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Intelligence économique et prospective : la veille permet-elle d'anticiper les ruptures ?, compte-rendu de la 7ème Journée franco-suisse en Intelligence économique et veille stratégique, 10 juin 2010, Haute école de gestion de Genève
Ressi — 26 novembre 2010
Karine Pasquier, Haute Ecole de Gestion, Genève
Résumé
Le 10 juin 2010, à Genève, la Haute Ecole de Gestion de Genève, en partenariat avec la Haute Ecole de Gestion Arc Neuchâtel, l’IUT et l’IAE de Besançon, organisait une journée d'étude sur le thème de l’intelligence économique et de la veille stratégique.
Cette journée, intitulée « Intelligence économique et prospective : La veille permet-elle d’anticiper les ruptures ? » s’efforçait de réfléchir aux évolutions et aux objectifs d’une veille en entreprise. Pour répondre aux diverses questions qui se posent lors de la mise en place d’une stratégie de veille en PME, 7 conférenciers francophones ont présenté leur expérience et leur point de vue au travers d’exemples concrets.
Madame Magali Dubosson, directrice de la HEG, a inauguré cette 7ème journée et ce sont plus de 70 personnes qui ont assisté aux 7 conférences qui ont eu lieu dans les bâtiments de l’école.
Intelligence économique et prospective : la veille permet-elle d'anticiper les ruptures ?, compte-rendu de la 7ème Journée franco-suisse en Intelligence économique et veille stratégique, 10 juin 2010, Haute école de gestion de Genève
De l’intelligence de situation à l’intelligence économique : veille, rupture et anticipation
Les veilleurs, a commenté Alain Juillet(1), rappellent aux entrepreneurs la fragilité du système sur lequel notre société se repose.
Des évolutions liées à l’avènement du numérique, la surabondance d’informations, les marchés émergents ainsi que les habitudes de consommation poussent désormais les entreprises à être sans cesse innovantes, à se remettre en cause, à varier l’offre et les stratégies. Il faut désormais surveiller activement et régulièrement son environnement, ses concurrents, ses clients, pour être à la pointe et ne pas s’effondrer.
La mentalité du « tout va bien, rien besoin de changer » doit évoluer. Les professionnels ne doivent plus se reposer sur ce qui fonctionne mais anticiper les changements futurs, déceler les nouvelles tendances, les risques et les opportunités du marché afin d’être prêt à affronter un échec potentiel plus ou moins constant.
Il va falloir être capable d’identifier, dans chaque partie du monde, où se trouvent les opportunités…
Ces changements restent difficiles. Les sociétés traditionnelles ne cherchent pas à vivre des remises en cause perpétuelles. Quand un système semble satisfaisant, la nature humaine a tendance à s’en contenter, jusqu’à ce qu’il éclate de lui-même.
Anticiper, prendre la meilleure des décisions pour la société, demande une surveillance, une écoute, un regard critique et une ouverture d’esprit maximum sur l’environnement interne et externe de l’entreprise.
C’est au veilleur de jouer ce rôle d’intermédiaire entre les informations disponibles et la pratique.
Devenir veilleur demande du courage. Il dérange et bouscule… Il force l’entreprise à se poser de vraies questions puisqu’il met le doigt sur les disfonctionnements et/ou les morts prochaines de certains produits ou de certaines manières de procéder. L’Intelligence économique servira d’appui pour décoder, comprendre et agir en conséquence.
Toute innovation apporte son lot de choses formidables et de risques. Le veilleur doit mettre le doigt sur ces risques, trouver les informations concernant les risques potentiels, construire des hypothèses pour prendre les meilleures décisions, tout en restant conscient des limites des informations recueillies qui doivent être fiables.
Veille et anticipation : comment interpréter les signes d’alertes précoces ?
Lors de la deuxième intervention, Nicolas Lesca a illustré les propos d’Alain Juillet par une mise en pratique de la veille, via la méthode des signaux faibles.
Le Ministère Français de l’Économie désirait en effet connaître les risques liés aux entreprises dans la filière Lait : fermeture, délocalisation, réductions d’effectifs pour engager ailleurs (dans les pays fournissant une main d’œuvre plus économique par exemple) en se focalisant sur l’entreprise Danone. Il s'agissait plus particulièrement de comprendre pourquoi les ventes de Danone étaient en baisse sur le marché français, alors qu'elles progressaient à l'étranger.
Pour ce faire, et avec l’aide des signaux faibles, le laboratoire analysa la situation de Danone.
M. Lesca a rappelé le concept de signal faible comme étant une donnée d’apparence insignifiante, noyée dans une multitude d’informations ayant une valeur informative pertinente afin d’alerter qu’un événement significatif aura lieu. De plus, un signal faible est anticipatif, fragmentaire, capté isolément ou en ordre dispersé, inondé par un volume significatif de données, incertain et peu fiable à priori…
Une fois tous ces signaux faibles réunis, qui séparément sont peu représentatifs, il faut essayer de créer des liens entre eux. Ces liens doivent être établis par un collectif composés de spécialistes, afin de faire le plus de liens possibles et pertinents.
Ces informations doivent être complétées à l’aide de données complémentaires, disponibles via des bases de données, dans la presse, sur Internet, afin de confirmer ou d’infirmer les résultats.
Rien n’est impossible
Lors de deux présentations concrètes et dynamiques, Elmar Mock, inventeur de la Swatch et patron de l’entreprise Creaholic, et Mark Bürki, directeur général de Swissquote, ont montré qu’impossible n’est pas français et qu’avec des idées et de la volonté, tout peut devenir possible.
En effet, Swissquote, entreprise multilingue, créée en 1990 par deux ingénieurs de l’EPFL, avec un petit capital de 160'000 francs est devenue le leader suisse dans le domaine des services financiers et du trading online ; cette entreprise est désormais cotée en bourse.
La formation d’ingénieur EPFL a donné à ces futurs banquiers la motivation de risquer ce qui, à la base semblait impossible : créer un gérant électronique de fortune.
De son côté, Elmar Mock et sa société Creaholic qui revend des idées novatrices à des entreprises, démontre qu’innover en permanence est possible. Il suffit de réfléchir à ce dont on aura besoin dans 10 ans, puis de le mettre en pratique. En résumé, faire de la veille avant la veille en établissant des liens entre des concepts et des métiers qui, à priori, ne semblent pas en avoir.
Les enseignements de l’étude WorldWatchReport : entre veille concurrentielle et sociétale
Dénichant un filon, David Sadigh(2), ancien étudiant de la HEG a monté IC Agency, entreprise de Luxury Digital Marketing. En résumé, ces spécialistes d’Internet se mettent à la disposition des marques de luxe haut de gamme pour les aider à mieux tirer parti des technologies d’Internet.
Se rendant compte que les clients n’étaient jamais vraiment pris en compte dans le monde de l’horlogerie de luxe et que les décisions les concernant étaient souvent dues au feeling, IC-Agency s’est décidé à étudier certains indicateurs laissés par les internautes eux-mêmes sur la toile (marques préférées, modèles les plus consultés, seconde main, ambassadeurs les plus populaires, etc.) pour permettre aux entreprises de faire des choix sensés dans leurs stratégies.
Couvrant 25 marques en haute horlogerie, bijouterie pour femmes, prestige et haut de gamme, ils analysent, à l’aide d’un réseau d’experts, situés dans 42 pays, tout ce qui est disponible sur la toile.
Ce couplage experts-web permet de diffuser une information aussi fiable et objective que possible car elle est remise dans son contexte.
La veille est donc le cœur même de cette entreprise puisqu’elle surveille, en plus de « ce qui existe », « ce qui pourrait exister et comment…» via les changements à effectuer et les évolutions d’une marque.
Devenue l’étude de référence dans le domaine, le WorldWatchReport permet aux marques de mieux comprendre les attentes des clients, d’harmoniser les données au niveau international, de faire de la veille concurrentielle…
Le réel et le virtuel ne sont pas deux mondes que vous devez opposer !
Sur Internet, certaines entreprises ne savent pas comment s’y retrouver. Alors que le service est très bien pris en compte dans la vie réelle (vitrines bien arrangées, produits présentés avec élégance, vendeurs polis, et souriants), on oublie complètement ces quelques règles de savoir vivre dès qu’on se retrouve avec une interface web.
Sandrine Szabo(3), lors d’une intervention passionnée, pointe du doigt les entreprises qui délaissent leur vitrine virtuelle, au profit de leur vitrine réelle. Certains sites sont organisés comme un organigramme, s’adressant uniquement à un seul type de clients, négligeant les différents accès et laissant totalement de côté la partie séduction ou l’offre pour les anciens clients. De plus, certaines entreprises refusent d’utiliser les réseaux sociaux, délaissant cette chance de pouvoir avoir directement un feed-back, des suggestions, des questions, etc. de la part des clients.
Les réseaux sociaux permettent aux clients de s’exprimer et d’amener des solutions aux entreprises. Ils attirent une clientèle plus jeune et nombreuse, variée, pouvant être fidélisée par ce biais. Ils permettent également aux entreprises de pouvoir dialoguer sans intermédiaire avec les internautes, de comprendre les désirs et de répondre aux interrogations des clients.
L’erreur récurrente est de séparer le marketing réel du marketing virtuel. Ils doivent pourtant travailler ensemble afin de véhiculer la même image et d’éviter une « schizophrénie entrepreneuriale ».
Veille et rupture dans l’agro-alimentaire, l’approche XTC
Pour clore la journée, Mark Froelicher(4) s’est penché plus spécifiquement sur le cas de XTC world innovation. Cette société constitue une importante base de données mondiale dans le domaine des produits innovants, contenant plus de 180'000 innovations dans le domaine de l’agro-alimentaire. Alimentée quotidiennement par des correspondants situés dans 46 pays et à l’affût des toutes dernières nouveautés, elle permet d’identifier, à tout moment, les solutions innovantes ou émergentes proposées aux consommateurs dans le monde entier, et ainsi d’aider au développement et au lancement de nouveaux produits.
Le monde de l’agro-alimentaire est en effet en constante mutation. Chaque année, le nombre de produits lancés en Suisse est de 2500 ! 60% de ces produits survivent moins de 2 ans, et ceci à cause des facteurs suivants :
- Les marchés sont saturés…
- Le marketing n’anticipe pas assez, notamment au niveau des tendances émergentes.
- Il n’y a pas de réel bénéfice du produit et les promesses ne sont pas tenues auprès des consommateurs.
- Il n’y a pas de mesures correctives lorsqu’un produit ne fonctionne pas.
- Le consommateur est averti et a le pouvoir de non-achat.
L’innovation ne s’improvise pas, elle s’inscrit dans une stratégie de développement. Les sociétés innovantes doivent faire de la veille. Trouver des idées, innover, chercher de nouveaux concepts, de nouvelles niches ou marchés ne se fait pas au hasard… Une personne doit être dédiée à la veille et à la conduite de l’innovation.
Notes
(1) Conseiller au cabinet Orrick Rambaud Martel, ancien haut responsable de l’intelligence économique en France (2004-2009)
(2) Directeur associé d’IC-Agency
(3) CEO de netinfluence
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