Compte rendu de la journée d’étude ADBS sur la gestion de contenu

Helène Madinier, Haute Ecole de Gestion, Genève

Compte rendu de la journée d’étude ADBS sur la gestion de contenu

Le 19 avril 2005, l’Association française des documentalistes et bibliothécaires spécialisés (l’ADBS) a organisé à Paris une journée d’étude sur la gestion de contenu. Réunissant un peu plus de 80 participants, cette journée comportait un programme varié: d’une part des interventions destinées à faire le point sur la gestion du contenu et les fonctionnalités des différents outils, et de l’autre des récits d’expériences, d’outils et de réalisations (voir le programme détaillé).

On s’attachera ici à détailler spécifiquement les interventions clarifiant les différents concepts, et à résumer sélectivement quelques récits d’expérience.

Notions théoriques : document, GED et gestion de contenu

Tout d’abord, Martine Sibertin-Blanc, responsable du département de l’information publique à la documentation française, puis Philippe Martin, consultant du Cabinet Van Dijk, ont défini dans leurs interventions les notions de document, de GED et de gestion de contenu. Il y a différentes approches de la définition du document. Le document, défini par le groupe de recherche du CNRS RTP-Doc, est à la fois une forme, un signe et un medium. C’est aussi une représentation particulière de données sur un support. On va actuellement vers des documents composites, comportant différents niveaux (structure, image/video, éléments issus de bases de données etc…)

Le document numérique, lui, peut être défini comme un ensemble constitué d’un contenu, d’une structure logique, d’attributs de présentation permettant sa représentation.

La gestion documentaire, quant à elle s’attache à traiter et stocker des documents entiers, finis, et qui, même s’ils sont électroniques, ont souvent un équivalent physique. Et c’est dans la plupart des cas cet exemplaire physique qui doit être géré.

Alors que la GED ou gestion électronique de documents, comme son nom l’indique, doit gérer des contenus électroniques -qui sont aussi des documents entiers-. Alors si ceux-ci ne le sont pas au départ, dans un système de GED, il faudra les numériser. S’ils sont le produit d’une application bureautique, il faudra définir des circuits d’acquisition pour les traiter au sein du système d’information: dans tous les cas, dans la GED, la production du document lui-même est extérieure au système d’information. Sa fabrication, sa réalisation ne font pas partie intégrante du système d’information.

Son traitement, son stockage, sa recherche et sa consultation se feront eux, dans le cadre de la GED.

Certaines propriétés du document pourront être gérées par l’outil de GED: son cycle de vie (révision, archivage, suppression), son format, son processus de validation. Mais sa fabrication reste externe.

Alors que la gestion de contenu prend en compte la fabrication du document, sa rédaction ; elle permet de construire à la volée un document pour un support bien défini (Web, Cd-Rom, papier…), à partir des éléments qui le composent: les unités d’information.

On passe ici de la gestion du document à sa réalisation. Et du document entier à l’identification des unités d’information qui le composent. Ces unités d’information deviennent ainsi des ressources que l’on peut valoriser, réutiliser sur différents supports.

C’est particulièrement utile lorsque l’on a besoin de gérer dynamiquement des documents nécessitant une mise à jour permanente, comme des sites Internet ou Intranet, et cela sur plusieurs présentations possibles (sur écran, sur téléphone portable, sur Palm).

La gestion de contenu facilite la création en séparant forme et fond, et facilite la publication en aidant à la mise en forme.

Pour illustrer ces notions, M. Sibertin-Blanc a pris comme exemple les textes créés par le site Service public.fr -section droits et démarches- (http://www.servicepublic.fr) en montrant les formulaires nécessaires à l’édition. Les textes créés, assortis de métadonnées, sont ensuite repris par la Caisse des dépôts et Consignations, organisme partenaire des collectivités territoriales, qui redirigent ce contenu vers les mairies des communes; à leur tour celles-ci réutilisent ce contenu dans leurs sites respectifs. On voit clairement ici que l’adoption d’un système de gestion de contenu peut favoriser les échanges de contenu et le partage des connaissances.

On distingue habituellement deux systèmes de gestion du contenu: le WCM et l’ECM : le Web content management, donc gestion de contenu pour site Internet, et l’Entreprise Content management ou gestion de contenu pour site Intranet.

Fonctionnalités et outils

Philippe Martin, du cabinet Van Dijk, a indiqué les fonctions essentielles en gestion de contenu. Il s’agit de la création de contenu, la validation du contenu, et la publication. Les approches possibles d’outils sont les suivantes :

  • Ged avec portail
  • Portail
  • Solution collaborative
  • Gestion de contenu orienté Web ou orienté Entreprise

En ce qui concerne les outils, on retrouve les progiciels commerciaux connus que sont Documentum (orienté GED), Vignette et Plumtree (portails), et Livelink –Opentext- (solution collaborative). Parmi les logiciels open source, en termes de gestion de contenu orientée Web, on trouve notamment:

  • SPIP et SPIP Agora
  • Typo 3
  • Zope
  • Manbo
  • PHP Nuke

Il faut savoir que si les licences des logiciels libres sont gratuites, en revanche, les coûts de mise en œuvre sont importants. Pour mettre en place un système de gestion de contenu, il faut bien sûr partir d’une analyse de l’existant et des besoins, et concevoir l’organisation de la gestion avant la solution technique (qui produit ? qui valide ? quels processus ?)

Systèmes de gestion de contenu : la percée du logiciel libre

Cinq récits d’expérience ont ensuite été présentés, tous différents.

M6 utilise l’outil commercial Jalios pour son site Web.

Pour le réseau des chambres de commerce et d’industrie, c’est l’outil collaboratif ZOPE, logiciel libre, qui a été choisi, pour homogénéiser et centraliser l’accès aux services de 180 CCI indépendantes à travers un portail commun.

Le centre d’information sur l’Europe, Sources d’Europe, a choisi le logiciel libre Typo3 pour le site sur la constitution européenne. Ce site a pu être mise en œuvre dans des délais très courts, notamment grâce au recours à un prestataire (c’est-à-dire un intermédiaire, société de service en informatique, spécialisé en l’occurrence dans le logiciel libre). Ce site s’est révélé simple d’utilisation et de gestion, mais les coûts d’intégration ont été élevés (plus de 30 000 €).

Enfin le ministère de l’Equipement a choisi SPIP, et l’entreprise pharmaceutique Servier, pour sa GED, a choisi Documentum.

Ce qui frappe dans ce choix d’outils, c’est que sur cinq organisations, trois ont choisi des logiciels libres; il s’agit d’organisations du secteur public, ce qui n’est pas un hasard: c’est non seulement une tendance forte, mais c’est même une directive pour certaines administrations comme le Ministère de l’Equipement.

Ce dernier cas, présenté par Marie-Pascale Krumnow, est exemplaire. Ce ministère coordonne des domaines d’activité très différents: équipement, transports, aménagement du territoire, tourisme et mer. Il est doté de 100 000 agents, en partie décentralisés. Avant le projet, il existait au sein du ministère environ 120 sites Web très hétérogènes sur des logiciels différents et une documentation variée, complexe et volumineuse.

Le projet de gestion de contenu a eu ici 2 facettes: le choix d’un outil commun de publication Web et la modélisation des types de documents.

Le service de documentation a notamment défini un référentiel de types de contenu, des règles communes de travail et de gestion ainsi qu’une charte éditoriale et une charte graphique.

C’est donc ici un rôle pivot de coordination, de normalisation et d’aide à la production qui est assumé par la documentation.

Conclusion

La gestion de contenu ou content management, maintenant bien implantée, comporte non seulement une dimension de gestion documentaire et organisationnelle, mais également une dimension éditoriale fondamentale; elle est également indissociable d’outils spécifiques, qui permettent une intégration accrue des processus de travil que sont la rédaction, la validation, et la publication (diffusion) de l’information.

En termes d’outils, une tendance se confirme: l’utilisation de logiciels libres, de plus en plus répandue dans l’Administration française. Pour certains, cela représente une économie, car l’organisation concernée (c’est le cas du Ministère de l’Equipement) peut, le cas échéant, utiliser ses ressources disponibles en informatique pour le paramétrage.

En termes de compétences, même si la gestion de contenu fait appel à des compétences pluridisciplinaires, c’est une opportunité renouvelée pour les documentalistes; mais encore faut-il qu’ils se mettent à la portée de leurs utilisateurs et ne créent pas des systèmes trop complexes, qui sont peut-être des modèles au niveau documentaire, mais trop complexes à l’utilisation, comme la classification réalisée par une documentaliste pour une des rubriques d’un des sites d’Air France (comme l’a indiqué M. Lalaude dans son intervention).

Si les documentalistes s’affirment et se mettent à la portée de leurs utilisateurs, ils ont alors un rôle essentiel à jouer dans des domaines comme l’ingénierie documentaire, la définition des métadonnées, la classification et la normalisation.