oublié, cet aspect des modèles OA de l'édition scientifique a été illustré lors de cette journée par la présentation de Mme Nouria Hernandez, rectrice de l'Université de Lausanne. Ainsi, lors de son intervention elle a évoqué la situation de Serval, dépôt institutionnel de l'Université de Lausanne et dont la fréquentation a quasiment doublé en septembre 2018 pour atteindre 100 000 consultations, notamment à l'occasion de l'intégration de Serval dans Google Scholar. Cette variation illustre par l'exemple un paradoxe des dépôts institutionnels, utilisés d'une part par les institutions universitaires comme infrastructures support pour l'Open Access et l'évaluation des chercheurs et dont d'autre part l'utilisation par les chercheurs eux-mêmes passe largement par Google Scholar, les rendant de fait peu visibles.
Sur le plan académique, la question des indicateurs de la recherche a également été largement abordée avec deux problématiques différentes s'y rattachant.
D'une part la nécessité d'imaginer de nouveaux indicateurs de la production scientifique permettant d'échapper à la dépendance actuelle vis-à-vis des plateformes fournissant actuellement les principaux indicateurs bibliométriques. Cette dépendance est donc double, elle concerne d'une part les indicateurs eux-mêmes qui restent uniquement quantitatifs et placent les revues et les éditeurs au centre des processus d'évaluation et de recrutement. Elle porte également sur les producteurs de ces indicateurs, plateformes d'éditeurs commerciaux qui s'appuient sur la maîtrise d'une part quasi-exhaustive des publications d'un domaine pour produire ces indicateurs.
Cette situation restreint le champ des possibles pour le développement de modèles Open Access pour la publication scientifique en rendant incontournables certaines revues et plateformes.
Sur le plan économique, la dynamique suisse de l'Open Access est confrontée à une situation de transition. Cette transition des modèles de publication académique est déjà bien avancée en Suisse. Ainsi d'après la présentation de Mme Angelina Kalt, Directrice générale du Fonds national suisse de la recherche scientifique, ce sont aujourd'hui 28% des publications scientifiques suisses qui sont disponibles en Green Open Access (auto-archivage de la publication par l’auteur dans une archive ouverte, souvent après une période d’embargo) et 11% disponibles en Gold Open Access (publication directement accessible en Open Access, souvent avec un financement en amont). Cela laisse donc 61% des publications non disponibles en Open Access en Suisse et place la Suisse devant les Pays-Bas, le Royaume-Uni, l'Autriche, la France, l'Allemagne et l'Italie, qui atteignent un taux de publication indisponibles en Open Access compris entre 64% et 72%.
Ce développement fort de l'Open Access en Suisse laisse toutefois une réelle marge de progression pour laquelle le FNS souhaite se positionner comme un levier d'accompagnement des politiques OA, que ce soit pour les revues ou pour les monographies.
L'ambition suisse pour le développement de l'Open Access vise un passage de la totalité des publications en Open Access à l'horizon 2024, soit après l'échéance prévue au niveau de l’Union européenne en 2020.
Du point de vue financier, la présentation de M. Michael Hengartner, Président de swissuniversities et Recteur de l'Université de Zurich, s'appuyait en partie sur l'étude Financial Flows in Swiss Publishing produite en 2016 pour le FNS. Il en a présenté quelques données et notamment le coût total d'accès à l'information en Suisse, soit approximativement 109 millions de francs suisses. Ce montant se répartit de la façon suivante : 70 millions pour les abonnements à des revues, 31 millions pour l'achat de monographies, 6 millions pour les APC (Articles Processing Charges, financement amont par le chercheur ou son institution pour rendre son article disponible en Open Access sans embargo) et 2 millions pour les infrastructures.
Les enjeux financiers relevés dans cette étude rejoignent les interrogations de Mme Nouria Hernandez qui s'inquiète de la capacité des institutions comme la sienne de supporter le triple coût de la publication académique de ses chercheurs aujourd’hui pour lesquels elles doivent assurer à la fois le prix des abonnements, celui des APC et enfin le coût de développement et de maintenance des infrastructures nécessaires à la mise en place des dépôts institutionnels.
A ces coûts il convient enfin d'ajouter les efforts de pédagogie et d'acculturation portés par les institutions scientifiques à destination des chercheurs et qui apparaissent prioritaires dans l'étude annuelle sur l'Open Access réalisée par l'EUA (European University Association). En effet, les trois actions prioritaires d'après cette enquête sont, par ordre d'importance, la sensibilisation des chercheurs, la mise en place d'incitations supplémentaires à destination des chercheurs et enfin la mise en place de politiques nationales de soutien à l'Open Access.
Cette enquête européenne présentée par M. Jean-Pierre Finance, Président de l'Open Science Experts Group, au sein de European University Association, a permis d'apporter d'autres éléments financiers à la réflexion. En effet, l'enquête chiffre à plus de 421 millions d'euros les dépenses annuelles pour les périodiques, les bases de données et les livres numériques, dont plus de 383 millions d'euros pour les seuls périodiques.
Plusieurs intervenants ont enfin balayé plusieurs enjeux politiques relatifs à l'Open Access. Le premier de ces enjeux a été la nécessité d'une organisation cohérente et unifiée des différents acteurs. C'est dans cette logique que devrait se mettre en place d'ici le premier trimestre 2019 une Open Access Alliance pilotée par swissuniversities (programme P-5) et regroupant l'ensemble des parties prenantes : Académies, éditeurs suisses, CSS (Conseil suisse de la science), etc. mais également des membres de projets comme Sliner, le FNS ou la délégation recherche de swissuniversities.
La place des HES dans les modèles Open Access a également été soulignée avec notamment la nécessité de concevoir des solutions qui permettent de prendre en compte les partenaires économiques impliqués dans l'activité de recherche appliquée des HES et pour lesquels l'ouverture des résultats doit se construire de façon cohérente avec leurs enjeux économiques et commerciaux.
La journée s'est terminée sur une intervention rafraichissante de M. Jacques Dubochet, prix Nobel de Chimie en 2017, qui a replacé, à travers son expérience de chercheur, "la connaissance comme un bien commun pour le bénéfice de tous".
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Cinquante ans de numérique en bibliothèque
Ressi — 20 décembre 2018
Alexis Rivier, Conservateur Ressources numériques et périodiques, BGE
Cinquante ans de numérique en bibliothèque
Dans l’essai d’Yves Desrichard, conservateur des bibliothèques et ancien rédacteur en chef du Bulletin des bibliothèques de France, les professionnels actifs depuis une vingtaine d’années ou davantage reconnaîtront des personnes, des sigles, des événements politiques qui ont façonné le destin numérique des bibliothèques françaises.
En France, l’histoire est une discipline prestigieuse et valorisée. Nombre d’historiens ont occupé de hautes fonctions à la Bibliothèque nationale, comme Jean-Noël Jeanneney, président de la BnF de 2002 et 2007 et préfacier de l’ouvrage. Pour autant le parcours rétrospectif sur ce facteur fondamental de transformation des bibliothèques qu’a représenté l’arrivée de l’informatique a été plutôt négligé, ou cantonné à l’intérieur d’ouvrages au périmètre plus large .
Cinquante ans de numérique en bibliothèque s’articule en cinq « temps », couvrant chacun approximativement une décennie. Suivre les faits et les avancées dans ce continuum chronologique s’avère efficace et très parlant.
Le premier temps est celui des pionniers, qui mettent au point les premiers formats de catalogage. Peu après, les premières politiques d’ «automatisation» des bibliothèques voient le jour.
S’ensuit le temps des découvreurs qui consolident les acquis, développent les fonctionnalités et s’emparent de technologies qui semblaient prometteuses : Minitel, CD-Rom, vidéodisque.
Le temps des bâtisseurs concrétise les chantiers d’informatisation de la BnF, la rétroconversion des catalogues, les réseaux informatisés.
Le temps des expérimentateurs suggère une nouvelle étape de tâtonnements. La montée en puissance des ressources numériques entraîne des stratégies de rassemblement autour des consortiums, puis une mobilisation en faveur de l’open access. Des services d’Internet affichent une croissance surprenante, les bibliothèques s’y adaptent : Web 2.0, archivage du numérique, grands programmes de numérisation.
Le dernier temps appartient aux médiateurs : la mise en concurrence des bibliothèques les oblige à repenser leurs fondamentaux, principalement dans la mise en relation des usagers avec des sources et des contenus d’information. Un certain renversement de perspective s’opère : l’usager devient prioritaire et non plus la collection, dont le statut doit être revisité. On ne peut s’empêcher de voir dans ce titre un hommage au dernier opus d’un grand nom de la bibliothéconomie française, disparu prématurément : Les bibliothèques et la médiation des connaissances de Bertrand Calenge.
Chaque partie relate de façon très complète les initiatives, les structures institutionnelles et les personnages qui ont forgé cette histoire, générant une floraison de sigles dont peu ont subsisté jusqu’à nos jours. La concision du livre (132 pages) en fait une excellente synthèse. Non sans modestie, Yves Desrichard estime cependant qu’une histoire complète de l’informatisation des bibliothèques reste à écrire…
Une fois posé à gros traits les étapes, quels sont les principaux enseignements de cette rétrospective ? Nous en proposons quelques-uns.
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A ses débuts, l’informatisation des bibliothèques apparaît presque simultanément dans les pays développés. Mais l’avance des Etats-Unis est réelle. C’est à la Bibliothèque du Congrès que le format Marc, pierre angulaire de l’informatique en bibliothèque, a été défini en 1966. Le prétendu retard français est cependant minime : cette même année, Henri-Jean Martin travaille à la Bibliothèque municipale de Lyon sur un format de catalogage pour le livre ancien et en 1968 Marc Chauveinc conçoit le format Monocle à Grenoble. C’est également dans ces années-là que l’aventure commence en Grande-Bretagne , mais aussi en Suisse avec les projets Sibil à Lausanne et Ethics à Zurich. Il y a là une remarquable convergence, tant il apparut très tôt que l’informatique était un outil essentiel pour les bibliothèques.
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On s’en doute, l’informatisation n’est pas une route paisible. Les réussites y côtoient les échecs. Ce n’est pas le moindre mérite de ce livre d’y faire place. Certaines idées viennent trop tôt, d’autres fois la réalisation est laborieuse. Enfin certaines technologies n’ont pas été confirmées. Parfois les bibliothèques sont confrontées à des temporalités qui les dépassent, le volontarisme ne suffit pas toujours. "Ceux qui ont réussi ne savaient pas qu'ils allaient réussir; ceux qui ont échoué ne savaient pas qu'ils allaient échouer." (p. 11). Deux cas sont symptomatiques. Le système centralisé Libra, voulu et conçu par le Ministère de la culture entre 1982 et 1989 pour combler le retard des bibliothèques centrales de prêt n’a jamais fonctionné correctement, et les lois de décentralisation ont précipité son abandon. Le projet d’informatisation de la BnF, aussi ambitieux dans son genre que celui de la construction du nouveau bâtiment sur le site de Tolbiac, a été émaillé de difficultés qui ont beaucoup ému la profession. Le système n’a été véritablement opérationnel qu’en 2002, soit 4 ans après les prévisions. Plus récemment le projet Relire, complexe montage technico-juridique au bénéfice d’une noble idée : la remise à disposition du public d’œuvres protégées par le droit d’auteur mais plus commercialisées, n’a pas eu l’effet désiré. Le dispositif a été décrié par les auteurs et invalidé par l’Union européenne.
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Se pencherait-on sur le passé parce que le présent et surtout le futur inquiètent ? Yves Desrichard se défend de se prêter au jeu de la prophétie, mais sait que l’on attend de lui qu’il dise ce que l’examen du passé lui inspire pour l’avenir des bibliothèques. Le numérique a pris partout une telle place qu’il n’est plus perçu comme aussi désirable qu’au temps des pionniers.
A ses débuts l’informatisation est un facteur de modernisation accueilli avec enthousiasme. C’est un moyen de gérer un « monde physique » qui ne remet aucunement en cause la position de la bibliothèque, ni même son fonctionnement, ses instruments. L’informatique aide d’abord à mettre sur pied des outils de travail comme les catalogues sur fiches ou des bibliographies. Dans les années 1970, le groupe Gibus (Groupe informatiste de bibliothèques universitaires et spécialisées) prône un accès direct par les usagers aux données informatisées, mais c’est bien plus tard que le catalogue sera mis à disposition en ligne via les Opac.
La véritable fracture, et nous suivons l’auteur sur ce point, survient avec le développement de l’information primaire – les contenus – sous forme numérique. Les bibliothèques ont gardé le monopole de l’information imprimée mais ne maîtrisent qu’une petite partie des ressources numériques, celle de la numérisation de leurs fonds. Les ressources sont pour l’essentiel commercialisées et difficiles à acquérir par les bibliothèques. En témoigne la délicate mise en place de la plate-forme Prêt numérique en bibliothèques (PNB) permettant de prêter des ebooks. Malgré tout, cela stimule aussi les capacités d’adaptation des institutions, à l’instar de la création des consortiums Couperin et Carel, respectivement pour les bibliothèques universitaires et pour les bibliothèques de lecture publique. « La profession a toujours été aux avant-postes de l'expérimentation et de l'appropriation des outils informatiques et numériques » (p. 12). Elle a investi Internet avec enthousiasme et continue de le faire, dans la bataille pour l’open access et des contenus gratuits de qualité. Mais le public est capté par d’autres acteurs, puissants et très performants sur le plan des technologies, qui mettent en suspicion l’utilité des bibliothèques, même au niveau politique. J.-N. Jeanneney souligne dans sa préface « l’inquiétude » des professionnels et n’hésite pas à qualifier cette mutation de leur métier comme « la plus violente, en somme, depuis l’invention de l’imprimerie » (p. 10). A cela s’ajoutent des tendances contradictoires qui rendent peu lisibles l’évolution numérique. Le cas le plus typique est celui du livre électronique, dont Desrichard rappelle que « plus de 15 ans après sa première apparition », en 2000, il « continue à provoquer questionnements, enthousiasmes, critiques et incertitudes » (p. 84). C’est donc sur un optimisme prudent qu’il clôt son ouvrage.
Au fil de ce parcours de Cinquante ans de numérique en bibliothèque, on prend la mesure des conditions spécifiques liées au développement informatique de ce secteur en France : influence déterminante de l’Etat central et des ministères concernés, poids de la Bibliothèque nationale, volontarisme technologique. Mais au final, en raison de la globalisation des technologies, la situation des bibliothèques françaises n’est pas si différente de celle d’autres pays. Yves Desrichard a tracé une voie prometteuse.
Bibliographie
Yves Desrichard. Cinquante ans de numérique en bibliothèque. Paris: Electre-Ed. du Cercle de la Librairie, 2017 (collection Bibliothèques)
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Les bibliothèques de la Communauté du savoir
Ressi — 20 décembre 2018
Agnès Dervaux-Duquenne, bibliothécaire-responsable, Haute Ecole Arc Ingénierie
Les bibliothèques de la Communauté du savoir
Des solutions simples pour des défis complexes
Un des derniers livres blancs partagés sur le site http://www.archimag.com/ [1] nous propose une étude intitulée « Les défis des bibliothèques universitaires au cœur de l’enseignement, de l’apprentissage et de la recherche » [2].
Notre métier change, c’est une évidence, notre profession évolue, et nous aussi, les professionnel-le-s. Les défis identifiés se posent donc autant au niveau des lieux, des institutions et des objectifs que des ressources, des outils et enfin des compétences des personnels.
C’est une chance dès lors de faire partie d’une des institutions membres de la Communauté du savoir et de bénéficier des encouragements et des infrastructures mises en place pour se rencontrer, partager sur nos pratiques, nos savoir-faire, nos questions et nos solutions et tenter de développer des projets à haute valeur ajoutée avec nos collègues régionaux transfrontaliers.
Mais qu’est-ce que cette Communauté du savoir ?
La Communauté du savoir : historique et composantes
La Communauté du savoir (Cds) est un réseau visant à renforcer, valoriser et stimuler les collaborations franco-suisses dans l'Arc jurassien en matière d'enseignement supérieur, de recherche et d'innovation.
D'abord sous l'égide de la Conférence TransJurassienne, la Communauté du savoir a organisé tous les deux ans (2012, 2014, 2016) un colloque transfrontalier afin de permettre aux acteurs de la collaboration transfrontalière dans les domaines de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation de se rencontrer et d'échanger sur les solutions à apporter aux problématiques inter-régionales générées par les frontières. Les colloques se sont tenus alternativement en France et en Suisse afin de permettre aux participant-e-s de visiter un établissement partenaire.
Le premier colloque de 2012 a été organisé à l'’École Nationale Supérieure de Mécanique et des Microtechniques (Besançon, France) et a réuni une centaine d'acteurs des échanges franco-suisses. Il a donné lieu à la signature d'une déclaration d'intention signée par 17 partenaires présents et a permis de créer les prémices d’une communauté du savoir, de la recherche et de l’innovation de l’Arc jurassien.
Le deuxième colloque de 2014 s’est tenu à la Haute Ecole Arc (Neuchâtel, Suisse) et a réuni environ 150 participant-e-s autour de la thématique : "La collaboration transfrontalière : aller au-delà des outils existants". C’est lors de ce colloque qu’ont été proposées de nouvelles pistes d'actions franco-suisses structurantes dans plusieurs domaines - dont les bibliothèques, et que le nom de cette communauté a été validé par les participant-e-s.
Le troisième colloque de 2016 a eu lieu à l'Atria de Belfort (France) sur le thème "Frontières : dynamique et enjeux d'un territoire transfrontalier", et a permis de mettre en lumière les avantages (également pour les acteurs publics et politiques) liés à la coopération au sein du réseau de la Communauté du savoir. La signature d’un accord-cadre entre sept membres académiques est venue consolider cette volonté de travailler ensemble et de soutenir activement le développement de leurs collaborations.
Les sept membres académiques sont les suivants :
- l’Ecole Nationale Supérieure de Mécanique et des Microtechniques (ENSMM) - Besançon
- la Haute Ecole Arc (HE-Arc) – Neuchâtel
- la Haute Ecole d’Ingénierie et de Gestion du canton de Vaud (HEIG-VD) - Yverdon
- la Haute Ecole Pédagogique des cantons de Berne, Jura et Neuchâtel (HEP-BEJUNE)
- l’Université de Franche-Comté (UFC)
- l’Université de Neuchâtel (UniNE)
- l’Université de Technologie de Belfort-Montbéliard (UTBM)
Inscrite dans un territoire de coopération qui couvre actuellement la Franche-Comté côté français et les cantons de Berne, Jura, Neuchâtel et Vaud côté suisse, la Cds est, par son existence et son développement, un facteur de dépassement de la frontière au profit d’une mise en commun de potentiels scientifiques, académiques, culturels et économiques de l’entier de l’Arc jurassien franco-suisse.
Depuis 2014, ce projet est soutenu par le programme européen de coopération transfrontalière Interreg V France-Suisse 2014-2020 et a bénéficié à ce titre d'un soutien financier du Fonds européen de développement régional (FEDER). Grâce à ces fonds, les premiers objectifs de la Cds ont pu être atteints, à savoir un soutien direct à la mobilité des personnes engagées, à l’organisation d’actions, de journées thématiques, de mises en réseau des structures d’innovation et de groupes comme celui des bibliothèques.
Actuellement, la dernière phase du projet Cds est en préparation et son objectif est de pérenniser les acquis et les actions de ce réseau dont l'autonomie de fonctionnement doit être atteinte au 1er janvier 2020.
Dans cette perspective, le projet se développera en 2019 autour de trois nouveaux objectifs qui rassemblent et prolongent ceux de la période 2015-2018 :
-
Un campus transfrontalier à même de poursuivre et d’impulser des projets de collaborations ;
-
Un incubateur de projets transfrontaliers destiné à accompagner au cas par cas la structuration et le montage de projets de collaborations ;
-
La pérennisation du réseau en vue de préparer le transfert des responsabilités et des financements aux établissements membres à l’horizon 2020.
Bilan Cds 2015-2018
Une évaluation globale réalisée en octobre 2018 a montré que, entre les projets et groupes de travail prospectifs, séminaires et journées thématiques, réunions de gouvernance et de coordination du réseau, webcasts et stages, 118 rencontres franco-suisses ont eu lieu entre 2015 et 2018 et 4263 personnes ont participé à ces échanges. Ces chiffres ont fini de convaincre les partenaires engagés de pérenniser leur soutien pour maintenir actifs les groupes engagés et tenter de poursuivre les démarches encore en réflexion.
Voici à quoi ressemble aujourd’hui le bilan de ces actions et préconisations.
Les groupes de travail dits de "proposition"
Cotutelles de thèse
A l'issue de ses séances de travail, la principale préconisation du groupe a été d’élaborer une procédure pilote entre les établissements partenaires de la Communauté du savoir en ciblant 3-4 diplômes de masters éligibles à l’inscription d’une formation doctorale donnée. L’idée est de démontrer la valeur ajoutée d'un réseau comme la Cds et notamment sa capacité à favoriser des synergies interdisciplinaires.
Formations continues
Le groupe de travail a livré les préconisations suivantes :
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Proposer des partages d’expérience pédagogique entre les acteurs du réseau ;
-
Faciliter les échanges de pratiques en termes d’activités métier opérationnelles (intitulé des offres de formation, partenariats dans les formations continues, mise à disposition de ressources en ligne) ;
-
Constituer un annuaire des personnes-ressources dans chaque établissement.
Formations initiales
Sur la base d’une analyse des situations de formations bi ou tri-nationales existantes, de la typologie de ces situations sur la base de leur organisation (doubles diplômes, élaboration de titres commun, …), quelques recommandations ont été proposées :
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combiner des formations existantes afin de déboucher sur des "doubles diplômes " ;
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intégrer dans des programmes au sein de différents établissements des modules de cours/formations construits en communs ;
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développer un « annuaire » d’enseignant-e-s (par discipline/compétence) qui pourrait faciliter l’émergence d’un tel ensemble de cours;
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développer un référentiel d'aides à la mobilité des étudiant-e-s (identification de lieux de stages, ...).
Offensive Sciences
Ce groupe a orienté ses travaux sur trois niveaux :
-
Etudier le fonctionnement du programme de financement des travaux de recherche « Offensive Sciences » de la Région Métropolitaine Trinationale (RMT);
-
Explorer des pistes de réflexions autour de nouveaux outils de financement pour la recherche dans le réseau de la Communauté du savoir;
-
Exprimer des recommandations pour les futures programmations de la Communauté du savoir sur le sujet.
Toutefois, il était impossible pour ce groupe de produire des résultats directement exploitables, les enjeux évoqués étant plutôt de nature "politique". Les discussions devront donc se poursuivre au sein du comité de pilotage et des responsables d'établissements de la Cds, la mise en place éventuelle d'un fonds de ressources mutualisées relevant de ce niveau de décision.
En parallèle à ces différents groupes de travail, des études et actions ont été menées qui ont permis de proposer des guides de financements, un soutien à la mobilité des collaborateurs et collaboratrices des structures académiques de la Cds, la mise en place de stages et séminaires communs, l'identification d'expert-e-s pour la constitution de jurys et l'offre d'une solution de visioconférence flexible pour les membres de la Cds.
Un accent important a également été mis sur les actions de communication : site internet, cartographie en ligne des acteurs du territoire, Webcastings et captations d’événements organisés par les partenaires de la Cds, plateforme de partage de fichiers/documents (GED), nouveaux outils de communication (flyers, livrets) pour faciliter la diffusion des objectifs du réseau auprès des différents publics-cibles et pour favoriser l'appropriation des différents financements proposés par les enseignant-e-s et les étudiant-e-s.
Les groupes de travail dits "actifs"
Jurassic Labs
Les FabLabs mettent à disposition de nouveaux dispositifs de fabrication numérique et la connaissance de leur utilisation.
L'intérêt de ces ateliers est de faire sortir la créativité des bureaux d’études et des laboratoires universitaires en ouvrant à la population des lieux d'expérimentation accessibles.
L’autre force des FabLabs est de mettre en relation des types de personnes qui ne se rencontrent généralement pas, ou peu : étudiant-e-s et spécialistes de différents domaines ; universitaires et industriel-le-s, artistes et ingénieur-e-s, générations différentes.
Jurassic Labs propose d’étendre ces mises en réseaux, internes à chaque FabLab, à tous les FabLabs et structures de créativité (existants ou futurs) du territoire de la Communauté du savoir. Il propose également que ce réseau devienne le lien naturel de tous ces territoires pour ce qui est des questions de créativité et d’innovation. Les FabLabs offrent en outre l’avantage d’être neutres, entre industries et universités, entre économie publique, économie privée et économie collaborative, un territoire commun où tout le monde se sent à l’aise pour interagir.
L’objectif de Jurassic Labs est ainsi résumé : créer des ponts verticaux entre trois niveaux identifiés :
Sphère «maker» = espace citoyen ( Fablabs, HackerSpaces, MakerSpaces etc.).
Sphère «professionnelle» = espace de l’économie privée (réseau des centres créatifs [sens large], pépites, etc., connecté aux entreprises, start-ups, chambres de commerce, etc.).
Sphère «institutionnelle» = espace de l’économie publique (réseau des institutions [hautes écoles, universités], connecté au monde politique).
Deux actions principales ont pu être développées par ce groupe :
-
un FabLab mobile transfrontalier dans l'Arc jurassien, plus particulièrement à destination des publics scolaires, via des modules pédagogiques; une version expérimentale de ce FabLab mobile circulera côté France d’ici la fin 2018;
-
une forte implication au Crunch à Belfort en mai 2018, apportant ainsi un soutien « maker » aux 1'500 participant-e-s de ce hackathon universitaire et industriel.
ArcLab
Projet pilote et expérimental, l'action ArcLab a été mise en place à la rentrée 2018 avec pour objectifs l’identification et la définition de compétences pour des professions emblématiques du territoire, en lien avec les enjeux du 4.0 identifiés comme prioritaires par le Comité de pilotage.
Deux ateliers ont permis aux enseignant-e-s/chercheurs et chercheuses de la Cds d’identifier les professions sur lesquelles travailler et de poser les bases des compétences-clefs présentes et à venir, et profils-types qui les composent. A cette occasion, quatre professions emblématiques ont été identifiées (e-firmier-ère, community commerçant-e, digital transgénieur-e et digital transformateur-trice).
Cette expérimentation permettra la réalisation de vidéos thématisées sur chacune des quatre professions étudiées, à destination des établissements membres du réseau et des collectivités publiques.
Les bibliothèques de la Cds
Chacune des 7 institutions partenaires dispose d'une (ou d'un réseau de) bibliothèque(s) que l’on peut identifier sur cette carte :
Ces bibliothèques partagent 20 lieux physiques et emploient 150 collaborateurs et collaboratrices environ. Certaines sont rassemblées en un seul lieu (pour des domaines différents), d'autres sont réparties sur un territoire géographique de type campus. Elles ont également en commun d'avoir comme principal public les étudiant-e-s et enseignant-e-s de leur établissement, ainsi que des chercheurs et chercheuses orientés "métier". Mais les personnes privées et professionnelles sont également bienvenues et présentes dans ces structures.
Toutes ensemble ces bibliothèques conservent et mettent à disposition de leurs publics environ 1.000.000 de documents papier et elles traitent environ 420.000 prêts par an. Organisées en consortiums dans leurs pays respectifs, elles proposent en outre un nombre imposant de ressources en ligne aux membres de leurs institutions.
Dès les balbutiements du réseau, ces mêmes bibliothèques se sont regroupées et ont immédiatement perçu l'intérêt qu'elles auraient à collaborer. Non seulement elles sont toutes pilotées au sein d'une institution d'enseignement supérieur mais en plus, les thématiques qu'elles couvrent sont parfois proches, voire très proches et donc complémentaires en terme de fonds documentaires (bibliothèques « jumelles » de part et d’autre de la frontière).
Très rapidement, elles ont mis en place des actions simples de collaborations basées sur une charte qui part du principe de base de réciprocité et qui favorise la mise en réseau de bibliothèques membres. Cette charte s’établit sur une base d’égalité et d’avantages mutuels.
Dès avant la signature de l'«accord-cadre» validé par les responsables des institutions partenaires en juillet 2017, les différentes actions prévues ont immédiatement été mises en œuvre ou en chantier. Il s'agit de :
1 : Accueil réciproque des étudiant-e-s des établissements membres de la Cds
Cela signifie que toute personne inscrite dans une de ces bibliothèques bénéficie gratuitement d’une carte de bibliothèque dans un autre établissement membre.
Ainsi les étudiant-e-s qui optent pour un parcours mixte (voir par exemple le partenariat mis en place entre la HE-Arc ingénierie et l'UTBM) ont accès aussi bien aux ressources de la bibliothèque de leur institution d'affiliation qu'aux ressources de la bibliothèque du lieu sur lequel ils poursuivent leur formation.
2 : Prêts entre bibliothèques
Les bibliothèques ont établi une procédure très simple qui permet, grâce à la mutualisation des liens vers les catalogues en ligne (voir plus loin), de demander en prêt entre bibliothèques un ouvrage détenu par une bibliothèque partenaire de l'autre côté de la frontière. La communication se fait par e-mail et une plateforme collaborative permet d'enregistrer les échanges ainsi convenus. Les prêts sont accordés gratuitement par les bibliothèques partenaires et les frais de livraison par poste sont centralisés et pris en charge par le budget Cds du groupe de travail. En effet, afin de favoriser les prêts transfrontaliers entre bibliothèques partenaires, les frais engagés pour la bonne marche de ces échanges de documents sont pris en charge par le réseau Cds.
3 : Mutualisation des catalogues
Par le biais d’une carte des bibliothèques partenaires publiée sur le site web de la Cds, les membres ont accès à tout moment aux catalogues des bibliothèques et à leurs coordonnées.
Un document interne partagé permet également de disposer des contacts-clés dans cette organisation pour que la communication se fasse directement avec la bonne personne (essentiellement les collaborateurs et collaboratrices qui gèrent le prêt entre bibliothèques).
Cet aspect de la collaboration entre bibliothèques est bien sûr évolutif : si la plupart des fonds documentaires des partenaires français sont accessibles en interrogeant un seul catalogue (le Sudoc donne accès aux collections des bibliothèques de l’enseignement supérieur et de la recherche et permet de visualiser la localisation des exemplaires et donc leur disponibilité dans les bibliothèques participantes), les partenaires suisses sont membres soit du réseau Nebis, soit du réseau RERO dont l’interrogation est un peu plus complexe pour les collègues français. On s’aperçoit que dans ce cadre, la solution Worldcat peut être plus intéressante mais on se réjouit surtout de voir les bibliothèques académiques suisses rassemblées prochainement dans un seul réseau SLSP à l’horizon 2021.
4 : Cartographie des thématiques
En cours de réalisation, cette carte permettra de visualiser rapidement les thématiques fortes de chaque bibliothèque partenaire. Cet outil est conçu pour assister aussi bien les personnels concernés que les publics intéressés et leur permettra d’identifier plus facilement les catalogues à interroger en priorité pour obtenir des réponses précises et immédiates à leurs recherches documentaires. Il permet également de visualiser rapidement quelles bibliothèques sont complémentaires en termes de fonds et d’orienter ainsi immédiatement le public vers la bibliothèque qui répondra le mieux à ses attentes selon le lieu où il se trouve.
Une chargée de mission a été engagée par la Communauté du savoir pour une période de 7 mois afin de réaliser ce projet qui demande une analyse plus précise des partenaires, de leurs fonds et de leurs services parallèlement à leur offre de formation.
Une version beta de cette carte est publiée sur le site web de la Cds. Elle pourra être mise à jour au fur à mesure de l'évolution des politiques documentaires des bibliothèques partenaires et sera relayée également sur les sites web de ces mêmes bibliothèques.
5 : Mutualisation de supports de communication
Un ensemble de supports ont été réalisés sur budget de la Cds pour permettre aux bibliothèques participantes d’informer
- d'une part les équipes en charge de la mise en pratique des échanges convenus,
- et d'autre part leurs publics selon un processus « réseau » clairement identifié.
Pour leurs équipes, les membres du groupe ont élaboré des affiches qui permettent d'identifier clairement le rôle du groupe du travail et le cadre dans lequel il évolue. Ces affiches ont pour thèmes :
- Les systèmes éducatifs en France et en Suisse ;
- Le réseau de bibliothèques et notamment : les lieux, les personnels, les environnements de travail, les publics, les catalogues et réseaux documentaires des uns et des autres ;
- Les collections et chiffres-clés des bibliothèques ;
- La carte des bibliothèques des établissements partenaires.
Ainsi les personnels des bibliothèques qui, sur le terrain, mettent en œuvre les échanges convenus entre les membres du groupe de travail ont une meilleure compréhension des situations des bibliothèques et de leurs réseaux dans leurs pays respectifs, et peuvent à leur tour promouvoir les services de la Communauté du savoir en exploitant les avantages de ces échanges au bénéfice de leurs lecteurs et lectrices.
Un élément important de cette communication interne est évidemment l'engagement des parties à respecter la législation nationale et les règlements intérieurs de chaque structure en matière de propriété intellectuelle et commerciale, y compris en matière de reproduction des œuvres. Elles s’engagent également à les faire respecter par leurs publics.
Pour communiquer cette fois avec ces mêmes publics, existants ou potentiels, et les informer des services que ce réseau peut leur offrir, le groupe de travail a également conçu des supports d'information mutualisés qui peuvent être partagés sur les sites web des bibliothèques et/ou institutions partenaires ainsi que sur les réseaux sociaux quand les bibliothèques disposent de tels supports de communication. Faire connaître les accès supplémentaires aux ressources documentaires que permet l’affiliation des bibliothèques à la Communauté du savoir est également un enjeu important de cette communication.
Enfin, dans l’idée de profiter de retours d'expériences entre elles, les bibliothèques ont également en projet le partage entre professionnel-le-s uniquement d'une newsletter par laquelle chaque membre peut informer les autres d'une initiative ou d'une animation particulière et de ses résultats. Cet échange de bonnes pratiques permet aux partenaires d'exploiter à leur façon des formats d'expériences nouvelles en les adaptant à leur propre structure.
6 : Projet de service questions-réponses
Selon l'évolution de la prise en charge du réseau par ses partenaires en 2019, le groupe bibliothèques a pour projet de mettre sur pied un service de questions-réponses à l'échelle transfrontalière. Il fait actuellement l'objet d'une étude de faisabilité et devrait bénéficier du soutien ponctuel d'une personne externe pour la mise en place et la réalisation concrète de cette action. Il pourrait dans un premier temps être intégré pour une phase test dans les bibliothèques de l’UFC à Besançon et, dans un deuxième temps, fédérer les unes après les autres toutes les bibliothèques affiliées à la Cds. Un tel service serait d’une grande richesse pour tous les publics de nos bibliothèques quelle que soit leur localisation géographique.
En conclusion, le groupe de travail «bibliothèques» de la Communauté du savoir est fier d’avoir pu mettre en place très rapidement des services documentaires transfrontaliers simples tout en poursuivant une réflexion de fond sur les projets qui pourraient profiter aux publics des bibliothèques participantes, qu’ils soient étudiant-e-s, enseignant-e-s, chercheurs, chercheuses ou membres à quelque titre que ce soit des institutions partenaires.
Et même si immédiatement, au sein de cette communauté, notre démarche collaborative nous a permis d’enrichir nos services par un prêt entre bibliothèques au niveau international, d’enrichir nos connaissances « métier » par le partage de nos bonnes pratiques et de réfléchir à la faisabilité d’un service transfrontalier de questions-réponses, nous abordons également ensemble toutes les questions que l'évolution de notre métier va nous amener à nous poser dans un proche avenir et notamment :
-
La définition de thématiques partagées puisque développer nos partenariats permet de mutualiser les ressources et de miser sur des points forts dans une optique de complémentarité (réduire les coûts, gagner en efficacité, exploiter les compétences expertes) et de se tourner vers une économie d’accès plutôt qu’une économie de stock ;
-
L’identification d’un service commun et uniformisé pour un public de plus en plus mobile qui pourra bénéficier du développement des synergies particulièrement encouragées dans un environnement géographique européen;
-
La promotion des résultats de la recherche et de la valorisation des données en partageant nos archives institutionnelles et nos ressources en open access ;
-
L’accès aux ressources documentaires et la prise en charge de nouvelles responsabilités dans le domaine des données de la recherche;
-
La communication via les réseaux sociaux qui permettent de faire connaître nos services et activités et participent au rayonnement des bibliothèques.
Si les défis à relever se nomment « recentrer les bibliothèques au cœur de l’apprentissage » pour qu’elles soient le relais des savoirs, « connecter les chercheurs et chercheuses avec leur bibliothèque » afin qu’ils bénéficient d’une expertise à leur service et qu’ils puissent utilement préciser leurs besoins, « rendre visibles les bibliothèques et en simplifier l’accès » grâce au développement de solutions réciproques, alors nous sommes au bon endroit avec les bonnes personnes pour les relever !
Pour le groupe de travail des bibliothèques de la Communauté du savoir :
Agnès Dervaux-Duquenne, bibliothécaire-responsable
Haute Ecole Arc Ingénierie
Notes
[1][Consulté le 20.06.2018]
[2] ©Ex Libris
Sources et liens utiles :
http://www.communautedusavoir.org/
http://www.conference-transjurassienne.org/
http://www.communautedusavoir.org/nos-actions/les-bibliotheques-arc-jurassien/
Groupe de travail des bibliothèques - documents internes
© des illustrations : Cds
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Rechercher l’information stratégique sur le web : sourcing, veille et analyse à l’heure de la révolution numérique
Ressi — 20 décembre 2018
Claire Wuillemin, Haute Ecole de Gestion, Genève
Rechercher l’information stratégique sur le web : sourcing, veille et analyse à l’heure de la révolution numérique
À la suite de la co-direction d’un cabinet spécialisé en veille technologique et de plusieurs années à l’Infothèque du pôle universitaire Léonard de Vinci, Véronique Mesguich est depuis 2012 consultante et formatrice freelance pour les domaines de la maitrise de l’information, de la veille stratégique et de l’intelligence économique. Ce dernier livre constitue une mise à jour bienvenue des différentes éditions de Net Recherche (rédigées alors en collaboration avec Armelle Thomas), le dernier datant de 2013. Elle propose ici théorie, méthodes, outils et études de cas sur la recherche d’information sur le web et la mise en place d’une veille efficace. Bien que ce sujet ait déjà fait l’objet de nombreux ouvrages de qualité, ce livre va plus loin en remettant la recherche d’information et la veille dans le contexte actuel du numérique –Big data, internet des objets, intelligence artificielle et nouveaux supports comme les smartphones – et actualise les outils, sources et compétences nécessaires pour sa mise en œuvre.
Publié en 2018, Rechercher l’information stratégique sur le web : sourcing, veille et analyse à l’heure de la révolution numérique s’inscrit dans la préoccupation très actuelle de développer les compétences informationnelles afin que tout un chacun puisse développer une véritable littératie numérique et évoluer en homo numericus. Comme l’indique son titre, ce livre s’attache à des questions de recherche d’information et de veille, et cherche en particulier à fournir des réponses aux questions suivantes :
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Comment optimiser la recherche d’information afin de minimiser la redondance et la perte d’information ?
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Comment et où collecter de l’information stratégique ?
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Comment juger la qualité de l’information recueillie ?
À cette fin, le lecteur est accompagné à travers un cheminement logique sur les vastes thèmes de la recherche d’information et la veille à l’aide d’une structure solide de cinq chapitres qui s’enchainent avec cohérence. Son livre s’ouvre ainsi sur un chapitre qui pose de manière étendue le paysage du web en 2018 c’est-à-dire les enjeux qui se posent aujourd’hui pour les utilisateurs et les professionnels de l’information mais définit également tous les aspects techniques qui y sont liés ainsi que les principales tendances qui se profilent pour ses usages et ses évolutions.
Quelles sont donc ces forces qui agitent le web ? Pour commencer, on notera l’avènement du mobile first au sein de Google, qui dans un avenir proche privilégiera la version mobile des pages web pour son indexation. Ce tournant est le témoin d’une utilisation du web de plus en plus nomade. Les veilleurs et autres professionnels de l’information devront également prendre en compte les nouveaux usagers des réseaux sociaux. Apparus il y a une quinzaine d’années, ces derniers sont devenus incontournables dans la panoplie des sources d’informations. Les questions politiques et économiques s’introduisent également dans le paysage du web : neutralité du web, contenus ouverts, gratuits ou payants, le droit à l’oubli numérique et le fameux RGPD (règlement général européen sur la protection des données personnelles). L’auteure n’entre pas forcément dans le détail de ces diverses actualités, choisissant parfois de les développer dans des chapitres ultérieurs ou de laisser le soin au lecteur de trouver davantage de réponses par lui-même. La force de cette partie est indéniablement la pertinence et la quasi-exhaustivité des thématiques qui y sont abordées, qui permettent au lecteur d’entrer dans le sujet de l’ouvrage avec la connaissance des forces et des tendances qui s’y exercent. On saluera finalement la présence d’un lexique sur le jargon et les grands concepts du web, fort utile pour déchiffrer les nombreux acronymes courants.
Véronique Mesguich se lance ensuite dans le vif du sujet à travers un chapitre conséquent qui se propose d’explorer le vaste sujet qu’est la recherche d’information. À l’instar de la partie précédente, l’auteure commence par un point de théorie en présentant les typologies et le fonctionnement de la recherche d’information ainsi que les différents outils mobilisés par celle-ci, en particulier les moteurs de recherche. Il est appréciable que le fonctionnement et les attributs de ces derniers soient expliqués en détail, car si un grand nombre d’internautes suit la devise du « je Google donc je sais », une minorité est au courant des subtilités du page ranking et autres algorithmes et des biais que ceux-ci peuvent amener dans les résultats. Une liste d’alternatives à Google plus respectueuses de la vie privée est d’ailleurs proposée. La seconde grande section de ce chapitre décrit en détail les subtilités du choix des mots-clés de recherche et de la construction de requêtes, notamment à l’aide d’opérateurs et des fonctions de recherche avancée additionnés aux techniques d’optimisation de la recherche. Là encore, un certain nombre d’opérateurs et d’astuces sont proposés pour les recherches sur Google, mais également sur Qwant, Facebook, Twitter, Linkedin, ResearchGate et Academia. Un tableau récapitulatif permet d’obtenir en un coup d’œil les principaux opérateurs, étayés d’une définition ainsi qu’une liste des différents outils qui les utilisent. Le chapitre s’achève avec une brève typologie des sources d’information, des outils de bookmarking et d’une synthèse sur la méthodologie générale de la recherche d’information.
Suite à cette présentation des méthodes, sources et outils pour satisfaire un besoin d’information ponctuel, le lecteur est ensuite invité à se plonger dans la veille proprement dite. Tout d’abord, il est question de définir la veille, c’est-à-dire sa typologie et son fonctionnement. Puis, il est brièvement question du plan de veille, de son rôle et de son utilité. On regrette que cette section ne soit pas allée un peu plus loin pour présenter cet outil, ni n’en n’ait fourni un exemple, qui se serait avéré utile pour illustrer le propos et donner une idée au néophyte de la forme que peut avoir ce tableau de bord essentiel de la veille.
Cette partie se poursuit avec l’automatisation de la collecte d’information. Sont bien évidemment mentionnés les flux RSS, les agrégateurs et générateurs de flux, les alertes dans les bases de données (pour douze bases de données différentes) sans oublier les agents d’alerte et de surveillance. Un précieux tableau proposé en fin de chapitre résume l’ensemble de ces outils en listant leur intérêt pour la veille, leurs avantages et inconvénients et leur coût. Un focus est ensuite fait sur la veille des réseaux sociaux. En effet, ceux-ci sont des sources relativement nouvelles dans la panoplie des veilleurs et l’hétérogénéité de leurs fonctionnements appelle à des outils et approches spécifiques pour en tirer les pépites informationnelles qu’elles contiennent. Dans cette idée, l’auteure propose des conseils et des ressources pour surveiller Twitter, Facebook, Linkedin, Instagram, Pinterest et Youtube.
L’avènement des réseaux sociaux n’a néanmoins pas que des avantages, car les fake news rôdent. Comment s’assurer de la qualité et l’authenticité de l’information dans ces conditions ? La masse de l’information, appelée parfois infobésité ajoute une seconde difficulté à cet effort. L’analyse de l’information n’est pas toujours naturellement évoquée dans la veille, pourtant il s’agit d’une étape importante de ce processus. Véronique Mesguich passe en revue les ressources et les méthodes manuelles et automatiques à disposition pour évaluer l’information. Une fois l’information validée, le travail n’est pas encore terminé : il faut encore faire parler les données afin de rendre leur essence intelligible pour une audience sans pour autant y apporter de modifications. À cet effet, un rapide panorama de la data-visualisation est proposé et illustré à l’aide d’un tableau qui fait correspondre à des types de représentation les outils existants pour les créer.
L’ultime chapitre de cet ouvrage est un ensemble d’études de cas. À travers dix exemples communs de besoin d’information, l’auteure guide le lecteur à travers enjeux, ingrédients et étapes nécessaires pour y répondre. Ces besoins vont de l’étude documentaire pour une étude de marché, à la navigation anonyme, la surveillance de la concurrence en passant par la recherche de contenus académiques pour la rédaction d’une bibliographie. Évidemment, tous les besoins informationnels ne seront pas couverts par ces exemples, mais leur diversité devrait répondre aux attentes les plus courantes. Cela est par ailleurs une bonne façon de passer en revue et de mettre en pratique l’ensemble des approches, méthodes et outils vus dans les chapitres précédents.
En guise de conclusion, Véronique Mesguich catalogue une fois encore les tendances pour le web et la recherche d’information observables au premier trimestre 2018 et s’interroge sur la révolution numérique et les paradoxes que celle-ci a engendrés : l’explosion de la quantité d’informations disponibles versus sa qualité, la mémoire du web ou comment sauvegarder ses contenus dans ce contexte de big data et de revendication croissante du droit à l’oubli numérique ? L’auteure clôt son livre avec un plaidoyer pour la littératie numérique, soulignant l’importance pour tout un chacun de développer ses compétences, et espère que les nouvelles générations de digitial natives sauront prendre ce virage et montrer le chemin à suivre.
Critique
Le livre de Véronique Mesguich tient les promesses de son titre. On soulignera la richesse indéniable des thématiques abordées et le fait que le propos ne se limite pas à des méthodes et des outils, mais donne une place méritée au contexte et à ses tendances. On saluera aussi l’équilibre entre les différentes thématiques et la manière logique dont les propos s’enchaînent. Le lecteur n’est jamais laissé à lui-même, mais bien accompagné au long du cheminement du livre.
On peut se demander quel sont les publics cibles de cet ouvrage. En effet, si le paysage est vastement posé en termes d’hétérogénéité complémentaire des thématiques abordées, l’auteur ne rentre pas toujours suffisamment dans les détails pour permettre aux néophytes de comprendre les enjeux profonds de certains sujets. En ce sens, le livre semble s’adresser davantage à un public d’étudiant en sciences de l’information ou à des amateurs éclairés. De leur côté, les professionnels ne seront peut-être pas (toujours) surpris par les contenus abordés, car un certain nombre de connaissances leur seront déjà acquises, ou ils pourraient être laissés sur leur faim vis-à-vis de certaines thématiques pour lesquelles on aurait pu espérer une prise de position de l’auteur. Toutefois, l’intérêt du livre réside dans la réelle et consciencieuse mise à jour des savoirs, des connaissances et des outils, qui sera toujours utile pour les professionnels de la veille et de la recherche d’information, mais également dans le fait que celle-ci se fait de manière neutre, mais critique. De plus, la qualité synthétique des contenus, ses nombreuses astuces et ses tableaux récapitulatifs en fait un excellent support de cours dans le cadre d’une formation en sciences de l’information.
Le seul point noir de cet ouvrage est à imputer à l’éditeur : l’impression en noir et blanc des pages altère la qualité des captures d’écran et des illustrations contenues dans le livre et surtout en freine la compréhension par le lecteur.
Rechercher l’information stratégique sur le web : sourcing, veille et analyse à l’heure de la révolution numérique est un ouvrage à mettre entre les mains de toutes les personnes qui cherchent à parfaire leurs compétences de recherche d’information et/ou de veille, ou qui souhaitent mettre à jour leurs connaissances sur ces sujets. On en encouragera également la lecture par les étudiants, quel que soit leur domaine, afin de les sensibiliser aux écueils du net à l’heure de la toute-puissance des GAFAM et de leur donner les armes nécessaires pour les éviter.
Bibliographie
MESGUICH, Véronique, 2018. Rechercher l’information stratégique sur le web : sourcing, veille et analyse à l’heure de la révolution numérique. Louvain-la-Neuve : De Boeck Supérieur. Information & stratégie. ISBN 978-2-8073-1578-5.
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« Marketing et public » ou comment repenser l’approche des bibliothèques sur l’accueil de leur public
Ressi — 20 décembre 2017
Elise Pelletier, Assistante du Master IS, Haute école de Gestion, Genève
« Marketing et public » ou comment repenser l’approche des bibliothèques sur l’accueil de leur public
L’école de bibliothéconomie et de sciences de l’information (EBSI) de l’Université de Montréal accueillait du 3 au 28 juillet 2017, la quatrième édition de l’école francophone en SIB. Outre l’EBSI et l’ENSSIB en France, plusieurs institutions se joignent désormais à cet évènement : l’EBAD au Sénégal, l’ISD en Tunisie et depuis 2016 la HEG de Genève. Le grand intérêt de cette école est d’offrir l’opportunité à des étudiants, des professeurs et des chercheurs de pays différents d’échanger autour de thématiques proposées par l’école organisatrice. Une trentaine d’étudiants ont ainsi pu profiter de cette formation estivale et de la chaleureuse ville de Montréal. La prochaine session est prévue à la HEG du 18 au 22 juin 2018, parallèlement au centenaire du Département information documentaire.
La quatrième édition, organisée par Réjean Savard, s’étalait sur quatre semaines autour de deux thématiques porteuses : « Marketing et public » et « La numérisation ». La HEG était représentée tout au long des deux sessions, tout d’abord par Michel Gorin et moi-même avec comme invitée d’honneur, Marielle de Miribel. Pour la deuxième session, Basma Makhlouf Shabou est intervenue pour présenter le projet Data Life Cycle Management (DLCM), dans le cadre des deux dernières semaines présidées par Tristan Müller des Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ). Cet article propose un retour sur les interventions de la première semaine.
Marketing et bibliothèques : entre idées reçues et outils incontournables
L’idée d’utiliser les techniques de marketing dans le domaine des bibliothèques n’est pas récente puisque dès 1997, l’IFLA créait la « section marketing et management ». En 2008, un dossier de la revue de l’ADBS « Documentalistes-Sciences de l’information » portait sur le « Marketing stratégique ». Jean-Michel Salaün et Florence Muet y présentaient différents exemples et méthodes d’utilisation d’outils marketing qui se révélaient souvent salvateurs dans un contexte où la profusion du tout numérique obligeait les services d’information à « redonner sa place à la fonction documentaire» (Salaün, Muet 2008). Malgré cet intérêt ancien et marqué, une méconnaissance de la notion de marketing teintée d’une certaine méfiance est toujours d’actualité. Souvent assimilé aux supermarchés et aux agressions publicitaires, le marketing reçoit un accueil parfois frileux et perplexe de la part des professionnels de l’information. Cette assertion s’est vérifiée auprès des étudiants francophones, prouvant qu’elle dépasse largement les frontières.
La présentation de Réjean Savard en introduction à l’école d’été a donc permis de corriger cette vision partielle du marketing. Il y rappelait que le marketing est surtout une « philosophie du management » (Savard 2017) ou dans un contexte francophone une « philosophie de gestion ». En cela le marketing propose des outils et des méthodes qui permettent de :
- Se mettre à l’écoute des besoins des différents publics
- Ajuster l’organisme et ses produits
- Communiquer efficacement auprès des différents publics
- Evaluer ses actions
Le marketing ne se réduit donc pas à l’aspect publicitaire qui, comme le confirmait Najoua Djerad de l’ISD pendant son intervention sur le « concept de marketing », n’est qu’une infime partie du marketing. Il doit être réfléchi dans sa globalité par l’institution qui l’utilise et c’est bien dans un changement de philosophie que cela s’intègre. Pour donner un exemple simple, le terme « clientèle » utilisé en marketing est plus incluant que la classique notion « d’usager » qui par définition exclut les non-usagers. En effet, le marketing permet de comprendre le « positionnement » d’une institution par rapport à son environnement c’est-à-dire « l'identité de la structure. Qui est-[elle] par rapport aux autres ? Quel service rend-[elle] que les autres ne rendent pas ? » (Salaün 1991). Derrière ces questions, il s’agit bien de répondre au mieux aux attentes et aux besoins de la « clientèle ». Evidemment, la relation communauté-bibliothèque est bien différente de celle client-entreprise notamment car elle n’est pas directement et principalement régie par des enjeux économiques. Néanmoins, le marketing donne des méthodes et des outils avec « pour objectif principal de maximiser l’échange entre une organisation et ses publics » (Savard 2017). Dans le contexte actuel, où le public est au cœur des réflexions des professionnels des bibliothèques, le marketing devient un outil indispensable car il va permettre de dessiner une offre de services la plus adaptée possible à la « clientèle ».
Après ces nécessaires rappels, Réjean Savard est revenu sur le concept de marketing mix pour présenter quelles étaient les quatre variables contrôlables qui nourrissaient les échanges entre public et institution (Produit – Prix – Distribution – Communication). Pour illustrer la variable prix dans le contexte des bibliothèques, Réjean Savard a évoqué la campagne d’amnistie proposée par les bibliothèques de Montréal en juin 2017 afin de célébrer le 375e anniversaire de fondation de la Ville. Pendant quinze jours, les lecteurs pouvaient ramener les documents les plus en retard sans être amendés. De même, pour Marielle de Miribel, la carte de lecteur est le premier outil de communication des bibliothèques et une variable assez simple à maîtriser. En invitant les participants de l’école d’été à sortir leur carte de lecteur, il était facilement décelable que ce petit objet était une réelle carte de visite qui renseignait déjà sur l’identité de la bibliothèque. Outre le plaisir de comparer les cartes de lecteur de plusieurs bibliothèques de la Francophonie, l’exemple était intéressant car c’était l’illustration que le marketing n’était pas là pour remettre en cause complétement le fonctionnement des bibliothèques. Il est plutôt la marque d’une volonté de penser chaque élément, chaque service dans sa globalité comme ouvrir son portefeuille, regarder sa carte de bibliothèque et se demander si elle donne envie d’y retourner.
Bibliothèques et clients stratégiques
Suite à cette introduction, j’étais invitée à présenter quelques « considérations stratégiques en marketing ». C’était surtout l’occasion de faire un retour d’expérience sur l’utilisation dans des contextes particuliers d’outils d’analyse de l’environnement et d’ouvrir une discussion avec les participants de l’école d’été.
En 2008, Jean Michel évoquait « la nécessité d’un (re)positionnement stratégique des services d’information ». Par cette idée, il mentionnait les risques réels de baisse de ressources et de fermeture auxquels étaient et sont toujours confrontés de nombreux services d’information. L’objectif qui devient parfois une obligation est de mieux comprendre les besoins de sa clientèle, en passant par une phase de diagnostic « dont on ne peut faire l’économie » (Muet 2008). Typiquement, les outils d’analyse proposés par le marketing permettent d’obtenir une cartographie complète de l’écosystème dans lequel évolue la bibliothèque, du macro au microenvironnement et ainsi mieux identifier les variables non-contrôlables, qui influent sur la bibliothèque. Un de ces outils est l’analyse des 5 (+1) forces de Porter pour qui « l’objectif fondamental d’une organisation est l’obtention d’un avantage concurrentiel, qui se mesure en dernier ressort par sa capacité à générer du profit (pour une entreprise) ou à capter les ressources nécessaires à son existence (pour une organisation publique) » (Johnson 2014, p44).
Forces telles que définies par Porter |
Exemples d’application au contexte des bibliothèques |
Menaces des entrants potentiels |
Nouvelles bibliothèques, ludothèques, cybercafé… |
Menace des substituts |
Internet, moteurs de recherche, abonnement numériques (musique, e-book…)… |
Pouvoir de négociation des acheteurs |
Usagers/non-usagers, Autorité de tutelle |
Pouvoir de négociation des fournisseurs |
Éditeurs, libraires, fournisseurs informatiques… |
Rôle des pouvoirs publics |
Existence de subvention publique en faveur des bibliothèques ou de loi sur le droit de prêt… |
Intensité de la rivalité concurrentielle |
Bibliothèques sur le même territoire pour le même public |
Sans surprise, la force qui exerce le plus de pression est la « Menace des substituts » et cette analyse est générique à toutes les bibliothèques. Plus spécifiquement, Johnson précise dans sa description du « pouvoir de négociation des acheteurs » qu’il est « utile d’identifier les clients stratégiques, ceux vers lesquels la stratégie doit être orientée en priorité. Dans le secteur public, le client stratégique est très souvent l’autorité de tutelle qui contrôle l’utilisation des fonds, plutôt que l’usager. » (Johnson 2014, p 52). Cette analyse est particulièrement intéressante dans un contexte où si tout est réfléchi en fonction de l’usager, l’autorité de tutelle est rarement appréhendée par les professionnels des bibliothèques comme un client. Si on prend l’exemple des bibliothèques municipales, il ne s’agit de répondre aux demandes personnelles du maire comme suggéré par l’un des participants de l’école d’été mais plutôt de réfléchir au développement d’un axe stratégique qui fait de la bibliothèque un service à forte valeur ajoutée et donc indispensable pour la collectivité qu’elle dessert.
Analyse des besoins des publics et participation : le co-design
Un des enjeux du marketing est donc de mieux identifier les besoins du public dans sa globalité pour mieux y répondre. Les méthodes de co-design se situent dans la lignée de cette démarche. Ainsi Marie Martel, nouvelle enseignante à l’EBSI et anciennement bibliothécaire du réseau des bibliothèques publiques de Montréal est venue présenter la notion de « bibliothèque intentionnelle ». Cette présentation était basée sur un retour sur le programme RAC (Rénovation, agrandissement et constructions de bibliothèques) de la Ville de Montréal. Il s’agissait d’un projet de « rattrapage » de la Ville en matière de bibliothèques de lecture publique. Plusieurs bibliothèques municipales ont ainsi été repensées de manière systémique en utilisant les méthodes de co-design qui s’inscrivent dans la lignée de la volonté croissante de faire de l’usager un acteur de la bibliothèque.
Pour commencer, Marie Martel est revenue sur le « continuum de la participation du public », déjà présent dans le projet « Working together » de la Vancouver Public Library qui avait pour objectif de mieux prendre en compte les besoins des citoyens notamment ceux particulièrement éloignés des bibliothèques. Le continuum définit les différents niveaux de participation des publics :
informer/ éduquer |
consulter |
discuter/ débattre |
mobiliser/ participer |
établir un partenariat/ collaborer |
Les expériences de co-design sont clairement situées au niveau de la « collaboration » comme les nouvelles méthodes de création de services : design thinking, user experience (UX) et design de service. Avant de présenter plus précisément le co-design, Marie Martel est revenue sur ces trois autres types de méthode qui sont surtout un état d’esprit.
Le design thinking est basé sur trois phases décrites dans le kit pratique : « le design thinking en bibliothèque » proposé par IDEO.
- « La phase d’inspiration consiste à comprendre les besoins de vos usagers en les observant, en dialoguant avec eux et en vous renseignant sur ce qui se fait ailleurs.
- La phase d’idéation consiste à reformuler vos constats, à élaborer un concept et à lui donner une forme concrète en réalisant un prototype rapide.
- La phase d’itération consiste à tester votre prototype avec vos usagers afin que vos expérimentations successives soient de plus en plus proches du résultat final que vous souhaitez atteindre » (IDEO 2016)
- Les autorités de tutelle étaient vues par ceux qui les interprétaient comme des personnes arrogantes. Parallèlement, ceux qui jouaient le rôle des usagers ou des professionnels avaient une certaine méfiance envers ces autorités de tutelle et les discussions qui en découlaient étaient dans les deux cas compliquées et frôlaient l’agressivité.
- D’un autre côté la discussion entre usagers et bibliothécaires étaient beaucoup plus consensuelle. Les professionnels se trouvaient dans une position de « venez à tout prix » qui les faisaient accepter bon nombre de compromis.
L’UX est une méthode de marketing expérientiel qui se concentre sur l’expérience que l’utilisateur fera d’un service dans sa globalité. Comme le précisent Aaron Schmidt et Amanda Etches dans leur ouvrage « Utile, utilisable, désirable » (2016), « lorsque des individus utilisent un service ou un produit, ils en expérimentent différentes facettes et de nombreux facteurs ont une influence, positive ou négative, sur leur expérience globale. ». L’UX vise à penser tous les « points de contact » qui auront un impact sur l’expérience d’un service (canaux de communication, signalétique, musique, relation avec le personnel…). La carte de lecteur est typiquement un de ces points de contact.
Le design de service cherche également à construire des services avec les utilisateurs. La bibliothèque départementale du Bas-Rhin (BDBR) en France a, par exemple, participé à un projet avec 24 étudiants du DSAA design In situ lab de l’académie de Strasbourg pour redessiner l’offre de services de plusieurs bibliothèques. Les étudiants sont restés en résidence dans les différentes collectivités pour mieux comprendre le contexte local et partager avec les habitants. Entre expérimentation et rencontres, le projet Lectures locales ou les usages de la médiathèque a pour objectif de créer des médiathèques spécifiquement adaptées à un territoire.
Le co-design utilisé par la Ville de Montréal vise à faire collaborer différentes parties prenantes autour d’un même projet. Le but est de développer une stratégie qui permette à l’ensemble des personnes conviées d’exprimer librement leurs opinions, autour d’une question « comment pourrait-on… ? ». En tout, ce sont 11 démarches de co-design qui ont été initiées et plus de 500 citoyens écoutés. Dans l’esprit de transparence de cette méthode, l’ensemble des rapports sur ces démarches sont disponibles comme par exemple pour la bibliothèque de Saint-Léonard. Une des difficultés de ces projets est que comme les autres méthodes, le co-design s’inscrit dans la temporalité et nécessite le maintien d’une continuité. Cependant, les bénéfices en termes de collaboration et d’innovation sont réels et exponentiels. La présentation complète de Marie Martel est disponible sur le site de l’école d’été et elle publie régulièrement des articles à ce sujet sur son blog personnel « bibliomancienne ».
Par la suite, Raphaëlle Bats et Benoit Epron, deux professeurs de l’ENSSIB, ont présenté leur projet de recherche européen PLACED (Place- and Activity-Centric Dynamic Library Services). Né en collaboration avec l’université Aarhus (Danemark), l’université Chalmers (Suède) et l’université Lyon 1 (France), ce projet européen fait également participer trois bibliothèques dont les Bibliothèques municipales de Lyon. L’objectif est de penser la bibliothèque sur son territoire et de créer une interface qui explore parallèlement l’offre documentaire et les activités proposées. L’enjeu est également lié à la participation mais aussi à l’accessibilité avec un premier axe sur la bibliothèque comme lieu de production de savoir et un deuxième sur la bibliothèque comme créatrice de valeur. La présentation complète de ce projet est également disponible sur le site de l’école d’été.
Connaître les publics pour mieux les accueillir
Après ces différentes interventions sur les méthodes de construction de services, l’utilisateur était une nouvelle fois au centre des discussions avec Marielle de Miribel. Docteur en sciences de l’information et de la communication, diplômée de l’ENSB, Marielle de Miribel est ingénieur pédagogique, formatrice, consultante et enseignante. Elle est notamment l’auteure de l’ouvrage « Accueillir les public. Comprendre et agir » paru aux Editions du Cercle de la librairie et réédité en 2013.
L’intérêt de suivre des formations avec cette intervenante expérimentée se situe autant au niveau du contenu que de la méthode. En résonance avec les aspects participatifs des nouveaux services développés par les bibliothèques, les étudiants de l’école d’été ont été mis à contribution dès le début de son intervention. En présentant le triangle pédagogique, Marielle de Miribel pose les bases de la notion de contrat triangulaire qu’elle souhaite fixer avec les participants. Elle dessine surtout les rôles et responsabilités de chacun durant les deux semaines de formation. Entre jeux de rôle, jeux de questions, visites immersives, exercices d’écriture, l’étudiant est complètement acteur de sa formation, l’apprentissage se construit collaborativement. Cette parenthèse sur les méthodes pédagogiques de Marielle de Miribel pose le cadre d’une semaine aussi riche en apports théoriques qu’en apports méthodologiques. Sans détailler plus loin ces différentes approches, il me semble opportun de m’arrêter sur un exercice qui résonne avec les discussions sur l’approche marketing et le changement de perspective qu’elle apporte. Nous avons évoqué un peu plus haut, l’analyse des parties prenantes à l’aide d’un outil d’analyse les 5 (+1) Forces de Porter. En écho à cette analyse, Marielle de Miribel a présenté le contrat triangulaire qui unit l’autorité de tutelle, les professionnels des bibliothèques et les usagers. Chaque pôle du triangle construit un contrat avec un autre pôle en définissant les besoins et devoirs de chacune des parties par rapport aux deux autres. L’objectif de ce contrat triangulaire est d’atteindre l’équilibre dans lequel « personne n’est perdant ; tout le monde est gagnant et participe à l’objectif global en fonction de ses aptitudes, de son rôle et de ses moyens » (De Miribel 2013, p. 49). Pour clarifier ce contrat, Marielle de Miribel a invité les participants à se répartir en trois groupes, chacun représentant un des pôles. Une première phase de ce jeu de rôle consistait à définir précisément les devoirs et attentes de chaque groupe envers les deux autres groupes. Une deuxième phase était la mise en place d’une discussion ouverte entre chacun des groupes. Enfin, l’exercice se terminait par un débriefing sur les conclusions que la mise en scène des relations entre chaque groupe apportait aux participants.
Outre l’aspect clairement ludique de cette expérience, deux choses semblaient assez évidentes. D’abord, la méconnaissance des professionnels et des lecteurs face aux attentes et devoirs des autorités de tutelle et la problématique du positionnement des professionnels des bibliothèques. L’avantage de cette méthode participative est que les étudiants ont pu directement expérimenter les problématiques soulevées par ce contrat triangulaire. Cette prise de conscience permet ainsi aux futurs professionnels de comprendre la nécessité de trouver des outils efficaces pour rééquilibrer les différents contrats qu’ils passent consciemment avec leur autorité de tutelle ou inconsciemment avec leurs usagers. Pour cela, les outils marketing, malgré leur apparente rigidité offrent la possibilité de mieux définir le champ d’action de chacun.
Réconcilier marketing et bibliothèques…
Parallèlement à l’école d’été, le numéro d’avril – juin 2017 de la revue québécoise « Documentation et bibliothèques », proposait un état des lieux à l’ère du numérique du marketing en bibliothèque. Elodie Chabroux, une doctorante en sciences de gestion à l’Université de Bordeaux y présente les résultats d’une étude qu’elle a menée sur le « degré actuel d’intégration du marketing au sein des bibliothèques sous l’angle des sciences de la gestion ». Sa conclusion est sans appel : « aujourd’hui, l’un des enjeux pour les bibliothèques est de réussir à démystifier et à dédiaboliser la fonction marketing » (Chabroux 2017). Par la diversité des interventions et des échanges de cette semaine, ce travail de « dédiabolisation » a été réel pour les participants à cette quatrième école d’été.
En axant cet article sur les présentations des différents intervenants, j’omets malencontreusement, tous les interactions avec et entre les étudiants, qui sont une des grandes richesses de cet événement. En effet, même si les sciences de l’information et des bibliothèques sont la raison qui occasionne la rencontre entre les différentes écoles francophones, l’objectif principal est bien la confrontation de plusieurs visions. Il faut donc souhaiter que la HEG soit un terrain propice à ces échanges autour de sa thématique : « L’évolution des Services d’information, de la Grande Guerre à la transition numérique»
Bibliographie
Chabroux, E. (2017). Le marketeur, ce mal-aimé de tous: et si on l’aidait à trouver sa place ?. Documentation et bibliothèques, 63(2), 31-40.
IDEO. (2016). Le design thinking en bibliothèque. IDEO et Bill and Melinda Gates foundation. [Consulté le 14 décembre 2017]. Disponible en ligne : http://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/documents/66044-le-design-thinking-en-bibliotheque.pdf
Etches, A., & Schmidt, A. (2016). Utile, utilisable, désirable: redessiner les bibliothèques pour leurs utilisateurs. Presses de l'enssib.
Johnson, G. (2014). Stratégique (10e éd.. ed.). Montreuil : Pearson.
Michel, J., Roussel Gaucherand, S. & de Gouttes, C. (2008). Le positionnement stratégique. Documentaliste-Sciences de l'Information, vol. 45,(1), 44-51. doi:10.3917/docsi.451.0044.
De Miribel, M. (2013). Accueillir les publics: comprendre et agir. Éd. du Cercle de la librairie.
Salaün, J. M. (1991). Marketing des bibliothèques et des centres de documentation. Bulletin des bibliothèques de France (BBF), 1991, n° 1, p. 50-57. ISSN 1292-8399. [Consulté le 14 décembre 2017]. Disponible en ligne : http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-1991-01-0050-007
Salaün, J. M., & Muet, F. (2008). Le diagnostic marketing. Documentaliste-Sciences de l'Information, 45(1), 36-43.
Savard, R. (2017). Marketing des bibliothèques et autres services d’information : État des lieux à l’ère du numérique. Documentation et bibliothèques, 63(2), 4–4. DOI : 10.7202/1040174a
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