Publiée une fois par année, la Revue électronique suisse de science de l'information (RESSI) a pour but principal le développement scientifique de cette discipline en Suisse.
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Science de l'information
Deschamps, Jacqueline. Science de l’Information : de la discipline à l’enseignement
Ressi — 1 décembre 2011
Lorraine Filippozzi, Haute Ecole de Gestion, Genève
Deschamps, Jacqueline. Science de l’Information : de la discipline à l’enseignement. Paris : Archives contemporaines, 2010. (Savoirs francophones). 76 p. ISBN 978-2-813000-28-6.
Enseignante en science de l’information, Jacqueline Deschamps souhaite faire reconnaître cette discipline sur laquelle se fondent les savoirs et les pratiques des organisations liées à la transmission du savoir. Basé sur sa thèse de doctorat, cet ouvrage fournit un corpus de connaissances constituant un socle pour l’enseignement de la discipline.
Dans la première partie, l’auteure expose la définition et les constituants de la science de l’information en tant que discipline scientifique. « Champ de pratique professionnelle et de recherche scientifique traitant du problème de la communication des enregistrements du savoir parmi les humains, dans le contexte du besoin social, organisationnel et individuel pour l’usage de l’information » (p. 12), la science de l’information a pour objet la compréhension d’un processus d’échange relevant de la préoccupation de la récupération de l’information quelle qu’elle soit. Elle est donc une science humaine et sociale dont les contours évoluent constamment, en interaction avec la technologie de l’information, la bibliothéconomie et les sciences de l’information et de la communication.
Dans la seconde partie, l’auteure met en évidence le cœur de la discipline et les tendances actuelles de son développement. Interdisciplinaire par nature, la science de l’information est à la fois pratique et théorique. L’étude des concepts y interfère avec les applications technologiques. Tous ces éléments influencent la manière d’enseigner cette discipline particulière.
C’est justement l’enseignement de la discipline et ses enjeux qui font l’objet de la troisième partie de cet ouvrage. Dans un contexte où l’enseignement de la fonction documentaire est bousculé par les technologies de l’information et de la communication, l’ensemble des techniques et des règles de base doit être revu et adapté. Si certaines fonctions traditionnelles restent nécessaires, l’impact du document numérique sur le travail des professionnels de l’information implique de nouvelles fonctions et compétences. Au cœur de ces changements, le spécialiste de l’information a une position et des savoirs bien spécifiques qu’il doit faire reconnaître.
Dans la quatrième partie de l’ouvrage, l’auteure propose les lignes directrices d’un modèle d’organisation des savoirs pour l’enseignement de la discipline. Les notions d’information, de médiation et de service se positionnent au cœur de la discipline. Les autres disciplines qui théorisent ces notions définissent les directions à donner à l’enseignement : psychologie, sociologie, informatique. Les activités centrées sur les processus et les technologies doivent être complétées par des compétences en management, en communication et en formation. Le résultat de la transposition didactique est un curriculum qui allie théorie et pratique dans le but de préparer les futurs diplômés à leur carrière professionnelle. Après avoir défini le profil de compétences attendu, qui allie compétences professionnelles spécifiques et compétences humaines et techniques générales, Jacqueline Deschamps dresse le « core curriculum » de la profession. Il se base sur trois piliers essentiels, à savoir l’objet, le service et l’outil. Premièrement, l’objet, porteur de savoir, ou savoir enregistré. « La science de l’information doit comprendre et décrire les pratiques et les usages de ce savoir en les inscrivant dans des contextes sociaux, culturels et organisationnels déterminés « (p. 59). Les notions qui en constituent la base théorique sont notamment l’épistémologie, l’organisation du savoir, la taxinomie et la classification, ou encore la sémiotique. Le second pilier, le service, représente l’aspect humain, l’usager vers lequel s’orientent toutes les activités. Les notions à enseigner sont donc la relation de service et la médiation documentaire, la communication, l’économie et le marketing des services. Le troisième pilier, l’outil, « c’est la technologie dans sa philosophie plus que dans son aspect instrumental » (p. 60), c’est un ensemble d’outils dont l’informatique fait partie. Les notions qui en constituent la base théorique sont l’informatique historique et sociétal, les méthodes quantitatives et qualitatives ou encore la technologie numérique.
Discipline à part entière, la science de l’information a un double fondement épistémologique et pratique, fondamental et appliqué. Les contenus d’enseignement empruntent à la fois aux savoirs universitaires et aux pratiques professionnelles. Jacqueline Deschamps propose dans cet ouvrage un référentiel théorique pour la science de l’information permettant de formaliser un plan d’étude qui mêle un socle théorique solide et des enseignements pratiques. Le but atteint de cet ouvrage est de souligner que la science de l’information, même si elle emprunte ses méthodes à des disciplines plus anciennes et plus assises, n’en est pas moins légitime.
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L’information numérique et les enjeux de la société de l’information: Colloque scientifique international du 14 au 16 avril 2005 à Tunis
Ressi — 29 mars 2006
Linda Beaupré, Sûreté du Québec, Canada
Hélène Laverdure, Ministère du Travail, Canada
L’information numerique et les enjeux de la societe de l’information: Colloque scientifique international du 14 au 16 avril 2005 à Tunis
Le Colloque scientifique international tenu à Tunis du 14 au 16 avril 2005 était présenté en marge du Sommet mondial de la société de l'information qui aura lieu en novembre 2005. Le thème reposait essentiellement sur la gestion de l'information numérique, thème qui occupe aujourd'hui une place incontournable dans toutes les stratégies de développement des organisations. Les sous-thèmes suivants figuraient au programme du colloque : Les sciences de l'information à l'ère du numérique, les réseaux d'information et les usages des données numériques, l'information numérique et les stratégies de développement, et bien d'autres. A cette rencontre étaient conviés des enseignants universitaires et chercheurs, des professionnels de l'information, des chefs de projets en entreprise ainsi que des cadres supérieurs issus des secteurs clés de l'économie.
C'est dans le contexte de ce colloque international que nous avons présenté nos projets de conférence au comité scientifique qui les ont acceptés. Nos communications ont traité, d'une part, de la mise en œuvre de la gestion électronique des documents (GED) au sein de la Sûreté du Québec et, d'autre part, du projet Corail du ministère du Travail du Québec relatifs aux relations du travail en ligne.
Résumé de la conférence
La gestion électronique des documents : véritable catalyseur vers un changement de paradigmes
La Sûreté du Québec dépend, entre autres, des informations qu'elle détient pour accomplir sa mission et fournir les services adéquats à la population, aux institutions et aux entreprises. La qualité, la protection et l'accessibilité de cette information sont déterminantes pour la réalisation des opérations et l'atteinte des objectifs. Pour la Sûreté , l'information constitue sa matière première et l'essentiel de sa production. On constate que la gestion de l'information, tous supports confondus, est aujourd'hui au cœur des préoccupations des organisations. Elle fait l'objet de nombreux questionnements et suscite un intérêt certain quant au souci de prendre les dispositions nécessaires en vue d'en assurer un traitement adéquat. Conséquemment, la Gestion électronique des documents (GED) s'avère être un véritable catalyseur vers un changement quant aux pratiques de gestion des documents, et ce, sans égard aux supports. Elle est actuellement le meilleur moyen technologique pour assurer la gestion de l'actif informationnel, et ce, de la collecte ou de la création des documents jusqu'à leur disposition finale. Sans compter que dans nos administrations modernes les actifs informationnels accusent une croissance importante, rapide et soutenue. Ce phénomène est constaté entre autres par l'avènement des outils bureautiques et d'Internet, notamment l'utilisation massive du courrier électronique pour échanger les informations. Au terme de son implantation, la GED facilitera la gestion et la conservation des documents par l'informatisation du Plan de classification et du Calendrier de conservation ; elle favorisera également la centralisation de certaines opérations de contrôle ainsi que la systématisation du déclassement dans les unités administratives. Tout ceci sans pour autant mettre en péril les principes de sécurité décentralisée et de cloisonnement des accès aux différentes unités administratives. L'implantation de la GED participera également à la consolidation des besoins, facilitera l'intégration des activités de gestion des documents et offrira de multiples possibilités aux utilisateurs. Elle évitera la prolifération de technologies disparates et répondra tant aux besoins spécifiques des utilisateurs qu'aux besoins institutionnels dans ce domaine d'activités.
Ma participation à ce colloque à titre de conférencière a contribué au rayonnement de l'organisation tout en offrant une occasion de partager mon expertise en Gestion électronique des documents et d'aller voir, à l'extérieur du Québec, l'état d'avancement des travaux dans le domaine. Cet événement a également permis à la Sûreté et à moi-même d'enrichir notre potentiel de connaissance dans le domaine. L'expérience s'est avérée des plus enrichissantes!
Sûreté du Québec
Responsable du Module de la gestion des documents
Service du développement des projets organisationnels
Division de la gestion de l’information
1701, rue Parthenais, local 7.43
Montréal (Québec) H2K 3S7 CANADA
Résumé de la conférence
Corail, les relations du travail en ligne
Le ministère du Travail et la Commission des relations du travail (CRT) du Québec sont à élaborer un nouveau service en ligne afin de mieux desservir les besoins de leurs clientèles internes et externes. Les documents visés concernent les relations du travail au Québec. Plus précisément, il s'agit des conventions collectives, des sentences arbitrales de grief, des dossiers d'accréditation ainsi que certaines décisions de plaintes relatives à l'emploi. Certains documents jugés confidentiels ne seront disponibles qu'à la clientèle interne. Une fois mise en place, la solution préconisée devra intégrer les principales fonctions de gestion électronique des documents, de numérisation des documents sur support papier, de recherche et consultation, de diffusion électronique et finalement de tarification des services. Elle sera également basée sur une architecture ouverte et évolutive permettant de répondre adéquatement aux besoins de gestion documentaire pour la clientèle interne ainsi qu'aux besoins de recherche des différentes clientèles internes et externes. Cette solution devra finalement permettre au Ministère d'assurer le respect de la législation et des orientations gouvernementales en vigueur au Gouvernement du Québec en matière de gestion documentaire.
L'amélioration du service à la clientèle du Ministère et de la CRT a été la principale motivation des autorités permettant au projet de voir le jour. Plusieurs bénéfices ont également été considérés, on n'a qu'à parler de la rationalisation des espaces d'entreposage, du partage de documents électroniques et de la protection des documents. La solution développée se divise en trois sous-systèmes soit la numérisation, l'indexation et la conversion en format PDF; le dépôt et la diffusion des documents à nos clientèles internes; la diffusion à nos clientèles externes.
Dès le début du projet, on souhaite que la numérisation des documents permette la destruction du support papier. Les processus et les mécanismes de conversion vers un support numérique doivent garantir l'intégrité des documents. Par conséquent, le traitement est entièrement automatisé et les outils développés permettent d'obtenir et de conserver les renseignements authentifiant un document numérisé. L'outil de gestion électronique des documents assure la conservation, la diffusion et la gestion des documents visés par le projet. Le principal avantage pour les utilisateurs reste sans contredit une plus grande autonomie dans la recherche et le repérage de documents, quels qu'ils soient. Il est maintenant possible aux clientèles internes de faire des recherches directement dans le texte des documents mais également en utilisant les métadonnées associées à un document. Une interface a été développée spécialement pour la diffusion à nos clientèles externes. Celles-ci pourront accéder aux documents au moment qui leur convient et ce, dès 2006, en s'abonnant à Corail pour une journée, un mois ou une année.
Ministère du Travail
Chef du service de la gestion documentaire
Direction des ressources financières et matérielles
200 Chemin Sainte-Foy, 5e étage,
Québec (Québec) Canada G1R 5S1
En conclusion
Notre participation à ce colloque nous a permis de partager nos expériences respectives avec des gens provenant de différents pays et d’approfondir certains aspects de l’information numérique. La majorité des conférences auxquelles nous avons assisté étaient d’ordre théorique. Ce que nous retenons particulièrement de ce colloque est la difficulté de concilier théorie et pratique. Les ressources humaines et financières étant limitées, comment trouver le temps de répondre aux besoins des utilisateurs tout en prenant un temps de réflexion sur l’impact de nos processus archivistiques sur l’évolution fulgurante de l’information numérique?
Digital Libraries : principles and practice in a global environment
Ressi — 29 mars 2006
Tedd, Lucy A., Large, Andrew. Digital Libraries : principles and practice in a global environment. Münich : Saur, 2005. ISBN3-598-11627-6
Publié par deux professeurs en sciences de l'information, Lucy A. Tedd (du Département des Sciences de l'Information de l'Université britannique d' Aberystwyth, et Andrew Large (Graduate school of Library and Information Studies de l'Université canadienne McGill), ce deuxième ouvrage rédigé en tandem propose une introduction générale aux bibliothèques numériques (1).
Malgré l'existence d'une littérature déjà abondante sur la question, l'ouvrage est à bien des égards bienvenu en raison de son approche à la fois théorique et pratique. En effet, il traite à la fois de l'aspect historique des différentes technologies de l'information (de l'invention de l'écriture au e-book), des usagers et des services (compétence en recherche de l'information, services de référence numériques), des sources d'informations numériques (documents en texte intégral, publications en open access), des standards et de l'interopérabilité (métadonnées, protocoles d'interrogation), de l'organisation de l'accès aux sources d'information numériques (logiciels de gestion des documents numériques, logiciels libres), de l'esthétique des interfaces (pour attirer et garder les usagers tout en tenant compte de leur multiculturalité), de la recherche d'information numérique (recherche en texte intégral, portails), des aspects pratiques de l'implantation d'un projet de bibliothèque numérique (gestion du projet, droits d'auteur, consortiums), ainsi que de plusieurs études de cas présentant des bibliothèques numériques de différents endroits du monde.
On notera que la bibliothèque numérique de l'Open University britannique (institution dont le public est constitué d'étudiants sans qualifications mais qui sont autorisés à suivre des études supérieures) fait l'objet d'intéressants développements dans le dernier chapitre du livre. Les auteurs explicitent les raisons qui ont amené l'Open Library à implanter un service de bibliothèque numérique, doté de plusieurs milliers de périodiques électroniques, de sources de référence rapides en ligne de thèses en ligne, etc. Ils signalent aussi que l'Open Library propose à ses usagers certains services personnalisé tels que des chats en direct avec un bibliothécaire pour obtenir de l'aide à la recherche, des cours en ligne sur les sources d'information numériques, etc.
L'enjeu de la formation à la recherche de l'information fait l'objet d'un développement dans le chapitre intitulé ( Users and Services) , dans lequel les deux auteurs développent le concept d'" information literacy" . Celui-ci a trait, entre autres, aux aptitudes d'identifier un besoin d'information, de construire une stratégie de recherche, de comparer et d'évaluer les sources d'information, etc. Dans la partie intitulée " Libraries and Information Media in Historical context ", les auteurs insistent sur le fait que la révolution numérique actuelle change la manière dont l'information est utilisée aujourd'hui dans le monde. De leur point de vue, l'émergence de l'information numérique ne constitue rien d'autre que la dernière nouveauté d'une longue liste de développements technologiques remontant, pour les plus anciens, à l'Antiquité. Cette (ré)volution constitue une chance pour la promotion du savoir, à condition que l'éducation à la recherche de l'information soit assurée. Dans cette optique, Lucy Tedd et Andrew Large insistent sur l'importance de la formation des étudiants et exposent les modules de formation à distance développés au Royaume-Uni.
L'ouvrage n'omet pas de passer en revue les multiples acteurs qui proposent des ressources électroniques en texte intégral (les sociétés telles que EBSCO, ACM, Ingenta, le mouvement de l'open access). Il offre également un aperçu des différents projets internationaux en cours, ainsi qu'une typologie des métiers émergeants: architecte de l'information , médiateur de savoir , bibliothécaire hybride …
Bien structuré, truffé de définitions et conçu de manière pédagogique, cet ouvrage présente aussi le mérite d'avoir été écrit dans un anglais facile à lire. Il faut savoir gré aux auteurs d'offrir des exemples relevant d'un très large palette (y compris dans les pays non-occidentaux). La rapidité avec laquelle certains sujets sont abordés (notamment les périodiques électroniques) est compensée par une riche bibliographie annexée à la fin de chaque chapitre. Un index thématique complète l'ouvrage pour en faire un point de départ idéal pour les professionnels de l'information ou l'étudiant en sciences de l'information. Une iconographie foisonnante, malheureusement présentée en noir et blanc et dans un format peu confortable pour les yeux, complète les nombreuses références pratiques (adresses de sites web, URL de documents, etc.) insérées directement dans le corps du texte.
NOTES
(1) Ouvrage précédent : Information seeking in the online age: principles and practice / Andrew Large, Lucy A. Tedd and R.J. Hartley. – London : Bowker Saur,1999. – 308p. – ISBN 1-85739-260-4
Besprechung Petra Hauke Bibliothekswissenschaft quo vadis ?
Ressi — 29 mars 2006
Am Deutschen Bibliothekartag 2005 bedauerte die Herausgeberin des vorliegenden Bandes, Petra Hauke, sehr wortreich die mangelnde Anerkennung der „Bibliothekswissenschaft“ namentlich in Deutschland. Kann es aber so schlimm um diese „Wissenschaft“ stehen, wenn P. Hauke gleich einen Band mit über 30 Beiträgen auf fast 500 Seiten zustande bringt? Wohl kaum – dafür dauert der Notstand weiter an, wie man denn das Kind zu nennen habe: Guy St. Clair bereichert die lange Liste durch einen weiteren Versuch: „Today we speak of librarianship, information management, knowledge management, and their overarching connection with learning, and we gather this entire realm of knowledge seeking into the discipline of knowledge services . This new discipline – the convergence of librarianship, information managment, knowledge managment and learning - builds on the basic foundation of library science – as a science for the organization of knowledge – to lead the user to success in his or her quest.” (S. 5)
Das Werk entstammt einem Seminar Projekt unter dem Titel „Von der Idee zum Buch – Durchführung eines Publikationsprojektes“, an dem 18 Studierende beteiligt waren. Da es sich nicht um einen Kongressband handelt, sind die Beiträge inhaltlich sehr breit gestreut, auch wenn versucht wird, die Aufsätze durch übergeordnete Kategorie n thematisch zu gruppieren z.B.: Bibliothekswissenschaft im Zeitalter digitaler Medien, Bibliothekswissenschaft im Dienst der Gesellschaft, im Dienst wissenschaftlicher Information und Kommunikation, im Dienst der Bibliothekspraxis oder Bibliothekswissenschaft in Lehre, Studium und Beruf.
Aus der Fülle vermag man im Rahmen einer knappen Rezension nur weniges herauszugreifen: Lesenswert ist z.B. der konzise Überblick zur Geschichte der Bibliothekswissenschaft von Michael Buckland (19-32). Walther Umstätter ergänzt mit einem Rückblick auf 75 Jahre Ausbildung an der Humboldt-Universität in Berlin (81-94).
Bemerkenswert nüchtern und pragmatisch sind die Beiträge von Claudia Lux und Ulrich Naumann über den Praxisbezug der Bibliothekswissenschaft (287-294 bzw. 365-380).
Aus schweizerischer Sicht besonders anzuzeigen ist der Beitrag von Marc Rittberger über den gegenwärtigen Stand des Projekts CERTIDOC zur Zertifizierung der im Berufsleben erworbenen Kompetenzen und der Beitrag von Josef Herget und Norbert Lang über die Arbeitsmarktchancen in der Schweiz.
Nicht alles ist neu: Die Beiträge im Kapitel „Bibliothekswissenschaft im Zeitalter digitaler Medien“, etwa über Informationskompetenz und elektronisches Publizieren, sind an Fachtagungen zu eben diesen Themen schon differenzierter behandelt worden. Damit ist auch die Problematik einer solch weit gefassten Thematik angeschnitten: Sie birgt die Gefahr eines gewissen Beliebigkeit der Aufsätze. Die Grundidee jedoch, Studierende durch die Betreuung einer solchen Publikation in den Wissenschaftsbetrieb einzuführen, ist nur zu begrüssen!
Pourquoi une revue suisse de science de l'information ?
Ressi — 22 janvier 2005
Jacqueline Deschamps, Haute Ecole de Gestion, Genève
Résumé
La création d’une revue scientifique constitue à la fois un défi éditorial et académique. La Revue électronique suisse de science de l’information (RESSI) veut faire mieux connaître la science de l’information, discipline qui mérite une meilleure visibilité. La promotion de cette discipline bénéficie d’une situation institutionnelle particulière liée à la création des Hautes Ecoles Spécialisées (HES). La création des HES élargit et complète le domaine des hautes écoles suisses et donne une impulsion à la recherche appliquée. Nous nous proposons de montrer que la création de RESSI s’inscrit dans un contexte scientifique spécifique et dans un développement social et historique.
La création d’une revue scientifique est un défi à plusieurs niveaux. Un défi éditorial, étant donné les multiples difficultés auxquelles se heurte généralement ce genre d’entreprise. Un défi académique aussi, compte tenu de la concurrence qui règne dans ce domaine entre les instances institutionnelles de production et de diffusion de la connaissance scientifique (universités ou sociétés scientifiques) dont les revues constituent l’une des expressions les plus importantes. Mais si la publication d’une nouvelle revue scientifique constitue une véritable gageure, c’est surtout parce que, en dehors de la contribution d’un nouvel espace de publication des progrès de la recherche et du travail théorique de la discipline concernée, une telle revue doit, par l’originalité des approches, des analyses et des traitements de son objet d’étude, se distinguer des autres revues avec lesquelles elle entre en compétition.
Bien sûr, nous n’avons pas la naïveté de croire que la naissance d’une nouvelle revue scientifique en Suisse suffise par elle-même à susciter une révolution épistémologique ni même celle de croire que le comité de lecture peut espérer la sélection et la publication d’articles inaugurant une nouvelle façon de penser la discipline. Nous avons bien plus modestement le désir de créer un forum pour favoriser le dialogue entre les divers acteurs, d’exprimer des sensibilités, des interrogations, des réflexions, des doutes, quelle que soit l’insertion professionnelle des auteurs, au-delà de la traditionnelle distinction entre bibliothèques, archives ou documentation mais sous la bannière de la science de l’information.
Quant à savoir dans quelle mesure une revue scientifique relève le défi, cela dépend naturellement en premier lieu des auteurs qui lui apportent sa matière première, laquelle dépend elle-même des spécialistes qui acceptent d’assumer le rôle aussi déterminant que difficile d’experts, c’est-à-dire de décider si un travail réunit ou non les conditions définies par la communauté scientifique et expressément requises par le comité de rédaction afin qu’il puisse être publié dans la revue. Nous avons d’un côté, la responsabilité de la qualification scientifique et la volonté politique des responsables de la revue et de l’autre, le rôle plus occulte mais sûrement catalyseur, de l’institution qui héberge la revue et le contexte sociopolitique dans lequel elle s’inscrit.
S’agissant de l’implication de la portée scientifique du comité de rédaction qui puise essentiellement son autorité dans la reconnaissance dont jouissent les experts de la revue au sein de la communauté scientifique, nous pouvons supposer qu’elle est à peu près la même que dans d’autres disciplines. Là où les choses diffèrent sensiblement c’est dans le rôle que joue moins ouvertement d’une part l’institution à qui revient la diffusion de la nouvelle revue et d’autre part les conditions socioculturelles dans lesquelles cette édition est entreprise.
Nous pouvons dans les grandes lignes opérer une distinction entre les revues qui constituent les organes éditoriaux officiels de différentes associations scientifiques nationales et les revues qui sont publiées par des sociétés scientifiques de composition et/ou de vocation internationale ou multinationale. L’élément déterminant ici réside dans le fait que RESSI est l’émanation d’une communauté scientifique qui ne s’est délibérément pas constituée en association (une de plus !) mais ressemblerait plutôt à un « collège invisible » d’enseignants et d’acteurs de terrain, rassemblés autour des problématiques de la science de l’information. Il y a dans la création de RESSI un désir de faire reconnaître une discipline qui mérite une meilleure visibilité. Les engagements de la vie professionnelle nous ont amenée à rencontrer des collègues, à partager leurs préoccupations et à nous rendre compte que dans le monde francophone, nous avons tous besoin de nous ancrer dans notre discipline, de la légitimer, de la faire évoluer.
La science de l’information est une discipline académique pour certains, un terrain d’application ou un champ interdisciplinaire pour d’autres, elle est souvent associée à la communication avec qui elle entretient des rapports qui ne sont pas toujours aussi limpides qu’on veut bien le croire. C’est aussi intentionnellement que nous parlons de Science de l’information en optant pour science au singulier parce qu’en Suisse, à la différence de la France, nous n’avons pas jumelé science de l’information et communication en « Info-com ». Tout au plus pourrions-nous parler d’info-doc s’il fallait s’allier à un autre champ alors que la science de l’information est en soi une entité complète qui inclue bibliothéconomie, archivistique et documentation. L’utilisation même des expressions « science de l’information » ou « sciences de l’information » n’a pas été établie une fois pour toutes. Pour Le Coadic, c’est la science de l’information... mais par exemple pour Benoît, ce sont les sciences de l’information. « Il semble que l’extension illimitée des phénomènes associables à ce mot décourage a priori toute synthèse, et disqualifie l’idée même d’une discipline. Aussi parle-t-on des sciences de l’information et de la communication, les SIC, mais cet insurmontable pluriel a de quoi rebuter les esprits rigoureux. »(1). Ou encore, pour Estivals (2) « Le pluriel de sciences de l’information et de la communication couvre l’imprécision. L’argument qui consiste à dire que nos domaines ne sont pas assez avancés pour qu’on puisse les délimiter est une pirouette qui dissimule mal notre ignorance. Est-il besoin de dire que le risque est grand, dans le milieu scientifique de n’être pas pris au sérieux ? »
Discipline dont on dit qu’elle se cherche tout en ayant une légitime existence, en France, elle fait partie du paysage universitaire où elle est enseignée au premier, deuxième et troisième cycle et confère tous les grades universitaires. En Suisse, elle n’apparaît officiellement dans aucun cursus universitaire et c’est cette situation qui nous interpelle.
Son existence est incontestable et pourtant on remarque un besoin constant de se positionner scientifiquement comme s’il fallait prouver qu’il s’agit bien d’un domaine scientifique. « La science se fait, elle agit, elle produit ; elle ne s’observe pas elle-même comme science en train de se faire. S’il doit exister « une science de l’information », va-t-il donc lui être demandé de faire justement tout cela, tout ce que le reste de la science ne fait pas, sans davantage s’occuper de tout ce « reste » que la science sait elle-même si bien faire ? (3) La science de l’information aurait-elle des raisons d’être considérée comme un terrain d’application et non comme un champ scientifique autonome ? L’ambiguïté est aussi entretenue par ses propres acteurs puisqu’on voit déjà qu’il y a un désaccord dans la terminologie fondamentale. Dès lors, nous savons bien que notre tâche n’est pas facile et risque de nous entraîner dans des débats délicats mais c’est un pari que nous prenons.
On peut se poser la question du lien des bibliothécaires avec la science de l’information. Les bibliothèques sont peu souvent l’objet de recherche universitaire. Pourtant, la recherche qui exige production et investissement intellectuel est susceptible de donner une légitimité dont les effets structurent l’identité professionnelle. On peut aussi penser que la visibilité des bibliothèques par la recherche - fondamentale ou appliquée - représenterait aussi un atout significatif, tant pour les bibliothécaires que les instances institutionnelles.
On peut toujours nous rétorquer que le professionnel de l’information aux prises avec ses difficultés quotidiennes ne ressent pas la nécessité de s’intéresser à une discipline, quelle qu’elle soit. Ce sont avant tout des professionnels qui ont des besoins bien concrets et les réponses à leurs préoccupations quotidiennes se trouvent la plupart du temps dans des solutions pragmatiques. Devrions-nous dire, de concert avec Calenge à propos de la documentation que nous avons-là une « science pratique » à organiser autour d’interrogations concrètes ? Il est vrai que les connaissances qui relèvent des savoirs et celles qui relèvent des pratiques n’ont pas toujours bien été définies et peut-être faut-il parler de discipline à forte dimension pratique ? Parlons plutôt de théorisation, de formalisation ou encore de modélisation ; les lois sont une chose trop sérieuse pour affirmer que la science de l’information possède des lois, tout au plus peut-on parler de modèle.
Notre désir de promouvoir la discipline vient également d’une situation institutionnelle particulière liée à un projet de grande envergure en Suisse : la création des Hautes Ecoles Spécialisées (HES). La création des HES marque un tournant pour les spécialistes de l’information dans toute la Suisse, en modifiant leur système de formation, en leur conférant une reconnaissance fédérale et un titre protégé.
Les HES, dénommées aussi University of Applied Sciences, constituent désormais un élément important du système éducatif suisse. Elles se veulent en phase avec les standards internationaux et il est donc tout naturel pour elles de prôner la mise en œuvre de la « Déclaration de Bologne » et donc d’entamer toute une série de réformes. La Conférence suisse des HES (CSHES) propose ainsi un modèle d’année académique et de formation modulaire. Les HES constituent un véritable laboratoire d’études aussi bien sur le plan de la modification du système de formation professionnelle (et sa promotion dans l’enseignement de niveau tertiaire) que sur le plan de la revalorisation des formations qui y sont dispensées.
La réforme de l’éducation tertiaire est intervenue en Suisse plus tardivement que dans les pays de la Communauté européenne. Paradoxalement, la bonne qualité de la recherche universitaire en sciences et en ingénierie et la qualité de la formation professionnelle qui permettait à la majorité des jeunes adultes en formation professionnelle d’entrer sur le marché du travail, n’ont pas incité à la mise en route de changements importants. Sous l’augmentation de la demande individuelle et sociale d’éducation tertiaire, alimentée par les compétences exigées par le marché du travail, la vigueur croissante du savoir comme force motrice de l’activité et des performances économiques, des changements touchant l’ampleur, la nature et la valeur de la recherche dans son acception large et d’une dynamique « européenne », l’éducation tertiaire a fait alors l’objet de réformes importantes. La création des HES en Suisse, élément de nature conjoncturel, correspond aussi à un mouvement d’harmonisation des formations universitaires au niveau européen.
La transformation des écoles supérieures en Hautes écoles spécialisées vise à élargir l’offre de formations universitaires en Suisse en y incluant des filières de formation du niveau des hautes écoles, de caractère à la fois scientifique et pratique et à renforcer l’euro compatibilité des diplômes. L’un des objectifs qui a présidé à la naissance des HES a été aussi d’élargir la fonction des écoles qui jusque-là était limitée à l’enseignement en leur confiant des tâches de recherche appliquée, de développement et de prestations de services à l’intention de l’économie (transfert de connaissances et de technologies). Si la coopération avec les milieux économiques ou institutionnels existait déjà, il en allait tout autrement pour la recherche.
La création des HES va élargir et compléter le domaine des hautes écoles. Les enseignants de ces écoles sont donc appelés à exercer des activités de recherche appliquée et de développement. La pratique d’activités de recherche et de développement est un moyen de ne pas prendre de retard sur les progrès de la science et sur l’évolution de la pratique professionnelle.
Notre propos n’est pas d’écrire l’histoire de la science de l’information ; des auteurs l’ont fort bien fait avant nous et leurs écrits ont d’ailleurs nourri notre réflexion aussi nous ne faisons que mettre en lumière quelques aspects qui nous semblent importants. Nous voulons montrer que la création de notre revue s’inscrit dans un contexte scientifique spécifique et dans un développement social et historique.
Lorsqu’on parle de science de l’information la première question que l’on pose généralement est : la science de l’information est-elle une discipline scientifique ? Et ceux qui posent cette question tentent bien souvent de vous prouver que non.
Généralement les disciplines scientifiques se distinguent par un vocabulaire spécifique, savant, hermétique au profane. La science de l’information utilise des vocables simples, appartenant au langage ordinaire, et compréhensibles par tous tels, information, livre, document, bibliothèque, film, photographie, lecteur, etc. Existe t-il un véritable vocabulaire scientifique ? Y a-t-il un vocabulaire théorique qui serait propre à la discipline ? Nous avons bien conscience de soulever des questions récurrentes qui ont déjà marqué les premières années d’existence de la discipline mais qui restent prégnantes aujourd’hui.
Une discipline désigne une matière enseignée, une branche de la connaissance. Dans une définition plus complète, on trouve « une discipline scientifique est une branche du savoir qui étudie une série de situations en ayant pris une perspective particulière, soutenue par des théories, des présuppositions, des réseaux scientifiques, des institutions, des contrôles sociaux, des appareils de mesure, des technologies, des publications, des diplômes universitaires, etc. » (4). Selon cette définition, oui la science de l’information est une discipline scientifique.
On peut, à juste titre s’étonner de voir que la science de l’information a été élevée au rang de « science » seulement quelques décennies après sa création. Prenant comme point de départ cette affirmation de Bourdieu (5), « la science n’a d’autre fondement que la croyance collective dans ses fondements que produit et suppose le fonctionnement même du champ scientifique », la science de l’information vient alors s’intégrer dans la famille des sciences et spécifiquement des sciences humaines et sociales.
Le critère de validité généralement retenu est celui de l’existence sociale d’une discipline reconnue comme science par la communauté de ceux qui la pratiquent, par les institutions académiques et par la société. En dehors des moments critiques de rupture épistémologique ou paradigmatique, qui engendrent de nouveaux équilibres sociaux autour de nouvelles définitions de la science, l’activité scientifique routinière s’identifie à l’ensemble des pratiques d’une communauté unie par des consensus théoriques et méthodologiques et par une vision commune du monde comme nous l’apprend Kuhn.
Dans le cas de la science de l’information, les consensus théoriques et méthodologiques ne sont pas complètement stabilisés, ce qui fait généralement dire que la science de l’information est une science en constitution. Kuhn insiste sur le caractère social du paradigme : il est propre à une communauté, c’est ce que tous les chercheurs d’un même domaine ont en commun et ce que l’on enseigne aux étudiants. Pour qu’il y ait science, il faut donc un objet et des méthodes scientifiques, des techniques, des services, etc. C’est un ensemble de phénomènes.
Qu’est-ce que la science de l’information ? Les définitions lexicales permettent de donner une description et de délimiter des frontières aux sujets couverts par le champ, mais elles ne peuvent en donner une compréhension plus approfondie. « Information science is that discipline that investigates the properties and behavior of information, the forces that govern the flow and use of information, and the technique, both manual and mechanical, of processing information for optimal storage, retrieval and dissemination» (6).
La science de l’information est un champ de pratique professionnelle et de recherche scientifique traitant du problème de la communication des enregistrements du savoir parmi les humains, dans le contexte du besoin social, organisationnel et individuel pour l’usage de l’information. Les débats sur la définition « propre » de la science de l’information peuvent paraître stériles. La science de l’information, comme science, et comme savoir théorique professionnel, étant finalement définie par les problèmes qu’elle soulève et les méthodes utilisées pour les résoudre.
La science de l’information est un objet qui intéresse nombre d’auteurs, elle est l’objet de rencontres scientifiques et pourtant elle ne semble pas rassembler la communauté scientifique dans un même consensus mais se maintient dans une nébuleuse aux contours encore flous. Il est un consensus sur lequel la communauté des chercheurs s’entend, c’est la classification dans la catégorie sciences humaines et sociales. Le caractère de science sociale avait déjà été avancé par Cossette à propos de la bibliothéconomie, mais en la désignant comme une science sociale dont l’objet est plus restreint que les autres sciences sociales et limitée à un milieu particulier, la bibliothèque. Elle présente un aspect particulier avec un aspect pratique plus développé, elle est à la fois science et art.
D’après Bourdieu (7) « le champ des sciences sociales est dans une situation très différente des autres champs scientifiques ; du fait qu’il a pour objet le monde social et qu’il prétend en produire une représentation scientifique, chacun des spécialistes y est en concurrence non seulement avec les autres savants, mais aussi avec les professionnels de la production symbolique (écrivains, hommes politiques, journalistes) et plus largement avec tous les agents sociaux qui, avec des forces symboliques et des succès très inégaux, travaillent à imposer leur vision du monde social ».
Le flou relatif à propos de la dénomination de la discipline, que nous avons mentionné au préalable, atteste l’existence de conflits sous-jacents à propos des frontières qui séparent la science de l’information des disciplines traditionnelles. Il se traduit également dans les diverses conceptions concernant l’objet de la science de l’information.
L’objet d’étude de la science de l’information est encore à l’heure actuelle matière à débat et loin d’être unanimement partagé au sein de la communauté scientifique, divisée qu’elle est entre plusieurs approches théoriques de l’univers informationnel et donc de l’objet même de la discipline. A cette instabilité correspond une certaine fragilité de ses fondements intellectuels. La science de l’information s’intéresse avant tout à l’élaboration sociale et au partage du savoir. Tout type de savoir étant concerné, qu’il s’agisse de savoir pratique, technique, scientifique, encyclopédique. Quant à l’élaboration et au partage, ils se réalisent dans des contextes sociaux et culturels divers que ce soit une communauté scientifique, professionnelle, culturelle, nationale, internationale ou une organisation humaine telle une entreprise, une université, etc. Pour Le Coadic (8), la science de l’information a pour objet « l’étude des propriétés générales de l’information (nature, genèse, effets) c’est-à-dire plus précisément l’analyse des processus de construction, de communication et d’usage de l’information et la conception des produits et des systèmes qui permettent sa construction, sa communication, son stockage et son usage ». C’est la vision défendue par Taylor, Goffman, Zunde qui la définissent comme une science empirique qui cherche à établir des principes généraux afin d’expliquer, de quantifier et de prédire des phénomènes. Selon l’acception nord-américaine défendue par Brookes ou Shera, la science de l’information a pour objet scientifique l’information à travers le message, sa forme, ses codes. Pour Saracevic ou Salton, l’objet est limité à un type d’information, l’information scientifique et technique. Fondin (9) définit l’objet de la science de l’information comme « le système d’échange entre différents acteurs autour d’une recherche d’information dont on veut comprendre le fonctionnement et surtout le rôle qu’y joue chaque acteur, pour éventuellement intervenir dessus ». Varet la définit comme « une discipline rigoureuse » et, pour cet auteur, c’est en édifiant une science de l’information que nous saurons un jour ce qu’est l’information pas avant, car si l’objet était connu avant que d’être étudié, cela voudrait dire que nous n’avons aucun besoin d’en instaurer la connaissance.
L’objet scientifique de la science de l’information nous paraît bien être la compréhension d’un processus d’échange, de partage qui relève de la préoccupation de la récupération de l’information (connaissance communiquée), quelle qu’elle soit (technique, culturelle, etc.), quel que soit son support (physique ou électronique), son cadre (individuel ou collectif), la raison (gratuit ou utilitaire) et dont les éléments essentiels sont en priorité les hommes, avant les techniques. La science de l’information s’intéresse à une activité humaine finalisée, elle est donc une discipline d’ordre communicationnel et elle appartient bien aux sciences humaines et sociales.
La science de l’information présente trois caractéristiques générales qui marquent son évolution. On peut aussi les voir comme des problématiques que traite, ou en tout cas que devrait traiter, la science de l’information.
- La science de l’information est de nature interdisciplinaire : cependant les relations entre les diverses disciplines sont changeantes et ne sont pas figées.
- La science de l’information est inexorablement liée à la technologie de l’information. La technologie contribue grandement à l’évolution de la science de l’information tout comme à la société de l’information dans son ensemble.
- La science de l’information est, avec d’autres champs, un acteur de l’évolution de la société de l’information. La science de l’information a une dimension sociale et humaine forte, au-dessus et au-delà de la technologie.
Vickery et Vickery et Saracevic ont souligné que la science de l’information se structure en deux champs relativement autonomes, eux-mêmes composés de plusieurs sous-champs. Lorsqu’en 1998, Buckland célèbre le cinquantième anniversaire du Journal of the American Society of Information Science, il évoque les deux traditions qui selon lui existent dans le champ anglo-saxon de la science de l’information : les approches fondées sur les documents, les enregistrements signifiants et celles fondées sur l’utilisation de résultats de techniques formelles (techniques ou mathématiques). Nous ne possédons pas d’étude d’envergure concernant les auteurs francophones et leurs domaines de recherche, mais nous distinguons également deux courants de recherche, l’un rattaché aux aspects techniques, à la conception de systèmes et l’autre tourné vers les aspects humains, les pratiques socioculturelles. En France, l’appartenance au domaine de l’information ou de la communication est toujours polémique, peut-être à cause du rapprochement de la science de l’information et de la communication dans une même section universitaire ?
L’autonomie du champ est un autre élément fondamental, mais dans le cas d’une science humaine en constitution, celle-ci ne peut être que faible. Autant l’élaboration conceptuelle, que la légitimation, doit s’opérer en se tournant vers l’extérieur du champ disciplinaire, en direction d’autres sciences. Selon nous, cela ne dévalorise en rien ce champ de savoir, l’une de ses forces consistant justement à savoir se tourner avec discernement vers les champs extérieurs.
Le terme de « information science » fut employé dès 1960 et remplaça progressivement le terme de « documentation ». Buckland et Liu le définissent comme relevant à la fois de la sphère d’application spécialisée (bibliothèques, archives, techniques documentaires, etc.) et d’un univers de recherche.
Pourtant cet univers de recherche ne semble pas si facile à circonscrire. « Nos études sont tiraillées entre la monographie, voire la microscopie des phénomènes et une vision plus contextuelle et transversale ; entre l’instantané, ou la fascination pour la nouveauté technique, et la longue durée de l’histoire ; entre la description empirique et l’appel à des concepts et à des paradigmes, seuls capables de favoriser le dialogue étendu et transdisciplinaire que nous appelons de nos vœux » (10).
Influencée par la théorie de Shannon, la problématique classique des recherches en science de l’information est selon Fondin celle du codage et du décodage de « l’information – contenu » et de sa bonne transmission. Il s’ensuit soit une préoccupation orientée vers le « document – message » souvent d’ailleurs assimilée au lieu de conservation, soit une « approche – objet » vers le système technique qui en assure le traitement et la transmission, soit une « approche – système ». Les professionnels ont encore une autre expression pour exprimer le changement de logique de fonctionnement, ils parlent de « logique de stock vers une logique de flux », slogan à connotation économique. Dans le domaine organisationnel, les chercheurs ont un intérêt commun pour les systèmes d’information mais, informaticiens et spécialistes de l’information sont également intéressés par l’interaction homme - ordinateur. En même temps qu’ils élargissent le contexte des activités d’information, les spécialistes de l’information examinent de nouveau la nature de l’information qu’ils traitent.
En faisant remonter les origines de la science de l’information au travail des documentalistes, dans la première moitié du vingtième siècle, on met une forte emphase sur le texte comme forme de base de l’information. Aujourd’hui, il est admis que l’on doit considérer d’autres représentations de l’information, comme égales aux phrases verbales. Cet élargissement du contexte dans lequel les spécialistes de l’information placent leur travail est naturellement lié à l’extension d’activités. Il serait bon, de ce point de vue, de comparer les sujets couverts à l’heure actuelle, dans les revues de science de l’information avec les sujets traités auparavant. Ceci donne une autre raison de penser qu’il est probablement peu profitable d’essayer de tracer une frontière autour de la science de l’information : ses limites changent constamment.
Le problème de la méthodologie en science de l’information est un domaine encore peu exploité. Du fait que le champ d’étude est vaste, la science de l’information embrasse différentes méthodologies. Quand on les examine, on voit qu’elles couvrent quelques techniques aisément reconnaissables en sciences sociales.
Dans le processus de cognition, l’homme utilise des règles afin de comprendre la réalité, de trouver des solutions à des tâches que la vie lui impose. Ces règles universalisent les résultats de la pratique et de la cognition. Dans la science, par exemple, ce sont les moyens d’accès à de nouvelles connaissances ou encore, en économie c’est un ensemble de mesures qui visent à atteindre les objectifs de la production. Cet ensemble de règles qui s’appuie sur l’expérience de la vie ou les connaissances scientifiques porte le nom de méthode. La méthode est donc constituée par l’ensemble des principes, des procédés d’étude théorique et d’action pratique qui permet d’atteindre les objectifs fixés et de résoudre les tâches voulues. Une méthode est déterminée par la nature des phénomènes ou les objets auxquels elle s’applique mais elle a ceci de particulier qu’elle sert à expliquer tous les domaines de la nature, de la société, de la pensée, c’est-à-dire des problèmes de caractère universel.
L’appartenance aux sciences humaines et sociales incite à classer la science de l’information dans la catégorie « sciences molles » par opposition aux « sciences dures ». Or, la distinction n’est pas si évidente. « La présence des sciences de l’information dans la « base » Pascal de l’Institut de l’information scientifique et technique (INIST) jusqu’à la fin des années 1990 n’est pas non plus étrangère à la situation » (11). De même la science de l’information figure dans la base de données INSPEC, plus spécifiquement dédiée aux sciences de l’ingénieur et plus proche des sciences dures.
Dans quelle mesure peut-on dire qu’un sujet est considéré « hard » ou « soft » ? Hard signifierait quantitatif et rigoureux tandis que soft signifierait plutôt qualitatif et plus approximatif ? Pour un sujet comme la science de l’information, qui possède à la fois des aspects « durs » et des aspects « mous », ceci pose une question majeure et justifie peut-être le fait qu’il n’y ait pas de consensus autour d’un paradigme méthodologique standard ?
Sur une cartographie virtuelle de la discipline, certains pics sont fondés sur des méthodologies dures (analyses bibliométriques par exemple), et d’autres sur des méthodologies molles (études d’usagers par exemple), dans quelle mesure peut-on développer le terrain intermédiaire ? Les questions de base qui intéressent la science de l’information peuvent, dans certains cas, recourir à un mélange d’approches dures et molles pour une résolution adéquate. Par exemple, la recherche documentaire a deux composants – comment les usagers décident de ce qu’ils veulent comme information et comment, une fois cette décision prise, décider de l’obtention de l’information. En termes méthodologiques, le premier est l’issue « molle » et le second la « dure ». Pour résoudre la plupart des problèmes en science de l’information, il est parfois nécessaire d’avoir recours à deux types de méthodologies mais selon nous, c’est plus une force qu’une faiblesse pour la discipline. La science de l’information, s’est appliquée depuis une dizaine d’années au moins, à tirer parti des possibilités d’améliorer les analyses quantitatives et qualitatives concernant les relations dynamiques qui unissent des collectifs d’objets au sein de diverses communautés et leurs modes de représentations graphiques (analyses des communautés, cartographies de recherches, etc.) dans un ensemble de recherches formalisées dans la scientométrie. Des évolutions sont aussi perceptibles du côté de l’ingénierie documentaire, renforcées par l’apparition des mémoires numériques portées par Internet. L’importance grandissante des méthodes d’analyses statistiques et la nécessité de décrire les phénomènes d’émergence de formes stables et instables au cœur de corpus hétérogènes ont renforcé l’usage de modèles comme les graphes conceptuels par exemple. Les pratiques, les comportements et les usages se développent aussi en interaction directe avec l’environnement.
Les chercheurs ont développé leurs propres approches théoriques de façon indépendante. Par exemple, les débats sur la théorie en bibliométrie n’ont pas grand-chose en commun avec les systèmes d’information. Ceci signifie-t-il que la base théorique de la science de l’information comprend essentiellement un ensemble de théories sans rapport entre elles, qui sont simplement sélectionnées pour leur application au sujet en considération ? Tout au long de la variété des théories centrales qui traduisent certainement un besoin, il y a de la place pour une théorie « surplombante » qui essaie de rassembler les différents composants de la science de l’information. Dans la mesure où les composants de base du monde moderne de l’information sont des êtres humains et des machines, on peut s’attendre à ce qu’une métathéorie les relie entre eux.
La science de l’information est presque invariablement vue comme appartenant à la catégorie « appliquée ». Ceci est vrai en termes de «pratique de recherche», mais soulève le rôle de la théorie dans la science de l’information. La plupart des sujets appliqués tendent à prendre leurs théories dans des sources diverses. Les pionniers de la science de l’information ont vu ceci comme une menace importante pour leur champ nouvellement établi. Ils pensaient qu’une base théorique agréée était nécessaire pour que le sujet développe une voie consistante et compréhensible. D’un côté, ils craignaient que la science de l’information ne devienne une étiquette pour une collection de compétences pratiques, sans cohérence théorique sous-jacente. D’un autre côté, ils sentaient qu’une telle base théorique serait impossible à formuler à moins que les activités d’information ne soient étudiées et discutées avec leurs propres termes, non avec les termes de leur possible application.
Dans les pays francophones, les domaines scientifiques et technologiques sont séparés et l’on retrouve cette séparation entre « recherche fondamentale » et « recherche appliquée ». Cette séparation se retrouve en science de l’information où la recherche est plus appliquée (c’est-à-dire visant à améliorer) que théorique (visant à comprendre), et que les chercheurs sont en fait plus ingénieurs que chercheurs. On comprend aussi qu’il y a là sujet de tensions entre les chercheurs, comme le fait remarquer Metzger (11) : « On observe des oppositions, des rivalités, parfois exacerbées … et la communauté de ces chercheurs… est tiraillée, sinon écartelée, entre plusieurs tendances… et les chercheurs qui se réclament de l’une ou l’autre ?de ces approches? d’entre elles inclinent à adopter les cadres théoriques et les méthodes des secteurs scientifiques qui leur paraissent proches et dont, souvent ils proviennent ».
La question de la méthodologie nous renvoie à la question des différences entre les disciplines, les sciences dites « dures » arguant qu’il existe une « méthode scientifique » unique et générale. Or, il existe des différences profondes entre les disciplines, portant sur la méthodologie scientifique. On s’accorde pour reconnaître que les sciences humaines sont moins avancées que les sciences de la nature et, effectivement, il est vrai que certains corps de connaissances ne sont pas acceptés par tous les chercheurs d’une discipline comme c’est le cas dans des sciences « dures ». Mais, peut-on dire que cette absence de consensus est réellement liée à un développement insuffisant ?
Pour savoir où va la science de l’information, il est nécessaire de regarder son histoire pour déterminer les courants qui se dessinent. Depuis quelques années, bibliothécaires et documentalistes se penchent sur leur histoire (Histoire des bibliothèques, Histoire de la documentation, Histoire de l’information scientifique et technique etc.). La base scientifique de la discipline constitue un thème récurrent, parmi les enseignants et les chercheurs. Bien que les problèmes relatifs à l’information et à son maniement aient toujours existé, la science de l’information est essentiellement une création de la seconde moitié du vingtième siècle. Le terme « information scientist » apparaît dans les années 50 et décrit un scientifique qui est un professionnel de l’information. En 1955, Farradane invente le terme « science de l’information » impliquant qu’il représente une discipline académique plutôt qu’une activité professionnelle. L’ « information scientist » est décrit comme étant proactif en cherchant, numérisant la littérature et présentant les résultats à ses clients. Il est aussi caractérisé comme ajoutant de la valeur à son travail en évaluant la littérature qu’il a cherché, ignorant le matériel de mauvaise qualité et attirant l’attention sur certaines références clés. Dans les années 50, le mot scientifique a une image attirante en Grande-Bretagne en étant associé aux technologies de pointe ; les « information scientists » sont impliqués dans les renseignements militaires, dans la recherche médicale ou encore la production d’électricité à bas prix ! On trouve aussi dans l’histoire de la science de l’information un lien entre les dénominations « special librarians » et « information officers ». Dans les pays francophones, on utilise le terme documentaliste pour information scientist.
La science de l’information a émergé avec la seconde guerre mondiale, en parallèle à l’informatique. Cette émergence correspond au phénomène de l’explosion de l’information. L’information a toujours été capitale, quelle que soit la société et l’époque, mais son rôle et son importance ont varié. Avec l’évolution de l’ordre social vers la société post-industrielle ou ce que nous appelons communément la société de l’information, le savoir et l’information assument un rôle central dans chacun des aspects de la vie.
Vakkari et Cronin ont souligné l’incertitude que les praticiens montrent envers ce que l’on appelle l’information. Si l’opposition entre aspect technique (la conception de systèmes) et aspect humain (étude des pratiques socioculturelles et capacités cognitives) partage le champ disciplinaire, cette opposition semble partager aussi les praticiens (opposition entre les bibliothèques universitaires et les bibliothèques de lecture publique). Mais l’articulation entre ces aspects peut, peut-être, constituer un nouvel enjeu pour la science de l’information. Il semble qu’actuellement aucune nouvelle théorie n’émerge du champ de la science de l’information pour développer de nouvelles voies de pensée. Dans le champ académique, les programmes de recherche anglo-saxons, par exemple, se sont plutôt centrés sur des problèmes pratiques comme la fourniture de documents à un nombre croissant d’étudiants. Les programmes sont concentrés sur la construction de modèles pour le futur des bibliothèques et investiguent des nouvelles voies de création et d’accessibilité à des sources d’information en développant le concept de bibliothèque virtuelle ou « hybrid library ».
Nous ne pouvons terminer cette réflexion, sans évoquer les liens entre la bibliothéconomie, la communication et la science de l’information.
Les relations entre la bibliothéconomie et la science de l’information sont souvent ambiguës et floues. Dans ce débat récurrent, la science de l’information apparaît généralement comme une discipline à portée théorique beaucoup plus grande que la bibliothéconomie ou la documentation, celles-ci étant perçues comme des domaines professionnels. « The aim of librarianship at whatever intellectual level it may operate is…to bring to the point of maximum efficiency the social utility of man’s graphic records, wether the patron served is a child absorbed in his first picture book or the most advanced scholar engaged in some esoteric inquiry » (12).
Dans le Dictionnaire encyclopédique des sciences de l’information et de la communication, la bibliothéconomie est définie comme « l’ensemble des processus, règles, moyens humains et financiers à mettre en œuvre pour offrir les meilleurs produits et/ou services, au moindre coût, en tenant compte des besoins des consommateurs (clients ou usagers du service de la bibliothèque) ». Ou encore pour Line, c’est un ensemble composite de connaissances, de compétences et de pratiques qui sont pour la plupart tout aussi utiles dans d’autres domaines professionnels. Calenge l’aborde avec quatre définitions recouvrant l’ensemble du concept :
- Au sens général c’est l’activité qui utilise et coordonne l’ensemble des sciences qui sont orientées vers la meilleure appropriation du savoir par les individus dans diverses communautés (fonds + services).
- La bibliothéconomie « pure » est l’activité de modélisation des situations et processus relatifs à la bibliothéconomie, les méthodologies de gestion de la collection et des services.
- La bibliothéconomie « appliquée » concerne la conception et la réalisation d’outils visant à diagnostiquer des anomalies dans l’appropriation du savoir.
- L’art bibliothéconomique consiste à mettre en œuvre les outils élaborés dans le cadre de la bibliothéconomie appliquée.
Bibliothéconomie et science de l’information ont en partage le rôle social et l’utilisation effective des enregistrements sur tous supports, par les individus. Mais il y a aussi des différences significatives, essentiellement dans la manière d’aborder les problèmes. En bibliothéconomie, les problèmes soulevés sont avant tout pratiques. Le bibliothécaire cherche une solution pour résoudre son problème sans référer forcément à un modèle théorique. Les outils et méthodes utilisés relèvent avant tout de la technologie.
Ces divergences conduisent à la conclusion que bibliothéconomie et science de l’information sont deux champs distincts dans des relations interdisciplinaires. Ce n’est pas que l’une soit moins bonne que l’autre, mais les oppositions se situent dans la sélection et/ou la définition des problèmes posés et les paradigmes de référence. Bibliothéconomie et science de l’information sont bien reliées mais dans des champs différents.
Une profession s’identifie généralement avec un objet ou un champ d’action précis or, le bibliothécaire ne se définit pas par rapport à la bibliothéconomie (encore moins à la science de l’information), mais comme un professionnel des bibliothèques. Ce lien ne remet pas en cause les tâches propres et les caractéristiques principales d’un métier. Le rôle premier du bibliothécaire est bien de gérer des connaissances ou plus globalement une partie du savoir de l’humanité. L’opposition entre bibliothéconomie et science de l’information est un faux débat, la bibliothéconomie peut juste dans certains de ses aspects, toucher à certains champs de la science de l’information. Même si elle n’est pas « science » au sens strict, la bibliothéconomie peut entreprendre une démarche scientifique. Il faut un modèle théorique pour faire une observation et c’est en construisant ce modèle qu’elle prend une dimension scientifique. Il ne s’agit pas du modèle au sens mathématique mais de la formalisation de scénarios d’analyses et de procédures réutilisables dans diverses situations. La bibliothéconomie se fonde sur la pratique et donc le débat opposant bibliothéconomie et science de l’information serait un faux débat, la science de l’information étant discipline et la bibliothéconomie pouvant, dans certains de ses aspects toucher au champ de cette discipline. « Les sciences de l’information, les sciences humaines ou sociales, n’ont pas besoin de la bibliothéconomie pour poursuivre leur projet, alors que la bibliothéconomie a besoin de ces sciences, sans pouvoir s’identifier à elles ». (13)
Toute science a été précédée d’une technique qui lui a fourni des problèmes, un matériel et des moyens de contrôle. La bibliothéconomie, contrairement à la plupart des autres sciences sociales, a surtout développé le côté pratique en négligeant l’aspect théorique. Ainsi, la bibliothéconomie a placé la théorie et les principes de la discipline en dehors de la profession, à l’extérieur de la sphère d’influence des bibliothécaires eux-mêmes. La bibliothéconomie a pourtant le mérite d’offrir un langage commun et le partage de techniques ce qui donne aux bibliothécaires identité et reconnaissance.
Le regard du spécialiste de l’information se porte sur l’information comme telle, celui du bibliothécaire se porte sur le support. Le champ d’exercice du spécialiste de l’information est la gestion de l’information où qu’elle soit, celui du bibliothécaire est la bibliothèque. On peut toujours mettre en avant les théories diverses de la science de l’information : la théorie de Shannon, la loi de Bradford ou celle de Zipf-Mandelbrot, etc., ou encore une méthode propre comme la bibliométrie. La science de l’information se caractérise par l’étude du phénomène du transfert de l’information et la bibliothéconomie se préoccupe de ce qui se passe dans les bibliothèques. « La science de l’information apporte à la bibliothéconomie et à l’archivistique un cadre théorique plus large, un contexte, une perspective holistique qui encourage la réflexion et la recherche » (14).
Tout se passe comme si la discipline était tiraillée entre d’une part, une science de l’information partie intégrante de la démarche des sciences sociales et donc appelée à respecter les règles de la rigueur épistémologique dans la construction autonome de l’objet, et, d’autre part, une science de l’information plus portée sur l’ingénierie documentaire, confortée qu’elle peut être dans cette voie par une demande plus ou moins pressante qui la pousse à offrir des « solutions » à des problèmes documentaires. Reste à se demander comment gérer cette tension. On pourrait se demander si l’on n’éviterait pas des malentendus en procédant à l’identification plus précise des différentes postures avec d’un côté des enseignants – chercheurs en science de l’information de type « social scientists » et de l’autre, des spécialistes de l’information, ingénieurs d’un savoir pratique spécialisés dans les questions documentaires. Cette distinction poserait la séparation entre ce qui relève d’abord de la recherche des savoirs et ce qui appartient au champ de la pratique documentaire.
Si les relations de la science de l’information et de la bibliothéconomie sont floues, celles qui concernent la communication ne sont pas aussi limpides qu’il y paraît.
Pourquoi, par qui, dans quelles conditions rassembler dans un même ensemble les sciences de la communication et celles de l’information alors qu’elles appartiennent à deux mondes qui fonctionnent presque toujours ailleurs de façon séparée ?
Les protagonistes qui ont présidé à la naissance officielle de la discipline dans les années 70 en France, ont hésité entre diverses appellations telles que « Sciences des représentations » ou encore « Sciences des significations ». Ceci montre que, même s’ils étaient attirés par une même réflexion théorique, ils ne poursuivaient pas les mêmes buts. Si certains avaient pour préoccupation l’institutionnalisation des formations et de la recherche, d’autres ont continué à fonctionner intellectuellement dans leur discipline d’origine. La terminologie retenue, tout en favorisant l’ouverture intellectuelle a aussi entretenue une certaine ambiguïté. L’association des sciences de l’information et celles de la communication (SIC) - que l’on appelle couramment info-com aujourd’hui - permet de servir les intérêts de divers groupes de spécialistes sans prendre une position définitive sur l’épistémologie du domaine. Cette position explique peut-être que la structuration du domaine a mis quelques années à se faire et les spécificités des SIC ne s’imposent pas sans difficulté.
On peut définir l’objet de la science de la communication ainsi : « La science de la communication cherche à comprendre la production, le traitement et les effets des symboles et des systèmes de signes par des théories analysables, contenant des généralisations légitimes permettant d’expliquer les phénomènes associés à la production, au traitement et aux effets » (Chaffee et Berger, cités par Lazar (15) ).
Un noyau dur des études en communication réside dans l’histoire des technologies du traitement et de la transmission des messages. Ce noyau déborde de l’histoire exclusivement en direction d’une médiologie qui va examiner l’outil de transmission ou le média, sous toutes ses facettes et tous ses aspects (sémiologiques, pragmatiques, systémiques, imaginaires).
Les études en communication s’intéressent aux usages, aux effets symboliques et, par la logique des médias, c’est l’interpersonnel et le social qui entrent en jeu. La communication est partout, elle est « comme un gros nuage que les vents poussent et déchirent, et qui plane sur à peu près tous les savoirs » (10).
Wolton rejette l’existence d’une discipline : « La communication est un objet de connaissance interdisciplinaire, à la mesure de sa dimension anthropologique, et cette dimension de carrefour doit être préservée pour éviter une spécialisation, apparemment rassurante mais en fait réductrice et appauvrissante ». Wolton recommande de se servir du capital d’expérience et de connaissance des disciplines qui participent du champ de recherche, de favoriser la production de connaissances et non la description, de penser la communication dans son contexte et de contribuer à la construction du milieu scientifique en favorisant les revues.
Le couplage des deux disciplines n’a peut-être pas été toujours favorable à la science de l’information. On constate aujourd’hui en France, que les laboratoires et les équipes de recherche qui se revendiquent expressément de la science de l’information sont moins nombreux que ceux qui se réclament des sciences de la communication et la communauté de la science de l’information – documentation est moins nombreuse que celle des sciences de la communication.
Dans ce contexte, il va de soi que répondre à la question « pourquoi RESSI ? » est aussi malaisé que nécessaire, pour des raisons inhérentes à l’essence même de la connaissance informationnelle plutôt qu’à la conjoncture dans laquelle s’inscrit la création d’une nouvelle revue scientifique.
Répondre à cette question est nécessaire parce que nous devons examiner tout ce que nous venons de dire et le mettre en perspective avec la capacité de la nouvelle revue à promouvoir la réflexion épistémologique, la confrontation des pratiques méthodologiques et l’échange des points de vue théoriques tels qu’ils émergent, s’appliquent et se produisent dans la sphère scientifique suisse en premier lieu et internationale ensuite. Mais répondre à cette question est en même temps difficile parce que, outre la modestie élémentaire qu’exige la déontologie scientifique des responsables d’une telle initiative et la modération que leur impose le sens commun, il paraît arrogant de prétendre que l’organe éditorial d’une communauté à peine née dans un petit pays, qui n’a, à son actif, qu’une tradition « récente » en matière de science de l’information peut réussir là où de l’avis partagé d’éminents confrères peu de résultats probants ont à ce jour été enregistrés au niveau international. RESSI ne se pose pas en concurrente des revues professionnelles dont les objectifs sont d’ailleurs différents des nôtres mais elle complète le paysage informationnel suisse en le dotant d’une nouvelle tribune.
RESSI se propose donc de contribuer à cet effort avec toutes les forces qu’elle pourra puiser dans la faveur de son public de lecteurs, dans la confiance de ses auteurs et dans le soutien des membres du comité de lecture. C’est pourquoi elle ouvre ses pages à toutes les tendances et domaines de la science de l’information dans l’espoir d’accueillir dans chacun de ses numéros des articles reflétant des théories concurrentes, des méthodologies diverses et des orientations épistémologiques différentes. Cette volonté de pluralisme n’est pas synonyme de rabais scientifique, autrement dit si RESSI est ouverte à tous les aspects et les points de vue, elle n’est pas pour autant disposée à accueillir des opinions personnelles non fondées ou des données de recherche lacunaires. Le niveau scientifique des membres du comité de lecture, appelés à expertiser les textes qui seront proposés, constitue une garantie suffisante du sérieux avec lequel nous avons l’intention de nous acquitter de cette tâche difficile. Car il s’agit d’offrir à la communauté suisse et internationale une nouvelle tribune sur laquelle viendront se rencontrer, s’affronter et se mesurer les expressions de la science de l’information avec l’espoir de contribuer à l’impression d’un souffle nouveau à la connaissance informationnelle.
Bibliographie
(1) BENOIT, Denis. Introduction aux sciences de l’information et de la communication. Paris : Ed. d’Organisation, 1995
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