Première journée Open Science de la HES-SO

Première journée Open Science de la HES-SO

Une matinée dédiée à l’Open Access

Donnant le coup d’envoi de la journée, Madame Luciana Vaccaro, Rectrice de l’institution, relève plusieurs des avantages de l’Open Access à l’instar de la démocratisation du savoir, de la visibilité accrue des résultats de la recherche ou encore en matière de reconnaissance du chercheur. Sylvie Vullioud, informatrice et soutien à la publication scientifique, renchérit. Elle évoque l’augmentation des échanges scientifiques ainsi que les gains en termes de visibilité et de citation pour le chercheur, autant de facteurs d’’impact pour ses publications. Elle rappelle que si, à ses débuts, l’Open Access constituait un idéal inscrit dans la Budapest Open Access Initiative, sa mise en œuvre relève du pragmatisme : si les bénéfices de l’Open Access sont notables pour la société et pour le monde scientifique, les défis sont nombreux. Luciana Vaccaro évoque les résistances au mouvement et la nécessaire adaptation à la diversité des domaines de la recherche scientifique. L’Open Access implique un profond changement culturel, évolution qui n’est pas conciliable avec une vision à court terme.

Gabi Schneider, cheffe de projet Open Access de swissuniversities rappelle que l’Union européenne sollicite, tout comme le FNS, le 100% d’Open Access en 2020. Les hautes écoles suisses tendent à s’aligner sur la stratégie nationale suisse sur l’Open Access ayant en ligne de mire l’horizon 2024. La raison de cette mise en œuvre plus flexible au niveau helvétique est entre autres politique. La loi sur l’encouragement et la coordination des hautes écoles (LEHE), accorde une grande autonomie à ces dernières. La Confédération et les cantons assurent quant à eux le pilotage. On observe dès lors une certaine disparité dans le rythme de mise en œuvre de l’Open Access selon les institutions. Les universités bénéficient, pour la plupart, de structures déjà bien développées. Swissuniversities, par une active coordination, cherche à gommer cette hétérogénéité. Gabi Schneider parle également de gouvernance qui se décline sur trois niveaux. Premièrement, il y a la stratégie nationale « information scientifique » 2013-2024 de swissuniversities. Elle contient trois programmes spécifiques : le Programme P2 (2013-2016) visant la « concentration des forces » ; le Programme P5 (2017-2020) qui se concentre sur la « mise en place du réseau de services » ; et le prochain programme (2021-2024), en cours d’élaboration. L’Open Access en fera incontestablement partie. Vient ensuite la volonté, exprimée et partagée dès le début de cette année, de former une « Open Access Alliance ». Sous le pilotage stratégique de swissuniversities, celle-ci regroupera les différentes parties prenantes à l’échelle nationale. Sa mise en place semble avoir été quelque peu retardée, mais Gabi Schneider informe l’auditoire que le projet est bel et bien d’actualité. La gouvernance est en constant développement. Aussi avons-nous la confirmation, pour ne citer que ces exemples, de la volonté d’élargissement des réflexions et actions à l’Open Research Data ou encore de la consultation des hautes écoles par swissuniversities, en partenariat avec le FNS, quant aux réflexions soulevées par le Plan S.

Le développement de l’Open Access au sein de la HES-SO s’inscrit dans les mouvances nationale et européenne. Dans sa stratégie Open HES-SO, l’institution exprime sa volonté de s’adapter aux exigences du programme H2020, du FNS et de la stratégie nationale suisse. Isabelle Lucas, cheffe de projet Open Science au sein de la HES-SO indique que l’objectif est d’atteindre le 100% de publications en Open Access en 2024. Luciana Vaccaro précise la volonté d’avoir recours à une approche bottom-up afin d’aiguiller la stratégie institutionnelle. Le questionnaire qui sera prochainement envoyés à tous les chercheurs de la HES-SO s’inscrit dans cette approche. Il leurs permettra d’exprimer leurs besoins et leurs éventuelles craintes. L’adhésion des chercheurs est évidemment une condition sine qua non à une mise en œuvre effective de l’Open Access. Isabelle Lucas reprend certains des arguments qui poussent l’institution à promouvoir le libre accès : renforcer la visibilité et le partage des résultats de recherche. L’archive institutionnelle ArODES permet le dépôt des publications tant en Green Open Access qu’en Gold Open Access. Madame Lucas rappelle certains des objectifs de ladite archive : amélioration de la visibilité des publications, garantie d’une diffusion large et rapide ainsi que l’archivage pérenne. Elle rappelle les modalités et les conditions de dépôt dans ArODES. Puis précise les trois types d’accès : public, restreint, non diffusé. Enfin, un tableau synoptique souligne qu’entre 2016 et 2018, le nombre de visites de l’archive institutionnelle a été multiplié par cinq et le nombre de téléchargements multiplié par trente-huit. Isabelle Lucas précise que pendant cette même période, les visites émanant d’Asie et d’Amérique du Nord ont-elles aussi augmenté.    

La matinée dédiée à l’Open Access a aussi rappelé les négociations en cours avec les éditeurs ainsi que la nécessaire vigilance face aux éditeurs prédateurs. Silvie Vullioud a rafraîchi la mémoire des auditeurs quant aux différentes licences avant de souligner l’importance de la qualité et de la rigueur au moment de la publication Open Access.

Une après-midi dédiée à l’Open Data

Pablo Diaz du groupe Data Promotion du centre suisse d’expertise en sciences sociales FORS évoque les données de recherche comme un matériau qui sert de preuve pour étayer l’exactitude des résultats de recherche. Sa collègue Alexandra Stam, responsable dudit groupe, met l’accent sur la nécessaire planification de la gestion des données au quotidien. Elle rappelle que celle-ci est constituée de différentes pratiques qui se déploient selon les étapes du cycle de vie de la recherche. Parmi les six étapes du cycle de vie des données, il y a d’abord la (i.) planification qui passe par le Data Management Plan (DMP). Ensuite, viennent la (ii.) récolte des données (qui ne peut pas se faire sans le consentement éclairé des enquêtés), et la (iii.) préparation des données qui comprend leur transcription et nettoyage, voire leur anonymisation. Une fois les données (iv.) analysées, se pose la question de leur (v.) préservation. Enfin, le dépôt des données constitue l’étape de leur (vi.) archivage, associé, lorsque cela s’avère pertinent, à leur promotion.

Lionel Perini, collaborateur scientifique à la division Humanities and Social Sciences du FNS rappelle les FAIR Data Principles. Le caractère « FAIR » de la base de données de l’Observatoire des élites suisses (OBELIS) sera analysé plus tard dans l’après-midi par le Professeur associé Felix Bühlmann et le doctorant Roberto di Capua.

Lionel Perini rappelle le principe du partage des données qui doit se faire le plus rapidement possible. Alexandra Stam et Pablo Diaz insistent sur la nécessité d’anticiper l’archivage et les possibles réutilisations des données. Le chercheur doit en premier lieu pouvoir identifier les données partageables. Leur échange doit en effet répondre au respect des normes éthiques et juridiques. Il n’existe à l’heure actuelle pas encore de mécanismes de sanctions, mais une personne qui s’intéresse aux données de tiers disponibles dans les dépôts doit accepter les conditions juridiques de consultation et d’utilisation. Les effets de la transposition du RGPD dans le droit helvétique pourraient engendrer un certain nombre de nouvelles obligations, telles que l’amendement ou la suppression de données si tel est le souhait de la personne dont elles émanent (sondés…). Alexandra Stam et Pablo Diaz précisent que le stockage consiste en une gestion à court ou moyen terme des données contrairement à l’archivage qui s’inscrit dans le long terme. La question du format de sauvegarde des données doit être anticipée selon la durée de conservation souhaitée. A l’instar de l’organisation de documents et de fichiers, l’arborescence doit aussi être réfléchie.

Lionel Perini mentionne un groupe de travail de Science Europe qui discute de l’harmonisation de la gestion des données entre les différentes disciplines. Cette même association a publié un guide pratique d’alignement au niveau européen. Il présente les critères de base du DMP et renseigne les chercheurs quant au choix d’un dépôt digne de confiance. En effet, comment parler de gestion des données de la recherche sans traiter la question du DMP. Monsieur Perini conseille vivement d’en tenir compte dès le moment de la soumission du projet de recherche. S’il est indépendant de l’évaluation de la recherche, l’octroi de fonds émanant du FNS est corrélé à sa soumission. Il doit donc être plausible, tout en sachant qu’il pourra être amené à évoluer au cours de la recherche. Sa version définitive sera remise avec le projet de recherche puis partagée sur une base de données publique du FNS. Lionel Perini informe encore l’auditoire du fait que le FNS est agréablement surpris de la qualité des DMP qui lui parviennent. Conscient du fait que nous n’en sommes encore qu’au début du processus, le cadre théorique est toutefois déjà posé et les règles définies. Quand bien même, certaines adaptations pourraient être apportées au regard des besoins et des constats à venir. Notons que le FNS peut, dans certains cas, participer aux frais de l’open research data jusqu’à concurrence de 10'000 francs suisses. Les chercheurs peuvent également déposer une demande de subsides dans le cadre des Scientific Exchanges.

Revenons sur la Fondation pour la recherche et centre de compétences en Sciences sociales. Basée à l’UNIL, FORS a plusieurs missions allant de la gestion des données à leur archivage en passant par leur mise à disposition. Le service de données sur la recherche DARIS comprend quant à lui une plateforme de dépôt, de préservation et de valorisation de données nommée FORSbase. Elle permet l’accès direct à plus de 500 jeux de données et 11'000 descriptions de projets.

Enfin, deux membres de l’équipe de l’OBELIS (Observatoire des élites suisses au XXe siècle), le Professeur associé Felix Bühlmann et le doctorant Roberto di Capua, ont présenté cette base de données conséquente. Celle-ci contient diverses informations sur près de 30'000 personnalités. Elle a pour objectif l’étude des élites – économiques, politiques, académiques et administratives – suisses au XXe siècle ainsi que celle des rapports de pouvoir au sein de la société helvétique. Destinée tant aux chercheurs qu’au « grand public », la base de données de l’OBELIS est gérée selon deux types d’accès. Des informations restreintes sont librement accessibles au public tandis qu’une base de données hors ligne, plus complète, n’est à ce jour pas disponible en Open Access. Enfin, celui qui souhaite exporter une quantité importante de données peut entrer en contact avec l’équipe de l’observatoire des élites suisses. Personne, à ce jour, n’a demandé le retrait d’une fiche d’un individu inscrit dans la base de données. Les réclamations les plus fréquentes concernent plutôt un complément du profil du ou une amputation de quelque information.

Comme le rappellent Alexandra Stam et Pedro Diaz, les chercheurs ne peuvent faire fi des considérations éthiques et légales. Le traitement juridique des données dépend bien évidemment de leur nature. Faut-il rappeler aux chercheurs qu’ils doivent informer et obtenir le consentement (ndlr éclairé) des personnes auprès desquelles ils investiguent. Abordant les questions d’anonymisation, pseudo-anonymisation, de codage et de confidentialité, ces deux intervenants nous rappellent qu’il ne s’agit pas moins que de procéder à du risk management.

En concluant cette riche journée, Christine Pirinoli, Vice-rectrice Recherche et Innovation de la HES-SO relève que maintenant que la stratégie Open HES-SO a été adoptée, l’institution entre dans la phase de sa mise en œuvre. L’interdisciplinarité qui caractérise ses hautes écoles doit pouvoir servir favorablement la recherche. Si le chemin vers l’Open Science est encore long, Madame Pirinoli souligne la ferme volonté de travailler de concert avec tous les acteurs concernés.

Si personne ne prétend pouvoir faire le tour de l’Open Science en une journée, ce 18 mars 2019 confirme une fois encore l’importance de la communication et de l’échange autour des divers thèmes et nombreuses questions qu’elle englobe. Ces rencontres sont autant d’opportunité de partages et de retours d’expérience. Votre chroniqueuse reste convaincue de leur apport positif pour le mouvement Open. Ne voyons-nous pas progressivement sa silhouette se dévoiler, ses contours s’affiner ? Ces réunions et partages forment ostensiblement un fil conducteur et sont autant d’opportunité d’élaborer de concert les bonnes pratiques et conduites de la science de demain.