Open Access. Chancen und Herausforderungen : ein Handbuch. Deutsche Unesco Kommissison, 2007

Eloi Contesse, Chargé d'inventaire, Département des collections photographiques, Musée historique de Lausanne

Open Access. Chancen und Herausforderungen : ein Handbuch. Deutsche Unesco Kommissison, 2007

Edité par la Deutsche UNESCO-Kommission (1), cet ouvrage a pour but de nourrir le débat sur l’open access en décrivant de manière détaillée tous les aspects touchés par la mise en place d’une stratégie open access. A l’origine de ce manuel, un atelier réunissant vingt-cinq experts politiques (membres des gouvernements de Länder, de l’Etat fédéral allemand, de l’administration européenne), scientifiques, et économiques (éditeurs).

L’intérêt de cet ouvrage tient en deux éléments: l’intervention de spécialistes et la volonté de couvrir tout l’ensemble du spectre touché par la problématique de l’open access. Après une introduction générale (Quo vadis, Wissensgesellschaft ?), cet ouvrage présente en cinq parties tout ce qui concerne l’Open access: 1. Définition et origine de l’open access; 2. Trois modèles de publications open access; 3. Aspects à prendre en compte lors de la réalisation de modèles open access; 4. Perspectives politiques de l’open access, dans la recherche scientifique, les bibliothèques, les éditeurs, la formation, etc. et 5. Le contexte international.

Outre la présentation du modèle hybride Springer Open Choice (permettant à l’auteur de choisir au moment de sa publication dans une revue appartenant au groupe Springer d’être publié en open access ou selon la formule classique usager-payeur), deux études de cas sont présentées: le serveur institutionnel de l’université Humboldt à Berlin et le New Journal of Physics lancé en open access par des universités allemandes et américaines. Ces articles présentent les défis principaux de telles entreprises. Pour le premier cas (serveur institutionnel), la viabilité du système dépend très largement de la sensibilisation auprès des auteurs, pour leur faire comprendre les buts de l’open access ainsi que la différence entre l’auto-archivage dans un serveur institutionnel et la publication dans un journal électronique. Néanmoins, le serveur institutionnel travaille également au développement de services pour les éditeurs scientifiques de publications électroniques. Pour le journal en open access, ses avantages sont importants: il combine une diffusion élargie des articles avec les exigences qualitatives d’une revue scientifique. Les défis d’une telle entreprise concernent principalement la phase de lancement, qui demande une subvention régulière sur plusieurs années pour assurer la viabilité du projet.

Plusieurs chapitres traitent de la réalisation de publications en open access, et décrivent aussi bien les questions du financement, du droit d’auteur, de la garantie de qualité du contenu, de l’archivage à long terme, comme de sujets plus pointus comme la modification des structures de communication de l’information scientifique avec l’open access, ainsi que des questions techniques de traitement des données, des interfaces de recherches et du degré de diffusion du publications en open access dans les divers domaines scientifiques.

E. Bodenschatz et U. Pöschl décrivent de nouveaux moyens de contrôle sur les publications scientifiques tel que le Collaborative peer review. La possibilité de mettre en ligne des pre-print élargit pour ainsi dire le lectorat éditorial et donne la possibilité à l’auteur, sur la base des commentaires qu’il reçoit, d’améliorer sa version publiée (p. 51 et 54).

U. Schwens et R. Altenhöhner de la Deutsche Nationalbibliothek décrivent les deux défis pour la conservation à long terme, à savoir:

  1. La conservation du contenu des données (Substanzerhaltung der Dateninhalte), impliquant l’intégration de données de sources et de formats hétérogènes dans un réceptacle stable et homogène, avec un contrôle automatique régulier relatif aux supports des données et des nécessaires migrations d’un support à l’autre.
  2. La conservation de l’accessibilité des ressources numériques. Cette tâche est bien plus complexe puisque l’usager du futur ne sera plus forcément en mesure d’interpréter les formats d’archivage, puisque le contexte technique (système d’exploitation, programmes informatiques) ne sera plus disponible. La réponse à cette difficulté réside dans la mise en place d’expérimentation de maintien du système d’origine (émulation).

De manière générale, ces auteurs notent que la conservation à long terme sera de plus en plus un argument commercial dans le monde très concurrentiel des publications scientifiques (p. 58). L’avantage de l’open access est que le monde de la publication électronique y est plus homogène que dans le monde éditorial classique, avec cet inconvénient cependant du moindre pouvoir de l’éditeur open access face à l’auteur quant aux normes de présentation et de formats.

J. Fournier décrit les changements dans le mode de communication de l’information scientifique. Par exemple, si le choix de l’auteur-payeur résout la problématique de l’accès à l’information résultant de la recherche scientifique, il faut prendre garde que ce mode de diffusion n’exclue pas de la publication des chercheurs sans le sou. Il y a donc un besoin d’institutionnaliser l’open access et de sensibiliser les bailleurs de fonds. Dans le même temps, il s’agit d’accompagner l’auteur scientifique dans son usage de l’open access. Dans ce cadre, J. Fournier met en avant la transformation du rôle des bibliothèques scientifiques au contact de l’open access. De réceptrices et dépositaires des publications, elles vont de plus en plus jouer un rôle d’acteur de la diffusion de l’information scientifique (p. 69).

Si l’arrivée d’Internet et des publications électroniques a bouleversé le paysage de la communication scientifique et détruit le consensus de la publication scientifique traditionnelle (relations entre scientifiques, éditeurs et bibliothèques universitaires), Ralf Schimmer de la Max Planck Digital Library insiste pour ne pas y voir une guerre de tranchées entre scientifiques d’une part, et éditeurs commerciaux d’autre part. D’après son expérience, on trouve un esprit d’innovation, de même que des attitudes défensives et de refus des deux côtés. Il insiste pour montrer que l’impact de l’open access sur le milieu scientifique est tout en nuance, en fonction du domaine dans lequel on se situe (p. 72-76). Cette déclaration est étayée, dans les chapitres suivants, par des descriptions plus détaillées de chaque domaine scientifique (des sciences naturelles aux sciences humaines).

Mettre côte à côte scientifiques, éditeurs et politiques et parvenir à un consensus sur l’open access, c’est le défi que s’est donné ce livre. Il contribue en tout cas à nourrir la réflexion et à donner une vision nuancée des problématiques concernées. Il montre également que l’open access a dépassé le stade de l’expérimentation, du moins en Allemagne, et se dirige vers une institutionnalisation bienvenue. C’est donc un bouleversement complet de la diffusion de l’information scientifique qui est en cours. Ces transformations dépassent le passage de l’analogique au numérique, mais touche au fonctionnement même des institutions publiques impliquées dans la recherche scientifique, appelées à un rôle de plus en plus actif dans la diffusion de l’information qu’elles contribuent à produire ou dont elles sont les dépositaires.