Logiciels de gestion de références bibliographiques : citons le libre !

Carole Zweifel

Logiciels de gestion de références bibliographiques : citons le libre !

1. Introduction

Ludivine Berrizi et moi avions publié un article dans le RESSI no 2 (juillet 2005) sur les logiciels libres en bibliothèque, avec un accent sur les logiciels de gestion de bibliothèque (SIGB). A cette époque, parler d’applications libres pour les bibliothèques en Suisse était assez novateur. Il existait en effet peu de choix et presque aucun utilisateur. Mais nous concluions notre article en relevant un potentiel très fort du libre en bibliothèque.

Force est de constater que depuis 2005, la situation des logiciels libres pour les bibliothèques a évolué dans le bon sens et rapidement. Une lecture du rapport annuel sur l’informatisation des bibliothèques en France, publiée chaque année dans Livre Hebdo (Maisonneuve, 2007) en mars, nous informe en effet que « un projet informatique sur quatre porte sur l’implantation d’un système de logiciel libre ». De plus, PMB (certainement le SIGB libre le plus performant actuellement avec Koha) représente plus d’un dixième des logiciels installés en 2007 dans des bibliothèques municipales françaises. Et l’on compte 302 nouveaux contrats avec PMB dans tous les types de bibliothèques en France en 2006.
Voilà des chiffres tout à fait encourageants chez nos voisins français ! Du côté suisse (romand essentiellement), il a été porté à ma connaissance depuis 2005 plus d’une dizaine d’installations de logiciels libres en bibliothèque et centres de documentation. Signalons par exemple l’installation prochaine de PMB au centre de documentation de l’antenne suisse de Médecins sans Frontières (Genève) ou l’utilisation de Koha à la bibliothèque du Gymnase Intercantonal de la Broye, à Payerne.

Mais le SIGB n’est pas le seul type de logiciel libre qui concerne les bibliothèques. Greenstone devient un incontournable quant à la création de bibliothèques numériques et l’UNESCO ne s’est pas trompé en soutenant ce projet. On peut également trouver plusieurs outils de transformations de données MARC, des logiciels de gestion de documents audio-visuels ou encore les logiciels de gestion de références bibliographiques.

Il y a maintenant plus d’un an, je me suis intéressée à cette dernière catégorie. Le logiciel de gestion de références bibliographiques (que j’abrégerai par LGRB dans cet article) est utilisé de manière assez mineure en bibliothèque mais le message de Madame Ariane Sujatha Henry sur Swiss-lib du 20 juin 2007 et les diverses réponses a montré qu’il y’avait un besoin dans ce domaine, que ce soit pour gérer une petite base de références internes ou pour soutenir les nombreux étudiants et chercheurs qui utilisent un LGRB.

En cherchant des références récentes sur le sujet, j’ai constaté que celui-ci était encore peu traité de manière approfondie. Deux billets de blog récents (Mahbub Murshed, 2007 / Fauskes, 2007) citent plusieurs logiciels libres et de nombreux commentaires de développeurs de LGRB y ont été ajouté avec des informations récentes. On trouve également une grille de comparaison des LGRB (dont 9 solutions libres) fort bien faite sur Wikipedia (2007b). Mais ces informations ont-elles été pêchées sur le site officiel du site ou proviennent-elles d’un réel test ? Dans le but d’établir un état des lieux approfondi des solutions libres existantes actuellement, j’ai donc réalisé un test complet puis un comparatif des applications existantes, entre elles et par rapport à deux logiciels propriétaires classiques (Endnote et Reference Manager).

Les résultats de cette étude, comprenant le test de 7 outils réalisé en juillet et août 2007, m’ont étonné de manière très positive. Il existe en effet plusieurs solutions, chacune unique et pour la plupart très performantes, voire meilleures que les solutions propriétaires, dont Endnote ou Reference Manager sont les plus utilisées. On découvrira également que, moyennant quelques adaptations, ce type de logiciel pourrait fort bien convenir comme base de référence pour des petits centres de documentation. Il y a donc de bonnes raisons de connaître ces solutions !

2. Quelques définitions essentielles

Définition du logiciel libre

Le concept du logiciel libre date du milieu des années 80, lorsque Richard Stallman, travaillant sur le système d’exploitation Unix, s’exaspère de la fermeture de plus en plus répandue du code source du logiciel au profit d’une licence d’utilisation (méthode popularisée par Microsoft). Richard Stallman crée alors la Free Software Foundation et développe la licence GPL pour définir le logiciel libre.
Celui-ci doit respecter les 4 libertés suivantes :

  • La liberté d'exécuter le programme, pour tous les usages (liberté 0).
  • La liberté d'étudier le fonctionnement du programme, et de l'adapter à ses besoins (liberté 1). Pour ceci, l'accès au code source est une condition requise.
  • La liberté de redistribuer des copies, donc d'aider son voisin, (liberté 2).
  • La liberté d'améliorer le programme et de publier ses améliorations, pour en faire profiter toute la communauté (liberté 3). Pour ceci l'accès au code source est une condition requise.

Les logiciels libres se caractérisent également par la gratuité de leur acquisition et par leur communauté, « assemblée démocratique » du logiciel composée de ses développeurs, traducteurs et utilisateurs, et remplaçant l’éditeur du logiciel.
On peut citer quelques logiciels libres très connus tel le système d’exploitation Linux, le navigateur web Firefox, le logiciel de messagerie Thunderbird, le serveur Apache ou encore la suite bureautique Open Office.

Le terme « Open source » est souvent utilisé pour qualifier ce type de logiciel. Les deux termes sont très proches mais pas tout à fait équivalents. Nous n’entrerons cependant pas dans une telle finesse de définition dans cet article.

Définition du LGRB

Le logiciel de gestion de références bibliographiques (LGRB) permet de gérer des références bibliographiques au sein d’une base de données : description de chaque référence (article, monographie, page web, thèse,…) à l’aide d’une grille de catalogage, importation des références depuis des bases bibliographiques en ligne (Medline, ArXiv, INSPEC, Citeseer…), recherches dans les références, regroupement selon plusieurs critères puis création automatique d’une liste bibliographique selon les exigences de présentation spécifiques aux diverses publications scientifiques.

Il existe plusieurs normes de rédaction de références bibliographiques dont les plus connues sont ISO 690, 690-2 (pour les documents électroniques), ISO 4 et ISO 832 (pour les normes d’abréviations). Les normes peuvent aussi être fixées par un éditeur, une université ou un périodique. Chacun demandera, comme le RESSI , de suivre une convention précise.

Le LGRB s’adresse avant tout à un public académique (professeurs, chercheurs ou étudiants avancés), rédigeant des documents faisant de nombreuses références aux articles ayant nourris leur travail. Une liste bibliographique normalisée étant indispensable en fin de travail, le LGRB permet de gagner un temps considérable à l’étape de création de cette liste.

Le LGRB n’est a priori pas prévu pour être utilisé en bibliothèque mais les bibliothécaires peuvent tout à fait être amenés à l’utiliser lorsqu’ils réalisent eux-mêmes des travaux de recherche ou pour gérer une petite base de données de références personnelles. Les bibliothèques universitaires étant souvent le refuge de chercheurs et universitaires, sont également des lieux de formation privilégiés de ces logiciels, en attestent plusieurs manuels d’utilisation sur des sites de bibliothèques universitaires.

Enfin, il n’est pas rare de croiser un LGRB dans un petit centre de documentation. Tout le monde ne fait pas, en effet, du prêt, des échanges de notices au format MARC, ni ne participe à un catalogue collectif demandant d’utiliser des formats spécifiques. Ces outils ont l’avantage de pouvoir gérer simplement une documentation selon des besoins simples…et évitent d’utiliser un tableau Excel ou la base Filemaker Pro dont plus personne ne se souvient du concepteur ! Deux projets d’installation d’un LGRB libre dans un centre de documentation ont d’ailleurs été menés, à la grande satisfaction des mandants, au travers des travaux de diplômes de la Haute école de gestion de Genève en 2006 (Argenzio-Fortuna, 2006 ; Chabloz, 2006).
Certains de ces outils sont assez flexibles et peuvent donc être adaptés aux particularités de la bibliothèque utilisatrice, par exemple en ajoutant des champs, en réorganisant les grilles de catalogage ou en développant une indexation contrôlée. Mais, entre SIGB et LGRB, les formats sont différents ainsi que la puissance du logiciel ou les fonctionnalités.

Le format des références

Le format le plus courant des notices est le BibTEX. Complément du format LaTeX, le BibTEX a été crée par Oren Patashnik et Leslie Lamport en 1985 et permet de décrire des documents à l’aide de 14 grilles différentes (adaptées au type de document) et 26 champs. BibTEX est devenu, après 20 ans d’existence, un format utilisé comme langage natif par de nombreux LGRB, gage de sa qualité. Mais les logiciels propriétaires les plus répandus utilisent en majorité leur propre format, permettant heureusement de plus en plus l’import et l’export de fichiers BibTEX.

Il existe des formats alternatifs plus récents et donc moins courants : Amsrefs, biblatex ou encore Pybtex. Signalons également que l‘usage de XML est de plus en plus courant.

Au passage, on ne saurait rappeler l’importance de l’usage d’un langage standard dans tout logiciel, dans le but de migrer les données en cas d’obsolescence du logiciel employé. Cette question est d’autant plus essentielle dans le milieu des bibliothèques où l’on se doit d’avoir une vision à long terme de la conservation des données informatiques.

Aspects techniques et architecture

Les langages de programmation varient pour les logiciels propriétaires. Au niveau du libre, on voit très couramment l’usage du langage libre MYSQL/PHP ou le langage Perl, couplés à l’usage d’un serveur Apache (ce qu’on appelle une architecture LAMP). On trouve également du Java.

Coté architecture, les LGRB sont typiquement des petits logiciels monopostes, à usage personnel. Le logiciel est installé sur le poste de l’utilisateur. Si son ordinateur est relié à un réseau, il est possible d’installer le logiciel sur un disque commun. Mais un usage simultané par plus d’une personne n’est pas possible. Endnote ou Reference Manager, ne sont, par exemple, pas adaptés à l’usage en réseau par plusieurs utilisateurs simultanés.

On trouve dans les logiciels libres testés deux autres architectures : base de donnée en full-web et architecture hybride (Bibus, Zotero).
La base de donnée en full-web fonctionne souvent avec les langages libres MySQL/PHP. Il est possible de créer une base de donnée sur Internet (ou sur un serveur local – Intranet par exemple) puis de la consulter avec un simple navigateur Internet. L’intérêt de cette architecture réside dans le fait que le logiciel n’est installé qu’une seule fois, sur un serveur, et qu’il est ensuite accessible par n’importe qui, du moment que l’utilisateur puisse se connecter à Internet ou au serveur local. Cette architecture est idéale pour un usage en réseau.

Bibus et Zotero proposent une architecture hybride. Le premier permet à l’utilisateur d’installer le logiciel soit en monoposte, soit avec une base de donnée en ligne. Zotero est un « add-on » du navigateur Internet libre Firefox. Il faut donc installer premièrement Firefox (ce qui est de toute façon une bonne idée…) puis télécharger Zotero qui s’installe automatiquement. Il suffit ensuite d’ouvrir Firefox (avec ou sans connexion à Internet) pour avoir accès à Zotero.

3. Méthodologie du test

Le test des LGRB libres s’est déroulé en plusieurs étapes : repérage des logiciels , deux étapes de sélection consécutives, installation, test identique pour tous les logiciels, bilan pour chaque logiciel puis comparaisons entre eux.

La sélection

Plusieurs sources ont été consultées pour repérer les LGRB libres à tester. Premièrement, une recherche sur le site Web Sourceforge (plateforme regroupant une grande quantité de projets libres) selon divers mots-clés, ainsi que plusieurs annuaires de logiciels libres, a permis de repérer une bonne trentaine de projets en cours. J’ai également consulté plusieurs articles sur la thématique, glanés sur Internet ou dans des revues spécialisées, et repéré les logiciels cités. Une première sélection d’environ 20 logiciels a ainsi été faite.

J’ai ensuite visité le site web des logiciels les plus cités pour évaluer leur degré de développement et de pertinence. Un mini-test, via installation du logiciel ou démonstration en ligne, a également été réalisé si cela était possible. Une deuxième sélection a été faite selon les critères suivants :

  • logiciel stable (version 1.0 ou supérieure) ou version beta (< 1.0) ne présentant pas de bug fatal à l’utilisation
  • logiciel proposant les fonctionnalités indispensables du genre.
  • projets présentant des développements réguliers ou ne semblant pas assoupis depuis trop longtemps ou abandonnés.

Les logiciels ne fonctionnant que sur Linux ont été éliminés car trop peu d’utilisateurs utilisent exclusivement ce système d’exploitation.

A la fin de l’étape de sélection, les logiciels suivants ont été choisis pour un test approfondi:

  • logiciels monopostes : Jabref et Bibdesk
  • logiciels fullweb : WikiNDX, Aigaion et Refbase
  • logiciels hybrides : Zotero et Bibus

Le test

Pour faciliter leur évaluation et comparaison, les logiciels libres sélectionnés ont été soumis à un test identique :

  1. Installation sur un ordinateur avec Widows XP et un portable avec MacOS X
  2. Création de 3 bases et ajout de notices de différents types de documents
  3. Importation d’une base Endnote ou Reference Manager et un lot de 120 notices BibTeX
  4. Import de notices via Medline (ou Pubmed)
  5. Export de la base en BibTeX ou autre format standard
  6. Création d’une liste bibliographique au format .rtf comprenant un choix de références
  7. Recherche d’un document ajouté selon 2 mots du titre ou sujet
  8. Changement du style de présentation des références selon les préceptes de RESSI
  9. Vérification de la rapidité de la communauté selon une question précise

Le même test a été réalisé, en vue d’une comparaison libre/propriétaire, sur deux logiciels propriétaires couramment utilises : Endnote et Reference Manager.

Une grille de comparaison a ensuite été établie puis remplie pour permettre de relever les avantages et désavantages des logiciels testés entre eux et par rapports aux deux logiciels propriétaires testés.

4. Présentation des logiciels testés

Voici ci-dessous un bref descriptif des logiciels testés avec leurs principales particularités:

Logiciels monopostes :

Jabref, de par son look, ses fonctionnalités et son adaptabilité, est le logiciel testé le plus similaire à Endnote et Reference Manager. Ses fonctionnalités sont d’excellente qualité: import et export de nombreux formats de notices ou depuis des bases de données en ligne, nombreuses grilles de catalogage avec possibilité de joindre le fichier, listes d’autorités et groupes intelligents. Ergonomique et facilement maniable, Jabref est également aisément adaptable (grilles de catalogage, styles bibliographiques). L’interaction avec Word ou Open Office est bonne. On regrettera seulement le peu d’intuitivité du moteur de recherche. Programme en Java, Jabref fonctionne sur tout système d’exploitation.

Bibdesk est un logiciel pour MacOS uniquement. Ce sera son seul point négatif car pour le reste, Bibdesk est un excellent logiciel monoposte. Les fonctions de catalogage permettent de décrire les documents via 21 grilles différentes, facilement adaptable. L’utilisateur peut ajouter plusieurs métadonnées, gérer plusieurs listes d’autorités de manière intelligente, joindre un fichier ou faire un lien sur une adresse web. La création de listes bibliographiques est aisée et souple. Bibdesk est le seul logiciel qui propose une importation de notices via Z39.50, ce qui pourrait se révéler fort pratique pour des bibliothécaires utilisateurs. Au rayon innovation, le logiciel propose également la génération de filets RSS. Pour ne rien gâcher a cette excellence, Bibdesk est très convivial et intuitif.

Logiciels full-web :

WikiNDX est une base de données en full-web, fonctionnant avec MySQL et PHP. Cette architecture lui permet de proposer plusieurs fonctionnalités de multi-utilisation, tel un espace personnel ou des outils de communication entre utilisateurs, et un réel OPAC accessible à tous, sans mot de passe. Les fonctionnalités sont de qualité, entre autre, les moteurs de recherches simples et avancés, les listes d’autorités, les nombreuses metadonnées disponibles ou encore la possibilité de joindre des fichiers aux notices. Il est également possible de créer une classification des références via des catégories. Les styles de présentation des références sont modifiables et le logiciel génère ensuite un fichier au format .rtf, qu’il faudra ensuite ouvrir dans son logiciel de traitement de texte.

On regrettera essentiellement le peu de formats disponibles pour l’importation et l’exportation des notices. Reste que WikiNDX est un outil agréable à l’utilisation et plusieurs professeurs de la HEG de Genève ont migré leurs bases de référence sur cet outil avec satisfaction. WikiNDX fonctionne sur tous les systèmes d’exploitation.

Refbase est également une base de données full-web programmée en MySQL/PHP. Moins abouti que WikiNDX, Refbase a présenté de nombreuses erreurs de programmation lors du test, parfois assez handicapantes. Mais ces bugs s’expliquent probablement par le fait que ce logiciel est encore en version beta et de nombreux utilisateurs ne semblent pas avoir eu autant d’ennui. Passé ces désagréments, Refbase se révèle être un logiciel correct mais sans plus : une seule grille de catalogage (comprenant quand même les champs essentiels pour tout type de document) et un moteur de recherche peu performant (pas de recherche par sujet). Par contre, les fonctions d’import et d’export de notices sont de bonne qualité. On trouve aussi la possibilité de générer des filets RSS et un OPAC.

Aigaion est un projet assez récent (2005). Base de données en full-web programmée en MySQL/PHP, Aigaion souffre peut-être de sa jeunesse, ce qui pourrait expliquer la trop grande simplicité de ses fonctionnalités. Si celles-ci sont très poussées au niveau du paramétrage des comptes des utilisateurs, et de bonne qualité pour le catalogage, les imports/exports de notices ou l’organisation des référence via une arborescence, les fonctions de recherche et de création de listes bibliographiques ne sont pas assez poussées. Le logiciel est également peu modulable. La base du projet est bonne, de bonne qualité et le logiciel suffisant pour des besoins simples mais il vaudrait mieux attendre que le projet soit plus mature avant d’envisager une utilisation avancée de ce logiciel. A surveiller !

Logiciels hybrides

Zotero semble l’outil idéal pour le chercheur qui récupère de nombreuses notices depuis des bases de données sur Internet. En effet, Zotero est un « complément » du navigateur Internet Firefox et s’utilise via le programme Firefox. Il suffit de se trouver sur une page comprenant les références d’un document, cliquer sur un bouton, et une grille de catalogage (parmi 33 types différents) est automatiquement remplie. Il suffit ensuite de réviser les informations, les compléter avec des mots-clés, des métadonnées ou joindre un document électronique et la référence est ajoutée dans la base de donnée du logiciel… Le logiciel permet d’organiser les références importées selon des catégories. Un bon moteur de recherche permet aussi de s’y retrouver. La création de listes bibliographiques est très simple et il est possible d’exporter les références dans de nombreux formats.

Zotero est un outil très simple d’utilisation et intuitif. On regrettera juste le peu de place accordé à la grille de catalogage et le fait que les grilles et les styles bibliographiques ne soient pas modifiables. On se demande également de quelle manière le logiciel stocke les références. Le développement de l’outil est très dynamique et de plus en plus de bases de données deviennent compatibles avec le logiciel, permettant de récupérer des références bibliographiques sur presque toutes les bases de référence, mais aussi sur des serveurs Z39.50. On peut prédire un grand succès à cet outil !

Bibus fonctionnant avec une base de données MySQL (installation en réseau) ou SQLite (installation monoposte) et le langage Python. Bibus devrait fonctionner sur n’importe quelle plateforme. Le logiciel est assez complet au niveau des fonctionnalités et soigné au niveau de la présentation. Il est en outre assez agréable et facile à l’utilisation. Il est possible de faire des recherches simples ou complexes. Des imports de notices peuvent être faites dans les formats standards mais uniquement sur Medline coté bases Internet. L’utilisateur peut paramétrer lui-même la présentation des références et ajouter 5 champs personnalisés dans les grilles de catalogage. Par contre, les liens Internet ne sont pas cliquables et il n’existe aucun moyen d’attacher un fichier. Bibus a particulierement développé sa compatibilité avec OpenOffice ou Word. Ce logiciel sera donc une bonne solution pour l’utilisateur qui génère de nombreuses listes et a besoin de modifier facilement les styles.

5. Des outils concurrentiels

A la lecture de la grille de comparaison des 7 logiciels testés, voilà ce que l’on peut conclure sur les solutions libres, de manière globale :

Architectures

Autant au niveau des applications monopostes que web, les LGRB testés sont tous construits avec des architectures récentes : langage JAVA, base de données MySQL ou « add-on » de Firefox. Les logiciels full-web ont particulièrement tiré parti des possibilités d’une base de données en ligne pour créer des fonctionnalités collaboratives, tels la création d’un compte pour chaque utilisateur et la gestion du workflow. On a donc enfin affaire à des logiciels facilement utilisables en réseau, ce qui est l’un des points noirs des produits phares propriétaires.

Ces logiciels sont relativement faciles d’installation. Aucun n’a demandé l’intervention d’un informaticien pour une installation sur mon poste personnel. La connaissance minimale des bases MySQL/PHP, dans le cas des logiciels full-web, rend la tâche plus aisée mais n’est pas indispensable, d’autant plus que l’installation de ces logiciels est bien documentée, et compréhensible pour un non-averti. Jabref, Bibus, Bibdesk et Zotero proposent même une installation automatisée.

Le test a révélé encore quelques erreurs de programmation dans une moitié des LGRB, mais heureusement pour la plupart parfaitement bénignes et non gênantes. Seul Refbase fut passablement bloqué lors du test par de nombreux bugs, que ce soit au niveau de l’affichage ou lors d’opérations. S’agissant encore d’une version béta (0.9), on espère que ces erreurs seront corrigées pour la première version stable.

Fonctionnalités

La grande question qui se pose lorsqu’on choisit un logiciel libre est de savoir s’il est réellement concurrentiel concernant ses fonctionnalités par rapport aux produits propriétaires reconnus. On souhaite évidemment obtenir un logiciel aussi performant que celui que l’on utilise depuis des années ! Les LGRB y arrivent-ils ? De manière générale, je fus surprise par la grande qualité et la richesse des fonctionnalités de ces applications. Aucun ne répondra à 100% aux exigences idéales mais le niveau de qualité est élevé, même pour des critères pointilleux de bibliothécaire et, surtout, chaque logiciel est différent et propose au moins un apport original, ce qui offre un choix plus varié.

Les LGRBL sont essentiellement faibles quant à l’importation de notices, que ce soit depuis des bases de données sur Internet ou via un fichier avec une extension particulière. Si tous importent sans problèmes des notices au format BibTeX et les formats hérités de Endnote (RIS, Endnote XML), il en va autrement des formats liées à des bases de données en ligne, tel CSA, INSPEC, ISI, JSTOR,…. L’importation de notices depuis Internet devient une évidence pour tout chercheur et il est donc très dommage que plusieurs logiciels testés ne proposent que le minimum. On relativisera ce constat en utilisant le logiciel libre « Bibutils », qui permet de transformer des notices de tous les formats classiques vers BibTeX (et vers ces mêmes formats). Ce petit applicatif est donc un logiciel de liaison par excellence, et moyennant quelques clics supplémentaires, permettra d’importer n’importe quelle notice dans votre logiciel libre. Et relevons quand même les excellentes performances de Jabref, Refbase et surtout Zotero, dont l’import depuis des bases on-line est le principal atout.

Principal point fort, les LGRB proposent beaucoup d’innovations fonctionnelles par rapport aux logiciels classiques. Premièrement, le choix d’une architecture « full-web » avec une base de données permet de créer plusieurs comptes d’utilisateurs, avec espace personnel et gestion, selon le type de rôle, du workflow des références. Tous les logiciels « full-web » testés proposent ce type de fonctionnalité à des degrés divers de sophistication.
Autre fonction provenant du web, le filet RSS est proposée par trois logiciels : Aigaion, Bibdesk et Refbase.

L’export des références dans un logiciel de bureautique n’est pas toujours direct (il faut parfois sauvegarder un fichier temporaire puis l’ouvrir avec un programme) mais certains logiciels (Jabref, Bibus) proposent des fonctions très avancées, comme la création d’une base de donnée relais sur Open Office. Plusieurs logiciels proposent également de rédiger directement son article via le logiciel, qui génère directement les citations et les renvois. Fonction peut-être peu pertinente dans le cas de la rédaction d’un long document mais pourquoi pas dans le cas de courts articles?

Les fonctions traditionnelles sont également présentes et souvent de manière très satisfaisante. On retrouve par exemple au minimum 13 grilles différentes de catalogage, selon le type de document (37 pour WikiNDX et 33 pour Zotero). Seul Refbase ne propose qu’une grille généraliste. Si les grilles ne sont pas adaptables par tous (Jabref, Bibdesk et Bibus le permettent), il est au moins possible d’ajouter des champs supplémentaires. Chaque logiciel permet donc de modifier les grilles, d’une manière ou d’une autre. Jabref, Bibdesk, WikiNDX et Aigaion proposent également des listes d’autorité et tous les logiciels proposent une indexation sujet. La plupart des logiciels possède également un ou plusieurs champs de métadonnées sur les référence : notes, remarques de lecture, cotation, lu ou non, etc.

La qualité du moteur de recherche et sa facilité d’utilisation est variable mais de manière générale, tous les logiciels ont répondu correctement aux mêmes recherches. S’ils proposent tous la recherche booléenne, ce n’est par contre pas le cas de l’usage de troncatures. Chaque logiciel permet de trier puis classer les références dans des dossiers. Enfin, relevons l’importation de notices via Z39.50 possible avec Bibdesk et Zotero.

Formats

L’usage ou la conversion vers le format BibTeX est généralisé. Tous les logiciels proposent un import et un export dans ce format, mais également dans le format RIS (format de Reference Manager et Endnote). Il est donc possible de migrer facilement les notices de tous les logiciels testés.

Langues

La traduction dans de nombreuses langues, parfois peu communes, est un aspect particulièrement innovant des logiciels libres et les LGRB ne font pas exception. à part Aigaion qui n’est disponibles qu’en anglais, les autres logiciels proposent au minimum l’anglais, l’allemand et le français, mais également le norvégien, l’italien ou le néerlandais (Jabref), le turc, le galicien, le portugais ou le polonais (WikiNDX). Bibus est même disponible en chinois !

Ergonomie et présentation

Tous les logiciels testés ont une présentation agréable (et souvent modifiable) ou tout du moins lisible. La présentation des références et les listes, à part sur Zotero qui fait le minimum, est claire.
L’intuitivité n’est pas parfaite pour tous les logiciels et Jabref, WikiNDX, Refbase et Aigaion pourraient faire des efforts pour simplifier leur interface, ou la rendre plus clair. A l’opposé, Bibdesk et Zotero sont remarquablement faciles à utiliser. Mais de manière générale, on constate que le look a été réfléchi et l’utilisation de chacun des logiciels testés fut, somme toute, assez agréable.

6. Conclusion

Un test plus approfondi et des retours d’expériences d’utilisations réelles permettraient de donner un avis plus complet sur les logiciels testés. Les résultats obtenus par cette étude sont néanmoins très réjouissants et permettent de relever les tendances suivantes :

De plus en plus de solutions sont en développement ou déjà opérationnels. Il existe donc un choix intéressant (quantitativement plus important que pour les SIGB libres), qui plus est de logiciels tous différents. En plus de respecter les standards du domaine, l’ensemble des produits testés était d’une qualité tout à fait acceptable dans le cadre d’une utilisation classique (avec un bémol pour Refbase). Surtout (ce qui n’est pas étonnant dans le domaine des logiciels libres), ces logiciels présentent beaucoup plus d’innovations fonctionnelles, souvent liées aux dernières tendances du web (web collaboratif, add-on firefox, filets RSS), que pour les solutions propriétaires standards.

Parmi toutes ces applications, les utilisateurs potentiels devraient sans peine trouver une solution correspondant de manière très satisfaisante à leurs besoins spécifiques (outil collaboratif, import de références du web, export de bibliographie,…).

Et si les besoins ne sont pas satisfaits par l’un d’entre eux, il est aussi possible de coupler l’usage de deux logiciels, comme le propose Hervé Ponsot (PONSOT, 2007)…et les possibilités deviennent infinies ! Par exemple, nous pouvons utiliser Zotero pour récupérer des notices sur des bases on-line puis les transférer au format BibTeX dans WikiNDX (si l’on souhaite une base multi-utilisateurs avec OPAC), Jabref (si l’on souhaite un logiciel monoposte performant dans la création de listes bibliographiques) ou Bibdesk (pour les utilisateurs de MacOS). Jabref, étant très performant dans l’import de nombreux formats, il peut aussi être utilisé comme passerelle pour une migration vers un autre logiciel utilisant le format BibTEX. Rappelons aussi l’existante de Bibutil, petite application libre permettant de changer le format des références depuis et vers presque tous les formats utilisés actuellement

En résumé, moyennant quelques manipulations, on peut obtenir une solution très souple et satisfaisante. Evidemment, le bricolage et l’utilisation de plusieurs logiciels en chaîne a ses limites et des usagers très exigeants, ou peu portés sur la technique, n’y trouveront peut-être pas leur bonheur complet. Mais, force est de constater que le libre devient un incontournable et propose de plus en plus, dans notre cas aussi, des applications sérieusement concurrentielles à des solutions propriétaires souvent onéreuses. On aurait donc tort de ne pas les tester avant toute acquisition de logiciel ou les proposer aux étudiants ou chercheurs !

Bibliographie

Documents consultés

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Sites web[consultés le 20 octobre 2007]

Free software foundation et GPL : http://www.fsf.org

Sourceforge : http://sourceforge.net

Jabref : http://jabref.sourceforge.net

Bibdesk : http://bibdesk.sourceforge.net

WikiNDX: http://wikindx.sourceforge.net

Refbase: http://refbase.sourceforge.net

Aigaion: http://www.aigaion.nl

Zotero: http://www.zotero.org

Bibus: http://bibus-biblio.sourceforge.net