New Top Technologies Every Librarian needs to know (2019)

Claire Wuillemin, Haute Ecole de Gestion, Genève

New Top Technologies Every Librarian needs to know (2019)

La première partie de New Top Technologies Every Librarian needs to know traite des technologies liées aux données et à leur gestion. Quatre professionnels de l’information proposent tour à tour une réflexion sur différentes technologies liées à cette thématique et dont un impact est attendu sur les SID. Tout d’abord, il est question des fameuses Linked Open Data visant à abattre les silos formés par les bases de données propriétaires pour faciliter l’accessibilité aux données et ainsi la recherche d’information dans sa globalité. Cet aspect d’interconnexion des entités se poursuit dans le chapitre suivant qui traite de l’internet des objets et des objets connectés. Ces derniers sont principalement connus pour leurs usages domestiques, mais en bibliothèque ils pourraient notamment être utiles pour suivre les mouvements et l’inventaire des collections physiques grâce à la technologie RFID par exemple. En effet, un lecteur RFID monté sur un scanner mobile attaché au rayon permettrait de balayer un rack et d’obtenir des informations sur la présence ou l’absence de documents. On pourrait ainsi limiter considérablement la perte des livres et ne plus être tributaire d’un rangement séquentiel. L’internet des objets pose néanmoins encore de grandes questions sur la protection des données privées des utilisateurs. Les professionnels ont un devoir de tirer parti des objets connectés sans mettre en péril la vie privée de leurs usagers. Le thème suivant est celui des link and reference rot (littéralement liens et référence pourrie) et des résolveurs de liens. Tout un chacun a déjà expérimenté la désagréable surprise de se retrouver face à un lien mort et l’impossibilité de retrouver un contenu. Le link rot décrit donc ce processus par lequel un lien ne pointe plus vers un contenu accessible ou que le contenu original a été modifié ou mis à jour. C’est le problème inhérent au dynamisme des pages et contenus web. Il existe par ailleurs le content drift (littéralement dérive du contenu) qui qualifie un lien qui fonctionne toujours, mais dirige vers un contenu qui ne se trouve plus dans son contexte original. L’addition du link rot et du content drift amène au reference rot ; la référence telle que disponible dans un article n’a plus sa valeur de preuve originale. Le domaine des sciences de l’information n’a eu de cesse de préserver les productions scientifiques, mais il faut désormais qu’il s’attaque à la préservation des liens internes aux publications et autres documents diffusés. Dans une veine voisine, il est ensuite question de la participation des bibliothèques à l’archivage du web. Le web est le reflet de la société contemporaine et des grands évènements qui la traversent. À ce titre, son contenu doit être sauvegardé par devoir de mémoire. Selon l’auteur, cette entreprise devrait être effectuée par les professionnels de l’information malgré les contraintes techniques qui leur donneront sans doute du fil à retordre.

La deuxième partie du livre est consacrée aux services. Le premier chapitre vient compléter le précédent en présentant les technologies et les outils existants pour préserver la vie privée, et le rôle que peuvent jouer les bibliothèques dans leur diffusion et la formation des usagers. Le chapitre propose une revue des outils disponibles, met en lumière les efforts actuellement déployés pour les bibliothèques et suggère des développements futurs pour qu’elles prennent une place prépondérante dans l’encadrement des publics dans ce domaine.

Dans le futur des services, il est aussi question de la data discovery ou exploration de données, tout particulièrement à travers les interfaces de recherche interactive, qui pourraient incorporer des graphiques et autres visualisations de l’information comme des nuages ou des clusters de mots. Il est suggéré que ce genre d’interface pourrait être mis en place pour permettre une autre exploration des ressources des bibliothèques. Le chapitre suivant vient compléter ces réflexions avec la représentation de l’information en proposant un point sur les enjeux de la mise en visualisation et son utilité pour les bibliothèques. Il donne divers outils propriétaires et gratuits, des conseils pour la réalisation de ces figures ainsi que des tutoriels. La partie se clôt avec une réflexion sur la réalité virtuelle (Virtual Reality ou VR). Elle serait un nouveau médium potentiel pour partager du contenu de formation, réaliser des réunions dans des salles de conférence virtuelles, mettre à disposition des espaces pour de la modélisation 3D de maquettes, etc.

L’avant-dernière partie du livre s’intéresse aux canaux et aux méthodes novatrices à travers lesquels les bibliothèques soutiennent les académiques, en s’attachant tout particulièrement à la place du numérique dans l’accès, la diffusion et l’archivage du savoir. Elle débute avec les bibliothèques et les humanités numériques en proposant un retour d’expérience des bibliothèques de Hesburgh de l’Université de Notre Dame en Indiana qui ont testé la mise en place d’une plateforme regroupant collections numériques ainsi qu'humanités numériques. Vient ensuite la question des digital repositories ou dépôt numériques, traitée en profondeur à travers des définitions, l’identification des tendances, la présentation des systèmes existants (Fedora, DSpace, Eprints, etc.), et les enjeux futurs de cette thématique. Le chapitre suivant s’intéresse également aux digital repositories, mais avec l’angle d’approche de la double-utilité traditionnelle de ces dépôts, à savoir : assurer un accès à des objets numériques ou préserver ceux produits au sein d’une institution. Il est question des bonnes pratiques pour ces deux usages ainsi que des directions futures à prendre en considération. La partie se termine avec la valorisation des collections et des livres rares grâce à la numérisation et la publication numérique. En effet, les sésames des collections jusqu’à récemment n’étaient accessibles que sur place. Avec l’arrivée du numérique, il est désormais possible de rendre accessibles ces objets à des chercheurs d’autres pays voire d’autres continents et ainsi en faciliter la dissémination. Ce chapitre propose pour ce faire un tour d’horizon des technologies impliquées ainsi qu’un retour de cas dans deux bibliothèques de l’université du Minnesota.

Poursuivant sur les enjeux des collections numériques, il est ensuite discuté de l’interopérabilité entre les plateformes numériques des différentes institutions, en particulier vis-à-vis de l’efficience des recherches d’images. En effet, la plupart des plateformes sont des silos cantonnés à chaque institution. Or pour l’intérêt des chercheurs, il serait intéressant que les plateformes puissent être interopérables. L’auteur propose un retour d’expérience sur l’implémentation de l’International Image Interoperability Framework (IIIF) dans les bibliothèques de l’Université de Toronto en présentant tout d’abord ce framework et son fonctionnement. Les outils d’enseignement sont aussi touchés par les enjeux d’interopérabilité notamment avec les plateformes de cours (Learning Management System ou LMS) comme Moodle par exemple. On parle alors de Learning tools interoperability (LTI). Dans le domaine des bibliothèques, il peut s’agir d’intégrer directement un outil de navigation sur le catalogue des collections sur Moodle. Plusieurs exemples d’applications sont ensuite exposés respectivement dans les Universités des États de la Louisiane et de l’Utah aux États-Unis et celle de Nouvelle-Galles du Sud en Australie. Un grand sujet actuel de société et qui touche déjà les bibliothèques est les robots (bots). Qu’il s’agisse de chatbot ou de programme informatique permettant d’automatiser des processus, les robots prennent une place de plus en plus importante (et pour certains inquiétante) dans le milieu du travail. Pourtant l’auteure de ce chapitre souligne la diversité des robots et des utilisations potentielles que les bibliothèques peuvent en faire pour améliorer les services qu’elles proposent actuellement et agrémente son propos de ressources pour créer soi-même des bots. Cette thématique est complétée par le chapitre suivant qui s’intéresse à l’intelligence artificielle et au Machine learning. Il est proposé des cas d’application concrets qui pourraient être utiles pour les bibliothèques. Le livre se clôt avec une contribution sur la technologie mobile. En effet, depuis quelques années, l’accès à l’information devient de plus en plus nomade et cela a eu des retombées sur l’industrie informatique en premier lieu, et par répercussion sur le reste des acteurs utilisant les technologies de l’information et de la communication. Les interfaces doivent ainsi être pensées au-delà des accès à l’aide de PC, et intégrer l’accès par téléphone mobile, tablettes, etc. qu’il s’agisse d’interfaces responsives ou de mise en place d’apps. 

Critique

La plupart des thèmes abordés font partie du paysage de l’information documentaire depuis un certain temps déjà ; ils ne surprendront probablement personne. Toutefois, ils sont ancrés dans l’air du temps et pertinents dans les métamorphoses profondes qui s’opèrent sur le domaine. Pleines de potentiel, ces technologies sont néanmoins source de tourments pour des professionnels qui ne savent pas comment les aborder ou savoir comment ils pourraient avoir autant de cordes à leur arc. La majorité des chapitres propose toujours en début de parcours une définition des enjeux et des concepts en présence, permettant aux néophytes comme aux confirmés de suivre l’auteur le long de son exposé et d’en comprendre la subtilité des enjeux et l’ingéniosité (ou non) des arguments avancés.

En revanche, puisqu’il s’agit d’un recueil d’articles rédigés par des contributeurs américains, il accuse plusieurs faiblesses liées à son origine : d’une part il est écrit en anglais, ce qui pourra le rendre inaccessible à des professionnels non-locuteurs puisqu’il n’existe pas de version française disponible à ce jour. D’autre part, les observations et les études de cas sont enracinées dans leurs contextes national, réglementaire, culturel et académique. C’est un élément à garder en tête lors de tentatives de transpositions des suggestions à notre contexte helvétique. Des ajustements devront être considérés et une certaine tolérance de mise.

On concédera tout de même que la qualité et l’intérêt des chapitres restent fortement dépendants des auteurs : certains proposent des retours d’expérience et de tentatives menés directement sur le terrain alors que d’autres proposent uniquement des essais ou des spéculations – par conséquent qui n’ont pas été éprouvées. Or, l’expérience a maintes fois démontré que les souhaits des professionnels (ou de leurs publics d’ailleurs) ne sont pas toujours réalisés ni même réalisables ; voire que les projections qui en sont faites sont erronées – comme avec la fameuse annonce de la mort du livre papier annoncée par l’arrivée des e-books ; apocalypse qui se fait toujours attendre.

Il faut néanmoins reconnaître que les contributeurs ne jouent pas les Nostradamus : leurs propositions sont pour la vaste majorité réalistes et, même si elles n’ont pas toutes été éprouvées, restent de bonnes inspirations pour alimenter les réflexions dans le cadre de la mise en place de stratégies futures. On retiendra que les technologies qui s’offrent aux professionnels sont multiples tout comme leurs applications potentielles. Somme toute, c’est un livre à conserver sur une étagère ou dans sa liseuse et à re-consulter chaque année pour voir si les prévisions se réalisent...ou non.

Bibliographie

VARNUM, Kenneth J. (éd), 2019. New top technologies every librarian needs to know. Chicago: ALA Neal-Schuman. A Lita guide. ISBN 9780838917824