N°12 décembre 2011

Sommaire - N°12, Décembre 2011

Etudes et recherches :

Comptes-rendus d'expériences :

Evénements :

Ouvrages parus en science de l'information :

Editorial n°12

Editorial n°12

La revue RESSI, la seule revue électronique suisse en science de l'information aura bientôt 7 ans, le 1er numéro étant sorti en janvier 2005, et s'adresse à toutes les personnes intéressées à connaître les expériences et réflexions de praticiens et chercheurs - parfois très jeunes - en science de l'information.

Depuis 2010, elle parait désormais une fois par an, et c'est donc un numéro riche en articles que nous avons le plaisir de proposer.

RESSI ayant signé récemment un partenariat avec Ebsco (http://www.ebscohost.com), ce numéro 12 sera accessible non seulement sur le site de RESSI, mais les articles pourront être retrouvés aussi via le fournisseur d'information Ebsco.

D'ici à fin 2012 ­– un peu de retard a été pris ­– RESSI devrait faire partie d'une plateforme générale sur la science de l'information en Suisse. Une plateforme qui regroupera les lettres d'information existantes, la liste Swiss-lib, et toutes les informations et annonces concernant la science de l'information en Suisse.

En attendant cette plateforme, vous trouverez en marge de la revue RESSI une nouvelle rubrique "Annonce de colloques", qui nous permet d'annoncer notamment la tenue d'un séminaire portant sur les questions juridiques relatives à l’utilisation des archives audiovisuelles, organisé par BIS et Memoriav, qui aura le lieu le 2 février 2012 à l’Université de Berne (voir www.bis.ch).

Avec ce numéro 12, vous trouverez sous la rubrique "Etudes et recherches" une étude de Claire Dugast, bibliothécaire-documentaliste à l'institut Pasteur, sur l'Utilisabilité des interfaces de recherche à facettes proposées par les OPAC de nouvelle génération. Cette étude présente un panorama des caractéristiques de ces nouvelles interfaces, qui souhaitent mieux s'adapter aux comportements informationnels des utilisateurs.

Sous la rubrique "Comptes-rendus d'expérience", cinq articles sont proposés. Trois constituent des comptes rendus d'anciens étudiants en  information documentaire sur leur travail de bachelor, travail de réflexion et de mise en œuvre qui clôt trois années d'études.

On les trouve dans la rubrique Comptes-rendus d'expérience, car il s'agit pour les trois articles de description des travaux effectués, davantage que de réflexion scientifique, avec une revue systématique de la littérature.

Le premier est écrit par Christophe Bezençon, assistant d’enseignement à la Haute Ecole de Gestion de Genève (HEG), et s'intitule Evaluation des bibliothèques des Hautes écoles spécialisées suisses: vers un benchmarking au niveau national ? Il décrit sa méthodologie de sélection d'indicateurs de performance applicables aux bibliothèques des HES, permettant l'évaluation de leurs services. Si l'utilisation de ces indicateurs se généralise, les bibliothèques des HES disposeront  alors d'un outil de gestions stratégique.

Le compte-rendu suivant, écrit par Rossana Rattazzi, de la BCU de Lausanne, décrit les étapes nécessaires au développement d'un service de référence virtuel  (SRV) dans le domaine de la lecture publique et donne des recommandations d'ordre technique et organisationnel: Les services de référence virtuels en lecture publique: étude et projet pour les Bibliothèques municipales de Genève.

Le troisième compte-rendu proposé, de Vanessa Bilvin, relate une étude réalisée à partir de l'analyse de fonds d'archives, sur l'Histoire de la lecture populaire dans le canton de Vaud, [en prenant] l'exemple de la bibliothèque paroissiale de Dommartin.

Le quatrième retour d'expérience, Un style de citation standard pour Zotero, est proposé par Laure Mellifuo, assistante à la HEG de Genève, Michel Hardegger, responsable de l'Infothèque de la HEG et Raphaël Grolimund, bibliothécaire au Rolex Learning Center. Il  décrit un projet collaboratif de création d'un style de citation basé sur la norme ISO 690, et utilisable par Zotero, logiciel libre de gestion des références bibliographiques.

La dernier compte rendu d'expérience porte sur un type spécifique d'OPAC, celui du SIGB libre PMB. Elle est signée par plusieurs chercheurs et praticiens béninois, à savoir Eustache Mêgnigbêto, du bureau d’études et de recherches en science de l’information à Cotonou, Théodore Sossouhounto, et Rufin Hounkpè, tous deux de la bibliothèque de l’université d’Abomey-Calavi, à Cotonou: elle porte plus spécifiquement sur les limites de PMB pour les bibliothèques nationales en particulier: PMB et ses limites au regard de l'ISBD et du MARC.

Finalement, dans la rubrique Evénements, on trouvera tout d'abord le compte-rendu de la dernière journée franco-suisse sur la veille stratégique et l'intelligence économique qui a eu lieu le 16 juin 2011 à Neuchâtel, sur le thème: La dimension humaine de l'intelligence économique: valeurs, organisation, réseaux et influence. Il est signé par Maurizio Velletri, assistant à la HEG, et par Françoise Simonot de l'IUT information-Communication de l'université de Franche-Comté.  Cette année, les témoignages d'entreprises et de consultants montraient l'importance du facteur humain dans les dispositifs de veille, et plus généralement dans la réussite de projets de veille.  

On trouvera également un compte-rendu des 11èmes journées des archives de Louvain, signé par Grégory Nobs, de la HEG de Genève. Ces journées qui ont eu lieu à Louvain-la-Neuve, en Belgique, les 24 et 25 mars 2011, traitaient plus particulièrement de la dématérialisation des archives et de ses conséquences sur les métiers de l'archivistique.

Et dans la rubrique Ouvrages parus en science de l’information, une recension de l'ouvrage Science de l'information: de la discipline à l'enseignement de Jacqueline Deschamps, qui est à l'origine de la revue RESSI, est proposée par Lorraine Filippozzi, de la HEG. Cet ouvrage, basé sur la thèse de doctorat de l'auteure, met en évidence l'identité de la discipline "science de l'information": en quoi est-ce une discipline, quel en est son cœur, quels sont ses enjeux actuels dans le contexte général des TIC et de la révolution numérique, et enfin, quelles sont les lignes directrices qui doivent orienter son enseignement à l'heure actuelle.

Nous remercions chaleureusement les auteurs des articles et les réviseurs qui ont contribué à ce numéro, et nous vous incitons tous, lecteurs et auteurs, à proposer d'autres articles pour les prochains numéros.

Le Comité de rédaction

Utilisabilité des interfaces de recherche à facettes proposées par les opac de nouvelle génération

Claire Dugast, Institut Pasteur, Paris

Utilisabilité des interfaces de recherche à facettes proposées par les opac(1) de nouvelle génération

1. Introduction

Les catalogues de bibliothèque se sont informatisés autour des années 1970 et se sont dotés, génération après génération, de fonctionnalités de recherche d’information en ligne. Néanmoins, restés en marge de la révolution technique qui a fait entrer le monde dans l’ère du web au milieu des années 1990, ils n’ont finalement rien su offrir de plus qu’un catalogue papier informatisé.

Depuis le lancement d’Endeca en 2006 par les North Carolina State University Libraries, un espoir réside dans l’opac de troisième génération, ou opac nouvelle génération (NG). L’opac NG est un catalogue dont les fonctionnalités développées visent à répondre aux attentes et aux besoins des utilisateurs, à conserver le meilleur de l’opac classique et à en pallier les manques en s’inspirant du meilleur des moteurs de recherche. En plus de permettre l’accès au document sous sa forme numérique quand cela est possible, l’opac NG peut s’apparenter à un véritable moteur de recherche en interrogeant un ensemble d’informations disponibles sur le site web d’une bibliothèque, dans les bases de données auxquelles cette dernière est abonnée ou directement sélectionnées sur le web. Ses fonctionnalités peuvent être regroupées selon deux principes : un principe d’immédiateté, définissant un outil intuitif et simple d’usage, et un principe de participation, faisant référence aux fonctionnalités du web 2.0. Et puisque l’opac de nouvelle génération est conçu pour les usagers de bibliothèques, son développement s’accompagne d’une méthodologie d’évaluation orientée vers ces derniers.

1.1. Une fonctionnalité de la nouvelle génération : la navigation à facettes

L’un des principes de l’opac NG est d’éviter le silence en favorisant une requête bruyante qui sera affinée au fur et à mesure grâce notamment à une navigation à facettes. Ce type de navigation permet de limiter sa recherche par étape et a posteriori sans risquer d’aboutir à « 0 résultat » car les options à sélectionner sont proposées en fonction des réponses disponibles (contrairement aux filtres existant déjà dans les opac de deuxième génération).

Chaque facette correspond à un type d’information concernant le document, généralement une zone ou sous-zone de catalogage (langue, auteur, subdivision géographique de la vedette matière, etc.). Après la saisie d’un terme de requête, il est possible de visualiser les résultats regroupés en fonction des différentes facettes disponibles, chacune d’entre elles présentant une liste de métadonnées accompagnées du nombre de documents qu’elles décrivent. L’usager peut alors sélectionner une de ces métadonnées, que nous appellerons descripteur, ce qui aura pour conséquence de réduire le nombre de résultats et surtout d’en rendre la liste plus pertinente pour l’usager. Les facettes sont donc simplement des critères de restriction permettant d’établir une « cartographie dynamique des résultats » (Tosca Consultants, 2008).

Dans le contexte des recherches par vedette-matière, Michael Buckland (1999) constate qu’il est plus facile pour une personne de reconnaître un terme pertinent que de le deviner. Il est possible d’étendre ce constat au document : il est plus facile de reconnaître un document pertinent que de le deviner. Or les catalogues traditionnels nécessitent qu’un utilisateur qui ne connaitrait pas la collection soit en mesure d’en deviner le contenu. Comment échapper autrement aux réponses telles que : « Il n’y a pas de résultat à votre requête » ? L’intérêt de la navigation à facette est que celle-ci ne nécessite aucune connaissance préalable ni de la collection ni de la façon dont celle-ci est décrite dans le catalogue, ni d’aucune syntaxe pour formuler sa requête. L’usager se voit présenter un aperçu de la collection et a le sentiment d’exercer une certaine liberté dans sa recherche d’information. Un autre intérêt est que ce type de navigation est utilisé depuis quelques années dans plusieurs sites web très populaires. Les usagers d’Internet sont donc tout à fait familiers avec ce type d’outil (Breeding, 2007).

1.2. Importance de l’utilisabilité

L’accès à une ressource doit satisfaire trois critères : fiabilité, utilité, et moindre coût. Le coût ne se limitant pas à l’argent dépensé mais s’appliquant aussi au temps passé et à l’effort fourni, notamment pour apprendre à utiliser l’interface. Une recherche d’information, motivée en premier lieu par un manque de connaissance, se prête difficilement à l’élaboration préalable d’une stratégie de recherche. C’est au cours de la recherche, que l’usager va progressivement pouvoir se faire une idée de ce qu’il cherche et de ce qu’il ne cherche pas. Dès lors, le coût d’une recherche est plus élevé dans un catalogue de bibliothèque que sur un moteur de recherche.

L’utilisabilité est un néologisme utilisé pour traduire le terme anglais « usability ». Jakob Nielsen (2003) la définit comme une qualité jugeant de la facilité d’utilisation d’une interface. Le terme fait également référence aux méthodes permettant d’améliorer cette facilité d’utilisation. Une interface facile à utiliser, c’est une interface :

  • qu’un usager est capable d’utiliser même pour la première fois, même sans rien en connaitre ;
  • avec laquelle l’usager peut effectuer une tâche rapidement dès qu’il est familier avec l’interface ;
  • dont l’usager retrouve facilement la maitrise même après une période sans utilisation ;
  • dans laquelle l’usager fait peu d’erreurs et le cas échéant, des erreurs faciles à corriger ;
  • dont l’utilisation est plaisante.

Le processus de recherche est identifié comme le premier problème d’utilisabilité des sites web. Outre la fragilité du système lui-même, le manque de connaissance des stratégies de recherche peut être une explication aux difficultés rencontrées par les usagers pour trouver une information (Uddin, 2007). La navigation à facettes apporte la flexibilité et le sentiment de contrôle et de liberté nécessaires à l’utilisabilité d’une interface (Nielsen, 2005).

2. Etudes sur les interfaces de navigation à facettes

De sa revue de littérature publiée en juin 2010 sur les études d’utilisabilité des systèmes de navigation à facettes, Jody C. Fagan tire un certain nombre de recommandations pour conduire dans les meilleures conditions une étude efficace. Il a regroupé la littérature en deux catégories, les études portant sur les systèmes de navigation à facettes et les études portant sur les catalogues de bibliothèque offrant une navigation à facettes. Dans le premier cas, il s’agit de tester des systèmes afin d’étudier les comportements des utilisateurs ou d’évaluer les améliorations à apporter au système en cours de développement. Dans le second cas, il s’agit plutôt d’aider une bibliothèque à une prise de décision concernant l’acquisition d’un tel catalogue. Dans ce dernier cas, J. C. Fagan constate que les études sont rarement spécifiquement sur l’utilisabilité des facettes mais plutôt sur l’utilisabilité générale du produit et sont moins rigoureusement scientifiques que les précédentes.      

2.1. Accueil favorable du principe de facettes

En 2008, une étude est menée pour comparer le système de recherche et le système de navigation des bibliothèques numériques de trois institutions : the Association for Computing Machinery Digital Library, the Institute of Electric and Electronic Engineering Computer Society Digital Library, the Institute of Electric and Electronic Engineering Xplore Digital Library. Cette étude montre qu’entre un système de recherche et un système de navigation, de nombreux usagers préfèrent la combinaison des deux et qu’il faut favoriser une interaction riche entre l’interface et l’usager. L’interface à facettes offre flexibilité et l’interaction, répondant ainsi à la diversité des approches cognitives des usagers (Zhang, 2008).

Toujours en 2008, Tamar Sadeh présente comment la société Ex Libris développe les fonctionnalités de son nouvel opac Primo grâce à des test d’utilisabilité menés par l’université du Minnesota. Il en résulte que la navigation à facettes est considérée comme l’un des outils qui fait la différence avec d’autres interfaces (Sadeh, 2008).

2.2. Evaluation de l’utilisabilité

En 2003, une étude compare l’interface à facettes Flamenco à une interface classique pour chercher des images dans une collection qui en compte 35 000 (Yee, 2003). En 2007, Tod A. Olson décrit une étude menée pour comparer un ancien système de recherche avec la navigation à facettes et le nuage de mots d’Aquabrowser. Son objectif est de savoir si le catalogue à facettes et à nuages de mots aide l’usager dans la découverte de documents (Olson, 2007). En 2007 encore, Uddin décrit une étude menée pour comparer le prototype d’un système de recherche proposant trois interfaces dont deux à facettes avec un système classique. L’objectif est alors d’évaluer l’efficacité de l’accès et de la recherche, la compréhension du contenu de l’information, la commodité de la navigation, la pertinence des résultats et la satisfaction générale de la recherche. (Uddin, 2007). En 2008 enfin, une étude est menée à l’université de Sheffield pour évaluer, parmi les différentes fonctionnalités d’un opac NG, quelles sont celles que préfèrent les usagers (Tam, 2009).

Ces différents tests sont relativement similaires et consistent à demander à un groupe de participants d’effectuer des tâches sur plusieurs systèmes. Leurs réactions sont enregistrées et à l’issue du test, leur expérience fait l’objet d’un questionnaire. Tous les participants viennent du milieu universitaire, ont des expériences différentes de l’Internet et des niveaux d’étude et de recherche différents. Il résulte pour tous les systèmes testés que l’approche à facettes est très appréciée par les usagers. 90% des participants ayant testé Flamenco déclarent préférer l’approche à facettes, car elle est perçue comme permettant d’en apprendre plus sur la collection, plus flexible et plus facile d’utilisation (Yee, 2003). Dans le cas de l’université de Sheffield, non seulement les usagers trouvent l’approche utile, efficace, facile, permettant de gagner du temps et d’avoir une idée générale claire des résultats de la recherche, mais elle ressort comme la fonctionnalité préférée des participants, avant même le tri par pertinence, le correcteur d’orthographe et les fonctionnalités du web 2.0 (Tam, 2009). De plus, l’approche à facettes n’est pas seulement source de satisfaction au regard de l’efficacité de la recherche, son utilisation est une expérience, qualifiée d’agréable (Uddin, 2007). Malheureusement, les résultats, même positifs, ne permettent pas toujours de distinguer l’apport de la navigation à facettes de celui des nuages de mots (Olson, 2007).

Ces études montrent principalement ce que ceux qui les ont conduites au départ voulaient montrer : l’intérêt de mettre en place un système de classification à facettes. En revanche, elles ne révèlent pas ce à quoi doit ressembler le système. Nous avons donc cherché des études d’évaluation de l’utilisabilité de certains prototypes.

Figure 1 - Flamenco : Fine Arts Museum of San Francisco

Figure 2 – TALIS Plus : State Library of Tasmania

Flamenco (FLexible information Access using MEtadata in Novel COmbinations) est un projet d’interface de recherche mettant en avant la présentation des métadonnées hiérarchisées en facettes. Son développement (Fig. 1) et celui de TALIS Plus (Fig. 2) ont donné lieu à des tests et des observations qui ont permis de faire un certain nombre de choix que nous présentons ici. Le peu d’études que nous avons trouvées sur le sujet nous amène à envisager ces choix comme d’éventuelles idées et non comme des recommandations.

Nous avons réparti les différentes questions inhérentes à l’utilisabilité des systèmes à facettes en quatre catégories :

  • comment l’usager devrait-il pouvoir accéder aux facettes ?
  • à quoi l’espace de navigation à facettes devrait-il ressembler ?
  • comment devraient être organisés facettes et descripteurs ?
  • comment devrait fonctionner la navigation ?

2.2.1. Comment l’usager devrait-il pouvoir accéder aux facettes ?

Les facettes peuvent apparaître après le lancement d’une première requête, mais leur présence  dès la page de départ, sous le cadre de saisie de la recherche par mot-clé permet de visualiser l’ensemble de la collection et suscite une impression positive d’organisation en plus de donner des idées de recherche (Yee, 2003)

2.2.2. A quoi l’espace de navigation devrait-il ressembler ?

Combien faut-il montrer de facettes à l’usager ?

Nous n’avons pas trouvé de préconisation quantitative sur la question. D’après Marti Hearst (2006) il est pertinent de montrer toutes les facettes disponibles car la découverte multidimensionnelle de l’ensemble d’une collection est, nous l’avons vu, une possibilité appréciée par les usagers.

Sous quelle forme afficher les facettes ?

Les enquêtes d’utilisabilité sont unanimes sur le fait qu’il est indispensable de montrer immédiatement les résultats d’une requête, quel que soit le type d’interface. Il peut donc sembler plus pertinent d’afficher les facettes sur le côté de l’écran car si elles sont en haut de l’écran, il faut alors descendre pour voir les résultats. Si les facettes sont nombreuses et qu’elles possèdent beaucoup de descripteurs, pour éviter d’avoir à descendre longuement en bas de la fenêtre, une solution peut être d’afficher un nombre limité de facettes (celles dont il a été montré qu’elles suscitent le plus grand intérêt) et de proposer les autres, sans les développer, sur une ligne en-dessous. (Hearst, 2006) En outre, M. Hearst préconise de continuer de faire apparaître les noms des facettes même quand celles-ci n’ont plus de descripteur disponibles.

A l’époque de la rédaction de son article, M. Hearst manifeste un certain intérêt pour une solution similaire adoptée par eBay Express et apparemment bien accueillie par les usagers. L’originalité de cette présentation réside dans le fait que lorsque l’usager sélectionne un descripteur, la facette correspondant disparaît (pour apparaître dans le fil d’Ariane) et laisse la place à une des facettes listées en-dessous. Il faut cependant noter qu’eBay Express a fermé ses portes en 2008 et que nous ne savons pas si ce type de présentation a été développé ailleurs.

Ambigüité de la transparence

Notons qu’une étude menée en 2009 à la bibliothèque de l’Université de York, sur le système VuFind montre l’ambiguïté que peut susciter la transparence d’un système à facettes. En effet, en voyant le nombre d’occurrences pour chaque descripteur, certains utilisateurs se demandent pourquoi la somme des nombres indiqués ne correspond pas toujours au nombre total de résultats et ont alors tendance à remettre en cause la fiabilité du système (Denton, 2011).

2.2.3. Comment devraient être organisés facettes et descripteurs ?

Quelles sont les facettes utiles ?

Les études montrent que la réponse varie d’un participant à un autre et que chacun est capable d’évaluer ce qui lui semble utile et ce qui lui semble inutile. Il est néanmoins constaté que le format est une catégorie qui revient à plusieurs reprises parmi les facttes utiles (Olson, 2007). En revanche, celle de la cote n’est jamais utilisée et celle du sujet l’est plus ou moins avec des résultats plus ou moins satisfaisants (Bauer, 2008). D’après W. Denton (2011), les utilisateurs ne font pas la distinction entre « subjects » (qui renvoient à la classification) et « topics » (qui renvoient aux vedettes-matières). De plus, une confusion existe à propos des facettes de périodes et de lieux car les utilisateurs ne savent pas toujours s’il s’agit des périodes et lieux de publication ou du sujet. De même lorsqu’un descripteur apparaît sous plusieurs catégories, comme par exemple « musique » qui peut apparaître dans la facette « format » et « sujet » (Olson, 2007).

Dans quel ordre afficher les facettes ?

Les facettes peuvent être regroupées avec d’autres facettes avec lesquelles elles peuvent partager des caractéristiques communes. L’agence Getty Images (Fig. 3) utilise cette technique en regroupant par exemple sous une thématique « Personnes » les facettes « Nombre de personnes », « Age », « Sexe », etc.

Figure 3 - Getty Images

Figure 4 - Yelp

Le site web Yelp (Fig. 4), un site de critiques à San Francisco retient l’attention de M. Hearst (2006) : la saisie d’un mot-clef au cours de la recherche détermine l’ordre des descripteurs montrés dans les facettes afin de correspondre à des concepts liés au mot-clé saisi. La fonctionnalité de tri par pertinence vient alors soutenir celle des facettes.

Comment présenter les descripteurs ?

Figure 5 - Flamenco : Fine Arts Museum of San Francisco (Facette simple)

Au sein d’une facette, les descripteurs peuvent être triés par ordre alphanumérique, par occurrence ou selon une logique thématique. Dans le cas de facettes dites plates (la facette « Peintre » contient les descripteurs ‘Paul Klee’, ‘Jean Monet’, etc.), des études montrent que les usagers préfèrent les tris prévisibles comme le tri alphanumérique (Hearst, 2008). Cependant si le nombre de descripteurs est trop important pour les faire apparaître tous, il devient plus pertinent de les afficher par ordre d’occurrence et d’insérer un lien permettant d’en voir plus. Flamenco permet aux usagers de choisir entre le tri alphanumérique et le tri par d’occurrences. Néanmoins, T. A. Olson (2007) constate que l’organisation des descripteurs par ordre de fréquence ne semble pas pertinente aux participants.

En revanche, dans le cas de facettes dites hiérarchiques (par exemple, la facette « Lieu » contient un descripteur ‘Europe’ qui donne lieu à des sous-catégories comme ‘Autriche’, et ainsi de suite jusqu’à ‘Vienne’), comment montrer les différents niveaux de catégories sans surcharger la présentation, ni troubler l’usager ? Une première solution, d’après M. Hearst (2006), consiste à montrer l’ensemble de la hiérarchie de la facette lorsque l’usager fait glisser la souris dessus. L’avantage est de permettre de voir l’ensemble des descripteurs pour en sélectionner un. L’inconvénient est que cette solution supporte mal un grand nombre de descripteurs. La solution adoptée pour Flamenco est finalement celle d’une exploration pas à pas : à côté du titre de la facette apparaît un fil d’Ariane (ex : « LOCATION : All > North America) et en dessous les étiquettes disponibles pour cette sélection : Canada, Mexico, United States, etc. En passant la souris sur les étiquettes, les sous-catégories supplémentaires apparaissent (California, etc.). Il est montré que non seulement les usagers se familiarisent facilement avec un système de hiérarchies multiples, mais aussi qu’une large majorité préfère ce système qui procure un sentiment de contrôle et évite de se sentir perdu.

Pour ce qui est de l’agencement des descripteurs, les avis des participants d’études menées ne sont pas unanimes (Hearst, 2008). Néanmoins une préférence se dessine pour une présentation en colonnes. M. Hearst souligne que si le nombre de colonnes est fixe, on risque de perdre de la place. La solution choisie est donc une génération automatique du nombre adéquat de colonnes en fonction de la longueur maximale des descripteurs.

Pour un certain nombre de choix, M. Hearst (2006) recommande de suivre les conventions qui permettent de rendre les interfaces plus prédictibles. Il propose par exemple d’indiquer les noms des facettes en gras, de souligner les descripteurs qui sont des liens hypertexte, de mentionner le nombre de documents correspondant à un descripteur entre parenthèses et de tronquer les listes longues en les faisant suivre de la mention « More… ». Ces pratiques sont selon lui devenues des normes dans le design de sites web.

Figure 6 - Flamenco : Fine Arts Museum of San Francisco (Facette hiérarchique)

Lors du développement de TALIS Plus, la State Library of Tasmania a mené des tests d’utilisabilité pour déterminer les options qui permettraient d’aider le lecteur à obtenir un document, plus encore qu’à en trouver les références. Deux facettes ont été créées : « Disponibilité » et « Localisation » (Denholm, 2009). La facette « Disponibilité » regroupe les options : ‘prêt’ (qui peut être emprunté), ‘référence’ (qui peut être consulté sur place) et ‘en ligne’. Les études effectuées montrent que cette facette est très utilisée par les lecteurs, majoritairement intéressés par l’option ‘prêt’ (mais les deux autres ont également beaucoup de succès).

La facette « Localisation » est à valeur unique : si l’option ‘en ligne’ se trouve dans cette facette, la sélection d’une bibliothèque exclut des résultats les références en ligne. Il a donc été choisi de présenter cette option dans la facette « Disponibilité ». Il a aussi été ajouté dans la liste des résultats une indication pour distinguer parmi les ressources en ligne celles qui peuvent être consultées de chez soi de celles qui doivent être consultées depuis la bibliothèque. Cette distinction se fait par la mention « Exemplaires : x prêt ; y référence ».

De plus, la facette « Disponibilité » ne prend pas en compte le fait que le document est peut-être en prêt car la mise à jour en temps réel de cette information serait trop lourde, et la mise à jour chaque nuit trop imprécise. Mais il a été remarqué que dans 80% des cas, les lecteurs effectuent leurs réservations d’ouvrage dès la page de résultats sans consulter la notice détaillée ni vérifier si le document est en rayon.

Les statistiques d’usage des facettes de TALIS Plus ont été analysées. La facette la plus utilisée est « Format » (31%), suivie par « Public » (12%), « Sujet » (11%), « Disponibilité » (11%), « Auteur » (10%), « Localisation » (7%), « Collection » (7%), « Fiction / Non fiction » (6%) et « Genre » (4%). De plus, au sein de la facette « Disponibilité » qui est parmi les plus utilisées, on note que les usagers choisissent à 77% l’option ‘prêt’, à 19% l’option ‘en ligne’ et à 4% l’option ‘référence’. (Denholm, 2009)

Il apparaît enfin intéressant de rappeler l’importance de la terminologie utilisée pour nommer les facettes, quelles qu’elles soient. Des tests d’utilisabilité montrent par exemple que les usagers ne font pas la distinction entre « subject » et « keyword » (Antelman, 2006).

2.2.4. Comment devrait fonctionner la navigation ?

Les descripteurs peuvent être à valeur unique (par ex. « Année de publication » : ‘1852’) ou à valeurs multiples (par ex. « Interprètes » : ‘Audrey Hepburn’, ‘Gary Cooper’ et ‘Maurice Chevalier’) (Yee, 2003) et le site web Yelp fait la distinction entre ces deux types : les descripteurs des facettes à sélection unique sont présentés sous forme de liens hypertexte s’excluant l’un l’autre : si après avoir sélectionné un lien, l’usager clique sur un autre lien de la même facette, cela annule la sélection précédente. Les descripteurs des facettes à sélection multiple, en revanche, sont précédés d’une case à cocher. Après une sélection, la liste des résultats est mise à jour, puis l’usager peut cocher un autre descripteur de la même facette, ce qui engendre une requête coordonnée par l’opérateur booléen OU. (Hearst, 2008). Parmi les améliorations à apporter suggérées par l’étude de T. A. Olson, figure la possibilité de pouvoir limiter plusieurs langues simultanément, en effectuant par exemple une recherche sur des ouvrages disponibles en allemand ou en chinois (ce qui revient à l’emploi de l’opérateur booléen OU) ou de spécifier un champ d’années plutôt qu’une année précise (Olson, 2007).

Parmi les fonctionnalités d’une interface à facettes ressenties comme les plus utiles par les usagers on trouve la possibilité de combiner les facettes entre elles et de pouvoir suivre la trace des actions effectuées grâce à un historique des sélections appelé fil d’Ariane. M. Hearst (2008) recommande de garder chaque élément de l’historique dans des composants visuels indépendants, ce qui permet d’éliminer facilement une facette en cliquant sur l’icône X ou le lien ‘delete’. Dans le cas de facettes  hiérarchiques, le fil d’Ariane devrait également permettre de remonter d’une catégorie.

Enfin, pour M. Hearst (2008), un élément clé d’une interface de recherche à facettes réussie est la possibilité d’utiliser la recherche par mot-clé à n’importe quel moment. C’est la fonction communément appelée en anglais « search within results ». Il propose la possibilité d’une recherche auto-suggérée qui permet à l’usager en train de taper une requête de se voir proposer une liste de mots, sous l’espace de saisie, en lien avec ce qu’il est en train de taper et qui ont été recherchés par des usagers antérieurs. Peu d’études ont été menées, mais par observation, il semble que cette fonction apporte beaucoup à l’utilisabilité d’un système.

3. Exemples de navigations à facettes

Nous avons tenté de comparer différents modules de navigation à facettes utilisés dans des opac de nouvelle génération en observant les caractéristiques et les fonctionnalités dont l’usager peut directement faire l’expérience. Le but de cette étude n’étant pas de faire un état des lieux des logiciels disponibles sur le marché, mais plutôt un états des lieux des interfaces, telles qu’elles se présentent aux utilisateurs, nous avons fait le choix de ne pas préciser pas si les caractéristiques décrites relèvent de formats imposés par les logiciels ou de choix faits par les bibliothèques.

Nous avons exclu de ce travail, les systèmes qui ne permettent pas de combiner plusieurs facettes ou qui ne laissent pas l’usager choisir l’ordre dans lequel il peut les combiner.

3.1. Comment accéder aux facettes ?

Nous avons comparé les différents modes d’accès à la navigation à facettes, en partant de la page d’accueil de la bibliothèque (et non de la page d’accueil du catalogue). En lançant une recherche, presque tous les catalogues observés, font apparaître leur navigation à facettes dans la fenêtre de la liste des résultats. Certaines pages d’accueil de bibliothèques proposent explicitement d’accéder à un outil de navigation (« browse ») sans recherche préalable (Fig. 7).

Figure 7 - Blacklight : Historical State. North Carolina State University (US, Universitaire)

3.2. A quoi ressemble l’espace de navigation à facettes ?

3.2.1. Facilement repérable dans la fenêtre

En général, la navigation apparaît dans un cadre vertical sur la gauche (Fig. 8) ou la droite (Fig. 9) de la fenêtre, qui peut se distinguer de l’espace central par  une couleur de fonds propre ou par un simple encadrement.

Figure 8 - Bibliocommons : Edmonton Public Library (CA, Publique)

Figure 9 - AFI-Opac 2.0 : Astrolabe. Médiathèque et Archives de Melun (FR, Publique)

 Figure 10 - KUG = Kölner UniversitätsGesamtkatalog (DE, Universitaire)

Le Kölner UniversitätsGesamtkatalog (Fig. 10), est un catalogue fédéré qui présente les resultats de sa recherche par bibliothèque interrogée. Pour chaque bibliothèque, le nombre de facettes varie de 0 à 7.

3.2.2. Un intitulé pour comprendre de quoi il s’agit

Figure 11 - Aquabrowser : Médiathèque de l’Ecole Supérieure de Commerce de Lille (FR, Universitaire)

Figure 12 - Encore : Westerville Public Library (US, Publique)

Figure 13 - Koha : Médiathèque Intercommunale Ouest Provence (FR, Publique)

Figure 14 - Primo : Jean and Alexander Heard Library. Vanderbilt University (US, Universitaire)

Dans la plupart des cas, le cadre réservé aux facettes est introduit par un titre, invitant généralement l’usager à effectuer une action : « Affinez » (Fig. 11), « Refine by » (Fig. 12). L’objet de cette action peut être la recherche effectuée ou son résultats et l’interface peut s’adresser à l’utilisateur par le biais de la première ou de la deuxième personne : « Affiner le résultat… » (Fig. 9), « Affinez votre recherche » (Fig. 13), « Refine my results » (Fig. 14). Dans le cas des catalogues WorldCat Local, la facette « Format » est mise en valeur en précédant le titre « Affiner votre recherche » (Fig. 15).

Figure 15 - WorldCat Local : MIT Libraries (US, Universitaire)

3.2.3. Un nombre variable de facettes disponibles

Le nombre de facettes proposées à l’utilisateur varie d’un catalogue à un autre. Les interfaces que nous avons consultées offrent en moyenne 8 facettes. La navigation peut aller de seulement 4 (Koha : FR – Médiathèque intercommunale Ouest Provence) facettes à 17 (par ex, Aquabrowser : US - Queens library).

3.2.4. Présentation dynamique des facettes

Le navigateur à facettes se présente sous forme d’une succession d’intitulés de facettes sous chacun desquels sont listés des descripteurs. Le nombre de facettes tout comme le nombre de descripteurs variant d’un catalogue à un autre, les interfaces proposent des solutions différentes pour permettre à l’usager de prendre connaissance de l’ensemble des facettes (car l’intégralité des informations prend trop de place pour être visualisée dans une simple hauteur d’écran). Quelques navigateurs à facettes sont fixes (Fig. 9), mais la plupart offrent des solutions de mobilité.

La majorité des catalogues présentent une liste de facettes dépliées par défaut, et offrent la possibilité de les replier (Fig. 12). D’autres présentent les facettes sous la forme d’une liste repliée (Fig. 16), ce qui permet de les faire toutes apparaître à l’écran quel que soit leur nombre et de prendre connaissance en un coup d’œil de l’ensemble des facettes disponibles. Il suffit de cliquer dessus pour voir apparaître les descripteurs associés à chaque facette. Enfin quelques catalogues proposent des solutions mixtes : une liste dont certaines facettes sont repliées tandis que d’autres sont dépliées (Fig. 17).

Figure 16 - Blacklight : Northwest Digital Archive (US, Autre)

Figure 17 - LS2 PAC : Dallas Independent School District (US, Autre)

3.2.5. Le nombre d’occurrences

Généralement, chaque descripteur est accompagné de la mention du nombre de documents dans la notice desquels il apparaît parmi les résultats. Ce nombre est le plus souvent montré à côté du descripteur, entre parenthèses (Fig. 17) ou peut apparaître en info-bulle lorsque la souris glisse sur le descripteur (Fig. 18). Le catalogue Prism 3 n’apporte aucune indication sur le nombre d’occurrences d’un descripteur (Fig. 19).

Figure 18 - Scriblio: Hong Kong University of Science and Technology Library (HK, Universitaire)

Figure 19 - Prism 3 : Manchester Metropolitan University Library (GB, Universitaire)

3.3. Comment sont organisés facettes et descripteurs ?

Nous ne nous sommes pas penchés sur le contenu des facettes et l’utilité de ce contenu et nous en sommes tenus à la façon dont l’interface se présentait à l’usager pour accompagner ses interactions avec le catalogue.

3.3.1. Intitulés des facettes

Une même facette peut être nommée différemment d’un système à un autre et d’un catalogue à un autre. Cette diversité reflète un désir de la part des bibliothèques de proposer des dénominations directement compréhensibles par les usagers en se démarquant du jargon professionnel. Cependant, les ambiguïtés ne sont pas toujours évitées : la facette « Disponibilité » ne permet pas de savoir si le document est effectivement disponible. Les usagers sont-ils conscients qu’une date d’édition ne correspond pas nécessairement à une date de création ? La facette « Collection » fait-elle référence à une collection éditoriale ou au fond documentaire d’une bibliothèque ? Comment l’usager comprend-il la coexistence d’une facette « Sujet » et d’une facette « Matière » ? etc.

3.3.2. Organisation des facettes

Figure 20 - Aquabrowser : Washington University Libraries (US, Universitaire)

Tous les catalogues consultés présentent des facettes plates. Un semblant de hiérarchie se présente parfois lorsque les dates de publication sont regroupées par périodes et se détaillent au fur et à mesure de la sélection (Fig. 20).

Il est intéressant d’étudier le traitement des vedettes matières. Bien que les règles de la Bibliothèque du Congrès ou de Rameau pour créer des vedettes matières soient méconnues des usagers, on trouve dans certains catalogues des facettes « sujets » construites selon cette syntaxe. Néanmoins, dans la plupart des cas, les vedettes, sont déconstruites pour permettre la sélection d’un sujet, d’un lieu, d’une période, ou d’une forme. Le résultat de cette déconstruction se retrouve sous forme de facettes distinctes « Période », « Lieu », « Sujet », « Forme ». Dans le cas de WorldCat Local, la facette « Format » présente une hiérarchie directement accessible sous forme d’arborescence (Fig. 15).

3.3.3. Présentation des listes de données relatives à chaque facette

Les descripteurs de certains catalogues sont présentés graphiquement. Il peut s’agir notamment du type de ressource (Fig. 21) ou de l’année de publication (Fig. 22).

Figure 21 - Blacklight : Stanford University Libraries (US, Universitaire)

Figure 22 - Summon : Drexel University Library (US, Universitaire)

Il est difficile de montrer par défaut la totalité des descripteurs disponibles, au risque pour les facettes d’être tout à fait illisibles. La grande majorité des catalogues présentent une liste abrégée de 4 à 6 descripteurs pour chaque facette. L’opac de Stanford University Libraries en montre jusqu’à 16 (Fig. 21). Dans le cas de la Bibliothèque Royale du Danemark (Fig. 23), lorsqu’une facette a jusqu’à 4 descripteurs, ils sont tous présentés (donc jusqu’à 4). En revanche, si la facette a plus de 4 descripteurs, le navigateur n’en montre que 3.

Figure 23 - Primo : Kongelige Bibliotek (DK, Nationale)

Lorsque les opac n’affichent pas l’intégralité des descripteurs disponibles, il est alors possible d’en voir un peu plus, en cliquant par exemple sur le terme « more », largement décliné : « More… » (Fig. 19), « more options » (Fig. 22), etc. D’autres opac préfèrent une fois de plus s’adresser à l’usager par le biais d’un verbe pour indiquer une action : « Afficher plus de facettes… » (Fig. 9), « En voir plus » (Fig. 13), « Show More » (Fig. 24). Enfin, d’autres opac indiquent le nombre de descripteurs auquel il est possible d’avoir accès : « Show n more » (Fig. 14), « n more… » (Fig. 25), « +see all » (Fig. 26).

Figure 24 - Koha : Horowhuena Library (NZ, Publique)

Figure 25 - Aquabrowser : Queens Library (US, Publique)

Figure 26 - Encore : Syracuse University Libraries (US, Universitaire)

Que se passe-t-il alors ? La liste apparaît dans une nouvelle page (Fig. 27), sous forme d’une liste déroulante dans un encart (Fig. 28) ou s’allonge sur place tout simplement. Il est alors possible de prendre connaissance soit de tous les descripteurs disponibles soit d’un nombre limité. En cliquant sur l’option « More… » du catalogue Prism 3, la fenêtre active est remplacée par une nouvelle fenêtre présentant un nuage de mots (Fig. 29).

Figure 27 - Aquabrowser : Queens Library (US, Publique)

Figure 28 - Blacklight : Stanford University Libraries (US, Universitaire)

Figure 29 - Prism 3 : Manchester Metropolitan University Library (GB, Universitaire)

Certains opac présentent les descripteurs de leurs facettes triés par nombre d’occurrences (Fig. 14), d’autres alternent un tri par nombre d’occurrences et un tri alphanumérique pour quelques facettes (les années de publication par exemple).

Dans la majorité des cas, le tri appliqué à une facette présentée sous sa forme abrégée est le même que le tri appliqué à la même facette sous sa forme élargie. Mais il arrive dans certains cas qu’une liste initialement triée par nombre d’occurrence apparaisse, une fois élargie, triée par ordre alphanumérique (Fig. 30). Il est enfin parfois possible de choisir le mode de tri des données : par occurrence ou alphanumérique (Fig. 27).

Figure 30 - Endeca : North Carolina State University Libraries (US, Universitaire)

3.4. Comment fonctionne la navigation ?

3.4.1. La sélection des données

La sélection d’une facette se fait presque toujours en cliquant sur le descripteur, associé à un lien hypertexte, mais quelques catalogues proposent une liste de cases à cocher (Fig. 22). Il arrive aussi que, non pas toutes, mais quelques facettes d’un opac se présentent sous forme d’un menu déroulant (Fig. 8).

3.4.2. Actualisation des données

La sélection d’un descripteur entraîne systématiquement la réactualisation de la page ce qui permet de mettre à jour la liste des résultats et les facettes disponibles. En général, si une facette n’a plus de descripteur disponible, elle disparaît.

3.4.3. Que devient un descripteur qui vient d’être sélectionné ?

Il peut selon les catalogues être toujours visible tout en étant rendu inactif (ex : Encore), être toujours visible et rester actif (ex : AFI-Opac 2.0) ou disparaître de la navigation (ex : Bibliocommons). Le Kölner UniversitätsGesamtkatalog présente une particularité : l’ensemble des facettes disparaît dès que la liste de résultats est réduite à moins de dix documents.

3.4.4. Le fil d’Ariane

Presque tous les opac affichent un fil d’Ariane, au fur et à mesure de la sélection des facettes. Cet historique peut prendre une apparence allant du plus visible au plus discret et du plus explicit au plus obscur pour l’usager (ex : le fil d’Ariane du KUG consiste en une formule dans la barre de recherche comme celle-ci : « ddper:stone_michael_h( stone) »). Il peut être placé en tête de la liste des résultats (Fig. 31), en tête des facettes (Fig. 32), directement à côté des descripteurs (Fig. 33), ou mixte (Fig. 34) (à la fois en tête de la liste des résultats et dans le bloc des facettes). Certains opac montrent également clairement à quelle facette correspond le descripteur sélectionné (Fig. 34), tandis que d’autres se contentent de mentionner seulement le descripteur (Fig. 32).

Figure 31 - Blacklight : Stanford University Libraries (US, Universitaire)

Le fil d’Ariane n’a pas seulement une valeur informative. Même si certains opac n’offrent pas de fil d’Ariane intéractif (ex : AFI-Opac 2.0, Koha), la plupart d’entre eux permettent à l’utilisateur de revenir en arrière de sa recherche en désélectionnant un ou plusieurs descripteurs sélectionnés (Voir à ce propos le paragraphe 3.4.6. Modifier sa requête en supprimant une donnée sélectionnée).

Figure 32 - Bibliocommons : Edmonton Public Library (CA, Publique)

Figure 33 - Summon : Drexel University Library (US, Universitaire)

Figure 34 - Blacklight : Northwest Digital Archive (US, Autre)

3.4.5. Modifier sa requête en supprimant une donnée sélectionnée

Tous les opac ne le proposent pas, mais il est néanmoins courant de pouvoir supprimer les options sélectionnées et le cas échéant, l’usager peut généralement choisir quelle option supprimer sans avoir à respecter l’ordre inverse de celui dans lequel celles-ci ont été sélectionnées. Cette fonctionnalité se reconnaît par l’emploi de l’icône « X » ou par l’indication textuelle « remove ». Dans le cas où la sélection effectuée est visible à la fois en en-tête et à côté des descripteurs, on peut alors bénéficier de différentes façons de supprimer un critère, et dans le cas où la sélection des critères s’est faite en cochant des cases, il suffit de les décocher. Il arrive que parmi les options pouvant être désélectionnées, se trouve le mot clé initial de la recherche (Fig. 30).

3.4.6. La syntaxe booléenne

Les opac que nous avons retenus pour ce comparatif permettent tous de combiner la sélection de plusieurs facettes lors d’une même requête. Dans ce cas, il résulte systématiquement, une conjonction opérée par ET. Pour ce qui est de la sélection de plusieurs descripteurs au sein d’une même facette, certains catalogues ne la permettent tout simplement pas. Lorsqu’elle est possible, elle est généralement régie, elle aussi, par l’opérateur ET. Une exception : les catalogues gérés par Summon combinent les descripteurs entre eux avec les opérateurs OU et SAUF (Fig. 35).

Figure 35 - Summon : Drexel University Libraries (US, Universitaire)

3.4.7. Nouvelle requête et fonction “Search within”

En général, lorsque l’usager entre un nouveau mot-clé en cours de requête, cela lance une nouvelle recherche sans garder en mémoire les filtres appliqués jusque-là. Néanmoins, certains opac offrent des possibilités alternatives.

Figure 36 – VuFind : Falvey Memorial Library. Villanova University (US, Universitaire)

Blacklight conserve par défaut les facettes dernièrement sélectionnées (sans conserver le mot-clé de la recherche initiale) et il faut cliquer sur le bouton « Start over » pour pouvoir lancer une nouvelle requête (Fig. 31). Au contraire, Endeca lance par défaut une nouvelle requête, mais propose de cocher l’option « search within results » (Fig. 30), ce qui permet d’enrichir une requête d’un nouveau mot clé au lieu de la relancer. Sur le même principe, VuFind propose l’option « Retain my current filters » (Fig. 36) et Summon laisse le choix entre les options « Keep search refinement » et « New search » (Fig. 33).

4. Conclusion

En conclusion de cette étude, il nous apparaît que les opac NG suscitent un enthousiasme profond que ce soit parmi les professionnels et visiblement parmi les usagers. Le paysage du catalogue en ligne est en pleine ébullition pour offrir aux usagers des outils qui sauront non seulement répondre à leur demande première de trouver une information mais aussi représenter pour eux une expérience agréable. Des études d’utilisabilité sont réalisées et l’intérêt de telles entreprises fait l’unanimité. Mais ces études, quand elles ont lieu pour le compte de bibliothèques, ont souvent pour objet la comparaison d’un opac d’ancienne génération avec un système de nouvelle génération et leurs résultats vont assez logiquement dans le sens du renouveau. Ne risque-t-on pas ainsi de se conforter dans l’idée que les outils en cours de développement ne peuvent qu’avoir du succès ? Ne risque-t-on pas en continuant de parler de « next-generation catalogs » d’oublier d’envisager ce qui peut, ce qui doit venir après ?

Les systèmes de navigation à facettes sont un succès. Nous avons constaté, lors de notre comparaison, que l’ensemble des différentes interfaces réunissent un certain nombre de critères qui rendent ces systèmes faciles et agréables à utiliser. Aucun d’entre eux, néanmoins, ne regroupe tous ces critères. Il pourrait être intéressant de mener des études d’utilisateurs permettant de comparer de façon empirique tous les critères et d’en faire une synthèse du meilleur des facettes. Et si les interfaces de navigation à facettes sont perfectibles, il faut aussi et surtout envisager déjà pour elles de nouvelles directions. Alors que la majorité des interfaces conçues par les fournisseurs de SIGB se ressemblent finalement beaucoup, l’équipe de Marti Hearst à Berkeley, semble manifester une certaine énergie pour tester des solutions originales, curieux de la façon dont les interfaces à facettes pourraient être adaptées aux téléphones mobiles par exemple.

Annexe

Télécharger les références d’opac de nouvelle génération offrant des navigations à facettes

Bibliographie

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Note

(1) Remarque préliminaire sur l’orthographe et la flexion du terme opac. Dans la littérature anglophone, l’usage de cet acronyme impose l’emploi des lettres majuscules et l’ajout d’un -s minuscule aux formes plurielles. Pour ce qui est de l’utilisation du même terme en français, les règles sont plus floues. Nous avons fait le choix, comme il est généralement d’usage pour les acronymes, d’écrire opac en lettres minuscules, y compris l’initiale car il s’agit d’un terme à usage de nom commun, et de l’utiliser de façon invariable au pluriel.

PMB et ses limites au regard de l’ISBD et du MARC

Eustache Mêgnigbêto, Bureau d'Etudes et de Recherches en Science de l'information (BERSI), Cotonou

Théodore Sossouhounto, Bibliothèque de l'Université d'Abomey-Calavi, Cotonou

Rufin Hounkpè, Responsable de la Bibliothèque-Centre de documentation, Faculté des Sciences Agronomiques, Université d'Abomey-Calavi, Cotonou

PMB et ses limites au regard de l’ISBD et du MARC

Introduction

PMB est un logiciel de gestion de bibliothèque libre et open source dont le développement est  coordonné par la société PMB Services. Il offre des modules de gestion de plusieurs fonctions de bibliothèque comme l’acquisition, le catalogage, la recherche,  le bulletinage, le prêt et les services associés comme la réservation, le renouvellement et le retour. Il n'est donc pas étonnant que des services d’information documentaire de toute taille et de tout type à travers le monde l’aient adopté ou l’adoptent.

Le catalogage obéit à des principes et règles établis par des normes internationales en vue de favoriser l'échange d’information entre systèmes, mêmes internationaux. C’est ainsi que l’International Standard Book Description (ISBD) se charge de fixer les principes et règles de la description bibliographique au plan international et les formats Machine Readable Cataloguing (MARC)(1) se chargent de fixer les règles de stockage et de transmission des données bibliographiques par des moyens informatiques.

De par leur statut ou du fait de leur appartenance à un réseau, certains systèmes d’information, comme les bibliothèques nationales qui fournissent aux systèmes d’information nationaux ou aux autres bibliothèques nationales les références bibliographiques des publications sur leur territoire de compétence, et les bibliothèques universitaires par exemple, ont l’obligation d'adopter un système informatique conforme aux normes ISBD et MARC. PMB devrait respecter ces deux normes internationales pour être utilisé de façon satisfaisante dans de tels systèmes. Cependant, la fonction de catalogage de PMB présente des insuffisances au regard des normes de catalogage ISBD et de communication de données bibliographiques MARC. Dans cet article, nous tâcherons de faire ressortir quelques unes de ces insuffisances qui font que, de notre point de vue, ce SIGB ne peut pas être utilisé par les bibliothèques et centres de documentation qui ont l’obligation de produire des notices bibliographiques conformes aux deux normes, comme les bibliothèques universitaires, les bibliothèques nationales ou leurs dépendances. Nous considérons le PMB dans sa version standard, c'est-à-dire telle que livrée en téléchargement sur le site du producteur(2), sans autres personnalisations.

PMB et ses modules

PMB est entièrement intégré à l'environnement web et repose sur une plateforme Apache-PHP-MySQL. Il fonctionne en mode serveur-client; il est multi plate-forme et tourne donc aussi bien sous Linux, Mac OS que sous Windows.  Fonctionnellement, PMB se divise en deux parties ou modules : le module de gestion, et le module d'interrogation ou Open Public Access Catalogue (OPAC), ou encore catalogue public. Le module OPAC est essentiellement pour le grand public, c'est-à-dire les usagers du système d'information documentaire, pour les besoins de recherche documentaire. Le module de gestion présente la plupart des fonctions du logiciel : catalogue, circulation, autorités, éditions, diffusion sélective de l'information et administration. Le principe de catalogage sous PMB repose, pour plusieurs champs, sur la création de vedettes réutilisables ; ces champs ne sont pas directement éditables, mais leur contenu est sélectionné à partir d’une liste préalablement alimentée. PMB intègre, par ailleurs, un serveur Z39.50 en vue de faciliter le catalogage en ligne; l'échange des données peut se faire au format ISO 2709 et en XML.

Méthode

Dans le cadre de la rédaction de cet article, nous avons téléchargé et installé la dernière version du logiciel PMB(3) avec la base de données qui l'accompagne. En effet, PMB est un logiciel personnalisable et, toute personnalisation ou utilisation de descriptions bibliographiques de toutes autres origines pourrait être soupçonnée comme la cause des insuffisances. En prenant la version standard de PMB, nous émettons l’hypothèse que la société productrice de PMB a livré à la communauté un logiciel répondant aux exigences professionnelles avec des descriptions bibliographiques dont elle a l’assurance de la qualité.

Des catalogues en ligne gérés par PMB(4) ont été parcourus afin de détecter les insuffisances dans l’affichage ISBD des notices ; des comparaisons ont été faites avec l’affichage obtenu dans la base de données de la version standard de PMB. Des 45 notices contenues dans la base de données livrée avec le logiciel, une a été extraite (Encadré 1). Une autre référence a également servi à des illustrations(5); mais elle a été importée dans PMB avec le module Z39.50 à partir du catalogue général de la Bibliothèque nationale de France (BnF)(6). En recourant à ce catalogue, nous éliminons, tout biais qui pourrait être dû à un mauvais catalogage. En effet, la BnF a été très active(7) dans la normalisation documentaire au plan international; nous estimons, par conséquent qu'elle ne peut ne pas respecter dans les moindres détails, les prescriptions des normes qu'elle a qualitativement contribué à élaborer. Nous nous sommes également servis de sa description bibliographique comme référence en UNIMARC et en ISBD.

Les insuffisances au regard de l’ISBD

Nous considérons successivement les points suivants : mention de responsabilité, fonction de l'auteur, mention de responsabilité relative à l'édition, et lieu d’édition multiple.

a) Mention de responsabilité

La norme AFNOR Z 44-050 énonce qu’ «une mention de responsabilité peut être composée d’un ou plusieurs nom(s) de personne(s) ou collectivité(s), accompagné(s) ou non d’un mot de liaison ou d’une expression  indiquant le rôle de la personne ou de la collectivité. » (Point 1.5.2.1). La norme n’indique pas ici d’exemple. Se basant sur cet énoncé, la transcription faite par PMB en format ISBD des notices bibliographiques contenues dans sa base de données paraît conforme.  En effet, PMB affiche chaque mention de responsabilité suivie d’une virgule, puis d’un mot indiquant la fonction dans la conception du document (Encadré 1).

Encadré 1. Exemple d'une mention de responsabilité sous PMB (extrait de la base de données livrée avec PMB)

Dominique Souton, Auteur

Au point 1.5.2.7, la norme prescrit que les mots ou expressions apparaissant en liaison avec la mention de responsabilité, en particulier ceux qui indiquent le rôle de la personne ou de la collectivité, sont traités comme faisant partie intégrante de la mention de responsabilité. La norme donne des exemples pour illustration (Encadré 2).

Encadré 2.  Exemple de mots ou expression en liaison avec une mention de responsabilité extrait de la norme NF Z 44-050

Ecrire la corrida / textes choisis et commentés par Marion Jean et Jean-Marie Le Carpentier.

La Genèse / version de Jean Grosjean

Dans la pratique, tous les mots en liaison avec la mention de responsabilité et apparaissant à la page du titre sont transcrits. Ce sont souvent : par, traduit par, traduit de, préface de, préfacé par, avant propos de, illustré par, illustration de, présenté par, présentation de, introduit par, recueillis par, rassemblés par, textes rassemblés par, avec les commentaires de, avec la participation de, avec l’assistance de, assisté de, traduit de, traduit par, traduction de, etc. PMB n’offre aucune possibilité au catalogueur d’enregistrer ces mots de liaison.

Comparons deux notices, l’une au format ISBD de l’OPAC de PMB (Encadré 3) et l’autre au format ISBD de la BnF (Encadré 4).

Encadré 3.  «La métamorphose des fleurs» au format ISBD de l'OPAC de PMB (Notice importée du Catalogue général de la BnF dans PMB à l’aide du module Z39.50)

La métamorphose des fleurs [texte imprimé] / Claude Nuridsany (1946-....), Auteur; Marie Pérennou (1946-....). - Paris : La Martinière, 1997 . - 143 p. dont 4 dépl. : ill. en coul., jaquette ill. en coul. ; 30 cm.

ISBN 2-7324-2351-3

Encadré 4.  «La métamorphose des fleurs» au format ISBD de la BnF (http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb361876293/ISBD)

La métamorphose des fleurs [Texte imprimé] / [texte et photogr. de] Claude Nuridsany et Marie Pérennou. - Paris : La Martinière, 1997 (27-Évreux : Impr. Kapp-Lahure-Jombart). - 143 p. dont 4 dépl. : ill. en coul., jaquette ill. en coul. ; 30 cm.

ISBN 2-7324-2351-3 (rel.) : 250 F.

Les deux descriptions bibliographiques sont très différentes même si elles se rapportent toutes au même et unique document. Dans le format ISBD de la BnF, le nom du premier auteur dans la mention de responsabilité est précédé de [texte et photogr. de]; la conjonction et sépare les noms des deux auteurs; cette mention n’est pas disponible dans l’ISBD de l'OPAC de PMB; il est vrai qu'il y a deux crochets ouvert et fermé indiquant que l'information n'était pas prise à la source prévue par la norme (AFNOR, point 0.4.6 a) ou n’était pas disponible dans le document décrit, ce qui pourrait justifier son caractère facultatif. Cependant, si dans PMB, le catalogueur avait choisi d’inclure cette mention, il n’aurait pas pu, comme  il n’aurait pas pu relier les noms des deux auteurs par la conjonction et.

La norme prescrit que « quand plusieurs personnes ou collectivités remplissent la même fonction, ils ne forment qu’une seule mention de responsabilité» (Point 1.5.3). Dans ce cas, ils ne peuvent pas être séparés par un point virgule (confirmation au point 1.5.5.2 pour les auteurs et exceptions au 1.5.5.3 pour les collectivités). Les mots de liaison sont même autorisés lorsqu’ils apparaissent sur la page du titre. Au point 1.5.4.2, la norme NF Z 44-050 rappelle que les mentions de responsabilité sont données sous la forme où elles se présentent sur la page de titre ou son substitut, ou dans toute autre partie de l’ouvrage. Ce qui n’est pas évident sous PMB. Il n’est pas non plus possible d’indiquer les titres et autres qualification liées à la mention de responsabilité comme Dr, Pr, Mgr, …

b) Mention de responsabilité relative à l'édition

PMB ne prévoit pas de champ spécifique pour indiquer la mention de responsabilité relative à l'édition, alors qu'elle est recommandée par l'ISBD. Ainsi, il ne sera pas possible, dans PMB, de signaler l’auteur d’une édition revue et complétée d’un document, comme dans l'exemple donné par la norme au point 2.3.1 (Encadré 5).

Encadré 5.  Mention de responsabilité relative à l'édition, exemple extrait de la norme, point 2.3.1

Introduction à la philosophie / René Le Senne. – 5ème éd. / augm. et mise à jour par Edouard  Morot-Sir et Paule Levert

c) Lieu d'édition multiple

Lorsqu’il n’y a qu’un éditeur avec un seul lieu de publication, l’affichage de la zone de l’adresse se fait par PMB conformément aux recommandations de l’ISBD. Mais, il se pose un problème dès que l’éditeur ou le diffuseur est associé à au moins deux villes et que le catalogueur veut en indiquer plus d’une (NF Z 44-050, point 4.1.3.1)(8). En effet, dans le fichier d’autorités Editeurs de PMB, un éditeur à une ville unique ; il n’est pas prévu d’en avoir deux.

d) Fonction et date relatives à l'auteur

Dans toutes les notices extraites de PMB, l’omniprésence de deux mentions saute à  l’œil : il s’agit de la fonction de l’auteur et des dates figurant entre parenthèses (Encadré 3 par exemple). Ces mentions ne sont nullement conformes à l’ISBD ; elles devraient plutôt figurer uniquement dans la vedette (NF Z 44-061, point 2.1.3 ; Gorman et Winkler, 1980, p. 438).

Les insuffisances au regard des formats MARC

Nous désignons sous le nom générique de MARC tous les formats issus du MARC originel comme le MARC 21, l'UNIMARC et les MARC nationaux. «Les formats MARC 21 constituent des normes pour la représentation et la communication d'information bibliographique et connexe en un format ordinologue» (LAC – BAC).  Une notice MARC se compose de trois éléments : la structure, la désignation de contenu et les données (LAC – BAC).  Si la structure et la désignation de contenu sont déterminées et fixées par la norme MARC, «le contenu de la plupart des éléments de données est défini par des normes externes aux formats, par exemple, les Règles de catalogage anglo américaines et la National Library of Medicine Classification» (LAC – BAC). Les Règles de catalogage anglo américaines (RCAA, en cours de remplacement par le Resource Description and Access, RDA) constituent, pour l’Amérique du Nord et le Royaume-Uni, l'équivalent d’un ensemble de normes françaises, dont notamment la norme NF Z 44-050. Il y a donc une relation entre l'ISBD et le MARC ; qui plus est, un format MARC bien respecté facilite l’obtention d’un format ISBD conforme(9). Etant donné que l’ISBD de PMB, comme nous en avons discuté dans le paragraphe précédent, comporte beaucoup d’erreurs, il est évident que celles-ci vont rejaillir sur la qualité des données MARC obtenues.

PMB produit et accepte des données en plusieurs variantes du format UNIMARC : UNIMARC PMB XML – UNIMARC Bretagne – HTML MARC – Texte MARC - Word RTF – UNIMARC ISO2709. Nous avons exporté la base de données de PMB vers tous ces formats ; ceux qui se sont révélés plus proches, et donc, comparables au format en vrac(10) de la BnF ou de la LoC sont le HTML MARC et le Texte MARC. En fait, ces deux formats sont identiques, avec la différence que le premier est en tableau HTML et le second en texte simple. Dans les extraits qui suivent, nous ne considérons que quelques zones assez illustratives des défauts de PMB au regard du MARC.

Encadré 6. «La métamorphose des fleurs », extrait de la description bibliographique au format UNIMARC de PMB. Cette description avait été préalablement importée du Catalogue général de la BnF dans PMB à l’aide du module Z39.50

200 (1 ) $a La métamorphose des fleurs 

010 (  ) $a 2-7324-2351-3 

101 (0 ) $a fre 

215 (  ) $a 143 p. dont 4 dépl.  $c ill. en coul., jaquette ill. en coul.  $d 30 cm 

700 ( 1) $a Nuridsany  $b Claude  $4 070  $f 1946-.... 

701 ( 1) $a Pérennou  $b Marie  $4 007  $f 1946-.... 

210 (  ) $c La Martinière  $a Paris  $d 1997 

Encadré 7. «La métamorphose des fleurs », extrait de la description bibliographique au format UNIMARC de la BnF (http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb361876293/UNIMARC)

2001 $aˆLa métamorphose des fleurs$bTexte imprimé$f[texte et photogr. de] Claude Nuridsany et Marie Pérennou

210 $aParis$cLa Martinière$d1997$e27-Évreux$gImpr. Kapp-Lahure-Jombart

215 $a143 p. dont 4 dépl.$cill. en coul., jaquette ill. en coul.$d30 cm

606 $311976152$a Fleurs$311975813$x Ouvrages illustrés$2rameau

686 $a58 $2Cadre de classement de la Bibliographie nationale française

700 |$311917955$aNuridsany$bClaude$f1946-....$4070

701 |$311919113$aPérennou$bMarie$f1946-....$4070

801 0$aFR$bBNF$c19971118$gAFNOR$2intermrc

La zone UNIMARC 200 correspond à la zone du titre et de la mention de responsabilité de l’ISBD. Elle est composée de plusieurs sous zones : $a Titre propre, $b Indication générale du type de document, $c Titre propre d’un autre auteur, $d Titre propre parallèle, $e Sous titre, complément du titre, $f 1ère mention de responsabilité, $g mention de responsabilité suivante (Cazabon, 1999 : p. 55). Comparons alors les données de la zone 200 produites par PMB (Encadré 6) et celles de la même zone produites par la BnF pour le même document, au format UNIMARC (Encadré 7).

La zone 200 de l'UNIMARC de PMB (Encadré 6) ne comporte que le sous-champ $a; la mention [texte imprimé] qui apparaît dans le format ISBD de l’OPAC n'est même pas présente alors que la sous zone $b de la zone 200 de l'UNIMARC est prévue pour l'accueillir ; la première mention de responsabilité (sous-zone $f) n’est pas présente, les subséquentes non plus. Cependant, l'affichage ISBD de la même référence par PMB (Encadré 3) semble fournir l'information sur la mention de responsabilité. Remarquons au passage que les deux auteurs du document décrit ont chacun une entrée dans les champs UNIMARC 700 et 701 (les vedettes) aussi bien dans le format UNIMARC de PMB (Encadré 6) que dans celui de la BnF (Encadré 7).  Rappelons que c’est la référence de l’Encadré 7 qui a été importée dans PMB pour donner celle de l’Encadré 6. De l’information a été perdue lors de la récupération des données par PMB : la zone Mention de responsabilité a été occultée ; les vedettes, contenu dans des zones UNIMARC 700 et 701, ont été utilisées par PMB pour générer la mention de responsabilité dans l'affichage ISBD (Encadré 3).

Commentaires

Il est évident que si nous élargissons notre analyse à d'autres champs de PMB(11), nous mettrons à jour d'autres insuffisances. Par exemple, le programme n’offre aucune possibilité de choisir les indicateurs d’une zone MARC : il les génère lui-même lors de l’exportation ; or la valeur de l’indicateur devrait être appréciée par le catalogueur en fonction du document en cours de description et des orientations du système d’information. Il en résulte que la sortie produite de cette manière ne peut pas toujours convenir.

Les insuffisances relevées sont les conséquences de choix opérés par les concepteurs du logiciel, à savoir, lier certains champs à un fichier d’autorité, et ne pas du tout prévoir certains autres champs comme la saisie de la mention de responsabilité relative à l’édition. Ainsi par exemple, les champs Auteur principal, Autre(s) auteur et Auteur(s) secondaire(s) (relevant de la rubrique Responsabilité dans la grille de catalogage de PMB) qui sont alimentés par le fichier d’autorités Auteurs servent à la fois dans l’établissement de la vedette auteurs et dans la mention de responsabilité de l’ISBD; dans ce dernier cas particulièrement, l’élément d’entrée et l’élément rejeté fournis dans le fichier d’autorité Auteurs sont simplement permutés pour l'établissement du contenu de la mention de responsabilité. Or, les règles d’extraction et de présentation de la mention de responsabilité et de vedette sont différentes, même si ce sont les mêmes informations qui sont exploitées. C’est ce qui explique les « qualificatifs de fonction et de date » (AFNOR, NF Z 44-061, point 2.1.3) qui accompagnent les noms d’auteurs dans le format ISBD de PMB alors qu'ils sont normalement nécessaires dans la vedette. Cela explique également l’absence des sous-zones relatives aux mentions de responsabilités dans le format MARC produit par PMB. Alors que l’ISBD distingue une zone Titre et mention de responsabilité qui s’identifie à une zone unique dans le MARC (200 pour UNIMARC et 245 pour MARC 21) subdivisée en sous-zones, PMB éclate ce champ entre deux rubriques Titre d’une part et Responsabilité de l’autre.

L’affichage dans PMB d’une notice importée avec le module Z39.50 à partir du catalogue de la BnF a révélé que lors du transfert des données, certaines informations ont été perdues. C’est une preuve que les insuffisances, objet de l’article, ne sont ni liées à la qualité de la description bibliographique ni à une personnalisation du logiciel.

L’ISBD est un ensemble de recommandations de l’IFLA fixant les éléments de description bibliographiques, leur présentation, leur ordre ainsi que la ponctuation devant les introduire (Cazabon, 1999, p. 22; Groupe Intermac, 1975, p. 7). Le format ISBD est utile dans la production de catalogue imprimé ou sur fiches et ôte les barrières de langues (Cazabon, 1999, p. 22) ; le MARC permet l’échange de données bibliographiques entre services d’information sans nécessité d’avoir un même système informatique. Les conséquences des insuffisances relevées s’observent aussi bien sur le système d’information et de documentation que sur les utilisateurs. Sur le système d’information et de documentation, l’utilisation de PMB  induit i) l'impossibilité d'échanger des données avec des services d'information et de documentation qui n'utilisent pas PMB ou qui ne disposent pas d'un serveur Z39.50, ii) l’impossibilité de produire un catalogue ou une bibliographie conforme aux normes, et iii) le manque de précisions dans la description bibliographique. Pour l'utilisateur des services d'information et de documentation, le manque de précisions dans la description bibliographique ne permet pas d'apprécier la pertinence du document décrit à partir de sa notice bibliographique fournie par PMB. Le lecteur devra alors attendre d'obtenir physiquement le document avant de pouvoir juger. A titre d'illustration, la référence en Encadré 5 importée dans PMB ne peut pas comporter l'information qu'il s'agissait de la cinquième édition revue et augmentée et mise à jour par Edouard Morot-Sir et Paule Levert, parce que justement, PMB n'a pas prévu de champ pour contenir l'information sur la mention de responsabilité relative à l'édition.

PMB ne permet donc pas certaines subtilités du catalogage qui apportent pourtant de la précision à l'information bibliographique; car cataloguer un document, c'est en faire la carte d'identité. Dans ces conditions, on peut légitimement se poser la question "Quels bibliothèques ou centres de documentation peut utiliser de façon satisfaisante PMB ?". La réponse pour nous est évidente : une bibliothèque qui à l'obligation de respecter les normes professionnelles de description bibliographique et de communication de données bibliographiques entre systèmes informatiques ne peut se satisfaire de l'utilisation de PMB. Il est utile de souligner que PMB est un logiciel simple d'installation et offre une facilité relative d'utilisation; il n'exige pas de moyens matériels, humains ou financiers énormes et peut bien convenir aux petites bibliothèques de type scolaire et de lecture publique qui n'ont pas besoin d'une description approfondie et professionnelle de documents. Evidemment, en cas d'une législation sur les bibliothèques qui exige un certain niveau de description bibliographique et un format de communication de données bibliographiques entre systèmes informatiques, ces bibliothèques ne seront plus en mesure d'adopter PMB; il en est de même si elles doivent appartenir à des réseaux pour la mise en commun ou l'échange de données. Ce n'est cependant pas l'avis des promoteurs qui soutiennent que PMB s'utilisent dans tous les types de bibliothèques, même universitaires, et sur tous les continents(12); ils tiennent d'ailleurs à jour une liste des utilisateurs(13). Nous estimons qu'il ne nous revient pas de décréter quel type de bibliothèque peut utiliser ou non tel ou tel programme. Notre article vise simplement à attirer l'attention.

Conclusion

Au regard des remarques faites ci-dessus, il apparaît que les services d'information et de documentation, comme les bibliothèques nationales ou universitaires, qui ont l’obligation de produire des notices bibliographiques en ISBD ou en MARC du fait de leur fonction ou des réseaux auxquels ils appartiennent ou sont appelés à appartenir, ne peuvent se satisfaire de l'utilisation du logiciel PMB. Les insuffisances relevées ont des conséquences aussi bien sur la bibliothèque ou centre de documentation que sur les utilisateurs de ses services. La solution réside dans la mise à disposition d’une grille de catalogage conforme au MARC. En effet, les zones du MARC sont assez détaillées en sous-zones pour convenir à l’ISBD (Hopkinson, 1996) ; et l’ISBD prévoit toutes les informations nécessaires à l’identification d’un document sans équivoque. Par ailleurs, une fois la structure initiale de la base de données définie, il est possible de produire autant de grilles de catalogage qu’exigent les besoins de la bibliothèque utilisatrice du logiciel, des grilles les plus légères ou simples aux plus complètes.

Bibliographie

AFNOR. Voir Association Française de Normalisation

ASSOCIATION FRANÇAISE DE NORMALISATION. Documentation : catalogage des monographies : rédaction de la description bibliographique. Paris : AFNOR, 1989. Normalisation française, NF Z 44-050.

ASSOCIATION FRANÇAISE DE NORMALISATION. Documentation : catalogage : forme et structure des vedettes noms de personne, des vedettes titres, des rubriques et de classement et des titres forgés. Paris : AFNOR, 1988. Normalisation française, NF Z 44-061.

CAZABON, Marie Renée. UNIMARC : manuel de catalogage. Paris : Cercle de la Librairie, 1999. 444 p. (Collections Bibliothèques).

DUCHEMIN, Pierre-Yves.  L'art d'informatiser une bibliothèque : guide. Paris : Cercle de la Librairie, 1996. 424 p. (Collections Bibliothèques).

GORMAN, Michael et WINKLER, Paul W. Règles de catalogages anglo-américaines. 2ème édition. Montréal : ASTED, 1980. 935 p.

GROUPE INTERMARC. INTERMARC (M) ; format bibliographique d’échange pour les  monographies : manuel. Paris : Groupe INTERMARC, 1975. 132 p.

HOPKINSON, Alan.  Problems of implementing ISO 2709 formats on CDS/ISIS. 1996. URL : http://www.gpntb.ru/win/inter-events/crimea96/report/DOC1/63.html (consulté le 10.10.2011).

JACQUESSON, Alain. L'informatisation des bibliothèques : historique, stratégie et perspectives. Paris : Cercle de la Librairie, 1995. 362 p. (Collections Bibliothèques).

LAC-BAC. Voir Library and Archives of Canada – Bibliothèque et Archives du Canada.

Library and Archives of Canada – Bibliothèque et Archives du Canada. Les formats MARC 21 : contexte et principes [en ligne]. http://www.marc21.ca/040010-241-f.html (consulté le 17.10.2011).

MEGNIGBETO, Eustache. Mon compte rendu et mes commentaires : Forum d'échanges sur l'enjeu de l'Open-Source dans la gestion de l'Information et du Document. In : ADADB [liste de diffusion]. 06.12.2010. http://fr.groups.yahoo.com/group/adadb/message/5160 (consulté le 12.10.2011).

Notes

(1) Nous parlons de « formats MARC » pour désigner tous les formats issus du MARC originel comme les MARC nationaux, INTERMAC, UNIMARC, et le MARC21.

(2) PMB SERVICES. PMB Services [en ligne]. http://www.pmbservices.fr  (consulté le 03.10.2011).

(3) En décembre 2008 où cette étude a été initiée, la dernière version  stable  disponible du PMB est la 3.1.27 d'avril 2008. Les observations objet de cet article sont encore valides pour la version 3.4.10 de 2010.

(4) PMB SERVICES. Wiki des utilisateurs de PMB. http://www.sigb.net/wiki_new/wikka.php?wakka=SitesPMB. (Consulté le 12 octobre 2011). Et aussi PMB Belgian user group. Quelques catalogues belges en ligne avec PMB [en ligne]. http://www.patch-works.be/_pmb/?q=node/13 (consulté le 18.10.2011.

(5) NURIDSANY, Claude et PERENNOU, Marie. La métamorphose des fleurs. Paris : La Martinière, 1997. 143 p.

(6) BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE. BnF catalogue général : recherche simple[en ligne]. http://catalogue.bnf.fr (consulté le 20.01.2009).

(7) Cf. Cazabon, 1999, p. 15-30; Groupe INTERMAC, 1975, p. 5-14; Gorman, 1980, p. IX-XIX.; Jacquesson, 1995, p. 117-128; Duchemin, 1996, p. 143.

(8) Egalement, l’affichage ISBD n’était pas bien observée lorsqu’il y a  plusieurs éditeurs ; mais, une conformité a été notée dans les versions 3.4.10 et 3.4.4.

(9) Cela découle de la « philosophie des données bibliographiques » relatives aux principes généraux d’un format tels qu’énoncés dans le manuel d’INTERMARC : « Il n’est pas question de passer de l’ISBD au format MARC mais l’inverse » (Groupe INTERMARC, 1975, p. 13)

(10) Nous désignons sous ce vocable la présentation d'un enregistrement sous la forme d'un tableau où la première colonne contient les étiquettes de zones, la seconde les indicateurs et la troisième les contenus de champs; chaque zone tient sur une ligne.

(11) Il n'y a pas, par exemple, de champs prévus dans PMB pour la mention de responsabilité relative à la collection.

(12) Propos tenus par Eric Robert et Florent Tetard, respectivement Directeur général et Directeur technique de PMB Services, lors du panel organisé le 9 novembre 2010 à l'occasion du "Séminaire international de formation sur le PMB", tenu à Abomey-Calavi (République du Bénin), du 8 au 11 novembre 2010.

(13) PMB SERVICES. Wiki des utilisateurs de PMB. http://www.sigb.net/wiki_new/wikka.php?wakka=SitesPMB. (Consulté le 12 octobre 2011). Et aussi PMB Belgian user group. Quelques catalogues belges en ligne avec PMB [en ligne]. http://www.patch-works.be/_pmb/?q=node/13 (consulté le 18.10.2011).

Évaluation des bibliothèques des Hautes écoles spécialisées suisses, vers un benchmarking au niveau national ?

Christophe Bezençon, Haute Ecole de Gestion, Genève

Évaluation des bibliothèques des Hautes écoles spécialisées suisses, vers un benchmarking au niveau national ?

1.    Introduction

Contexte du mandat

Le souci de la Commission spécialisée des bibliothèques HES (CBH), organe de la Conférence des recteurs des hautes écoles spécialisées suisses (KFH), de mettre au point un document de référence pour la gestion des bibliothèques des Hautes écoles spécialisées suisses (ci-après HES) s’inscrit dans le contexte des changements académiques survenus dans les années 2000 avec la réforme dite de Bologne.

En effet, ces bibliothèques ont vu leurs tâches de soutien devenir de plus en plus importantes au sein du cursus Bachelor qui demande une grande part de travail personnel aux étudiants. De plus, la création du cursus Master, le soutien à l’enseignement et les exigences de recherche appliquée exigent également de ces SID un service de haute qualité, indispensable au bon fonctionnement de ces écoles.

Pour garantir ce service de manière équitable, une homogénéité dans les pratiques et les moyens doit être visée. C’est dans cette idée que la CBH a rédigé en octobre 2008 un projet de Document de référence nommé Directive pour la bibliothèque HES (CBH, 2008) qui sera soumis pour validation à la KFH et validé dans une version remaniée en 2009 sous l’intitulé Bibliothèques des Hautes écoles spécialisées : document de référence (KFH, 2009). Grâce à ce document, les HES ont un référentiel auquel comparer concrètement et objectivement leurs bibliothèques et tendre vers une homogénéité au niveau national.

Pour effectuer une évaluation et atteindre ces buts, un panel d’indicateurs devait accompagner ce document et donner aux bibliothèques un outil de mesure précis de leur performance bibliothéconomique et de la qualité de service. Ces indicateurs doivent être les mêmes pour permettre des mesures objectives et offrir une vue d’ensemble des bibliothèques HES suisses.

Le mandat

C’est dans l’optique de créer ce panel d’indicateurs que la CBH m’a mandaté dans le cadre de mon Travail de Bachelor à la HEG de Genève. Ce travail s’est donc basé sur la version de 2008 du Document de référence, alors encore appelé Directive.

L’objet du travail était donc, d’une part, la sélection, la définition d’indicateurs de performance et de qualité ainsi que l’explicitation de ces indicateurs afin que les bibliothécaires sachent comment les utiliser et les interpréter en évitant toute ambiguïté ; d’autre part de proposer, si possible, des valeurs de référence pour chaque indicateur afin de mesurer concrètement la différence entre le niveau atteint et le niveau souhaité. Ces indicateurs devaient impérativement rester dans le cadre du Document de référence de la CBH.

Voici les objectifs généraux du mandat:

  • Proposer des indicateurs de performance, de qualité et stratégiques(1) qui permettront aux bibliothèques de mesurer leur écart par rapport au Document de référence de la CBH.
  • Définir et documenter précisément la manière dont ils doivent être utilisés.
  • Établir des valeurs de référence auxquelles seront comparés les indicateurs sélectionnés.

2.    La méthodologie

Dans un premier temps, la synthèse de la littérature existante sur l’évaluation dans les bibliothèques académiques avait deux utilités principales. La première était de mieux connaître les pratiques en terme d’évaluation et de repérer le contexte des bibliothèques ayant déjà réalisé ce genre d’opération. Elle m’a en outre permis de mettre en avant l’utilité d’une telle démarche, d’identifier les risques qui lui sont liés et finalement d’avoir un retour d’expérience sur l’utilisation des résultats une fois l’enquête faite. La seconde était de faire un travail de repérage pour découvrir les sources où se trouvaient les indicateurs qui seraient utiles à ma problématique. Donc en même temps que la récolte d’informations nécessaires à la synthèse, il fallait identifier les normes, standards et pratiques existants pour en tirer des outils utilisables pour la sélection d’indicateurs effectuée plus tard.

La suite logique du travail était de cerner clairement l’environnement dans lequel devraient s’intégrer les indicateurs, c’est-à-dire les bibliothèques HES. Il faut dire que la littérature n’est pas vaste sur le sujet des HES, un chapitre de présentation de ce milieu était donc indispensable pour bien cadrer la démarche. De plus, la revue de la littérature effectuée en premier lieu portait sur les bibliothèques académiques, le lien entre une bibliothèque universitaire et une bibliothèque HES semblait assez clair et leurs missions de prime abord plutôt semblables. Mais pour valider méthodologiquement cette impression, j’ai procédé à une petite enquête par courriel auprès des bibliothécaires HES et de quelques bibliothécaires universitaires en leur demandant les différences majeures qu’il y avait selon eux entre les missions d’une HES et d’une bibliothèque universitaire. Les réponses qui me sont parvenues allaient clairement dans le sens pressenti en apportant toutefois une petite nuance mais qui ne compromettait pas le fait que je pouvais considérer que les mentions faites aux bibliothèques académiques dans la littérature étaient applicables aux bibliothèques HES. Ce chapitre a donc permis non seulement de clarifier l’environnement du mandat mais également de valider la revue de la littérature effectuée précédemment.

Puis le mandat en tant que tel a pu être commencé. La première chose à faire a été de « retravailler » le Document de référence en la réduisant en une série d’objectifs que les bibliothèques devraient atteindre. Pour cela il a fallu lire entre les lignes en mettant de côté tout le côté plus politique du document pour ne laisser ressortir que les éléments concrets qu’attendait la CBH pour ses bibliothèques. La liste d’objectifs qui furent ainsi isolés garde la structure initiale du Document de référence (dans sa première version, 2008) et donne un cadre strict à la sélection des indicateurs. C’est probablement l’étape clef du travail.

Le temps suivant a donc été consacré à la sélection et au tri des indicateurs dans les sources identifiées préalablement. Tous les indicateurs ainsi identifiés ont été répartis selon l’objectif (ou les objectifs) qu’ils permettaient de mesurer. Comme il sera mentionné plus tard dans le travail, deux genres d’indicateurs ont été différenciés : des indicateurs qualitatifs se basant sur une évaluation par les usagers et le personnel de la bibliothèque, et des indicateurs quantitatifs, dont la mesure est effectuée à partir de données statistiques. Il est arrivé que certains objectifs ne se soient pas vu attribuer d’indicateurs, car ils étaient souvent très spécifiques aux HES, dans ce cas j’ai créé des indicateurs en me basant sur le Document de référence et en m’inspirant de la structure de ceux trouvés dans la littérature.

Une fois cette sélection d’indicateurs faite et arrêtée, il a fallu les définir, c’est-à-dire donner une définition de tous les termes pouvant poser des problèmes d’ambiguïté, expliciter les méthodes de mesure, donner des clefs pour l’interprétation des résultats et finalement, si possible, fournir des valeurs de référence pour les indicateurs quantitatifs. Cette valeur permettra une comparaison lors des premières mesures de ces indicateurs et devra être affinée par la suite, selon les exigences de la CBH.

Ce qui aurait encore pu être ajouté à ce travail pour fournir un outil directement utilisable, eut été une phase de tests de ces indicateurs en situation réelle. Malheureusement, il m’est très vite apparu que le temps à disposition pour ce travail ne permettait pas une telle démarche. C’est pourquoi il a également été décidé qu’il fallait autant que possible utiliser des indicateurs recensés dans la littérature où l’on a l’assurance d’une pratique éprouvée, et d’utiliser au maximum les données que l’OFS demande déjà chaque année aux bibliothèques pour limiter le risque d’avoir des mesures difficiles voire impossibles à faire.

3.    Les bibliothèques HES

La bibliothèque HES s’inscrit évidemment complètement dans le cadre et les missions de son institution de rattachement (KFH, 2006 : 2).

Les HES se trouvent dans un contexte très ouvert et résolument tourné vers l’enseignement pratique et la recherche appliquée dans un mode interdisciplinaire. Ce contexte établit déjà les grandes lignes de ce que seront les publics de ces bibliothèques et quelles en seront les attentes.

En plus de cela, l’environnement académique subit des modifications importantes dans son fonctionnement avec la réforme découlant de la déclaration de Bologne. Si elle implique déjà un encouragement à la mobilité des étudiants, c’est aussi un changement dans la part de travail personnel que doit fournir l’étudiant. Les besoins documentaires sont donc logiquement accrus, ce d’autant plus qu’avec les programmes Masters, non seulement l’offre s’étend, mais doit devenir encore plus pointue.

Enfin, le dernier point qu’il parait important de soulever, c’est l’avènement de la documentation numérique, laquelle amène un changement capital pour toute la société et a un impact énorme dans le monde bibliothéconomique. Car ce bouleversement induit un changement de la quantité et du type de documents à gérer, ainsi que du comportement des usagers, qui optent de plus en plus souvent pour un accès à distance. La différentiation entre les documents internes et externes à la bibliothèque devient donc toujours plus difficile à faire. « On passe d’une fonction d’acquisition et de gestion des collections à une fonction de gestion d’accès à des ressources documentaires » (Muet, 2009 : 5). Bref, c’est un changement des modes de fonctionnement.

Missions

La bibliothèque scientifique HES tend donc à l’accomplissement des objectifs précédemment cités. Les problématiques avancées précédemment se retrouvent ainsi spécifiées pour le cadre particulier du Document de référence.

On peut donc y voir qu’outre les opérations de base en bibliothéconomie (sélection, acquisition, etc.), le service au public, notamment sa formation aux différents outils mis à sa disposition, semble être un point essentiel de ces missions tant il est sous-jacent à toute cette réflexion. La formation permet l’accès aux ressources et la différenciation de la qualité des sources.

Comme on le verra plus tard, les « prestations » dont il est question pour enrichir l’acquisition de connaissances regroupent tous les services et toutes les infrastructures qui doivent être à la disposition de l’usager. Cela comprend autant l’aide à la recherche que la disponibilité d’espaces favorisant le travail intellectuel.

La bibliothèque doit également garantir la diffusion d’une information scientifique de premier ordre(1) pour stimuler la recherche appliquée et « l’innovation scientifique ». Ce n’est là pas le moindre des défis, car cela implique de regrouper des informations théoriques et pratiques de haut niveau dans plusieurs domaines. C’est ce qu’entend Florence Muet lorsqu’elle parle de « transversalité et spécialisation » (4/2009 : 10). D’un côté, une information de base qui couvre l’ensemble des disciplines présentes dans l’établissement et de l’autre des pôles de spécialisation propres à sa stratégie. Mais elle précise également que ce double axe oblige à ne plus tendre à l’exhaustivité dans l’offre documentaire, car à ce niveau, les bibliothèques peuvent aujourd’hui se compléter entre elles via leur réseau.

Pour finir, en essayant d’avoir un regard global sur ces missions, on peut constater qu’il s’agit réellement de créer un cadre de travail stimulant. Il ne faut pas s’arrêter à la simple mise à disposition de ressources mais être sûr que l’usager, aussi divers soit-il, puisse y avoir accès dans de bonnes conditions. La bibliothèque se veut d’être un espace central dans l’établissement, dans son fonctionnement et son développement intellectuel, en mettant en avant les progrès dans les domaines couverts et les publications de ses usagers.

Usagers

On distingue trois principaux groupes d’usagers : le corps professoral, les chercheurs et les étudiants. Ces trois groupes, même s’ils se regroupent parfois, se distinguent par leurs besoins et leurs usages de la bibliothèque. Cette dernière s’adresse principalement aux membres de l’institution de rattachement même si elle est ouverte à des publics extérieurs(2).

Le corps professoral

Le soutien à l’enseignement est le principal besoin de ce groupe. Il doit pouvoir se baser sur une documentation variée pour ses cours et pour orienter les étudiants sur des lectures ou des études de cas. La bibliothèque lui permettra également d’avoir un accès complet et à jour à l’actualité de son domaine d’enseignement.

L’ouvrage dirigé par Daniel Renoult (1994 : 109-110) fait remarquer que le public est proportionnellement essentiellement composé d’étudiants. Les professeurs sont en comparaison peu nombreux à se rendre en bibliothèque. Mais il ne faut pas oublier que leurs influences (directions, lectures obligatoires, travaux de recherches, etc.) sur les pratiques documentaires sont essentielles. Ce sont eux qui font venir, pour une part, les usagers(3), et qui déterminent par leurs enseignements et leurs recherches les lignes documentaires qui seront demandées dans l’établissement.

Les chercheurs

La recherche appliquée nécessite de la documentation régulièrement actualisée pour « planifier, développer et faire avancer la recherche » (CBH, 2009 : 4) des travaux dans de bonnes conditions.

Avec l’introduction des Masters, cet axe devient important pour le développement des collections et des services. Ainsi, Florence Muet (4/2009 : 8) distingue deux logiques stratégiques par rapport à ce segment :

  • « Une logique de services ciblés à forte valeur ajoutée » comprenant la veille et la recherche, l’animation de plateformes collaboratives et l’assistance à la publication numérique.
  • « Une posture de proximité […] et de réactivité vis-à-vis des besoins » notamment en désignant des bibliothécaires référents pour les centres de recherche.

Florence Muet met aussi en avant le démarrage d’un grand nombre de projets de recherche internationaux et interinstitutionnels qui nécessitent des plateformes électroniques pour des « communautés de recherches électroniques » (2009 : 12). La mise en place de ces technologies peut être considérée comme une possibilité de développement et de service à valeur ajoutée pour les bibliothèques.

Les étudiants

« On conçoit que la notion d’étudiants comme catégorie homogène fasse plus que jamais problème » (Renoult (dir.), 1994 : 118)

Si cette observation a déjà été faite en 1994, elle est d’autant plus vraie aujourd’hui. En effet, au vu des différents domaines enseignés et des différents types de formation (bachelor, master, temps plein, temps partiel, en emploi) dispensés par les HES, et l’explosion des ressources électroniques qu’il y a eu depuis, on peut concevoir la pluralité des besoins en matière de documentation. De plus, certains travaux devant être effectués sont parfois assez proches de ceux d’un groupe de recherche. C’est un public qui est donc difficile à délimiter. Cependant, on peut quand même déterminer quelques-uns des besoins spécifiques aux étudiants.

D’abord, les documents de références de cours, qui doivent être disponibles à la bibliothèque. Ce qui nécessite évidemment une interaction entre cette dernière et le corps professoral. Ce sera, hormis pour le Travail de Bachelor en fin de cursus, pratiquement la seule utilisation des ressources documentaires faite par les étudiants Bachelor durant leur formation. L’utilisation des ressources numériques est souvent trop pointue pour ce public, celles-ci seront plus utilisées par des étudiants de Master.

Puis les ressources complémentaires à la formation qui permettront de mener à bien des travaux personnels d’envergure. L’étudiant doit trouver dans ce lieu un centre de compétence pour l’aider dans sa recherche et rendre accessible toute la documentation spécialisée nécessaire.

Et pour finir, les étudiants doivent pouvoir trouver un espace leur permettant de travailler, comme mentionné précédemment, dans un environnement propice à l’activité intellectuelle. Cette fonction n’est pas à mettre de côté car elle est largement plébiscitée par ce public. Comme le montre l’étude effectuée en mars 2007 à l’Université de Paris 8 (MV2 Conseil, 2007), 50% des usagers la considèrent comme la raison principale de leur visite, ce sont les « usagers axés travail », 87,6% des étudiants la mentionnent comme une des raisons de leur visite.

Services

Selon le document de la CBH (CBH, 2009 : 5-6), les services devant être offerts par une bibliothèque HES sont :

  • Un catalogue accessible en ligne répondant aux différents critères internationaux et à la disposition de tous les usagers (via l’un des deux catalogues collectifs suisses(4)) permettant la mise en accès en texte intégral des ressources électroniques.
  • Un service de prêt interbibliothèque
  • Une structuration des ressources informationnelles disponibles sur le web, ceci dans le but de fournir des liens vers des informations scientifiquement fiables.
  • Un service de référence permettant d’accompagner de manière efficace les recherches informationnelles. Il élabore également des « produits documentaires » (CBH, 2009 : 5) pour orienter les usagers dans les ressources.
  • La formation des usagers, en particulier à la méthodologie documentaire. Pour ce faire, il faudra développer des compétences pédagogiques afin de pouvoir leur enseigner les différentes manières d’utiliser une bibliothèque, d’élaborer une bibliographie et d’utiliser les outils documentaires. Les programmes de formation devront être adaptés aux différents types d’usagers.
  • L’accès à l’information produite par les membres de son établissement, notamment celle des professeurs et des chercheurs.

Moyens et infrastructures

Ce chapitre du Document de référence (CBH, 2008, 7-9) n’a pas été retenu dans la version validée (2009). Mais son intérêt n’en est pas amoindri.

Les ressources financières de la bibliothèque dépendent évidemment de l’institution de rattachement. Cela va bien entendu influencer la capacité de la bibliothèque à remplir les missions détaillées plus haut. Ces moyens financiers doivent être mis à disposition étant établi que la bibliothèque a un rôle important dans le processus d’acquisition des connaissances.

Toujours dans cette optique, l’engagement d’un personnel ayant suivi une formation en information documentaire (ID) est nécessaire à la qualité des services fournis. Les besoins en personnel (niveau de qualification) se déterminent « en fonction des spécificités de son établissement, de la nature et de la quantité des ressources informationnelles mises à disposition ainsi que du degré de spécialisation des services qu’elle offre » (CBH, 2008 : 7), pour ce qui est de l’aspect quantitatif, celui-ci sera basé sur les facteurs tels que le nombre d’usagers, le nombre de documents (donc indirectement sur le budget d’acquisition), les services offerts et sur les éventuels projets de développement de la bibliothèque.

La polyvalence nécessaire à l’accomplissement de toutes les missions de la bibliothèque (maîtrise des outils, des contenus et de la communication) exige non seulement une formation ID mais aussi la possibilité de se former de manière continue. Cette dernière permettra également de garantir une offre actualisée avec des moyens adaptés à l’environnement évolutif que sont les formations HES.

L’espace des locaux laissé à la disposition des usagers est aussi extrêmement important. Comme on l’a vu précédemment, c’est souvent une des raisons pour lesquelles les étudiants fréquentent la bibliothèque, particulièrement s’ils sont au début de leurs études. Il s’agit donc d’offrir un espace encourageant le travail et permettant la consultation des ressources électroniques(5). De manière générale, elle doit présenter ses collections en libre-accès garantissant ainsi une mise en valeur de l’information et facilitant son accès.

Les horaires d’ouverture font aussi partie des moyens mis à disposition des usagers, l’accès aux ressources physiques doit être aussi large que possible. Comme le dit Pierre Carbone dans sa contribution à l’ouvrage dirigé par Daniel Renoult (Renoult (dir.), 1994 : 80-81), les heures d’ouverture fournissent aux utilisateurs un exemple concret du service offert. Cette disponibilité du personnel implique aussi des enquêtes permettant de déterminer les heures d’affluence particulière pour lier au mieux les intérêts des usagers à ceux du personnel.

Ressources informationnelles

La pluralité des supports et des accès sont des éléments centraux de cette problématique. Ils sont fondés « [sur les] nécessités de l’enseignement et de la recherche, [sur les] objectifs spécifiques de l’établissement ainsi que, plus largement, [sur les] besoins des usagers » (CBH, 2009 : 4). Ainsi, il faut garantir un accès à des ressources pertinentes internes et externes. Il s’agit donc d’offrir des ressources en lien avec les formations dispensées dans l’établissement. L’acquisition de ces ressources, énoncée dans « une politique d’acquisition et de développement » écrite et validée par la direction de l’établissement, est faite, comme le suggère de manière insistante Florence Muet (2009 : 15), avec la collaboration des enseignants(6).

Les ressources internes doivent être gérées à l’aide de classifications universelles (pour le libre-accès du moins) dans le but d’un accès le plus rapide possible à l’information. Il faut donc adapter cette gestion aux besoins de l’institution. Mais c’est aussi dans cette optique de rapidité et d’efficacité d’accès que doit être organisé l’accès aux ressources électroniques avec des outils (comme des portails de liens) qui répondent aux mêmes logiques que pour les supports plus traditionnels.

Promotion, coopération et contrôle qualité

Si ces trois chapitres du Document de référence ont été regroupés ici, c’est qu’ils interviennent tous dans une logique de communication.

La promotion met en avant les services(7) auprès des usagers et de la tutelle ; c’est dans la même idée que doit être mis en place un système de contrôle qualité et de performance. En effet, comme on le verra plus tard, ils sont au centre d’une démarche visant à montrer de manière tangible le travail réalisé par la bibliothèque. Bien sûr, ils s’inscrivent également dans une démarche de gestion stratégique.

La coopération intervient, elle, à plusieurs niveaux. D’abord auprès des usagers et de la tutelle, le dialogue doit également être permanent avec les étudiants, les professeurs, les chercheurs et la direction (c’est ce qui a été mis en avant dans le paragraphe sur la politique d’acquisition).

Différences notables avec les bibliothèques universitaires

Ce chapitre ne fait pas partie du Document de référence, mais il a paru important de l’intégrer ici pour bien positionner la bibliothèque HES face à la bibliothèque universitaire (BU), ceci avec l’objectif d’identifier les éventuelles différences ou spécificités importantes qui nécessiteraient une interprétation différente ou adaptée des normes et de la littérature utilisées pour ce travail et qui traitent majoritairement des bibliothèques académiques dans leur ensemble.

Le postulat de départ est, qu’au vu de l’uniformisation des pratiques entre HES et universités, et de la littérature consultée, peu ou aucune différence majeure ne devrait apparaître. Pour s’en assurer(8), une consultation par e-mails des principaux intéressés, soit les bibliothécaires des HES de Suisse et de quelques BU, a été effectuée au mois de mars 2009. Il leur a été demandé quelles étaient selon eux les différences en fonction des missions définies par le Document de référence.

Même si elles sont nombreuses, les réponses(9) reçues ne sont pas surprenantes. La grande majorité des bibliothécaires ne voient pas de différence majeure entre les missions et les services d’une bibliothèque HES ou universitaire(10). Toutes deux ont des objectifs de soutien à l’enseignement et à la recherche. La seule nuance qui doit être apportée est que les HES sont plus axées dans la recherche appliquée, ce qui veut dire également qu’elles possèdent plus de documentation pratique que les BU. Ainsi, on trouvera des bibliothèques HES qui n’ont pas réellement d’équivalent universitaire. Par exemple, celle de la Haute École de Musique de Genève qui conserve essentiellement des partitions et des ouvrages consacrés à la musique, et dont on ne trouvera pas de collections universitaires équivalentes même dans un éventuel institut de musicologie.

Cependant, les quelques distinctions mises en avant sont essentiellement dans la gestion au quotidien, et cela pour deux raisons :

  • La disparité des moyens : surface plus grande, budget plus grand et plus de personnel(11) dans les BU. Ainsi, pour des missions égales, les moyens seraient différents. Certains services ne peuvent donc être rendus de la même manière, avec la même qualité, selon que l’on se trouve en HES ou en université. On pourrait se demander si cela n’est pas en lien également avec le fait que la réputation des BU est déjà très bonne auprès de la population et des décideurs en général, alors que tout est à faire du côté des HES, mais cela n’est qu’une supposition.
  • L’historique : Toujours un peu dans cette idée, les services universitaires ont souvent une histoire et une intégration à leur établissement beaucoup plus grandes, l’institution étant déjà bien en place. Ce constat s’applique aussi pour la documentation, les Masters étant à leur début dans les Hautes écoles, le niveau d’information est moins orienté pour des études de 2ème cycle (et plus) que dans les BU. Historiquement, ces dernières mettent plus en avant la recherche fondamentale qu’appliquée. Mais justement, dans le nouveau contexte académique, cela tend à disparaître.

Pour résumer, théoriquement, aucune différence majeure n’est à observer entre les divers types de bibliothèques. Ce sont essentiellement les moyens qui ne permettent pas de remplir ces missions de manière égale. Dans le futur, toutes les distinctions portant sur l’offre documentaire devraient s’estomper tant la volonté politique va dans ce sens. Il est cependant évident que certaines bibliothèques universitaires historiques jouiront certainement encore longtemps d’une considération différente des décideurs. Toutefois, la tendance est à l’uniformisation, ce qui confirme le postulat de départ.

4.      L’évaluation dans les bibliothèques académiques : synthèse de la littérature

Utilité et buts de l’évaluation

L’évaluation de la bibliothèque académique répond à un besoin marqué de s’ouvrir vers l’extérieur, selon deux axes principaux fortement liés l’un à l’autre:

  • La communication 

Il faut pouvoir (et savoir aussi) prouver son utilité à la tutelle et justifier les moyens qu’elle met à disposition. Cela ne se mesure plus seulement à travers des données statistiques, mais surtout avec la preuve de son efficacité (les résultats atteints par rapport aux objectifs fixés), de son impact sur son environnement et de la qualité de ses services. L’idée étant de pouvoir montrer « les résultats et l'impact de [son] activité dans des secteurs considérés comme importants pour [son] institution de rattachement » (Blixrud, 2001 : 3) grâce à des données objectives et ainsi d’intégrer la bibliothèque à l’appréciation des établissements, voire aux processus de décision. C’est la fonction « communication – légitimation » (Dalhoumi, 1993 : 38) de l’évaluation.

  • La comparaison

C’est le premier usage qui est fait des données tirées des indicateurs d’évaluation. Cela fait même partie de l’évaluation en soi, car elle permet d’émettre un jugement sur ces données. Ainsi, la comparaison entre les bibliothèques, que ce soit au niveau régional, national ou international (d’où la nécessité d’indicateurs communs entre les institutions), permet de se placer dans son environnement direct. Autrement dit, des données brutes qui ne sont confrontées ni à une norme, ni à leur évolution dans le temps, ni aux données d’autres bibliothèques, n’ont aucune valeur ; ce ne sont que l’exposition d’une situation donnée à un moment donné sans analyse possible. Ces comparaisons influenceront, en outre, la manière de communiquer les résultats de l’évaluation.

D’un point de vue interne, l’évaluation a un but de gestion stratégique et d’aide à la décision(12) important. C’est un outil managérial qui permet non seulement une analyse fine des services et des usages, mais également une appréhension globale de l’organisation de la bibliothèque. Ainsi, il est possible de mesurer le taux d’atteinte des objectifs fixés, comparer ce qui existe avec ce qui devrait exister. Une fois faites, ces mesures permettront un pilotage stratégique, donc plus précisément de :

  1. « Passer d'une logique de moyen à une logique de performance » (Blixrud, 2001 : 7). C’est ce qui sous-tend ce chapitre. La bibliothèque doit faire sa place dans son environnement, et pour cela montrer son efficacité et son efficience. La logique de moyen montre ce qui est mis en œuvre, la logique de performance montre, elle, comment ces moyens sont utilisés. Cela demande donc une nouvelle façon de penser la gestion de la bibliothèque.
  2. Fixer des priorités dans l’allocation des ressources. Il y a de moins en moins de ressources, elles doivent aller là où elles sont attendues par le public.
  3. Mesurer le succès d’innovations.
  4. Mesurer l’impact de la bibliothèque dans son environnement académique. La notion d’impact est très souvent utilisée dans la littérature. Cet aspect permet de savoir si les missions de soutien à l’enseignement et à la recherche sont bel et bien remplies. Il s’agit donc, dans le cadre académique, de pouvoir vérifier l’apport réel de la bibliothèque au processus d’acquisition de connaissances. Évidemment cela pose des problèmes, car ces mesures sont très complexes à effectuer. En effet, comment faire pour connaître le manque que l’absence de ce service provoquerait ? Plusieurs indicateurs peuvent donner une idée, et souvent, une mesure sur plusieurs années permet d’affirmer quelques tendances. Cette problématique est bien cernée et explicitée par Joseph R. Matthews (Matthews, 2007) qui identifie un large panel de facteurs qui influencent également l’apprentissage. C’est une notion importante mais difficile à isoler.
  5. Ajuster l’offre aux besoins identifiés.

L’évaluation est donc, comme le résume bien Jean-Pierre Côté, une « activité fondamentale de la gestion [et] complémentaire de la planification » (1995 : 49). Elle permet à terme d’améliorer l’efficacité, l’efficience et la qualité du service offert.

En conclusion, et pour résumer, l’évaluation est un outil d’aide à l’affirmation de la place et du rôle de la bibliothèque dans l’institution à laquelle elle est rattachée, mais également d’aide au pilotage stratégique interne en « [établissant] un équilibre entre les intérêts et les besoins des clients, des bailleurs de fonds, des employés » (Blixrud, 2001 : 4).

Réalisation de l’évaluation

Cette démarche s’inscrit dans un cadre stratégique vis-à-vis de son institution tutélaire. Dans cette optique, il s’agit, avant de pouvoir déterminer précisément ce qu’il faudra mesurer, de mettre en place un système d’information et de veille pour capter les besoins de l’institution de rattachement, afin de pouvoir orienter tout le fonctionnement de la bibliothèque dans cette même direction et de s’intégrer en tant qu’acteur à part entière de la vie académique de l’établissement. Ce sont les qualités du service que Florence Muet appelle « l’intervention et la réactivité » (2009 : 10). Il est essentiel aujourd’hui de « dépasser la simple évaluation des résultats pour évaluer les impacts et les effets qui en résultent » (Giappiconi, 2008 : 11).

Une fois cernée la stratégie globale de la tutelle, tous les aspects de la vie de la bibliothèque universitaire doivent être mesurés pour, par la suite, être la base d’un plan stratégique. Pour ce faire, plusieurs techniques peuvent être utilisées : on citera deux méthodes complémentaires que sont le tableau de bord et l’enquête de satisfaction.

Dans le tableau de bord, on trouvera un outil qui donnera la possibilité, comme le mentionne la norme ISO 11620 (ISO, 2008 : 10), de structurer les indicateurs de performance de manière claire et concise en quatre secteurs principaux :

  • Ressources, accès et infrastructure
  • Utilisation des ressources
  • Efficience (rapport entre moyens et résultats, par exemple : le temps nécessaire au traitement des documents)
  • Potentialités et développement (par exemple : la participation du personnel à des séances de formation)

L’enquête de satisfaction permettra de connaître la qualité du service, c’est-à-dire le taux de réponse des services aux attentes des usagers. L’enquête LibQUAL+, dont le principe et le contenu seront détaillés plus tard, est un excellent exemple de ce type d’évaluation qui séduit de plus en plus de bibliothèques académiques à travers le monde en proposant un outil stable, éprouvé et permettant une comparaison fiable entre diverses institutions.

Bien sûr, pour compléter encore ces deux méthodes et avoir une analyse plus fine, des enquêtes auprès des employés(13) ou des audits externes peuvent être également effectués. Tout dépend des informations recherchées. Dans tous les cas, le plus important si l’on veut avoir des informations donnant une base de travail solide, c’est d’inscrire cette démarche dans le temps, dans une perspective dynamique et cyclique et de pouvoir la réitérer régulièrement, quelle que soit la méthode utilisée. Ainsi il sera possible de mesurer une évolution et de lier les résultats aux actions entreprises. C’est pourquoi le recours au tableau de bord, qui permet une récolte plus automatique des données, est souvent préféré aux enquêtes, plus contraignantes d’un point de vue organisationnel.

Pour piloter un projet d’évaluation conséquent, la littérature cite à plusieurs reprises la mise sur pied d’un comité d’évaluation, composé de membres de l’équipe de la bibliothèque(14), chargé d’organiser, de mandater, de planifier et de superviser le déroulement des évaluations. Plusieurs raisons à cela, d’abord celle d’impliquer tous les acteurs du service dans ce processus et ainsi d’éviter la peur des employés d’une utilisation mal intentionnée des résultats, mais aussi celle d’éviter au maximum la part de subjectivité qui a sa place dans ce type de projet. Cette subjectivité, si elle n’est pas déjà amenée dans le choix des activités à évaluer, sera présente dans l’interprétation des résultats suite aux mesures. En effet, des données quantitatives doivent être accompagnées de données qualitatives et de commentaires de la part de l’évaluateur pour les mettre en relief et leur donner un sens.

Concernant le contenu de cette évaluation, plusieurs tendances apparaissent dans la manière d’aborder le problème. D’abord, il est important de pouvoir prendre un peu de distance par rapport à son lieu de travail ; par exemple, de ne pas mesurer seulement la capacité du bibliothécaire à répondre à un usager mais également prendre en compte le succès de l’utilisateur lors de sa visite dans la bibliothèque.

On note ensuite la volonté d’inclure l’usager dans cette démarche d’évaluation et même de l’y mettre au centre avec des outils performants comme LibQUAL+ qui sont élaborés dans ce but. En cela, on se rapproche de démarches marketing utilisées en économie. On ne se contentera donc plus de savoir si les ressources sont utilisées mais comment(15) elles le sont. L’avis de l’usager devient central ; une bibliothèque existe car elle est utilisée, de même, si elle a un service de qualité, c’est parce que l’utilisateur est satisfait, et non parce qu’elle-même estime être de qualité. La qualité est donc bien liée à la perception du service par son bénéficiaire, capturée d’une manière ou d’une autre, et non pas à une supposition.

Enfin, on rencontre de plus en plus le souci de pouvoir se rendre compte de l’utilisation qui est faite par les étudiants des services « virtuels » comme l’utilisation d’Internet, des bases de données électroniques et des autres ressources numériques à disposition.

Pour terminer, on peut se pencher sur un risque soulevé par Abdelaziz Abid (1983 : 5) et lié au choix des objectifs à évaluer. Si ceux-ci sont trop généraux ou à trop long terme, l’analyse sera tout aussi générale et ne permettra pas de prendre des décisions opérationnelles qui auront une influence sur le terrain. Suzanne Jouguelet souligne aussi le danger de mal définir les indicateurs : « L’affichage clair des différents types d’indicateurs, en nombre limité, de leur rythme de collecte et de leurs finalités est un préalable à une mise en œuvre réussie » (2008 : 25). Il s’agit donc de faire une description approfondie des indicateurs.

Utilisation des résultats

L’utilisation des résultats suite à l’évaluation est aussi une des préoccupations relayées par la littérature. Là encore, la constitution de groupes est privilégiée par les utilisateurs de LibQUAL+ (Knapp, 2004 : 165-166) pour déterminer les directions futures du service au public, et de groupes d’usagers pour discuter des moyens d’amélioration. Cette interaction constante avec le public démontre bien la nouvelle place que celui-ci peut prendre dans le processus décisionnel.

Amy E. Hoseth (2007), qui se concentre aussi sur l’utilisation de LibQUAL+, résume assez simplement et en quelques points le problème soulevé par ce chapitre. Tout d’abord, ne pas oublier de s’attarder sur les commentaires libres laissés à la fin du questionnaire, puis de partager les résultats non seulement avec les usagers, mais également avec ses pairs. Il faut comparer ensuite les résultats avec les autres bibliothèques et les normes en vigueur et enfin refaire l’enquête de manière régulière.

Les enquêtes menées dans des bibliothèques académiques de taille moyenne aux États-Unis, auxquelles se sont intéressés Dole, Liebst et Hurych, montrent qu’à la suite des évaluations de performance, les décisions se basent généralement sur les résultats pertinents issus de ces dernières. Certains avouent même : « [we] sometimes use data to justify something that has already been decided upon. » (Dole, Liebst et Hurych, 2006 : 177), ce qui nous ramène à la réflexion au sujet des risques dus aux évaluations. Au lieu d’utiliser les résultats pour prendre des décisions, on arrange les données pour appuyer une décision antérieure, la logique est ainsi quelque peu inversée. Plus loin dans ce même article, il est mentionné que le degré d’attachement aux données pour la prise de décision sera fortement dépendant de la culture de l’institution et des pressions exercées par l’organisme de tutelle. Cela dit, même si cette pratique peut paraître à la limite de la « malveillance »(16), le monde anglo-saxon semble beaucoup plus enclin à utiliser les données pour valider une politique. Cet usage est donc à double tranchant, car d’un côté il appuie les décisions, donc joue le rôle de communication loué plus haut dans ce texte ; et d’un autre, il permet des dérives, des manipulations pour justifier des positions qui seraient basées sur d’autres intérêts. Dans ce cas, on peut parler de tromperie envers la tutelle, ce qui n’est évidemment pas le but recherché.

D’autres risques liés à l’évaluation sont à soulever. D’abord, on l’a dit, la subjectivité inhérente à ce travail et qui est bien expliquée par Salah Dalhoumi dans l’introduction à son intervention au Congrès de l’ABCDEF de 1993 (Dalhoumi, 1995). Du fait qu’il s’agisse aussi à terme d’un outil de communication, la manipulation de cet outil, même si elle est faite de manière prudente, est subjective. C’est pourquoi, il faut faire son possible pour limiter cet aspect qui peut nuire à la crédibilité de l’étude notamment avec la constitution d’un groupe d’évaluation.

Une autre difficulté, soulevée par Jean-Pierre Côté (1995) au même congrès, est parfois d’accepter les résultats. Si les enquêtes auprès des publics ne sont pas positives, cela fait partie de la mission de la bibliothèque de répondre aux attentes formulées pour fournir le soutien espéré. Encore une fois, ces résultats ne seront pas pris comme une menace si l’enquête n’est pas présentée comme telle aux employés, d’où l’importance d’impliquer tous les acteurs du service dans ce processus d’évaluation.

La littérature francophone est encore assez pauvre sur le sujet de l’utilisation des résultats d’évaluation. Beaucoup d’articles le mentionnent ou le suggèrent mais peu (aucun ?) n’en font leur sujet principal. Peut-être cela est-il dû à la relative fraîcheur des pratiques dans nos bibliothèques. En réalité, le recours aux évaluations est souvent bien justifié, mais un réel retour d’expérience sur l’utilisation pratique des résultats est quasi absent.

Cela dit, on peut tout de même en tirer deux principales utilisations communes :

  • Il faut communiquer. Les résultats sont faits pour être partagés avec les acteurs de la vie de la bibliothèque (usagers, tutelles, fournisseurs, mécènes, etc.). Mais il est vrai encore une fois que les bibliothèques universitaires américaines semblent moins frileuses à ce sujet en publiant parfois même les résultats dans la presse. Cette pratique de communication transparait toutefois dans le monde francophone. Cela ne se fait peut-être pas dans une si large mesure, mais l’idée d’utiliser l’évaluation comme mode de communication est bien établie, du moins en théorie.
  • C’est un outil d’aide à la planification stratégique. Cela a déjà été avancé à plusieurs reprises dans cet article.

Renouveau des évaluations

La reconnaissance d’un réel besoin de l’évaluation en bibliothèque universitaire comme aide à la gestion est apparue à la fin des années 70 dans le monde francophone, principalement avec l’introduction, en France, de l’Enquête statistique générale des bibliothèques universitaires (ESGBU). Elle s’est généralisée par la suite après le congrès de l’Association des universités partiellement ou entièrement de langue française (AUPELF) à Nice en 1982. Elle s’est ensuite développée et installée dans le courant des années 80. Depuis 2000, selon Daniel Renoult, suite à une décennie plus « calme », on assiste à une augmentation du nombre d’enquêtes sur les pratiques documentaires des étudiants en France. Selon lui cela est dû au « nouveau schéma d’aménagement des universités » (Renoult, 2006 : 6), l’intérêt n’est pas uniquement français tant les bouleversements dans le monde académique (dus à la réorganisation des études et aux pressions économiques) ont aussi été présents en Suisse ces dernières années. L’autre révolution soulevée par Renoult est l’apparition d’un besoin d’évaluer l’utilisation des ressources informatisées et d’Internet de manière plus générale. La place des nouvelles technologies est grande dans la vie de l’étudiant autant à domicile que sur les postes publics à sa disposition, mais cette problématique est assez difficile à traiter car dans beaucoup de cas, les statistiques d’utilisation de bases de données, par exemple, ne sont disponibles que par l’intermédiaire des fournisseurs d’accès et donc dépendantes de leur récolte de données.

Raymond Bérard met, quant à lui, l’accent sur le fait qu’aujourd’hui « [le travail] est défini par les résultats qu’il produit » (2008 : 72) et non plus par le simple fait de remplir une fonction. Ce « changement de culture » qui a lieu dans les bibliothèques a le mérite, toujours selon lui, de « redonner du sens au travail [et d’] améliorer le service rendu aux usagers» (2008 : 72). Ce besoin de résultat induit un besoin en évaluation et surtout une nouvelle utilisation de cette dernière.

Les mises à jour entre 2006 et 2008 des normes ISO 11620 (ISO, 2008) et IFLA (Poll, Boekhorst, 2007) sont, pour Suzanne Jouguelet, les témoins de l’évolution des besoins pour les bibliothèques en matière d’évaluation. Ces mises à jour sont donc plus « orientées usagers » et font une place à des nouveaux aspects comme « la formation des usagers, la disponibilité et l’emploi des ressources humaines, les indicateurs liés aux ressources électroniques » (Jouguelet, 2008 : 23), alors que d’un autre côté on trouvera moins d’importance donnée à des notions liées à la fourniture physique de documents. Ainsi, dans la préface au manuel de l’IFLA (Poll, Boekhorst, 2007), cinq points sont spécifiés (en plus de ceux concernant les ressources électroniques) qui ont gagné en importance depuis la première édition (1996(17)) et qui ont été particulièrement intégrés grâce à de nouveaux indicateurs :

  • la demande de transparence des coûts et de l’utilisation des budgets, principalement dans le secteur public,
  • l’utilisation de la bibliothèque comme lieu de travail « hybride » (avec des documents électroniques et papier) et comme lieu de rencontre,
  • le rôle de la bibliothèque dans l’enseignement du tri dans l’information,
  • les services aux usagers externes,
  • l’importance des employés de la bibliothèque.

Normes, statistiques et projets en cours

Dans cet article, nous ne nous arrêterons que brièvement sur les normes en elles-mêmes, le but étant plutôt de montrer quelles sont les pratiques et quels principaux outils sont utilisés dans les bibliothèques académiques et répertoriés par la littérature.

Pour faire simple, dans la grande majorité des cas, les bibliothèques académiques ne réinventent pas la roue(18) et utilisent principalement deux outils pour ce qui concerne les indicateurs de performance :

1. La norme ISO 11620 : 1998 ou 2008 et le manuel IFLA de 1996 ou de 2007.

Ces normes constituent un répertoire important d’indicateurs bien documentés et éprouvés car issus d’un comparatif des pratiques des différentes associations nationales. Comme on l’a déjà dit plus tôt, dans leurs nouvelles versions, ces normes ont inclus des nouveaux indicateurs portant entre autre sur l’utilisation des ressources électroniques. Du coup, les associations nationales, les consortiums et les autres groupements de bibliothèques s’inspirent souvent de ces normes de manière partielle ou complète pour construire leur propre outil d’évaluation. C’est le cas notamment du consortium de bibliothèques universitaires UKB aux Pays-Bas qui a utilisé 24 indicateurs organisés en tableaux de bord sur le modèle d’ISO 11620.

Il faut noter que les données tirées d’évaluation de ce type nous donnent beaucoup d’informations de nature quantitative qui peuvent être interprétées pour devenir des informations qualitatives. Ce n’est donc qu’indirectement, en extrapolant, que l’on pourra connaître les attentes des utilisateurs, mais pas de manière précise. Pour cela des enquêtes auprès des usagers restent nécessaires.

2. Les statistiques nationales sur les bibliothèques.

C’est une autre base très importante au travail d’évaluation. Présent dans la majorité des pays européens(19), ce « socle statistique » (Jouguelet, 2008 : 24) est cependant limité principalement aux indicateurs d’activités et ne couvrent pas l’ensemble des champs nécessaires à une évaluation de performance complète. Par contre, il est alimenté depuis de nombreuses années, dès les années 1960 pour la France et dès le début du 20e siècle pour la Suisse (évidemment pour cette période, cela ne concerne que quelques données qui sont encore utilisables). Avec cet outil, les informations sont comparables au niveau national seulement, car les pratiques d’un pays à l’autre sont encore trop disparates. La pratique du benchmarking(20)[xx] est souvent utilisée justement dans le but d’optimiser les comparaisons entre les différents établissements suite à la récolte de données de type statistique. Cette technique, issue du management de la qualité en économie, a pour but de prendre les pratiques dans les établissements ayant le meilleur résultat sur un indicateur afin de l’appliquer à sa propre bibliothèque. Cette pratique est déjà bien répandue par la Society of College, National and University Libraries (SCONUL), en Grande-Bretagne, par le Bibliothekindex BIX du Deutsche Bibliotheksverband en Allemagne et par les bibliothèques universitaires en Suisse (IVM, 2008).

En Suisse, l’Office Fédéral de la Statistique (OFS) fait le travail de récolte statistique pour les bibliothèques universitaires et para-universitaires(21) avec l’aide, depuis les données portant sur 2003, du Groupe de travail Statistiques de Bibliothèque Information Suisse (BIS)(22). C’est cette récolte statistique qui sert de base au "Benchmarking des Bibliothèques" (IVM, 2008).

En France, la mesure d’activité est assurée depuis 1974 par l’ESGBU. Déjà à cette époque, l’État français voulait se doter d’un outil de pilotage des bibliothèques supérieures. La collecte de données se fait de manière électronique une fois par année. Les résultats sont ensuite publiés et sont consultables via l’application Asibu qui permet la consultation et la comparaison des résultats entre établissements. Ce qui est intéressant, c’est que, dès 1998, l’ESGBU est prolongée par l’Enquête sur les ressources électroniques (ERE) qui a pour but « d’établir un recensement, aussi exhaustif que possible, des acquisitions de ressources électroniques payantes, établissement par établissement, et par grands secteurs disciplinaires » (Colas, 2006 : 63-64).

En ce qui concerne les indicateurs de qualité, LibQUAL+ semble emporter tous les suffrages. C’est en tout cas celui qui est le plus documenté par la littérature. En quelques mots, LibQUAL+ est un questionnaire élaboré à la base par l’ARL(23) et qui est arrivé dernièrement dans le monde francophone européen via une version québécoise. Ce questionnaire est composé de 22 indicateurs imposés et 5 choisis dans une liste préétablie. Le questionnaire est rempli par les usagers et le personnel de la bibliothèque qui, pour chaque indicateur, doivent donner trois valeurs :

  • le niveau minimal acceptable,
  • le niveau souhaitable,
  • le niveau observé.

Le questionnaire est ensuite envoyé pour analyse à l’ARL, puis il est retourné et les résultats apparaissent sous forme de « radars ». Là aussi, « [LibQUAL+] permet aux bibliothèques universitaires de disposer de données homogènes et comparables entre elles et de mesurer les écarts des réponses aux différents items d’une année sur l’autre » (Wolf, 2008 : 39). De fait, il semblerait qu’il soit en train d’être intégré de plus en plus largement dans des démarches de management stratégique. Il paraît être devenu un modèle dans les enquêtes qualités. Le bémol principal que l’on peut formuler, c’est que, le dépouillement se faisant par l’ARL, il est payant, ce qui peut rendre certaines bibliothèques réticentes à son utilisation.

L’évaluation de l’utilisation des ressources électroniques est au centre des nouvelles préoccupations des bibliothécaires. Diverses solutions et réflexions ont donc été mises en place. En 2000, un projet européen EQUINOX(24) publiait des indicateurs de performance pour les ressources électroniques. Ce projet a été mené dans le but de compléter la première version d’ISO 11620. Sa deuxième édition s’inspirera de ce projet pour ses nouveaux indicateurs. Il est donc aujourd’hui indirectement ou directement utilisé dans les bibliothèques académiques (Brophy, 2000). Aux États-Unis, en 2001, l’ARL a testé sur le terrain une série d’indicateurs issus de leur programme E-Metrics. 24 bibliothèques membres participent à ce projet à hauteur de 10’000$ (Blixrud, 2001 : 5).

Dans ce domaine, citons encore eVALUEd, projet développé en Angleterre et qui a mis au point une « boîte à outils » destinée à évaluer les services d’information électroniques dans des établissements d’éducation supérieure. De même que Counter (pour de plus amples informations, voir la bibliographie), lui aussi anglais, donne une marche à suivre (Code of practice) à ses membres pour mesurer ce type d’indicateurs.

Pour terminer, il me semble opportun de signaler STRATBIB, un projet suisse (en suspens, prévu initialement sur 2008-2009) pour la construction d’indicateurs stratégiques pour les bibliothèques académiques. « [Il] a pour objectif d’identifier un ensemble d’indicateurs permettant d’évaluer et de piloter le positionnement stratégique des bibliothèques académiques » (Muet, 2009 : 2). Il était mené par le département Information documentaire de la Haute École de Gestion de Genève et avait pour but final la publication d’un « outil d’évaluation de la performance stratégique » (Muet, 2009 : 2).

5.    Explication de la démarche

Réduction du Document de référence en objectifs

La première étape, avant la sélection des indicateurs intéressants, était de déterminer ce que devront mesurer ces indicateurs. L’exigence de mon mandat étant de rester strictement dans le cadre du Document de référence de la CBH, il fallait donc tirer l’essence même de ce document ; c’est-à-dire lire entre les lignes et écarter les informations de nature plus politique pour ne garder que des notions déterminant ce qui est réellement attendu dans un service de bibliothèque HES.

Dans cette optique, les deux premiers chapitres « Contexte général, objectif de la Directive » et « Missions » n’avaient que peu d’intérêt. En effet leur but est de décrire l’environnement de travail des bibliothèques HES. Ils sont évidemment destinés à des lecteurs étrangers à ce milieu et permettent surtout de poser les bases des exigences qui suivent. Le choix d’écarter le chapitre « Missions » peut surprendre, mais on s’aperçoit finalement que si une bibliothèque remplit les exigences établies dans la suite du document, les missions seront remplies ; ce d’autant plus que ces missions sont des considérations très générales et donc peu exploitables pour créer des indicateurs.

Dans les chapitres suivants, le travail a été de se demander ce que la CBH avait concrètement comme attentes lors de l’écriture de chaque sous-chapitre. Une fois cela fait, ces attentes ont été formalisées en objectifs que la bibliothèque HES devait atteindre. Par exemple, pour le sous-chapitre « Personnel » du chapitre « Moyens et infrastructures »(25), les objectifs identifiés sont :

  • Le personnel dispose de qualifications reconnues en information documentaire.
  • La bibliothèque dispose de la quantité de personnel nécessaire.
  • Le personnel suit une formation continue adaptée aux besoins de la bibliothèque.

Ainsi, on obtient une liste d’objectifs répartis selon la même structure que le Document de référence. Cette liste est donc un outil de travail représentant, en quelque sorte, le squelette du document de la CBH. Elle permet ensuite la collecte des indicateurs, chaque indicateur étant rattaché à un ou plusieurs objectifs.

Critères et méthode de sélection des indicateurs

La sélection s’est faite en tout premier lieu parmi les indicateurs existant dans la littérature, pour la raison simple que, n’ayant pas le temps de les faire tester de manière correcte, il était préférable d’utiliser ce qui avait déjà été éprouvé par d’autres bibliothèques, voire ce qui avait été normalisé par des institutions compétentes en la matière. Mes principales sources ont donc été le manuel de l’IFLA Measuring Quality : Performance Measurement in Libraries (Poll, Boekhorst, 2007), la norme ISO 11620 (ISO, 2008) et le site Internet de LibQUAL+ (ARL, 2009). D’autres sources ont été également utilisées mais ces trois-là avaient le mérite d’avoir été détaillées et largement utilisées à travers le monde.

Très vite, il est devenu évident que deux types d’indicateurs allaient se distinguer : des indicateurs qualitatifs et des indicateurs quantitatifs. Ces deux groupes se distinguent principalement par leur méthode de mesure, l’un faisant appel à des données statistiques et contenant généralement des indicateurs de performance, l’autre à une évaluation nécessitant une enquête auprès du public et/ou du personnel de la bibliothèque avec des indicateurs de qualité. J’ai donc décidé, pour la suite, de les traiter de manière séparée et de les différencier déjà dans la liste des objectifs.

Le dépouillement de la littérature m’a donné l’occasion de passer en revue une grande quantité d’indicateurs. Certains étaient très intéressants mais peu pertinents par rapport au Document de référence. Il m’a donc fallu, pour chaque indicateur, analyser ce qu’il permettait de mesurer et de quelle manière, le condition sine qua non pour cette sélection étant de rester strictement dans le cadre défini par le Document de référence et par ses objectifs. J’ai ainsi pu en récolter une collection conséquente qui donnait la possibilité de mesurer la grande majorité de ces objectifs.

Les objectifs qui ne s’étaient pas vu attribuer d’indicateurs étaient en général soit des indicateurs demandant la réalisation d’exigences très précises, soit des indicateurs quantitatifs très particuliers au contexte des HES. Dans ce cas, des indicateurs adaptés ont été créés selon la méthode exposée ci-après mais toujours en gardant ce principe de rester dans le cadre des exigences de la CBH.

Pour finir, une fois tous ces indicateurs récoltés et reliés aux objectifs, un tri assez important a dû être effectué. En effet, la littérature recommande souvent les mêmes indicateurs d’un auteur à l’autre et parfois sous des noms différents ou avec de légères modifications. Il fallait donc éviter des redondances ; deux indicateurs ne devant pas évaluer deux fois la même chose. Dans la liste finale, il reste toujours certaines mesures qui peuvent paraître proches l’une de l’autre, mais en réalité il s’agit d’éclairages différents d’une même variable qui permettent un affinage de l’analyse qui lui est relative.

Les indicateurs obligatoires et facultatifs

Une fois que chaque objectif s’est vu attribuer un ou plusieurs indicateurs, il m’a paru intéressant d’en faire ressortir quelques-uns. En effet, il était flagrant que certains objectifs revêtaient plus d’importance dans le Document de référence que d’autres, mais surtout que certains indicateurs permettaient d’avoir un coup d’œil rapide sur une situation alors que d’autres fournissaient une analyse beaucoup plus fine qui n’était peut-être pas utile dans tous les cas. J’ai donc pris l’initiative de rendre obligatoires certains indicateurs. La notion d’obligation n’est bien sûr ici entendue que dans le but de créer une hiérarchie dans tous ces indicateurs et permet principalement d’attribuer des degrés d’importance.

La hiérarchisation de ces indicateurs a été faite premièrement en fonction de l’importance de l’objectif qui leur est associé. Un objectif semblant important lors de la lecture des objectifs aura vraisemblablement plus d’indicateurs obligatoires.

Puis c’est en fonction du degré de détail impliqué dans l’indicateur en question. Si on prend par exemple le « nombre d’usages de la bibliothèque par membre », l’indication reste assez vague dans le sens où il ne permet pas de savoir si c’est le prêt ou la consultation sur place qui rencontre du succès. Il donne un aperçu global et important du service, j’ai donc décidé de le considérer comme obligatoire. Et selon le résultat obtenu, la bibliothèque pourra choisir d’affiner l’analyse en utilisant, par exemple, le « nombre de prêts par membre », c’est pourquoi ce dernier indicateur a été intégré comme étant facultatif.

Cette hiérarchisation semblait importante pour distinguer des priorités dans cette centaine d’indicateurs, mais elle a un fondement très théorique. Il s’agit plus d’une proposition qui devra être réexaminée et éventuellement réajustée ultérieurement.

La création d’un indicateur

Il est quand même arrivé que, malgré l’abondance d’exemples trouvés dans la littérature, il n’y ait pas d’indicateurs correspondant à tous les objectifs identifiés. Cela est très facilement explicable par la spécificité des bibliothèques HES et par la précision de certains points du Document de référence. Dans ces cas, j’ai donc dû créer moi-même un certain nombre d’indicateurs. L’immense majorité de ceux-ci sont de nature qualitative, mais il y en a aussi quelques-uns dans les indicateurs quantitatifs.

La création d’un indicateur répond à toutes sortes d’impératifs. Tout d’abord, il doit être conforme aux qualités décrites dans la norme ISO 11620 (ISO, 2008 : 9), c’est-à-dire qu’il doit répondre à des exigences notamment en termes d’interopérabilité, et bien sûr mesurer ce qu’il est censé mesurer, dans ce cas, les objectifs fixés par le Document de référence.

Pour effectuer cette opération, le choix des termes est important. En effet, il faut autant que possible que l’indicateur ne laisse de place à aucune ambiguïté. Cela facilitera par la suite le travail de définition.

Et finalement, il est judicieux de se baser sur d’autres indicateurs déjà existants dans la littérature en les adaptant à la situation particulière à laquelle on est confronté. Encore une fois, cela permet d’éviter de créer des choses difficiles à mettre en pratique.

Structuration des indicateurs

Ce chapitre va exposer de quelle manière ont été structurés les indicateurs fournis dans mon mandat. Pour ce faire, j’ai utilisé et adapté le modèle de la norme ISO 11620 (ISO, 2008). Les adaptations effectuées le sont essentiellement dans les titres des paragraphes de ce modèle, ceci afin de garantir une bonne compréhension globale. J’ai supprimé le paragraphe concernant le domaine d’application de l’indicateur. Mon travail restant limité au cadre des bibliothèques HES, il était inutile de le repréciser à chaque fois. De plus, le paragraphe indiquant les indicateurs associés n’a pas été gardé sous cette forme mais les informations qu’il contenait ont été intégrées dans le reste de la définition.

S’il est vrai que les définitions des indicateurs quantitatifs et qualitatifs ne sont pas tout à fait identiques, les différences n’affectent pas ce qui suit. En effet, pour les qualitatifs, les indicateurs sont définis de manière groupée, mais la structure de ces définitions reste la même que pour les quantitatifs, il n’y a donc pas lieu de les différencier ici.

Titre

Le titre de l’indicateur est important, il doit être suffisamment descriptif et explicite et doit évidemment rester unique.

Objectif associé 

L’objectif associé indique à quel(s) objectif(s) l’indicateur est relié.

Finalité de l’indicateur

Ce paragraphe explique à quoi sert l’indicateur, il permet de préciser le titre et souvent d’expliquer son lien avec son ou ses objectifs associés.

Définition de l’indicateur

La définition de l’indicateur présente dans un premier temps le type de calcul qu’il s’agira de faire (Pourcentage, proportion, nombre simple, etc.)

Puis il donne la définition de tous les termes utilisés et qui pourraient porter à confusion.

Méthode

Il s’agit ici de décrire les méthodes pour récolter les données nécessaires au calcul de l’indicateur. Ces méthodes sont très liées à la définition des termes. Ce paragraphe donne parfois également des alternatives dans le cas où des mesures seraient trop complexes à faire, la méthode à préférer étant alors clairement identifiée.

La méthode décrit également lorsque cela est nécessaire la période de l’année et la fréquence à laquelle ces mesures doivent être effectuées.

Lorsque cela est possible, les mesures demandées correspondent à celles récoltées par l’OFS annuellement. Ceci dans le but d’éviter de démultiplier le temps nécessaire à la récolte de ces données.

Le calcul devant être effectué sera, ici, décrit très précisément.

Interprétation des résultats

L’interprétation des résultats donne dans un premier temps quel type de résultat, élevé ou bas, est préférable. Ensuite, il explique comment, au sens du Document de référence, il doit être compris. Le cas échéant, ce paragraphe indique comment l’information ainsi obtenue peut être affinée.

Valeurs de référence

Lorsque cela est possible, on donne ici une indication numérique provenant de la littérature. Ces valeurs permettent avant tout d’avoir un ordre de grandeur. Ces indications donnent généralement des résultats dans d’autres pays sur le calcul de cet indicateur, mais elles peuvent aussi donner une moyenne au niveau Suisse.

Dans un second temps, et dès que ces indicateurs auront été mesurés à plusieurs reprises, de véritables valeurs de référence devront y être ajoutées, quantifiant ainsi de réels objectifs à atteindre.

Sources

Sont indiqués ici les sources dont je me suis inspiré pour fournir les définitions de ces indicateurs. Ceci permet d’y retourner éventuellement pour un complément d’information nécessaire.

6.    Le Benchmarking

« No Library exists in isolation » (Brophy, 2006 : 147)

Comme il a été mentionné dans la revue de la littérature, le benchmarking, qui est issu du monde économique, est de plus en plus répandu dans le milieu des bibliothèques, avec des exemples en Suisse et à l’étranger.

Or, lors de la définition de certains indicateurs, il a été dit à plusieurs reprises que certains résultats mériteraient une mise en perspective avec ceux d’autres institutions pour vraiment pouvoir les exploiter au maximum. Or, si ce conseil s’applique particulièrement à certains indicateurs, il est aussi vrai pour toute la démarche d’évaluation. En effet, une évaluation menée dans une bibliothèque et dont les résultats restent à l’interne, pour être utilisés dans une argumentation ou une négociation avec l’institution de tutelle, est inutile, et ne portera que rarement ses fruits. L’intérêt du benchmarking est donc d’offrir un panorama complet de la situation en Suisse, au niveau des HES et d’en tirer les meilleures pratiques. Dans le cas d’un travail d’évaluation mené à l’échelle de ce mandat, il est donc vivement recommandé de mettre sur pied un benchmarking des bibliothèques HES.

Pour rappel, le benchmarking est un processus de comparaison entre différents services de même nature, dans notre cas les bibliothèques HES. Il peut s’appuyer sur des résultats d’enquêtes de performance ou de qualité. Cette comparaison a comme but de pouvoir tirer les meilleures pratiques parmi les institutions qui participent à ce processus. Elle a donc un objectif constructif et ne cherche en aucun cas à faire un classement et à instaurer une sorte de ligue compétitive. Ce n’est pas non plus une technique d’espionnage, mais bel et bien quelque chose qui s’inscrit dans le long terme et permet également de montrer différentes tendances dans certains environnements. Il n’y a aucune chance que cette démarche soit efficace et utile à quelque chose si les analyses sont perçues comme les résultats d’une compétition.

La démarche de benchmarking peut être effectuée à différents niveaux. Soit il s’agit d’une simple comparaison des résultats entre les différents partenaires, soit elle peut faire l’objet d’une analyse approfondie qui débouche sur des graphiques et des tableaux indiquant les résultats, les valeurs médianes, des minima, des maxima, des valeurs souhaitées et un rapport écrit pour chaque indicateur. Dans ce deuxième cas, la coordination doit être assurée par une organisation faîtière, qui peut être la CBH pour les bibliothèques HES. Il serait même profitable de faire effectuer l’analyse par une personne externe qui, connaissant la réalité de ce terrain, fournirait un travail conséquent, lequel pourrait être utilisé par la suite dans une vision plus stratégique, par la CBH. On peut encore préciser ici que le benchmarking est un outil qui s’inscrit dans une vision stratégique à long terme. Il est donc inutile d’en attendre des résultats immédiats, mais globalement la littérature sur ce sujet s’accorde pour dire qu’en définitive son impact est positif.

7.    Conclusion

La réalisation de ce mandat a répondu à la volonté de la CBH de compléter son Document de référence par un outil de mesure adapté. Ainsi parallèlement au Travail de Bachelor en tant que tel, un document plus synthétique, excluant la description purement méthodologique du travail, a été rédigé et fournit un outil d’évaluation quasi prêt à l’emploi (ici dans une version remaniée, Bezençon, 2010).

Ainsi, j’ai pu proposer 101 indicateurs adaptés à la situation particulière des HES suisses. Ceux-ci permettront, au travers de leur utilisation par les bibliothèques, de les mesurer face aux exigences du Document de référence, et c’était là leur but premier. Leur définition a été, et de loin, la tâche la plus compliquée qu’il m’a fallu effectuer, mais elle est extrêmement importante pour la suite des opérations sur le terrain. En effet, sans cela, la volonté d’avoir une image instantanée de la situation des bibliothèques suisses est impensable.

La définition de valeurs de référence pour chaque indicateur, autre objectif de ce travail, n’a pu être réalisée que de manière partielle, dans le sens où il était extrêmement difficile de fournir des valeurs à atteindre sans faire une enquête approfondie auprès des bibliothèques HES. Il est même apparu très clairement que ces réelles valeurs de référence ne pourront être définies qu’après une première récolte de données avec ces indicateurs. Si je l’avais fait dans ce travail, elles n’auraient été qu’une suite de valeurs très théoriques et probablement éloignées de la réalité, ce qui aurait constitué une perte de temps, non seulement dans ce mandat mais également pour le mandant. Les valeurs données sont donc des indications de ce qui a pu être constaté dans d’autres cas, souvent différents de celui des HES ; elles pourront servir de base à l’établissement futur de références.

On peut encore signaler que pour avoir réellement un outil utilisable directement, une phase de tests aurait été idéale, car même si les indicateurs proviennent, pour la majorité, de la littérature et ont donc été éprouvés dans d’autres institutions, il reste cette incertitude-là qu’il s’agira de lever rapidement.

Suite à ce travail, il sera important, pour la CBH, de commencer rapidement à mener des tests avec une sélection de ces indicateurs pour se représenter précisément les implications en ressources matérielles et humaines qu’ils exigent. Puis, si une application à grande échelle est décidée, une communication importante auprès des bibliothécaires devra être entreprise en parallèle aux diverses mesures, ceci afin de bien préciser ses buts et d’éviter que chacun utilise les résultats dans ses propres négociations internes. Ces indicateurs forment un outil qui doit être utilisé dans une perspective stratégique globale et à long terme. Cela implique que les effets de ces évaluations ne seront pas visibles rapidement mais fourniront la matière nécessaire à des décisions constructives pour l’ensemble du réseau HES. C’est dans ce but qu’une pratique de benchmarking des bibliothèques HES devrait être mise en place dès les premières mesures.

Index des sigles

ABCDEF          Association des responsables des bibliothèques et centres de documentation universitaires et de recherche d’expression française

ARL                 Association of Research Libraries (Etats-Unis)

BIS                  Bibliothèque Information Suisse

BU                   Bibliothèque universitaire

CBH                Commission spécialisée des bibliothèques HES de la KFH

ESGBU            Enquête statistique générale des bibliothèques universitaires

HES                 Hautes écoles spécialisées

ID                    Information documentaire

IFLA                International Federation of Library Associations and Institutions

KFH                Conférences des recteurs des HES (sigle allemand utilisé couramment)

OFS                 Office fédéral de la statistique

Bibliographie

Articles et monographies

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ASSOCIATION OF RESEARCH LIBRARIES (ARL). LIBQUAL+TM : charting library service quality [en ligne]. Cop. 2009. http://www.libqual.org/ (consulté le 23.08.2011)

BÉRARD, Raymond. L’évaluation des personnels dans les bibliothèques d’enseignement supérieur : espoirs et doutes. Bulletin des Bibliothèques de France, 2008, vol. 53, no 3, p. 69-74

BEZENÇON, Christophe. Evaluation des bibliothèques HES, sélection et définition d'indicateurs de performance et de qualité : répondre à une directive. Genève : Haute école de gestion de Genève (HEG-GE), 2009. 197 p. Disponible sur http://doc.rero.ch/record/12867 (consulté le 23.08.2011)

BEZENÇON, Christophe. Indicateurs de performance et de qualité permettant d’assurer le contrôle de qualité des bibliothèques des Hautes écoles spécialisées suisses, KFH, 2010, 92 p. Disponible sur http://www.kfh.ch/uploads/empf/doku/XXX1.pdf (consulté le 22.08.2011)

BROPHY, Peter [et al.]. EQUINOX : Definition of Electronic Library Performance Indicators [en ligne]. Novembre 2000, dernière mise à jour 22.07.2002. http://www.equinox.dcu.ie/reports/pilist.html (consulté le 23.08.2011)

BROPHY, Peter. Measuring library performance: principles and techniques. London : Facet Publishing, 2006. xxiii, 242 p.

BLIXRUD, Julia C. Le programme statistique de l'association des bibliothèques de recherche (ARL) : des statistiques descriptives à la mesure de la performance. In : IFLA - The official website of the International Federation of Library Associations and Institutions [en ligne]. 67th IFLA Council and General Conference (2001, Boston). http://www.ifla.org/IV/ifla67/papers/034-135f.pdf (consulté le 23.08.2011)

COLAS, Alain. L’enquête statistique annuelle à l’épreuve du changement. In : Bulletin des Bibliothèques de France, 2006, vol. 51, no 6, p. 60-65

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Notes

(1) Particulièrement celle produite au sein même de l’établissement à laquelle elle est rattachée.

(2) Ce public externe est notamment amené par la participation de la bibliothèque à un réseau documentaire.

(3) Selon l’enquête de Bruno Maresca (2005 : 40) menée dans les universités Paris 6 et 7, 45% des étudiants affirment qu’ils sont poussés par les enseignants à fréquenter la bibliothèque, et 29% le font pour des travaux demandés.

(4) RERO et IDS/NEBIS

(5) Ce qui implique également la mise à disposition de postes informatiques et de postes de travail fournissant la possibilité de se connecter à Internet avec un ordinateur personnel.

(6) On peut d’ailleurs s’étonner de ne pas retrouver cet élément dans le Document de référence de la CBH.

(7) A l’aide de brochures, interventions en cours, visibilité sur le site web de l’établissement, etc.

(8) Et étant donné qu’une enquête approfondie sur ce sujet n’était pas envisageable dans le cadre de ce travail.

(9) Disponible en annexes au Travail de Bachelor

(10) Si ce n’est bien sûr dans le cas de bibliothèques cantonales et universitaires qui ont l’aspect patrimonial et de service à la population en plus dans leurs missions.

(11) Donc un personnel plus spécialisé.

(12) Notion fortement présente chez plusieurs auteurs et particulièrement chez Thierry Giappiconi dans son Manuel théorique et pratique d’évaluation des bibliothèques et centres documentaires (2001).

(13) À noter que LibQUAL+ permet la réponse des employés de la bibliothèque au questionnaire.

(14) « [Sa] composition doit garantir l’objectivité et la rigueur » (Côté, 1995 : 56).

(15) Ainsi, le simple compte du nombre de prêts n’est pas suffisant. Il ne permet de mesurer que partiellement l’utilisation faite des ressources.

(16) Terme que Salah Dalhoumi reprend dans son intervention (1995 : 38) pour illustrer la mauvaise utilisation qui pourrait être faite des évaluations.

(17) Il faut aussi indiquer ici que ce manuel, qui était spécifique dans sa première édition aux bibliothèques académiques, s’est élargi aux bibliothèques de lecture publique.

(18) Elles évitent ainsi, en partie, les risques liés à des indicateurs peu appropriés.

(19) On citera par exemple, la Statistique suisse des bibliothèques de l’Office fédéral de la statistique, la Deutsche Bibliotheksstatistik en Allemagne, la Society of College, National and University Libraries (SCONUL) en Grande-Bretagne et l’Enquête statistique générale des bibliothèques universitaires (ESGBU) en France.

(20) Pour plus d’informations, voir sur le site de l’Institut de développement de la compétitivité par la qualité http://www.idecq.fr/communication/item/123-le-benchmarking.html (consulté le 22.08.2011), les références sont dans la bibliographie (Rochon).

(21) Appelée La nouvelle statistique des bibliothèques (voir le site web de BIS, cf.  bibliographie)

(22) Anciennement l’Association des Bibliothèques et Bibliothécaires Suisses (BBS).

(23) Association of Research Libraries, États-Unis

(24) Ce projet est directement issu de divers projets plus anciens également lancés par la Commission européenne (DG XIII), tel CAMILE, DECIDE, EQLIPSE, MINSTREL ou DECIMAL à la fin des années 90.

(25) Chapitre supprimé par la KFH lors de la validation du Document de référence en 2009.

Les services de référence virtuels en lecture publique : étude et projet pour les BM de Genève

Rossana Rattazzi, BCU de Lausanne

Les services de référence virtuels en lecture publique : étude et  projet pour les BM de Genève

Introduction

Le projet d’un SRV est né du besoin des BM de gérer les demandes du public qui, jusqu’à ce moment-là, ont toujours été satisfaites par le service de prêt.

Dans un contexte bibliothéconomique en forte évolution, on constate la tendance désormais consolidée des bibliothèques, publiques et scientifiques, de proposer de plus en plus ce type de prestation, complémentaire d’un service de renseignements en présentiel. Or, la thématique du développement d’un SRV reste principalement approchée du côté des bibliothèques scientifiques et demeure encore peu explorée du point de vue des bibliothèques de LP, notamment dans le milieu suisse.

Le projet entrepris montre que la lecture publique est un contexte florissant qui bien s’adapte à la réalisation d’un SRV. Comme ses consœurs scientifiques, les bibliothèques de LP sont concernées par la problématique récente de l’accès à l’information et se doivent de jouer leur rôle de médiatrices entre l’usager et l’information. Tant les services des bibliothèques académiques que ceux en LP partagent la même volonté de faciliter l’accès aux ressources documentaires, ainsi que l’objectif de rendre l’usager le plus possible autonome au long de ses recherches. Or leurs missions et leurs publics sont différents : un service en LP aura davantage une vocation encyclopédique par rapport aux bibliothèques universitaires. Et pour ce dernier, comme nous le verrons par la suite, il s’agit principalement d’orienter les usagers sur tous les domaines de la connaissance.

1. Tour d’horizon des services de référence virtuels en lecture publique

Dans ces dernières années, l’évolution technologique a amené à une redéfinition de la référence traditionnelle. A l’heure actuelle, celle-ci prend de plus en plus la forme de renseignement à distance. Faire de la référence virtuelle, c’est faire de la référence en utilisant les nouvelles technologies de la communication et donc exploiter toutes les fonctionnalités du web(1). Or, le renseignement à distance n’est pas une pratique nouvelle. Si sa modernité tient à l’utilisation des nouvelles technologies, il n’en reste pas moins qu’il s’inscrit dans l’offre de service traditionnelle proposée aux usagers(2).

Les premiers services à distance ont vu le jour au 19ème siècle avec le courrier. Quelques décennies plus tard, les bibliothécaires ont commencé à renseigner par téléphone. Sensibles à la problématique de l’accès à distance des ressources documentaires, les bibliothèques académiques, américaines et scandinaves, ont mis au point les premiers formulaires en ligne dans les années 1980(3).

La multiplication des modes de contact

On distingue deux modes pour effectuer la référence virtuelle : synchrone ou asynchrone. Les premiers permettent d’élaborer une réponse en temps réel (utilisant le chat ou la co-navigation), tandis que les deuxièmes se basent sur un échange en différé à travers le formulaire web, le courriel ou, encore, le SMS.

Dans certains pays la référence a subi une évolution considérable, notamment dans les pays anglo-saxons, pionniers de la pratique. Ces derniers adoptent souvent la messagerie instantanée pour renseigner à distance et développent des consortiums, afin de fournir un service spécialisé et de qualité. En Europe, ce sont surtout les grands réseaux qui privilégient un système de messagerie instantanée, à l’instar de BiblioSésame en milieu français. Les petites bibliothèques semblent préférer la messagerie électronique, susceptible d’être complétée par un formulaire en ligne avec plusieurs champs à remplir. Toutefois, le choix de l’application informatique dépend de plusieurs facteurs, tels que le volume de transactions à gérer, le budget, les compétences du personnel et bien évidemment celles des usagers.

Des outils tels que le blog ou le forum facilitent la mise en place d’un SRV. Un blog peut être créé facilement et avec un investissement minimal. Il offre la possibilité d’afficher et d’alimenter une FAQ de questions-réponses grâce aux commentaires. Quant au forum, un exemple intéressant est celui du Guichet du savoir des BM de Lyon(4). Des modérateurs valident et répondent aux questions et organisent ainsi la base de connaissances.

Les services de référence virtuels (SRV) multiplient les modes de contact. Cela s’explique soit par des logiciels spécialisés multitâches, soit par plusieurs technologies capables de coexister en même temps : la messagerie instantanée, le téléphone, le courriel et, encore, le SMS. A l’usager de choisir ce qu’il préfère. Par exemple, la Topeka & Shawnee County Public Library(5) et la Hinsdale Public Library(6) couvrent toutes les technologies disponibles.

Quant aux services de « référence mobile », Hélène Tardif situe leur essor autour de 2009. Le personnel dispose d’un portable et d’un numéro réservé au service de référence. Afin de contourner le problème de la limitation de caractères, le SMS de l’usager est transmis par le biais de la messagerie instantanée ou par courriel et cela grâce à une passerelle de communication.

Les logiciels commerciaux ont été adoptés par plusieurs bibliothèques universitaires américaines, afin de répondre aux besoins des utilisateurs distants. Ces plateformes sur le web sont constituées de plusieurs modules (chat, courriel, passerelle SMS etc.) et permettent entre autres de prendre le contrôle à distance de l’écran de l’usager.(7)

Les toutes dernières tendances de la référence virtuelle voient l'utilisation de Twitter. Outil de réseau social et de micro-blogging, Twitter est utilisé par quelques bibliothèques pour informer et rester en contact avec les usagers(8). La Nebraska Library Commission(9) répond à des questions factuelles et ponctuelles avec des tweets (10).  L’application a l’avantage de livrer en temps réel des messages à travers différentes plateformes : web, SMS, Facebook, etc. Or cette technologie impose une limite de taille du texte, tout comme le SMS. Cependant, Twitter permet d’attirer l’attention des usagers et de proposer une FAQ dynamique.

Les bibliothécaires ont la possibilité de créer également des vidéos à la volée. L’application s’appelle Jing(11), elle est gratuite et permet d’illustrer une démarche de recherche. Elle est ensuite transmise à l’usager à travers un email, contenant le lien hypertexte en question. Cette technologie, proche de l’e-learning, a l’avantage de dynamiser le style de référence virtuelle recourant au son et aux images.(12)

L’importance des réseaux collaboratifs

La plupart des bibliothèques publiques semblent préférer la voie de la collaboration. Les avantages sont effectivement multiples : une répartition des coûts, mais également une meilleure qualité des réponses, due souvent au domaine de compétence de l’institution. Par ailleurs, la coopération demande de respecter le cadre des normes et des standards, afin de permettre l'interopérabilité et la pérennité du service.

Les Etats-Unis ont été les pionniers de la collaboration des services de référence en ligne. En 1976, l'OCLC a créé QuestionPoint, un logiciel de référence utilisé par plusieurs centaines de bibliothèques dans le monde, lesquelles représentent aujourd’hui le plus grand réseau collaboratif de référence virtuelle, désormais reconnu sous l’appellation « Question Point 24/7 Reference Services ». Ce réseau compte plus de mille partenaires et est organisé autour de sous-réseaux de bibliothèques universitaires et de lecture publique.

Du côté européen, on assiste également à la présence des réseaux collaboratifs. Sur le territoire français, on retrouve depuis quelques années Bibliosésame de la Bibliothèque Publique  d’information (BPI) et Le Guichet du Savoir des Bibliothèques municipales de Lyon. En Italie, les services des différentes régions se regroupent de plus en plus, Chiedi al bibliotecario de la bibliothèque Salaborsa de Bologne et le réseau de Modène collaborent avec les différentes bibliothèques de leur région. Pregunte est le résultat de la collaboration entre les bibliothèques espagnoles de différentes villes, le service permet de renseigner les usagers dans plusieurs langues et dialectes locaux.

L’offre de services et les prestations à valeur ajoutée

Rappelons que les bibliothèques ne sont pas les seules à fournir des services en ligne. Les services commerciaux ont également créé leur système de questions/réponses. Si la fermeture de Google Answers(13) en 2005 laissait présager que cette activité n’était pas commercialement rentable, Yahoo Answers(14) témoigne que ce genre de service connaît toujours du succès. Et ce grâce à la communauté en ligne qui répond aux questions sur n'importe quel thème, du sérieux au plus léger.

Or, la multiplication de ces services commerciaux a souvent été perçue par les professionnels comme une réelle menace à leur rôle de spécialiste à l'information. Dans le continent nord-américain, les professionnels ont réagi à cette vague en adoptant une démarche volontariste. En outre, le 10 septembre 2007, des dizaines de confrères américains ont répondu à un maximum de questions sur Yahoo Answers, en précisant que le service était rendu par des professionnels(15).

La référence, que ce soit en présentiel ou à distance, implique toujours une interaction entre l’utilisateur et le spécialiste en information documentaire. En ligne, les bibliothécaires donnent des renseignements bibliographiques, des informations « factuelles », ils procèdent à la localisation des documents recherchés et aident à manipuler les ressources électroniques(16). Leur rôle de médiateurs est primordial et permet non seulement de valoriser les collections imprimées et les ressources en ligne, mais également les compétences des professionnels.

Les SRV en lecture publique (LP) présentent généralement un service encyclopédique qui touche à tous les domaines de la connaissance. Or, lorsque les bibliothèques sont dotées d’un ou de plusieurs départements spécialisés, il est fort probable que ceux-ci soient responsables de fournir des renseignements spécifiques à leur domaine. La médiathèque de Limoges, par exemple, qui fait partie du réseau BiblioSésame, se charge de répondre à des questions sur les médias et l'audiovisuel.

Le niveau du service est variable d'une bibliothèque à l'autre et suivant les cas, l’internaute est informé à travers une charte. De façon générale, les bibliothèques qui ont été étudiées offrent toutes une localisation de documents, des renseignements sur le fonctionnement de leur bibliothèque et des informations sur les services. La majorité des institutions renvoie au service compétent quand elles ne peuvent pas fournir une réponse adéquate.

Concernant la recherche d’informations, les bibliothèques préfèrent fournir des références bibliographiques. Certains services proposent des stratégies de recherche et des conseils sur l’utilisation de l’Online Public Access Catalogue (OPAC). Mais l’assistance à la recherche en ligne n’est pas toujours mentionnée et semble être une particularité des services anglo-saxons. En outre, une bonne partie des SRV en lecture publique disent répondre aux questions ponctuelles et rapides, telles que des informations biographiques, historiques ou des citations.

Certaines bibliothèques proposent des prestations particulières qui relèvent de la valeur ajoutée. Un niveau de service développé qui offre des réponses complètes sur tous les domaines de la connaissance est assurément un atout. Cependant ce type de service ne concerne qu’une partie des bibliothèques. C’est à sa capacité de gérer tout type de questions et de façon enrichissante, que le Guichet du Savoir doit son succès : pour ce service en effet, toute question est réputée légitime et digne d’une réponse.

D’autres bibliothèques, telles que la Public Library de New York, offrent la possibilité de prendre rendez-vous avec un bibliothécaire. « Book a librarian »(17) met des bibliothécaires hautement spécialisés dans un domaine bien précis, à disposition des usagers.

Conscientes de la diversité ethnique de leur public, les bibliothèques développent de plus en plus un SRV multilingues. Les exemples sont nombreux, à l’instar de la Queens Library(18) qui fournit un service en chinois et espagnol et BiblioSésame, qui accepte les questions en anglais, allemand et espagnol.

Il est important que le SRV s’accompagne d’outils qui facilitent l’accès à la recherche d’information et favorisent l’autonomie de l’usager : une FAQ, un répertoire de signets, des bibliographies ou, encore une base de questions/réponses(19). La plupart des bibliothèques adoptent désormais une FAQ. Par contre la base de connaissances n’accompagne pas toujours les SRV. Cela dépend fortement de l’utilisation d’un logiciel spécialisé ou le développement d’une base de données faite maison. L’archive des questions/réponses est un système de capitalisation du savoir qui permet aux usagers de consulter un répertoire de questions, souvent classées par grands domaines de connaissance(20).

Des services ouverts à tous publics

La majorité des SRV en lecture publique répond à tout un chacun, indépendamment de la provenance géographique ou de l’inscription à la bibliothèque. Par exemple, le Guichet du Savoir pratique la non-discrimination du public en répondant à tout type de question. Les BM de Lyon souhaitent enrichir leur public par ce biais(21). Certains services préfèrent cibler les usagers, à l’exemple de MarylandAskUsNow qui encourage les inscrits à créer un login aux inscrits invités à effectuer un login.

Les services réservés aux enfants ne sont pas nombreux : dans cette optique la Toronto Public Library(22), la St. Charles Public Library(23) et l’IPL for Kids(24)  ont pensé à créer un service de référence destiné au jeune public. Ceci se décline dans une interface conçue pour ce public spécifique et complétée par des ressources et des outils de recherche.

Enfin, les SRV qui offrent une assistance aux devoirs scolaires d’un public jeune semblent plutôt limités.

La situation en Suisse

En Suisse, on retrouve des services en ligne surtout dans des bibliothèques universitaires ou spécialisées : de l’Institut de droit comparé à la bibliothèque de l’EPFL, les exemples sont nombreux. Au niveau national, on signale également le SwissInfoDesk(25) de la Bibliothèque Nationale qui fournit des informations sur la Suisse et collabore avec plusieurs bibliothèques du pays. Les SRV en LP semblent par contre accuser du retard. Or, il en existe quelques-uns. Le service de la BGE, actuellement concerné par un projet pour dynamiser ses différentes prestations, et le plus récent « Le Valais en questions » de la Médiathèque Valais. On s’aperçoit qu’au niveau des SRV en lecture publique beaucoup est à créer en Suisse. Comme nous verrons plus loin, le terrain est particulièrement favorable et pour ce faire, il est recommandé de développer un propre modèle d’après les besoins constatés et les moyens à disposition.

2. Les objectifs du projet

En harmonie avec les missions et la stratégie des BM de Genève, il s’agit de répondre à l’évolution des besoins informationnels des utilisateurs. Un service en ligne permet d’un côté de mettre en valeur les compétences documentaires des bibliothécaires, de l’autre d’exploiter les ressources documentaires et élargir l’offre de services.

Concrètement, il est question de :

  • Identifier les besoins informationnels des publics des BM
  • Déterminer les missions et l’organisation du service de référence virtuel 
  • Définir le public cible
  • Identifier les partenaires possibles
  • Développer des outils pour faciliter le repérage de l’information
  • Proposer des solutions techniques adaptées
  • Fournir des modes d’organisation du groupe de référence.

3. L’approche méthodologique

L’approche méthodologique s’est articulée sur plusieurs phases méthodologiques. Les voici dans le détail.

La phase préparatoire

En principe, il a été nécessaire d’effectuer une revue de la littérature et un état de l'art. Ce dernier permet de repérer les tendances actuelles en matière de SRV, ainsi que de faire émerger des idées intéressantes pour le développement d’un service aux BM. Les principaux services de référence virtuels existants en lecture publique ont été identifiés et étudiés. Comme nous avons vu au chapitre 1, j’ai rassemblé un échantillon de SRV, européens et américains, afin d'en analyser les solutions techniques, le niveau du service, la collaboration inter-SRV, ainsi que les publics cibles.

Ensuite, un état des lieux approfondi des BM s’est imposé. L’objectif est de repérer les disponibilités documentaires, financières et humaines. La récolte d’informations précises a ainsi permis d’identifier les moyens existants et par conséquent de déterminer la façon optimale dans laquelle le SRV pourrait s’intégrer à l’activité et à l’organisation des BM. Pour ce faire, j’ai d’abord étudié la documentation interne et ai par la suite rencontré des experts et des bibliothécaires. L’échange avec les collaborateurs des BM, outre à aider la prise de connaissance de la nature des questions les plus souvent posées à l’accueil, m’a aidé à mieux connaître la perception d’un tel service.

Il a fallu également procéder à l’analyse des besoins des usagers, pratique indispensable à la conception de tout nouveau service. Celle-ci a été menée à travers la technique de l’enquête. Par souci de temps et d’entente avec mes mandants, j’ai décidé de ne pas questionner les usagers des BM. Par ailleurs, la collecte de données pour la mise en place d’un SRV peut se révéler une opération délicate(26). En effet, l’enquête auprès des usagers semble être plutôt complexe, d’un côté parce que le public risque d'avoir du mal à exprimer ses réels besoins (ne comprenant probablement pas la fonction d’un SRV à travers un simple questionnaire), de l’autre parce que l’enquête ne tient pas compte des besoins des non usagers, public difficile à atteindre(27).

Le questionnaire a été soumis aux collaborateurs des BM qui disposent d’une solide connaissance de leurs publics. Ceci a été construit sur deux axes : une première partie définissant le service dans lequel les collaborateurs travaillent et une deuxième partie mettant l’accent sur la typologie des questions posées au prêt, ainsi que leur fréquence. Les résultats m'ont amenée à connaître la fréquence des questions posées à l'accueil, en identifiant la typologie la plus récurrente. De plus, grâce aux commentaires des bibliothécaires, j’ai pu constater des besoins ultérieurs.

Le questionnaire s’est complété d’une phase d'observation aux guichets de prêt qui m'a permis d'avoir une perception directe des questions posées.

Une fois que j’ai disposé de toutes les informations, j’ai structuré les données récoltées et effectué une synthèse de manière à mettre en évidence les forces et les opportunités, les faiblesses et les menaces du projet. Les avantages et les inconvénients du SRV pour les BM ont été présentés et discutés avec les mandants. Par le biais de ce bilan, j’ai déterminé de façon claire les enjeux du SRV et, par conséquent, ai conçu des solutions adaptées aux BM.

La phase organisationnelle

Afin de proposer un service adéquat, il a été important d’harmoniser l’ensemble des besoins des usagers avec les moyens à disposition des BM, en tenant compte des objectifs à réaliser(28). Ainsi, les objectifs du service de référence à distance ont été déterminés, à savoir : à quel type de questions et à quel public faut-il répondre et de quelle manière.

Les valeurs et les missions présentées dans la charte d’accueil(29) des BM m’ont été utiles pour orienter le service dans cette même optique. Pour définir le niveau du service, j’ai considéré la disponibilité du fonds documentaire. J’ai donc réalisé un tableau des sources disponibles aux BM qui permettent de fournir les réponses aux questions. Des sources externes aux BM ont également été identifiées : leur but est de pouvoir orienter le public vers la bonne information.

Enfin, il a été indispensable de formaliser les missions du service dans une charte. L’étude de chartes représentatives s’est imposée.

La phase conceptuelle

La gestion du groupe de référence a été abordée. Afin de trouver des solutions efficaces, j’ai discuté davantage avec mes mandants et échangé avec les experts. Il en est ressorti que l’organisation de l’équipe de référence est influencée directement par la solution technique que l’institution décide d’adopter. J’ai proposé plusieurs modèles de fonctionnement sur la base des applications évoquées, ce qui laisse aux BM une certaine flexibilité. Les études de cas présentés dans la littérature professionnelle ont été un complément important aux rencontres avec les acteurs du domaine. Ces ressources m’ont entre autres aidées à aborder la question de la formation et les compétences nécessaires aux professionnels.

Des pistes de collaboration et des partenaires potentiels ont été évalués, tenant compte des compétences de chacun. J’ai d’abord défini le champ d’action pour les BM et proposé ensuite, à l’aide des guidelines, des principes de collaboration pour les autres institutions.

J’ai tout de même réfléchi à une personnalisation de l’offre de service. J’ai songé à la forme et au contenu. J’ai ainsi observé quelques sites sur Internet et me suis servie de quelques exemples significatifs étudiés pendant l’état de l’art. Cela a abouti à des propositions d’interfaces et à de ressources à proposer aux usagers.

La phase technique

Les applications informatiques qui conviennent le mieux aux BM ont été établies. Pour ce faire, j’ai tenu compte des moyens financiers. Cela m’a amené à choisir des solutions simples mais efficaces. En même temps, la réalisation d’un cahier des charges détaillé laisse ouvert l’éventualité de développer un progiciel spécialisé à l’avenir, lorsque les ressources devaient être disponibles. La littérature professionnelle, ainsi que l’échange avec l’informaticien des BM m’ont permis de décrire un outil multifonctionnel.

Enfin, une réflexion sur les modalités d’accès aux ressources documentaires a été prévue, afin que l’utilisateur puisse trouver les informations dont il a besoin de manière quasi autonome. Encore une fois, les exemples de services de référence en ligne m’ont suggéré plusieurs idées utiles dans le cadre de ce projet.

4. Un contexte en mutation

Les Bibliothèques municipales (BM) de Genève sont un service du Département de la culture de la Ville de Genève. Il s’agit d’un réseau qui comprend huit bibliothèques de lecture publique, une bibliothèque des sports, deux discothèques, un service de bibliobus, une bibliothèque de prison, ainsi qu’un service à domicile.

En dehors de la hiérarchie, il existe des groupes transversaux supervisés par des adjoints scientifiques qui se chargent de l’étude des collections, de l’accueil des publics et de la médiation culturelle. Ces postes ont été créés entre 2002 et 2005 dans le but de soutenir la direction pour la gestion de projets. En effet, étant donné la taille importante du réseau, il est apparu important de créer des groupes de réflexion, proposant des stratégies transversales pour répondre aux attentes des usagers. La réflexion pour la création d’un SRV s’inscrit au sein de la médiation culturelle et, plus précisément, dans la cellule d’études et de projets de veille stratégique.

Le public est au cœur des missions et des stratégies des BM. Dans ces dernières années, les usagers et les usages de la bibliothèque ont beaucoup évolué. Les pratiques des BM visent à s’adapter à ce contexte en mutation. Plusieurs projets sont ainsi menés dont certains ont déjà vu le jour : la formation aux usagers, un nouveau site Internet, une FAQ en ligne et, à l’avenir, des automates de prêt, de l’e-learning, un guide du lecteur, un accès à distance des ressources électroniques...

En décembre 2009, la cellule de veille stratégique avait organisé une journée d’études consacrée à la médiation culturelle. Dans cette occasion, les collaborateurs avaient souligné l’absence d’un bureau de référence. L’assistance aux usagers dans la recherche documentaire est apparue insuffisante. En effet, l’affluence d’usagers est parfois importante, surtout à la Bibliothèque de la Cité, d’où la difficulté des bibliothécaires de devoir remplir les fonctions de renseignement et de référence à la fois. Des solutions ont ainsi été évoquées : la création d’un service de référence sur place et la mise en place d’un système de contact en ligne par le biais du courrier électronique.

Les bibliothécaires ont tous montré un réel intérêt, notamment pendant la séance d’information où j’ai présenté les résultats et les perspectives futures du SRV. Ils sont conscients de l’importance de répondre à de nouveaux besoins. D’autres observent une certaine prudence vis-à-vis de l’aspect virtuel. Celle-ci s’explique par la difficulté de s’imaginer en quoi consiste concrètement le service ou provient de la confusion existante sur la notion de « virtuel ». D’où la difficulté à en comprendre l’utilité.

Les réticences majeures sont liées à la nouvelle organisation interne du travail, car ce service amènerait un surcroît de travail et demanderait des compétences particulières. De ce fait, il est à relever que le traitement de documents occupe actuellement une place importante dans les activités bibliothéconomiques, ce qui empêcherait en partie de trouver du temps à consacrer à la référence. Le renforcement des ressources humaines, en particulier par de nouvelles embauches, n'est pas prévu pour l’instant.

Concernant les ressources documentaires, chaque succursale est dotée d’un fonds de référence papier, ceci est plus développé à la Cité. Les BM disposent en outre de ressources en ligne : des encyclopédies, des dictionnaires, des bases de données de quotidiens, des cours d’autoformation et également d’une série de blogs sur différentes thématiques.

Le fonds documentaire, papier et électronique, possède toutes les caractéristiques nécessaires pour devenir un outil de travail destiné aux professionnels de la référence.

5. Les résultats et la faisabilité du projet

Les besoins des usagers

D’après l’analyse des vingt-neuf questionnaires, les questions les plus récurrentes au service de prêt (que ce soit le secteur adulte, jeunesse ou audiovisuels) se réfèrent principalement à la localisation de documents. Cela s’explique vraisemblablement par une difficulté générale à repérer les bons ouvrages dans les rayons. La recherche bibliographique, le fonctionnement du prêt et des services, ainsi que les conseils de lecture, films et musique sont aussi des questions auxquelles les professionnels des BM sont souvent confrontés. Les conseils sont effectivement une dimension fréquente en LP. Quant à la recherche bibliographique, on remarque que les usagers ne sont probablement pas complètement à l’aise avec les outils de recherche et préfèrent plutôt s’adresser aux bibliothécaires.

Les résultats de l’enquête sur les besoins informationnels des usagers

Source : résultats de l’enquête menée auprès du personnel des BM, tous secteurs confondus, mars 2010

Les BM répondent aux questions des lecteurs par courrier électronique. Celles-ci se sont multipliées durant ces cinq dernières années et, selon Marie-Aude Python « Responsable des publics » (c’est-à-dire des usagers de la bibliothèque) qui s’en occupe directement, 99 % des questions concernent les difficultés techniques, telles que la gestion du compte lecteur. Par contre, si on observe le graphique, on s’aperçoit que ce type de questions ne se posent qu’occasionnellement au service d’accueil.

Une partie des répondants a précisé que des renseignements sur la vie de quartier reviennent souvent. Ceux-ci touchent aux services, aux activités et aux associations. Cependant, les bibliothécaires peuvent aussi être sollicités à propos d’informations culturelles concernant Genève et, de temps à autre sur des questions de nature juridique et médicale.

Marie-Aude Python, interrogée sur les besoins des publics, estime que les usagers ont besoin de connaître les nouveautés documentaires ainsi que l’actualité. Ils s’intéressent à la vie de quartier et réclament souvent des conseils de lecture.

Concernant plus spécifiquement le public jeune, Françoise Zutter, du Service scientifique des documents jeunes, souligne que les bibliothécaires sont confrontés à des questions très variées. Ils peuvent être sollicités pour une aide aux devoirs, donner des informations sur le métier, intervenir sur une relecture de mémoire et renseigner sur les espaces sociaux et interactifs du quartier. Ces questions proviennent aussi bien des jeunes, que de leurs parents ou d’autres adultes concernés (par exemple des enseignants ou des éducateurs).

Les résultats du questionnaire mettent en évidence que la plupart des questions posées à l’accueil du secteur jeunesse proviennent effectivement du public jeune.

Le public qui pose des questions à l’espace jeunesse

Source : résultats de l’enquête menée auprès du personnel des BM, mars 2010

D’après Marie-Aude Python, le public est à l’aise avec les technologies simples, telles que le Web ou la messagerie. Or, bien que la situation soit variable, le public des BM n’est pas particulièrement familier avec la recherche documentaire et a souvent besoin d’être accompagné. Par ailleurs, il souhaite obtenir les informations rapidement. Selon la littérature, les publics ont un besoin immédiat de connaissances et attendent des réponses capables de les aider dans l’avancement de leur travail, aussi bien que de combler leur curiosité intellectuelle(30). Enfin, Marie-Aude Python a précisé que les usagers apprécient le fait de poser des questions à travers un service facile et immédiat. Ce qui confirme l’intérêt de se diriger vers un service de renseignements en ligne.

Un service aux BM : un projet réaliste

Le bilan a confirmé la faisabilité d’un tel projet. Il existe des bonnes possibilités pour mettre en place un SRV : les forces et les opportunités sont effectivement nombreuses par rapport aux faiblesses et aux menaces.

Il est à relever que les BM peuvent compter sur le soutien d’une bonne partie des professionnels. En outre, la série de projets en cours va sûrement améliorer les conditions de travail et soutenir la réalisation d’un SRV de façon plus ou moins directe. Ces opportunités concernent surtout les services aux usagers, tels que le guide du lecteur et la FAQ.

La collection de référence imprimée et les ressources électroniques disposent de toutes les caractéristiques nécessaires pour répondre aux questions. Les sources pourront ainsi devenir un outil de travail pour les professionnels.

L’implémentation d’un SRV implique par contre un changement au niveau de l’organisation interne du travail des BM. L’organisation des tâches représente le défi principal pour les BM, d’où la nécessité de bien planifier le travail. Autre contrainte, les moyens financiers insuffisants. Cela n’empêche pas qu’à l’avenir il y ait des ressources supplémentaires. Il faudra donc soigner particulièrement l’organisation du personnel et proposer des solutions techniques en fonction des limites relevées.

Par ailleurs, l’organisation en réseau n’aide pas la gestion centralisée d’un SRV, en effet le travail risque d’être fragmenté d’une succursale à l’autre, raison de plus d’insister sur la répartition des tâches de référence au niveau des succursales. Une opportunité est représentée par la collaboration avec plusieurs partenaires. Celle-ci pourrait en effet enrichir l’offre des services et permettre un partage de la charge du travail.

Concernant les menaces, on signale la présence de la concurrence de SRV francophones : le Guichet du Savoir, Sindbad de la Bibliothèque nationale de France (BnF) et BiblioSésame, bien que ce dernier pourrait devenir aussi un partenaire potentiel. En raison de l’offre élargie de la concurrence et de leur niveau de service développé, il serait souhaitable de différencier le SRV des BM et d’insister, par exemple, sur l’aspect de la vie de quartier.

Il est par ailleurs important de préciser que les usagers sont de plus en plus présents en ligne. Cela entraîne une modification des pratiques de recherche de l’information(31). La littérature et les guidelines encouragent les professionnels à démontrer leurs compétences et invitent ces derniers à être présents là où le public va chercher l’information, à savoir en ligne(32). Le SRV représente donc un clair défi pour réaffirmer la légitimité des bibliothèques et les bibliothécaires face aux moteurs de recherche.

Les avantages multiples encouragent donc à suivre cette voie. Les bénéfices notables concernent la mise en valeur des compétences des professionnels et un service qui réponde à l’évolution des besoins des publics. Par ailleurs, l’enquête menée auprès des professionnels pour connaître les besoins des usagers, confirme la présence de besoins spécifiques bien fondés.

Une synthèse des avantages et des inconvénients est présentés dans le tableau qui suit(33).

Avantages et désavantages d’un service de référence en ligne

Avantages potentiels

Inconvénients possibles

Pour les utilisateurs
Combler les besoins informationnels des usagers et personnaliser leur expérience sur le Web
Bénéficier d’un service complémentaire de qualité
Dialogue direct avec les professionnels

Risque de nouveaux publics à gérer

Demande des moyens matériels, financiers et humains supplémentaires

Charge de travail supplémentaire

Re-organisation du travail (back office)

 

Pour les BM
Service dynamique
Mise en valeur des compétences des professionnels et des collections
Etre compétitif sur le marché
Possibilité de toucher un nouveau public
Présence en ligne et meilleure visibilité
Suivre l’évolution des besoins des usagers

5. Discussion et solutions

Elargir l’offre de services traditionnelle

La vocation du SRV couvre l’ensemble des besoins du public relevés pendant l’enquête. Afin de satisfaire les exigences en matière informationnelle, il est apparu indispensable de fournir aux usagers des renseignements généraux et spécifiques. Les renseignements généraux concernent la localisation et la disponibilité de documents, ainsi que des questions sur le fonctionnement du prêt, des activités et des services des BM. Alors que les renseignements spécifiques sont surtout liées à la recherche documentaire et il s’agit de répondre aux questions bibliographiques ou factuelles.

Pour répondre aux questions, les BM peuvent indiquer des documents présents à la bibliothèque ou diriger vers des ressources en ligne. Comme il n’est pas possible de fournir une bibliographie exhaustive, il est conseillé de donner une liste de quelques références. Concernant les questions sur des événements ou des faits impliquant une réponse courte, elles se traitent à travers la consultation du fonds de référence (encyclopédies, annuaires, dictionnaires, etc.). En parallèle, il est indispensable que les bibliothécaires exploitent la recherche d’informations sur le Net. L’usager bénéficie ainsi d’une richesse d’informations validées par les professionnels.

Lorsqu’une réponse adéquate ne peut pas être fournie, il est important d’orienter l’usager vers le service le plus compétent.

L’état de l’art a mis en évidence l’importance qu’un  SRV soit ouvert à tout le monde. D’après la littérature, la restriction n’est pas bénéfique pour la publicité du service. Le fait de servir tout public représente donc un succès potentiel, ainsi qu’une manière de répondre à des besoins qui ne sont pas satisfaits. On pourrait amener des nouveaux publics aux BM, mais aussi entrer en contact avec les internautes et mieux connaître leurs attentes en matière documentaire.

Quant au public jeune, il serait envisageable pour les BM de proposer un service spécifique, tel qu’une aide aux devoirs ou de développer une interface conviviale pour les enfants. Dans l’optique de Kidsspace de la Toronto Public Library, les BM pourraient offrir plusieurs prestations aux jeunes : 

  • une FAQ
  • un formulaire pour poser des questions
  • une aide aux devoirs sur tous les domaines de la connaissance
  • des conseils à la recherche documentaire (par exemple pour leur permettre de rédiger des exposés et des travaux scolaires)
  • des répertoires de liens sur des disciplines d’études ou de loisirs

L’interface pourrait très bien s’accompagner d’une version OPAC pour les jeunes. Enfin, ce qu’il faut savoir est que la mise en place d’un SRV pour les jeunes exige de disposer des moyens nécessaires. Il s’agit d’un investissement d’une intensité différente par rapport aux adultes, surtout si les BM décident de fournir une aide aux devoirs. Pour ce faire, les bibliothécaires de référence doivent disposer d’un esprit pédagogique, d’un bon sens de la communication écrite et de notions dans des disciplines scolaires. Avant de développer un tel projet, il est donc recommandé de bien évaluer la disponibilité des bibliothécaires du secteur jeunesse de s’investir dans un tel service.

En dehors d’une offre de service classique, j’ai proposé différents types de ressources que les BM peuvent mettre à disposition de leur public. Leur but est de favoriser l’orientation et l’autonomie dans la recherche. De quel type de ressources s’agit-il?

Des sites de conseils de lectures, films et musique

Les conseils sont une dimension importante de la lecture publique et les bibliothécaires sont souvent sollicités à ce sujet. Cependant, offrir des conseils à distance résulte plutôt difficile, en raison d’un manque d’échange direct avec l’interlocuteur. Or, il existe des sites consacrés aux pratiques culturelles qui pourraient aider l’usager à trouver une réponse en ligne. On cite : Culture Wok(34), Babelio(35), LibraryThing(36) ou encore, la communauté de lecteurs sur Anobii(37).

Des liens sur la vie pratique

Il a été constaté que les usagers des BM sont demandeurs d’informations qui touchent à la vie pratique, d’où l’importance de mettre à disposition des ressources sur la santé, l’emploi et la vie sociale. Si les bibliothécaires ne peuvent pas fournir des renseignements médicaux, ils sont néanmoins compétents pour proposer des pistes de recherche validées et fiables. Un répertoire de différents sites pour la recherche d’emploi, de sites spécifiques consacrés aux conseils médicaux et, encore, l’annuaire des associations actives dans le social à Genève sont recommandés.

Des fiches sur la vie de quartier

Des fiches de quartier tels qui sont les quartiers couverts par le réseau des BM ont été proposées dans le cadre du projet. Leur mission ? Présenter de façon claire et synthétique une sélection d’informations pratiques liées à la vie urbaine de quartier.

Les fiches de quartier sont susceptibles d’être enrichies au fur et à mesure, selon les besoins  et couvrent plusieurs rubriques sur le quartier en questions :

  • Une brève présentation du quartier avec une carte, ainsi qu’une brève historique
  • Un répertoire des principales associations actives dans le quartier
  • Un espace images : on retrouve des images de monuments, anciennes ou contemporaines
  • Pour aller plus loin : la rubrique propose une sélection bibliographique et des sites Internet
  • Un espace collaboratif destiné aux internautes : rubrique alimentée par les commentaires des internautes qui souhaitent signaler des lieux, des associations ou des ressources spécifiques au quartier.

Quelle forme pour ces fiches de quartier ? Elles peuvent être créées en langage HTML. Cependant, on peut également imaginer un portail Netvibes structuré selon les différents quartiers. Cet outil, convivial, collaboratif et d’utilisation facile, convient très bien au système de fiches proposé. Il a en outre l’avantage de disposer d’un point d’accès unique grâce au système d’onglets. Le lien à Netvibes peut être proposé à partir de la page du service de référence en ligne des BM.

Netvibes offre des nombreuses possibilités de publications et permet également de joindre des ressources sur la vie pratique et sociale.

Les images montrent la gestion de fiches de quartier pour l’exemple des Pâquis :

 

Ces fiches ont été conçues de façon à valoriser, à l’avenir, une collaboration potentielle avec d’autres partenaires de la Ville de Genève. De cette manière, les compétences de chaque acteur seraient valorisées. Les fiches pourraient bien évidemment être alimentées par plusieurs bibliothèques d’un service en ligne autour de Genève. On songe à la BGE pour l’histoire, le Musée d’art et d’histoire pour l’art, le Centre d’iconographie genevoise pour les images de personnages de Genève ou, encore, la Documentation photographique pour les ancienne images de la vie urbaine.... Le service serait accessible à partir d’un portail commun de référence. Ce partenariat vise à ce que la référence virtuelle ne reste pas l’affaire de différentes institutions disséminées sur le Web et que le service soit plus performant. Ainsi, les bibliothèques de la Ville pourraient collaborer avec celles académiques et scientifiques.

Multiplier les points d’accès

Afin que la référence virtuelle soit efficace, il est recommandé de proposer des outils complémentaires : une charte, une FAQ, un répertoire des signets, des bibliographies et des tutoriels(38). Ces ressources permettent à l’utilisateur d’être l’acteur de sa recherche d’informations(39). Dans cette optique, une interface « éducative » et visuelle, qui guide l’usager aux bonnes sources d’information, a été conçue. Une série de liens est proposée et, une fois que l’usager se reconnaît dans son besoin spécifique, il pourra suivre le bon chemin pour retrouver l’information dont il est à la recherche.

Constituant la page d’accueil du SRV, l’interface du SRV regroupe :

  • le point d’accès au SRV par un hyperlien au formulaire et email. Si à l’avenir les BM adoptent une application de messagerie instantanée, il faudra prévoir une fenêtre de dialogue sur la page d’accueil.
  • le lien à la charte à laquelle l’usager doit prêter attention
  • une cartographie qui permet d’orienter l’usager vers les bonnes ressources à travers des hyperliens (animations, catalogue, archive des questions/réponses...).

Si d’un côté cela permet de réduire d’éventuels messages « superflus », il laisse tout de même la liberté à l’usager de solliciter le SRV.

Enfin, la visibilité du service doit être favorisée d’un côté par un référencement efficace à travers les moteurs de recherche, de l’autre par l’identification immédiate sur la page d’accueil du site des BM, préférablement sous-forme d’un logo.

Les solutions techniques

Dès le début, il a fallu envisager des solutions efficaces à coûts zéro. Une application asynchrone telle que la messagerie électronique est apparue être la plus logique et pertinente dans le contexte des BM. D’ailleurs, une bonne partie des usagers posent déjà des questions techniques par email. Un mode de contact par email est recommandé en même temps qu’un formulaire en ligne, et ce jusqu’à ce que les BM disposent de moyens qui leur permettent d’adopter une application multitâches spécialisée. Le courriel a plusieurs avantages : simple et efficace, offre plus de temps pour formuler la réponse et est d’utilisation facile. Par contre, l’interactivité est réduite.

Ce qu’il faut observer afin d’organiser un SRV par messagerie électronique :

  • Gérer le flux des questions et filtrer les messages selon le répondant si nécessaire
  • Envoyer un accusé de réception
  • Organiser la traçabilité des questions/réponses à travers un système de signature des messages par le professionnel qui prend en charge la demande. Par exemple avec une attribution d’initiales
  • Afin de faciliter la rédaction des réponses, se servir de messages pré-formatés par le biais de logiciels spécialisés, tels Short Keys(40)
  • Prévoir d’archiver les questions sur le serveur ou dans une base de connaissances

Un système de messagerie instantanée peut compléter le contact courriel. Le chat contribue à affiner les besoins de l’usager et aide à résoudre des problèmes tels que des soucis techniques auxquels les modes asynchrones ne sont pas à même de répondre de manière immédiate(41). Par contre, il ne permet pas de mener des recherches documentaires complexes. Pour cette raison, les résultats peuvent être proposés à l’usager ultérieurement par courriel(42).

Ce dont il faut considérer si l’on choisit un système de chat :

  • Privilégier un agrégateur Web de messagerie instantanée, cela évite à l’usager de devoir installer sur son ordinateur le logiciel pour poser sa question. Par exemple : Meebo(43), Trillian(44) ou encore, Libraryh3lp. Ce dernier qui appartient à la nouvelle génération d’outils, est un outil hybride entre la MI et un logiciel commercial de référence développé en code source libre(45)
  • Proposer une fenêtre de dialogue directement à partir de la page de référence ou sur la page d’accueil de la bibliothèque
  • Bien organiser les ressources documentaires aptes à l’élaboration efficace des réponses
  • Offrir la possibilité d’enregistrer la session et pouvoir la transmettre à l’usager
  • Gérer le flux des questions ou prévoir un système de « ticket » lorsqu’une file d’attente se créée

Une application sur mesure

A l’avenir, il est conseillé de favoriser l’accès par tous les moyens de communication, de cette manière l’usager peut privilégier l’application avec laquelle il se sent le plus à l’aise.

En prévision d’un partenariat avec d’autres institutions, un portail de référence en ligne est envisagé et il présente notamment une multiplication des modes de contact. Or, afin de faciliter cette opération, il convient d’adopter un progiciel pour la référence en ligne.

Le seul logiciel commercial existant sur le marché est QuestionPoint de l’OCLC. D’après les échanges avec les experts, il a été constaté que les bibliothèques françaises qui l’ont adopté ne sont pas complètement satisfaites de cette plateforme Web, car elle est peu flexible et présente des limites, dans le paramétrage notamment. En outre, l’interface en anglais n’en facilite pas l’utilisation. Compte tenu des contraintes existantes, ainsi que le coût non négligeable de ce type de technologies, il est apparu essentiel d’envisager des solutions techniques alternatives.

J’ai donc élaboré un cahier des charges pour les BM. Il s’agit  d’un outil de communication utile tant au responsable du projet qu’au informaticien développeur. Les recommandations pour le développement d’un logiciel de référence propre aux BM y ont été présentées.

Les caractéristiques principales que ceci doit posséder :

  • Filtre et distribution des messages au bon service lors d’un partenariat
  • Pouvoir suivre l’acheminement des questions et connaître leur statut (questions en attente, traitées, archivées, etc.) à tout moment
  • Interface conviviale et paramétrable selon les nécessités
  • Caractère multiplateformes et multinavigateur du logiciel
  • Protection des échanges en ligne, tant pour les usagers que pour l’institution
  • Différents niveau d’accès selon le groupe d’utilisateurs
  • La structure logique du logiciel doit pouvoir se constituer de plusieurs modules comme d’après le schéma suivant :


  • Fonction multi-tâches du logiciel (chat, courriel, formulaire, texto)
  • Disposer d’une base de connaissances intégrée qui permet l’archivage et la consultation des questions/réponses
  • Extraire, stocker et traiter les différents types de données qui permettront de générer par la suite des statistiques d’utilisation
  • Possibilité d’échanger des informations à l’intérieur de l’équipe de référence à travers un système de news. Un agenda permet d’établir un planning horaire

Vers une capitalisation du savoir : la base de connaissances

Dès le début, la création d’une base de connaissances s’est imposée pour un SRV aux BM. En effet, elle est un support indispensable, tant pour les professionnels que pour le public. L’avantage principal est qu’elle peut être consultée par le public lors d’une première recherche et constitue un outil de travail pour les professionnels. Si les BM ne vont pas adopter un logiciel commercial, il est possible de créer une base de connaissances des questions/réponses en langage PHP.

Celle-ci nécessite d’être enrichie au fur et à mesure par un responsable de l’archivage qui, à l’aide du groupe de référence virtuelle, va sélectionner des questions représentatives. La base de connaissances demande donc une mise à jour systématique, une validation des informations, ainsi qu’un classement des questions.

Cela implique plus concrètement de :

  • discuter les modalités précises d’archivage, ainsi que la politique de sélection des questions
  • classer les questions par grands domaines de la connaissance. Dans le cas des BM, je me suis inspirée de leur organisation des collections
  • Anonymiser les données personnelles
  • Donner la possibilité de rechercher dans la base de données grâce à un moteur de recherche relié

Le défi : harmoniser les tâches de référence

Le SRV implique un nouveau fonctionnement au niveau de l’organisation interne des BM. Il leur est recommandé d’adopter un modèle de gestion dit de « consultation » qui consiste à effectuer la référence à distance en back office et répondre en priorité aux questions. En principe, le temps peut être entièrement consacré aux usagers en ligne et, lorsque le trafic le permet, les bibliothécaires peuvent se dédier aux autres tâches bibliothéconomiques. Ce modèle se caractérise par une bonne flexibilité, ce qui convient très bien aux BM qui sont dans l’impossibilité de renforcer leur effectif avec des nouveaux engagements et le temps semble être insuffisant pour l’instant.

Dans les petites succursales, il pourrait être possible, en fonction du trafic, de faire de la référence en ligne pendant les horaires du prêt, pour autant que cette dernière n’empêche pas de mener à bien les activités.

Il est conseillé aux BM d’assurer leur SRV à plein temps. L’avantage est de fournir un travail de qualité en continu et de rester ainsi à la disposition du public sans aucune restriction. De plus, la référence à mi-temps risque de se révéler trop discontinue pour être avantageuse(46). Ensuite, dès qu’une collaboration avec les autres institutions sera mise en route, le partage des tâches deviendra possible.

Il est recommandé de créer un groupe de pilotage et :

  • Préférer les collègues qui démontrent une attitude volontariste, car la motivation permet de gagner en qualité du service. Cependant penser à sensibiliser les collaborateurs les plus sceptiques
  • Constituer un petit groupe de personnes. Cela permet une meilleure performance des pratiques et une uniformité du style de communication
  • Mettre à jour le cahier des charges pour que les tâches de référence virtuelle soient intégrées et reconnues parmi les activités bibliothéconomiques(47)

Des modèles de fonctionnement possibles ont été établis :

Organisation autour des succursales

Etant donné que le réseau des BM se constitue de succursales, il est apparu important de tenir compte de cette décentralisation. Ce modèle d’organisation vise à renforcer l’unité du réseau à travers l’implication des différentes bibliothèques. Les bibliothécaires sont chargés du SRV à tour de rôle pendant un jour de la semaine selon un planning préétabli. Le collaborateur désigné est responsable de l’ensemble des questions posées ce jour-là et assure le chemin de la question jusqu’à la réponse finale. Le bibliothécaire est censé répondre à toutes les questions qu’il reçoit, sauf les questions qui relèvent d’un domaine spécifique qui feront l’objet d’une réorientation. Par exemple : les questions sur la musique et les films, les renseignements sur le sport, les questions du public jeune ou des informations plus complexes et pointues qui relèvent d’une bibliothèque spécialisée. Dans ce cas, le bibliothécaire transmet la question au service compétent.

Cette organisation permet au personnel de rester ouvert à l’accomplissement d’autres activités. Cela dit, les forces doivent être bien partagées au niveau du réseau. De plus, il faut veiller à une harmonisation des pratiques assurée par l’uniformité dans le style de réponse de l’ensemble du groupe.

Organisation selon le niveau du service proposé

Un modèle alternatif se base sur la répartition des questions en fonction du niveau de compétences des membres. Ce système implique de faire appel à un filtreur des questions qui attribue la question en fonction des domaines de compétences.

Par exemple :

  • Questions entrantes à filtreur
  • Questions simples (localisation de documents, services, horaires, animations, etc.) à Agents en information documentaire
  • Renseignements spécifiques (bibliographies, questions factuelles, informations techniques) à bibliothécaires
  • Questions sur un domaine spécifique liées à la nature du fonds à bibliothécaires du secteur

Moins structuré et moins équilibré par rapport au fonctionnement par succursales, ce système demande une bonne coordination entre les membres et une communication interne performante. Il n’existe en principe pas de planning préalable, car les membres connaissent la démarche. Par contre, il est indispensable de disposer d’une liste des différents collaborateurs en charge du service.

Harmonisation des pratiques par une structuration des réponses

Comment donc harmoniser les pratiques de référence ? Il est important que le bibliothécaire donne de la valeur ajoutée à l’information par une reformulation de la question, une description des sources et des conseils à la recherche(48).

Des suggestions pour la structuration d’une réponse type sont proposées sur la base d’un exemple(49) :

Procédure

Exemple

Question : Keith Haring a-t-il réalisé des œuvres appartenant au Pop art ?

Réponse

Mettre en contexte la question et si possible formuler une première réponse

Dans le dictionnaire des artistes contemporains (Editions Larousse), Keith Haring apparaît principalement comme un artiste qui à partir de 1980 fait partie du mouvement affichiste. Il est issu du "hip-hop". Inspiré par le graffiti, tenant du Bad Painting, et soucieux de toucher un large public, Haring commence à dessiner à la craie blanche sur des panneaux publicitaires noirs du métro de New York.
Relevé dans une biographie je cite également :
"Son style, les 'happening' et symboles reconnaissables ont fait la célébrité de cet artiste original et engagé, enfant du pop art."

Sources

Présentation des documents pertinents et fiables : notices bibliographiques complètes et liens Internet datés. Citer la bibliothèque qui possède le document (cote). Il est recommandé de commenter brièvement les ressources.

Si plusieurs sources sont proposées, hiérarchiser l’information, citant d’abord celles les plus importantes et ensuite des pistes pour aller plus loin.

Réorienter vers le bon service si nécessaire.

Un article (en anglais) lui est consacré dans le Grove art online consultable à la Bpi: "Haring, Keith." In Grove Art Online. Oxford Art Online: http://www.oxfordartonline.com/subscriber/article/grove/art /T036672 (accessed November 20, 2009)
Il n'est pas cité parmi les artistes de ce mouvement dans l'article Pop art de ce même dictionnaire en ligne.

Une exposition a eu lieu au Musée d'art contemporain de Lyon du 22 février au 29 juin 2008 :

Je vous joins le dossier de presse :
http://www.mac-lyon.com/static/mac/contenu/fichiers/dossier
s_presse/2008/dp_haring.pdf


Vous pouvez également écrire à la fondation Keith Haring à l'adresse :

http://www.haring.com/foundation/about/index.html
 

Approche pédagogique

Promouvoir la capacité de recherche en fournissant des renseignements sur la façon dont l’information a été trouvée (étapes, critères de recherches, mots clés).

 

 

Etapes recommandées

Salutations

Inciter l’usager à reprendre contact et lui demander de prendre quelques minutes pour remplir le formulaire de satisfaction en ligne, qui a pour but l’amélioration du service.

Lorsque les techniques de réponse sont articulées, elles peuvent faire objet de la réalisation de procédures internes à l’intention des collaborateurs(50). Celles-ci auraient l’avantage d’harmoniser la pratique de référence au niveau du réseau.

6. Conclusion

Le SRV représente une sorte de « deuxième vie » pour les bibliothèques, une vie virtuelle, en complément d’un accueil personnalisé et ponctuel. Ces deux aspects nécessitent d’être conçus comme le prolongement l’un de l’autre. Cependant, un service en ligne présente également des limites, notamment l’absence de présence physique qui permet à l’usager de se sentir au centre de l’attention. Un service personnalisé et des modes de communication efficaces contribuent à la qualité de la référence. Dans la limite du possible, l'échange en ligne devrait donc renforcer le contact profond qui permet aux bibliothécaires de gagner la confiance et la reconnaissance des usagers.

La multiplication des modes de contact favorise le succès d’un service en ligne. Car l’usager peut privilégier la solution technique avec laquelle il se sent davantage à l’aise.

Désormais la technologie offre un large éventail d’applications en ligne et étant donné que celle-ci évolue vite, il s’avère essentiel de surveiller l’apparition des dernières applications. De nouvelles pratiques ont émergé à travers des outils du Web 2.0, bien que leur efficacité reste à confirmer : Twitter, Facebook, ou encore, Second Life. Aux professionnels de rester ouverts, surtout aux égards des systèmes synchrones qui permettent une relation plus directe avec le public et une meilleure identification des besoins. 

Il a été souligné que la référence en lecture publique peut concerner des aspects relatifs à la vie pratique et de quartier et il est important de considérer ces besoins en mettant à disposition des outils spécifiques. Par ailleurs, des ressources appropriées, tels des répertoires de signets et une base de connaissances, contribuent à personnaliser l’expérience du repérage de l’information et à favoriser l’autonomie de l’usager.

Dans la conception d’un SRV, il ne faut pas oublier les aspects liés à la promotion et le développement d’une charte appropriée. La promotion contribue à la visibilité du service, alors que la charte permet de fixer clairement les possibilités et les limites des prestations fournies.

Pour conclure, mettons l’accent sur les compétences des professionnels. Une formation ciblée à l’intention des collaborateurs se révèle indispensable. Le but est d’entraîner à une formulation des réponses qui, quant à elle, s’apprend avec une pratique constante des tâches de référence et s’améliore avec l’expérience.

Notes

(1) NGUYEN, Claire. Les services de référence virtuels en bibliothèque universitaire : enjeux, perspectives, débats. BBF  [en ligne]. 2006, t. 51, no 3, p. 54. http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2006-03-0054-009 (consulté le 16 août 2011)

(2) JACQUESSON, Alain cité par LINCK, Marie-Christine. Le renseignement personnalisé à distance. Une nouvelle donne pour les bibliothèques. BBF [en ligne]. 2005, t. 50, no 2, p. 99-100. http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2005-02-0099-010 (consulté le 16 août 2011)

(3) JANES, Joseph. An Informal History (and Possible Future) of Digital Reference. Bulletin of the American Society for Information Science and Technology [en ligne]. December/January 2008, vol. 34, no 2, p. 8-10. http://www.asis.org/Bulletin/Dec-07/janes.html (consulté le 16 août 2011)

(4) Le Guichet du savoir [en ligne]. http://www.guichetdusavoir.org/ (consulté le 16 août 2011)

(5) Ask a librarian [en ligne]. http://www.tscpl.org/ask/ (consulté le 16 août 2011)

(6) Ask a reference question [en ligne].  http://www.hinsdalelibrary.info/how-do-i/ask-a-reference-question/ (consulté le 16 août 2011)

(7) TARDIF, Hélène. Quels outils pour quels services ? Quelle technologie choisir ? In : NGUYEN, Claire. Mettre en oeuvre un service de questions-réponses en ligne. Villeurbanne : Presses de l'ENSSIB, 2010. P. 95-110 (La boîte à outils)

(8) L’exemple de la Casa Grande Public Library [en ligne]. http://twitter.com/cglibrary (consulté le 16 août 2011)

(9) NLC Reference [en ligne]. http://twitter.com/NLC_Reference (consulté le 16 août 2011)

(10) Les bibliothèques ne sont pas les seules à exploiter cette application. Les internautes ont créé le « Ask on Twitter », une sorte de service de référence qui fait appel aux connaissances et à la promptitude des internautes [en ligne].  http://askontwitter.com/ (consulté le 16 août 2011)

(11) Jing [en ligne]. http://www.techsmith.com/jing/ (consulté le 16 août 2011)

(12) TARDIF, Hélène, op. cit., p. 103

(13) Aujourd’hui, l’archive de Google Answers avec les réponses organisées par grands domaines de la connaissance demeure accessible en ligne [en ligne]. http://answers.google.com/answers/ (consulté le 16 août 2011)

(14) Yahoo  Answers [en ligne].  http://answers.yahoo.com/ (consulté le 16 août 2011)

(15) BENOIST, David. Référence virtuelle. Quel rôle face aux moteurs de recherche ? BBF [en ligne]. 2007, t. 52, no 6, p. 27. http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2007-06-0025-004 (consulté le 16 août 2011)

(16) NGUYEN, Claire,  op. cit., p. 54-55

(17) Book a librarian [en ligne].  http://www.nypl.org/ask-nypl/on-site-research-consultations (consulté le 16 août 2011)

(18) Ask a librarian [en ligne].  http://www.queenslibrary.org/index.aspx?page_nm=AskALibrarianOverview (consulté le 16 août 2011)

(19) BENOIST, David, op. cit., p. 26

(20) L’archive des questions/réponses de Sindbad [en ligne]. http://www.bnf.fr/fr/collections_et_services/poser_une_question_a_bibliothecaire/s.sindbad_reponses_par_themes.html?first_Art=non (consulté le 16 août 2011)

(21) CALENGE, Bertrand, DI PIETRO, Christelle. Le Guichet du Savoir. Répondre aux demandes de contenus. BBF [en ligne].  2005, t. 50, no 4, p. 38-42. http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2005-04-0038-008 (consulté le 16 août 2011)

(22) Kidsspace [en ligne]. http://kidsspace.torontopubliclibrary.ca/questionsanswers.html (consulté le 16 août 2011)

(23) Reference, Homework Help et Internet Links [en ligne]. http://www.st-charles.lib.il.us/youth_services/ys_hw_help.htm (consulté le 16 août 2011)

(24) For Kids [en ligne].  http://www.ipl.org/div/kidspace/ (consulté le 16 août 2011)

(25) SwissInfoDesk [en ligne].  http://www.nb.admin.ch/dienstleistungen/swissinfodesk/index.html?lang=fr (consulté le 16 août 2011)

(26) KERN, Kathleen M. Virtual reference best practices : tailoring services to your library. Chicago : American Library Association, 2009. 148 p.

(27) NGUYEN, Claire. Mettre en place et développer un service de référence virtuelle dans une perspective d'intégration à un réseau collaboratif. Analyses comparées et propositions à partir de l'exemple de l'Université de Montréal. 2006, p. 45. Mémoire d'étude réalisé en vue de l’obtention du diplôme de conservateur de bibliothèque, Enssib de Villeurbanne, 2006 [en ligne]. http://enssibal.enssib.fr/bibliotheque/documents/dcb/nguyen.pdf  (consulté le 16 août 2011)

(28) STOVER, JILL S.  Be You ; Be Unique : How to Create Competitive Reference Services by Being Strategically Different. In : STEINER, Sarah K. et al. The desk and beyond : next generation reference services. Chicago: Association of College and Research Libraries, 2008. P. 142

(29) Charte d’accueil des BM. Ensemble à la rencontre de la culture [en ligne]. http://www.ville-ge.ch/bm/fr/bibliotheque/charte_accueil.php (consulté le 16 août 2011)

(30) BRIDGEWATER, Rachel, COLE, Meryl B. Instant messaging reference : a practical guide. Oxford : Chandos, 2009. 213 p. (Chandos information professional series)

(31) Les études menées par Pew Internet & American Life Project and the Urban Libraries Council montrent que le pourcentage d’adultes américains qui utilise Internet a augmenté de 40 % à 75 % entre 1998 et la fin de 2007. BRIDGEWATER, Rachel, COLE, Meryl B. op. cit. p. 17

(32) « Moving the reference desk out to the Internet places the librarian where clients are : amid the chaotic information landscape, a far better place to be as a bridge to quality information ». LIPOW, Anne Grodzins. The virtual reference librarian’s handbook. New York : Neal-Schuman, 2003. p.  8

(33) MEOLA, Marc, STORMONT, Sam. Starting and operating live virtual reference services : a how-to-do-it manual for librarians. New York : Neal-Schuman, 2002. P. 17-21. (A how-to-do-it manual for librarians)

(34) Culture Wok [en ligne]. http://www.culturewok.com/ (consulté le 16 août 2011)

(35) Babelio [en ligne]. http://www.babelio.com/ (consulté le 16 août 2011)

(36) Library Thing [en ligne]. http://www.librarything.com/ (consulté le 16 août 2011)

(37) Anobii [en ligne]. http://www.anobii.com/ (consulté le 16 août 2011)

(38) BENOIST, David, op. cit., p. 26

(39) ACCART, Jean-Philippe. Les services de référence : du présentiel au virtuel. Paris : Ed. du Cercle de la Librairie, 2008. p. 165. (Collection Bibliothèque)

(40) Short Keys [en ligne].  http://www.shortkeys.com/lite.htm (consulté le 16 août 2011)

(41) NGUYEN, Claire, op. cit., p. 60

(42) ZAGO, Doriana. Il reference digitale in biblioteca. Bibliotime [en ligne]. 2007, anno 10, no 3, http://didattica.spbo.unibo.it/bibliotime/num-x-3/zago.htm (consulté le 29 novembre 2010)

(43) Meebo [en ligne]. http://www.meebo.com/ (consulté le 16 août 2011)

(44) Trillian [en ligne]. http://www.trillian.im/ (consulté le 16 août 2011)

(45) La plateforme paramétrable Libraryh3lp propose des fonctionnalités additionnelles adaptées aux besoins du SRV, tels que : création et gestion des files d’attente, envoi de fichiers, transfert des questions entre opérateurs, passerelle SMS etc. TARDIF, Hélène, op. cit., p. 103

(46) KERN, op. cit., p. 79

(47) Ibid., p. 78

(48) INTERNATIONAL FEDERATION OF LIBRARY ASSOCIATIONS AND INSTITUTIONS. Lignes directrices de l’IFLA en matière de référence numérique. In : Iflanet [en ligne]. 2006. http://archive.ifla.org/VII/s36/pubs/drg03-f.htm (consulté le 16 août 2011)

(49) Exemple tiré de l’archive des questions/réponses de la BPI [en ligne]. http://www.questionpoint.org/crs/servlet/org.oclc.ask.AskPatronFetchQA;jsessionid=38938CB9F149033B528BB0CE7B02F33E?qid=188583&listpos=2&qphost=qpap04pxdu.prod.oclc.org& (consulté le 16 août 2011)

(50) BENEDETTI, Fabrizia. Il reference digitale nelle biblioteche pubbliche : l’esperienza di Salaborsa. Bibliotime [en ligne]. 2006, anno 9, no 2. http://didattica.spbo.unibo.it/bibliotime/num-ix-2/benedett.htm (consulté le 16 août 2011)

Histoire de la lecture populaire dans le canton de Vaud : l’exemple de la bibliothèque paroissiale de Dommartin

Histoire de la lecture populaire dans le canton de Vaud : l’exemple de la bibliothèque paroissiale de Dommartin

La bibliothèque paroissiale de Dommartin 

Dommartin est un village du Gros-de-Vaud, voisin d’Echallens et dont la cure a abrité une bibliothèque de paroisse protestante pendant près d’un siècle, entre 1865 et 1960. Le fonds de cette bibliothèque(1), à savoir la grande majorité des livres, trois catalogues et un registre de prêt, a été donné en 1991 aux Archives cantonales vaudoises, et a servi de base à mon travail de Bachelor de la Haute Ecole de Gestion de Genève en 2010.

La période d’existence de la bibliothèque de Dommartin s’inscrit dans un moment charnière de l’évolution des bibliothèques : le passage du mouvement de lecture populaire initié au début du XIXe siècle, à celui de la lecture publique, qui commencerait aux environs de la fin de la première Guerre mondiale en Europe. Cette étude avait pour but principal de définir d’une part comment la bibliothèque de Dommartin s’inscrit dans ce contexte historique au sens large, et d’autre part, plus localement, de déterminer de quelle manière elle se situe dans le contexte de la paroisse qui l’abrite, et l’usage qu’en faisaient les habitants des villages qui en faisaient alors partie.

Pour tenter de répondre à ces deux interrogations, l’on s’est donc posé cinq questions principales :

  • Qu’est-ce qu’une bibliothèque populaire ou publique aux époques concernées ?
  • Comment est composée et fonctionne la bibliothèque de Dommartin ?
  • Dans la mesure du possible, qui sont ses lecteurs ?
  • De quelle manière utilisent-ils le fonds de la bibliothèque ?
  • Comment la bibliothèque a-t-elle évolué durant son existence, et pourquoi a-t-elle finalement fermé ses portes ?

L’étude s’est articulée en trois parties principales : une revue de la littérature pour répondre à la première question et tenter de définir ce qu’on entendait au milieu du XIXe siècle par le terme « populaire » quand il était mis en rapport avec la lecture et les bibliothèques ; l’analyse du fonds proprement dite ainsi que des documents conservés par les archives de la commune de Dommartin, pour pouvoir juger du fonctionnement et de la constitution de la bibliothèque, ainsi que sa perception par ses usagers (qui soit dit en passant peut parfois être très éloignée de l’image que veulent en donner les responsables !) ; et enfin une comparaison entre la bibliothèque de Dommartin et d’autres bibliothèques vaudoises de la même époque, catholiques ou protestantes. Ce dernier point, associé à la comparaison avec ce que la revue de la littérature nous aura appris sur les bibliothèques populaires, permet de définir le niveau de « représentativité » de la bibliothèque de Dommartin par rapport aux mouvements de lecture populaire et publique.

La paroisse de Dommartin

Le village de Dommartin est devenu le centre de la paroisse protestante qui porte son nom avec la Réforme. A l’époque qui nous intéresse, cette paroisse est composée, en plus du village de Dommartin, de ceux de Montaubion-Chardonney, Naz, Peyres-Possens et Sugnens, totalisant à eux tous une population d’environ 668 habitants (donc usagers potentiels de la bibliothèque) vers 1950(2). Durant le siècle d’existence de la bibliothèque, une dizaine de pasteurs se sont succédés dans la paroisse et par conséquent à la gestion de la bibliothèque. Dans le même temps, la population de Dommartin a globalement subi une diminution, passant de 250 en 1850 à 140 en 1970 (Morerod, 2006).

Les sources à disposition

Comme sources, on dispose de trois catalogues, de la majorité des ouvrages ayant fait partie du fonds, d’un registre de prêt, ainsi que des procès-verbaux du Conseil de paroisse, des comptes communaux et paroissiaux et du journal de la paroisse.

Les catalogues datent de la fin du XIXe siècle, de 1915 et de 1922. Si les deux derniers, qui sont d’ailleurs les seuls à être datés, présentent un classement semblable, mais pas forcément aisé d’utilisation pour les usagers, puisqu’il s’agit d’un classement uniquement basé sur la date d’acquisition, le catalogue du XIXe siècle est encore plus déroutant. Il présente en effet plusieurs classements successifs : mêlant classement par matière (on peut relever une différence faite entre les ouvrages de théologie, les « mélanges » - des romans pour la plupart -  et les ouvrages de sciences) et par date d’acquisition. Un classement par auteurs a été tenté dans les « mélanges », sans doute avec la volonté louable de faciliter la recherche aux lecteurs (puisqu’il rend le catalogue difficilement exploitable pour un inventaire) : dans la première partie du catalogue, quand un auteur apparaît, toutes ses œuvres possédées par la bibliothèque au moment où le catalogue a été rédigé ont été mises à la suite, quelle que soit leur cote. Malheureusement cela ne fonctionne bien sûr plus dès lors que la bibliothèque acquiert une nouvelle œuvre d’un auteur déjà présent sans avoir laissé de place sur la page consacrée, et la seconde partie, classée par ordre d’acquisition, montre que les limites du système ont vite été atteintes à mesure que les ouvrages d’un même auteur recommençaient désespérément à s’éparpiller sur les pages, d’où peut-être son abandon manifeste dans les catalogues suivants (il n’y a vraisemblablement pas eu de passage à un catalogue sur fiches).

Les ouvrages sont au nombre de 1322, sur les 1617 que recense le catalogue de 1922. La plupart sont des livres de petit format, type livre de poche, à la base brochés mais que la bibliothèque a fait relier ou a fourrés (selon l’époque) de manières similaires, et portent cote, titre et auteur écrits à la main sur leur dos ou celui de leur fourre.

Le registre de prêt a pour défaut de ne couvrir que les années 1934 à 1960, ce qui, nous le verrons, limite les possibilités d’analyser le profil des lecteurs et leurs activités. Les prêts se présentent sous forme de tableau, les noms des lecteurs en colonne et la date du prêt (un jour par semaine, à la base le dimanche mais le jour semble mouvant dans les dernières années de l’existence de la bibliothèque) et les cotes sont tracées une fois l’ouvrage rendu.

Le journal de paroisse enfin, rédigé par le pasteur, fait aussi mention quelquefois de la bibliothèque, en publiant notamment des listes d’ouvrages disponibles pour inciter les paroissiens à s’y rendre.

Les Archives communales de Dommartin ont également permis d’avoir accès à d’autres sources d’information que le fonds lui-même. Les comptes communaux et paroissiaux renseignent difficilement sur les finances de la bibliothèque puisque celle-ci avait son propre compte, malheureusement perdu aujourd’hui, et qu’elle ne figure qu’exceptionnellement dans ceux de la commune et de la paroisse. Les procès-verbaux du Conseil de paroisse, qui couvrent les années 1901 à 1960 et sont rédigés la plupart du temps par le pasteur, ont par contre apporté un peu plus d’informations, car les mentions sur les difficultés ou la bonne santé financières de la bibliothèque y sont relativement nombreuses.

Lecture populaire, lecture publique

Pour savoir si la bibliothèque que nous traitons en est représentative, il est nécessaire de s’arrêter un moment sur ce qu’on comprenait exactement au XIXe siècle quand on parlait de lecture populaire, et plus tard, de lecture publique.

Au début du XIXe siècle apparaît pour les classes aisées la nécessité d’instruire les classes moins favorisées. Cela a pour premier effet de mener à des réformes scolaires, rendant par exemple l’école primaire obligatoire comme le fait la loi Guizot en France en 1833 (Loi sur l’Instruction primaire, 28 juin 1833), instaurant un nombre maximal d’élèves par classe ou une formation pour les maîtres d’école (en 1864 dans le Canton de Vaud (Volet, 1982 : p. 114)). On cherche également à instruire les adultes, et nombre d’associations d’éducation populaire voient le jour (Richter, 1987 : pp. 141-143). Mais la volonté cachée derrière cette idée d’instruire les classes laborieuse n’est pas toujours humaniste. Noé Richter la nomme « sociale » : elle consiste en effet avant tout à inculquer à ces nouveaux lecteurs une morale inébranlable et le respect de l’ordre établi. Il ne faudrait en effet pas que « la corruption portée par le savoir ne se substitue à celle portée par l’ignorance » (Chartier, 1986, cité dans Pitteloud, 1998 : p. 20) !

Les almanachs ou la presse et ses feuilletons que l’on s’arrache sont d’emblée considérés comme les exemples types de cette « mauvaise littérature » qu’il faut éradiquer. Pour cela, on se met donc à écrire puis à diffuser ce qu’on appelle alors des « bons livres ». Ils suivent souvent des thèmes prédéfinis pour que les personnages puissent servir de modèle de vertu à imiter pour les lecteurs : la Société pour l’instruction élémentaire en édicte ainsi onze, parmi lesquels on trouve « le bon instituteur et les enfants heureux » ou « le bon riche et le mauvais riche » (Richter, 1999 : p. 31). Les bibliothèques populaires créées dans cet esprit sont également vues comme un moyen privilégié de diffuser cette bonne littérature parmi la population.

Dans les premières années du mouvement, jusqu’aux années 1860, il s’agit simplement d’instruire, sans distraire. Une littérature populaire se développe également à cette époque, dans ce sens moralisant (le Simon de Nantua de Laurent-Pierre de Jussieux en est peut-être l’exemple le plus connu (Richter, 2003 : p. 26)) mais, surtout dès la seconde moitié du XIXe siècle, également dans un sens plus actuel et peut-être moins connoté, « qui touche une partie large de la population » : les romans d’aventure de Jules Verne, Fenimore Cooper ou Gaston Leroux et les romans sentimentaux de Delly et E. Marlitt sont de ceux-ci.

En Suisse romande, on lit bien sûr les auteurs français et étranger, mais une littérature populaire « du terroir » se développe – ce que Daniel Maggetti et Dieter Müller nomment d’ailleurs les « Bonnes lectures de la Suisse romande », du nom d’une collection neuchâteloise de l’époque. On y trouve notamment des auteurs comme Urbain Olivier, Benjamin Vallotton, Louis Favre ou encore Virgile Rossel, qui font tout à fait honneur au but de la lecture populaire selon un instituteur normand de 1862 : « attacher l’homme à la campagne, lui faire oublier la fiévreuse existence des villes, lui faire perdre le souvenir du lucre qui l’y attire si souvent  (Catherine, cité dans Morière, 1862) ». En effet, ils présentent souvent une vision idéalisée du monde rural, de la bonté de la Providence divine et mettent l’accent sur la piété, l’amour de la patrie ou encore le respect des valeurs familiales (Maggetti & Müller, 1992 : pp. 5-7).

Cette littérature moralisante ou morale se diffuse par plusieurs canaux : les sociétés de promotion des bonnes lectures, telles que la Société Franklin ou la Société genevoise des publications religieuses, se mettent à éditer des catalogues de bons livres. La Société Franklin va même jusqu’à proposer des caisses de livres destinées à se déplacer dans les bibliothèques des villages et à permettre des lectures plus variées aux lecteurs.

Un autre canal, sans doute en partie lié au précédent puisque ces sociétés se veulent des intermédiaires entre les auteurs et les lecteurs potentiels (Pitteloud, 1998 : p. 116), sont les bibliothèques populaires, souvent  confondues avec la bibliothèque scolaire à la campagne, d’une part par manque de place, et d’autre part de par son contenu : les livres, autres que pour les enfants, écrits spécifiquement pour un public peu alphabétisé n’existent en effet pas encore au début du mouvement. Quant aux bibliothèques paroissiales, on sait en tout cas peu de choses de celles de Genève selon Jean-François Pitteloud, sinon qu’elles ont été pour la plupart fondées avant 1860. Elles ont cependant une différence notable d’avec les bibliothèques purement populaires et laïques, dans le sens qu’elles sont plus directement liées à la vie de la paroisse en elle-même : « Il paraît que les bibliothèques paroissiales et religieuses n’ont pas été créées dans le seul but de diffuser le livre, le ‘bon’ livre s’entend et dans le ‘troupeau’ surtout, mais que chaque pasteur avait développé sa bibliothèque religieuse pour appuyer sur l’écrit des séances de catéchisme et de méditation organisées dans toutes les paroisses. »       (Pitteloud, 1998 : p. 94). Relevons également que les sociétés religieuses, qu’elles soient catholiques ou protestantes, ont joué un rôle considérable dans le mouvement de la lecture populaire et ont été, surtout avant que l’Etat ne se mette à soutenir les bibliothèques (vers le milieu du XIXe siècle en France, par exemple), plus visibles que les actions de laïcs.

Pourtant, cette volonté d’imposer une éducation à un public dont on ignore la teneur réelle et les envies (une « population indistincte et dominée » (Richter, 1999 : p. 7)) va vite trouver ses limites : hier comme aujourd’hui, il est en effet inutile de chercher à forcer les lecteurs à lire un livre s’il ne répond pas à leurs attentes (en l’occurrence, notamment compte tenu des conditions de travail d’alors, un grand besoin de distraction), et les bibliothèques populaires vont devoir s’adapter, sous peine de voir leurs lecteurs leur préférer d’autres offres plus adaptées à leurs désirs.

Vers 1860, on commence donc à constater un fait qui n’est probablement pas récent : le détournement des fonds par les lecteurs. Ainsi, les classifications thématiques visant à fournir à chacun le livre qui serait le plus propre à le rendre vertueux, en fonction de son caractère et de ce qu’il faut y corriger ou y encourager[i] se révèlent vite un moyen de contrôle dérisoire, les lecteurs prêtant facilement à leur entourage un livre qu’ils avaient apprécié, quand bien même le règlement de la bibliothèque l’aurait interdit. E. Grob en vient donc à affirmer, en 1867 : « un bon écrit populaire doit toujours poursuivre cette double ambition de divertir et de donner des leçons » (Pitteloud, 1998 : p.37). L’instruction reste toujours le but final, mais on se met à chercher des moyens détournés d’y faire parvenir les lecteurs, espérant que la lecture de romans, même si on les considère comme peu sérieux, puisse amener ensuite le lecteur à des ouvrages plus utilitaires, qui restent les seuls réellement bien considérés. Dès lors, les bibliothèques qui admettent le roman dans leur fonds connaissent alors ce que Noé Richter n’hésite pas à appeler un âge d’or : le nombre de bibliothèques populaires, paroissiales et scolaires augmente encore durant cette période.

Dans la seconde moitié du XIXe siècle donc, beaucoup de bibliothèques populaires qui se voulaient uniquement éducatives revoient leur politique d’acquisition, et admettent enfin la distraction, pas encore pour elle-même pourtant. Au début du XXe siècle, Eugène Morel, le futur théoricien de la lecture publique, fait cette remarque : « On y (dans les bibliothèques populaires) chercherait en vain les livres capables d’instruire un ouvrier dans sa profession ; ce qu’on a voulu, c’est distraire avant tout… si vraiment le grand mouvement d’éducation populaire aboutit à ce piètre résultat, de prêter dans chaque bibliothèque quelques romans, on doit dire qu’il a échoué dans sa glorieuse tâche. » (Morel, 1908, cité dans Richter, 1978 : p. 145). Si Morel prend cette adaptation que nous venons de mentionner pour la volonté de base des responsables de bibliothèque, ce qui n’est pas le cas nous l’avons vu, il a néanmoins raison lorsqu’il affirme qu’en un sens, le mouvement de lecture populaire a échoué : l’admission du roman dans les bibliothèques est en effet une preuve de ce que Jean-François Pitteloud appelle l’« échec d’une gigantesque entreprise d’assujettissement » (Pitteloud, 1998 : p. 25), et c’est cet échec qui va finalement conduire à la lecture non plus populaire, mais publique.

On peut en effet dire que la lecture publique naît en quelque sorte du rejet de la lecture populaire, qui a montré ses dernières limites à l’aube du XXe siècle : ayant pour l’un de ses buts principaux de familiariser la population à la lecture par des œuvres faciles d’accès, elle devient caduque dès lors que son but est atteint, et que ces nouveaux lecteurs cherchent d’autres lectures. De plus, les changements de la société opérés durant la dernière moitié du XIXe siècle ont fait qu’il n’est plus possible d’apprendre aux gens uniquement ce dont ils ont besoin pour faire leur métier : ils ont dorénavant également besoin d’instruction politique, civique et de culture générale, et les buts de la lecture populaire deviennent dès lors par trop réducteurs pour suffire.

D’autres visions se font alors jour : les bibliothèques, publiques, devraient désormais avoir un rôle éducatif et non d’endoctrinement, et être plus accessibles notamment par une refonte des classements, des collections et de la gestion de la bibliothèque en général[ii]. La professionnalisation des bibliothécaires joue également un rôle : les premières associations et formations de bibliothécaire se créent en Europe dès le début du XXe siècle (une des plus anciennes à avoir exercé son activité sans interruption en Europe est d’ailleurs l’Association des Bibliothécaires Suisses, dont la création remonte à 1897 (Barth, 1997 : p.199)). A la fin de la Première Guerre mondiale, l’American Library Association contribue à l’implantation de bibliothèques de lecture publique, qui, employant du personnel local et formé, conduisent à la création de filières de formation pour les bibliothécaires. Ainsi une école de bibliothécaires est créée à l’Institut d’Etudes sociales de Genève en 1918.

La lecture publique continue ensuite son évolution jusqu’à prendre les sens qu’on lui connaît aujourd’hui, et qu’il  n’est pas du propos de cet article de détailler. Mais cette nouvelle vision de la bibliothèque, plus ouverte, institutionnalisée et se débarrassant (parfois lentement(3) !) des tendances à l’endoctrinement que la lecture populaire avait pu avoir, sonne définitivement la fin de cette dernière. Les bibliothèques populaires qui avaient résisté au passage du siècle disparaissent graduellement : Noé Richter considère que si les toutes dernières disparaissent dans les années 1970, elles ne sont déjà plus que des reliques dès 1945 (Richter, 1978 : p.159).

Le fonctionnement de la bibliothèque

La bibliothèque de Dommartin se définit elle-même comme une bibliothèque paroissiale, et est gérée par les pasteurs successifs de la paroisse, ainsi que par leur épouse dans certains cas. La bibliothèque est dotée d’un règlement depuis le XIXe siècle, qui se trouve dans le premier catalogue et qui prend la forme suivante :

Règlement de la Bibliothèque de la paroisse de Dommartin

Article 1

La bibliothèque est placée sous la direction du conseil de paroisse. Celui-ci reçoit les dons, choisit et achète les livres, et fait exécuter le présent règlement.

Art. 2

La bibliothèque est ouverte chaque Dimanche à l’issue du service divin.

Art. 3

Pour pouvoir jouir de la bibliothèque il faut prendre un abonnement. Cet abonnement est payable d’avance. Il est fixé à 1 fr. pour une année et 60 centimes pour 6 mois.

Art. 4

Il est interdit à chaque abonné de prêter les livres de la bibliothèque à toute autre personne.

Art. 5

On ne peut prendre qu’un volume à la fois. Toutefois les abonnés à l’année peuvent prendre deux volumes pourvu qu’ils paient 2 francs.

Art. 6

Chaque abonné est responsable du livre qui lui a été remis. Il paiera la valeur de tout ouvrage endommagé ou perdu.

Art. 7

Tout abonné qui refuse de se soumettre au présent règlement perd son droit de prendre des livres.

Art. 8

Tout abonné qui ne rend pas son livre à l’expiration de son abonnement déclare par là le continuer. Il paie pour tout le temps pendant lequel il garde le livre.

(PP 348/01)

L’accès à la bibliothèque nécessite donc un abonnement, dont le prix, s’il est fixé par ce règlement à 1 franc par année et 60 centimes pour six mois, évoluera au fil du temps : ainsi par exemple en 1918, le Conseil de paroisse décida de porter le prix à 1 franc pour six mois et 2 francs pour une année. Le registre de prêt nous montre également qu’il semble être devenu aussi courant de payer par volume emprunté plutôt que par année, et dans ce cas le prix varie de 10 (années 1940) à 30 centimes (vers 1935). Cela peut probablement s’expliquer par le fait que, nous le verrons dans le chapitre concernant l’utilisation du fonds, la bibliothèque n’est presque pas utilisée en été, la population (rurale rappelons-le) étant alors essentiellement occupée aux travaux des champs : un abonnement à l’année ne semble de fait pas très avantageux de ce point de vue.

En ce qui concerne les heures d’ouverture, si le règlement mentionne le dimanche après le culte, les dates du registre de prêt ne sont pas toutes des dimanches, ce qui laisse penser que la bibliothèque a pu élargir ses horaires d’ouverture au moins dès les années 1930, même si en 1924 le pasteur relève dans le journal de paroisse : « Bibliothèque. - Beaucoup semblent l'oublier et cependant elle continue à être ouverte tous les dimanches après le culte. » (Journal de la paroisse de Dommartin, novembre 1924).

Les ressources financières de la bibliothèque quant à elles, semblent souffrir d’un certain déficit chronique. Aucune dépense superflue n’apparaît : les reliures des livres sont simples, les collections choisies peu coûteuses et les « appels au secours » en faveur de la bibliothèque, adressés aux communes de la paroisse, se répètent dans les procès-verbaux du Conseil de paroisse : ainsi en 1902 le Conseil demande un « cadeau en souvenir du Centenaire [de 1903], de façon à nous remettre à flot et à nous permettre l’achat de quelques ouvrages nouveaux » (NB 10.1, 30 novembre 1902). Des subsides sont également demandés régulièrement (100 francs en 1905, 50 en 1920), et la bibliothèque bénéficie parfois de dons d’argent ou d’ouvrages.

Il semble quoi qu’il en soit que la bibliothèque n’ait pas reçu de subvention régulière ni de la commune ni de la paroisse, ce que déplore d’ailleurs le pasteur en 1905 : « La caisse ne contient que 2.15 fr. et depuis longtemps, il n’est pas question de rien acheter, le produit des abonnements payant à peine les reliures les plus pressantes. Il faudrait absolument un fond [sic] de roulement. » (NB 10.1, 10 septembre 1905). Il faut enfin remarquer que dès les années 1930, les appels aux subsides des conseillers de paroisse disparaissent des procès-verbaux et la bibliothèque y est de moins en moins mentionnée (le plus souvent, pour parler de ses comptes en déficit. On trouve cependant une seule fois la remarque que ses comptes sont « heureusement en équilibre » (NB 10.2, Rapport sur la marche de la paroisse 1939 – 1940)), ce qui semble montrer un certain désintérêt vis-à-vis de la bibliothèque, qui se fera encore plus marqué dès les années 1950 : dès 1956, on ne trouve plus aucune mention de la bibliothèque dans les procès-verbaux du Conseil de paroisse.

Urbain, Fenimore et les autres : le fonds

Le classement du fonds est globalement fait par ordre d’entrée des ouvrages dans la bibliothèque, et les cotes consistent en une simple numérotation, de 1 à 1629. On devine néanmoins des classements antérieurs au début du fonds : ainsi les 31 premiers ouvrages sont religieux, puis un classement par auteurs de ce que le catalogue du XIXe siècle nomme les « mélanges » (pour la plupart, des romans) apparaît pour les cotes 66 à 159. Après cette cote, il semble que le classement par auteur ait été abandonné (il est en effet difficile de le conserver lorsqu’on n’a pas laissé de cotes vides ni de place dans le cahier pour rajouter un nouvel ouvrage d’un auteur déjà cité, et les responsables de la bibliothèque n’ont pas utilisé de catalogue sur fiches, seul système qui aurait rendu ce classement possible à long terme) pour un classement par ordre d’acquisition qui se poursuit ensuite tout au long de l’existence de la bibliothèque. On trouve également entre les cotes 170 à 320 des ouvrages essentiellement d’histoire ou de géographie, ce qui semble là aussi être un vestige d’un classement thématique qui n’a pas été perpétué.

D’une manière générale, la bibliothèque ne pratique pas de désherbage, et les ouvrages achetés dès 1865 ont été conservés jusqu’à sa fermeture. Ce qui facilite notre tâche mais a dû, en plus de l’absence de classement logique, rendre plutôt malaisée celle des usagers de la bibliothèque au XXe siècle !

D’un point de vue matériel, les ouvrages sont presque tous fourrés ou reliés (bien qu’on trouve quelques ouvrages simplement brochés, certains en assez mauvais état d’ailleurs), la plupart du temps par la bibliothèque elle-même vu l’homogénéité des reliures. On distingue ainsi plusieurs grandes périodes dans les reliures, comme le montre l’image suivante, où elles sont classées par ordre chronologique :

Les ouvrages sont pour la plupart de petits volumes, in-8° ou in-12°, ne dépassant le plus souvent pas les 20 centimètres de haut, donc plus maniables et moins coûteux. Ils sont également souvent illustrés de gravures, surtout pour les ouvrages de la fin du XIXe siècle (les livres de Jules Verne notamment). Certains ouvrages, pas plus d’une centaine, semblent néanmoins plus « luxueux » (tranches dorées, grands formats, reliures en cuir de couleur…) et sont pour la plupart probablement des dons. Ils sont en effet plutôt rares dans le fonds, portent souvent un ex-libris, et nous savons depuis le chapitre précédent que les ressources de la bibliothèque ne lui permettaient sans doute pas l’achat de ces ouvrages moins bon marché que les autres.

Les ouvrages, surtout les plus anciens, semblent enfin avoir été beaucoup lus, à l’image de cette page de Matinées d’Automne d’Urbain Olivier qui se prêterait sans doute particulièrement bien à un relevé d’empreintes digitales :

En ce qui concerne les éditeurs et les éditions, on recense 156 éditeurs différents dans le fonds. 99 ne sont présents que par 1 à 3 livres et il faut relever le nombre relativement considérable d’éditeurs liés à la religion. Si l’on prend les éditeurs cités comme clairement protestants par François Vallotton(4), on compte 220 ouvrages, et si on élargit ce compte aux publications d’éditeurs ouvertement religieux tels que Labor & Fides, Spes, Je Sers, La Librairie des Semailles, diverses sociétés religieuses, le Secrétariat des Missions de Bâle et les Editions de l’Eglise nationale vaudoise, ce nombre monte à 364 ouvrages, soit un peu plus d’1/5 du fonds. Les lectures religieuses sont d’ailleurs une préoccupation prépondérante des pasteurs-bibliothécaires : ainsi en 1926, on lit dans le Journal de la paroisse de Dommartin, une mention du passage d’une « auto-librairie » dans le village : « La Bonne semeuse est une auto-librairie qui parcourt les paroisses en vendant de bons livres. Cette tournée est dirigée par un pasteur et un aide qui organisent, la veille de la vente, une conférence sur les ‘Poisons de l’esprit’, accompagnée d’un film en rapport direct avec ce sujet si important des bonnes et des mauvaises lectures » (Journal de la paroisse de Dommartin, mars 1926). On ne peut également s’empêcher de remarquer l’utilisation de l’expression « bons livres » par le pasteur lui-même, faisant (bien inconsciemment peut-être !) écho aux premières théories de la lecture populaire, et appuyant du moins cette distinction faite entre livres source de vertu et livres vecteurs de corruption.

Les ouvrages sont pour une majorité relative publiés en Suisse (46%, soit 740 ouvrages) et un tiers en France(5) (33%). L’éditeur le plus présent est Georges Bridel, avec 126 publications (10%). La description de cet éditeur par Franco Ardia correspond d’ailleurs assez bien à l’impression que donne le fonds dans son ensemble : son offre se compose en effet selon lui « exclusivement de littérature populaire à tendance moralisante, en particulier l’œuvre abondante d’Urbain Olivier. (…) Plus de la moitié des ouvrages publiés par Bridel ont un caractère didactique ou moralisant et s’adressent aux classes populaires. » (Ardia, 1998 : p. 49)

Vient ensuite la Société romande de lecture populaire, surtout représentée au XXe siècle, et qui propose des romans moins moralisateurs et plus proches de ce qu’on lit encore aujourd’hui : on y trouve par exemple les Lettres de mon Moulin d’Alphonse Daudet, et Derborence de Charles Ferdinand Ramuz (auteur, soit dit en passant, presque totalement absent du fonds).

On trouve ensuite Payot, proposant des ouvrages de genres plus variés, puis des éditeurs français : Hachette, Plon et Calmann-Lévy, qui eux publient essentiellement de la littérature distrayante et non plus moraliste : c’est ici que l’on trouve les œuvres de Jules Verne (et chez Hetzel, qui suit un peu plus loin dans le classement, bien sûr), de Charles Dickens ou encore d’Arthur Conan Doyle.

On trouve également bon nombre de collections, qu’on peut, en plus des collections religieuses, locales et à bon marché, répartir globalement en deux catégories : les collections d’évasion/d’aventure et les collections de « bons livres ». La première catégorie regroupe notamment la collection d’Hetzel, Bibliothèque d’éducation et de récréation, la Bibliothèque des merveilles de Hachette ou encore la Bibliothèque de chasse, voyages et aventures de Blériot. Dans la seconde catégorie, on peut relever la collection de La liseuse qui comprend des « ouvrages à mettre entre toutes les mains », comme d’ailleurs Le livre pour tous (Payot, puis la Société romande de lecture populaire ), la Bibliothèque des mères de famille (Firmin-Didot) ou la Bibliothèque des jeunes filles (Hachette) ; on peut relever en passant que ces collections semblent souvent s’adresser à un public féminin qui d’ailleurs, nous le verrons dans le chapitre concernant les lecteurs, forme la majorité du public de la bibliothèque.

Les matières des ouvrages

Dans l’inventaire du fonds conservé aux Archives cantonales vaudoises, les ouvrages ont été classés (mais pas physiquement néanmoins) par matières, selon le plan suivant :

0. Catalogues et registre du prêt

1. Périodiques

2. Religion/Théologie

3. Droit

4. Philosophie

5. Politique, économie

6. Sciences (Sciences naturelles, physique, médecine, agriculture, vétérinaire, économie domestique…)

7. Beaux-arts

8. Belles-lettres

8.a Littérature classique et populaire (romans, nouvelles, récits, poésie, fables, théâtre)

8.b Linguistique et Histoire littéraire

9. Histoire

9.a Histoire générale

9.b Histoire religieuse

9.c Biographies

10. Géographie (aussi les récits de voyage)

 

Cela donne la répartition suivante :

Répartition par matières des titres du fonds ancien (avant 1900)

1ère colonne : nombre de volumes

2ème colonne : nombre de titres

 

Figure 1 Répartition des matières avant 1900

Source : Inventaire PP 348 (2001 : 8)

Répartition par matières des titres du fonds après 1900


1ère colonne : nombre de volumes

2ème colonne : nombre de titres

Figure 2 Répartition des matières après 1900

Source : Inventaire PP 348 (2001 : 9)

La grande majorité du fonds est, au XIXe et encore plus au XXe siècle, composée d’ouvrages entrant dans la catégorie des belles-lettres. La bibliothèque ayant été créée après 1860, cela appuie l’évolution de la lecture populaire que nous avons relevée plus haut : il s’agit en effet de la période où le roman fait son entrée dans les bibliothèques populaires, et la bibliothèque paroissiale de Dommartin ne dément nullement cette affirmation.

Le type d’ouvrages le plus présent est globalement tous publics (on trouve en passant quelques ouvrages qu’on considérerait plutôt comme destinés à un public enfantin à l’heure actuelle : Heidi de Johanna Spyri ou les œuvres de la Comtesse de Ségur et de Louisa May Alcott) et effectivement populaire, dans les deux sens du terme : on trouve ainsi des ouvrages grand public répondant plutôt à un besoin d’évasion ; des romans d’aventure, d’anticipation ou encore sentimentaux. Parmi ceux-ci apparaissent les œuvres de Jules Verne, Henri Gréville, Arthur Conan Doyle, Delly… D’autre part, on rencontre également des ouvrages plus moralistes peut-être et ancrés dans la réalité des lecteurs concernés : de la littérature villageoise, ou se passant dans le canton de Vaud, et dont les personnages ont des préoccupations qui pourraient se rapprocher de celles d’un public rural du XIXe siècle (ou du moins de celles que leurs prêtent les auteurs !) : le travail, le mariage, la religion, les relations avec son entourage, l’opinion publique… On trouve également des thèmes influencés par l’actualité : lors des deux guerres mondiales apparaissent des ouvrages traitant de l’antimilitarisme ou des récits de soldats ou d’infirmières ayant travaillé dans des hôpitaux militaires.

La morale et la religion sont également assez présentes dans le fonds, pas tant sous forme de traités (selon les graphiques que nous venons de voir, la théologie ne représente en effet qu’1% du fonds) qui sont peut-être jugés inaccessibles ou sans grand intérêt (sans doute avec raison) pour le public visé, mais plutôt dans les romans eux-mêmes. Aucun ne suscite a priori de controverse d’un point de vue moral (on trouve Un cœur simple de Flaubert mais pas Madame Bovary !), mais certains semblent également être ouvertement moralisants, et mettent parfois en scène des personnages dont les comportements considérés comme mauvais sont punis, et les bons récompensés (il en va ainsi des héros du n° 1133, Hors la Loi, publié au début du XXe siècle : des parents vivant sous le même toit sans être mariés voient leur fils mourir après que ses camarades de classe se sont moqués de lui pour cette raison ; perte considérée comme une punition divine pour avoir enfreint une règle religieuse et sociale), et la morale et l’ordre établi servent souvent de décor à des personnages qui s’y opposent mais finissent toujours par rentrer dans le « droit chemin » : ainsi, le n° 402, Une fortune de Lydia Branchu, met en scène une couturière devenue riche par hasard qui, à force d’ennuis causés par ce nouvel état, va finir par devenir plus charitable et résignée qu’elle ne l’était auparavant.

Il est difficile d’apprécier quel versant de la littérature populaire (simplement « grand public » ou clairement moralisante) prédomine dans le fonds, du moins sans lire chaque ouvrage, mais relevons en tout cas que les deux se côtoient sans qu’il semble être fait une distinction particulière entre eux de la part des responsables.

Dans les autres types d’ouvrages rencontrés, l’histoire puis la géographie arrivent respectivement en deuxième et troisième position ; ces deux matières sont d’ailleurs en partie regroupées sous les cotes 170 à 320 dans ce qu’on a supposé plus haut être un vestige de classement par thèmes, preuve que les responsables de la bibliothèque les considéraient probablement comme proches. Il faut noter enfin que les récits de voyage et d’aventure (du type des œuvres de Mayne Reid notamment) prenant place dans des contrées exotiques (Chine (n° 281), Jamaïque (n° 286), Syrie (n° 258), et même Suisse allemande (!) (n° 261)) semblent également avoir été considérés comme relevant de la géographie par les pasteurs responsables de la bibliothèque.

Le domaine des sciences quant à lui subit une grande diminution entre le XIXe et le XXe siècle, passant de 33 à 7 ouvrages, ce qui semble confirmer une tendance, d’ailleurs relevée par l’auteure de l’inventaire du fonds elle-même, à se tourner encore plus vers la distraction avec le temps. La majorité des ouvrages présents dans le fonds, quelle que soit leur époque, sont d’ailleurs plutôt pratiques que théoriques. Si on trouve quelques ouvrages de vulgarisation scientifique (Les merveilles célestes (n° 334) ou Les nouveautés de la Science (n° 894)), la majorité de ce domaine est composée d’ouvrages plus proches du quotidien d’un public rural, et concernant les techniques agricoles, l’économie domestique, l’élevage d’animaux « domestiques » au sens large du terme (les chevaux et les poules, mais également les abeilles !) ou encore de médecine vétérinaire. Il semble de ce point de vue que la bibliothèque se rapproche quelque peu des bibliothèques populaires que nous avons décrites au chapitre précédent, dans sa volonté d’éduquer son lectorat.

Enfin, les deux types d’ouvrages globalement les moins présents restent la théologie « théorique » et les périodiques. On ne rencontre presque pas de traités de théologie, et ceux qui sont présents dans le fonds proviennent manifestement de dons (de la part de l’Académie de Lausanne et du pasteur François Milliquet notamment), mais nous l’avons vu, même les ouvrages distrayants sont souvent teintés de religion d’une manière ou d’une autre. En ce qui concerne les périodiques, ils sont relativement nombreux au XIXe siècle, notamment par les volumes de La Famille, un périodique publié par Georges Bridel dont on a déjà relevé les orientations religieuses et moralistes, de Rayon de Soleil (un périodique religieux adressé aux enfants), de la Ferme suisse ou encore du Magasin pittoresque. Là encore, la volonté éducative des responsables se fait sentir : ces périodiques donnent souvent des conseils pratiques (La Famille propose des patrons de couture par exemple), proposent des récits plus ou moins moralisants et donnent également parfois des informations scientifiques. Il ne semble pas que la bibliothèque était abonnée à ces périodiques : beaucoup d’années manquent, certains titres n’apparaissent que ponctuellement, d’autres (à la vue des dates des ouvrages qui les entourent) semblent avoir été acquis longtemps après leur parution. Il faut finalement noter que les périodiques sont essentiellement présents au XIXe siècle, et on n’en trouve plus aucun après 1910, sans qu’on puisse déterminer avec certitude pour quelle raison.

On peut ainsi dire que de manière générale, le fonds de la bibliothèque paroissiale de Dommartin peut être qualifié de réellement populaire, dans le type des bibliothèques d’après 1960 : on y ressent cette volonté d’instruire et de distraire à la fois, puisqu’on y trouve des romans, parfois moralisateurs mais en tout cas toujours moraux, écrits par des auteurs qu’on peut souvent rattacher au mouvement de lecture populaire, de même que des ouvrages pratiques. Ainsi, selon Jean-François Pitteloud (Pitteloud, 1998, p.468), Thomas Mayne Reid que nous avons mentionné plus haut relève uniquement de la littérature religieuse et paroissiale, et on recense dans le fonds 22 auteurs mentionnés comme populaires (et suisse-romands, ce qui renforce le caractère local de la « politique d’acquisition », même s’il est quelque peu anachronique de l’appeler ainsi !) par les ouvrages Littérature populaire et identité suisse et Bonnes lectures de Daniel Maggetti.

Les lecteurs et leur utilisation du fonds

Le profil des lecteurs

Une liste de tous les emprunteurs entre 1934 et 1960 a été établie sur la base du registre de prêt ; en tenant compte de certaines approximations (le prénom du lecteur n’était pas toujours précisé, certaines femmes peuvent apparaître à la fois sous leur nom de jeune fille puis sous le nom pris lors de leur mariage…), on dénombre au moins 196 emprunteurs différents à la bibliothèque de Dommartin. C’est plus que la population du village durant la période concernée, mais ceci découle du fait que les emprunteurs viennent des cinq villages de la paroisse et que le nombre est à répartir sur près de trente ans : il y a en effet une moyenne de 15 lecteurs différents chaque année, et le maximum est atteint en 1944 avec (seulement) 37 lecteurs.

Le lectorat est majoritairement féminin, comme le montre le graphique suivant (les « inconnus » sont les lecteurs dont le prénom n’était pas mentionné, ou dans deux cas, était mixte) :

Notons que cela rejoint la remarque faite plus haut, sur le nombre relativement important de collections semblant destinées à un public principalement féminin.

En ce qui concerne l’évolution du nombre de lecteurs, on constate globalement une augmentation dans les années 1940, peut-être à cause de la guerre qui aurait accru le besoin d’évasion des habitants de la paroisse, ou à cause d’autres éléments plus locaux dont il est difficile de préjuger (on ne trouve pas de trace d’une « campagne de promotion » particulière de la bibliothèque à cette époque, mais il n’est pas impossible qu’il y ait eu un mouvement fait en ce sens par un pasteur, par exemple). D’ailleurs durant cette même période, le nombre d’hommes ne chute pas particulièrement à la bibliothèque (il augmente même, puis subit une diminution dès 1945), ce qui laisserait supposer(6) que les lecteurs masculins sont peut-être des enfants ou des personnes âgées, n’ayant donc pas été mobilisés.

Quant au profil du lectorat, il est assez difficile à établir. Il a été possible de déterminer la profession de 41 lecteurs, ce qui est très peu et ne permet pas de tirer de conclusions réellement probantes pour l’ensemble. Voici néanmoins les métiers représentés, et le village d’origine des personnes les exerçant(7) :


 

A l’observation de ce tableau, on peut relever plusieurs choses : les lecteurs viennent de manière assez homogène de toute la paroisse, ce qui s’explique sans doute par le fait que l’église de Dommartin attire des protestants des cinq villages de la paroisse. Relevons également que les membres du Conseil paroissial et les moniteurs de l’école du dimanche, directement liés à la paroisse et par conséquent à la bibliothèque (les membres du Conseil paroissial sont également ceux qui choisissent les livres de la bibliothèque), sont au nombre de 13, ce qui représente tout de même 31 % du total. Sans doute étaient-ils les mieux placés pour savoir quels ouvrages pouvaient les intéresser dans la bibliothèque, mais cela pose la question de la perception qu’en avaient les autres habitants du village (s’y intéressaient-ils, y venaient-ils seulement ?). D’autre part, on trouve également 7 agriculteurs, ce qui dans ce cas est plus représentatif de la population du village, essentiellement agricole à l’époque selon le Dictionnaire historique de la Suisse.

41 lecteurs sur 196 ne permettent néanmoins pas de tirer de conclusions valables sur le profil du lectorat. Cependant, il est possible d’estimer le taux de pénétration de la bibliothèque : en 1950, le nombre d’habitants dans la paroisse était de 668(8), les 37 lecteurs fréquentant la bibliothèque au plus fort de son activité en 1944 ne représentent que 5.5% de cette population, ce qui semble très peu pour une bibliothèque tout public selon la composition de son fonds.

L’utilisation du fonds

En premier lieu, il faut relever qu’il manque beaucoup de mois dans le registre de prêts, surtout entre 1956 et 1960 ; mais les mois de juillet à septembre sont souvent vides ou presque, ce qui peut être lié au fait que la population de la paroisse étant majoritairement agricole, les mois d’été sont réservés aux travaux dans les champs (ou à la rigueur, à d’autres activités en plein air) et ne laissent pas réellement de temps à la fréquentation de la bibliothèque. Les rares lecteurs qui empruntent des livres durant cette période sont notamment un soldat et un épicier, ce qui corrobore cette hypothèse.

On n’observe pas d’évolution cohérente du nombre de prêts au fil des années : il y a une augmentation qu’il est difficile d’expliquer en 1939, les années 1941 et 1942 n’existent pas dans le registre sans qu’on sache pourquoi, puis le nombre se maintient globalement et chute à la fin des années 1950 pour ne plus vraiment remonter jusqu’à la fermeture de la bibliothèque, comme le montre le graphique suivant :

Les taux de rotation de la bibliothèque sont également très bas : le plus haut culmine à 0.163 en 1938(9), et descend à 0.004 en 1956, où seuls 6 ouvrages sont prêtés. Tout cela est très loin du taux de rotation « acceptable » qu’on estime aujourd’hui à 3, et même s’il faut tenir compte de l’époque et que ce que les critères actuels ne sont pas forcément applicables aux années 1930 à 1960, cela tend à prouver que le fonds n’attirait pas réellement les lecteurs. Cela d’autant plus que selon l’enquête sur les bibliothèques suisses d’Ernst Heitz (Heitz, 1872 : p. 53), réalisée en 1872 et dans laquelle figure la bibliothèque de Dommartin, ce taux de 3 était possible à atteindre : la bibliothèque populaire de Goumoëns-la-Ville a ainsi enregistré cette année-là 1288 prêts pour un fonds de 388 volumes (3.3). Notons que le taux de rotation de la bibliothèque paroissiale de Dommartin dans cette enquête est nettement plus haut qu’au XXe siècle, mais loin de l’ « exploit » de Goumoëns : on compte 190 prêts pour 260 volumes (0.7).

Enfin, concernant les types d’ouvrages prêtés, c’est également la matière la plus présente dans le fonds qui est plébiscitée par les lecteurs : les belles-lettres. Durant tout le temps couvert par le registre de prêts, elles dominent de manière écrasante : 93% en 1935, 85% en 1944 et jusqu’à 97% en 1958-1959 ! De ces trois années, 1944 est la plus diversifiée (si l’on peut dire) : on a également prêté des ouvrages de géographie, de droit (un seul !) et des biographies. Mais la théologie, les périodiques ou encore l’histoire religieuse ne semblent pas faire recette, comme le montre le tableau général suivant :

Cela nous permet néanmoins de constater que contrairement à ce qu’il a pu être fait dans certaines bibliothèques, il semble que le pasteur-bibliothécaire n’obligeait pas les lecteurs à emprunter également un ouvrage documentaire lorsqu’ils choisissaient un roman. Il est de manière générale plutôt difficile en l’état d’interpréter ces informations sur le prêt, qui fluctuent sans qu’on puisse toujours déterminer une cause à leur augmentation ou diminution (excepté vers la fin de l’existence de la bibliothèque, où tout concourt à faire preuve d’un désintérêt manifeste des lecteurs comme des responsables, mais nous y reviendrons au chapitre suivant). Il semble quoi qu’il en soit que la bibliothèque de Dommartin était réellement une bibliothèque de distraction plutôt que d’éducation, au XXe siècle en tout cas, d’une part par la composition de son fonds, mais surtout par les choix de ses lecteurs, qui l’utilisent comme telle en dépit de la volonté supposée des responsables de la rendre également éducative.

La fermeture de la bibliothèque

Les procès-verbaux du Conseil de paroisse semblent suivre la fréquentation de la bibliothèque, qui diminue inexorablement dès le milieu des années 1950 : en effet, les mentions de la bibliothèque dans ces procès-verbaux vont aussi en diminuant, et disparaissent tout à fait après 1956. En ce qui concerne la fréquentation de la bibliothèque, les pasteurs font souvent des remarques à son sujet, comme en 1939 : « Dans un même ordre d’idées, nous possédons une Bibliothèque paroissiale qui ne manque certainement pas de livres fort intéressants. Or, la T.S.F. a fait chez nous un grand tort à la lecture qu’elle ne pourra pourtant jamais remplacer. La Bibliothèque a été un temps quasi-abandonnée ; elle retrouve maintenant des faveurs, surtout auprès des jeunes, et nous en sommes heureux » (NB 10.2 : 1939)

Et en 1956 : « Nous croyons que nos jeunes lisent peu (…). Nos jeunes sont-ils trop accaparés par le travail de la campagne, à l’heure où la main-d’œuvre manque ? et serait-ce la raison pour laquelle la lecture n’est plus possible ? Nous le pensons. La fatigue du corps n’appelle pas précisément la lecture. En tout état de cause, la bibliothèque paroissiale est pratiquement désertée par les jeunes. » (NB 10.2 : 1956)

La constatation est toujours la même, la bibliothèque n’est pas aussi fréquentée qu’on l’aimerait (sauf en 1939, ce que confirment les statistiques des prêts, sans pour autant que l’on en connaisse la cause), quelle qu’en soit la raison – raison que les pasteurs semblent d’ailleurs toujours considérer comme extérieure, ne remettant jamais en question l’intérêt intrinsèque du fonds ! Et pourtant, la question aurait probablement été pertinente : l’absence de désherbage fait que des ouvrages pour certains quasiment centenaires en 1950 se trouvaient encore dans le fonds, leur état de conservation n’était pas toujours bon comme on a pu l’observer plus haut, et les romans moralisants qu’on trouve en quantité plaisaient probablement peu à un public du milieu du XXe siècle. Ajoutons à cela l’absence de classement autre que par ordre d’entrée et peut-être, les horaires d’ouverture par trop réduits (après le culte, ou en tout cas un seul jour par semaine), le peu de renouvellement du fonds vers la fin de son existence, et la bibliothèque avait tout pour décourager les lecteurs, ce qu’a résumé de manière assez parlante une habitante de Dommartin lors de ma visite pour consulter les procès verbaux : « c’étaient de vieux livres… » ! Il aurait été néanmoins difficile, malgré toute la bonne volonté des responsables – et on ne doute pas qu’ils en avaient – de moderniser la bibliothèque compte tenu du peu de moyens dont elle disposait, comment nous l’avons vu.

L’amélioration des moyens de transports a peut-être également joué un rôle : la ligne Lausanne-Echallens-Bercher a été inaugurée en 1873, et dès lors il était moins problématique pour les lecteurs insatisfaits d’aller chercher une bibliothèque plus à leur goût.

Enfin, il semble qu’une raison non moins importante de la fermeture de la bibliothèque réside dans le Conseil de paroisse lui-même : dès les années 1940, d’autres préoccupations deviennent prépondérantes dans les procès-verbaux. La baisse de la fréquentation des cultes (qui entraine sans doute aussi celle de la bibliothèque, soit dit en passant) est source d’inquiétude, la population du village diminue elle aussi, les finances de la paroisse sont globalement déficitaires… De plus, en 1961, le pasteur de l’époque, Marc Mottier, démissionne de manière soudaine et ne sera pas remplacé avant 1963. Tout cela laisse penser que la bibliothèque, ne suscitant déjà plus que peu d’intérêt de la part des lecteurs, a également été oubliée par le Conseil de paroisse alors dans la tourmente…

Conclusion : bibliothèque populaire, publique, autre ?

On peut dire pour conclure que la bibliothèque paroissiale de Dommartin correspond par plusieurs points à la description que fait la littérature des bibliothèques populaires, et malgré quelques particularités propres, on peut considérer qu’elle s’inscrit assez clairement dans ce mouvement.

Tout d’abord, la volonté des responsables : certains pasteurs affirment eux-mêmes vouloir promouvoir les bons livres et lutter contre les mauvais, comme nous l’avons vu avec la déclaration du pasteur Richard Moreillon concernant l’auto-librairie des éditions Labor & Fides. Le fonds reflète cette volonté, ne proposant pas de livres controversés, mais uniquement des ouvrages grand public, faciles d’accès (tant physiquement que par leur contenu), pratiques, distrayants, instructifs, moraux, et liés à la religion parfois, puisqu’il s’agit d’une bibliothèque paroissiale ; en un mot, inoffensifs. Les auteurs eux aussi comme nous l’avons vu appartiennent souvent au mouvement de lecture populaire. Le fonds évolue passablement avec le temps, la science disparaissant au profit des romans par exemple, mais comme les premiers ouvrages sont conservés, le fonds reste globalement le même au final.

La bibliothèque de Dommartin s’inscrit donc dans cette seconde phase de la lecture populaire, après 1860, du moment où le roman est admis dans les bibliothèques populaires ; elle n’a jamais été une bibliothèque uniquement édifiante, et n’a sans doute jamais eu cette volonté d’ailleurs (le pasteur ne forçant pas les lecteurs à emprunter un ouvrage documentaire avec un roman, par exemple –du moins au XXe siècle). On ne perçoit pas de clivage entre les parties du fonds, et il semble que pour les responsables, les romans sont tout aussi respectables que les ouvrages documentaires ; par contre, les lecteurs semblent préférer les premiers !

Ce désaccord entre les pasteurs, qui ne remettent jamais en question la composition du fonds et cherchent les raisons de l’abandon de la bibliothèque dans des facteurs externes, et les lecteurs qui viennent de moins en moins au fil du temps et préfèrent largement les romans quand ils le font est d’ailleurs à relever : il semble que le fonds et son classement, du moins au XXe siècle, n’étaient décidément plus adaptés au public qu’ils tentaient de viser, ce qui est probablement, avec les autres problèmes qu’a connu la paroisse et les nouvelles possibilités qui s’offraient au public, une des raisons de la fermeture de la bibliothèque. Il est en effet impossible de demander au public de s’adapter à un fonds et non le contraire, hier comme aujourd’hui !

La bibliothèque de Dommartin illustre par conséquent assez bien le rejet qu’a subi la lecture populaire dans le courant du XXe siècle, à l’avantage de la lecture publique : la bibliothèque est restée jusqu’à sa fermeture une bibliothèque populaire, sans jamais devenir une bibliothèque publique, et c’est ce qui a sans doute en partie causé sa perte. De par son fonds obsolescent d’une part, mais également de par ses horaires d’ouverture restreints, sa gestion non professionnelle, son manque de ressources qui lui interdisait toute adaptation ou encore son absence de classement thématique, ses lecteurs se sont désintéressés d’elle, puisqu’elle ne répondait plus à leurs besoins. Toutes ces choses étaient probablement déjà offertes par d’autres bibliothèques des alentours, plus faciles à atteindre avec l’amélioration des moyens de communication, et la bibliothèque paroissiale de Dommartin semblent n’avoir pas pu s’adapter à ce changement.

Ce qui est un mal pour un bien (toutes proportions gardées…) cependant : le fait d’avoir conservé presque l’entier du fonds ainsi que les registres de prêts (que l’on possède rarement pour les bibliothèques de cette époque), de même que le classement par ordre d’acquisition qui permet de préjuger de l’évolution du fonds facilite grandement l’étude de cette bibliothèque, et la rend d’autant plus intéressante d’un point de vue historique. L’entier de la bibliothèque, plutôt que les documents qui la composent, devient dès lors un document d’archive en soi, et prend un sens particulier. De même que l’étude de la bibliothèque n’a pas tant d’intérêt en elle-même que comparée à d’autres, dans le but peut-être d’avoir un jour une vision d’ensemble de la lecture dans le canton de Vaud aux siècles précédents…

Bibliographie

Fonds d’archives

Archives cantonales vaudoises

Les inventaires des fonds suivants et les documents d’archives en faisant partie ont été consultés :

PP 348 Bibliothèque paroissiale de Dommartin (1865-1960)

PP 405 Paroisse de Dommartin (1773-1990)

Archives communales de Dommartin

FA 1 -23 : comptes communaux. (1695-1960)

NB 3 : affaires de paroisse. Comptes. (1920-1935)

NB 10.1-3 : procès-verbaux du Conseil de paroisse de Dommartin

Ouvrages

Société de l’annuaire vaudois S.A. Annuaire et indicateur vaudois réunis. Lausanne : Société de l’annuaire vaudois s.a, 1875 ->

Archives cantonales vaudoises. Inventaire de la bibliothèque paroissiale de Dommartin (PP348). Chavannes : ACV, 2001. 17 p.

Ardia, Franco et al. Figures du livre et de l’édition en Suisse romande (1750-1950), Lausanne : Fondation Mémoire Éditoriale, 1998. 121 p.

Barth, Robert, Bibliothèques et bibliothécaires en Suisse : cent ans d’association professionnelle 1897-1997. [Vevey] : Éd. de l’Aire, 1997. 371 p.

Heitz, Ernst. Die Öffentlichen Bibliotheken der Schweiz im Jahre 1868 = Les bibliothèques publiques de la Suisse en 1868. Bâle, Schweighauserische Buchdruckerei, 1872.

Maggetti, Daniel, Müller, Dieter (réunion et présentation). Bonnes lectures : textes populaires de Suisse romande, 1880-1990. Carouge-Genève : Zoé, 1992. 139 p.

Maggetti, Daniel, … [et al.]. Littérature populaire et identité suisse : récits populaires et romans littéraires : évolution des mentalités en Suisse romande au cours des cent dernières années. Lausanne : L'Age d'homme, 1991. 183 p.

Pitteloud, Jean-François. « Bons » livres et mauvais lecteurs : politiques de promotion de la lecture populaire à Genève, au XIXe siècle. Genève : Société d’Histoire et d’Archéologie, 1998. 616 p. (Mémoires et documents, t. 59).

Richter, Noë. Du conditionnement à la culture : l'offre de lecture des Lumières à la Troisième République. Bernay : Société d'histoire de la lecture, 2003. 58 p. (Matériaux pour une histoire de la lecture et de ses institutions, n° 13).

Richter, Noë. Les voies d’accès aux livres : La problématique des fondateurs de la lecture populaire 1760-1862. Bernay : Société d’Histoire de la lecture, 1999. 68 p. (Matériaux pour une histoire de la lecture et de ses institutions, n° 8).

Richter, Noë. Introduction à l’histoire de la lecture publique & à la bibliothéconomie populaire. Bernay : La Queue du Chat, 1995. 252 p.

Richter, Noë. La lecture et ses institutions : la lecture populaire 1700-1918. Bassac : Plein chant, 1987. 301 p.

Richter, Noë. Les bibliothèques populaires. Paris : Cercle de la Librairie, 1978. 227 p.

Vallotton, François. L’édition romande et ses acteurs (1850-1920). Genève : Slatkine, 2001. 477 p.

Volet, Simone. École, communes, canton : le cas du pays de Vaud. Mémoire de licence, faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, Université de Genève, 1982. 197 p.

Sites internet

Catherine, cité dans Moriere, J[ules]. : Comment les bibliothèques rurales devront-elles être composées ? […] Comment doivent-elles être composées pour être utiles ? (1862). In : Site de la bibliothèque municipale de Lisieux [en ligne]. 2003.

http://www.bmlisieux.com/normandie/bib/biblio03.htm (Consulté le 2 mars 2010).

La ligne : hier. La ligne verte [ : site du chemin de fer Lausanne-Echallens-Bercher] [en ligne], juin 2010 http://www.leb.ch/leb_hier.htm (consulté le 11 juin 2010).

Loi sur l’Instruction primaire, 28 juin 1833. In : Psychologie, éducation & enseignement spécialisé : site créé et animé par Daniel Calin [en ligne]. Dernière révision : 4 mars 2009. http://dcalin.fr/textoff/loi_guizot.html (consulté le 25 mars 2010).

Morerod, Jean-Daniel. Dommartin. In : Dictionnaire historique de la Suisse [en ligne]. 24.01.2006. http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F2360.php (consulté le 25 janvier 2011).

Notes

(1) Ainsi les milieux catholiques surtout avaient établi une classification précise en fonction du sexe, de l’âge et du « profil religieux » des lecteurs (Richter, 1999 : pp. 36 et 58.)

(2) Selon le modèle d’Eugène Morel (Richter, 1995 : p. 61.)

(3) Ainsi certaines bibliothèques genevoises ont perpétué jusqu’aux années 1970 une pratique héritée de la lecture populaire : obliger les lecteurs à emprunter également un ouvrage documentaire lorsqu’ils choisissaient un roman (Pitteloud, 1998 : p. 28).

(4) A savoir Benda, Bridel, Imer, Mignot (Lausanne), Beroud, Cherbuliez, Jeheber (Genève), Berthoud et Delachaux (Neuchâtel) (Vallotton, 2001 : p.129.)

(5) Les 21 % restants sont inconnus, soit que le livre ait perdu sa page de titre soit que l’éditeur ou le lieu d’édition ne soit pas mentionné.

(6) Car il n’a pas été possible durant ce travail de Bachelor de déterminer l’âge des lecteurs.

(7) Les professions des lecteurs proviennent de l’annuaire vaudois.

(8) Sur la base des articles des villages de la paroisse dans le Dictionnaire historique de la Suisse.

(9) 236 ouvrages prêtés sur un fonds alors estimé à 1450 ouvrages.

Un style de citation standard pour Zotero

Laure Mellifluo, Haute Ecole de Gestion, Genève

Michel Hardegger, responsable de l'Infothèque, Haute Ecole de Gestion, Genève

Raphaël Grolimund, Bibliothèque de l'EPFL

Un style de citation standard pour Zotero

Intoduction

Zotero est enseigné depuis quelques années dans la filière Information documentaire (ID) de la Haute école de gestion de Genève (HEG). D’autre part, l’Infothèque de la HEG fournit un guide de rédaction des citations et des références bibliographiques inspiré de la norme ISO 690, repris par nombre d’autres Hautes écoles spécialisées (HES) en Suisse romande. Nous avons développé le style de citation pour Zotero basé strictement sur la norme ISO 690.

Le travail réalisé est le résultat d’une collaboration entre la filière ID de la HEG de Genève, l’Infothèque de la HEG et la Bibliothèque de l’EPFL.

Qu’est-ce que Zotero ?

Zotero est un logiciel de gestion de références bibliographiques au succès grandissant (Duong 2010). Ce type de logiciels permet de créer, de trier, de réutiliser et d’exporter des références bibliographiques quel que soit leur support (livre, article de revues, page web, carte, film...). Ces outils sont très utiles aux étudiants et aux chercheurs qui doivent documenter et référencer leurs recherches. (ANON. 2011)

Zotero est un module d’extension pour Firefox, qui permet de créer des bibliographies en quelques clics de souris sans quitter son navigateur. Lorsqu’on se trouve sur la page de résultats d’un catalogue de bibliothèque ou d’une base de données compatible avec Zotero, une icône apparaît dans la barre d’adresse du navigateur. Cette icône représente un livre, un article, etc. selon le type de document présenté sur la page web. Un clic sur cette icône ajoute la référence dans sa bibliothèque Zotero personnelle. Depuis peu, Zotero est également compatible avec les navigateurs Chrome et Safari (Roy Rosenzweig Center for History and New Media 2011a).

Des barres d'outils pour Word ou OpenOffice/LibreOffice permettent de faire appel à ses références sans quitter le traitement de texte. Il est ainsi possible d’insérer des citations dans le texte qu’on est en train de rédiger et d’insérer la bibliographie en fin de document. Ces ajouts sont automatiquement mis à jour si une référence est corrigée dans la bibliothèque Zotero.

Si on ajoute à ces fonctionnalités la gratuité de l'outil et sa licence libre AGPLv3 (Free Software Foundation 2007), Zotero peut parfaitement concurrencer les logiciels propriétaires tels que EndNote, RefWorks ou Mendeley.

Pourquoi ISO 690 ?

Lors de son installation, Zotero propose une quinzaine de styles bibliographiques par défaut, mais il est possible d'en ajouter de nombreux autres. Les styles déterminent à la fois la mise en forme des citations dans le texte et de la bibliographie en fin de document. À ce jour, 1763 styles sont répertoriés dans le dépôt officiel (Roy Rosenzweig Center for History and New Media 2011b). Ces styles correspondent le plus souvent à ceux demandés par des revues scientifiques spécifiques. Toutefois, un style qui n’est pas lié à une revue scientifique particulière est préférable pour les travaux d’étudiants.

S'il existe des styles génériques comme celui du Chicago Manual of Style ou de l'American Psychological Association (APA), on ne trouve aucun style complet basé sur la norme ISO 690 pour la rédaction des références bibliographiques (Organisation internationale de normalisation 2010). De plus, rares sont les styles qui permettent la création de bibliographies commentées et/ou adaptés à un contexte francophone. Nous avons donc décidé de proposer cette possibilité dans le style ISO 690.

Zotero et Citation Style Language (CSL)

La création de styles Zotero n’est pas simple. Ces styles prennent la forme de fichiers .csl (Zelle 2010). Le Citation Style Language est un format XML spécifique pour la mise en forme de bibliographies. Il est indépendant de Zotero. D'autres logiciels de gestion de références bibliographiques comme Mendeley utilisent aussi les styles CSL. Actuellement, il n'existe aucune application permettant de créer des styles selon la spécification CSL à l'aide d'une interface graphique et intuitive. Il faut passer par la lecture de la spécification CSL et le codage à la main. C’est sans doute pour cela qu’un style ISO 690 complet n’est pas encore disponible.

Nous avons décidé de créer quatre styles CSL en respectant au plus près la norme ISO 690, pour laisser le choix aux utilisateurs de choisir celui correspondant le mieux à son contexte :

●     un style auteur-date en français

●     un style numérique en français

●     un style auteur-date en anglais

●     un style numérique en anglais

Un style auteur-date présente les citations dans le texte comme illustré dans la Figure 1.

Figure 1: Exemple de citation et de bibliographie avec le style ISO 690 auteur-date.

La bibliographie présente les références citées dans l’ordre alphabétique des auteurs.

À l’inverse, un style numérique numérote les citations dans le texte (voir Figure 2).

Figure 2: Exemple de citation et de bibliographie avec le style ISO 690 numérique.

La bibliographie présente les références citées dans l’ordre croissant, qui correspondent à leur ordre d’apparition dans le texte. La norme ISO 690 laisse le choix entre ces deux styles. Nous avons donc créé les deux.

Tous les styles créés permettent de réaliser des bibliographies commentées avec résumé de l'auteur, cote, localisation et commentaires personnels de l'utilisateur. Si un champ n’est pas rempli dans Zotero, il n’apparaît simplement pas dans la bibliographie.

Une petite précision est nécessaire sur ce point. Il existe plusieurs manières de créer une bibliographie depuis Zotero. La plus simple est le glisser-déposer. Après avoir sélectionné les références désirées, il suffit de les glisser et de les déposer dans un traitement de texte ouvert (Microsoft Word ou OpenOffice.org). Il est également possible de sélectionner des références, de créer une bibliographie (sauvée dans le presse-papier) et de la coller dans un document.

La dernière possibilité implique l’installation d’un autre module destiné au traitement de texte. Le module permet à ce dernier de dialoguer avec Zotero. Il est alors possible de créer la bibliographie en appelant les références présentes dans Zotero directement depuis le traitement de texte. Ce module permet également d’insérer des citations dans le texte lors de la rédaction d’un texte (voir Figure 3).

Figure 3: Fenêtre d’ajout d’une citation dans Word 2007.

Le style de citation est appelé quelle que soit la méthode choisie.

Droits d’utilisation

Comme la plupart des styles CSL, les 4 styles créés sont placés sous licence Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 (Creative Commons Corporation s.d.). L’adaptation de ces styles à un contexte particulier est donc possible. Toute collaboration est la bienvenue.

Des difficultés cachées

Les styles CSL se présentent sous la forme de fichiers XML composés de cinq :

●     « info » : ce groupe contient des informations générales sur le style, ses créateurs, les droits associés, etc.     

●     « locale » : dans cet ensemble, les termes spécifiques sont déclarés dans la langue choisie, pour les utiliser ensuite pour l'affichage dans la bibliographie (par ex. « ANON. » pour un ouvrage anonyme)   

●     « macro » : les éléments créés ici sont ensuite réutilisés pour la mise en forme de la bibliographie et limiter ainsi les redondances        

●     « citation » : cette partie permet de déterminer les éléments qui seront utilisés pour les citations dans le texte (auteur-date ou numérique)

●     « bibliography » : les différents éléments  qui constitueront la bibliographie sont placés ici, en fonction des types de documents, en faisant appel aux macros créées plus haut.

Si cela peut paraître simple au premier abord, de nombreux problèmes ont été surmontés pour arriver au résultat actuel. Quand le projet a débuté en janvier 2011, Zotero utilisait encore la version 0.8 des styles CSL. La migration pour la version 1.0 étant alors déjà prévue par Zotero avec le passage de la version 2.0 à 2.1 du logiciel, nous avons décidé de commencer immédiatement le développement en CSL 1.0. Il existait alors peu de styles CSL en version 1.0 sur lesquels se baser pour débuter le travail. De nombreuses erreurs dans les premières versions des styles IS0 690 provenaient d'éléments copiés depuis des styles en version CSL 0.8 et invalides en CSL 1.0.

Une fois ce point maîtrisé et Zotero enfin officiellement migré vers la version 2.1 (supportant CSL 1.0), tout aurait dû fonctionner pour le mieux. C'est alors l’interprétation de la spécification CSL par Zotero qui a posé problème. Les styles ISO 690 ont été développés en se référant minutieusement à la spécification CSL 1.0 et aux exemples qu'elle fournit. Cependant, Zotero n'interprète pas encore correctement toutes ces règles lors de la création de bibliographies. Il a donc fallu trouver des parades pour respecter la spécification tout en obtenant le résultat final voulu.

Ce problème s'est posé notamment pour le nom de l'auteur. La norme ISO 690 prévoit que le nom de famille de l'auteur soit affiché en majuscules et son prénom en minuscule. Cela est possible avec les styles CSL 1.0, mais, pour une raison inconnue, n'est pas interprété correctement par Zotero lors que ce nom est intégré dans une macro complexe.

La solution a été de créer plusieurs petites « macro-filles » pour l'auteur, l'éditeur et le traducteur et de les regrouper dans une « macro-mère » qui affiche la responsabilité du document (voir Figure 4).

Figure 4: La mise en forme est définie dans les “macros-filles” (author, editor, translator) et le choix de la “macro-fille” à afficher est déterminé dans la “macro-mère” (responsability).

Il est en principe possible d'obtenir la mise en page suivante :

Figure 5: Style de citation numérique tel qu’il devrait s’afficher.

Cependant, Zotero n'interprète pas correctement les informations du style CSL et, dans la plupart des cas, le résultat obtenu est le suivant :

Figure 6: Style de citation numérique tel qu’il s’affiche.

Aucune solution de contournement n’a encore été trouvée à ce jour. Il convient de mentionner que seule la création de bibliographie par glisser-déposer souffre de ce défaut. En utilisant le module pour traitement de texte, tout fonctionne bien. Les autres styles numériques (IEEE, par exemple) rencontrent d’ailleurs le même problème.

Comme cela concerne le logiciel et non notre style, nous n’avons pas tenté de résoudre le problème. Une prochaine mise à jour de Zotero apportera sans doute la correction nécessaire.

Bien que la plupart des difficultés rencontrées aient été d'ordre technique, la norme ISO 690 a également été source de questionnements. Cette dernière reste très générale et laisse souvent le choix. Pour les conférences, la norme énonce par exemple que « si des conférences régulières sont tenues sous le même titre, il peut s'avérer nécessaire d'ajouter la date et le lieu de la conférence à titre de précision » (Organisation internationale de normalisation 2010, p. 13). Lorsque nous avons rencontré des formules similaires dans la norme, nous avons décidé de nous baser sur les exemples fournis dans les annexes de la norme pour trancher.

Finalement, la principale difficulté à laquelle nous n’avons pas pu apporter de solution réside dans la non concordance stricte entre Zotero, CSL et ISO 690. Ainsi, des éléments présents dans la norme CSL (Zelle 2010) ne trouvent pas toujours leur place dans Zotero (et inversement). De même, par exemple, Zotero ne connaît pas la notion de site web telle que la norme ISO 690 la mentionne, mais seulement celle de page web. Ces lacunes contraignent les utilisateurs à contrôler, à modifier et à compléter certaines notices.

La clé de la réussite

La finalisation et la publication des quatre styles a été un travail d'équipe. Élaborer ces fichiers à trois a permis de réduire la charge de travail pour chacun. Le partage des tâches et les discussions que nous avons eues ensemble nous ont permis de confronter nos différentes visions afin de surmonter les problèmes rencontrés et d’avancer dans le projet.

Pour simplifier les corrections, le travail a commencé sur le style auteur-date en français uniquement. Ensuite, à partir du moment où celui-ci a été suffisamment complet et utilisable, nous avons créé le style numérique en français. Ce n’est qu’une fois tous les tests et corrections validés que nous avons dupliqué les styles pour les traduire en anglais. Ainsi, à chaque fois qu’un problème était décelé, il n’a fallu corriger qu’un, puis deux fichiers, et non quatre.

Toujours dans le but de faciliter les modifications et de permettre à d’autres de comprendre le travail réalisé pour l’adapter à leurs besoins, nous avons codé ces fichiers CSL en évitant les raccourcis ou les abréviations. Nous avons également indenté le fichier XML pour une meilleure lisibilité. Ainsi, même dans un fichier de plus de 500 lignes, nous n’avons pas éprouvé de difficulté à retrouver les éléments.

Enfin, quand nous nous sommes posé des questions au sujet de la mise en forme de la bibliographie, nous avons toujours orienté notre choix vers une correspondance maximale à la norme ISO 690, même si cela allait à l’encontre des principes bibliothéconomiques auxquels nous sommes habitués. Nous avons ainsi par exemple décidé de ne pas mentionner le nombre de page pour une monographie, comme le recommande la norme, alors que cette donnée est toujours mentionnée dans les catalogues de bibliothèques.

Et maintenant ?

Ces styles ont été testés de manière intensive par plusieurs personnes, et sont maintenant disponibles dans le répertoire officiel des styles de Zotero: http://www.zotero.org/styles (Roy Rosenzweig Center for History and New Media 2011b). Cependant, il reste sans doute des cas de figure que nous n’avons pas étudiés. Si les problèmes rencontrés dans ces situations sont liés à notre fichier, une mise à jour des styles pourra s’avérer nécessaire.

De même, si la spécification CSL 1.0 est mise à jour, nous aurons certainement des modifications à apporter à ces styles.

Il en va de même pour la norme ISO 690. Si elle devait évoluer, les styles que nous avons créés devraient suivre cette évolution. Mais cela est moins probable.

Il reste un aspect sur lequel nous n’avons et n’aurons aucune prise: l’importation des données par Zotero. Nous rappelons donc que lors de l’ajout d’une référence dans Zotero, il convient de vérifier toutes les informations (auteur, titre, etc.). Si ces données sont correctes, la suite ne posera pas de problème. Si la référence contient une erreur, il suffit de la corriger.

D’autre part, les styles créés ne résolvent pas cent pour cent des cas de présentation des références bibliographiques, notamment pour certaines ressources comme les CD-ROMs ou les sites web, mais ils assurent une correspondance avec la norme ISO 690 dans la plupart des situations habituelles. Nous sommes limités par les possibilités de Zotero et de la spécification CSL. Dans ces cas, les particularités bibliographiques doivent être corrigées dans le traitement de texte.

Il convient donc de rendre attentifs les utilisateurs de Zotero et des styles ISO 690: il est nécessaire qu’ils vérifient leurs références lors de l’importation dans Zotero et qu’ils relisent leur bibliographie dans le traitement de texte pour obtenir un résultat correspondant en tous points aux exigences de la norme ISO 690.

Bibliographie

(créée selon le style ISO 690 auteur-date français pour Zotero)

ANON., 2011. Logiciel de gestion bibliographique. In : Wikipedia [en ligne]. [Consulté le 3 novembre 2011]. Disponible à l’adresse : http://fr.wikipedia.org/wiki/Logiciel_de_gestion_bibliographique

CREATIVE COMMONS CORPORATION, s.d. Attribution-ShareAlike 3.0 Unported (CC BY-SA 3.0). In: Creative Commons [en ligne]. [Consulté le 18 août 2011]. Disponible à l’adresse: http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0/

DUONG, Khue, 2010. Rolling out Zotero across campus as a part of a science librarian’s outreach efforts. In: Science & Technology Libraries. S.l. Vol. 29, n° 4, pp. 315-324. DOI 10.1080/0194262X.2010.523309.

FREE SOFTWARE FOUNDATION, 2007. GNU Affero General Public License. In: GNU Operating System [en ligne]. 19 novembre 2007. [Consulté le 17 août 2011]. Disponible à l’adresse: http://www.gnu.org/licenses/agpl.html

ORGANISATION INTERNATIONALE DE NORMALISATION, 2010. Information et documentation: principes directeurs pour la rédaction des références bibliographiques et des citations des ressources d’information = Information and documentation: guidelines for bibliographic references and citations to information resources. 3e éd. 2010-06-15. Genève : ISO.

ROY ROSENZWEIG CENTER FOR HISTORY AND NEW MEDIA, 2011a. Standalone Zotero Alpha. In: Zotero [en ligne]. 9 juin 2011. [Consulté le 17 août 2011]. Disponible à l’adresse: http://www.zotero.org/support/standalone

ROY ROSENZWEIG CENTER FOR HISTORY AND NEW MEDIA, 2011b. Zotero style repository. In: Zotero [en ligne]. 2011. [Consulté le 17 août 2011]. Disponible à l’adresse: http://www.zotero.org/styles

ZELLE, 2010. Citation Style Language 1.0: language specification. In: CitationStyles.org [en ligne]. 30 mai 2010. [Consulté le 17 août 2011]. Disponible à l’adresse: http://citationstyles.org/downloads/specification.html

La dimension humaine de l'intelligence économique : valeurs, organisation, réseaux et influence : compte-rendu de la 8ème Journée franco-suisse en intelligence économique et veille stratégique, 16 juin 2011, Haute école de gestion de Neuchâtel

Maurizio Velletri, Haute Ecole de Gestion, Genève

Françoise Simonot, professeur, Département information-communication, IUT de Besançon, Université de Franche-Comté

La dimension humaine de l'intelligence économique :  valeurs, organisation, réseaux et influence : compte-rendu de la 8ème Journée franco-suisse en intelligence économique et veille stratégique, 16 juin 2011, Haute école de gestion de Neuchâtel

La dimension humaine de l'intelligence économique préexiste à la dimension technologique. Aucun dispositif de veille ne peut valablement être mis en place sans qu'une stratégie d'entreprise ne soit définie et que des personnes l'animent en permanence : veilleurs, capteurs d'information, analystes, décideurs, etc.

Lors de cette journée, les participants ont découvert, au travers de témoignages d'entreprises suisses et françaises, la manière dont ces dernières ont appréhendé la dimension humaine de l'intelligence économique, dans des environnements essentiellement technologiques.

En préambule, messieurs Olivier Kubli, directeur de la HEG arc de Neuchâtel, Pascal Sandoz, conseiller communal ainsi que François Courvoisier, professeur HES et membre du comité d'organisation ont souhaité la bienvenue aux participants (environ 50) ainsi qu'aux 7 intervenants.


1. « Le facteur humain dans l’IE, utilisation des réseaux d’influence » Jean-Jacques Rechenmann

Jean-Jacques Rechenmann, consultant en marketing et développement international, directeur de SitesFederateurs.com, à Paris, a d’emblée rappelé l'importance de l'utilisation des réseaux d'influence, mettant le facteur humain au cœur de l'Intelligence économique.

Il nous a fait part de son scepticisme quant à l’utopie qui tendrait à l’automatisation complète du processus de veille. La réalité est selon lui toute autre. Reprenant une définition du Captain William S. Brei(1) sur l’intelligence (traduit par renseignement en français), il en ressort 2 composantes essentielles : le client et le facteur humain comme étant au cœur de l’IE.

Jean-Jacques Rechenmann  expose trois  retours d’expérience mettant en avant l’importance du facteur humain à travers les réseaux d’influence : dans les pays de l’Est par exemple, les études documentaires préalables et les rencontres avec les importateurs ne suffisent pas,  il faut connaître « le réseau invisible » qui seul pourra « homologuer » le candidat à l’exportation et prendre les décisions. Au niveau international, l’identification et la cartographie des acteurs (officiels ou non) et des sphères d’influence, à partir du cycle de vie du produit, est donc une étape lourde, mais primordiale pour la conquête d’un marché.

Il faut exploiter les réseaux d’influence tout en protégeant l’information vitale (son savoir-faire et sa technologie) et en améliorant sa communication  de manière intelligente : il faut communiquer sur la solution et non sur les moyens, sur le client et non sur le produit. De plus, aujourd’hui, une entreprise se doit d’optimiser sa communication  afin d’anticiper les éventuelles attaques sur sa réputation : c’est le meilleur moyen de rendre non crédibles les informations nuisibles qui pourraient être divulguées sur elle et ses produits.


2. « Organisation de la veille marketing : convaincre les sceptiques » Philippe Jacot et Brice Renggli

Messieurs Jacot et Renggli, respectivement CEO et responsable marketing et intelligence marché de l’entreprise Tornos à Moutier, ont présenté l’organisation de leur veille marketing et la difficulté qu'ils avaient à convaincre les sceptiques à adopter cette démarche.

Tornos a mis en place en 2007 une démarche d’intelligence économique, qui est organisée autour de trois grands types de veille: Intelligence marché, concurrentielle et technologique. La direction, qui soutient la cellule de veille, s’évertue à convaincre les salariés de s’impliquer dans la veille et à leur montrer l’intérêt qu’ils ont à y participer.

Tornos mise tout particulièrement sur l’importance de bien connaître et servir sa clientèle : la connaissance du marché et des besoins des clients est donc la base sur laquelle sont établies les « roadmaps » produits et technologies, constitutives de la stratégie de l’entreprise.
Cela passe par l’art de se poser les bonnes questions, de développer sa clientèle, de bien répondre à leurs attentes, de bien positionner les problèmes qu’on a par rapport aux concurrents.

Les informations récoltées émanent de sources primaires (fournisseurs, clients, agents, filiales, office de la statistique…) et de sources secondaires (rapport annuel des concurrents, communiqués de presse des concurrents, tout ce qu’on peut trouver sur internet). Le travail de collecte, de tri, de clarification et de synthétisation de l’information aboutit notamment à l’élaboration de trois outils :

  • Une base de données d’informations concurrentielles, qui permet de gérer correctement des échanges ritualisés d’informations, trois fois par an, avec les concurrents, selon une sorte de « gentleman agreement » ;
  • Un indicateur intitulé « decolletage relevance », qui permet de suivre l’évoution de la taille du marché
  • Une synthèse annuelle sous forme d’un slide par marché, établissant les prévisions jusqu’à l’année n+4, et des quelques informations diverses les plus importantes pour l’entreprise.

Selon Brice Renggli, toute cette démarche est donc orientée vers le  « business forecast », faculté d’anticiper grâce à une information minutieusement décantée, avec pour résultat concret et vécu, la capacité de prévenir un défaut d’approvisionnement sur la supply chain (chaîne logistique), un  licenciement économique ou une restructuration.


3. « L’animation d’une communauté d’entreprises » Stéphanie Barthélémi

Stéphanie Barthélémi a fait part de son expérience de community manager de Haute-Savoie Ecobiz, un réseau regroupant quatre communautés d’entreprises et d’ acteurs économiques de la Haute Savoie (ouverte également aux entreprises du Genevois).

Cette base de connaissances permet aux entreprises d’entrer en contact et de créer des synergies, de partager des expériences et savoir-faire, d’accéder à des informations élargies, pertinentes et ciblées selon leurs besoins et thématiques, de rencontrer les différents acteurs de leurs domaines ainsi que de créer des sous-réseaux de compétences et de coopération.Cependant, il reste encore difficile d’en mesurer les résultats.

La gestion de ce réseau se fait :

  • de manière virtuelle à travers la plateforme collaborative en ligne, qui permet la mise à disposition de forums, flux RSS, alertes, ressources documentaires, etc.
  • à travers des rencontres physiques régulières,  sous forme d’ateliers pratiques, de petits déjeuners, tables rondes, ou encore  de Speed Business Dating. Chaque mois, ces rencontres réunissent une vingtaine d’entreprises.

Pour qu’une communauté d’entreprises perdure, la présence de community managers est nécessaire,  mais il y a d’autres facteurs de réussite : bien définir l’objectif d’une telle communauté, commencer petit mais prévoir grand, inciter les entreprises (à travers des experts) à participer de manière active,  s’impliquer,  bien connaître ses adhérents (notamment le petit noyau de participants motivés) et associer les activités en ligne et les rencontres physiques.

4 . « Veille en PME : l’humain comme facteur de réussite …  ou comment utiliser au mieux les ressources de chacun » Fabien Noir

Fabien Noir a présenté l’organisation de l’intelligence économique au sein de l’entreprise Sonceboz sise à …Sonceboz.

L’intelligence économique y constitue une business unit, sur la base d’un processus écrit, audité régulièrement. Chacune des douze applications principales de l’entreprise fait l’objet d’une veille, organisée par un animateur particulier, et dont les résultats sont régulièrement consignés dans un tableau de bord : cartographie des acteurs, volumes et prix, indicateurs précis sur chacun des cinq axes de veille : tendances marché, normes, données factuelles, comparaisons technologiques, concurrents et clients. Les principales sources exploitées sont la presse et les portails BtoB, les expositions et conférences, les organismes professionnels et de recherche.

I’IE permet de surveiller l’évolution des champs d’activités stratégiques, de leurs applications les plus pertinentes afin d’identifier les éléments de rupture et donc les opportunités de marché pour Sonceboz. C’est un outil d’anticipation.

Pour optimiser  la participation de tous au dispositif, Fabien Noir estime qu’il faut :

  • cadrer : définir des rôles clairs et précis à tous ceux qui prennent part au processus de veille
  • éveiller : faire régner le principe d’ignorance, inciter chacun à s’interroger
  • lutter contre le filtre de l’interprétation personnelle en s’en tenant aux faits
  • tenir compte du profil cognitif de chacun : auditif, visuel, tactile, dans la répartition des tâches de veille.

Enfin, Fabien Noir insiste sur l’importance du  « feed-back » qui permet de réajuster le point de départ et la stratégie de veille.

Selon Fabien Noir, les trois facteurs-clés de succès sont, premièrement d’entretenir la motivation du veilleur par une reconnaissance tout aussi bien d’en « haut » (top down) que d’en « bas » (bottom up), deuxièmement, d’élaborer un processus permettant d’aller à l’essentiel selon le principe KISS (keep it  simple and stupid), et enfin, pour l’animateur du processus, de couvrir les différentes facettes de sa fonction (à la fois facteur, médecin, policier, etc.).


5. « Organisation de la veille pour un fournisseur interne de technologies dans un groupe international » David Coudurier

David Coudurier a exposé comment s'effectuait la veille interne au sein du groupe Saint-Gobain (environ 200 000 employés) par l'entreprise SEVA (environ 300 employés), fournisseur interne de technologie.

Le groupe Saint-Gobain développe 20 à 30 usines nouvelles par an dans le monde, et pour chaque activité, sa stratégie est d’être leader mondial, ou leader européen, à défaut de quoi l’activité est supprimée.

Le rôle de SEVA est de permettre au groupe Saint-Gobain de déployer et d’exporter sa technologie. De ce but découlent plusieurs missions :

  • La compréhension et la maîtrise des technologies utilisées par le groupe
  • Un sourcing low cost et local
  • La maîtrise de la supply chain
  • La garantie de la confidentialité des informations.

La veille permet donc de répondre au mieux et en permanence à deux questions essentielles :

  • Sur quelles technologies dois-je me positionner ? la réponse repose sur une veille technologique interne.
  • Quel va être demain mon niveau d’activité ? sur cet axe, Seva organise une veille technologique et marketing, complétée par des actions internes: organisation de réunions internes pour collecter l’information sur les projets potentiels, interrogation systématique des acteurs techniques du groupe, suivi des mouvements de personnel, tenue annuelle d’un comité d’orientation technologique regroupant les directeurs techniques, et enfin démarchage des centres de R&D pour créer des opportunités de développement.

Le système de développement technologique de Saint-Gobain peut se lire ainsi: au centre, il y a des chercheurs qui font leur travail sans penser vraiment aux applications pratiques de ce qu’ils inventent. Autour d’eux, se trouvent des ingénieurs qui vont penser aux applications pratiques. Finalement, les exploitants (SEVA) de toutes ces applications vont ainsi créer la richesse de l’entreprise.

6. « SIG et sa veille stratégique et technologique » Swati Rastogi Mayor

La dernière intervention de la journée a été faite par Swati Rastogi Mayor qui a relaté le fonctionnement de la veille stratégique au sein des Services industriels genevois (SIG). Cette entreprise fournit l'eau, le gaz, l'électricité et l'énergie thermique, elle valorise les déchets, traite les eaux usées et met à disposition un réseau de fibres optiques. Le développement durable constitue un élément de base de sa stratégie.

La veille est apparue en 2001 lorsqu’il a été question de l’ouverture des marchés de l’électricité. Elle était principalement commerciale, puis elle s’est étendue pour devenir une veille stratégique. Il n’y avait alors qu’une personne affectée à la veille, qui produisait et maintenait environ dix documents accessibles à toute l’entreprise via l’intranet.

En 2010, Swati Rastogi Mayor a repris la responsabilité de la veille en y apportant certains changements : la création d’un réseau (7 personnes à temps partiel) décentralisé de veille, une fréquence plus grande des rapports de veille sur des thèmes généraux (4 fois l’an) et spécifiques (6 fois l’an), l’accessibilité de ces documents uniquement aux CA, direction générale et aux cadres.

Les composants de la veille stratégique ont eux aussi évolué : veille législative et réglementaire, ressources humaines, veille commerciale clients, comportement d’entreprise, économique et technologique.

La veille stratégique est située au niveau de l’état-major de la direction générale, elle doit être prospective, innovante, stratégique et transversale pour couvrir toute l’entreprise avec pour objectif d’orienter l’entreprise pour qu’elle soit pro-active et tournée vers les 30 à 40 prochaines années.

Une veille ne peut se faire qu’avec de bons veilleurs, cela passe par leurs profils respectifs (expertise dans leur domaine, excellentes connaissances de l’environnement SIG, curiosité, envie de communiquer et partager, capacité analytique, facilité de synthétiser les éléments parfois complexes), mais aussi au niveau de la motivation (soutien de la hiérarchie, feed-back, remerciement, etc.).

Synthèse et clôture de la journée par Pierre Achard

Pour clore la journée, Pierre Achard a délivré une synthèse de toutes les interventions de cette 8ème journée franco-suisse en intelligence économique et veille stratégique. Il a souligné l’importance de l’implication humaine pour passer de l’information à l’intelligence, qui est pour lui le facteur fondamental.
« Le plus dur pour l’activité de veilleur c’est la lecture ! Lorsque j’étais veilleur en entreprise, je lisais en moyenne 400 pages par matinée de veille technologique, et cela aucune machine ne pouvait le faire à ma place. »

A travers ces différentes présentations, cette journée a confirmé la nécessité et la valeur ajoutée du facteur humain dans le cycle de la veille. Les praticiens de la veille le savent bien, le facteur humain est parfois difficile à intégrer et à gérer, mais résolument irremplaçable dans la construction du sens. L’une des difficultés qui apparaît dans plusieurs des expériences relatées est la faible part du temps de travail consacrée à la veille: 10 à 20% en général pour chaque veilleur.

Pour Pierre Achard, l’information c’est bien, mais les entreprises n’ont pas besoin d’information, mais d’intelligence, c’est-à-dire de la  transformation de cette information en une connaissance utile, exploitable, ce qui implique la dimension humaine.

Note

(1) Captain William S. Brei, Getting Intelligence Right: The Power of Logical Procedure, Occasional Paper Number Two (Washington, DC: Joint Military Intelligence College, January 1996), 4.

11ème Journées des archives de Louvain

Gregory Nobs, Haute Ecole de Gestion, Genève

11ème Journées des archives de Louvain

Les 24 et 25 mars 2011 s’est tenu à Louvain-la-Neuve, en Belgique, la 11ème Journées des archives organisée par les Archives de l’Université catholique de Louvain. Le thème de cette édition était consacré à la dématérialisation des archives et à ses effets sur l’évolution des métiers occupés par l’archiviste(1). Ce sujet, qui a attiré plus de 200 participants provenant de nombreux pays dont une délégation très importante de professionnels suisses, s’inscrit au cœur des problématiques archivistiques actuelles [1]. En effet, le monde numérique bouleverse la production, la conservation, la description et la communication des informations, entraînant ainsi les services d’archives à se réorganiser et les professionnels à acquérir de nouvelles compétences [2]. Quinze intervenants ont partagé leurs expériences et leurs réflexions dans le but d’éclairer les implications occasionnées par la dématérialisation. Ce compte-rendu présentera leurs conférences selon trois angles :

  1. Situer la culture numérique dans ses rapports avec le domaine des archives.
  2. Confronter d’une part les fonctions et d’autre part les caractéristiques et les qualités relatives au domaine des archives à la réalité numérique.
  3. Situer la place de l’archiviste par rapport aux enjeux de la gestion des documents électroniques.

La culture numérique et le domaine des archives

Afin de saisir l’impact occasionné par l’avènement de l’ère numérique sur le domaine de l’archivistique, il est nécessaire de saisir le contexte unissant ces deux concepts. Dans ce but, deux éléments centraux ont été étudiés, soit d’une part les différents publics du numérique, ainsi que leurs pratiques culturelles, et d’autre part les aspects juridiques liés à la gestion et à la conservation des documents électroniques.

Au sein de ce nouveau contexte, les professionnels ne possèdent plus le monopole de la gestion documentaire et doivent se positionner par rapport aux amateurs, généralement spécialisés dans leur domaine, partageant des informations souvent par plaisir. D’après Patrice Flichy, professeur de sociologie à l’Université Paris Est, cet état a pour conséquence de rendre le monde numérique éclaté, ouvert, collaboratif, démocratique et égalitaire offrant une multiplicité de contenu, constitué de documents papier et digitaux, constamment renouvelé. Ce nouvel univers en mouvement a par conséquent engendré six types de publics :

  1. Ceux qui utilisent la télévision comme média principal ;
  2. Ceux qui se réfèrent à internet plutôt qu’à la télévision pour s’informer ;
  3. Ceux qui ne se basent que sur la télévision et internet pour s’informer ;
  4. Ceux pour qui l’imprimé reste la source d’information principale ;
  5. Ceux qui ne s’intéressent ni aux média, ni à la culture ;
  6. Et les fans qui collectionnent les archives populaires.

Ces différents publics n’éprouvent pas la même sensibilité vis-à-vis des produits culturels, si bien que l’archiviste est contraint de repérer, puis de gérer le public réceptif aux archives, afin de répondre à ses attentes.

Toutefois, l’archiviste ne doit pas uniquement se contenter de servir son public cible. Il est également obligé de prendre en considération, en plus des aspects techniques et technologiques, les exigences légales, la maintenance et l’accès relatifs à la conservation des documents électroniques. Face à cette situation, l’archiviste se doit d’être attentif, car une mauvaise gestion des archives numériques pourrait entraîner la perte d’un procès, des sanctions administratives, voire des amendes pénales. Afin de se prémunir contre ces risques, Marie Dumoulin, juriste, chercheuse et doctorante au Centre de recherche informatique et droit (CRID), a proposé quelques clés. Elle suggère par exemple d’identifier, de lister puis de comprendre les obligations légales relatives aux documents, avec leurs caractéristiques. Elle conseille également d’augmenter la sensibilité des créateurs de documents afin qu’ils puissent saisir les concepts et les enjeux liés à la conservation des documents électroniques et les utiliser de manière uniforme.

Il a été établi précédemment que tant au niveau social que légal, l’archiviste est contraint de se conformer à l’ère numérique. En outre, la dématérialisation des documents a déjà provoqué plusieurs impacts dans le métier, comme l’informatisation des procédures ou encore l’automatisation des processus de travail. Malgré ces changements, Françoise Banat-Berger, archiviste à la Direction des Archives de France, a déclaré que le monde numérique ne remet pas en cause les principes fondamentaux de l’archivistique. En revanche, ces derniers doivent être traduits sous forme de programme informatique. Bien que les principes de base ne soient pas affectés, le mode d’organisation des services d’archives et le métier d’archiviste devront évoluer. De même, certaines grandes fonctions de l’archivistique seraient profondément impactées.

Les fonctions, les caractéristiques et les qualités relatives au domaine des archives face à la réalité numérique

La dématérialisation des archives modifie la manière d’appréhender les grandes fonctions archivistiques. En effet, le monde numérique impose aux archivistes d’adapter les outils et les méthodes aux nouveaux fonctionnements et exigences engendrés par la réalité numérique. L’équation est d’autant plus complexe que des instruments différents sont utilisés selon l’étape de vie des documents à gérer. Afin de mettre en lumière les solutions proposées pour aborder les fonctions et les concepts archivistiques, les paragraphes suivants traiteront des divers projets exposés selon le cycle de vie des documents.

Solutions de gestion des documents courants et intermédiaires

Dès la création et l’enregistrement des documents, il est nécessaire de s’assurer que l’authenticité, la fiabilité, l’intégrité et l’exploitabilité des « records » soient préservés. L’InterPARES, l’une des plus grandes recherches internationales en archivistique, intervient dans cette étape puisque le but ciblé consiste à fournir des solutions pour garantir la préservation à long terme de l’authenticité des archives électroniques. Afin d’atteindre cette mission, Luciana Duranti, professeure à l’Université de Colombie britannique, a démontré l’importance d’établir une définition commune des concepts informatiques en impliquant aussi bien la diplomatique, que l’archivistique contemporaine, l’expertise informatique et la preuve juridique. En effet, ces visions différentes doivent être considérées pour certifier que la notion de preuve soit préservée durablement dès la création des documents [3].

Les documents produits et reçus doivent ensuite être classés selon un plan de classification. À la suite de la découverte d’un décalage entre les schémas de classements hiérarchiques institutionnels et personnels, des chercheurs du Québec ont créé le projet de services d’infrastructure sémantique pour l’information (ISIS). Cette étude pilote, présentée par Sabine Mas, professeure adjointe à l’École de bibliothéconomie et des sciences de l’information (EBSI) de l’Université de Montréal, propose d’utiliser une classification par facettes, permettant à l’employé de décrire et d’organiser les informations selon ses propres catégories sous la gouvernance de l’archiviste. Les premiers tests démontrent que l’utilisateur s’approprie déjà cette méthode de classification après une semaine d’utilisation [4].

Activité transversale, la dématérialisation des documents physiques représente un procédé complexe, mais capital, lorsqu’il s’agit d’appréhender la gestion des archives courantes et intermédiaires. Selon Sébastien Soyez, archiviste aux Archives de l’État en Belgique, pour assurer la probité et la conservation à long terme des documents, un projet de numérisation relève des défis légaux, techniques et organisationnels. Afin de conseiller les professionnels pour faire face à ces difficultés, les Archives de l’État de Belgique ont décidé de mettre librement à disposition sur son site internet des guides, des directives et des outils en matière de gestion et de conservation des documents électroniques [5].

Solutions pour la diffusion et la valorisation de fonds d’archives définitives

Deux interventions ont mis en lumière des fonctionnalités permettant de diffuser et de valoriser les fonds d’archives définitives. La première, présentée par Olivier Buisson et Marie-Luce Viaud, collaborateurs de l’Institut national d’audiovisuel (INA), concernait le développement de nouveaux outils de recherche pour les documents audiovisuels. Ces instruments ont été adaptés aux attentes des usagers qui ne désirent plus seulement chercher, mais souhaitent pouvoir observer, détecter ou prévoir certaines tendances [6]. Le deuxième exposé, rapporté par Jean-Claude Genoud, chef de projet dans le domaine documentaire à la Ville de Lausanne, relate la gestion d’une recherche fédérée réunissant des archives papier, visuelles, sonores, des informations sur le territoire et les données sur la culture. Ce modèle proactif permet ainsi de regrouper les sources documentaires d’un grand nombre d’institutions culturelles d’une région sur un site web [7].

Dans le même ordre d’idée, le programme Leuvens Integraal Archiveringssystem (LIAS) décrit par Jan De Maeyer, professeur à la Katholieke Universiteit Leuven, suggère d’utiliser trois logiciels (Digitool-Rosetta, Scopearchiv et Aleph) simultanément grâce au langage XML. Cette solution permet de gérer à la fois des fonds d’archives définitives et des collections de bibliothèques tout en assurant la pérennité des documents numériques. La finalité consiste à organiser une sorte de salle de consultation virtuelle agrémentée d’un moteur de recherche fédérée [8]. Il est intéressant de noter que cette méthode permet d’intégré d’autres bases de données, comme par exemple Europeana, la bibliothèque numérique européenne [9].

Solution pour gérer tout le cycle de vie des documents

L’application de gestion automatique des documents et des instances (GAUDI), élaborée aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et exposée par Jean-Daniel Zeller, archiviste de l’institution, est un modèle intégré de gestion automatique des documents courants. Ce système assure les fonctions principales d’archivage des documents depuis leur enregistrement jusqu’à leur diffusion via un portail web. Il présente plusieurs avantages. En premier lieu, le workflow des documents institutionnels impose un cadre que les collaborateurs doivent suivre. Ensuite, l’ensemble du processus décisionnel d’une affaire peut être suivi par les utilisateurs. Enfin, l’application engendre un gain de temps puisque les tâches sont automatisées et que les boîtes mails sont désengorgées [10].

La place de l’archiviste par rapport aux enjeux de la gestion des documents électroniques

Étant donné que les fonctions archivistiques ont subi un bouleversement significatif, la place et la formation de l’archiviste sont également touchés. En effet, les professionnels devront faire face à l’évolution actuelle en acquérant de nouvelles compétences et en se chargeant de nouvelles tâches. Deux experts ont précisément détaillé ces changements.

À travers son intervention touchant à la constitution de collections numériques sur le patrimoine scientifique et culturel du Québec, Martin Boucher, collaborateur au Centre de l’édition numérique (CEN) de l’Université de Montréal, a démontré l’importance de la collaboration interinstitutionnelle. Cette expérience a illustré le fait que la préservation et l’archivage font de plus en plus partie des préoccupations des projets informatiques. Il a par conséquent été soulevé qu’un archiviste est nécessaire et doit être intégré dans des projets appartenant à d’autres domaines. En ce sens, il est important de continuer et d’entretenir les collaborations interinstitutionnelles.

Lorsque nous mentionnons l’évolution d’un métier, il est incontournable d’évoquer l’enseignement. Dans ce domaine, Jean-Marie Yante, professeur à l’Université catholique de Louvain, propose en premier lieu de préciser et d’adapter les théories de base de l’archivistique aux nouveaux environnements. Il suggère ensuite que l’archiviste sache maîtriser les aspects liés au contenu et au contenant, comme la typologie des documents, les procédures et les normes, et les notions d’intégrité, de fiabilité et d’authenticité. Enfin, les futurs professionnels doivent élargir leurs connaissances, c’est-à-dire acquérir de nouveaux vocabulaires et renforcer leurs compétences dans les nouvelles technologies, car ils se profilent de plus en plus comme des médiateurs et des formateurs.

Conclusion

Bruno Delmas, professeur à l’École des Chartes, a clôturé cette 11ème édition des Journées des archives de Louvain en expliquant que le rôle de l’archivistique devient de plus en plus important et central, car de nouveaux usages juridiques sont parus, des normes de qualité sont à respecter, et enfin de nouveaux besoins de gestion, de conservation et de recherche ont été créés. Cependant, l’archiviste ne doit pas craindre la dématérialisation des documents et le monde numérique. En effet, le domaine des archives gagne en richesse grâce aux collaborations s’effectuant avec d’autres secteurs. De plus, la demande de consultation d’archives existe et s’accroît. Ainsi, bien que les défis techniques, juridiques et politiques restent nombreux, l’avenir de la discipline et de la profession archivistiques se révèle radieux.

En conclusion, cette manifestation a apporté de nombreux éclairages sur la façon d’appréhender les problèmes archivistiques issus de l’informatique. Il est toutefois regrettable que les normes et les standards aient été aussi peu abordés. En effet, un certain nombre de textes, comme le système ouvert d’archivage d’information (OAIS, ISO 14721 : 2003) [11], la mise en œuvre du processus de gestion des informations et documents d’activité (ISO 23081-1 : 2006) [12], le guide pour la mise en œuvre de la numérisation des documents d’activité (ISO/TR 13028 : 2010) [13] sont parus ces dernières années dans le but de définir un cadre permettant de perfectionner et d’uniformiser les pratiques archivistiques. De plus, les logiciels cités dans les différents projets étaient soit propriétaires, soit des solutions maison. En partant du principe que les services d’archives possèdent en général peu de ressources, il aurait été intéressant d’évoquer également des exemples de programmes open source. En revanche, les projets décrits démontrent que des solutions existent et que chaque institution peut développer des applications efficaces et intéressantes par rapport à ses besoins. Suites à ces journées, il n’aurait pas été incongru d’apercevoir quelques participants, rassurés sur les perspectives futures de leur métier, trinquer autour d’une excellente bière trappiste belge!

Bibliographie

[1] ARCHIVES DE L’UNIVERSITE CATHOLIQUE DE LOUVAIN. Journées des Archives 2011 : un grand merci à tous. In : Site des Archives de l’Université catholique de Louvain [en ligne]. Publié en avril 2011. http://www.uclouvain.be/364396.html (consulté le 02.11.2011)

[2] ARCHIVES DE L’UNIVERSITE CATHOLIQUE DE LOUVAIN. Dématérialisation des archives et métiers de l’archiviste : les chantiers du numérique. In : Site des Archives de l’Université catholique de Louvain [en ligne]. Publié en 2011. http://www.uclouvain.be/cps/ucl/doc/arcv/documents/JDA11_Programme.pdf

(consulté le 02.11.2011)

[3] THE INTERPARES PROJECT. Site de l’InterPARES project [en ligne]. http://www.interpares.org/ (consulté le 02.11.2011)

[4] MAS, Sabine, MARLEAU, Yves. Vers une décentralisation et une démocratisation encadrées du records management au sein des grandes entreprises : le projet ISIS. In : CONFERENCE DU DLM-FORUM (2008, Toulouse). La gestion de l’information et des archives électroniques en Europe : réalisations et nouvelles directions : actes de la Ve conférence du DLM-Forum : Toulouse, 10, 11 et 12 décembre 2008 [en ligne]. Paris : Direction des archives de France, 2009. 244 p. http://www.archivesdefrance.culture.gouv.fr/static/2735 (consulté le 02.11.2011)

[5] SOYEZ, Sébastien. La numérisation en marche… : les étapes de la dématérialisation des processus de travail. In : Site des Archives de l’État en Belgique [en ligne]. Mis à jour le 3 août 2011. http://extranet.arch.be/arch/brochures/la_numerisation_en_marche.pdf (consulté le 02.11.2011)

[6] INSTITUT NATIONAL D’AUDIOVISUEL. Site de l’Institut national d’audiovisuel [en ligne]. http://www.ina.fr/ (consulté le 02.11.2011)

[7] GENOUD, Jean-Claude, DEGLISE, Liliane. Le système d’information des musées lausannois, une vision documentaire inscrite dans la transversalité et le multibases. In : COLLOQUE DES JOURNEES PROFESSIONNELLES AMS/ICOM (Lausanne, 2007). Systèmes d’information et synergies entre musées, archives, bibliothèques, universités, radios et télévisions : les bases de données et les médias numériques au service des patrimoines historique, culturel, naturel et scientifique : actes du colloque des Journées professionnelles AMS/ICOM : Palais de Rumine de Lausanne, 22 et 23 mars 2007 [en ligne]. Zurich : Association des musées suisses ; Lausanne : Musée historique de Lausanne, 2008. P. 57-75. http://www.lausanne.ch/Tools/GetLinkedDoc.asp?File=11634.pdf&Title=Actes+du+colloque+de+mars+2007 (consulté le 02.11.2011) 

[8] LIAS ARCHIVES TODAY. Site du LIAS [en ligne]. http://www.libis.be/lias.php (consulté le 02.11.2011)

[9] EUROPEANA. Site d’Europeana [en ligne]. http://www.europeana.eu/portal/ (consulté le 02.11.2011) 

[10] ZELLER, Jean-Daniel. Un workflow décisionnel dématérialisé : l’application GAUDI des Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG). In : Arbido, 2010, no 2, p. 56-59

[11] ORGANISATION INTERNATIONALE DE NORMALISATION. Système de transfert des informations et données spatiales : système ouvert d’archivage d’information : modèle de référence. Genève : ISO, 2003. 140 p. Norme internationale ISO 14721 : 2003.

[12] ORGANISATION INTERNATIONALE DE NORMALISATION. Information and documentation : records management processes : metadata for records : part 1 : principles. Genève : ISO, 2006. 20 p. Norme internationale ISO 23081-1 : 2006.

[13] ORGANISATION INTERNATIONALE DE NORMALISATION. Information and documentation : implementation guidelines for digitalization of records. Genève : ISO, 2010. 32 p. Norme internationale ISO/TR 13028 : 2010.

Note

(1) Le terme archiviste regroupe les professionnels chargés de la gestion d’archives courantes, intermédiaires et définitives

Deschamps, Jacqueline. Science de l’Information : de la discipline à l’enseignement

Lorraine Filippozzi, Haute Ecole de Gestion, Genève

Deschamps, Jacqueline. Science de l’Information : de la discipline à l’enseignement.  Paris : Archives contemporaines, 2010. (Savoirs francophones). 76 p. ISBN 978-2-813000-28-6.

Enseignante en science de l’information, Jacqueline Deschamps souhaite faire reconnaître cette discipline sur laquelle se fondent les savoirs et les pratiques des organisations liées à la transmission du savoir. Basé sur sa thèse de doctorat, cet ouvrage fournit un corpus de connaissances constituant un socle pour l’enseignement de la discipline.

Dans la première partie, l’auteure expose la définition et les constituants de la science de l’information en tant que discipline scientifique. « Champ de pratique professionnelle et de recherche scientifique traitant du problème de la communication des enregistrements du savoir parmi les humains, dans le contexte du besoin social, organisationnel et individuel pour l’usage de l’information » (p. 12), la science de l’information a pour objet la compréhension d’un processus d’échange relevant de la préoccupation de la récupération de l’information quelle qu’elle soit. Elle est donc une science humaine et sociale dont les contours évoluent constamment, en interaction avec la technologie de l’information, la bibliothéconomie et les sciences de l’information et de la communication.

Dans la seconde partie, l’auteure met en évidence le cœur de la discipline et les tendances actuelles de son développement. Interdisciplinaire par nature, la science de l’information est à la fois pratique et théorique. L’étude des concepts y interfère avec les applications technologiques. Tous ces éléments influencent la manière d’enseigner cette discipline particulière.

C’est justement l’enseignement de la discipline et ses enjeux qui font l’objet de la troisième partie de cet ouvrage. Dans un contexte où l’enseignement de la fonction documentaire est bousculé par les technologies de l’information et de la communication, l’ensemble des techniques et des règles de base doit être revu et adapté. Si certaines fonctions traditionnelles restent nécessaires, l’impact du document numérique sur le travail des professionnels de l’information implique de nouvelles fonctions et compétences. Au cœur de ces changements, le spécialiste de l’information a une position et des savoirs bien spécifiques qu’il doit faire reconnaître.

Dans la quatrième partie de l’ouvrage, l’auteure propose les lignes directrices d’un modèle d’organisation des savoirs pour l’enseignement de la discipline. Les notions d’information, de médiation et de service se positionnent au cœur de la discipline. Les autres disciplines qui théorisent ces notions définissent les directions à donner à l’enseignement : psychologie, sociologie, informatique. Les activités centrées sur les processus et les technologies doivent être complétées par des compétences en management, en communication et en formation. Le résultat de la transposition didactique est un curriculum qui allie théorie et pratique dans le but de préparer les futurs diplômés à leur carrière professionnelle. Après avoir défini le profil de compétences attendu, qui allie compétences professionnelles spécifiques et compétences humaines et techniques générales, Jacqueline Deschamps dresse le « core curriculum » de la profession. Il se base sur trois piliers essentiels, à savoir l’objet, le service et l’outil. Premièrement, l’objet, porteur de savoir, ou savoir enregistré. « La science de l’information doit comprendre et décrire les pratiques et les usages de ce savoir en les inscrivant dans des contextes sociaux, culturels et organisationnels déterminés « (p. 59). Les notions qui en constituent la base théorique sont notamment l’épistémologie, l’organisation du savoir, la taxinomie et la classification, ou encore la sémiotique. Le second pilier, le service, représente l’aspect humain, l’usager vers lequel s’orientent toutes les activités. Les notions à enseigner sont donc la relation de service et la médiation documentaire, la communication, l’économie et le marketing des services. Le troisième pilier, l’outil,  « c’est la technologie dans sa philosophie plus que dans son aspect instrumental » (p. 60), c’est un ensemble d’outils dont l’informatique fait partie. Les notions qui en constituent la base théorique sont l’informatique historique et sociétal, les méthodes quantitatives et qualitatives ou encore la technologie numérique.

Discipline à part entière, la science de l’information a un double fondement épistémologique et pratique, fondamental et appliqué. Les contenus d’enseignement empruntent à la fois aux savoirs universitaires et aux pratiques professionnelles. Jacqueline Deschamps propose dans cet ouvrage un référentiel théorique pour la science de l’information permettant de formaliser un plan d’étude qui mêle un socle théorique solide et des enseignements pratiques. Le but atteint de cet ouvrage est de souligner que la science de l’information, même si elle emprunte ses méthodes à des disciplines plus anciennes et plus assises, n’en est pas moins légitime.