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Bibliothèques municipales
Mise en place du service de référence Music’All, à la Discothèque des Minoteries – Bibliothèques municipales de la Ville de Genève
Ressi — 20 décembre 2012
Karine Pasquier, Discothèque des Minoteries – Bibliothèques municipales de la Ville de Genève
Mise en place du service de référence Music’All, à la Discothèque des Minoteries – Bibliothèques municipales de la Ville de Genève
INTRODUCTION
LES BIBLIOTHEQUES MUNICIPALES DE LA VILLE DE GENEVE
Les Bibliothèques et discothèques municipales de la Ville de Genève (BM) font partie du Département de la culture et du sport de cette commune.
Les BM forment un réseau constitué de sept bibliothèques, d’une bibliothèque dédiée au sport, d’un service de bibliobus, d’un service à domicile et de deux discothèques. Les différentes bibliothèques comportent des espaces jeunesse et adultes. Toutes les bibliothèques proposent des collections imprimées et audiovisuelles ainsi que des accès internet.
Chacun de ces services est placé sous l’autorité d’un bibliothécaire ou discothécaire responsable. Un service peut comporter entre trois et vingt collaborateurs, pour un total d’environ 110 équivalents plein temps sur l’ensemble du réseau des BM.
Les BM sont un réseau de lecture publique. Elles ont pour mission de faciliter l’accès à l’écrit et à la culture au plus grand nombre. « Ce réseau met à disposition du public, à des fins d'information, d'éducation, de culture et de loisir, des collections dont les supports sont diversifiés, les contenus sans cesse actualisés et qui reflètent l'évolution du savoir et de la culture. Il met également au service du public un personnel chargé de le renseigner, le conseiller et le former à l'utilisation des bibliothèques. »
CONTEXTE
Le projet du service de référence Music’All s’intègre dans le cadre d’une réflexion plus large sur le service de référence en ligne.
En 2010, Rossana Rattazzi a réalisé un travail de bachelor s’intitulant Les services de référence virtuels en lecture publique : étude et projet pour les BM de Genève – ayant fait l’objet d’un article dans RESSI(1), le 01 décembre 2011.
Ce travail avait pour objet le développement d’un service de référence virtuel dans le domaine de la lecture publique, au sein des BM.
Par la suite, à l’initiative des directions des BM et de la Bibliothèque de Genève (BGE), un mandat a été confié à Ariane Rezzonico, de la Haute Ecole de Gestion de Genève – et pour lequel j’ai été sollicitée – afin de réfléchir à la mise sur pied d’un service de référence en réseau et en ligne regroupant les bibliothèques de la Ville de Genève (SRL) (BGE, BM, bibliothèques des Musées de la Ville).
Le SRL permettrait aux usagers de poser leur question qui serait ensuite redirigée vers le service le plus approprié.
Lors de ce mandat, une réflexion a été menée – en collaboration avec des représentants des bibliothèques concernées - sur l’organisation d’un tel service, le choix du logiciel, l’élaboration d’une charte, l’organisation du travail, etc.
A partir de ce travail, nous avons rédigé des recommandations pour sa mise en place. Un groupe de travail a alors été mis sur pied au sein des BM. J’ai immédiatement rejoint ce groupe lors de mon embauche en tant que bibliothécaire chargée de secteur à la Discothèque des Minoteries. Un groupe de travail transversal a aussi été constitué avec des représentants des bibliothèques de la Ville afin de poursuivre l’étude puis la mise en place du service de référence commun.
A mon arrivée, la responsable de la Discothèque des Minoteries, Katia Savi, a décidé que je mettrai en place un service de référence en présentiel, spécialisé sur la musique, (appelé Music’all) qui pourrait être intégré dans le service en ligne lorsque celui-ci aura été mis sur pied – l’objectif de Music’All étant de devenir le référent pour la musique enregistrée au sein du réseau des bibliothèques de la Ville.
Aucun service de référence en présentiel n’était encore proposé de manière explicite aux BM. Ce service a donc immédiatement été considéré comme un service bêta, permettant ainsi de cerner les points auxquels penser pour la mise en place d’autres services dans d’autres succursales.
Le fait de participer également au groupe du service de référence en ligne nous a permis de rédiger ensemble les documents nécessaires au lancement du service et valider certains choix en direct.
MISE EN PLACE
1. PHASE PREPARATOIRE
Lors de mon arrivée à la Discothèque, j’ai commencé, avec l’aide des discothécaires, à réfléchir à ce service de référence – Music’all.
Premièrement, j’ai lu plusieurs documents, dont le livre de Claire Nguyen : Mettre en place un service de questions-réponses en ligne(2).
En me basant sur cet ouvrage et sur le rapport que j’avais réalisé avec Ariane Rezzonico à la Haute Ecole de Gestion, j’ai pu rédiger une to do list, avec les différents points auxquels il faudrait réfléchir par la suite et les étapes à franchir pour lancer ce nouveau service. Cette liste, comprenant par exemple des tâches telles que réaliser un guide du droit d’auteur et une charte, organiser le flux des réponses, mettre en place les horaires, etc. m’a permis de mesurer le temps que me prendrait la mise en place d’un tel service, et de planifier son lancement.
2. DEFINIR LA POLITIQUE DU SERVICE
La première étape de la mise en place du service a été la définition de la charte, qui a permis de clarifier exactement ce que nous ferions :
- L’objectif du service (formation, type de réponses, etc.) ;
- Ce à quoi nous répondrons ou ne répondrons pas ;
- A quel public nous nous adressons ;
- Les horaires du service et le temps de réponse ;
- Les langues utilisées ;
- La gestion des données personnelles et du droit d’auteur ;
- Etc.
La rédaction de cette charte nous a permis de savoir réellement quelle direction nous souhaitions donner à ce service.
Nous avons notamment décidé de la gratuité du service, du fait qu’il était ouvert à tous – abonnés ou non aux BM, de traiter de toute question sur la thématique de la musique, tous niveaux et tous genre confondus, de rappeler les règles de base concernant le droit d’auteur, l’usage des données personnelles fournies par les usagers, etc.
Une fois cette charte réalisée, les autres documents ont pu être rédigés plus ou moins facilement à partir des réflexions que nous avions menées – puisque la base du service a pu être posée en ces quelques lignes.
3. DEFINIR L’ORGANISATION DU TRAVAIL
Une fois d’accord sur la prestation à offrir aux usagers, j’ai réfléchi à l’organisation du travail en interne.
En me basant sur le rapport que nous avions rédigé à la Haute Ecole de Gestion, j’ai défini 2 rôles essentiels pour le bon fonctionnement du service :
- Tout d’abord le coordinateur, dont les tâches sont d’aider les répondants à rédiger leurs réponses, à faire une recherche préalable et à gérer les outils. Il s’occupe de la mise en place du service sur place et des documents correspondants, de gérer l’arrivée des questions complexes et leurs réponses aux usagers. Il se charge également de la mise à jour des outils, de la gestion des horaires, de l’organisation des réunions ou formations nécessaires à l’équipe de répondants et du « marketing » du service.
- Ensuite, les répondants se chargent de répondre aux questions.
J’ai pris le rôle de coordinatrice qui correspondait à mon cahier des charges. Concernant les répondants, ce sont les autres discothécaires qui ont été sollicités. En effet, mes collègues s’occupant chacun d’un secteur spécialisé (classique, jazz, pop-rock, musique du monde, etc.), étaient les plus à même de répondre à des questions pointues sur leur genre musical.
Nous avons ensuite pris le parti de mettre le service à disposition des usagers toute la semaine, pendant nos heures d’ouverture.
Afin d’organiser au mieux le travail en interne et une fois les répondants sélectionnés, un plan précis de l’organisation des permanences pour le guichet en présentiel (situé à côté du bureau du prêt), ainsi que pour les réponses complexes a été réalisé.
En effet, nous répondons en direct aux réponses « rapides ». Pour les questions nécessitant un peu plus de recherches, nous avons choisi de répondre dans un délai de cinq jours ouvrables. Pour ce faire, lors de l’arrivée d’une question complexe, je l’inscris donc dans un fichier de gestion des questions, l’envoie au répondant concerné, puis me charge de rappeler au répondant le délai et complète la réponse si nécessaire. En dernier lieu, je mets en forme la réponse, et l’envoie à l’usager ayant posé la question, avant d’inscrire la question dans notre système d’archivage. J’enregistre alors des statistiques de base sur la question, telles que les heures passées à rechercher, le délai de réponse et le type de réponse fournie.
Nous avons décidé d’accorder 2 plages par semaines aux répondants spécialisés pour répondre aux questions complexes.
Cela permet aux répondants de savoir quand accorder un réel temps à la rédaction de la réponse et au coordinateur de savoir à quel moment venir chercher la question auprès du répondant. Bien évidemment, ces plages sont utilisées en fonction de l’arrivée des questions.
4. LA MANIERE DE REPONDRE
Avec mes collègues et lors de mon précédent emploi, j’ai pu suivre plusieurs fois la formation de Marie-Françoise Defosse concernant le « savoir répondre ».
Suite à ce cours, nous avons pu mettre en avant quelques recommandations concernant les réponses fournies par le service, ainsi que rédiger des modèles de réponses qui seront utilisées par Music’All et par le service de référence en ligne.
Nous avons notamment pu définir jusqu’où aller dans la réponse, quelles formules de politesse utiliser, le type des sources à fournir, ainsi que la manière de les présenter, etc.
Au final, nous avons décidé que la politique globale du service de référence de la Discothèque serait de fournir une réponse complète – soit une réponse directe (et non simplement bibliographique), accompagnée d’une orientation dans ses recherches et une méthodologie si l’usager le souhaite.
Sur les bases de ce cours, j’ai pu rédiger des modèles de réponse (réponse positive, renvoi vers une autre institution, demande de délai supplémentaire, demande de précisions, question que nous ne traitons pas, réponse à un e-mail non approprié ou discourtois…).
Ces modèles nous sont très utiles au quotidien car ils nous évitent de devoir rédiger à chaque question les formules de politesse et de réfléchir à la structure du mail. Il suffit alors de se concentrer sur le contenu et de l’adapter au modèle.
Afin d’aider les répondants à bien répondre, j’ai également rédigé une charte du répondant, rappelant les principes de base du service, les engagements du service, l’organisation interne, les informations légales et que faire des sites de qualité trouvés et pouvant être utile pour d’autres répondants.
Cette charte a été distribuée à tous les répondants au début du lancement du service et a permis d’éclaircir les dernières zones d’ombre concernant ce travail.
5. PROMOUVOIR
Nous avons dû ensuite réfléchir à la manière dont nous allions communiquer sur le service.
Nous avons tout d’abord choisi un nom en interrogeant le public et en lui demandant de voter, via Facebook. Le nom Music’All a alors remporté tous les suffrages.
Ensuite nous avons souhaité faire une inauguration pour lancer ce service de référence. Nous avons donc organisé une soirée karaoké qui a rencontré un vif succès.
Nous avons également eu la chance d’être filmés par Léman Bleu qui nous a accordé un petit reportage(3).
Puis, comme le service de référence est en présentiel, nous avons décidé d’en faire la promotion auprès des organismes musicaux genevois uniquement – du moins, dans un premier temps(4). Une communication plus globale sera faite lors du lancement du service de référence en ligne.
6. ARCHIVAGE ET EVALUATION
Nous avons également commencé à archiver les questions sur un blog interne afin que tous les répondants puissent consulter les réponses.
Les réponses seront ultérieurement publiées dans une base de données qui sera créée pour le service de référence commun.
SUITE DANS LE RESEAU
Le service de la Discothèque des Minoteries étant actuellement fonctionnel, nous avons compilé tous les documents créés, les expériences, etc. dans un manuel qui pourra être distribué à toute autre succursale souhaitant monter un service de référence en présentiel.
Nous avons également donné plusieurs séances d’information présentant le service au sein du réseau.
BILAN
Depuis le lancement de Music’All, en février 2012, nous avons reçu 29 questions, sans compter les questions rapides posées au guichet – que nous n’inscrivons pas dans notre fichier de statistiques. En sachant que la communication marketing est restée très minime en dehors de la soirée d’inauguration (la communication auprès des organismes musicaux étant en train d’être mise sur pied), le nombre de questions reste tout à fait satisfaisant.
De plus, en lançant ce service en toute discrétion, cela nous a permis de tester nos outils, de voir le temps moyen d’une réponse à une question et de valider le travail déjà réalisé.
Les questions reçues ont été diverses et variées… De « Qu’est-ce que la musique » à « La différenciation des compositeurs de l'école franco-flamande » en passant par « Quels sont les 10 disques incontournables par genre musicaux? » - nous avons reçu des questions aussi différentes que variées, tant au niveau du genre musical, au niveau de la difficulté de la question ou du public.
Nous avons pu répondre à toutes les questions, souvent immédiatement au guichet et, pour les questions complexes, une moyenne de 2h de recherche a été nécessaire, souvent sur 2 jours.
D’après les réponses enthousiastes qu’on reçoit en retour, nous pouvons voir que le service rencontre un certain succès.
Par la suite, lors de la mise en place du service en ligne, un questionnaire de satisfaction pourra être réalisé pour pouvoir quantifier réellement de la satisfaction des usagers.
Notes
(1) RATTAZZI, Rossana. Les services de référence virtuels en lecture publique : étude et projet pour les BM de Genève. RESSI [en ligne]. 2011, n°12. http://www.ressi.ch/num12/article_077 (consulté le 25.09.2012)
(2) NGUYEN, Claire. Mettre en œuvre un service de questions-réponses en ligne. Villeurbanne : Presse de l’ENSSIB, 2010
(3) http://www.lemanbleu.ch/vod/geneve-aujourdhui-infos-09032012
(4) Lors du lancement du service de référence en ligne, Music’All aura alors une dimension virtuelle qui pourra être mise en avant.
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Les services de référence virtuels en lecture publique : étude et projet pour les BM de Genève
Ressi — 1 décembre 2011
Rossana Rattazzi, BCU de Lausanne
Résumé
Cette étude présente les résultats marquants du travail de Bachelor (TB) entrepris pendant l’année 2010 et ayant comme réflexion le développement d’un service de référence virtuel (SRV) dans le domaine de la lecture publique (LP).
Il relate les étapes nécessaires à la conception d’un service en ligne aux Bibliothèques municipales de la Ville de Genève (BM). Il offre des solutions et des propositions utiles afin de concevoir un service en fonction des besoins relevés et des moyens disponibles.
Après avoir passé en revue les tendances et les pratiques actuelles en matière de référence virtuelle, le contexte des BM est décrit à travers un portrait de l’institution. Cette première partie se termine par une présentation des résultats de l’enquête sur les besoins informationnels du public et par un bilan illustrant la faisabilité du projet.
La dernière partie est consacrée aux différentes perspectives, ainsi qu’aux recommandations d’ordre technique et organisationnel.
Reste à préciser que dans l’intention d’offrir une analyse claire et détaillée, j’ai fait référence et ai cité des parties de mon TB.
Les services de référence virtuels en lecture publique : étude et projet pour les BM de Genève
Introduction
Le projet d’un SRV est né du besoin des BM de gérer les demandes du public qui, jusqu’à ce moment-là, ont toujours été satisfaites par le service de prêt.
Dans un contexte bibliothéconomique en forte évolution, on constate la tendance désormais consolidée des bibliothèques, publiques et scientifiques, de proposer de plus en plus ce type de prestation, complémentaire d’un service de renseignements en présentiel. Or, la thématique du développement d’un SRV reste principalement approchée du côté des bibliothèques scientifiques et demeure encore peu explorée du point de vue des bibliothèques de LP, notamment dans le milieu suisse.
Le projet entrepris montre que la lecture publique est un contexte florissant qui bien s’adapte à la réalisation d’un SRV. Comme ses consœurs scientifiques, les bibliothèques de LP sont concernées par la problématique récente de l’accès à l’information et se doivent de jouer leur rôle de médiatrices entre l’usager et l’information. Tant les services des bibliothèques académiques que ceux en LP partagent la même volonté de faciliter l’accès aux ressources documentaires, ainsi que l’objectif de rendre l’usager le plus possible autonome au long de ses recherches. Or leurs missions et leurs publics sont différents : un service en LP aura davantage une vocation encyclopédique par rapport aux bibliothèques universitaires. Et pour ce dernier, comme nous le verrons par la suite, il s’agit principalement d’orienter les usagers sur tous les domaines de la connaissance.
1. Tour d’horizon des services de référence virtuels en lecture publique
Dans ces dernières années, l’évolution technologique a amené à une redéfinition de la référence traditionnelle. A l’heure actuelle, celle-ci prend de plus en plus la forme de renseignement à distance. Faire de la référence virtuelle, c’est faire de la référence en utilisant les nouvelles technologies de la communication et donc exploiter toutes les fonctionnalités du web(1). Or, le renseignement à distance n’est pas une pratique nouvelle. Si sa modernité tient à l’utilisation des nouvelles technologies, il n’en reste pas moins qu’il s’inscrit dans l’offre de service traditionnelle proposée aux usagers(2).
Les premiers services à distance ont vu le jour au 19ème siècle avec le courrier. Quelques décennies plus tard, les bibliothécaires ont commencé à renseigner par téléphone. Sensibles à la problématique de l’accès à distance des ressources documentaires, les bibliothèques académiques, américaines et scandinaves, ont mis au point les premiers formulaires en ligne dans les années 1980(3).
La multiplication des modes de contact
On distingue deux modes pour effectuer la référence virtuelle : synchrone ou asynchrone. Les premiers permettent d’élaborer une réponse en temps réel (utilisant le chat ou la co-navigation), tandis que les deuxièmes se basent sur un échange en différé à travers le formulaire web, le courriel ou, encore, le SMS.
Dans certains pays la référence a subi une évolution considérable, notamment dans les pays anglo-saxons, pionniers de la pratique. Ces derniers adoptent souvent la messagerie instantanée pour renseigner à distance et développent des consortiums, afin de fournir un service spécialisé et de qualité. En Europe, ce sont surtout les grands réseaux qui privilégient un système de messagerie instantanée, à l’instar de BiblioSésame en milieu français. Les petites bibliothèques semblent préférer la messagerie électronique, susceptible d’être complétée par un formulaire en ligne avec plusieurs champs à remplir. Toutefois, le choix de l’application informatique dépend de plusieurs facteurs, tels que le volume de transactions à gérer, le budget, les compétences du personnel et bien évidemment celles des usagers.
Des outils tels que le blog ou le forum facilitent la mise en place d’un SRV. Un blog peut être créé facilement et avec un investissement minimal. Il offre la possibilité d’afficher et d’alimenter une FAQ de questions-réponses grâce aux commentaires. Quant au forum, un exemple intéressant est celui du Guichet du savoir des BM de Lyon(4). Des modérateurs valident et répondent aux questions et organisent ainsi la base de connaissances.
Les services de référence virtuels (SRV) multiplient les modes de contact. Cela s’explique soit par des logiciels spécialisés multitâches, soit par plusieurs technologies capables de coexister en même temps : la messagerie instantanée, le téléphone, le courriel et, encore, le SMS. A l’usager de choisir ce qu’il préfère. Par exemple, la Topeka & Shawnee County Public Library(5) et la Hinsdale Public Library(6) couvrent toutes les technologies disponibles.
Quant aux services de « référence mobile », Hélène Tardif situe leur essor autour de 2009. Le personnel dispose d’un portable et d’un numéro réservé au service de référence. Afin de contourner le problème de la limitation de caractères, le SMS de l’usager est transmis par le biais de la messagerie instantanée ou par courriel et cela grâce à une passerelle de communication.
Les logiciels commerciaux ont été adoptés par plusieurs bibliothèques universitaires américaines, afin de répondre aux besoins des utilisateurs distants. Ces plateformes sur le web sont constituées de plusieurs modules (chat, courriel, passerelle SMS etc.) et permettent entre autres de prendre le contrôle à distance de l’écran de l’usager.(7)
Les toutes dernières tendances de la référence virtuelle voient l'utilisation de Twitter. Outil de réseau social et de micro-blogging, Twitter est utilisé par quelques bibliothèques pour informer et rester en contact avec les usagers(8). La Nebraska Library Commission(9) répond à des questions factuelles et ponctuelles avec des tweets (10). L’application a l’avantage de livrer en temps réel des messages à travers différentes plateformes : web, SMS, Facebook, etc. Or cette technologie impose une limite de taille du texte, tout comme le SMS. Cependant, Twitter permet d’attirer l’attention des usagers et de proposer une FAQ dynamique.
Les bibliothécaires ont la possibilité de créer également des vidéos à la volée. L’application s’appelle Jing(11), elle est gratuite et permet d’illustrer une démarche de recherche. Elle est ensuite transmise à l’usager à travers un email, contenant le lien hypertexte en question. Cette technologie, proche de l’e-learning, a l’avantage de dynamiser le style de référence virtuelle recourant au son et aux images.(12)
L’importance des réseaux collaboratifs
La plupart des bibliothèques publiques semblent préférer la voie de la collaboration. Les avantages sont effectivement multiples : une répartition des coûts, mais également une meilleure qualité des réponses, due souvent au domaine de compétence de l’institution. Par ailleurs, la coopération demande de respecter le cadre des normes et des standards, afin de permettre l'interopérabilité et la pérennité du service.
Les Etats-Unis ont été les pionniers de la collaboration des services de référence en ligne. En 1976, l'OCLC a créé QuestionPoint, un logiciel de référence utilisé par plusieurs centaines de bibliothèques dans le monde, lesquelles représentent aujourd’hui le plus grand réseau collaboratif de référence virtuelle, désormais reconnu sous l’appellation « Question Point 24/7 Reference Services ». Ce réseau compte plus de mille partenaires et est organisé autour de sous-réseaux de bibliothèques universitaires et de lecture publique.
Du côté européen, on assiste également à la présence des réseaux collaboratifs. Sur le territoire français, on retrouve depuis quelques années Bibliosésame de la Bibliothèque Publique d’information (BPI) et Le Guichet du Savoir des Bibliothèques municipales de Lyon. En Italie, les services des différentes régions se regroupent de plus en plus, Chiedi al bibliotecario de la bibliothèque Salaborsa de Bologne et le réseau de Modène collaborent avec les différentes bibliothèques de leur région. Pregunte est le résultat de la collaboration entre les bibliothèques espagnoles de différentes villes, le service permet de renseigner les usagers dans plusieurs langues et dialectes locaux.
L’offre de services et les prestations à valeur ajoutée
Rappelons que les bibliothèques ne sont pas les seules à fournir des services en ligne. Les services commerciaux ont également créé leur système de questions/réponses. Si la fermeture de Google Answers(13) en 2005 laissait présager que cette activité n’était pas commercialement rentable, Yahoo Answers(14) témoigne que ce genre de service connaît toujours du succès. Et ce grâce à la communauté en ligne qui répond aux questions sur n'importe quel thème, du sérieux au plus léger.
Or, la multiplication de ces services commerciaux a souvent été perçue par les professionnels comme une réelle menace à leur rôle de spécialiste à l'information. Dans le continent nord-américain, les professionnels ont réagi à cette vague en adoptant une démarche volontariste. En outre, le 10 septembre 2007, des dizaines de confrères américains ont répondu à un maximum de questions sur Yahoo Answers, en précisant que le service était rendu par des professionnels(15).
La référence, que ce soit en présentiel ou à distance, implique toujours une interaction entre l’utilisateur et le spécialiste en information documentaire. En ligne, les bibliothécaires donnent des renseignements bibliographiques, des informations « factuelles », ils procèdent à la localisation des documents recherchés et aident à manipuler les ressources électroniques(16). Leur rôle de médiateurs est primordial et permet non seulement de valoriser les collections imprimées et les ressources en ligne, mais également les compétences des professionnels.
Les SRV en lecture publique (LP) présentent généralement un service encyclopédique qui touche à tous les domaines de la connaissance. Or, lorsque les bibliothèques sont dotées d’un ou de plusieurs départements spécialisés, il est fort probable que ceux-ci soient responsables de fournir des renseignements spécifiques à leur domaine. La médiathèque de Limoges, par exemple, qui fait partie du réseau BiblioSésame, se charge de répondre à des questions sur les médias et l'audiovisuel.
Le niveau du service est variable d'une bibliothèque à l'autre et suivant les cas, l’internaute est informé à travers une charte. De façon générale, les bibliothèques qui ont été étudiées offrent toutes une localisation de documents, des renseignements sur le fonctionnement de leur bibliothèque et des informations sur les services. La majorité des institutions renvoie au service compétent quand elles ne peuvent pas fournir une réponse adéquate.
Concernant la recherche d’informations, les bibliothèques préfèrent fournir des références bibliographiques. Certains services proposent des stratégies de recherche et des conseils sur l’utilisation de l’Online Public Access Catalogue (OPAC). Mais l’assistance à la recherche en ligne n’est pas toujours mentionnée et semble être une particularité des services anglo-saxons. En outre, une bonne partie des SRV en lecture publique disent répondre aux questions ponctuelles et rapides, telles que des informations biographiques, historiques ou des citations.
Certaines bibliothèques proposent des prestations particulières qui relèvent de la valeur ajoutée. Un niveau de service développé qui offre des réponses complètes sur tous les domaines de la connaissance est assurément un atout. Cependant ce type de service ne concerne qu’une partie des bibliothèques. C’est à sa capacité de gérer tout type de questions et de façon enrichissante, que le Guichet du Savoir doit son succès : pour ce service en effet, toute question est réputée légitime et digne d’une réponse.
D’autres bibliothèques, telles que la Public Library de New York, offrent la possibilité de prendre rendez-vous avec un bibliothécaire. « Book a librarian »(17) met des bibliothécaires hautement spécialisés dans un domaine bien précis, à disposition des usagers.
Conscientes de la diversité ethnique de leur public, les bibliothèques développent de plus en plus un SRV multilingues. Les exemples sont nombreux, à l’instar de la Queens Library(18) qui fournit un service en chinois et espagnol et BiblioSésame, qui accepte les questions en anglais, allemand et espagnol.
Il est important que le SRV s’accompagne d’outils qui facilitent l’accès à la recherche d’information et favorisent l’autonomie de l’usager : une FAQ, un répertoire de signets, des bibliographies ou, encore une base de questions/réponses(19). La plupart des bibliothèques adoptent désormais une FAQ. Par contre la base de connaissances n’accompagne pas toujours les SRV. Cela dépend fortement de l’utilisation d’un logiciel spécialisé ou le développement d’une base de données faite maison. L’archive des questions/réponses est un système de capitalisation du savoir qui permet aux usagers de consulter un répertoire de questions, souvent classées par grands domaines de connaissance(20).
Des services ouverts à tous publics
La majorité des SRV en lecture publique répond à tout un chacun, indépendamment de la provenance géographique ou de l’inscription à la bibliothèque. Par exemple, le Guichet du Savoir pratique la non-discrimination du public en répondant à tout type de question. Les BM de Lyon souhaitent enrichir leur public par ce biais(21). Certains services préfèrent cibler les usagers, à l’exemple de MarylandAskUsNow qui encourage les inscrits à créer un login aux inscrits invités à effectuer un login.
Les services réservés aux enfants ne sont pas nombreux : dans cette optique la Toronto Public Library(22), la St. Charles Public Library(23) et l’IPL for Kids(24) ont pensé à créer un service de référence destiné au jeune public. Ceci se décline dans une interface conçue pour ce public spécifique et complétée par des ressources et des outils de recherche.
Enfin, les SRV qui offrent une assistance aux devoirs scolaires d’un public jeune semblent plutôt limités.
La situation en Suisse
En Suisse, on retrouve des services en ligne surtout dans des bibliothèques universitaires ou spécialisées : de l’Institut de droit comparé à la bibliothèque de l’EPFL, les exemples sont nombreux. Au niveau national, on signale également le SwissInfoDesk(25) de la Bibliothèque Nationale qui fournit des informations sur la Suisse et collabore avec plusieurs bibliothèques du pays. Les SRV en LP semblent par contre accuser du retard. Or, il en existe quelques-uns. Le service de la BGE, actuellement concerné par un projet pour dynamiser ses différentes prestations, et le plus récent « Le Valais en questions » de la Médiathèque Valais. On s’aperçoit qu’au niveau des SRV en lecture publique beaucoup est à créer en Suisse. Comme nous verrons plus loin, le terrain est particulièrement favorable et pour ce faire, il est recommandé de développer un propre modèle d’après les besoins constatés et les moyens à disposition.
2. Les objectifs du projet
En harmonie avec les missions et la stratégie des BM de Genève, il s’agit de répondre à l’évolution des besoins informationnels des utilisateurs. Un service en ligne permet d’un côté de mettre en valeur les compétences documentaires des bibliothécaires, de l’autre d’exploiter les ressources documentaires et élargir l’offre de services.
Concrètement, il est question de :
- Identifier les besoins informationnels des publics des BM
- Déterminer les missions et l’organisation du service de référence virtuel
- Définir le public cible
- Identifier les partenaires possibles
- Développer des outils pour faciliter le repérage de l’information
- Proposer des solutions techniques adaptées
- Fournir des modes d’organisation du groupe de référence.
3. L’approche méthodologique
L’approche méthodologique s’est articulée sur plusieurs phases méthodologiques. Les voici dans le détail.
La phase préparatoire
En principe, il a été nécessaire d’effectuer une revue de la littérature et un état de l'art. Ce dernier permet de repérer les tendances actuelles en matière de SRV, ainsi que de faire émerger des idées intéressantes pour le développement d’un service aux BM. Les principaux services de référence virtuels existants en lecture publique ont été identifiés et étudiés. Comme nous avons vu au chapitre 1, j’ai rassemblé un échantillon de SRV, européens et américains, afin d'en analyser les solutions techniques, le niveau du service, la collaboration inter-SRV, ainsi que les publics cibles.
Ensuite, un état des lieux approfondi des BM s’est imposé. L’objectif est de repérer les disponibilités documentaires, financières et humaines. La récolte d’informations précises a ainsi permis d’identifier les moyens existants et par conséquent de déterminer la façon optimale dans laquelle le SRV pourrait s’intégrer à l’activité et à l’organisation des BM. Pour ce faire, j’ai d’abord étudié la documentation interne et ai par la suite rencontré des experts et des bibliothécaires. L’échange avec les collaborateurs des BM, outre à aider la prise de connaissance de la nature des questions les plus souvent posées à l’accueil, m’a aidé à mieux connaître la perception d’un tel service.
Il a fallu également procéder à l’analyse des besoins des usagers, pratique indispensable à la conception de tout nouveau service. Celle-ci a été menée à travers la technique de l’enquête. Par souci de temps et d’entente avec mes mandants, j’ai décidé de ne pas questionner les usagers des BM. Par ailleurs, la collecte de données pour la mise en place d’un SRV peut se révéler une opération délicate(26). En effet, l’enquête auprès des usagers semble être plutôt complexe, d’un côté parce que le public risque d'avoir du mal à exprimer ses réels besoins (ne comprenant probablement pas la fonction d’un SRV à travers un simple questionnaire), de l’autre parce que l’enquête ne tient pas compte des besoins des non usagers, public difficile à atteindre(27).
Le questionnaire a été soumis aux collaborateurs des BM qui disposent d’une solide connaissance de leurs publics. Ceci a été construit sur deux axes : une première partie définissant le service dans lequel les collaborateurs travaillent et une deuxième partie mettant l’accent sur la typologie des questions posées au prêt, ainsi que leur fréquence. Les résultats m'ont amenée à connaître la fréquence des questions posées à l'accueil, en identifiant la typologie la plus récurrente. De plus, grâce aux commentaires des bibliothécaires, j’ai pu constater des besoins ultérieurs.
Le questionnaire s’est complété d’une phase d'observation aux guichets de prêt qui m'a permis d'avoir une perception directe des questions posées.
Une fois que j’ai disposé de toutes les informations, j’ai structuré les données récoltées et effectué une synthèse de manière à mettre en évidence les forces et les opportunités, les faiblesses et les menaces du projet. Les avantages et les inconvénients du SRV pour les BM ont été présentés et discutés avec les mandants. Par le biais de ce bilan, j’ai déterminé de façon claire les enjeux du SRV et, par conséquent, ai conçu des solutions adaptées aux BM.
La phase organisationnelle
Afin de proposer un service adéquat, il a été important d’harmoniser l’ensemble des besoins des usagers avec les moyens à disposition des BM, en tenant compte des objectifs à réaliser(28). Ainsi, les objectifs du service de référence à distance ont été déterminés, à savoir : à quel type de questions et à quel public faut-il répondre et de quelle manière.
Les valeurs et les missions présentées dans la charte d’accueil(29) des BM m’ont été utiles pour orienter le service dans cette même optique. Pour définir le niveau du service, j’ai considéré la disponibilité du fonds documentaire. J’ai donc réalisé un tableau des sources disponibles aux BM qui permettent de fournir les réponses aux questions. Des sources externes aux BM ont également été identifiées : leur but est de pouvoir orienter le public vers la bonne information.
Enfin, il a été indispensable de formaliser les missions du service dans une charte. L’étude de chartes représentatives s’est imposée.
La phase conceptuelle
La gestion du groupe de référence a été abordée. Afin de trouver des solutions efficaces, j’ai discuté davantage avec mes mandants et échangé avec les experts. Il en est ressorti que l’organisation de l’équipe de référence est influencée directement par la solution technique que l’institution décide d’adopter. J’ai proposé plusieurs modèles de fonctionnement sur la base des applications évoquées, ce qui laisse aux BM une certaine flexibilité. Les études de cas présentés dans la littérature professionnelle ont été un complément important aux rencontres avec les acteurs du domaine. Ces ressources m’ont entre autres aidées à aborder la question de la formation et les compétences nécessaires aux professionnels.
Des pistes de collaboration et des partenaires potentiels ont été évalués, tenant compte des compétences de chacun. J’ai d’abord défini le champ d’action pour les BM et proposé ensuite, à l’aide des guidelines, des principes de collaboration pour les autres institutions.
J’ai tout de même réfléchi à une personnalisation de l’offre de service. J’ai songé à la forme et au contenu. J’ai ainsi observé quelques sites sur Internet et me suis servie de quelques exemples significatifs étudiés pendant l’état de l’art. Cela a abouti à des propositions d’interfaces et à de ressources à proposer aux usagers.
La phase technique
Les applications informatiques qui conviennent le mieux aux BM ont été établies. Pour ce faire, j’ai tenu compte des moyens financiers. Cela m’a amené à choisir des solutions simples mais efficaces. En même temps, la réalisation d’un cahier des charges détaillé laisse ouvert l’éventualité de développer un progiciel spécialisé à l’avenir, lorsque les ressources devaient être disponibles. La littérature professionnelle, ainsi que l’échange avec l’informaticien des BM m’ont permis de décrire un outil multifonctionnel.
Enfin, une réflexion sur les modalités d’accès aux ressources documentaires a été prévue, afin que l’utilisateur puisse trouver les informations dont il a besoin de manière quasi autonome. Encore une fois, les exemples de services de référence en ligne m’ont suggéré plusieurs idées utiles dans le cadre de ce projet.
4. Un contexte en mutation
Les Bibliothèques municipales (BM) de Genève sont un service du Département de la culture de la Ville de Genève. Il s’agit d’un réseau qui comprend huit bibliothèques de lecture publique, une bibliothèque des sports, deux discothèques, un service de bibliobus, une bibliothèque de prison, ainsi qu’un service à domicile.
En dehors de la hiérarchie, il existe des groupes transversaux supervisés par des adjoints scientifiques qui se chargent de l’étude des collections, de l’accueil des publics et de la médiation culturelle. Ces postes ont été créés entre 2002 et 2005 dans le but de soutenir la direction pour la gestion de projets. En effet, étant donné la taille importante du réseau, il est apparu important de créer des groupes de réflexion, proposant des stratégies transversales pour répondre aux attentes des usagers. La réflexion pour la création d’un SRV s’inscrit au sein de la médiation culturelle et, plus précisément, dans la cellule d’études et de projets de veille stratégique.
Le public est au cœur des missions et des stratégies des BM. Dans ces dernières années, les usagers et les usages de la bibliothèque ont beaucoup évolué. Les pratiques des BM visent à s’adapter à ce contexte en mutation. Plusieurs projets sont ainsi menés dont certains ont déjà vu le jour : la formation aux usagers, un nouveau site Internet, une FAQ en ligne et, à l’avenir, des automates de prêt, de l’e-learning, un guide du lecteur, un accès à distance des ressources électroniques...
En décembre 2009, la cellule de veille stratégique avait organisé une journée d’études consacrée à la médiation culturelle. Dans cette occasion, les collaborateurs avaient souligné l’absence d’un bureau de référence. L’assistance aux usagers dans la recherche documentaire est apparue insuffisante. En effet, l’affluence d’usagers est parfois importante, surtout à la Bibliothèque de la Cité, d’où la difficulté des bibliothécaires de devoir remplir les fonctions de renseignement et de référence à la fois. Des solutions ont ainsi été évoquées : la création d’un service de référence sur place et la mise en place d’un système de contact en ligne par le biais du courrier électronique.
Les bibliothécaires ont tous montré un réel intérêt, notamment pendant la séance d’information où j’ai présenté les résultats et les perspectives futures du SRV. Ils sont conscients de l’importance de répondre à de nouveaux besoins. D’autres observent une certaine prudence vis-à-vis de l’aspect virtuel. Celle-ci s’explique par la difficulté de s’imaginer en quoi consiste concrètement le service ou provient de la confusion existante sur la notion de « virtuel ». D’où la difficulté à en comprendre l’utilité.
Les réticences majeures sont liées à la nouvelle organisation interne du travail, car ce service amènerait un surcroît de travail et demanderait des compétences particulières. De ce fait, il est à relever que le traitement de documents occupe actuellement une place importante dans les activités bibliothéconomiques, ce qui empêcherait en partie de trouver du temps à consacrer à la référence. Le renforcement des ressources humaines, en particulier par de nouvelles embauches, n'est pas prévu pour l’instant.
Concernant les ressources documentaires, chaque succursale est dotée d’un fonds de référence papier, ceci est plus développé à la Cité. Les BM disposent en outre de ressources en ligne : des encyclopédies, des dictionnaires, des bases de données de quotidiens, des cours d’autoformation et également d’une série de blogs sur différentes thématiques.
Le fonds documentaire, papier et électronique, possède toutes les caractéristiques nécessaires pour devenir un outil de travail destiné aux professionnels de la référence.
5. Les résultats et la faisabilité du projet
Les besoins des usagers
D’après l’analyse des vingt-neuf questionnaires, les questions les plus récurrentes au service de prêt (que ce soit le secteur adulte, jeunesse ou audiovisuels) se réfèrent principalement à la localisation de documents. Cela s’explique vraisemblablement par une difficulté générale à repérer les bons ouvrages dans les rayons. La recherche bibliographique, le fonctionnement du prêt et des services, ainsi que les conseils de lecture, films et musique sont aussi des questions auxquelles les professionnels des BM sont souvent confrontés. Les conseils sont effectivement une dimension fréquente en LP. Quant à la recherche bibliographique, on remarque que les usagers ne sont probablement pas complètement à l’aise avec les outils de recherche et préfèrent plutôt s’adresser aux bibliothécaires.
Les résultats de l’enquête sur les besoins informationnels des usagers
Source : résultats de l’enquête menée auprès du personnel des BM, tous secteurs confondus, mars 2010
Les BM répondent aux questions des lecteurs par courrier électronique. Celles-ci se sont multipliées durant ces cinq dernières années et, selon Marie-Aude Python « Responsable des publics » (c’est-à-dire des usagers de la bibliothèque) qui s’en occupe directement, 99 % des questions concernent les difficultés techniques, telles que la gestion du compte lecteur. Par contre, si on observe le graphique, on s’aperçoit que ce type de questions ne se posent qu’occasionnellement au service d’accueil.
Une partie des répondants a précisé que des renseignements sur la vie de quartier reviennent souvent. Ceux-ci touchent aux services, aux activités et aux associations. Cependant, les bibliothécaires peuvent aussi être sollicités à propos d’informations culturelles concernant Genève et, de temps à autre sur des questions de nature juridique et médicale.
Marie-Aude Python, interrogée sur les besoins des publics, estime que les usagers ont besoin de connaître les nouveautés documentaires ainsi que l’actualité. Ils s’intéressent à la vie de quartier et réclament souvent des conseils de lecture.
Concernant plus spécifiquement le public jeune, Françoise Zutter, du Service scientifique des documents jeunes, souligne que les bibliothécaires sont confrontés à des questions très variées. Ils peuvent être sollicités pour une aide aux devoirs, donner des informations sur le métier, intervenir sur une relecture de mémoire et renseigner sur les espaces sociaux et interactifs du quartier. Ces questions proviennent aussi bien des jeunes, que de leurs parents ou d’autres adultes concernés (par exemple des enseignants ou des éducateurs).
Les résultats du questionnaire mettent en évidence que la plupart des questions posées à l’accueil du secteur jeunesse proviennent effectivement du public jeune.
Le public qui pose des questions à l’espace jeunesse
Source : résultats de l’enquête menée auprès du personnel des BM, mars 2010
D’après Marie-Aude Python, le public est à l’aise avec les technologies simples, telles que le Web ou la messagerie. Or, bien que la situation soit variable, le public des BM n’est pas particulièrement familier avec la recherche documentaire et a souvent besoin d’être accompagné. Par ailleurs, il souhaite obtenir les informations rapidement. Selon la littérature, les publics ont un besoin immédiat de connaissances et attendent des réponses capables de les aider dans l’avancement de leur travail, aussi bien que de combler leur curiosité intellectuelle(30). Enfin, Marie-Aude Python a précisé que les usagers apprécient le fait de poser des questions à travers un service facile et immédiat. Ce qui confirme l’intérêt de se diriger vers un service de renseignements en ligne.
Un service aux BM : un projet réaliste
Le bilan a confirmé la faisabilité d’un tel projet. Il existe des bonnes possibilités pour mettre en place un SRV : les forces et les opportunités sont effectivement nombreuses par rapport aux faiblesses et aux menaces.
Il est à relever que les BM peuvent compter sur le soutien d’une bonne partie des professionnels. En outre, la série de projets en cours va sûrement améliorer les conditions de travail et soutenir la réalisation d’un SRV de façon plus ou moins directe. Ces opportunités concernent surtout les services aux usagers, tels que le guide du lecteur et la FAQ.
La collection de référence imprimée et les ressources électroniques disposent de toutes les caractéristiques nécessaires pour répondre aux questions. Les sources pourront ainsi devenir un outil de travail pour les professionnels.
L’implémentation d’un SRV implique par contre un changement au niveau de l’organisation interne du travail des BM. L’organisation des tâches représente le défi principal pour les BM, d’où la nécessité de bien planifier le travail. Autre contrainte, les moyens financiers insuffisants. Cela n’empêche pas qu’à l’avenir il y ait des ressources supplémentaires. Il faudra donc soigner particulièrement l’organisation du personnel et proposer des solutions techniques en fonction des limites relevées.
Par ailleurs, l’organisation en réseau n’aide pas la gestion centralisée d’un SRV, en effet le travail risque d’être fragmenté d’une succursale à l’autre, raison de plus d’insister sur la répartition des tâches de référence au niveau des succursales. Une opportunité est représentée par la collaboration avec plusieurs partenaires. Celle-ci pourrait en effet enrichir l’offre des services et permettre un partage de la charge du travail.
Concernant les menaces, on signale la présence de la concurrence de SRV francophones : le Guichet du Savoir, Sindbad de la Bibliothèque nationale de France (BnF) et BiblioSésame, bien que ce dernier pourrait devenir aussi un partenaire potentiel. En raison de l’offre élargie de la concurrence et de leur niveau de service développé, il serait souhaitable de différencier le SRV des BM et d’insister, par exemple, sur l’aspect de la vie de quartier.
Il est par ailleurs important de préciser que les usagers sont de plus en plus présents en ligne. Cela entraîne une modification des pratiques de recherche de l’information(31). La littérature et les guidelines encouragent les professionnels à démontrer leurs compétences et invitent ces derniers à être présents là où le public va chercher l’information, à savoir en ligne(32). Le SRV représente donc un clair défi pour réaffirmer la légitimité des bibliothèques et les bibliothécaires face aux moteurs de recherche.
Les avantages multiples encouragent donc à suivre cette voie. Les bénéfices notables concernent la mise en valeur des compétences des professionnels et un service qui réponde à l’évolution des besoins des publics. Par ailleurs, l’enquête menée auprès des professionnels pour connaître les besoins des usagers, confirme la présence de besoins spécifiques bien fondés.
Une synthèse des avantages et des inconvénients est présentés dans le tableau qui suit(33).
Avantages et désavantages d’un service de référence en ligne
Avantages potentiels |
Inconvénients possibles |
Pour les utilisateurs |
Risque de nouveaux publics à gérer Demande des moyens matériels, financiers et humains supplémentaires Charge de travail supplémentaire Re-organisation du travail (back office)
|
Pour les BM |
5. Discussion et solutions
Elargir l’offre de services traditionnelle
La vocation du SRV couvre l’ensemble des besoins du public relevés pendant l’enquête. Afin de satisfaire les exigences en matière informationnelle, il est apparu indispensable de fournir aux usagers des renseignements généraux et spécifiques. Les renseignements généraux concernent la localisation et la disponibilité de documents, ainsi que des questions sur le fonctionnement du prêt, des activités et des services des BM. Alors que les renseignements spécifiques sont surtout liées à la recherche documentaire et il s’agit de répondre aux questions bibliographiques ou factuelles.
Pour répondre aux questions, les BM peuvent indiquer des documents présents à la bibliothèque ou diriger vers des ressources en ligne. Comme il n’est pas possible de fournir une bibliographie exhaustive, il est conseillé de donner une liste de quelques références. Concernant les questions sur des événements ou des faits impliquant une réponse courte, elles se traitent à travers la consultation du fonds de référence (encyclopédies, annuaires, dictionnaires, etc.). En parallèle, il est indispensable que les bibliothécaires exploitent la recherche d’informations sur le Net. L’usager bénéficie ainsi d’une richesse d’informations validées par les professionnels.
Lorsqu’une réponse adéquate ne peut pas être fournie, il est important d’orienter l’usager vers le service le plus compétent.
L’état de l’art a mis en évidence l’importance qu’un SRV soit ouvert à tout le monde. D’après la littérature, la restriction n’est pas bénéfique pour la publicité du service. Le fait de servir tout public représente donc un succès potentiel, ainsi qu’une manière de répondre à des besoins qui ne sont pas satisfaits. On pourrait amener des nouveaux publics aux BM, mais aussi entrer en contact avec les internautes et mieux connaître leurs attentes en matière documentaire.
Quant au public jeune, il serait envisageable pour les BM de proposer un service spécifique, tel qu’une aide aux devoirs ou de développer une interface conviviale pour les enfants. Dans l’optique de Kidsspace de la Toronto Public Library, les BM pourraient offrir plusieurs prestations aux jeunes :
- une FAQ
- un formulaire pour poser des questions
- une aide aux devoirs sur tous les domaines de la connaissance
- des conseils à la recherche documentaire (par exemple pour leur permettre de rédiger des exposés et des travaux scolaires)
- des répertoires de liens sur des disciplines d’études ou de loisirs
L’interface pourrait très bien s’accompagner d’une version OPAC pour les jeunes. Enfin, ce qu’il faut savoir est que la mise en place d’un SRV pour les jeunes exige de disposer des moyens nécessaires. Il s’agit d’un investissement d’une intensité différente par rapport aux adultes, surtout si les BM décident de fournir une aide aux devoirs. Pour ce faire, les bibliothécaires de référence doivent disposer d’un esprit pédagogique, d’un bon sens de la communication écrite et de notions dans des disciplines scolaires. Avant de développer un tel projet, il est donc recommandé de bien évaluer la disponibilité des bibliothécaires du secteur jeunesse de s’investir dans un tel service.
En dehors d’une offre de service classique, j’ai proposé différents types de ressources que les BM peuvent mettre à disposition de leur public. Leur but est de favoriser l’orientation et l’autonomie dans la recherche. De quel type de ressources s’agit-il?
Des sites de conseils de lectures, films et musique
Les conseils sont une dimension importante de la lecture publique et les bibliothécaires sont souvent sollicités à ce sujet. Cependant, offrir des conseils à distance résulte plutôt difficile, en raison d’un manque d’échange direct avec l’interlocuteur. Or, il existe des sites consacrés aux pratiques culturelles qui pourraient aider l’usager à trouver une réponse en ligne. On cite : Culture Wok(34), Babelio(35), LibraryThing(36) ou encore, la communauté de lecteurs sur Anobii(37).
Des liens sur la vie pratique
Il a été constaté que les usagers des BM sont demandeurs d’informations qui touchent à la vie pratique, d’où l’importance de mettre à disposition des ressources sur la santé, l’emploi et la vie sociale. Si les bibliothécaires ne peuvent pas fournir des renseignements médicaux, ils sont néanmoins compétents pour proposer des pistes de recherche validées et fiables. Un répertoire de différents sites pour la recherche d’emploi, de sites spécifiques consacrés aux conseils médicaux et, encore, l’annuaire des associations actives dans le social à Genève sont recommandés.
Des fiches sur la vie de quartier
Des fiches de quartier tels qui sont les quartiers couverts par le réseau des BM ont été proposées dans le cadre du projet. Leur mission ? Présenter de façon claire et synthétique une sélection d’informations pratiques liées à la vie urbaine de quartier.
Les fiches de quartier sont susceptibles d’être enrichies au fur et à mesure, selon les besoins et couvrent plusieurs rubriques sur le quartier en questions :
- Une brève présentation du quartier avec une carte, ainsi qu’une brève historique
- Un répertoire des principales associations actives dans le quartier
- Un espace images : on retrouve des images de monuments, anciennes ou contemporaines
- Pour aller plus loin : la rubrique propose une sélection bibliographique et des sites Internet
- Un espace collaboratif destiné aux internautes : rubrique alimentée par les commentaires des internautes qui souhaitent signaler des lieux, des associations ou des ressources spécifiques au quartier.
Quelle forme pour ces fiches de quartier ? Elles peuvent être créées en langage HTML. Cependant, on peut également imaginer un portail Netvibes structuré selon les différents quartiers. Cet outil, convivial, collaboratif et d’utilisation facile, convient très bien au système de fiches proposé. Il a en outre l’avantage de disposer d’un point d’accès unique grâce au système d’onglets. Le lien à Netvibes peut être proposé à partir de la page du service de référence en ligne des BM.
Netvibes offre des nombreuses possibilités de publications et permet également de joindre des ressources sur la vie pratique et sociale.
Les images montrent la gestion de fiches de quartier pour l’exemple des Pâquis :
Ces fiches ont été conçues de façon à valoriser, à l’avenir, une collaboration potentielle avec d’autres partenaires de la Ville de Genève. De cette manière, les compétences de chaque acteur seraient valorisées. Les fiches pourraient bien évidemment être alimentées par plusieurs bibliothèques d’un service en ligne autour de Genève. On songe à la BGE pour l’histoire, le Musée d’art et d’histoire pour l’art, le Centre d’iconographie genevoise pour les images de personnages de Genève ou, encore, la Documentation photographique pour les ancienne images de la vie urbaine.... Le service serait accessible à partir d’un portail commun de référence. Ce partenariat vise à ce que la référence virtuelle ne reste pas l’affaire de différentes institutions disséminées sur le Web et que le service soit plus performant. Ainsi, les bibliothèques de la Ville pourraient collaborer avec celles académiques et scientifiques.
Multiplier les points d’accès
Afin que la référence virtuelle soit efficace, il est recommandé de proposer des outils complémentaires : une charte, une FAQ, un répertoire des signets, des bibliographies et des tutoriels(38). Ces ressources permettent à l’utilisateur d’être l’acteur de sa recherche d’informations(39). Dans cette optique, une interface « éducative » et visuelle, qui guide l’usager aux bonnes sources d’information, a été conçue. Une série de liens est proposée et, une fois que l’usager se reconnaît dans son besoin spécifique, il pourra suivre le bon chemin pour retrouver l’information dont il est à la recherche.
Constituant la page d’accueil du SRV, l’interface du SRV regroupe :
- le point d’accès au SRV par un hyperlien au formulaire et email. Si à l’avenir les BM adoptent une application de messagerie instantanée, il faudra prévoir une fenêtre de dialogue sur la page d’accueil.
- le lien à la charte à laquelle l’usager doit prêter attention
- une cartographie qui permet d’orienter l’usager vers les bonnes ressources à travers des hyperliens (animations, catalogue, archive des questions/réponses...).
Si d’un côté cela permet de réduire d’éventuels messages « superflus », il laisse tout de même la liberté à l’usager de solliciter le SRV.
Enfin, la visibilité du service doit être favorisée d’un côté par un référencement efficace à travers les moteurs de recherche, de l’autre par l’identification immédiate sur la page d’accueil du site des BM, préférablement sous-forme d’un logo.
Les solutions techniques
Dès le début, il a fallu envisager des solutions efficaces à coûts zéro. Une application asynchrone telle que la messagerie électronique est apparue être la plus logique et pertinente dans le contexte des BM. D’ailleurs, une bonne partie des usagers posent déjà des questions techniques par email. Un mode de contact par email est recommandé en même temps qu’un formulaire en ligne, et ce jusqu’à ce que les BM disposent de moyens qui leur permettent d’adopter une application multitâches spécialisée. Le courriel a plusieurs avantages : simple et efficace, offre plus de temps pour formuler la réponse et est d’utilisation facile. Par contre, l’interactivité est réduite.
Ce qu’il faut observer afin d’organiser un SRV par messagerie électronique :
- Gérer le flux des questions et filtrer les messages selon le répondant si nécessaire
- Envoyer un accusé de réception
- Organiser la traçabilité des questions/réponses à travers un système de signature des messages par le professionnel qui prend en charge la demande. Par exemple avec une attribution d’initiales
- Afin de faciliter la rédaction des réponses, se servir de messages pré-formatés par le biais de logiciels spécialisés, tels Short Keys(40)
- Prévoir d’archiver les questions sur le serveur ou dans une base de connaissances
Un système de messagerie instantanée peut compléter le contact courriel. Le chat contribue à affiner les besoins de l’usager et aide à résoudre des problèmes tels que des soucis techniques auxquels les modes asynchrones ne sont pas à même de répondre de manière immédiate(41). Par contre, il ne permet pas de mener des recherches documentaires complexes. Pour cette raison, les résultats peuvent être proposés à l’usager ultérieurement par courriel(42).
Ce dont il faut considérer si l’on choisit un système de chat :
- Privilégier un agrégateur Web de messagerie instantanée, cela évite à l’usager de devoir installer sur son ordinateur le logiciel pour poser sa question. Par exemple : Meebo(43), Trillian(44) ou encore, Libraryh3lp. Ce dernier qui appartient à la nouvelle génération d’outils, est un outil hybride entre la MI et un logiciel commercial de référence développé en code source libre(45)
- Proposer une fenêtre de dialogue directement à partir de la page de référence ou sur la page d’accueil de la bibliothèque
- Bien organiser les ressources documentaires aptes à l’élaboration efficace des réponses
- Offrir la possibilité d’enregistrer la session et pouvoir la transmettre à l’usager
- Gérer le flux des questions ou prévoir un système de « ticket » lorsqu’une file d’attente se créée
Une application sur mesure
A l’avenir, il est conseillé de favoriser l’accès par tous les moyens de communication, de cette manière l’usager peut privilégier l’application avec laquelle il se sent le plus à l’aise.
En prévision d’un partenariat avec d’autres institutions, un portail de référence en ligne est envisagé et il présente notamment une multiplication des modes de contact. Or, afin de faciliter cette opération, il convient d’adopter un progiciel pour la référence en ligne.
Le seul logiciel commercial existant sur le marché est QuestionPoint de l’OCLC. D’après les échanges avec les experts, il a été constaté que les bibliothèques françaises qui l’ont adopté ne sont pas complètement satisfaites de cette plateforme Web, car elle est peu flexible et présente des limites, dans le paramétrage notamment. En outre, l’interface en anglais n’en facilite pas l’utilisation. Compte tenu des contraintes existantes, ainsi que le coût non négligeable de ce type de technologies, il est apparu essentiel d’envisager des solutions techniques alternatives.
J’ai donc élaboré un cahier des charges pour les BM. Il s’agit d’un outil de communication utile tant au responsable du projet qu’au informaticien développeur. Les recommandations pour le développement d’un logiciel de référence propre aux BM y ont été présentées.
Les caractéristiques principales que ceci doit posséder :
- Filtre et distribution des messages au bon service lors d’un partenariat
- Pouvoir suivre l’acheminement des questions et connaître leur statut (questions en attente, traitées, archivées, etc.) à tout moment
- Interface conviviale et paramétrable selon les nécessités
- Caractère multiplateformes et multinavigateur du logiciel
- Protection des échanges en ligne, tant pour les usagers que pour l’institution
- Différents niveau d’accès selon le groupe d’utilisateurs
- La structure logique du logiciel doit pouvoir se constituer de plusieurs modules comme d’après le schéma suivant :
- Fonction multi-tâches du logiciel (chat, courriel, formulaire, texto)
- Disposer d’une base de connaissances intégrée qui permet l’archivage et la consultation des questions/réponses
- Extraire, stocker et traiter les différents types de données qui permettront de générer par la suite des statistiques d’utilisation
- Possibilité d’échanger des informations à l’intérieur de l’équipe de référence à travers un système de news. Un agenda permet d’établir un planning horaire
Vers une capitalisation du savoir : la base de connaissances
Dès le début, la création d’une base de connaissances s’est imposée pour un SRV aux BM. En effet, elle est un support indispensable, tant pour les professionnels que pour le public. L’avantage principal est qu’elle peut être consultée par le public lors d’une première recherche et constitue un outil de travail pour les professionnels. Si les BM ne vont pas adopter un logiciel commercial, il est possible de créer une base de connaissances des questions/réponses en langage PHP.
Celle-ci nécessite d’être enrichie au fur et à mesure par un responsable de l’archivage qui, à l’aide du groupe de référence virtuelle, va sélectionner des questions représentatives. La base de connaissances demande donc une mise à jour systématique, une validation des informations, ainsi qu’un classement des questions.
Cela implique plus concrètement de :
- discuter les modalités précises d’archivage, ainsi que la politique de sélection des questions
- classer les questions par grands domaines de la connaissance. Dans le cas des BM, je me suis inspirée de leur organisation des collections
- Anonymiser les données personnelles
- Donner la possibilité de rechercher dans la base de données grâce à un moteur de recherche relié
Le défi : harmoniser les tâches de référence
Le SRV implique un nouveau fonctionnement au niveau de l’organisation interne des BM. Il leur est recommandé d’adopter un modèle de gestion dit de « consultation » qui consiste à effectuer la référence à distance en back office et répondre en priorité aux questions. En principe, le temps peut être entièrement consacré aux usagers en ligne et, lorsque le trafic le permet, les bibliothécaires peuvent se dédier aux autres tâches bibliothéconomiques. Ce modèle se caractérise par une bonne flexibilité, ce qui convient très bien aux BM qui sont dans l’impossibilité de renforcer leur effectif avec des nouveaux engagements et le temps semble être insuffisant pour l’instant.
Dans les petites succursales, il pourrait être possible, en fonction du trafic, de faire de la référence en ligne pendant les horaires du prêt, pour autant que cette dernière n’empêche pas de mener à bien les activités.
Il est conseillé aux BM d’assurer leur SRV à plein temps. L’avantage est de fournir un travail de qualité en continu et de rester ainsi à la disposition du public sans aucune restriction. De plus, la référence à mi-temps risque de se révéler trop discontinue pour être avantageuse(46). Ensuite, dès qu’une collaboration avec les autres institutions sera mise en route, le partage des tâches deviendra possible.
Il est recommandé de créer un groupe de pilotage et :
- Préférer les collègues qui démontrent une attitude volontariste, car la motivation permet de gagner en qualité du service. Cependant penser à sensibiliser les collaborateurs les plus sceptiques
- Constituer un petit groupe de personnes. Cela permet une meilleure performance des pratiques et une uniformité du style de communication
- Mettre à jour le cahier des charges pour que les tâches de référence virtuelle soient intégrées et reconnues parmi les activités bibliothéconomiques(47)
Des modèles de fonctionnement possibles ont été établis :
Organisation autour des succursales
Etant donné que le réseau des BM se constitue de succursales, il est apparu important de tenir compte de cette décentralisation. Ce modèle d’organisation vise à renforcer l’unité du réseau à travers l’implication des différentes bibliothèques. Les bibliothécaires sont chargés du SRV à tour de rôle pendant un jour de la semaine selon un planning préétabli. Le collaborateur désigné est responsable de l’ensemble des questions posées ce jour-là et assure le chemin de la question jusqu’à la réponse finale. Le bibliothécaire est censé répondre à toutes les questions qu’il reçoit, sauf les questions qui relèvent d’un domaine spécifique qui feront l’objet d’une réorientation. Par exemple : les questions sur la musique et les films, les renseignements sur le sport, les questions du public jeune ou des informations plus complexes et pointues qui relèvent d’une bibliothèque spécialisée. Dans ce cas, le bibliothécaire transmet la question au service compétent.
Cette organisation permet au personnel de rester ouvert à l’accomplissement d’autres activités. Cela dit, les forces doivent être bien partagées au niveau du réseau. De plus, il faut veiller à une harmonisation des pratiques assurée par l’uniformité dans le style de réponse de l’ensemble du groupe.
Organisation selon le niveau du service proposé
Un modèle alternatif se base sur la répartition des questions en fonction du niveau de compétences des membres. Ce système implique de faire appel à un filtreur des questions qui attribue la question en fonction des domaines de compétences.
Par exemple :
- Questions entrantes à filtreur
- Questions simples (localisation de documents, services, horaires, animations, etc.) à Agents en information documentaire
- Renseignements spécifiques (bibliographies, questions factuelles, informations techniques) à bibliothécaires
- Questions sur un domaine spécifique liées à la nature du fonds à bibliothécaires du secteur
Moins structuré et moins équilibré par rapport au fonctionnement par succursales, ce système demande une bonne coordination entre les membres et une communication interne performante. Il n’existe en principe pas de planning préalable, car les membres connaissent la démarche. Par contre, il est indispensable de disposer d’une liste des différents collaborateurs en charge du service.
Harmonisation des pratiques par une structuration des réponses
Comment donc harmoniser les pratiques de référence ? Il est important que le bibliothécaire donne de la valeur ajoutée à l’information par une reformulation de la question, une description des sources et des conseils à la recherche(48).
Des suggestions pour la structuration d’une réponse type sont proposées sur la base d’un exemple(49) :
Procédure |
Exemple |
Question : Keith Haring a-t-il réalisé des œuvres appartenant au Pop art ? |
|
Réponse Mettre en contexte la question et si possible formuler une première réponse |
Dans le dictionnaire des artistes contemporains (Editions Larousse), Keith Haring apparaît principalement comme un artiste qui à partir de 1980 fait partie du mouvement affichiste. Il est issu du "hip-hop". Inspiré par le graffiti, tenant du Bad Painting, et soucieux de toucher un large public, Haring commence à dessiner à la craie blanche sur des panneaux publicitaires noirs du métro de New York. |
Sources Présentation des documents pertinents et fiables : notices bibliographiques complètes et liens Internet datés. Citer la bibliothèque qui possède le document (cote). Il est recommandé de commenter brièvement les ressources. Si plusieurs sources sont proposées, hiérarchiser l’information, citant d’abord celles les plus importantes et ensuite des pistes pour aller plus loin. Réorienter vers le bon service si nécessaire. |
Un article (en anglais) lui est consacré dans le Grove art online consultable à la Bpi: "Haring, Keith." In Grove Art Online. Oxford Art Online: http://www.oxfordartonline.com/subscriber/article/grove/art /T036672 (accessed November 20, 2009) |
Approche pédagogique Promouvoir la capacité de recherche en fournissant des renseignements sur la façon dont l’information a été trouvée (étapes, critères de recherches, mots clés). |
Etapes recommandées |
Salutations Inciter l’usager à reprendre contact et lui demander de prendre quelques minutes pour remplir le formulaire de satisfaction en ligne, qui a pour but l’amélioration du service. |
Lorsque les techniques de réponse sont articulées, elles peuvent faire objet de la réalisation de procédures internes à l’intention des collaborateurs(50). Celles-ci auraient l’avantage d’harmoniser la pratique de référence au niveau du réseau.
6. Conclusion
Le SRV représente une sorte de « deuxième vie » pour les bibliothèques, une vie virtuelle, en complément d’un accueil personnalisé et ponctuel. Ces deux aspects nécessitent d’être conçus comme le prolongement l’un de l’autre. Cependant, un service en ligne présente également des limites, notamment l’absence de présence physique qui permet à l’usager de se sentir au centre de l’attention. Un service personnalisé et des modes de communication efficaces contribuent à la qualité de la référence. Dans la limite du possible, l'échange en ligne devrait donc renforcer le contact profond qui permet aux bibliothécaires de gagner la confiance et la reconnaissance des usagers.
La multiplication des modes de contact favorise le succès d’un service en ligne. Car l’usager peut privilégier la solution technique avec laquelle il se sent davantage à l’aise.
Désormais la technologie offre un large éventail d’applications en ligne et étant donné que celle-ci évolue vite, il s’avère essentiel de surveiller l’apparition des dernières applications. De nouvelles pratiques ont émergé à travers des outils du Web 2.0, bien que leur efficacité reste à confirmer : Twitter, Facebook, ou encore, Second Life. Aux professionnels de rester ouverts, surtout aux égards des systèmes synchrones qui permettent une relation plus directe avec le public et une meilleure identification des besoins.
Il a été souligné que la référence en lecture publique peut concerner des aspects relatifs à la vie pratique et de quartier et il est important de considérer ces besoins en mettant à disposition des outils spécifiques. Par ailleurs, des ressources appropriées, tels des répertoires de signets et une base de connaissances, contribuent à personnaliser l’expérience du repérage de l’information et à favoriser l’autonomie de l’usager.
Dans la conception d’un SRV, il ne faut pas oublier les aspects liés à la promotion et le développement d’une charte appropriée. La promotion contribue à la visibilité du service, alors que la charte permet de fixer clairement les possibilités et les limites des prestations fournies.
Pour conclure, mettons l’accent sur les compétences des professionnels. Une formation ciblée à l’intention des collaborateurs se révèle indispensable. Le but est d’entraîner à une formulation des réponses qui, quant à elle, s’apprend avec une pratique constante des tâches de référence et s’améliore avec l’expérience.
Notes
(1) NGUYEN, Claire. Les services de référence virtuels en bibliothèque universitaire : enjeux, perspectives, débats. BBF [en ligne]. 2006, t. 51, no 3, p. 54. http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2006-03-0054-009 (consulté le 16 août 2011)
(2) JACQUESSON, Alain cité par LINCK, Marie-Christine. Le renseignement personnalisé à distance. Une nouvelle donne pour les bibliothèques. BBF [en ligne]. 2005, t. 50, no 2, p. 99-100. http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2005-02-0099-010 (consulté le 16 août 2011)
(3) JANES, Joseph. An Informal History (and Possible Future) of Digital Reference. Bulletin of the American Society for Information Science and Technology [en ligne]. December/January 2008, vol. 34, no 2, p. 8-10. http://www.asis.org/Bulletin/Dec-07/janes.html (consulté le 16 août 2011)
(4) Le Guichet du savoir [en ligne]. http://www.guichetdusavoir.org/ (consulté le 16 août 2011)
(5) Ask a librarian [en ligne]. http://www.tscpl.org/ask/ (consulté le 16 août 2011)
(6) Ask a reference question [en ligne]. http://www.hinsdalelibrary.info/how-do-i/ask-a-reference-question/ (consulté le 16 août 2011)
(7) TARDIF, Hélène. Quels outils pour quels services ? Quelle technologie choisir ? In : NGUYEN, Claire. Mettre en oeuvre un service de questions-réponses en ligne. Villeurbanne : Presses de l'ENSSIB, 2010. P. 95-110 (La boîte à outils)
(8) L’exemple de la Casa Grande Public Library [en ligne]. http://twitter.com/cglibrary (consulté le 16 août 2011)
(9) NLC Reference [en ligne]. http://twitter.com/NLC_Reference (consulté le 16 août 2011)
(10) Les bibliothèques ne sont pas les seules à exploiter cette application. Les internautes ont créé le « Ask on Twitter », une sorte de service de référence qui fait appel aux connaissances et à la promptitude des internautes [en ligne]. http://askontwitter.com/ (consulté le 16 août 2011)
(11) Jing [en ligne]. http://www.techsmith.com/jing/ (consulté le 16 août 2011)
(12) TARDIF, Hélène, op. cit., p. 103
(13) Aujourd’hui, l’archive de Google Answers avec les réponses organisées par grands domaines de la connaissance demeure accessible en ligne [en ligne]. http://answers.google.com/answers/ (consulté le 16 août 2011)
(14) Yahoo Answers [en ligne]. http://answers.yahoo.com/ (consulté le 16 août 2011)
(15) BENOIST, David. Référence virtuelle. Quel rôle face aux moteurs de recherche ? BBF [en ligne]. 2007, t. 52, no 6, p. 27. http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2007-06-0025-004 (consulté le 16 août 2011)
(16) NGUYEN, Claire, op. cit., p. 54-55
(17) Book a librarian [en ligne]. http://www.nypl.org/ask-nypl/on-site-research-consultations (consulté le 16 août 2011)
(18) Ask a librarian [en ligne]. http://www.queenslibrary.org/index.aspx?page_nm=AskALibrarianOverview (consulté le 16 août 2011)
(19) BENOIST, David, op. cit., p. 26
(20) L’archive des questions/réponses de Sindbad [en ligne]. http://www.bnf.fr/fr/collections_et_services/poser_une_question_a_bibliothecaire/s.sindbad_reponses_par_themes.html?first_Art=non (consulté le 16 août 2011)
(21) CALENGE, Bertrand, DI PIETRO, Christelle. Le Guichet du Savoir. Répondre aux demandes de contenus. BBF [en ligne]. 2005, t. 50, no 4, p. 38-42. http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2005-04-0038-008 (consulté le 16 août 2011)
(22) Kidsspace [en ligne]. http://kidsspace.torontopubliclibrary.ca/questionsanswers.html (consulté le 16 août 2011)
(23) Reference, Homework Help et Internet Links [en ligne]. http://www.st-charles.lib.il.us/youth_services/ys_hw_help.htm (consulté le 16 août 2011)
(24) For Kids [en ligne]. http://www.ipl.org/div/kidspace/ (consulté le 16 août 2011)
(25) SwissInfoDesk [en ligne]. http://www.nb.admin.ch/dienstleistungen/swissinfodesk/index.html?lang=fr (consulté le 16 août 2011)
(26) KERN, Kathleen M. Virtual reference best practices : tailoring services to your library. Chicago : American Library Association, 2009. 148 p.
(27) NGUYEN, Claire. Mettre en place et développer un service de référence virtuelle dans une perspective d'intégration à un réseau collaboratif. Analyses comparées et propositions à partir de l'exemple de l'Université de Montréal. 2006, p. 45. Mémoire d'étude réalisé en vue de l’obtention du diplôme de conservateur de bibliothèque, Enssib de Villeurbanne, 2006 [en ligne]. http://enssibal.enssib.fr/bibliotheque/documents/dcb/nguyen.pdf (consulté le 16 août 2011)
(28) STOVER, JILL S. Be You ; Be Unique : How to Create Competitive Reference Services by Being Strategically Different. In : STEINER, Sarah K. et al. The desk and beyond : next generation reference services. Chicago: Association of College and Research Libraries, 2008. P. 142
(29) Charte d’accueil des BM. Ensemble à la rencontre de la culture [en ligne]. http://www.ville-ge.ch/bm/fr/bibliotheque/charte_accueil.php (consulté le 16 août 2011)
(30) BRIDGEWATER, Rachel, COLE, Meryl B. Instant messaging reference : a practical guide. Oxford : Chandos, 2009. 213 p. (Chandos information professional series)
(31) Les études menées par Pew Internet & American Life Project and the Urban Libraries Council montrent que le pourcentage d’adultes américains qui utilise Internet a augmenté de 40 % à 75 % entre 1998 et la fin de 2007. BRIDGEWATER, Rachel, COLE, Meryl B. op. cit. p. 17
(32) « Moving the reference desk out to the Internet places the librarian where clients are : amid the chaotic information landscape, a far better place to be as a bridge to quality information ». LIPOW, Anne Grodzins. The virtual reference librarian’s handbook. New York : Neal-Schuman, 2003. p. 8
(33) MEOLA, Marc, STORMONT, Sam. Starting and operating live virtual reference services : a how-to-do-it manual for librarians. New York : Neal-Schuman, 2002. P. 17-21. (A how-to-do-it manual for librarians)
(34) Culture Wok [en ligne]. http://www.culturewok.com/ (consulté le 16 août 2011)
(35) Babelio [en ligne]. http://www.babelio.com/ (consulté le 16 août 2011)
(36) Library Thing [en ligne]. http://www.librarything.com/ (consulté le 16 août 2011)
(37) Anobii [en ligne]. http://www.anobii.com/ (consulté le 16 août 2011)
(38) BENOIST, David, op. cit., p. 26
(39) ACCART, Jean-Philippe. Les services de référence : du présentiel au virtuel. Paris : Ed. du Cercle de la Librairie, 2008. p. 165. (Collection Bibliothèque)
(40) Short Keys [en ligne]. http://www.shortkeys.com/lite.htm (consulté le 16 août 2011)
(41) NGUYEN, Claire, op. cit., p. 60
(42) ZAGO, Doriana. Il reference digitale in biblioteca. Bibliotime [en ligne]. 2007, anno 10, no 3, http://didattica.spbo.unibo.it/bibliotime/num-x-3/zago.htm (consulté le 29 novembre 2010)
(43) Meebo [en ligne]. http://www.meebo.com/ (consulté le 16 août 2011)
(44) Trillian [en ligne]. http://www.trillian.im/ (consulté le 16 août 2011)
(45) La plateforme paramétrable Libraryh3lp propose des fonctionnalités additionnelles adaptées aux besoins du SRV, tels que : création et gestion des files d’attente, envoi de fichiers, transfert des questions entre opérateurs, passerelle SMS etc. TARDIF, Hélène, op. cit., p. 103
(46) KERN, op. cit., p. 79
(47) Ibid., p. 78
(48) INTERNATIONAL FEDERATION OF LIBRARY ASSOCIATIONS AND INSTITUTIONS. Lignes directrices de l’IFLA en matière de référence numérique. In : Iflanet [en ligne]. 2006. http://archive.ifla.org/VII/s36/pubs/drg03-f.htm (consulté le 16 août 2011)
(49) Exemple tiré de l’archive des questions/réponses de la BPI [en ligne]. http://www.questionpoint.org/crs/servlet/org.oclc.ask.AskPatronFetchQA;jsessionid=38938CB9F149033B528BB0CE7B02F33E?qid=188583&listpos=2&qphost=qpap04pxdu.prod.oclc.org& (consulté le 16 août 2011)
(50) BENEDETTI, Fabrizia. Il reference digitale nelle biblioteche pubbliche : l’esperienza di Salaborsa. Bibliotime [en ligne]. 2006, anno 9, no 2. http://didattica.spbo.unibo.it/bibliotime/num-ix-2/benedett.htm (consulté le 16 août 2011)
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Voyage à Londres 2008 : Retour d’expérience des étudiants de 2ème année
Ressi — 19 juillet 2010
Aymon Othenin Girard
Karine Pasquier, article rédigé sur la base des résumés des participants au voyage.
Photographies d'Estelle Beck
Résumé
En décembre 2008, les étudiant-e-s de deuxième année de la filière Information documentaire à la Haute école de gestion de Genève ont fait un voyage d’étude de deux jours à Londres. Il s’agissait de visiter la fameuse British Library, l’Idea Store de Whitechapel, une bibliothèque d’un genre inédit en Suisse, et de profiter du congrès Online Information 2008. Compte-rendu et impressions de voyage.
Voyage à Londres 2008 : Retour d’expérience des étudiants de 2ème année
Malgré un réveil aux aurores, nous sommes très enthousiasmé-e-s à l’idée de visiter enfin la bibliothèque nationale du Royaume-Uni, l’une des plus prestigieuses bibliothèques au monde. Arrivé-e-s sur le site de St Pancras, nous franchissons l’imposant portique d’entrée pour découvrir le bâtiment principal de la BL, dont la forme fait penser à un paquebot. Nous découvrirons que l’analogie n’est pas seulement esthétique. La BL est effectivement un immense navire de neuf étages (au-dessus du sol) dont toutes les caractéristiques sont impressionnantes : plus de 150 millions de références dans ses catalogues (dont 25 millions de livres), des milliers de visiteurs chaque jours, des trésors inestimables (notamment un original de la Magna Carta, les carnets de notes de Léonard de Vinci, les enregistrements originaux des Beatles), des documents de toutes les époques, sur divers supports(1) . Dans le hall d’entrée, nous remarquons deux choses inhabituelles dans un SID: un service d’adoption de livre, pour recueillir des dons en faveur de la conservation des documents, et une boutique de souvenirs. Au rez supérieur, la bibliothèque du roi Georges III, conservée dans une tour de verre, symbolise la vocation patrimoniale de la BL qui gère le dépôt légal national. La visite guidée commence par le bureau d’inscription des lecteurs, passage obligé pour avoir accès aux ressources de la bibliothèque. En effet, la BL se veut une bibliothèque de recherches approfondies. Ainsi, une carte de lecteur ne s’obtient qu’après un entretien avec un-e bibliothécaire, qui permet de déterminer si une recherche à la BL est utile. L’accès aux salles de lecture et la durée de la carte délivrée dépendent des besoins en matière de recherche. La visite se poursuit dans les entrailles du paquebot, à travers les dédales des innombrables couloirs. Nous découvrons le fonctionnement du système qui permet d’acheminer les documents demandés par les lecteurs, depuis leur lieu de stockage dans des magasins fermés jusqu’aux différentes salles de lecture. En effet, la plupart des documents ne sont pas en libre accès, à l’exception de quelques ouvrages de références. Notre guide nous explique ensuite le fonctionnement des salles de lecture : conditions strictes, par exemple concernant le matériel de travail autorisé, modalités de consultation des ouvrages, etc. La visite se termine dans une des salles d’exposition de la BL, la Sir John Ritblat Gallery où nous avons pu admirer quelques-uns des trésors de la BL, notamment de nombreux manuscrits magnifiquement enluminés. Une borne avec écran tactile permet de feuilleter des manuscrits numérisés, surprenant mariage entre documents anciens et technologies ultramodernes.
Notre deuxième visite nous amène à découvrir un « OVNI documentaire ». En effet, l’Idea Store n’est pas une bibliothèque comme les autres : la conception du service aux usagers y est particulièrement étendue. Ainsi, en plus des services habituels fournis par une bibliothèque publique, l’Idea Store est un lieu de formation offrant une large palette de cours (arts visuels, danse, langues, informatique, etc.). Ces formations sont conçues à la fois comme compléments aux recherches d’information et comme outils d’intégration sociale. En effet, les Idea Store sont situés dans des quartiers populaires, voire défavorisés, de Londres avec une population aux origines très diverses. Les usagers peuvent même y recevoir un soutien dans leurs démarches administratives. Tout est fait pour faciliter l’accès des utilisateurs au monde de l’information. Ainsi, la localisation des bâtiments dans des endroits facilement accessibles, à proximité de lieux très fréquentés comme les supermarchés. L’architecture elle-même se veut accueillante, le bâtiment ressemblant à un magasin et donne envie d’y entrer. Les horaires d’ouverture sont très étendus et flexibles. Les employés sont plutôt jeunes et de toutes nationalités, facilitant le contact avec les usagers. Les ressources documentaires sont disponibles dans toutes les langues des communautés étrangères vivant à Londres. Crèche, cafétéria, aménagement des espaces et mobilier en font un lieu très convivial. Au cours de la visite guidée, conduite par le directeur lui-même, nous découvrons tout cela avec émerveillement. Le dynamisme et l’enthousiasme du directeur des lieux achèvent de nous convaincre : nous sommes toutes et tous séduit-e-s par le concept de l’Idea Store !
Le lendemain, nous nous rendons à la 33ème édition du congrès Online Information 2008 (3). Le hall, qui ressemble fortement au salon du livre de Genève, fourmille de différents stands tenus par les grands acteurs du monde actuel de l’information : Proquest, Ebsco, Springer, Information today, Elsevier, Exalead, Google, et même Oracle.
Plus de 200 acteurs en information y présentent leurs nouveautés et leurs projets au public venu en nombre. Un public essentiellement formé de bibliothécaires, documentalistes, éditeurs, webmaster, spécialistes des nouvelles technologies ou du knowledge management, etc.
Nous avons la responsabilité de nous intéresser tout spécialement à deux stands spécifiques chacun. Nous nous dispersons donc entre les allées à la recherche de Dow Jones, Encyclopedia Britannica, Information World Review, Ingenta, Lexis Nexis, Special Libraries Association, etc. Que ces acteurs proposent des supports papiers ou informatiques, c’est avant tout la nouveauté qui les caractérisent.
Nous nous rendons mieux compte à quel point les acteurs de l’information modulent notre univers de travail. S’intéresser à leurs produits et leurs stratégies nous permet donc de mieux appréhender nos futures carrières. Nous en profitons également pour discuter avec les responsables des stands, ainsi qu’avec les visiteurs. Nous enrichissons donc à la fois notre anglais et nos carnets d’adresses professionnelles.
Nous devons également suivre des « masterclasses » d’une demi-heure environ, sur différents sujets d’actualité. Nous nous partageons les conférences sur les avantages des nouvelles technologies, comme le web 2.0, la compétitivité des ressources web gratuites face aux ressources payantes, les outils de visualisation permettant de valoriser l’information, ou encore les usages, opportunités et défauts des réseaux sociaux pour le monde de l’information, et celles qui s’intéressent au marketing en bibliothèques. Les nouvelles technologies sont spécialement mises en avant pour une meilleure gestion et valorisation de l’information.
C’est les bras chargés de documents et la tête pleine de nouveautés et d’information que nous partons du congrès pour rejoindre l’hôtel, avant de nous rendre à l’aéroport.
Ce fut un voyage d’étude éclectique et enrichissant. De la visite d’une institution prestigieuse à un congrès pour les professionnels de l’information, en passant par la visite d’un genre nouveau de « bibliothèque-centre de formation », nous avons pu découvrir des situations très variées et surtout nous familiariser avec les nouvelles tendances dans le domaine de l’information documentaire. Un tel voyage permet aussi de confronter nos connaissances acquises à la Haute école avec les réalités du monde de l’information en mutation permanente. Nous pouvons donc être reconnaissants à la HEG de nous avoir permis de faire ce voyage et souhaiter que ce genre d’expérience se renouvelle à l’avenir.
Article rédigé sur la base des résumés des participants au voyage
Photographies : Estelle Beck
ONLINE INFORMATION 2008
Your connection to the future of Information
02-04 décembre 2008
LONDON (United Kingdom)
http://www.online-information.co.uk/
5. Une sélection de stands
5.1. Elsevier - http://www.elsevier.com/
Cette année, Elsevier a lancé plusieurs nouveaux produits dont entre autres, un supplément à Scopus (http://info.scopus.com/), sa base de données de citations et d’extraits dans la littérature scientifique et les sources web de qualité, le Scopus h-index.
Ce nouvel outil permet de mesurer l’indice d’impact d’un auteur scientifique en fonction du nombre de fois où un de ses articles est cité.
Il fonctionne de la manière suivante : il considère le nombre d’articles publiés par une personne, le nombre d’articles publiés sur un certain nombre d’année, et le nombre de citations pour chaque papier. La moyenne de ces trois nombres donne le résultat de l’h-index.
Ces citations sont utiles pour l’évaluation de ces articles.
Elsevier nous a également présenté une de ses nouvelles créations : l’Engeneering Village (www.ei.org), une plateforme permettant de rechercher dans des banques de données spécialisées dans l’ingénierie.
Créée en 2008, cette plateforme s’est également affiliée à l’Institut Américain de Géologie pour proposer aux usagers le contenu de sa base de données. Pour compléter ces données, Google maps a fait un mash-up de ces données pour créer un unique résultat cartographié pour les chercheurs. Cela permet donc de rechercher des documents par lieux géographiques, ainsi que les aires géographiques affiliées à un sujet de recherche particulier.
Plus d’informations sont disponibles sur ce lien: www.engineeringvillage.com/georef.
5.2. Factiva - http://www.factiva.fr/fr/
Sur le stand de Factiva, nous avons découvert leur nouvel outil : Factiva Search 2.0, que nous avons pu tester. Cet outil, différent de la recherche traditionnelle (Factiva Intelligent Indexing), a l’avantage de proposer une interface simple et de prise en main facile.
Avec Factiva Search 2.0, il est possible de faire une recherche intuitive pour permettre d’aborder un sujet peu connu, puisqu’il regroupe son contenu en facettes et en diagrammes d’activités du domaine, et qu’il permet de filtrer à l’aide d’onglets le contenu officiel, provenant du web ainsi que les images et le multimédia.
Cet outil, très riche en fonctionnalités, est utile pour des non-professionnels de l’information, et permet d’ouvrir le contenu de Factiva à un plus large public.
Toutefois son appellation 2.0 peut susciter des interrogations puisque les internautes n’ont pas réellement accès au contenu, ne peuvent pas partager les informations, ni ajouter des commentaires.
5.3. Exalead – www.exalead.fr
Cette année, le moteur de recherche francophone Exalead a présenté quelques nouveautés comme le nouvel outil de recherche de célébrités Miiget (http://miiget.labs.exalead.com/), ou le Restminder, trouvant des restaurants partout dans le monde, avec les prix, l’emplacement et l’avis de la clientèle.
Nous ne retiendrons toutefois que le Wikifier (http://wikifier.labs.exalead.com/).
Cette application permet, en allant sur un site de notre choix, de faire ressortir les termes principaux de la page et d’y attribuer automatiquement des résumés tirés de sites tels que Wikipedia ou de l’Internet Movie Database.
En parcourant une page avec cet outil, il est donc possible d’avoir les biographies des personnes citées ou la présentation des lieux, ce qui évite de faire des recherches supplémentaires en parcourant tel ou tel site.
Il semble toutefois que ce site demande encore quelques améliorations, puisqu’il ne fonctionne qu’avec le navigateur Mozilla.
6. Les masterclasses
6.1. « Competitive Intelligence: can free Sources do the Biz? »
Karen Blakeman
Lors d’une conférence donnée par Karen Blakeman, les avantages et limites de la recherche d'informations financières avec des outils gratuits ont été abordés.
Beaucoup d'éléments sont disponibles gratuitement dès lors que la compagnie a un certain poids économique.
Dans le cas d'entreprises plus modestes, la consultation d’annuaires nationaux ou régionaux d'entreprises s’avérera nécessaire.
Pour les informations boursières, il faut savoir que les sources gratuites ont généralement un délai de 30 à 50 minutes de mise à jour par rapport à la bourse, il est donc impératif de s'abonner à un service payant dans certains cas. Pour résumer, les ressources gratuites proposent des statistiques générales alors que les outils payants sont en mesure de proposer des classements précis, des analyses de marché plus pointues et une meilleures vue d'ensemble sur les relations entre marques et maison-mère; les outils payants sont donc beaucoup plus performants lorsqu'il s'agit d'une recherche très spécifique.
Pendant sa présentation, l’auteure a présenté un grand nombre d’outils de recherche, dont le site http://www.free-research.com qui est un très moyen de débuter une recherche. Nous avons aussi vu le site http://www.researchwikis.com proposant une synthèse très complète sur la situation de nombreux marchés.
Elle souligne aussi l'utilité du site http://www.alacrawiki.com qui recense des ressources pour la recherche d'information. Pour retrouver des informations périmées, l'auteure rappelle l'existence du site http://www.archive.org et de sa « wayback machine » qui permet de faire une recherche sur les anciennes versions de sites Web.
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La présentation complète est disponible à cette adresse :
http://www.authorstream.com/Presentation/karenblakeman-117172-competitiv...
6.2. « An overview of social networking: uses, opportunities and pitfalls »
Arthur Weiss
Dans une conférence sur les réseaux sociaux, Arthur Weiss, manager pour la société AWARE, nous a présenté l’importance actuelle du web 2.0 et son apport pour les entreprises. M. Weiss a énuméré différents réseaux sociaux et leurs particularités : l’incontournable Facebook (www.facebook.com), mais également My Space (http://ch.myspace.com/), plus utilisé aux États-Unis, qui permet de retrouver des personnes et d’échanger des photos. Nous y avons également découvert Xing (http://www.xing.com/), un réseau ayant pour mission d’aider les entreprises à mieux communiquer.
D’autres réseaux, plus professionnels, comme Linkedln (http://www.linkedin.com/) proposent un accès à un grand nombre de profils et parcours professionnels d’employés et de cadres.
Ce nouveau moyen de communication, utilisé au départ uniquement à des fins de divertissement, entre peu à peu dans le monde professionnel pour améliorer la communication entre les entreprises et leurs clients, ou pour embaucher des nouveaux collaborateurs. Ces réseaux apportent l’opportunité de connaître les intérêts du public, ils deviennent alors un outil de marketing. L’outil peut être utilisé entre les entreprises à des fins de collaboration, de vente, de gestion etc.…
Dans le domaine du divertissement, les avantages sont évidents à savoir la communication, le partage et l’ouverture sociale tandis que les entreprises les envisagent dans un but d’utilité. Cependant, cette ouverture n’est pas sans risque: problème de protection des données personnelles, confidentialité, pérennité des informations…
Articles réalisés par les étudiants de 2ème année de la filière ID : Estelle Beck, Vanessa Bilvin, Alexandre Bourban, Marec Brunetti, Cristina Caron, Jean-Philippe Chassot, Nadia Chennaf, Christel Clerc, Martine Courvoisier, Sophie Detrey, Eva Dohrmann, Marylène Goulet, Jasmin Hügi, Nicolas Labat, Cédric Pella, Noémie Prod’Hom, Jean-Alfred Putallaz, Rossana Rattazzi, Nicole Scheurer, Sophie Schmutz, Sara Sincini, Cinthia Tagliaferri, Lucille Tissot, Angela Trummer, Maurizio Velletri
Coordonné par Aymon Othenin-Girard et Karine Pasquier
Photographies : Estelle Beck
Professeurs responsables du Voyage : Mme Ariane Rezzonico, Mme Hélène Madinier
7. Notes
(1) Voir la page Facts and Figures du site web de la British Library. URL : http://www.bl.uk/aboutus/quickinfo/facts/index.html (consulté le 17 mars 2009)
(2) http://www.ideastore.co.uk/ (page consultée le 21 avril 2009)
(3) http://www.online-information.co.uk/ (page consultée le 17 mars 2009)
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« Fontaines de connaissance » ou « musées du livre » ?... Les bibliothèques municipales selon leurs non-usagers
Ressi — 30 novembre 2007
Olivier Moeschler, OSPS Observatoire Science, Politique et Société, Université de Lausanne
Résumé
Dans toutes les grandes agglomérations, environ la moitié de la population, voire plus, ne fréquente pas les bibliothèques municipales. C’est notamment le cas à Genève, où une étude compréhensive a été menée sur les pratiques et les représentations des non-usagers de bibliothèques municipales, afin de mieux comprendre les logiques de non-fréquentation de ces établissements.
Mis à part le degré de notoriété des bibliothèques municipales ou le rapport des personnes au livre et à la lecture, ce sont les images positives et négatives associées aux bibliothèques et aux bibliothécaires qui s’avèrent être un obstacle important pour les non-usagers (qui sont souvent des ex-usagers) et qui les empêchent de réintégrer la fréquentation de ces établissements dans leurs habitudes.
L’étude, menée avec la collaboration d’une volée d’étudiants futurs bibliothécaires, procède à une radiographie sans fard de cet imaginaire qui n’échappe pas à certaines caricatures, tout en proposant des pistes pour transformer ces « ennemis symboliques » des bibliothèques en alliés et réinscrire ces établissements au cœur de la Cité.
Les bibliothèques municipales à Genève, ce sont 7 bibliothèques (espaces adultes et jeunesse), une médiathèque, un établissement dédié au sport, deux discothèques et un service de bibliobus (5 véhicules en tout), incluant un service à domicile et un service de prison, avec 190 collaborateurs au total. Pas moins de 620'000 documents sont disponibles en libre accès, et l’on dénombre 50'000 inscrits, 500'000 visites et 1'600'000 prêts annuels (7'600 prêts par jour) ainsi que 270 animations culturelles par an (1).
Toutefois, une partie considérable de la population genevoise – environ la moitié, selon un sondage récent – ne profite pas de cette offre impressionnante (2). Pourquoi ces personnes ne fréquentent-elles pas les bibliothèques municipales ? Comment devient-on un non-usager de bibliothèques ? Et qu’est-ce qui pourrait faire (re-)venir ces personnes dans ces établissements ?
Pour répondre à ces questions, une étude exploratoire a été menée par le soussigné, dans le cadre du cours « Sociologie des publics » qu’il dispense à la HEG Haute école de gestion, Filière information documentaire, en collaboration avec la Cellule étude et projets du Service des bibliothèques et des discothèques municipales, au Département des affaires culturelles de la Ville de Genève. Elle s’inscrivait dans le « Projet accueil » mené par la Cellule, dont le but est l’élaboration d’une nouvelle stratégie d’accueil – et notamment d’une Charte d’accueil – au sein des bibliothèques municipales à Genève (3). Cette démarche, inédite dans la Cité de Calvin, se base sur les résultats de trois enquêtes :
- dans un premier temps, une investigation a été menée à l’interne, auprès des équipes des différentes bibliothèques municipales à Genève. Celles-ci ont été priées de remplir un questionnaire portant sur des thèmes tels que les valeurs fondatrices, les missions et les satisfactions du métier de bibliothécaire, les compétences mobilisées, l’accueil des usagers ou encore la fonction des bibliothèques. Les conclusions de cette première enquête ont servi de base à la rédaction d’une première version de la Charte ;
- dans un deuxième temps, deux enquêtes « externes » ont eu lieu, respectivement auprès des usagers et des non-usagers des bibliothèques municipales genevoises. Ces deux études ont été menées par des professeurs de la HEG, dont le soussigné, dans le cadre de travaux pratiques d’étudiants de la Filière information documentaire. Les résultats de ces deux enquêtes ont également eu une influence sur la Charte d’accueil puisqu’ils ont été diffusés au sein des établissements au moment de la consultation interne de la première mouture de cette dernière.
Cette contribution présente les résultats issus de l’un des deux volets de l’enquête externe, portant sur les non-usagers des bibliothèques municipales à Genève. Car, si elle s’inscrit dans le contexte d’une démarche spécifique et locale, cette étude voudrait également contribuer, au-delà des frontières genevoises, à combler une lacune concernant une population assez peu connue et difficile à étudier.
On sait à travers les statistiques nationales que la majorité de la population ne fréquente pas, loin s’en faut, les bibliothèques : en France, selon la dernière édition des Pratiques culturelles des Français, en 1997, pas moins de 69% – ou sept personnes sur dix de la population française de 15 ans et plus – n’avaient pas fréquenté, dans les douze mois, de bibliothèque ou médiathèque. Cette étude nous rappelle que la fréquentation de ces établissements est directement liée à l’âge (seul un peu plus d’un tiers des 15-19 ans n’a pas fréquenté d’établissement dans les douze mois, contre 85% des 65 ans et plus), mais aussi à la catégorie socioprofessionnelle des personnes concernées : en effet, les cadres, les professions intellectuelles supérieures et les professions intermédiaires ont bien plus de chances de fréquenter une bibliothèque ou médiathèque que des ouvriers, des employés, des artisans ou encore des agriculteurs (Donnat, 1998 : 241-244) (4). De plus, cette étude révèle que si la part d’usagers a augmenté entre 1989 et 1997 en France (de 23% à 31%), ces chiffres portent en fait, on l’a dit, sur les « bibliothèques et médiathèques » ; surtout, la part d’usagers non-inscrits a augmenté elle aussi entre ces deux années, et ce plus fortement, suggérant une utilisation de plus en plus variée – pas forcément liée au prêt de supports – de ces établissements, une tendance à la diversification des usages par ailleurs confirmée récemment par une enquête du CREDOC (Maresca, 2006) (5). Les usagers des bibliothèques municipales sont par ailleurs assez bien connues : une étude menée il y a quelques années à l’échelle nationale en France en a décrit dans le détail les caractéristiques, les habitudes et les opinions (Bertrand et al., 2001).
Mais peu de choses sont connues au sujet d’une population qui, par définition, est moins facile à cerner, pour la simple raison que, précisément, elle ne se trouve pas entre les murs des établissements qu’elle ne fréquente pas, et où il aurait été aisé de les interroger. Pourtant, lors d’un colloque de sociologues de la réception tenu il y a quelques années et dont les actes viennent de paraître, l’importance de l’étude des « non-publics de l’art » – le pluriel est, on le verra, important – a été réaffirmée (Ancel et Pessin, 2004). Pour le domaine des bibliothèques, un spécialiste des publics a récemment relevé un manque de connaissances en la matière : selon cet auteur, il « serait intéressant de pouvoir disposer de travaux compréhensifs auprès des non-usagers, de façon à mieux connaître cette population et la manière dont elle perçoit l’offre des bibliothèques » (Poissenot, 2002 : 20). La présente étude s’inscrit dans la droite ligne de cette exigence de plus d’analyses qualitatives, à l’image de l’enquête du CREDOC déjà citée, menée en 2005 également auprès de focus groups.
Réalisée à Genève dans le cadre d’un travail pratique d’étudiants de première année en Information documentaire – de futurs bibliothécaires donc – à la HEG, l’étude dont on rend compte ici ne peut bien sûr remplacer une démarche qui nécessiterait, pour produire des résultats tant soit peu représentatifs, des moyens autrement plus importants. Mais elle peut fournir quelques premiers éléments de réponses aux questions posées et, partant, des pistes pour des recherches plus systématiques à entreprendre à l’avenir, à Genève ou dans d’autres agglomérations urbaines.
Comment interroger des non-usagers de bibliothèques municipales, où les trouver ? En accord avec la Cellule étude et projets, mais aussi en relation avec les possibilités données, on a opté pour une approche relativement ouverte et exploratoire : le but de cette enquête menée « hors les murs » était moins de récolter un grand nombre d’informations quantifiables sur les non-usagers que d’être à l’écoute ce ces derniers, de recueillir leur parole. La méthode choisie était donc résolument qualitative et compréhensive : c’est moins la représentativité que l’on cherchait à obtenir qu’une variété de témoignages. Ceci afin de décrire, dans le détail, les craintes et les freins, mais aussi les attentes et les désirs des non-usagers en matière de bibliothèques, et plus généralement de comprendre plus précisément les raisons de leur non-fréquentation ce ces établissements.
Un bref questionnaire-grille d’entretien a été élaboré en collaboration avec la Cellule ainsi que suite à un brainstorming des étudiants concernés, qui se sont montrés enthousiastes à l’idée d’interroger cette population à la fois peu connue et potentiellement centrale dans leur future pratique de bibliothécaires. Outre la problématique générale de la démocratisation culturelle et l’inégalité de l’accès aux lieux de culture, les thématiques et aspects suivants nous ont intéressés :
- la question de l’accueil était au centre des interrogations : les personnes ont-elles eu par la passé des (mauvaises) expériences avec l’accueil dans les établissements ?
- Plus généralement, il s’agissait de décrire les pratiques – il faudrait dire non-pratiques dans ce cas – et les représentations des individus en matière de bibliothèques : pour quelles raisons ne fréquentent-ils pas, ou plus, ces établissements ? Pourquoi n’ont-ils pas le « réflexe bibliothèque » ? Comment les personnes perçoivent-elles les bibliothèques et les bibliothécaires ? Quelle est la fonction, quels sont les avantages ou les désavantages de ces établissements à leurs yeux ?
- Au sein des répondants, on a tenu à pouvoir distinguer les non-usagers « absolus » du groupe un peu particulier des ex-usagers : en effet, les professionnels se rendent compte que, venu un certain âge, bon nombre de personnes, pourtant inscrites en bibliothèque, cessent de les fréquenter.
- On a également travaillé dans l’optique de ce qu’on appelle le « deficit model », postulant une méconnaissance de l’offre, voire de l’existence même des bibliothèques municipales : quel est leur degré de notoriété dans le quartier, et des autres bibliothèques municipales genevoises ? Les personnes connaissent-elles l’éventail de supports qui leur est proposé dans ces établissements ?
- La question des loisirs médiatiques en général des personnes nous a également intéressés ; parmi les différents supports utilisés (médias, DVD, Internet…), la question de la lecture, mais aussi du rapport à l’objet « livre », nous a particulièrement occupés : comment les personnes se procurent-elles des livres, si elles ne les empruntent pas ? Trouvent-elles important de posséder un ouvrage et pourquoi ?
- Le thème des enfants – de la non-fréquentation des bibliothèques par des parents de jeunes enfants – a aussi été considéré.
- On s’est enfin intéressé en outre à l’usage potentiel des établissements : que devrait proposer une bibliothèque selon les non-usagers, qu’est-ce qui pourrait éventuellement les faire (re-)venir en bibliothèque ?
- Les questions de profil portaient sur le sexe, l’âge, la formation, la profession, la langue, la nationalité, le domicile et les raisons de la présence dans le quartier.
Au final, le questionnaire comportait une vingtaine de questions, très souvent ouvertes, ainsi que les questions sociodémographiques. Le lecteur intéressé le trouvera annexé à ce texte.
Adaptée aux possibilités en termes de temps (l’ensemble de l’enquête devait se faire sur un semestre) et de personnel disponible (les deux classes concernées comptaient une quarantaine d’étudiants, répartis en groupes), la démarche choisie impliquait que l’on découpe la ville en une douzaine de zones, correspondant en gros aux bibliothèques et discothèques municipales existantes (plus un quartier sans bibliothèque, comme « groupe de contrôle », et un groupe s’occupant des quartiers traversés par le bibliobus), dans lesquels des « micro-échantillons » de la population étaient à interroger (6).
Dans chacune des ces zones, une vingtaine d’individus environ ont été interviewés par les étudiants (5 répondants par enquêteur) en avril et mai 2006 ; ces derniers avaient reçu l’instruction de choisir les personnes de manière aussi aléatoire que possible, tout en veillant au mieux à l’équilibre de leur échantillon de quartier (notamment en termes de sexe, d’âge et de nationalité) (7). Des tris effectués sur des données obtenues auprès de l’Office cantonal de la statistique genevois avaient permis d’avoir une image globale de la population des quartiers concernés en termes d’âge et de nationalité, ce qui pouvait servir de repère aux étudiants dans leurs enquêtes. Toute personne de 15 ans ou plus entrait en ligne de compte pour l’interrogation, pour autant bien sûr qu’elle réponde par la négative à la première question : celle de savoir si elle avait fréquenté une bibliothèque municipale genevoise dans les douze derniers mois (8). Il ne s’agit donc pas forcément d’échantillons d’habitants des quartiers concernés : en effet, vu la mobilité des personnes à l’intérieur d’une ville et la possibilité qui en découle de s’inscrire et d’emprunter dans des établissements se situant ailleurs que dans son quartier d’habitation, on a renoncé à se limiter aux seules personnes domiciliées dans la zone en question. Les échantillons concernent donc des personnes qui habitent, travaillent, font leurs courses, se promènent ou qui se trouvent pour quelque autre raison que ce soit dans les espaces publics (rues, places) du quartier concerné aux heures de pointe, à savoir à midi ou en fin d’après-midi, un jour de semaine (et c’est dans ce sens que l’on parlera dans la suite de « leur » quartier) ) (9).
Les données recueillies dans les quartiers ont fait l’objet d’un double travail de la part des étudiants. Dans un premier temps, des portraits individuels ont été réalisés pour chacune des personnes interrogées : rédigés à partir de prénoms fictifs selon des directives uniformes, le but de ces petits textes (d’une demi page environ) était de transformer en un récit et, par là, de rendre lisibles et communicables les informations récoltées au cours du mini-entretien conduit (10). Cette opération impliquait donc une mise en ordre et, déjà, un premier choix parmi les réponses des individus ; avec notamment la question de savoir quelles réponses ouvertes – jugées particulièrement révélatrices, originales, drôles ou inquiétantes – inclure comme citation dans le portrait. Puis, dans un deuxième temps, chaque groupe d’étudiants a rédigé une synthèse des réponses de son quartier, sur la base de la mise en commun et confrontation des informations recueillies par chaque membre du groupe.
Les chapitres qui suivent présentent d’une certaine manière la « synthèse des synthèses », ou un résumé des synthèses d’étudiants et des principales tendances qui se dégagent du kaléidoscope d’informations et de témoignages aussi riches que parfois inattendus recueillis auprès des non-usagers de bibliothèques municipales dans les différents quartiers de Genève. Le rapport final complet est disponible auprès de l’auteur.
La première image qui se dégage des données récoltées est celle d’une grande hétérogénéité : à lire la douzaine de synthèses de quartier et les quelque 200 portraits confectionnés par les étudiants, « le » non-usager de bibliothèques municipales – au sens d’un individu au profil typé – n’existe pas !
Sans doute qu’une analyse statistique révélerait, au sein de l’échantillon des personnes interrogées, une surreprésentation de certains groupes (socialement défavorisés) et une sous-représentation d’autres (les catégories socioprofessionnelles supérieures, dont on a dit qu’elles ont plus de chances de fréquenter les bibliothèques). Mais les réponses récoltées montrent surtout que dans tous les milieux sociaux, toutes les professions, toutes les nationalités et tous les âges, les individus ont de « bonnes » raisons – ou pensent du moins en avoir – de ne pas fréquenter les bibliothèques municipales. A l’image des pratiques culturelles elles-mêmes, très éclectiques et individualisées (Donnat, 1994 ; Lahire, 2004), le non-public des bibliothèques est, en définitive, pluriel, la non-utilisation de ces établissements prenant des formes multiples.
Le profil des personnes interrogées est donc, par définition, très hétérogène ; de fait, tout le monde peut être, ou devenir, un non-usager de bibliothèques municipales. Un des groupes d’étudiants a décrit l’échantillon très bigarré des personnes abordées comme suit : « trois étudiants, dont un qui travaille à 40% à côté de ses études, un cameraman, une femme qui travaille dans le domaine social, un ‘SDF en plus sain’, une esthéticienne, un cuisinier, un éducateur, une commerçante, un garagiste, une nettoyeuse, un rédacteur, une employée de commerce et une retraitée ». Mais dans les échantillons de certains quartiers, des tendances sont perceptibles, notamment en termes de nationalité – au moins autant en lien avec la composition de la population du quartier qu’avec des tendances concernant la population globale des non-usagers. Ainsi, dans le quartier de la Servette, l’échantillon interrogé était, selon les étudiants, « principalement de nationalité suisse » ; aux Pâquis par contre, quartier où, selon les statistiques disponibles, les personnes de nationalité étrangère sont majoritaires, les étudiants n’ont rencontré que trois Suisses sur 15 répondants, et ont décrit ce quartier comme « extrêmement cosmopolite » ; un multiculturalisme qui constitue à ne pas en douter un défi pour les bibliothèques, sur lequel nous reviendrons par la suite.
Autre tendance qui se dégage : les raisons pour ne pas, ou plus, fréquenter de bibliothèques municipales sont nombreuses et variées ; elles ne sont en aucun cas réductibles à la question de l’accueil. En effet, en règle générale, l’accueil dans les établissements ne constitue, selon les souvenirs des non-usagers (qui sont très souvent, c’est un autre résultat de cette étude, des ex-usagers), pas un problème, l’accueil étant même en majorité loué comme ayant été très bon (rappelons que les étudiants avaient reçu l’instruction de ne pas mentionner le fait qu’ils allaient eux-mêmes devenir des bibliothécaires). Seule une petite minorité de répondants avait un mauvais souvenir de l’accueil en bibliothèques, le décrivant comme « froid », « peu sympathique », « trop scolaire » ou encore ressemblant à « une corvée ». Pour le reste – et à l’image de cet étudiant guinéen à Genève de 24 ans qui décrit l’accueil dans les établissements comme « génial » –, la grande majorité des personnes interrogées ne critique pas l’accueil de la part des professionnels. Le problème est donc ailleurs.
Les raisons pour ne pas ou plus fréquenter les bibliothèques municipales qui sont le plus souvent invoquées par les non- (ou ex-) usagers sont le manque de temps, la pratique d’autres activités (le sport a plusieurs fois été mentionné), mais aussi le fait d’avoir terminé sa formation et de ne plus avoir besoin de s’y rendre, le manque d’intérêt pour la lecture mais aussi très souvent, on y reviendra, le fait de préférer posséder les livres. A noter que la question du « temps » possède deux dimensions : outre celui qui manque aux personnes, il renvoie aussi au problème, souvent relevé par les répondants, des horaires des bibliothèques, qui peuvent se superposer avec les horaires de travail des personnes, rendant matériellement difficile pour ces dernières le fait de se rendre en bibliothèque.
Un certain nombre de non-usagers font référence plutôt aux bibliothèques elles-mêmes pour justifier leur non fréquentation – on y reviendra quand il s’agira de l’image des établissements : on les trouve trop silencieux, fermés, ou dotés d’une classification des livres trop difficile à comprendre. L’éloignement du domicile est aussi évoqué, de manière intéressante par les extrêmes en termes d’âge: les personnes âgées, souvent à mobilité réduite, et les plus jeunes, qui voudraient pouvoir commander ou, au moins, choisir les ouvrages depuis chez eux, par Internet. L’argument d’un possible manque d’hygiène de livres en circulation permanente n’a été entendu qu’une fois au cours de l’enquête.
Mais en définitive, c’est en général un ensemble de facteurs, lié à un style de vie, aux habitudes de tous les jours, qui fait que l’on arrête de fréquenter les bibliothèques. Comme écrit un des groupes d’étudiants, « la plupart des personnes qui ne vont plus en bibliothèque municipale ont eu un changement dans leur vie qui fait qu’elles n’ont soit plus le temps de s’y rendre, soit qu’elles préfèrent avoir leur propre collection de livres ». Ce « changement » est, souvent, l’entrée dans la vie professionnelle : un certain nombre de répondants ont d’ailleurs explicitement renvoyé au fait qu’ils n’avaient « plus besoin » d’aller en bibliothèque, parce qu’ils ne sont plus en formation et/ou parce qu’à présent, ils disposent de moyens suffisants pour s’acheter des livres.
Un point mérite d’être relevé ici : le manque de livres dans sa langue est également souvent évoqué, par définition principalement par les personnes de nationalité étrangère mais qui représentent, on l’a dit, une proportion importante de la population, jusqu’à être majoritaire dans certains quartiers. Ici, le problème de « Culture » souvent relevé concernant les bibliothèques – au sens de la culture légitime ou classique qu’elles représentent – se cumule avec un problème de « culture », au sens anthropologique du terme cette fois : le fait qu’une partie de la population ne parle pas (encore), ou pas assez bien, la langue de la grande majorité du fonds des bibliothèques, constitue sans nul doute l’un des grands défis qui se pose aux bibliothèques, à une époque où les migrations et le brassage des populations ne cessent d’augmenter.
Autre élément important, le degré de notoriété des bibliothèques municipales genevoises et de leur emplacement. En règle générale, environ la moitié des non-usagers interrogés par les différents groupes ne savent pas qu’il y a une bibliothèque municipale dans leur quartier ; l’autre moitié en connaît le nom, mais pas toujours l’emplacement. De fait, passé la Bibliothèque de la Cité, la plus grande et la plus centrale, assez largement connue, les bibliothèques municipales genevoises ne sont pas très familières de la population et/ou ne sont pas identifiées comme telles (on peut citer le cas, étonnant, de cet écrivain et député local interrogé qui, habitant la Jonction, ne savait vraisemblablement pas que s’y trouvait une bibliothèque, et ne peut que citer l’« établissement de la Madeleine » comme bibliothèque municipale). C’est davantage le cas dans certains quartiers : ainsi, à Vieusseux, sur les vingt personnes interrogées, aucune ne connaissait la discothèque du quartier, sauf une qui en avait entendu parler mais qui n’en connaissait pas l’emplacement. Cela dépend aussi du type d’établissement : une bibliothèque spécialisée comme celle des sports, qui est de plus excentrée, est quasi inconnue: seule une personne sur les dix interrogées dans ce secteur en avait entendu parler ! Cette dernière est d’ailleurs quasi introuvable aussi : le chemin pour atteindre cet établissement, situé au milieu d’un parc somptueux, n’est, semblerait-il, signalé par aucun panneau (si bien que l’une des personnes croisées par les étudiants dans le parc cherchait la Bibliothèque des sports depuis plus d’une heure, en vain !). Le problème semble toutefois général : les étudiants ont eux-mêmes souvent constaté la situation cachée et/ou mal signalée de certains établissements (comme à la Servette, où la bibliothèque est, selon leurs témoignages, un peu en retrait, dans un bâtiment discret et à peine signalé ; la Discothèque de Vieusseux, non signalée et avec une entrée peu claire, serait presque introuvable ; la Bibliothèque des Pâquis est difficile à identifier car proche d’un bâtiment scolaire, avec lequel elle se confond ; de fait, même la Bibliothèque de la Cité, invisible depuis les rues commerçantes, est difficile à trouver pour un néophyte). D’autres bâtiments sont visibles mais souffrent d’un entretien négligé (c’est le cas de la Bibliothèque des Minoteries, dont l’extérieur défraîchi ne semble correspondre en rien à l’intérieur). Quant au bibliobus, il semblerait qu’il soit – peut-être aussi par sa localisation et ses horaires variables – très peu connu: par exemple, à Champel, seule une personne sur quinze savait que le quartier est desservi par ce bus. Bref, en termes de signalisation et de visibilité – au sens tout à fait premier du terme – des bibliothèques municipales, il y aurait sans doute, déjà, des choses à faire ; ou, comme conclu un groupe d’étudiants : « il est temps que les bibliothèques municipales se fassent connaître ! ».
Notons enfin aussi dans ce contexte que l’offre des bibliothèques est souvent mal connue des non-usagers de ces établissements. Si certains non-usagers pensent que les bibliothèques ne renferment que des ouvrages documentaires, pour ce qui est des livres, la multiplicité des titres disponibles et des domaines représentés semble grosso modo connue (comme de cette étudiante en ostéopathie, qui décrit le contenu d’une bibliothèque comme suit : « encyclopédies, romans, autobiographies, médecine, histoire, biologie, manuels, philosophie, poésie, etc. »). Mais souvent, on en reste aux livres, les services plus récents – disques, DVD, Internet – étant souvent mal, voire pas du tout connus (notamment dans certains quartiers ; ainsi, sur la vingtaine de personnes interrogées à Vieusseux, seules quatre connaissaient l’offre audiovisuelle des bibliothèques municipales). A noter aussi que le concept même de « discothèque » était inconnu d’une partie des répondants. Pourtant, les personnes interrogées utilisent la plupart de ces supports à domicile, certes moins pour les plus âgéees ; comme le dit ce groupe d’étudiants, « on remarque que les gens utilisent beaucoup les moyens de culture mis à leur disposition mais ne savent pas forcément que tous ces documents sont dorénavant disponibles dans la plupart des bibliothèques ».
Parmi les grandes tendances qui se dégagent des résultats, il y a la question des représentations des non-usagers en matière de bibliothèques. Tout d’abord la fonction des bibliothèques en général ; elle est le plus souvent décrite comme fondamentale, centrale : les bibliothèques sont là pour rendre la culture ou le savoir accessibles à tous (on parle également d’instruire ; quelqu’un a même dit « cultiver les gens »), et ce gratuitement ou à moindre frais, et donc indépendamment du niveau social des individus. Avec quelques belles images ou slogans à la clé : la bibliothèque a pu être appelée une « fontaine de connaissances » ; quelqu’un d’autre la décrit tout entière comme « un ouvrage de référence » ; de manière plus ambivalente, un répondant a parlé d’un « musée du livre », renvoyant certes à quelque chose de précieux, mais aussi de figé, de passé, voire d’inaccessible. L’aspect « historique » ou de conservation est par ailleurs également mentionné par certains. Une fonction élargie est évoquée quand il est question pour la bibliothèque d’« offrir des loisirs » voire du « divertissement ». Parfois, c’est à un rôle civilisateur plus général que l’on pense : la bibliothèque est alors décrite comme un lieu sans violence, qui vient en aide aux personnes.
La fonction sociale ou de sociabilité de ces établissements est également perçue par certains non-usagers : quand il s’agit de décrire les avantages des bibliothèques, elles sont décrites comme « espace de rencontres ». Le calme, propice au travail et à l’étude, voire simplement le fait d’avoir un moment pour soi, sont également relevés comme positifs ; comme aussi le fait de trouver les livres qui ne sont plus dans le commerce, de pouvoir feuilleter un livre avant de l’acheter en magasin, ou encore tout simplement de « trouver tous les livres qu’on veut » (quelqu’un a dit : « livres pour chacun, culture pour tous »). Un endroit plein d’avantages en somme : un répondant pense même qu’« il n’y a pas de désavantages, et c’est ça l’avantage ». A noter que parmi les personnes interrogées, les personnes de nationalité étrangère avaient souvent une meilleure image, une plus haute estime des bibliothèques que les Suisses.
Car un certain nombre de désavantages des bibliothèques sont également relevés par les répondants, qui ne sont souvent d’ailleurs que le pendant des avantages cités – ce qui rend bien sûr la tâche difficile pour toute personne qui voudrait les éliminer ! Outre les délais, les contraintes, l’attente à l’accueil ou le fait de devoir se déplacer, on critique – alors que le côté historique est relevé comme important – le fait que les nouveautés et/ou les best-sellers ne soient pas disponibles, ainsi que le choix restreint ou alors parfois à l’inverse le manque de livres dans un domaine très pointu. L’ambiance studieuse, silencieuse dérange certains – par exemple cet employé de commerce, qui dit : « les bibliothèques, c’est ‘mort’ pour moi » (quelqu’un d’autre parle d’une « ambiance de vieux ») ; on estime qu’il y a trop peu de monde, un manque d’animation, ou à l’inverse qu’il y aurait parfois foule. On se réjouit de la gratuité mais quelqu’un a fustigé les coûts des bibliothèques pour la collectivité. Si l’offre abondante a été louée, la classification et la difficulté à la comprendre sont plusieurs fois évoquées comme désavantages. Très souvent, on y reviendra, c’est l’impossibilité de garder les livres qui est regrettée.
Le premier mot qui vient à l’esprit des non-usagers en pensant aux bibliothèques reflète les aspects – ceux positifs comme ceux négatifs – évoqués : la grande majorité des personnes pense, bien sûr, à « livre » (mais nous interrogerons ce lien qui semble naturel dans la suite de cette contribution), parfois aussi à « lire », « lecture », ou encore à « bouquin » (une personne a pensé à « journaux »). Mais les répondants renvoient aussi à « silence », « renfermement », « institution », voire « vieillot », « pénible », « obligation », « chercher », « rapporter » ; un retraité, ancien gestionnaire de banques, pense d’emblée aux quatre mots suivants en songeant aux bibliothèques : « obligations, délais, chercher, rapporter » ! On pense enfin également à des mots tels que « connaissance », « savoir », « recherche », « culture » ou encore « histoire ».
Un autre élément important ici est la question de l’image des bibliothécaires auprès des non-usagers. Cette image s’avère « mitigée », selon le mot de l’un des groupes d’étudiants. Assez étonnamment si l’on songe au fait qu’il s’agit de personnes qui ne fréquentent pas, présentement, de bibliothèques, la grande majorité des enquêtés produit sans difficultés une image des bibliothécaires, sans doute un doux mélange de souvenirs d’enfance et de stéréotypes véhiculés par les films (cf. Chaintreau et Lemaître, 1993). L’image de la profession – ou des personnes qui l’exercent – qui se dégage des réponses oscille, comme peut-être le livre lui-même (qualifié par un enquêté de « loisir rigide »), du plus positif au plus négatif. Premier constat : dans la quasi totalité des cas, c’est sous les traits d’une femme qu’on imagine un – ou en l’occurrence une – bibliothécaire ; comme s’étonne ce groupe d’étudiants : « à entendre les gens, on a l’impression qu’il n’y a que des femmes dans le domaine bibliothécaire ». D’une certaine manière, tant la bonne que la mauvaise image dont jouissent les bibliothécaires est alors liée aux ambivalences des caractéristiques associées à la femme en général. Les qualificatifs positifs ne manquent pourtant pas : les bibliothécaires sont sérieuses, cultivées, avides de savoir, intellectuelles, lisent beaucoup et inspirent le respect ; elles sont sympathiques ou, du moins, attentives, serviables, disponibles ; elles ont également été décrites comme « modernes », « jolies filles »... Ne craignant pas les clichés, certains ont aussi parlé de « rats de bibliothèques », voire de « petites souris méticuleuses et méthodiques ». Les bibliothécaires sont « des personnes à la fois passionnantes et passionnées », estime quant à elle une enquêtée.
Mais, parmi les non-usagers interrogés, ce sont bien les qualificatifs négatifs qui prévalent. Dans les portraits, on ne compte pas les adjectifs tels que « sévère », « austère », « stricte », « vieux et poussiéreux », et des expressions telles que « vieilles femmes à lunettes », « femmes âgées, maigres et avec chignon très serré » (le chignon et les lunettes étant des éléments récurrents dans cette imagerie), ou encore « vieilles filles à tendance religieuse » voire « frileuses, cul-serré, enveloppées dans de grosses jaquettes »… A en croire les répondants, les bibliothécaires seraient toutes des « psychotiques du rangement », des « femmes n’ayant rien réussi dans leur vie », « frustrées par la vraie vie » qui « sont trop dans leurs livres » ! Des enquêtés ont raconté leur sentiment d’être en permanence surveillés par les bibliothécaires, certains disent même pour toute réponse : « chut ! ». Bref, on ne peut que suivre cette répondante qui, conseillère en image de profession, pense que les bibliothécaires souffrent d’« une image un peu vieillotte qu’il faudrait dynamiser ».
Un autre grand thème qui se dégage des résultats est le rapport à la lecture. On constate tout d’abord qu’une grande partie des non-usagers lit, même si les livres lus sont souvent peu nombreux et le sont prioritairement pour le travail. De fait, rares sont ceux qui admettent ouvertement ne pas lire, ou ne pas aimer le faire – comme cette jeune étudiante interrogée, qui déclare haut et fort : « lire, ça m’gave ! ». Dans la grande majorité des cas, ne pas aller en bibliothèque ne veut nullement dire ne pas lire : comme l’ont constaté les étudiants, « malgré le fait que les gens lisent beaucoup, cela ne fait pourtant pas d’eux de grands utilisateurs de bibliothèques municipales ». En majorité, les personnes qui lisent achètent leurs livres ; certains pratiquent l’échange en famille, vont au marché aux puces voire, plus rarement, les récupèrent dans la rue. La grande majorité des personnes trouve en effet – même quand elles ne lisent pas – qu’il est important de posséder ses livres. Posséder un livre donne une certaine liberté : on peut le relire, s’y replonger quand on veut (« quand on possède un livre on peut le lire pendant 100 ans et on n’est pas limité dans le temps comme c’est le cas lorsqu’on l’emprunte à la bibliothèque », a dit quelqu’un) ; on peut aussi le prêter, l’user, écrire dedans ; on l’a toujours à disposition : c’est, dans les mots des étudiants, un peu « le savoir à portée de main ».
Un grand nombre de réponses renvoient moins à la lecture qu’au rapport au livre comme objet, qui semble plus important pour les personnes que ce que l’on pouvait imaginer. Certains enquêtés évoquent l’importance des livres comme une sorte de culture accumulée : un répondant a désigné les ouvrages chez soi comme de la « culture indestructible », quelqu’un d’autre parle de « pérennité », on parle de se constituer un « patrimoine » ; les étudiants ont même rencontré quelqu’un qui, affirmant posséder près de 5'000 ouvrages à son domicile, pourrait presque prétendre rivaliser avec une petite bibliothèque publique ! Un groupe d’étudiants a rencontré une personne qu’ils qualifient de « bibliophile » puisqu’elle « aime simplement posséder des livres », d’autres enquêtés évoquant l’importance de pouvoir avoir chez soi les livres que l’on a aimés. Certains parlent de « l’attachement » aux livres (« on s’y attache », dit un retraité) et de la « relation particulière » qu’ils entretiennent à l’objet « livre » – ce qu’un groupe d’étudiants a appelé un « instinct de thésaurisation » (une enquêtée parle d’ailleurs de ses « trésors » en parlant de ses livres ; une autre dit : « j’aime avoir mes livres dans une armoire mais pas les lire »). Nombreux sont par ailleurs les témoignages qui évoquent l’importance de posséder des livres chez soi pour « décorer son appartement », « impressionner ses invités » ou, simplement, pour « faire joli ». Cet attachement au livre comme objet – que l’on aime et/ou que l’on montre – constitue bien sûr un véritable casse-tête pour les bibliothèques, lieu où la possession des ouvrages est par définition impossible, ou seulement éphémère.
Enfin, une dernière question à laquelle on a cherché à répondre est celle de l’offre qu’une bibliothèque devrait proposer aux yeux des non-usagers, et qui pourrait, peut-être, les faire (re-)venir dans ces établissements. Comme le remarquent des étudiants : « les non-usagers, loin de se désintéresser du sort des bibliothèques, expriment de nombreuses suggestions ou propositions » ; seule une minorité des répondants n’a rien su ou voulu répondre à cette question. Les propositions faites – elles sont de fait souvent déjà réalisées dans les établissements – concernaient, en vrac :
- davantage de nouveautés, un fonds plus complet, une offre plus large (presse, nouveautés, supports électroniques, livres d’images ont été cités), ou encore plus de journaux ; certains souhaitaient plus de livres en langue étrangère ;
- la possibilité de livraison à domicile, de commander à distance (« que la bibliothèque vienne à moi »), ou au moins la possibilité d’effectuer des recherches à la maison, sur l’Internet (surtout de la part des jeunes) ;
- des horaires plus flexibles, notamment une ouverture à midi, plus de souplesse concernant les délais de retour, une classification plus facile à comprendre (ces points sont des classiques) ;
- concernant l’accueil : plus de convivialité, donner davantage envie d’y entrer et d’y rester, être moins austère, proposer un lieu plus vivant, une décoration plus joyeuse, plus de disponibilité du personnel pour aider dans les recherches ;
- un coin café, un coin café-lecture, voire un « bistrot-bibliothèque » où l’on pourrait « boire un verre et échanger ses impressions sur les livres » (demandé aussi par des personnes âgées), ou au moins une machine à café, un distributeur, mais aussi un coin canapé, voire un coin fumeur (plusieurs personnes ont évoqué le fait qu’ils aiment fumer en lisant) et un cybercafé (ou encore un tea-room) ont été demandés ;
- certains désirent des salles où l’on peut parler à haute voix, d’autres une « ambiance feutrée » ;
- on souhaite des expositions plus variées, des petites expositions en relation avec le livre ; des débats, des lectures, par exemple par des personnalités ; des invitations d’auteurs ; des journées à thème, ou alors des nocturnes ; voire de la musique, des concerts ou encore des films (notamment des films tirés de romans – le cinéma, dont on a vu qu’il est en partie responsable de l’image stéréotypée dont souffrent les bibliothécaires, pourrait donc s’avérer une passerelle précieuse vers les bibliothèques) ;
- la possibilité d’acheter sur place les livres qui ont plu ;
- une garderie, un « coin où l’on peut parquer les enfants et choisir tranquillement » ;
- des jeux vidéo (notamment pour attirer les jeunes) ;
- une affiliation gratuite ;
- mieux cibler le public ;
- d’une manière générale, prendre plus en compte les besoins des usagers ;
- certains ont parlé de la visibilité, qui est à améliorer ; faire de la publicité, notamment dans les écoles, mais aussi plus largement.
Reste à savoir jusqu’à quel point les bibliothèques municipales seraient d’accord de s’ouvrir, d’intégrer les desiderata des (non-)usagers, sans avoir l’impression de se dénaturer ou de faillir à leurs missions, qui font toutefois sans cesse l’objet de redéfinitions et, partant, d’extensions. A noter aussi qu’une partie de ces propositions (nouveautés, presse, supports électroniques, expositions, invitations d’auteurs, nocturnes...) concerne des éléments qui font, déjà aujourd’hui, partie de l’offre des bibliothèques – ce qui renvoie du même coup à un problème d’information et de communication manifeste. En tous les cas, quelle que soit la solution choisie, les étudiants ont sans doute raison en disant que « les bibliothèques ont un bel avenir devant elles à condition qu’elles sachent s’adapter et rester à l’écoute ».
L’analyse du non-public des bibliothèques s’avère intéressante, et ce à au moins deux égards. Tout d’abord, elle est une manière de mieux comprendre son double étudié d’habitude, à savoir le public des bibliothèques ; ou, comme l’a récemment dit un auteur dans un des rares textes qui porte, précisément, sur les non-usagers de bibliothèques : « la fréquentation ne se comprend que par l’analyse de la non fréquentation » (Poissenot, 2003). Ensuite et surtout, elle seule permet de mieux comprendre les logiques de la non-fréquentation des bibliothèques municipales et, par là, d’esquisser des voies pour que les non- et les ex-usagers (re-)deviennent des usagers de ces établissements.
Sur le plan macrosociologique et statistique, les raisons pour lesquelles certains groupes de la population ont moins de chances de fréquenter des établissements tels que des bibliothèques sont connues. On a déjà évoqué l’importance du profil sociodémographique. Il est également établi que les habitudes de lecture ont une influence sur le fait de se rendre ou non dans ces établissements ; récemment, lors d’une controverse qui a animé la recherche sur les publics des bibliothèques, l’importance également du niveau de diplôme – et, à travers lui, de la ressemblance ou, souvent, dissemblance entre les non-usagers et le personnel des bibliothèques – a été relevée, amenant une touche supplémentaire au tableau (11).
Le but de cette brève étude, menée dans un cadre pédagogique, n’était pas – ne pouvait pas être – de confirmer ou contredire ces résultats, ne serait-ce parce qu’elle s’en distinguait d’emblée de par sa méthode. Celle-ci a été décrite comme à la fois qualitative et compréhensive, attachée à appréhender les pratiques et, surtout, les représentations en matière de bibliothèque du dedans, du point de vue de ses non-usagers. Dans cette cartographie mentale des personnes qui ne fréquentent pas les bibliothèques municipales, ce qui semble avoir été révélé par la démarche entreprise ici, c’est un problème d’image – ou, plutôt, d’images, au pluriel – qu’ont les bibliothèques aujourd’hui pour une grande partie de la population.
Tout d’abord, image au sens premier du terme. Les bibliothèques municipales sont mal connues : leurs noms, leurs emplacements restent obscurs pour une part non négligeable des personnes. L’enquête a montré que la localisation des établissements, la signalétique et, parfois, l’image donnée par les bâtiments eux-mêmes, peut poser problème. Mais c’est aussi plus généralement l’identité des établissements et leur inscription dans un réseau comptant, à Genève, plus d’une dizaine d’unités, qui n’est que peu, voire tout simplement pas perçue pas les non-usagers. Il y aurait là peut-être une réflexion et, partant, un effort à faire pour renforcer, voire créer une identité collective, un « label », une ligne graphique commune. Celle-ci serait, pour les non-usagers comme d’ailleurs pour les usagers, aussi une garantie de trouver un certain standard et un certain nombre de services au sein des établissements ainsi désignés (au delà de la spécificité locale de chaque succursale, qui reste sans doute un atout précieux), voire, à terme, de pouvoir profiter d’une fluidité des supports entre les établissements, une possibilité qui ne pourrait qu’être perçue comme un avantage à l’ère de la mise en réseau généralisée.
Image ensuite au sens des représentations qui structurent l’imaginaire des personnes autour des bibliothèques : il est apparu que ces dernières s’inscrivent, pour les non-usagers, dans ce que l’on pourrait appeler une chaîne de significations qui, trop souvent, éloigne ces établissements de leur pratiques et envies de tous les jours. Les résultats l’ont montré, les bibliothèques municipales ont une série d’« ennemis symboliques » qu’il s’agirait de combattre si l’on veut augmenter le nombre d’usagers de ces établissements (cf. Tableau ci-dessous). Le fait même que les livres soient – selon l’étymologie du mot bibliothèque – réunis en un « coffre », donc en un seul lieu, et les déplacements ainsi que la confrontation avec d’autres personnes (attente, etc.) que cela occasionne, est souvent relevé comme négatif par les non-usagers ; c’est l’une des raisons pour lesquelles on n’a pas le temps – un autre adversaire redoutable des bibliothèques, semblerait-il – de fréquenter ces établissements. Le silence, le côté studieux et (supposément) austère du lieu ont également été mentionnés par les non-usagers, comme aussi les contraintes imposées par le prêt. Un autre de ces ennemis symboliques semblent être les bibliothécaires eux- ou elles-mêmes : généralement représentées sous les traits d’une femme aigrie avec des lunettes et un chignon, la bibliothécaire semble pour beaucoup réunir certains des traits les plus « posés » que les stéréotypes courants attribuent aux femmes (tendance au rangement et à l’ordre, application stricte des règles, circularité et répétitivité, etc.) qui, du coup, entrent en collision avec les composantes plus « débridées » que l’on se plaît à accorder à ces mêmes femmes (imagination, irrationalité, irrégularité, beauté, etc.) et qui feraient tache – aux yeux des non-usagers – dans l’univers des bibliothèques.
Un autre obstacle majeur est, de manière étonnante, le livre lui-même, du moins en tant qu’objet : l’enquête a démontré l’importance pour les personnes – même, voire surtout, quand elles ne lisent pas ou peu – de posséder un livre, de pouvoir le montrer, ou simplement le conserver chez soi. Les bibliothèques en tant que lieu où, par essence, il est impossible de posséder un ouvrage, posent alors problème. Ici, on peut se demander s’il ne vaudrait pas la peine de tenter une redéfinition de la bibliothèque : d’un lieu de livres, elle deviendrait ce qu’elle est avant tout, à savoir un lieu de lecture, qui facilite le fait de lire – bien plus que d’avoir – des livres. L’envie de posséder des livres – sans doute encouragée aussi par des impératifs consuméristes – est répandue à un point que l’on peut d’autre part se demander si une connexion, une collaboration ponctuelle entre ces mondes à la fois si distants et si proches des bibliothèques et des librairies ne devrait pas être tentée. Le fait de pouvoir prendre connaissance d’un livre avant de l’acheter – l’absence de l’obligation d’achat – a été relevé comme avantage de la bibliothèque ; on pourrait imaginer un système de recherche et de renvoi qui permettrait ensuite à chaque personne qui a aimé un ouvrage emprunté en bibliothèque de le retrouver facilement chez un libraire et de l’acheter.
Enfin, c’est plus généralement la « Culture » elle-même, avec un grand « C », qui est apparue comme un ennemi potentiel des bibliothèques : sa force (et, peut-être, son essence) de « distinction » (Bourdieu, 1979) valorise bien sûr ces lieux de savoir et d’histoire que sont les bibliothèques, mais les affaiblit aussi, dans le sens que, « musées du livre » (comme exprimé de manière révélatrice par un répondant), ils paraissent aussi nécessaires que finalement inutiles ou, du moins, inutilisés – voire inutilisables – aux yeux d’une trop grande part de la population. A en croire certaines publications récentes, les bibliothèques ont tout à gagner à déplacer leur centre d’activité de la culture classique et essentiellement livresque à la diffusion et à l’échange de l’information en général : d’un « coffre à livres », la bibliothèque deviendrait alors plus généralement un dispositif de redistribution, voire de transformation, des savoirs inscrits (Bazin, 2000).
En bibliothèque, certaines améliorations peuvent sans doute être entreprises par des mesures spécifiques relativement simples : les horaires, les règles régissant le prêt et les amendes, les formalités d’inscription, les tarifs, la classification et sa présentation ou explication, enfin l’accueil et l’attente en bibliothèque, tous ces aspects doivent probablement faire l’objet d’une réflexion et de quelques ajustements. Mais c’est plus profondément d’une transformation de leur image, au sens fort du terme, qu’ont besoin les bibliothèques. Actuellement, rien n’oblige les non-usagers de fréquenter les bibliothèques et de s’y approvisionner en livres ; du moins le pensent-ils. L’enjeu est donc de les convaincre du contraire, autrement dit : de convertir les « ennemis symboliques » évoqués en « alliés » : autrement dit, de persuader les non-usagers que les désavantages rattachés aux bibliothèques peuvent, précisément, constituer des avantages (cf. Tableau) (12).
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La nécessité de se déplacer et d’être confronté à d’autres usagers deviendrait ainsi une possibilité d’échange, de sociabilité ; le temps que ça prend et que l’on perd, du temps que l’on se prend, que l’on a pour soi, que l’on gagne ; le silence, du calme ; les contraintes de l’institution, des règles claires, prévisibles et, par là, rassurantes ; les bibliothécaires « aigries et renfermées », du personnel accueillant et sympathique ; le fait de ne plus devoir être en formation et d’aller en bibliothèque, la possibilité de pouvoir à nouveau apprendre ; la gratuité et l’impossibilité d’acheter, la possibilité de ne pas acheter, le privilège de ne pas devoir le faire ; enfin, la possession d’un ouvrage, sa lecture et donc l’appropriation de son contenu plutôt que du livre comme objet.
Au final, c’est toute la relation à la culture qui est mis en branle dans l’usage et le non-usage des bibliothèques municipales. De par la multiplicité à la fois des supports qu’elle recèle et des domaines qu’elle recouvre, la bibliothèque pourrait être le lieu d’une redéfinition de ce rapport à la « culture », non plus seulement au sens étroit de culture légitime (Grignon et Passeron, 1989), mais plus large de loisirs et de pratiques culturelles, voire au sens plus anthropologique d’identité sociale et d’appartenance à un groupe. De « musées du livre », les bibliothèques deviendraient alors en quelque sorte des laboratoires où s’expérimentent des nouveaux liens au savoir et, partant, à la société. Les propositions d’amélioration faites par les non-usagers de bibliothèques à Genève, qui peuvent parfois sembler naïves ou farfelues, sont probablement à prendre dans ce sens : comme des incitations à (re-)mettre les bibliothèques au centre de la Cité et de la vie de ses habitants. Si cette étude peut contribuer un tant soit peu à proposer des pistes dans cette direction, elle aura atteint l’un de ses buts les plus chers.
Notes
(1) Informations tirées de la brochure Bibliothèques et discothèques municipales de la Ville de Genève (Cellule étude et projets, 2006). Dans cet article, les mots se référant à des personnes ne sont pas féminisés mais se réfèrent aux hommes et aux femmes.
(2) Enquête sur les pratiques culturelles dans le canton de Genève, sondage mené par MIS Trend, Lausanne, en juin-juillet 2004, sur 800 personnes de 15 à 74 ans dans le Canton de Genève. Selon le graphique 6, 47% de l’échantillon n’a jamais fréquenté une « bibliothèque » (au sens général n.b.) dans les douze mois.
(3) Une Charte d’accueil, qui a d’abord été diffusée d’abord à l’interne (fin 2006), et qui le sera auprès du large public (en 2008), en constitue l’aboutissement le plus visible.
(4) A noter que, portant sur l’ensemble du pays avec les zones rurales, le chiffre de fréquentation français est logiquement moins élevé que celui de l’agglomération genevoise. Pour Paris intra-muros, la part de public récent des bibliothèques se monte par contre à 49%.
(5) La même remarque peut être faite pour le cas de Genève : en recoupant les chiffres cités en introduction, avec un public récent des bibliothèques (certes toutes catégories confondues) de 47% et seulement 50'000 effectivement individus inscrits sur une population de plus de 300'000 habitants, la part d’usagers non-inscrits doit être importante.
(6) Les quartiers et établissements genevois couverts par l’enquête de terrain étaient les suivants : autour des bibliothèques de la Cité, des Eaux-Vives, de la Jonction, du Pâquis, de la Servette, de Saint-Jean, de la bibliothèque et discothèque des Minoteries, de la discothèque Vieusseux, de la Bibliothèque des Sports, du Bibliobus (Plan-les-Ouates et Grand-Saconnex), enfin à Champel-Florissant (quartier sans bibliothèque).
(7) Afin d’éviter l’« effet de l’enquêteur » bien connu des sociologues, les étudiants avaient reçu l’indication de ne pas préciser au départ la nature exacte de leur formation (le fait qu’ils sont de futurs bibliothécaires, ce qui aurait sans aucun doute dirigé les réponses dans un sens non voulu).
(8) Pour des questions juridiques et pratiques, il a été décidé de ne pas interroger de personnes de moins de 15 ans et notamment des enfants ; on a préféré thématiser la question des enfants dans le questionnaire adressé aux adultes ou jeunes adultes.
(9) Si les touristes et autres personnes de passage en Suisse ont été exclues pour des raisons évidentes, les frontaliers ont par contre été inclus, puisque la possibilité existe pour ces derniers d’emprunter – via une démarche à effectuer auprès de la bibliothèque de leur lieu d’habitation – des livres à Genève.
(10) Les portraits contenus dans un ouvrage récent de Bernard Lahire sur les pratiques culturelles, quoique bien plus longs, nous ont servi de modèle (Lahire 2004).
(11) Voir Poissenot, 2001, ainsi que les réactions et la réponse de Poissenot in BFF, 2002, t. 47, n. 1.
(12) L’idée d’explorer les « alliances » - en l’occurrence symboliques – des bibliothèques est inspirée de la « sociologie de la traduction » développée par Bruno Latour ou Michel Callon (voir de manière emblématique dans Callon, 1986).
Bibliographie
Ancel, P. et Pessin A. (2004). Les non-publics. Les arts en réceptions. Paris, L’Harmattan.
Bazin P. (2000). « Bibliothèque publique et savoir partagé ». In BBF, t. 45, n. 5, pp. 48-52.
Bertrand A.-M., Burgos M., Poissenot Cl. et Privat J.-M. (2001). Les bibliothèques municipales et leurs publics. Pratiques ordinaires de la culture. Paris, Bpi / Centre Pompidou.
Bourdieu P. (1979). La Distinction. Critique sociale du jugement. Paris, Ed. de Minuit.
Callon M. (1986). « Eléments pour une sociologie de la traduction. La domestication des coquilles Saint-Jacques et des marins pêcheurs de la baie de Saint-Brieux ». In L’Année sociologique, n. 36, pp. 170-208.
Cellule étude et projets (2006). Bibliothèques et discothèques municipales de la Ville de Genève. Genève, Département des affaires culturelles, Ville de Genève.
Chaintreau A.-M. et Lemaître R. (1993). Drôles de bibliothèques. Le thème de la bibliothèque dans la littérature et le cinéma. Paris, Ed. du cercle de la librairie.
Donnat O. (1994). Les Français face à la culture. De l'exclusion à l'éclectisme. Paris, La Découverte.
Donnat O. (1998). Les pratiques culturelles des Français. Enquête 1997. Paris, La Documentation française.
Grignon Cl. et Passeron J.-Cl. (1989). Le savant et le populaire. Misérabilisme et populisme en sociologie et en littérature. Paris, Gallimard / Le Seuil.
Lahire B. (2004). La culture des individus. Dissonances culturelles et distinction de soi. Paris, La Découverte.
Maresca B. (2006). « La fréquentation des bibliothèques publiques a doublé depuis 1989 ». In CREDOC Consommation et modes de vie, n. 193, mai.
MIS Trend (2004). Enquête sur les pratiques culturelles dans le canton de Genève. Lausanne.
Poissenot Cl. (2001). « Penser le public des bibliothèques sans la lecture ? ». In BFF, t. 46, n. 5, pp. 4-12.
Poissenot Cl. (2002). « Le réel et ses analyses ». In BBF, t. 47, n. 1, pp. 19-20.
Poissenot Cl. (2003). « Non-publics des bibliothèques et missions des BDP : réflexions à partir du cas de la Meuse ». Journées d’étude de l’ADBDP Association des directeurs de bibliothèques départementales de prêt (www.adbdp.asso.fr/association/je2003/poissenot.htm).
Nom de l'étudiant-e : | Date : | Quartier : |
QUESTIONNAIRE NON USAGERS BIBLIOTHEQUES MUNICIPALES A GENEVE
Bonjour, je suis un-e étudiant-e de la Haute école de gestion, à Genève. Nous menons actuellement une enquête auprès de la population genevoise. Une question : avez-vous fréquenté, ces 12 derniers mois, une BM à Genève ? Si OUI, alors REMERCIER, PAS D’ENQUETE ! Si NON : Auriez-vous une dizaine de minutes à me consacrer ?
Etes-vous inscrit-e dans une BM à Genève ? Non Oui :
Quel est le 1er mot qui vous vient à l’esprit en pensant à une bibliothèque ?
Avez-vous fréquenté une des BM genevoises par le passé ?
Si oui : Pour quelle(s) raison(s) ne fréquentez-vous plus de BM ? (depuis quand ; événement précis ?)
Comment était l’accueil de la part des bibliothécaires ? Si non : Vous n’avez jamais fréquenté de BM à Genève. Pour quelle(s) raison(s), qu’est-ce qui vous en empêche ? |
Fréquentez-vous une bibliothèque publique dans une autre ville ? Non Oui
Quelle(s) fonction(s) remplit d’après vous une bibliothèque dans une ville ?
D’une manière générale, quels sont les avantages et les désavantages d’une bibliothèque, pour vous ?
Av. :
Désav. :
A votre avis, que peut-on se procurer ou consulter dans une BM ?
Quelle image avez-vous des bibliothécaires ?
Et pourquoi ?
Saviez-vous que dans ce quartier, il y a une BM (ou discothèque) : (dire le nom) ?
Oui, connaît nom et localisation Connaît nom mais pas localisation Non, ni l'un ni l'autre
Pouvez-vous citer d’autres BM à Genève ?
A propos de vos habitudes de lecture. Lisez-vous des livres, quel que soit le genre et quelle que soit la raison pour laquelle vous les lisez ?
0 1-4 / an 5-9 / an 10-19 / an 20+ / an
Quelle proportion de ces livres lisez-vous dans le cadre de votre travail ?
tous la majorité moitié moitié une minorité aucun
Comment vous procurez-vous des livres (achat, échange…) ?
Le fait de posséder un livre est-il important pour vous ?
Et pourquoi ?
Que devrait proposer une bibliothèque, qu’est-ce qui pourrait faire que vous y alliez ?
Avez-vous des enfants de moins de 10 ans ?
Non Oui :
Vos enfants lisent-ils ou regardent-ils des livres ?
Non Oui :
Pourriez-vous vous imaginer leur chercher des livres en bibliothèque (si non, pourquoi) ?
Quelques questions sur vos loisirs.
Lisez-vous des journaux ou des magazines ? Non Oui
Regardez-vous chez vous des films sur k7 ou DVD ? Non Oui
Ecoutez-vous chez vous de la musique sur k7 ou CD ? Non Oui
Utilisez-vous chez vous des CD-ROMs (sur l’ordinateur) ? Non Oui
Avez-vous chez vous la possibilité de surfer sur Internet ? Non Oui
Pour terminer, quelques informations générales.
Age. Quelle est votre année de naissance ? Sexe (noter) : Non Oui
Formation. Quel est votre niveau de formation le plus élevé terminé ou en cours (év. équivalent) :
école oblig. CFC, maturité prof. gymnase école prof. sup. université, EPF, HES
Profession. Quelle est votre profession actuelle ?
Langue. Dans quelle(s) langue(s) lisez-vous d’habitude ?
Nationalité. Quelle est votre nationalité ?
Domicile. Dans quel quartier de Genève (ou : ville) habitez-vous ?
Présence dans quartier. Pour quelle(s) raison(s) venez-vous en général dans ce quartier ?
MERCI d’avoir participé à l’enquête ! Elle permettra d’améliorer l’offre des BM de Genève !
(Remarques)
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