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Veille stratégique
La veille et l’intelligence économique dans le marché de l’emploi en Suisse romande
Ressi — 15 décembre 2015
Raphaël Rey, Haute Ecole de Gestion, Genève
Résumé
Cet article donne les résultats d'une enquête sur le marché de l'emploi en Suisse romande pour des postes comportant des tâches de veille et d'intelligence économique. Entre juillet et octobre 2015, plusieurs centaines d'annonces ont été relevées dans divers portails d'offres d'emplois. Les résultats ont montré que la mention de la veille est assez fréquente (un peu moins de 2% du nombre total des offres), mais en général pour des tâches annexes. La veille technologique est particulièrement fréquente, notamment dans le descriptif des postes d’informaticiens et d’ingénieurs. Concernant les offres avec des responsabilités relevant majoritairement de la veille et de l'intelligence économique, nous en avons relevé 70. Presque tous les secteurs sont représentés, mais les milieux bancaires et pharmaceutiques occupent une place prédominante (veille marché et veille réglementaire). Du côté des formations en lien avec l’intelligence économique ou la veille, très peu d’attentes sont exprimées. Seules 5 offres ont été repérées au cours de l’enquête.
Zusammenfassung
Dieser Artikel gibt die Ergebnisse einer Untersuchung über den Arbeitsmarkt im Westen der Schweiz für Stellen mit Competitive Intelligence Aufgaben. Zwischen Juli und Oktober 2015 wurden mehrere hunderte Arbeitsangebote gefunden und analysiert. Die Ergebnisse zeigen, dass Competitive Intelligence durchaus üblich ist (etwas weniger als 2% der Gesamtzahl der Anzeigen), aber meistens für Nebenaufgaben. Technology Monitoring ist sehr häufig, insbesondere in der Beschreibung der Arbeitspflichten von Informatikern und Ingenieuren. Wir haben 70 Arbeitsangebote gefunden, die am meisten mit Competitive intelligence zu tun haben. Fast alle Sektoren kommen vor, aber der Bankensektor und die Pharmaindustrie sind häufiger (Market Intelligence und Legal Intelligence). Wir haben auch bemerkt, dass die Arbeitsangebote ganz selten Competitive Intelligence Ausbildungen erwähnen: nur 5 Angebote wurden im Rahmen der Untersuchung identifiziert.
La veille et l’intelligence économique dans le marché de l’emploi en Suisse romande
1 Introduction
En Suisse romande, une part importante des dirigeants de PME (Petites et Moyennes Entreprises) affirment avoir mis en place une démarche d’intelligence économique (IE) comme en témoigne une enquête de 2014 menée par Alexandre Racine et Amanda Morina(1). Les résultats ont montré qu’un peu moins de 60% des CEO (Chief Executive Officer) interrogés se disent déjà engagés sur cette voie et que près des trois quarts des entreprises pratiquent la veille, ne serait-ce que de manière informelle.
Selon ces chiffres, une majorité d’entre elles consacreraient donc des ressources à cette question, ce qui devrait logiquement se répercuter au niveau du cahier des charges affichés dans les offres d’emploi.
Du côté des grandes multinationales, ces pratiques sont souvent anciennes et bien implantées dans la mesure où leur taille et leur zone d’activité rendent évidente l’impossibilité d’appréhender un environnement si vaste et si complexe sans y consacrer des ressources et adopter une méthode structurée. A ceci s’ajoute souvent l’influence de la culture de gestion anglo-saxonne qui a acquis depuis longtemps une sensibilité dans le domaine.
2 Objectifs
Si une majorité des entreprises en Suisse romande consacrent des ressources à l’IE et à la veille, les offres d’emploi devraient logiquement en constituer un bon indicateur avec la mention claire de tâches associées à ces domaines. Cette étude a pour principal objectif de vérifier ce fait et de proposer un panorama général du marché de l’emploi centré sur cette problématique. Il s’agira notamment de déterminer :
- les secteurs économiques qui recrutent le plus
- avec la veille ou l’IE en tâche annexe,
- avec la veille ou l’IE en tâche principale ;
- les types de veille pratiqués ainsi que la terminologie utilisée pour la désigner ;
- le rattachement au sein de l’entreprise (communication, marketing, direction générale, etc.) ;
- les profils et formations recherchées.
Ces données sont particulièrement utiles pour les acteurs de l’intelligence économique en Suisse. Elles rendent manifestes les secteurs, voire les entreprises les plus actives dans ce domaine. Elles constituent également une ressource précieuse pour le positionnement et la promotion de formations en IE afin de répondre aux besoins du marché.
Un objectif annexe à cette étude est de mettre en place un dispositif simple avec un minimum de traitement nécessaire pour relayer sur le site JVeille les annonces parues dans le domaine de l’IE : http://www.jveille.ch(2) .
3 Méthodologie
3.1 Périmètre de l’étude
Dès le début de cette étude, nous avons pris le parti de ne pas rechercher d’annonces spécifiques à l’influence (lobbying) ou à la sécurité. Outre le souci de restreindre le périmètre de récolte de données, nous voulions aussi préserver une certaine unité. En effet, la quasi-totalité des annonces observées concernant la sécurité s’adresse à des informaticiens spécialisés dans ce domaine et non à des personnes qui auraient suivi un cursus en IE. Pour le domaine de l’influence, les annonces sont peu nombreuses et difficile à distinguer des postes de relations publiques et de communication. Nous avons donc renoncé à tenter de les cibler spécifiquement.
3.2 Une recherche en trois phases
La recherche d’annonce d’emplois pour la veille et l’intelligence économique s’est déroulée en trois phases. La première avait pour but de faire différents tests de mots-clés et de sources (sites d’offres d’emplois) en vue de la mise en place d’un dispositif de surveillance permettant de détecter un maximum d’annonces en Suisse romande. Nous ciblions toutes les annonces du moment qu’elles mentionnaient des tâches même annexes en lien avec l’IE.
La seconde phase a consisté à exploiter le système mis en place et donc à récolter puis traiter les annonces détectées. Dans la dernière, nous avons davantage ciblé notre surveillance sur les offres dont la plus grande partie des tâches mentionnées relevaient directement de l’IE. Ce sont finalement surtout ces annonces-là qui permettent d’évaluer l’implantation de l’IE dans les entreprises.
3.3. Sélection des mots-clés et des sources (phases 1 et 2)
La sélection de ces derniers a été l’objet d’un choix difficile. Le terme « veille » est évidemment important, mais il désigne également l’action de « faire en sorte que » assez fréquente dans les annonces. On aurait donc pu associer ce mot-clé à des adjectifs comme « stratégique », « technologique » ou « concurrentielle », mais une exploration préliminaire nous a permis de constater que les expressions utilisées sont peu prévisibles et nous avons donc pris le parti d’accepter passablement de bruit et d’effectuer un tri manuel.
Le terme « intelligence » soulève des problèmes similaires. Fort heureusement, il n’apparaît que rarement pour désigner une caractéristique de la personne. Que ce soit dans les annonces francophones ou anglophones, il se retrouve majoritairement associé à « business » (« business intelligence »). Cette expression peut se rapporter à un champ d’activité proche de l’IE, mais dans la grande majorité des cas, il s’agit d’informatique décisionnelle. Par ailleurs, à côté d’expressions consacrées comme « competitive intelligence » tout à fait pertinentes pour notre étude, on trouve également des expressions moins caractéristiques comme « provide intelligence ». Au vu de cette diversité dans les usages nous avons donc décidé de suivre le terme « intelligence » quel que soit son contexte et de réaliser un tri par la suite.
A ces deux mots-clés, nous avons encore joint deux expressions anglophones que nous avons rencontrées à quelques reprises : « market insight » et « business insight ».
Au niveau des sources, en raison de l’abondance du bruit engendré par ces requêtes (environ 30%), nous ne pouvions naturellement pas viser l’exhaustivité. A défaut, nous avons multiplié les canaux : une agence de placement (Addeco), deux métamoteurs (Option carrière et Indeed), un réseau social (LinkedIn) et deux portails (JobUp et Monster).
Concernant le mode de récolte des données, nous avons naturellement dû nous adapter aux possibilités offertes par les différentes sources. Nous avons privilégié les flux RSS quand cela était possible, sinon nous avons recouru à des surveillances de pages de résultats en fonction de requêtes et à des alertes par email. Voici un tableau récapitulatif des surveillances :
3.4 Recentrage des surveillances (phase 3)
Après une période de surveillance où nous avons ratissé large et pu observer la diversité des annonces comportant une part d’activité en lien avec l’intelligence économique, il nous a paru pertinent de suivre sur une plus longue durée les offres beaucoup moins nombreuses avec majoritairement des tâches en lien avec l’IE.
Pour limiter le bruit et le temps de traitement, nous n’avons suivi qu’une seule source, la plus prolifique de la phase 2 : Indeed. Nous avons également pris des mesures pour réduire le bruit au risque d’un certain silence. Voici l’équation que nous avons appliqué à chaque canton romand (ou partiellement romand) :
(veille or intelligence or "market insight" or "business insight") -"business intelligence" -"veille technologique" -"veille à" -"veiller à" -"veille au" -"veiller au" |
Parmi les points notables, nous avons par exemple rejeté l’expression « business intelligence ». En effet, la première phase de récolte a révélé que l’immense majorité des annonces comprenant cette expression n’étaient pas pertinentes par rapport à l’IE. Plus discutable peut-être, nous avons pris la décision de rejeter la veille technologique. En effet, cette tâche est mentionnée dans de très nombreuses annonces pour des postes d’ingénieurs ou d’informaticiens. Ce ne sont pas des spécialistes de la veille, mais cela fait partie de leur métier de se tenir informés sur les innovations de leur domaine. De plus, cela ne représente qu’une part très limitée de leur temps de travail.
3.5 Outils de veille utilisés
L’ensemble du dispositif a été mis en place sur le logiciel français de veille stratégique Digimind. Cet outil s’est révélé pratique pour son tableau de bord qui permettait de vérifier l’ensemble des sources de manière systématique, ainsi que pour les possibilités de capitalisation des annonces en leur associant des mots-clés en fonction de listes : formation, type de veille, secteur économique, etc.
Pour la phase 3 et la seconde collecte, nous avons également recouru à Inoreader qui permet d’exporter des flux RSS avec un paramétrage fin ainsi que des codes html pour intégrer les résultats sur un site web. Cette dernière fonctionnalité nous a permis de rediffuser les offres pertinentes sur le site JVeille.
4 Résultats
4.1 Représentation de la veille et de l’IE dans les offres d’emploi
Nous commençons l’exposition des résultats avec une rapide analyse de la présence de la veille et de l’IE dans les offres d’emploi. Pour ce faire, nous avons effectué un pointage sur toutes offres ouvertes le 10 septembre à l’aide du métamoteur Indeed et de l’équation suivante :
(veille or intelligence or "market insight" or "business insight") -"business intelligence" -"veille à" -"veiller à" -"veille au" -"veiller au" |
Il s’agit de la même requête que celle présentée dans la section précédente à l’exception que nous n’excluons plus la veille technologique. Par commodité, nous désignerons dans les diagrammes cette équation par le sigle /veille/.
Sur l’ensemble des cantons romands à l’exclusion de Berne qui est majoritairement alémanique, nous obtenons les chiffres suivants :
On constate donc qu’en moyenne moins de 2% des offres mentionnent une activité en lien avec l’IE et cette proportion varie drastiquement selon les régions et semble diminuer à mesure que l’on s’éloigne de Genève et de l’Arc lémanique. En France, la même requête révèle qu’un peu plus de 5% des offres comportent des tâches de veille.
A titre de comparaison avec d’autres types de responsabilités ou fonctions, nous avons tenté les requêtes suivantes sur le canton de Genève :
Il ressort de ces chiffres que l’on manage à Genève au moins 8 fois plus que l’on ne fait de la veille. Une activité aussi transversale est moins demandée que des responsabilités en lien avec les ressources humaines ou la comptabilité. Quant aux ingénieurs, il n’y en a finalement qu’une partie assez faible dont l’annonce mentionne des activités de veille (9 sur 99).
Naturellement, les collaborateurs peuvent se voir confier des tâches de cet ordre, même si celles-ci ne sont pas annoncées dans l’offre. Toutefois ces chiffres semblent confirmer l’idée que les compétences en IE ne constituent que très rarement une priorité chez les recruteurs.
Ces résultats présentent une certaine stabilité dans le temps comme en témoignent deux autres sondages que nous avons effectués sur Indeed avec la même requête sur Genève (14 octobre et 4 décembre 2015).
Dans les sections suivantes, nous allons analyser plus en détail les offres repérées qui présentent tâches en lien avec l’IE.
4.2 Analyse globale des offres (juillet-août)
Sur les mois de juillet et août, nous avons retenu 277 offres comme comportant des tâches en lien avec l’IE : 24 où celles-ci occupent une place essentielle et 253 où elles sont annexes.
En plus de ces 24 offres repérées, on trouve également plusieurs stages avec des tâches relevant de l’IE prédominantes : 17 annonces dont la moitié pour des activités en lien avec le marketing. Si on cumule les chiffres pour les emplois et les stages, on constate que sur les 41 offres au total dans le domaine, 40% sont en réalité des activités non ou très peu rémunérés. Ces résultats soulèvent des questions quant à la reconnaissances des compétences propres à l’IE, si des stagiaires suffisent à couvrir une part si importante des besoins. Nous reviendrons plus loin sur ce point.
Concernant la terminologie utilisée dans les annonces pour désigner la veille, celui-ci dépend naturellement des requêtes utilisées. Néanmoins, nos équations étaient suffisamment larges pour laisser de l’intérêt à ce type d’analyse en mettant en évidence, par exemple, les termes les plus souvent associés à celui de « veille » :
En plus d’observer une grande diversité dans les domaines couverts par la veille, on ne peut que constater l’écrasante domination de la veille technologique. En effet, les offres pour des ingénieurs ou des informaticiens comportent régulièrement des tâches de veille. Celles-ci ne représentent toutefois presque jamais l’essentiel des postes.
Parmi les faits remarquables, on notera la faible représentation de la « veille stratégique » alors qu’il existe une affinité évidente entre stratégie et veille et que cette expression est très largement utilisée dans la littérature. Ces résultats tendent à montrer que la recherche d’information sert d’abord à répondre à des besoins très opérationnels.
Si on considère l’e-réputation, il n’y a que trois offres qui mentionnent cette spécialisation de l’IE (et essentiellement des entreprises françaises). Si la demande est bien marquée en France, on constate qu’elle peine à s’imposer en Suisse. Cela ne signifie pas que les organisations de ce pays ne se soucient pas de leur réputation en ligne, simplement cette tâche n’y est que rarement reconnue comme un métier en soi ou alors est désignée autrement : « analyste médias », par exemple.
En anglais, on constate une plus grande variété dans les expressions utilisées :
On observe que dans les annonces anglophones, la veille est beaucoup plus orientée sur les problématiques liées à la concurrence et à l’analyse de marché. L’influence des requêtes utilisées pour repérer les annonces est certaine, mais ne suffit pas à expliquer le fait.
A noter que « monitor(ing) » peut renvoyer à n’importe quel type de surveillance potentiellement sans aucun rapport avec de la veille (d’autres termes comme « analyse » ou « research » sont fréquents, mais non caractéristiques du type d’annonces recherchées). Les occurrences du terme « insight » sont, en revanche, très souvent pertinentes. Toutefois, il n’y a pas de combinaisons récurrentes. On trouve, par exemple, plusieurs fois des expressions comme « provide insights ».
Parmi les profils et métiers recherchés, la diversité est très importante, ce qui n’est guère surprenant dans la mesure où des besoins en veille et en IE peuvent se ressentir dans les organisations à tous les niveaux. Le diagramme suivant montre de manière sommaire pour toutes les annonces comportant des tâches de veille (prioritaires ou non) la répartition entre les différents métiers :
Premièrement, ce schéma montre la rareté des postes s’adressant spécifiquement aux spécialistes de l’information et de l’IE en Suisse romande. Nous reviendrons sur ce point par la suite.
Dans « marketing, communication, commerciaux », nous trouvons également les spécialistes des achats et les responsables de la stratégie commerciale. Ces métiers et ces fonctions n’appartiennent pas toujours à des postes différents, surtout dans les PME. Au niveau de la veille, l’ensemble de ces personnes pratique essentiellement la veille concurrentielle.
Concernant les informaticiens, une pratique de la veille est souvent attendue d’eux, mais ce n’est que très exceptionnellement que cette activité devient prioritaire par rapport au reste. Manifestement, on souhaite qu’ils mettent à jour leurs connaissances, mais cela se fait probablement le plus souvent de manière assez informelle et personnelle.
La situation est un peu différente dans les domaines commerciaux où la veille prend davantage d’importance. Toutefois elle semble également le plus souvent personnelle dans la mesure où elle sert directement les tâches que remplit le collaborateur. Par exemple, un responsable des achats va faire une veille fournisseurs.
Nous n’avons rangé parmi les « cadres dirigeants » que des directeurs généraux ou du moins des responsables de succursales. Les autres postes de cadre ont été rangés dans la catégorie correspondante à leur métier : « ressources humaines » pour un directeur des resources humaines.
Dans la catégorie « autres », nous trouvons une série de métiers comme des chefs de projet, des statisticiens, des responsables qualité, des employés administratifs, etc. Les cadres intermédiaires y sont particulièrement bien représentés.
Parmi les secteurs qui propose de plus d’emplois comportant des tâches de veille, on trouve en tête le milieu bancaire couplé à celui de la finance, ainsi que tout ce qui relève du domaine IT.
La forte présence du secteur bancaire et de la finance s’explique par le fait que ces sociétés ont un besoin important de veille à plusieurs niveaux. Ils utilisent beaucoup d’informatique et se doivent d’être absolument sécurisés à ce niveau, ce qui implique une veille technologique régulière.
D’autre part, la gestion de patrimoine représente des enjeux fiscaux et légaux importants, d’où le besoin pour une veille réglementaire. Par ailleurs, il y a aussi toute la question liée à la due diligence (devoir de vérification raisonnable) qui amène les intermédiaires financiers à enquêter sur leurs clients. Finalement, cet univers est concurrentiel comme les autres et ne peut donc pas s’épargner une veille marché.
Le deuxième secteur le plus représenté est l’IT. La veille y est surtout technologique et on la retrouve indifféremment dans de nombreux domaines d’activité : sécurité informatique, développement d’applications, solutions cloud, webdesign, gestion de systèmes d’information, etc.
On remarquera également la part importante des autres secteurs qui montre à quel point la veille, bien que rare (2% des offres environ), se retrouve dans la plupart des types d’activité.
4.3 Analyse des offres centrées sur l’IE (juillet-octobre)
Afin d’avoir davantage de données, nous avons étendu à quatre mois la période de récolte des offres qui comportent une part importante de tâches en lien avec de l’intelligence économique ou à de la veille. Dans cette partie, nous présentons donc des données datant de juillet à octobre 2015.
Nous avons retenu au total 70 offres où la part des tâches en relation directe avec l’IE nous semblait particulièrement importante. Parmi elles, la répartition des langues entre anglais et français est assez équilibrée avec un avantage pour la seconde.
La forte présence de l’anglais s’explique par la proportion significative des offres émanant de multinationales étrangères, mais pas uniquement.
Dans la section suivante, nous verrons que plusieurs secteurs d’entreprises dont le siège et l’essentiel des activités sont en Suisse proposent également des postes avec des besoins marqués en compétences IE.
Le diagramme suivant donne la répartition des offres par secteur sur les mois de juillet à octobre 2015 :
Nous pouvons tout d’abord constater une grande diversité. Après tout, le plus grand groupe est « autres secteurs » avec presque un tiers des offres. Il est toutefois intéressant de noter quelques différences avec la répartition que nous avions présentée plus haut quand nous analysions l’ensemble des annonces comportant des tâches d’IE :
- Le domaine IT a pour ainsi dire disparu ;
- Les secteurs medtech / pharma et banque / finance arrivent en tête, en particulier à cause du besoin massif de veille réglementaire ;
- La présence de cabinets de conseil que ce soit en IE, en marketing, en recrutement ou en technologie n’a rien d’étonnant dans la mesure où ce type de services requiert une recherche d’information souvent importante et actualisée ;
- Les ONG (Organisation Non-Gouvernementales) sont également bien représentées avec des tâches d'IE très diversifiées : veille médias et veille stratégique ;
- On retrouve également cette diversité dans l’horlogerie avec une dominance pour les problématiques liées au marketing.
On notera également une certaine fluctuation dans le rythme de publication des annonces. En effet, sur juillet et août, nous n’avions repéré dans le domaine de l’horlogerie aucune offre relevant majoritairement de l’IE, alors que pendant les deux mois suivants 6 paraissaient. Les autres secteurs affichent des répartitions un peu plus harmonieuses, mais le marché reste sujet à des fluctuations assez fortes.
Le diagramme suivant présente les domaines d’activité des 70 annonces retenues :
Le marketing et la conformité canalisent l’essentiel du marché de l’emploi. Ces résultats ne surprennent pas dans la mesure où le marketing est incontournable quel que soit le secteur d’activité. Quant à la conformité, elle est indispensable dans de nombreux secteurs bien représentés en Suisse romande comme les milieux bancaires ou pharmaceutiques.
La catégorie « prestation de veille » regroupe les emplois où la personne engagée n’effectue pas de la veille pour ses propres besoins ou un service donné dont elle fait partie (comme le marketing par exemple). Elle remplit au contraire un rôle de prestataire de services pour divers clients internes ou externes à l’organisation. Ces postes constituent des cibles particulièrement intéressantes pour celles et ceux qui souhaitent travailler activement dans la veille. Voici la liste des intitulés des dix annonces repérées :
A noter que pour seulement 4 de ces annonces, une formation dans le domaine de l’information est attendue (en orange dans le tableau). Quant à trois de ces offres, elles se contentent de rechercher des profils universitaires sans aucune formation spécifique à l’IE ou à la veille.
Si on ajoute encore une offre (absente de ce tableau) pour un poste à l’ONU dans le secteur des ressources humaines : JPO, HR Evaluation, Operational and Financial Analytics, il n’y a au total que 5 offres sur les 70 retenues qui expriment des attentes par rapport à une telle formation.
Comment interpréter cette situation ? On peut en déduire une certaine méconnaissance en Suisse pour les écoles et les filières qui intègrent la veille dans leur programme comme la HEG de Genève qui propose notamment un bachelor et un master en information documentaire ainsi qu’un DAS (Diploma of Advanced Studies) en intelligence économique et veille stratégique.
Toutefois, cette méconnaissance est probablement aussi le symptôme d’un manque de reconnaissance pour ce type de compétences. Parmi les emplois où la part de veille / IE est prédominante, nous avons aussi pu constater l’abondance des offres pour des stages avec près de la moitié des annonces. En particulier dans le domaine du marketing, la recherche d’information et la surveillance des médias sociaux apparaissent souvent comme des activités qu’on peut déléguer à des personnes peu formées ou du moins novices.
Pour aller au-delà de suppositions, la réalisation d’une enquête serait nécessaire. Toutefois, il est évident que pour une grande partie des travailleurs, la recherche d’information constitue une tâche quotidienne. Cette banalisation ainsi que la facilité d’accès et l’abondance de l’information masque probablement le besoin d’experts pour répondre à ces besoins. Et pourtant ceux-ci sont précieux pour coordonner les efforts d’une équipe et définir une véritable stratégie d’acquisition et de gestion de l’information. Aujourd’hui l’enjeu n’est plus tellement de trouver de l’information, mais de la trier et de cibler celle qui est véritablement utile.
5 Conclusion
Cette étude a mis en évidence un réel besoin du marché pour la veille. Avec environ 2% des offres mentionnant des tâches de ce type, il est évident que la question de l’information, de la mise à jour des connaissances est prise en compte par les recruteurs.
La plupart des secteurs d’activité sont représentés et parmi les plus demandeurs on trouve les banques, les medtechs et l'industrie pharmaceutique, puis dans une moindre mesure les ONG et l’horlogerie.
Toutefois, dans la majorité des cas, la veille ne constitue qu’une tâche annexe qui, dans les annonces, apparaît en général tout à la fin de la liste des responsabilités. Ceci est particulièrement fréquent pour les ingénieurs et les informaticiens qui comptabilisent à eux seuls un peu plus de 40% des offres repérées (112 sur 277 pour la période de juillet à août), mais uniquement dans 5 de ces offres, la veille occupe une place prédominante.
Parmi les types de veille pratiqués, l’analyse de la terminologie nous a montré qu’en français la veille technologique ou technique était très largement majoritaire (88 offres sur 277 en juillet et août), ce qui s’explique en partie par la forte proportion des annonces pour des postes d’ingénieurs ou d’informaticiens. Arrivent ensuite, la veille concurrentielle (26 sur 277) et la veille réglementaire (15 sur 277). Quant à l’e-réputation, elle n’a pas percé en Suisse malgré sa relative forte représentation en France (3 mentions dans les offres).
En anglais, la répartition est plus homogène et on trouve en tête competitive intelligence (20 sur 277) et market intelligence (12 sur 277). On ne trouve donc pas d’équivalent direct pour la veille technologique.
La présence récurrente de la veille dans les annonces constitue un premier pas, même si 2% des offres ne constitue qu’une proportion relativement faible si on la met en parallèle avec les trois quarts de dirigeants de PME qui prétendent qu’une pratique de veille existe au sein de leur entreprise (voir notre introduction).
Si une prise de conscience a eu lieu à propos de la nécessité de la veille, il s’agirait à l’avenir de généraliser et de professionnaliser sa pratique en rendant manifeste le fait que cela demande des compétences spécifiques et donc une formation.
En effet, cette étude met également en évidence un niveau d’attente très faible pour des formations en intelligence économique ou en sciences de l’information, même s’il ne fait pas de doute que des diplômes dans ces disciplines constituent un réel atout pour prétendre à des postes tels que ceux que nous avons identifiés comme comportant une part significative de tâches liées à l’IE.
Dans ce contexte, une formation telle que le DAS en intelligence économique et veille stratégique de la HEG de Genève fait particulièrement sens lorsqu’elle vient compléter un cursus dans des disciplines comme le droit, le marketing, la communication ou d’autres encore.
Néanmoins, il reste un long travail d’évangélisation à effectuer auprès des entreprises pour faire évoluer la reconnaissance des compétences d'IE et mettre en évidence l’importance d’une gestion professionnelle de l’information qui constitue aujourd’hui avec les ressources humaines, les biens les plus précieux des organisations.
Notes
(1) MORINA, Amanda., RACINE, Alexandre, 2014. Pratiques et besoins de veille dans les PME de Suisse romande. [En ligne]. Travail de bachelor. Genève : Haute école de gestion de Genève. [Consulté le 14 décembre 2015]. Disponible à l’adresse : https://doc.rero.ch/record/232941
(2) Site en lien avec l’organisation des journées franco-suisses de la veille en partenariat avec la HEG de Genève, la HE-Arc de Neuchâtel et l’Université de Franche-Comté.
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Hélène Madinier, Haute Ecole de Gestion de Genève
Maurizio Velletri, Haute Ecole de Gestion de Genève
Veille et marketing de l’innovation : outils et méthodes pour explorer les marchés de demain : compte-rendu de la 10ème journée franco-suisse sur la veille stratégique et l’intelligence économique, 6 juin 2013, Haute École de Gestion. Genève.
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Tout d’abord, Nicolas Walder, maire de Carouge, a prononcé un discours de bienvenue aux quelque 60 participants présents. Il a mis l’accent sur le souhait de la ville de poursuivre ses actions en faveur du développement durable et de la formation. La directrice de la HEG, Claire Baribaud a ensuite pris la parole en se réjouissant de la collaboration fructueuse entre les 3 institutions co-organisatrices (Université de Franche-Comté, HEG de Genève, HEG Arc de Neuchâtel) et en rappelant que la HEG Genève est la seule Haute école en Suisse Romande à proposer une formation axée sur la veille stratégique et l’intelligence économique.
Marché découvert ou marché construit ? La logique d’action des entrepreneurs innovateurs, par Philippe Silberzahn
M. Silberzahn explique comment naît une idée et de quelle manière se déroule un processus complet de création, comprenant la création d’un produit, d’un marché ainsi que d’une entreprise. Pour ce faire, il prend l’exemple des hôtels en glace imaginés par la société Jukkas AB. A travers cet exemple, il met en évidence la capacité de l’entrepreneur à se tourner vers son environnement pour trouver une idée ou une solution à un problème ; la création et l’émergence de nouvelles idées étant donc des processus extrêmement sociaux. Ainsi, la capacité à avoir de nouvelles idées n’est pas indispensable pour un entrepreneur. En revanche, les compétences sociales le sont.
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Comment Colorix Sàrl a découvert ses marchés et créé ses domaines d’application, par David Maurer
M. Maurer explique les grandes phases qui ont jalonné la vie de sa société durant ces dix dernières années. Il a commencé avec un prototype d’appareil lisant la couleur et est parvenu à l’invention et la mise sur le marché de Colorcatch. David Maurer a su se diversifier pour proposer un produit innovant et faisant gagner énormément de temps (et d’argent) à l’industrie de la peinture. Il va s’attaquer également à l’imprimerie, au graphisme, au contrôle qualité, carrosserie de voiture, etc. Cette success story ne s’est pas faite facilement. Après une première désillusion, il n’abandonne pas, il s’adapte aux réalités du marché et entre dans un parc technologique ; il y gagne une formation à Boston lors d’un concours d’entrepreneurs. A son retour, il emprunte de l’argent pour la création de son entreprise et les premières ventes en Suisse se font, puis il attaque le marché européen.
La force de Colorcatch est d’être en constante évolution, et de s’adapter à notre société numérique (connecteur USB, applications mobiles) ainsi qu’aux besoins spécifiques de ses utilisateurs (appareil petit, précis, avec des possibilités de mises à jour). En 2011, c’est la consécration, il gagne le prix de l'innovation de la banque centrale Neuchâteloise (BCN) : 500 000 CHF ! Il prévoit dès lors l’embauche de 33 personnes d’ici 2015.
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Stéphane Goria nous présente la manière d’identifier les signaux de routines(1) grâce à des représentations de stratégies de marché sur un support de jeu. Il s’agit de partir d'un panel d'objets (photos), en faire une description normée, avec un lexique de synonymes : on voit ainsi ressortir ce qui est commun, constant et stable, c’est-à-dire une routine. Exemple : les manettes de jeu entre la 6ème et la 7ème génération 2001 – 2004 : le câble a disparu, le reste est conforme : cela signifie, qu’il faut être attentif, qu’un acteur risque de faire une innovation. Ces signaux de routine peuvent se trouver dans le design des objets, dans la tactique ou dans la stratégie. Par exemple le nouveau design de manette de jeu avec la Wii provient de l'évolution subite de la forme des manettes, en «croissant» depuis longtemps.
Les jeux de guerre sont utilisés pour simuler des situations auxquelles les entreprises peuvent faire face et doivent apprendre à réagir, comme l’apparition de nouveaux acteurs sur le marché.
La mise en place de stratégies basées sur les mouvements de l’adversaire, ou les actions de concurrents, est facilitée par la simulation de jeu. Utiliser cette approche permet d’apprendre à anticiper les actes de l’autre, et à préparer une stratégie de réponse.
Il est donc intéressant de recourir à ces outils pour contribuer à la veille créative, une veille qui doit donner des idées et orienter l’innovation (par exemple : occuper un terrain encore en friche). Elle n’est pas seulement intuitive, elle stimule l’imagination également.
Explorer et exploiter de nouveaux marchés dans un marché existant, par Jean-Marc Hilfiker
Jean-Marc Hilfiker présente Fongit, un incubateur de start-up dans des domaines tels que les cleantech et les medtech. Il apporte une aide à la fondation, à l'hébergement et au développement de start-up. Sa mission est de créer de la valeur économique dans le high-tech (nouvelles technologies).
Le point de départ de cette structure est la mise au jour de deux problématiques majeures pour le marché de l'innovation aujourd'hui. Tout d'abord, les start-up ont de réels problèmes d'intégration dans le marché et doivent donc être mises en relation avec les clients. De plus, les clients potentiels ont des difficultés à formuler leurs besoins et surtout veulent avoir une vision globale sur les technologies de niche. Ils souhaitent donc avoir des éléments afin d'orienter leur stratégie d'investissement.
Les besoins du marché de l'innovation sont donc de qualifier et de positionner les acteurs industriels ainsi qu'une identification des investisseurs potentiels. Un mapping des besoins stratégiques des différents partenaires est également nécessaire. Enfin, un mapping des start-up répondant aux besoins du marché actuel doit se faire.
L’exemple de Tegona, fournisseur de solutions d’identification et d’authentification, par Geoffroy Raymond
Geoffroy Raymond présente sa société Tegona, fondée en 2009, qui est incubée à Fongit. Elle propose le développement de logiciels pour les consommateurs. Tegona s'est penchée sur le marché de la remittance (transfert d'argent) qui se chiffre à 514 milliards de dollars par an dont 400 milliards dans les pays en développement. Le numéro 1 sur ce marché est Western Union qui compte 7000 employés dans un peu plus de 150 pays.
Un dernier schéma pour le transfert d'argent est celui du « mobile money » dont un des exemples les plus connus est M-Pesa. Il a été développé au Kenya, pour une population non bancarisée et qui souhaitait déposer son argent quelque part (suite à la guerre civile). De nombreux copycats ont éclos dans les pays émergents. Aujourd'hui, un millier de start-up essayent de rentrer sur ce marché très mature.
Tegona s’est démarqué et a innové en s’intéressant au pourquoi, à la raison qui poussent des personnes à faire des transferts d’argent à des personnes non bancarisées. Le premier motif invoqué est de pouvoir payer des frais médicaux; or dans plus de 40% des cas (Western Union), l’argent n’est pas utilisé à ces fins. Il veut donc s’assurer que l’argent soit bien utilisé à des fins de santé et c’est ainsi qu’il a développé un projet-pilote dans 2 pays d’Afrique, la carte Nafi, qui est une carte prépayée de santé qui permet de régler une facture médicale. Il n’y a donc pas de liquidités et une garantie que l’argent est bien utilisé.
Pour cela, Tegona est parti du réseau de valeur en essayant de satisfaire tous les acteurs : les compagnies d'assurance, les professionnels de santé, les services points (emplois créés sur place), l’uitlisation de la chaîne traditionnelle d’émission (extension aux opérateurs GSM, aux outils classiques des banques)
Son business model s’appuie sur un taux prélevé sur chargement des cartes, ainsi que sur la négociation de réductions sur les soins de santé.
La perspective d'un centre de R&D : la valorisation des technologies, par Marie-Noëlle Dessinges
Marie-Noëlle Dessinges présente le centre de recherche technologique du commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Le bureau d'étude marketing s'occupe essentiellement du marketing de l'innovation. Le business model du CEA (env. 15000 personnes) est d’une part de développer des technologies et dans un deuxième temps de les valoriser en les vendant à des industriels.
Au sein du service marketing, tous les employés possèdent une double compétence : ingénierie et marketing dans le but d’avoir un langage commun entre scientifiques et entrepreneurs. Un des cas d'école les plus connus du CEA est ST Microelectronics qui est l'un des leaders mondiaux de la fabrication de semi-conducteurs.
Le CEA utilise une boîte à outil méthodologique systématique pour toute étude de marché. La première étape est celle de l'analyse documentaire, qui permet de comprendre le marché. Puis le CEA passe par une phase de terrain (avec collecte et analyse des données) et finalement propose une synthèse des différentes informations. Des interviews de toutes les personnes sont menées tout au long de la chaine de valeur afin de savoir qui est le prescripteur.
La bibliométrie et le benchmarking sont également importants pour se positionner face aux concurrents ainsi que pour connaitre les niches technologiques ou les marchés exploitables.
Le CEA trouve les idées et cherche des personnes qui pourraient les appliquer, un marché qui pourrait absorber une telle technologie.
L'intermédiation dans le marché émergent de l'impression 3D : l'exemple de la start-up PrintaBit, par Stéphane Madoeuf
Stéphane Madoeuf présente PrintaBit, start-up fondée par 3 personnes. Elle est spécialisée dans l’impression en 3 dimensions, type d’impression qui représente une nouvelle révolution industrielle.
Il est possible d'imprimer sur tout type de support : métal, aliments, biologie (organes).... Cette technologie ne nécessite aucun assemblage, aucun délai, aucune compétence. Il est possible de répliquer tous les objets physiques, dans toutes les tailles et toutes les couleurs.
PrintaBit se positionne, dans le marché de l'impression 3D, sur l'art, le design et la mode. Cette plateforme sera bi-versant : elle sera ouverte aux designers qui souhaitent mettre leurs produits en vente, aux utilisateurs et aussi aux makers (personnes qui souhaitent fabriquer quelque chose).
C’est grâce à une veille méthodique que PrintaBit a choisi d’être un intermédiaire sur ce marché : c’est en identifiant les tendances et les besoins des clients possibles, aussi bien en participant à des salons qu’en structurant sa veille avec un grand nombre d’outils de veille à bas coût ou gratuits ; c’est ainsi que les 3 fondateurs de PrintaBit ont donc élaboré un portail Netvibes pour la recherche d'actualités, des flux RSS et des alertes Google, ils ont organisé la gestion de leurs signets avec Pearltrees et gèrent leurs informations via un compte Dropbox et Evernote. De plus, PrintaBit a développé Printabase, une base de données interne sur l'impression 3D. La communication au sein de l'équipe se pratique avec Google Plus. PrintaBit utilise également des outils pour gérer les projets (Basecamp) et les relations clients (Highrise).
Conclusion
La prise en compte des idées de clients/partenaires possibles, l’écoute permanente, la rapidité d’action –sans passage obligé par les études de marché-, la persévérance malgré les obstacles, ainsi que l’identification précise des failles et absences de ses concurrents sur certains segments, -avec l’aide par exemple, des jeux de stratégie- : voici quelques-unes des méthodes permettant d’identifier ses marchés actuels et futurs, méthodes qui ont été illustrées par des exemples vivants, concrets, et variés lors de cette 10ème journée franco-suisse sur la veille.
Même si la rapidité d’action est décisive, les start-up auront recours avec profit aux différents types d’incubateurs existants pour les aider dans l’identification de leur marché : que ce soit des incubateurs externes, spécialisés sur un domaine d’activité, comme la Fongit à Genève, ou internes à une organisation, comme le bureau d’études marketing (BEM) du CEA à Grenoble, ces organismes allient une méthodologie rigoureuse à une longue expérience.
Notes
(1) Eléments qu'on retrouve systématiquement sur une longue période, sur lesquels il n'y a pas d'innovation.
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Intelligence économique et e-reputation des PME
Ressi — 20 décembre 2012
Maurizio Velletri, Haute Ecole de Gestion, Genève
Hélène Madinier, Haute Ecole de Gestion, Genève
Intelligence économique et e-reputation des PME
Compte-rendu de la 9ème journée franco-suisse sur la veille stratégique et l’intelligence économique, 7 juin 2012, Université de Franche-Comté, Besançon
À l’heure des réseaux sociaux et du tout numérique, Internet est devenu le principal vecteur de la réputation des entreprises, et de l’expression de la satisfaction - ou de l’insatisfaction - des clients et des consommateurs : articles intempestifs, rumeurs, commentaires malveillants, les risques sont d’autant plus importants que la propagation est rapide. Qu’elle soit industrielle ou de services, BtoB ou BtoC, l’entreprise ne peut plus limiter sa présence sur le web à l’animation de son seul site : sa réputation numérique doit être maîtrisée, développée et soigneusement surveillée et optimisée.
Cette journée aura permis d’aborder ce thème sous une forme originale: après les interventions d’experts en e-reputation, des cas réels d’entreprise ont été exposés, puis analysés par les experts, qui ont ensuite livré leurs conclusions et recommandations.
En préambule, Monsieur Joël Pierre-Eugène, directeur de l’IUT de Besançon-Vesoul, et Madame Françoise Simonot, professeure à l’IUT Information-Communication de l’université de Franche-Comté et membre du Comité d’organisation, ont souhaité la bienvenue et présenté le programme aux quelque 60 participants présents, et Monsieur Jean Ribeil, directeur régional de la DIRECCTE Franche-Comté, a dressé le paysage de l’intelligence économique en Franche Comté.
Panorama de la e-reputation : concepts, tendances et pratiques, par Christophe Thil, gérant, Agence Blueboat(1), Mulhouse
Christophe Thil a commencé sa présentation en définissant l’e-reputation comme étant « l’image subjective que renvoie à un internaute l’ensemble des contenus et informations qui lui sont accessibles en ligne en rapport avec une entreprise ou une marque ». Il a insisté également sur le volume et la vitesse auxquels ces informations circulent.
L’e-reputation s’articule généralement autour de 3 pôles que sont l’entreprise et la marque, les influenceurs(2) et les internautes. Entre ceux-ci peuvent s’opérer des phénomènes de viralité positifs (good buzz) ou négatifs (bad buzz).
Afin de contrôler le mieux possible son image sur le web, Christophe Thil propose une démarche itérative en 4 phases :
- Analyser l’image de son entreprise
- Actions d’amélioration
- Elaboration de l’e-reputation et mise en œuvre
- Monitoring et ajustement
L’e-réputation est un processus itératif, une boucle sans fin : il faut en continu évaluer et corriger.
Pour contrôler cette image, il faut parler de soi et pouvoir apparaître sur la 1ère page de Google, en particulier. Ce qui signifie qu’il faudra exploiter les potentialités des medias sociaux comme les blogs, les forums ou les videos, pour amener du trafic vers son site. En effet, un site est assez statique et n’est mis à jour que 2-3 fois par an. Alors qu’un blog, une page Facebook, et des videos sur Youtube permettent de donner d’autres types d’information, peuvent être mis à jour fréquemment et attirer l’attention des influenceurs, qui relayent ensuite l’information.
Evaluer l'image de l'entreprise à travers les échanges entre internautes par Camille Alloing, ingénieur R&D, La Poste Courrier, Paris
Camille Alloing nous propose d’appréhender l’e-reputation comme une forme d’évaluation des actions d’une entreprise construite par les opinions des utilisateurs du web. Il s’agirait donc pour pouvoir bien gérer l’e-reputation, d’accorder ces évaluations. Pour être en adéquation avec la grille d’évaluation de son public, il est nécessaire que l’entreprise soit proactive dans sa présence sur le web plutôt que de s’occuper uniquement du « SAV(3) ». Pour y arriver les entreprises se doivent de définir des indicateurs sur lesquels ils pourront avoir de l’emprise.
Il nous en propose un certain nombre tels que l’identification du public potentiel, l’évaluation de la consommation de l’information, la mesure du volume et la typologie des interactions, l’évaluation de la « place restante » sur un sujet donné, l’exposition du public aux informations de votre marque. Pour finalement adapter son discours à celui déjà présent, s’adapter en observant les internautes influents (en les identifiant et les catégorisant).
L’e-reputation est une évaluation dont il faut établir les critères et pour laquelle chaque action doit être définie au préalable.
Les outils de la veille sur l'e-reputation, par Frédéric Martinet, consultant et formateur, Actulligence Consulting SARL
Frédéric Martinet explique ensuite qu’il y a différents types d’outils, très variés, qui vont des alertes Google à la plateforme Radians 6, par exemple. Le wiki des « solutions social media monitoring » en donne un aperçu (http://wiki.kenburbary.com/social-meda-monitoring-wiki).
Il faut rappeler toutefois, que l’outil ne substitue pas à l’humain, et que d’autre part, tous les outils ont des limites évidentes. Limites, tout d'abord en termes de volumétrie des contenus ; en juin 2012, il y avait quelque 400 millions de tweets par jour. Un outil, quel qu'il soit ne pourra pas tout suivre ni a fortiori tout traiter.
Tous les tweets ne sont pas en anglais : le multilinguisme constitue une autre limite des outils.
Enfin les fonctionnalités d’analyse de tonalité ne sont pas réellement performantes.
Que recouvrent-ils :
- Une partie des conversations publiques sur Twitter
- Les conversations publiques sur Facebook
- De nombreux blogs
- Les forums les plus actifs –il faut savoir toutefois que l’outil Boardreader a du mal à suivre les forums-
- La presse online
Afin de bien choisir son outil, il faut identifier où on parle de vous, et étudier les lieux de discussion qui ne vous concernent pas particulièrement. Les critères de choix se font ensuite en fonction de la couverture des outils, de leurs fonctionnalités et de la couverture linguistique, de leur prix et modèle économique, et de ce qu'on souhaite privilégier : la priorité à l'écoute, ou à l'engagement (qui signifie l’interaction avec les internautes), ou encore le développement de la visibilité.
Les types de livrables des outils sont aussi à considérer lors du choix : dashboard de monitoring et d’engagement (Radians 6), dashboard de gestion de compte Twitter, cartographie des influenceurs.
Le processus est comme celui de la veille classique, un processus en plusieurs phases et itératif : il s’agit d’abord d’écouter ce qui se dit, en identifiant les prises de parole sur le Web concernant son entreprise, de les analyser, puis de définir son positionnement. Ensuite il faut identifier les communautés existantes autour de la marque, pour pouvoir ensuite s’adresser aux bons canaux. Puis on communique en adaptant son message.
On communiquera et on réagira en veillant à éviter les débordements.
O-veille, outil d'analyse de la réputation en ligne, par Nicolas Babey, Doyen de l'Institut du management des villes et du territoire, HEG Arc à Neuchâtel
Nicolas Babey expose les objectifs d’un projet de recherche appliquée mené à la HE- Arc à Neuchâtel, qui visait à équiper l’Institut du marketing horloger d’un observatoire de veille quantitative et qualitative.
Le domaine concerné couvrait à la fois l’horlogerie de luxe et l’hôtellerie.
Il faut savoir que la presse spécialisée est largement influencée par les marques, et donc par les blogs qui parlent des marques. Les journalistes vont sur les blogs pour trouver l’information. Il s’agissait donc d’identifier les leaders d’opinion, les influenceurs du domaine, et de déterminer en 1er critère, le degré d’influençabilité du blogueur, et en 2ème critère le degré de spécialisation du blogueur.
On parvient ainsi à une typologie des blogueurs dans le domaine de l’horlogerie de luxe.
L’équipe de projet a développé un outil, mais en l’espace d’un an, a vu beaucoup de concurrence. Elle a mis au point un modèle théorique, (la théorie des 3 cubes, les objets, les usages et les usagers-clients), qui constitue la réelle plus-value du projet de recherche.
E-reputation personnelle : l'ePortfolio, par Jean-Philippe Trabichet, responsable de la filière Informatique de gestion, HEG de Genève(4)
Jean-Philippe Trabichet a exposé le projet de recherche appliquée sur la gestion de sa propre identité numérique. Il s’agissait de faire un référentiel des compétences nécessaires en « e-culture », et de savoir comment intégrer ces compétences dans les cursus de formation (voir HEGeculture sur Twitter).
Un cours a été mis sur pied à la HEG-Genève pour rendre les étudiants conscients de leur propre réputation numérique ; les étudiants de bachelor en information documentaire ont dû créer un eportflolio, twitter pendant les heures de cours, et ce cours a fait l’objet d’une évaluation.
Il en ressort notamment, que même si l’ePortfolio peut apparaître comme en concurrence avec les réseaux sociaux, les étudiants estiment en majorité que celui-ci est utile, (20 sur 33) et qu’il est important, voire très important de maîtriser son identité numérique (23 sur 33).
Un atelier a été proposé par Christophe Thil, Camille Alloing et Frédéric Martinet
Cet atelier a consisté à donner une image de la présence sur le web de deux entreprises choisies parmi les participants : Case-à-chocs(5) (une salle de concert neuchâteloise) et Numéri4D(6) (Agence d'ingénierie digitale & 3D). Après leur avoir posé des questions selon l’hexamètre dit de Quintilien(7) afin de pouvoir dresser une « image » de l’entreprise, d’en définir les objectifs stratégiques, les 3 consultants, après seulement 30 minutes de préparation, se sont livrés à une brillante analyse de la présence sur le web de ces entreprises, et à la formulation de quelques recommandations afin de mieux la gérer.
Notes
(1) Agence d’e-reputation et community management
(2) Bloggeur spécialisé à forte audience
(3) Service après vente
(4) On trouvera dans ce même numéro de RESSI, un article d’Isaline Renaud détaillant le déroulement et les conclusions du projet
(5) http://www.case-a-chocs.ch
(7) Qui ? Quoi ? Où ? Quand ? Comment ? Pourquoi ?
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Maurizio Velletri, Haute Ecole de Gestion, Genève
Françoise Simonot, professeur, Département information-communication, IUT de Besançon, Université de Franche-Comté
La dimension humaine de l'intelligence économique : valeurs, organisation, réseaux et influence : compte-rendu de la 8ème Journée franco-suisse en intelligence économique et veille stratégique, 16 juin 2011, Haute école de gestion de Neuchâtel
La dimension humaine de l'intelligence économique préexiste à la dimension technologique. Aucun dispositif de veille ne peut valablement être mis en place sans qu'une stratégie d'entreprise ne soit définie et que des personnes l'animent en permanence : veilleurs, capteurs d'information, analystes, décideurs, etc.
Lors de cette journée, les participants ont découvert, au travers de témoignages d'entreprises suisses et françaises, la manière dont ces dernières ont appréhendé la dimension humaine de l'intelligence économique, dans des environnements essentiellement technologiques.
En préambule, messieurs Olivier Kubli, directeur de la HEG arc de Neuchâtel, Pascal Sandoz, conseiller communal ainsi que François Courvoisier, professeur HES et membre du comité d'organisation ont souhaité la bienvenue aux participants (environ 50) ainsi qu'aux 7 intervenants.
1. « Le facteur humain dans l’IE, utilisation des réseaux d’influence » Jean-Jacques Rechenmann
Jean-Jacques Rechenmann, consultant en marketing et développement international, directeur de SitesFederateurs.com, à Paris, a d’emblée rappelé l'importance de l'utilisation des réseaux d'influence, mettant le facteur humain au cœur de l'Intelligence économique.
Il nous a fait part de son scepticisme quant à l’utopie qui tendrait à l’automatisation complète du processus de veille. La réalité est selon lui toute autre. Reprenant une définition du Captain William S. Brei(1) sur l’intelligence (traduit par renseignement en français), il en ressort 2 composantes essentielles : le client et le facteur humain comme étant au cœur de l’IE.
Jean-Jacques Rechenmann expose trois retours d’expérience mettant en avant l’importance du facteur humain à travers les réseaux d’influence : dans les pays de l’Est par exemple, les études documentaires préalables et les rencontres avec les importateurs ne suffisent pas, il faut connaître « le réseau invisible » qui seul pourra « homologuer » le candidat à l’exportation et prendre les décisions. Au niveau international, l’identification et la cartographie des acteurs (officiels ou non) et des sphères d’influence, à partir du cycle de vie du produit, est donc une étape lourde, mais primordiale pour la conquête d’un marché.
Il faut exploiter les réseaux d’influence tout en protégeant l’information vitale (son savoir-faire et sa technologie) et en améliorant sa communication de manière intelligente : il faut communiquer sur la solution et non sur les moyens, sur le client et non sur le produit. De plus, aujourd’hui, une entreprise se doit d’optimiser sa communication afin d’anticiper les éventuelles attaques sur sa réputation : c’est le meilleur moyen de rendre non crédibles les informations nuisibles qui pourraient être divulguées sur elle et ses produits.
2. « Organisation de la veille marketing : convaincre les sceptiques » Philippe Jacot et Brice Renggli
Messieurs Jacot et Renggli, respectivement CEO et responsable marketing et intelligence marché de l’entreprise Tornos à Moutier, ont présenté l’organisation de leur veille marketing et la difficulté qu'ils avaient à convaincre les sceptiques à adopter cette démarche.
Tornos a mis en place en 2007 une démarche d’intelligence économique, qui est organisée autour de trois grands types de veille: Intelligence marché, concurrentielle et technologique. La direction, qui soutient la cellule de veille, s’évertue à convaincre les salariés de s’impliquer dans la veille et à leur montrer l’intérêt qu’ils ont à y participer.
Tornos mise tout particulièrement sur l’importance de bien connaître et servir sa clientèle : la connaissance du marché et des besoins des clients est donc la base sur laquelle sont établies les « roadmaps » produits et technologies, constitutives de la stratégie de l’entreprise.
Cela passe par l’art de se poser les bonnes questions, de développer sa clientèle, de bien répondre à leurs attentes, de bien positionner les problèmes qu’on a par rapport aux concurrents.
Les informations récoltées émanent de sources primaires (fournisseurs, clients, agents, filiales, office de la statistique…) et de sources secondaires (rapport annuel des concurrents, communiqués de presse des concurrents, tout ce qu’on peut trouver sur internet). Le travail de collecte, de tri, de clarification et de synthétisation de l’information aboutit notamment à l’élaboration de trois outils :
- Une base de données d’informations concurrentielles, qui permet de gérer correctement des échanges ritualisés d’informations, trois fois par an, avec les concurrents, selon une sorte de « gentleman agreement » ;
- Un indicateur intitulé « decolletage relevance », qui permet de suivre l’évoution de la taille du marché
- Une synthèse annuelle sous forme d’un slide par marché, établissant les prévisions jusqu’à l’année n+4, et des quelques informations diverses les plus importantes pour l’entreprise.
Selon Brice Renggli, toute cette démarche est donc orientée vers le « business forecast », faculté d’anticiper grâce à une information minutieusement décantée, avec pour résultat concret et vécu, la capacité de prévenir un défaut d’approvisionnement sur la supply chain (chaîne logistique), un licenciement économique ou une restructuration.
3. « L’animation d’une communauté d’entreprises » Stéphanie Barthélémi
Stéphanie Barthélémi a fait part de son expérience de community manager de Haute-Savoie Ecobiz, un réseau regroupant quatre communautés d’entreprises et d’ acteurs économiques de la Haute Savoie (ouverte également aux entreprises du Genevois).
Cette base de connaissances permet aux entreprises d’entrer en contact et de créer des synergies, de partager des expériences et savoir-faire, d’accéder à des informations élargies, pertinentes et ciblées selon leurs besoins et thématiques, de rencontrer les différents acteurs de leurs domaines ainsi que de créer des sous-réseaux de compétences et de coopération.Cependant, il reste encore difficile d’en mesurer les résultats.
La gestion de ce réseau se fait :
- de manière virtuelle à travers la plateforme collaborative en ligne, qui permet la mise à disposition de forums, flux RSS, alertes, ressources documentaires, etc.
- à travers des rencontres physiques régulières, sous forme d’ateliers pratiques, de petits déjeuners, tables rondes, ou encore de Speed Business Dating. Chaque mois, ces rencontres réunissent une vingtaine d’entreprises.
Pour qu’une communauté d’entreprises perdure, la présence de community managers est nécessaire, mais il y a d’autres facteurs de réussite : bien définir l’objectif d’une telle communauté, commencer petit mais prévoir grand, inciter les entreprises (à travers des experts) à participer de manière active, s’impliquer, bien connaître ses adhérents (notamment le petit noyau de participants motivés) et associer les activités en ligne et les rencontres physiques.
4 . « Veille en PME : l’humain comme facteur de réussite … ou comment utiliser au mieux les ressources de chacun » Fabien Noir
Fabien Noir a présenté l’organisation de l’intelligence économique au sein de l’entreprise Sonceboz sise à …Sonceboz.
L’intelligence économique y constitue une business unit, sur la base d’un processus écrit, audité régulièrement. Chacune des douze applications principales de l’entreprise fait l’objet d’une veille, organisée par un animateur particulier, et dont les résultats sont régulièrement consignés dans un tableau de bord : cartographie des acteurs, volumes et prix, indicateurs précis sur chacun des cinq axes de veille : tendances marché, normes, données factuelles, comparaisons technologiques, concurrents et clients. Les principales sources exploitées sont la presse et les portails BtoB, les expositions et conférences, les organismes professionnels et de recherche.
I’IE permet de surveiller l’évolution des champs d’activités stratégiques, de leurs applications les plus pertinentes afin d’identifier les éléments de rupture et donc les opportunités de marché pour Sonceboz. C’est un outil d’anticipation.
Pour optimiser la participation de tous au dispositif, Fabien Noir estime qu’il faut :
- cadrer : définir des rôles clairs et précis à tous ceux qui prennent part au processus de veille
- éveiller : faire régner le principe d’ignorance, inciter chacun à s’interroger
- lutter contre le filtre de l’interprétation personnelle en s’en tenant aux faits
- tenir compte du profil cognitif de chacun : auditif, visuel, tactile, dans la répartition des tâches de veille.
Enfin, Fabien Noir insiste sur l’importance du « feed-back » qui permet de réajuster le point de départ et la stratégie de veille.
Selon Fabien Noir, les trois facteurs-clés de succès sont, premièrement d’entretenir la motivation du veilleur par une reconnaissance tout aussi bien d’en « haut » (top down) que d’en « bas » (bottom up), deuxièmement, d’élaborer un processus permettant d’aller à l’essentiel selon le principe KISS (keep it simple and stupid), et enfin, pour l’animateur du processus, de couvrir les différentes facettes de sa fonction (à la fois facteur, médecin, policier, etc.).
5. « Organisation de la veille pour un fournisseur interne de technologies dans un groupe international » David Coudurier
David Coudurier a exposé comment s'effectuait la veille interne au sein du groupe Saint-Gobain (environ 200 000 employés) par l'entreprise SEVA (environ 300 employés), fournisseur interne de technologie.
Le groupe Saint-Gobain développe 20 à 30 usines nouvelles par an dans le monde, et pour chaque activité, sa stratégie est d’être leader mondial, ou leader européen, à défaut de quoi l’activité est supprimée.
Le rôle de SEVA est de permettre au groupe Saint-Gobain de déployer et d’exporter sa technologie. De ce but découlent plusieurs missions :
- La compréhension et la maîtrise des technologies utilisées par le groupe
- Un sourcing low cost et local
- La maîtrise de la supply chain
- La garantie de la confidentialité des informations.
La veille permet donc de répondre au mieux et en permanence à deux questions essentielles :
- Sur quelles technologies dois-je me positionner ? la réponse repose sur une veille technologique interne.
- Quel va être demain mon niveau d’activité ? sur cet axe, Seva organise une veille technologique et marketing, complétée par des actions internes: organisation de réunions internes pour collecter l’information sur les projets potentiels, interrogation systématique des acteurs techniques du groupe, suivi des mouvements de personnel, tenue annuelle d’un comité d’orientation technologique regroupant les directeurs techniques, et enfin démarchage des centres de R&D pour créer des opportunités de développement.
Le système de développement technologique de Saint-Gobain peut se lire ainsi: au centre, il y a des chercheurs qui font leur travail sans penser vraiment aux applications pratiques de ce qu’ils inventent. Autour d’eux, se trouvent des ingénieurs qui vont penser aux applications pratiques. Finalement, les exploitants (SEVA) de toutes ces applications vont ainsi créer la richesse de l’entreprise.
6. « SIG et sa veille stratégique et technologique » Swati Rastogi Mayor
La dernière intervention de la journée a été faite par Swati Rastogi Mayor qui a relaté le fonctionnement de la veille stratégique au sein des Services industriels genevois (SIG). Cette entreprise fournit l'eau, le gaz, l'électricité et l'énergie thermique, elle valorise les déchets, traite les eaux usées et met à disposition un réseau de fibres optiques. Le développement durable constitue un élément de base de sa stratégie.
La veille est apparue en 2001 lorsqu’il a été question de l’ouverture des marchés de l’électricité. Elle était principalement commerciale, puis elle s’est étendue pour devenir une veille stratégique. Il n’y avait alors qu’une personne affectée à la veille, qui produisait et maintenait environ dix documents accessibles à toute l’entreprise via l’intranet.
En 2010, Swati Rastogi Mayor a repris la responsabilité de la veille en y apportant certains changements : la création d’un réseau (7 personnes à temps partiel) décentralisé de veille, une fréquence plus grande des rapports de veille sur des thèmes généraux (4 fois l’an) et spécifiques (6 fois l’an), l’accessibilité de ces documents uniquement aux CA, direction générale et aux cadres.
Les composants de la veille stratégique ont eux aussi évolué : veille législative et réglementaire, ressources humaines, veille commerciale clients, comportement d’entreprise, économique et technologique.
La veille stratégique est située au niveau de l’état-major de la direction générale, elle doit être prospective, innovante, stratégique et transversale pour couvrir toute l’entreprise avec pour objectif d’orienter l’entreprise pour qu’elle soit pro-active et tournée vers les 30 à 40 prochaines années.
Une veille ne peut se faire qu’avec de bons veilleurs, cela passe par leurs profils respectifs (expertise dans leur domaine, excellentes connaissances de l’environnement SIG, curiosité, envie de communiquer et partager, capacité analytique, facilité de synthétiser les éléments parfois complexes), mais aussi au niveau de la motivation (soutien de la hiérarchie, feed-back, remerciement, etc.).
Synthèse et clôture de la journée par Pierre Achard
Pour clore la journée, Pierre Achard a délivré une synthèse de toutes les interventions de cette 8ème journée franco-suisse en intelligence économique et veille stratégique. Il a souligné l’importance de l’implication humaine pour passer de l’information à l’intelligence, qui est pour lui le facteur fondamental.
« Le plus dur pour l’activité de veilleur c’est la lecture ! Lorsque j’étais veilleur en entreprise, je lisais en moyenne 400 pages par matinée de veille technologique, et cela aucune machine ne pouvait le faire à ma place. »
A travers ces différentes présentations, cette journée a confirmé la nécessité et la valeur ajoutée du facteur humain dans le cycle de la veille. Les praticiens de la veille le savent bien, le facteur humain est parfois difficile à intégrer et à gérer, mais résolument irremplaçable dans la construction du sens. L’une des difficultés qui apparaît dans plusieurs des expériences relatées est la faible part du temps de travail consacrée à la veille: 10 à 20% en général pour chaque veilleur.
Pour Pierre Achard, l’information c’est bien, mais les entreprises n’ont pas besoin d’information, mais d’intelligence, c’est-à-dire de la transformation de cette information en une connaissance utile, exploitable, ce qui implique la dimension humaine.
Note
(1) Captain William S. Brei, Getting Intelligence Right: The Power of Logical Procedure, Occasional Paper Number Two (Washington, DC: Joint Military Intelligence College, January 1996), 4.
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