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VALLOTTON, François, 2014. Les batailles du livre: l’édition romande, de son âge d’or à l’ère numérique. Lausanne : Presses polytechniques et universitaires romandes. Le savoir suisse Arts & culture, 100. ISBN 9782889150540.
Ressi — 15 décembre 2014
Alain Jacquesson, Ancien directeur de la Bibliothèque de Genève
VALLOTTON, François, 2014. Les batailles du livre: l’édition romande, de son âge d’or à l’ère numérique. Lausanne : Presses polytechniques et universitaires romandes. Le savoir suisse Arts & culture, 100. ISBN 9782889150540.
Avec l'aimable autorisation des Presses polytechniques et universitaires romandes
Né à Lausanne en 1964, François Vallotton est depuis 2009 professeur ordinaire d’histoire contemporaine à l’Université de Lausanne où il enseigne l’histoire des médias. Après une thèse consacrée à l’histoire de l’édition en Suisse romande, il est l’auteur de nombreuses publications sur le sujet (L’édition romande et ses acteurs, 1850-1920 ; Jalons pour une histoire à faire, les revues romandes, 1880-1914 ; Les éditions Rencontre, 1950-1971). Il a publié en 2012 un ouvrage sur les mutations contemporaines de la lecture (Lire demain, des manuscrits antiques à l’ère digitale). |
Paru au printemps 2014 aux PPUR dans la collection de poche « Le savoir suisse », « Les batailles du livre. L’édition romande, de son âge d’or à l’ère numérique » est consacré à l’économie et à la place culturelle du livre dans notre région de la fin du 19e siècle à nos jours. Cet ouvrage se compose de huit chapitres :
- Un monde en ébullition
- La Suisse romande, une terre du livre
- Le champ éditorial contemporain
- Un secteur assisté ou délaissé ?
- La rage de lire des Romands
- Une saga de trente ans : le combat pour un prix réglementé
- L’ »invention » du numérique
- Les enjeux de demain
L’auteur rappelle d’abord que les Romands sont de grands lecteurs et cela avant même le 19e siècle. La production romande d’imprimés est également remarquable : plus de 2'600 titres en 2012 pour une population de 1,5 million d’habitants ; la part de notre région est plus importante que la moyenne suisse. Il rappelle l’espace de liberté que les éditions romandes (Cahiers du Rhône, Ides et Calendes, Librairie universitaire de Fribourg, Marguerat) ont offert lors de la dernière guerre mondiale aux écrivains français réfugiés dans notre pays, « malgré la censure [suisse], les difficultés d’approvisionnement en papier et la pugnacité d’éditeurs hexagonaux qui ne souhaitent pas se voir dépouillés de leurs meilleurs auteurs, même pour la bonne cause… ».
L’édition romande s’est aussi illustrée sur le volet qualitatif. Vallotton rappelle la tradition typographique lausannoise et genevoise : graphistes, maquettistes, mais aussi imprimeurs et éditeurs (Fick, Eggimann, Kündig, Atar, Attinger [Neuchâtel]). Il souligne l’excellence de la production romande dans le domaine des livres d’art et de luxe : Gonin, Skira, Le Verseau qui éditeront notamment Picasso et Matisse. La région lémanique va également connaître deux clubs du livre de grande réputation ; la « Guilde du livre » offre dès 1936 des textes de qualité et une édition soignée. Quant aux éditions « Rencontre », elles publieront jusqu’à douze volumes par mois. Vallotton décrypte ainsi le champ éditorial contemporain et la densité remarquable de maisons d’édition romandes.
« En Suisse, la politique culturelle est dominée par les principes du fédéralisme et de la subsidiarité ». Vallotton remarque que la loi fédérale sur l’encouragement de la culture (LEC) votée en 2009 ne contient pas un seul paragraphe consacré au livre. Ces activités sont assumées par les cantons, les communes et les villes. L’auteur met en évidence le « modèle genevois » sans équivalent dans les autres cantons romands : création d’un « Monsieur Livre » à l’initiative du Conseiller administratif Alain Vaissade, création d’une Commission Ville-Etat chargée de l’attribution de bourses (auteurs, éditeurs, libraires, etc.) sur la base de plans pluriannuels.
Un chapitre est consacré au combat pour un prix unique du livre dans notre pays. Cette saga a commencé par le dépôt de l’initiative parlementaire du député genevois Jean-Philippe Maître en 2004. La loi votée au Parlement fédéral est combatue par les fédérations de consommateurs alémaniques, la Migros et différents partis dont l’UDC qui réclament un référendum. Le peuple suisse vote et rejette en mars 2012 la loi sur le prix unique du livre. Valloton analyse en détails les raisons de ce refus et le clivage entre la Romandie (plus de 60 % de oui) et la Suisse alémanique majoritaire. Le prix des livres, provenant de France notamment, est considérablement plus élevé que dans leur pays d’origine ; la Commission de la concurrence (COMCO), qui s’était abstenue de toute intervention pendant la période précédant le vote, se penche sur le prix du livre au regard de la loi sur les cartels et inflige de solides amendes aux diffuseurs qui auraient empêché les libraires de se fournir directement en France.
Vallotton constate que le passage au numérique bouleverse notre rapport au livre. Les nouveaux diffuseurs d’imprimés, en particulier Amazon, entrent en concurrence directe avec les libraires. La diffusion des contenus numériques (Amazon, Apple, etc.) pour liseuses et tablettes se fait également au détriment des libraires traditionnels. Dans le domaine de la diffusion des résultats scientifiques, le Fonds national de la recherche scientifique prone l’Open Access (gratuité des résultats des recherches financées par le FNRS) mais fragilise les éditeurs d’ouvrages scientifiques. Aux yeux de Vallotton, seules les bibliothèques semblent avoir négocié avec succès le virage du numérique au prix d’efforts financiers considérables.
Cet ouvrage est extrêmement bien documenté. L’abondance de détails (sources, citations, statistiques, etc.) ne nuit pas à sa lecture. C’est une publication essentielle pour comprendre tous les volets de l’évolution du livre en Romandie au cours des cent dernières années. Pour les lecteurs étrangers, il illustre les spécificités d’une région intellectuellement importante de la francophonie.
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