Retours sur le congrès IFLA 2019

Florence Burgy, Haute Ecole de Gestion, Genève

Matthieu Cevey, Haute Ecole de Gestion, Genève

Benoît Epron, Haute Ecole de Gestion, Genève

Michel Gorin, Haute Ecole de Gestion, Genève

Anouk Santos, Haute Ecole de Gestion, Genève

Retours sur le congrès IFLA 2019

Introduction

S’il est un congrès auquel un bibliothécaire se doit d’assister une fois dans sa vie, c’est bien celui de l’IFLA. C’est à Athènes, l’une des plus anciennes villes du monde, que les bibliothécaires du monde entier se sont rencontrés cette année, pour assister à plusieurs centaines de conférences, dont certaines seront relatées dans les lignes ci-dessous. Nous étions en effet une petite délégation de la Haute école de gestion de Genève à nous rendre en terres helléniques pour confronter notre vision à celle de milliers d’autres, et la faire évoluer bien entendu. Présentation de la nouvelle stratégie de l’IFLA, retours sur les conférences, caucus et discussions, le congrès 2019 fut très riche, et très chaud, malgré les salles climatisées.

Ouverture du congrès

Hormis les discours d’usage, parmi lesquels celui de la présidente de l’IFLA, Gloria Pérez-Salmerón, qui a ouvert le congrès en s’exclamant « I am proud to be a librarian ! », cette cérémonie a été l’occasion de découvrir quelques chiffres intéressants : plus de 3600 délégués présents, en provenance de 140 pays, pour assister à plus de 250 sessions proposées par plus de 500 conférenciers !

La conférence d’ouverture, proposée par Loukas Tsoukalis, professeur émérite à l’Université d’Athènes, a porté sur les multiples changements (sociétaux, économiques, climatiques, etc.) auxquels nous faisons face et plus particulièrement sur l’interdépendance globale qu’ils engendrent. Cette dernière nécessite, selon l’orateur, des règles et une gouvernance communes, ainsi que des sociétés inclusives libres, informées et suffisamment en confiance pour s’engager avec les autres en vue de résoudre les problèmes générés par ces mutations en cours.

Dans ce contexte, les bibliothèques jouent un rôle-clé : « a strong and united library field powering literate, informed and participative societies ». C’est toujours bon de se l’entendre dire !

Nouveau plan stratégique de l’IFLA

Processus

L’IFLA, à l’instar de toutes les organisations internationales, fonde son action sur une stratégie, document de référence à la fois pour elle-même, ses membres et tout le domaine des bibliothèques. C’est à Athènes qu’a été dévoilée, en grandes pompes, la Stratégie de l’IFLA 2019-2024 (https://www.ifla.org/strategy, avec PDF en français et en allemand), qui représente l’aboutissement d’une démarche participative engagée en 2017 déjà.

Il y a deux ans, l’IFLA avait en effet commencé par examiner les défis et opportunités qui se présentent aux bibliothèques, au travers des contributions de 190 États membres de l’ONU, lesquelles avaient démontré que dans le monde entier, les objectifs et valeurs des bibliothèques sont globalement partagés.

Les défis auxquels sont confrontées les bibliothèques, les enjeux qu’ils représentent, ne peuvent être surmontés que par une réponse globale et inclusive, proposée par des bibliothèques unies entre elles. Forte de ce constat, l’IFLA a lancé par la suite un large processus de discussion et réflexion au sujet d’une vision globale, dont les résultats sont accessibles à l’adresse https://www.ifla.org/node/11905 (avec PDF en français et en allemand). Un atelier de lancement, des ateliers régionaux et un appel à idées sur une plateforme en ligne, en 2018, suivis d’une analyse et de l’élaboration de propositions d’action concrètes fin 2018 et début 2019, ont abouti au lancement de la stratégie 2019-2024. Cette dernière est par conséquent le fruit d’une véritable « conversation globale » à laquelle ont participé 1474 bibliothécaires de tous les continents.

L’objectif étant que les actions aux niveaux international et régional soient coordonnées pour être efficaces, il a été jugé essentiel de prendre en compte les caractéristiques et exigences régionales. Les ateliers et la plateforme en ligne ont ainsi permis de réunir des idées du monde entier, grâce auxquelles il est possible de percevoir le rôle que peuvent jouer les bibliothèques de tous types, dans toutes les régions du monde.

Toutes ces idées ont, au final, permis à l’IFLA de définir sa stratégie, accompagnée de différents plans d’action, dont le but est de transformer la vision globale en une réalité, dans les cinq ans à venir.

Une vision et une mission

« Un domaine des bibliothèques fort et uni au service de sociétés instruites, informées et participatives », dans le but d’« inspirer, mobiliser, rendre actif et connecter le domaine des bibliothèques à l’échelle mondiale » : voici la vision et la mission telles que mentionnées dans la Stratégie de l’IFLA 2019-2024. Différentes valeurs viennent s’ajouter à cette vision et à cette mission, parmi lesquelles l’adhésion aux principes figurant dans l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (https://www.un.org/fr/universal-declaration-human-rights/) et la conviction que nos sociétés ont besoin d’un « accès universel et équitable à l’information » pour assurer leur bien-être, accès que les bibliothèques contribuent à garantir.

Des orientations stratégiques

1.    Renforcer la voix des bibliothèques dans le monde

2.    Inspirer et améliorer la pratique professionnelle

3.    Relier entre elles et rendre autonomes les communautés sur le terrain

4.    Optimiser notre organisation.

Langue de bois ? Manque d’ambition ? L’objectif clairement affirmé de l’IFLA étant de fournir un document qui puisse être utilisé comme cadre autour duquel développer des actions concrètes, afin de contribuer à concrétiser sa stratégie, chaque orientation stratégique est déclinée en quatre « initiatives-clés ». Que l’IFLA nous invite à découvrir, en prenant impérativement connaissance de la Stratégie de l’IFLA 2019-2024, puis en développant les actions correspondantes nécessaires dans toutes nos bibliothèques, à notre échelle et selon nos moyens.

Le nouveau slogan de l’IFLA, dévoilé lui aussi à Athènes (« Inspire, Connect, Engage, Enable ») reflète et accompagne par ailleurs cette stratégie, au sujet de laquelle son Secrétaire général Gerald Leitner, lors de sa présentation à Athènes, s’est exclamé : « A vision without execution is hallucination ! ».

Retours sur les conférences

Les 20 ans de FAIFE

« Freedom of Access to Information and Freedom of Expression (FAIFE) » est l’un des six programmes stratégiques de l’IFLA, chargé de défendre et de promouvoir les droits fondamentaux définis dans l’article 19 de la Déclaration des droits de l’homme (https://www.un.org/fr/universal-declaration-human-rights/). À ce titre et par l’intermédiaire d’un groupe de travail spécifique, c’est FAIFE qui est à l’origine du code d’éthique promulgué en 2012 par l’IFLA, lui-même à l’origine du code d’éthique de Bibliothèque Information Suisse, actuellement en phase de mise à jour pour devenir, en 2020, le code d’éthique de Bibliosuisse.

Les interventions qui ont été proposées dans le cadre de ce vingtième anniversaire ont, entre autres, permis de (re)mettre en lumière deux documents essentiels, produits pour l’IFLA par FAIFE :

Augmenting reality

Cette session a, entre autres, été l’occasion de découvrir le Centre culturel Sitterwerk à St-Gall, qui propose un étonnant catalogue (https://www.sitterwerk-katalog.ch/). Le classement des livres bénéficie d’un « rangement dynamique » grâce au RFID, permettant de retrouver l’emplacement d’un document, quelle que soit sa place. En outre, le système permet de combiner, sur une table équipée de huit antennes, des recherches sur des matériaux et des livres. Par exemple, tous les liens effectués entre ces documents lors des recherches étant conservés et demeurant accessibles, tout en pouvant être annotés et surtout partagés.

Le catalogue montre donc les tranches des livres, leurs métadonnées et toutes les informations relatives à leurs utilisations successives : assez bluffant, bien au-delà du simple gadget ! Et il a fallu aller à Athènes pour découvrir cet outil qui est un exemple réussi d’emploi de la réalité augmentée !

Une autre présentation a retenu notre attention : celle d’une action de « user experience design » en cours à l’Université de Paris-Saclay, afin de créer un learning center sur un nouveau campus, avec ses futurs usagers. Sur la base de plans, une réflexion globale est menée sur les espaces publics, les espaces de travail et les espaces professionnels. Dans un tel cas, la réalité virtuelle permet un réel changement pour les usagers : ils sont au courant du projet, ils rencontrent le personnel du futur learning center, ils partagent leurs idées et leurs pratiques, ils sont impliqués durablement dans un projet qui les concerne et, au final, ils influencent très favorablement la création des espaces : plus confortables, plus colorés, plus personnalisés.

Nouvelles technologies

L’une des conférences traitait de la technologie blockchain fréquemment associée au bitcoin et à la problématique des cryptomonnaies, mais dont les fonctionnalités, bien plus vastes, commencent à intéresser les professionnels de l’information. Lors de cette conférence, un panel de spécialistes est venu présenter de futurs usages possibles de cette technologie, dont voici trois exemples : création d’un bookcoin pour gérer les paiements des prêts entre bibliothèques à l’international (en évitant, entre autres, les problèmes de taux de change) ; création d’une carte de bibliothèque universelle, qui gérerait à la fois les différents règlements de prêt mais aussi les « privilèges » (droits élargis, etc.) ; aide à la conservation à long terme dans différents formats numériques pour les archivistes. À ce jour, aucun service d’information ne travaille avec la technologie blockchain, mais l’avenir nous dira si elle a sa place parmi les outils des spécialistes de l’information… ou non.

Une autre technologie, mieux connue, est l’intelligence artificielle (IA), dont l’usage est déjà monnaie courante dans bien des services.  Plusieurs conférenciers présentaient son importance pour le data mining, à l’image de l’outil Yewno des bibliothèques de Stanford, qui extrait automatiquement des entités et concepts de publications scientifiques et présente des liens avec d’autres publications scientifiques sous forme de graphes. À la bibliothèque nationale de Singapour, le data mining est utilisé pour repérer des autorités du catalogue dans des documents numérisés, afin de lier les collections physiques aux numérisations. L’IA trouve aussi son utilité sous la forme d’assistants virtuels permettant de recommander automatiquement des ouvrages aux lecteurs, comme c’est le cas à la bibliothèque Oodi à Helsinki – nommée meilleure bibliothèque publique de l’année – ou encore avec l’appli Bibblix, développée en Suède et visant un public de 6 à 12 ans.

Enfin, réalité augmentée (AR) et réalité virtuelle (VR) font largement parler d’elles. Dans une bibliothèque jeunesse à Taiwan, par exemple, une appli permet aux enfants de localiser facilement un document dans les espaces physiques de la bibliothèque grâce à la réalité augmentée. La réalité virtuelle, quant à elle, fait son entrée dans les bibliothèques de lecture publique, et attire toutes les générations. Une conférencière de Madrid mentionnait que son public senior ne se lasse pas de jouer avec Google Earth en VR, non pas pour « visiter » des contrées lointaines, mais bien pour zoomer chez ses voisins. Ces technologies semblent avoir de beaux jours devant elles.

Nouveau management et advocacy

Gérer ses équipes et gérer son image, deux problématiques au cœur des préoccupations de toute entreprise ou institution. Au cours d’une présentation à propos des futurs managers et leaders en bibliothèque, une conférencière, ex-manager générale des bibliothèques d’Auckland, présentait la différence entre ce qu’on attendait d’un bon manager dans le passé, et ce qu’on en attend maintenant. Avant, un manager en bibliothèque se devait d’être le preneur de décision, « celui qui sait », un quasi-autocrate s’appuyant sur la hiérarchie pour faire respecter les procédures mises en place sur la base de son expertise. Le manager du futur est celui qui travaille avec ses équipes et ses collaborateurs en étant à leur écoute, en respectant leurs compétences propres et en les valorisant, tout en acceptant qu’il n’est pas le seul expert ; celui qui apprend de ses collaborateurs et fait preuve d’empathie dans sa gestion du changement. Cette nouvelle vision du manager interroge… et rassure.

L’advocacy, quant à elle, est sur toutes les lèvres. Il faut que les bibliothèques s’affirment, qu’elles montrent qu’elles existent et qu’elles ont leur rôle à jouer. Comme l’a dit Gloria Pérez-Salmerón dans l’un de ses discours « Libraries are an investment, not a cost ! ». Des idées sont échangées, comme la mise en place dans plus de 1000 bibliothèques françaises de petits cubes présentant des actions concrètes permettant de réaliser les fameux SDGs (les objectifs développement durable), ou encore l’organisation d’edit-a-thon, où des bibliothécaires se lancent le défi d’éditer des articles Wikipedia sur la base de sources sûres. 

Diversité des publics

Certaines conférences, dans la droite ligne de la thématique Dialogue for Change, traitaient plus spécifiquement de l’inclusion de publics mis à l’écart de la société. Plusieurs présentations montraient le rôle que peuvent jouer les bibliothèques dans l’inclusion et l’autonomisation (ou empowerment) des femmes et des jeunes filles. Au Nigeria, la bibliothèque Wordoc organise des formations et des camps pour les femmes et les jeunes filles afin de les sensibiliser aux rôles qu’elles peuvent et doivent jouer dans la société et dans les décisions politiques, ainsi que pour leur rappeler leurs droits et renforcer leur indépendance. En Jordanie, des bibliothécaires travaillent activement dans des camps de réfugiés syriens afin d’offrir une éducation, un accès à l’information et des espaces sécurisés aux femmes et aux jeunes filles.

Les bibliothèques jouent également un rôle important dans l’inclusion de la communauté LGBTQ+, en informant la population à son sujet, en valorisant sa culture et en offrant des lieux où les membres de cette communauté peuvent exister en toute liberté. Par exemple, la bibliothèque publique de Montreuil, en région parisienne, a mis sur pied une « Semaine LGBT ». Lors de ces quelques jours, de nombreuses activités ont été organisées : rencontres avec des acteurs de la scène culturelle LGBT, avec des auteurs LGBT, conférences sur cette communauté par ses membres etc. En outre, des jeux queers et féministes étaient proposés au jeune public, ainsi que des ateliers de maquillage et de lecture organisés par des drag queens, que les enfants ont adorés. Plus de cinq cents personnes ont participé aux activités de cette semaine spéciale, et les retours étaient unanimement positifs… malgré la quantité de paillettes retrouvées partout, et surtout dans la section jeunesse, aux dires de la conférencière !

Marketing et réseaux sociaux

Le point d’orgue de cette session était la présentation de Bonnie Mager, bibliothécaire à la Invercargill City Libraries and Archives (NZ). Cette institution s’est fait connaître sur les réseaux sociaux ces dernières année, notamment en 2017 avec une publication Facebook intitulée Keeping Up With The Librarians (https://www.facebook.com/invlibrary/photos/a.361402647203435/1731469186863434/?type=3&theater) qui parodiait la couverture d’un tabloïd où figurait la famille Kardashian, au moment de la célébration du dixième anniversaire de l'émission de télé-réalité Keeping Up With the Kardashians. L’impact de cette publication a été énorme : « 1 million people reached ; 212,000 engaged users ; 12,000 reactions ; 1700 comments ; 5500 shares » (Mager 2019) et elle a bénéficié d’une large couverture médiatique mondiale. Ces chiffres feront probablement tourner la tête de la plupart des bibliothèques, qui ne remportent pas un tel succès sur la toile, si elles y sont présentes. 

Passé l’effet d’admiration, Bonnie Mager a prodigué des conseils pour la réalisation de publications qui plaisent sur les réseaux sociaux. Nous retiendrons surtout que le contenu doit être authentique et propre à l’institution. Pour que le succès soit au rendez-vous, il faut que les publications soient adaptées à l’institution, son environnement géographique ou politique, son personnel, son offre, son public, etc. Il ne sert à rien de reproduire à l’identique ce qui marche chez les autres. En l’occurrence, ce qui marche pour la Invercargill City Libraries and Archives, c’est d’emprunter les thématiques et les codes des tabloïds, de la culture des mèmes ou encore de la pop culture, par exemple dans une vidéo comique qui met en scène le personnage de Dark Vador comme utilisateur de la bibliothèque (https://www.facebook.com/invlibrary/videos/1947771565233194/). Les actualités, comme les compétitions sportives mondiales, sont aussi une occasion pour le personnel de se mettre en scène à la bibliothèque. Pendant les Jeux olympiques d’été de Rio en 2016, l’équipe a créé une vidéo nommée Synchronised Shelving (https://www.facebook.com/watch/?v=1268966316447059) dans laquelle trois bibliothécaires s’illustrent dans cette discipline et espèrent être sélectionnés pour Tokyo 2020. L’équipe a également repris des formats de vidéos qui tournent sur le web, par exemple la lecture de tweets méchants, ici à propos de bibliothécaires dans le clip Librarians Read Mean Tweets (https://www.facebook.com/invlibrary/videos/1495497153793973/).

Pour finir, la keynote speaker a insisté sur l’importance d’avoir du plaisir et de s’amuser lorsque l’équipe réalise ces contenus : si les contenus sont drôles à réaliser, il y a beaucoup de chances que cela soit aussi comique à regarder que cela marque l’esprit des internautes. Cette conférence, une des premières du matin, fut un concentré d’énergie et de bonnes idées qui ont enchanté tout l’auditoire. Les autres interventions de la session n’étaient pas moins inspirantes, avec, en Finlande, la venue des nouveaux membres du gouvernement dans les bibliothèques locales pour se présenter ainsi que dévoiler leurs projets, faisant des bibliothèques une sorte de nouvelle « place du village ». Rapportons également le premier prix du concours de Management et Marketing, remporté par la bibliothèque de l’Université de Colombie Britannique à Vancouver. Cette dernière propose d’utiliser ses collections iconographiques anciennes numérisées comme livres de coloriage numérique (https://about.library.ubc.ca/colour-our-collections/). Un projet à découvrir, pour s’en inspirer à nouveau… ou juste pour colorier !

Evaluation de l’impact des programmes en bibliothèques municipales

L'évaluation de l’impact des bibliothèques a de nombreuses vertus, notamment en termes d’advocacy, de gestion des ressources et de retour sur investissement. 

En Catalogne, le Planning and Evaluation Service du Conseil provincial de Barcelone suit depuis quelques années une stratégie d’évaluation de l’impact des programmes du Municipal Library Network (MLN), un réseau de 227 bibliothèques (Benet, Feliu, Orte 2019, p.2). Pour eux, l’évaluation de l’impact des programmes proposés en bibliothèque diffère de la simple analyse des indicateurs de performance ou du lancement d’enquêtes de satisfaction, méthodes assez traditionnellement utilisées lorsqu’on veut évaluer l’impact d’une bibliothèque. Leur axe de recherche découle d’un constat sur le rôle des bibliothèques : « The raison d'être of public services is the benefit they can provide for the people who use them and for the societies they serve. A public library service therefore does not exist to make many loans, schedule many activities or train many people, but instead public libraries were established as an instrument to educate citizens and to ensure universal access to information and culture. In short, they contribute to individual and social development in the direction that is considered desirable at any given time, according to a society's specific social and political vision. » (Benet, Feliu, Orte 2019, p. 2). Dans cet article, nous allons résumer trois études d’impact récentes de programmes qui ont été présentées au Congrès de l’IFLA et qui nous ont particulièrement marqués.

Easy-to-read clubs

Ce programme est destiné aux adultes qui ont des difficultés de lecture, du fait d’un handicap mental ou d’un manque d’alphabétisation. L’évaluation de son impact a été réalisée à la fois sur les plans cognitif et social. Les participants ont été interrogés via un questionnaire avant et après avoir participé à un de ces Easy-to-read clubs. L’étude montre qu’il y a eu 54% d’amélioration dans les habitudes de lecture, 18% d’augmentation des compétences liées au langage, 9% d’augmentation des relations sociales (par le fait de créer des relations sociales entre les participants) et 8% d’augmentation de l’utilisation de certains services de la bibliothèque. En revanche, l’impact sur les activités culturelles des participants ou leur bien-être personnel est pratiquement inexistant (Benet, Feliu, Orte 2019, p.6).

Formation au numérique pour les plus de 55 ans

L’édition 2016 de ce workshop consistait en trois modules : « comment marche un smartphone », « photos et vidéos avec votre mobile, montrez votre créativité » et « apps et WhatsApp, la communication instantanée en utilisant votre téléphone ». L’évaluation a été réalisée via un questionnaire rempli lors de la préinscription et à nouveau, 4 mois après le dernier cours. Les deux questionnaires ont été soumis à des participants au cours et à des non-participants, soit ceux auxquels une place n’a pas été attribuée, et qui forment donc le groupe de contrôle. Les principaux résultats démontrent que suivre les formations provoque une augmentation de 15% dans l’utilisation des apps liées à la communication, ainsi que 18% d’augmentation de l’usage d’internet à des fins de loisirs. En revanche, l’étude a montré que les formations ont eu un impact direct sur les thématiques couvertes par les leçons, mais pas d’impact indirect sur d’autres utilisations, par exemple l’usage d’internet pour d’autres activités que les loisirs, ou l’augmentation de l’utilisation des services de la bibliothèque (Benet, Feliu, Orte 2019, p.7-8).

« Velocirepte » : un programme de promotion de la lecture

L’édition 2018 du programme « Velocirepte » a duré de janvier à décembre 2018 et avait pour objectif la lecture par les participants d’au moins un livre par mois sur un sujet spécifique. Le but de l’évaluation était de savoir si, suite à la participation à ce programme, les prêts aux usagers avaient augmenté. Pour répondre à cette question, une méthode quasi expérimentale a été utilisée. Deux groupes ont été créés : le groupe des participants et un groupe de contrôle, constitué de non-participants. Or, ce groupe de contrôle comportait des individus dont chacun avait des caractéristiques personnelles identiques (âge, genre, nationalité, quartier de résidence) à un individu participant au programme. De plus, le participant et son alter ego dans le groupe de contrôle avaient également des caractéristiques identiques en matière d’utilisation du service de prêt. L’étude a montré que la moyenne des prêts par usager, semblable dans les deux groupes en 2016 et 2017, ne l’était plus en 2018, année du programme en question. En effet, la moyenne de la différence entre les deux groupes se montait à neuf prêts de plus pour les participants au programme, prouvant l’impact positif de ce dernier sur l’utilisation du service de prêt.

Cette approche de l’évaluation de l’impact des bibliothèques est particulièrement intéressante dans le contexte de remise en question du modèle traditionnel des bibliothèques publiques. Elle répond au besoin grandissant de prouver que les bibliothèques municipales contribuent de manière efficace et efficiente au développement personnel et collectif des usagers (Benet, Feliu, Orte 2019, p.2). Mais attention, pour réussir à mesurer l’impact de tels programmes, l’évaluation doit être prise en compte lors de leur conception, afin d’avoir un système de suivi et de contrôle générant des données exploitables dès le début (Benet, Feliu, Orte 2019, p.11).

The Migration of Books

La session 189, intitulée « The Migration of Books : Cultural Heritage (objects) and Ideas on the Move - Rare Books and Special Collections (SI) », reflétait une réalité que parfois, en tant que professionnels, nous oublions, à savoir la matérialité du livre. Un livre matérialise une ou plusieurs idées, il est le véhicule de la pensée de son auteur et permet dès lors de l’affranchir des frontières à la fois géographiques et temporelles. Cet objet, si spécial et commun à la fois, a joué un rôle plus que prépondérant dans la diffusion du savoir, à tel point que connaissance et objet se confondent dans l’imaginaire, et dans la réalité lorsque l’on se souvient des contraintes d’accès aux bibliothèques au travers des âges.

Depuis l’invention de l’écriture, et plus particulièrement depuis que l’imprimerie a vu le jour, des connaissances sous forme matérielle ont été vendues, échangées et copiées de par le monde entier. L’écrit est un véritable pont entre les cultures et les générations (pensons à la Pierre de Rosette), et le commerce d’ouvrages en tant que réceptacles de savoirs a créé un réseau permettant de connecter l’humanité. Les livres se déplacent à travers l’espace et le temps, beaucoup ont survécu jusqu’à présent et, après maintes pérégrinations, ont leur(s) propre(s) histoire(s) à raconter, ajoutant la richesse de leur parcours à celle de leur contenu.

Des objets présentant un intérêt patrimonial circulent donc sur les marchés, légaux ou non, depuis des dizaines, voire des centaines d’années, changeant de mains, de contextes, d’interprétations et évidemment de zones géographiques. Le contrôle de ces marchés, déjà difficile à l’échelle d’un pays, devient presque impossible au niveau mondial, particulièrement dans les cas de territoires affectés par la violence ou les troubles politiques.

Dès lors, quelle meilleure occasion que ce congrès rassemblant des spécialistes du domaine venant des cinq continents pour exposer ces problématiques, en discuter et faire émerger des actions communes permettant à un public plus large de profiter des réflexions faites ? Les études et cas présentés lors de cette session ont dès lors pour objectifs d’identifier les besoins globaux de la communauté internationale des bibliothèques et archives, de même que de proposer ou présenter des projets, des outils, des stratégies et des réseaux offrant une réponse à ces besoins communs.

Unification numérique à la BNF

Isabelle Nyffenegger et Anaïs Basse ont présenté une étude de cas basée sur la collection du patrimoine commun de la Bibliothèque nationale de France (BNF), lancée en 2018. Mme Nyffenegger portait ce jour-là une triple casquette : à la fois Directrice déléguée aux relations internationales de la BNF, membre du National Libraries Standing Committee et surtout membre de l’IFLA Digital Unification Working Group. Mme Basse, quant à elle, représentait également la BNF en sa qualité de coordinatrice de la collection du patrimoine commun (Shared Heritage Collection). Leur présentation, basée sur leur article (http://library.ifla.org/2462/1/189-nyffenegger-en.pdf), examinait l’unification numérique comme moyen de sauvegarder, diffuser et améliorer les collections dispersées de par le monde et au travers du temps. Des artefacts ou collections liés au patrimoine culturel d'une civilisation ont pu, suite à des circonstances plus ou moins improbables, se frayer un chemin jusqu’à un point si éloigné de leur origine qu’il en devient extrêmement difficile d’en retracer l’histoire, voire de les affilier à la bonne culture, à la bonne époque. Heureusement, les progrès technologiques de ces dernières décennies offrent la possibilité de recréer des collections numériquement et donc de présenter un panorama beaucoup plus complet des relations entre les cultures et l’histoire en général, sans oublier bien sûr d’assurer une meilleure accessibilité pour les chercheurs et le grand public.

Le groupe de travail de l’IFLA pour l’unification numérique, créé en avril 2017, élabore depuis un ensemble de recommandations pour permettre la mise en œuvre de projets collaboratifs sur le sujet. Ces projets ont pour points communs « d’être des initiatives de coopération internationale et de se concentrer sur la reconstitution ou la compilation numérique d'ensembles de documents dispersés dans des collections transfrontalières et représentant soit une unité documentaire, en termes de patrimoine national, langue, religion ou culture, soit une unité géographique issue d'une histoire commune » (http://library.ifla.org/2462/1/189-nyffenegger-en.pdf). Mme Nyffenegger et Mme Basse nous ont ainsi présenté l’enquête menée en 2017 et ses résultats en matière de besoins, ainsi qu’une étude de cas sur la collection Patrimoines Partagés de la BNF (https://heritage.bnf.fr/), réunissant des documents témoignant des interactions entre la France et le reste du monde.

Listes rouges, ILAB et politiques obsolètes

Le sujet de cette seconde conférence portait sur l’influence des différentes législations nationales et règlements étatiques dans le commerce des livres anciens. M. Fabrizio Govi, vice-président de l’International League of Antiquarian Booksellers (ILAB), a abordé le sujet au travers de son expérience de libraire et n’a pas manqué d’illustrer ses propos par de nombreux exemples. Les différentes législations, variant énormément d’un pays à l’autre et étant parfois contradictoires, génèrent d’importants problèmes en matière d’exportation et d’importation, mais également en ce qui concerne la lutte contre le vol et la contrefaçon.

Historiquement, l’intérêt commercial pour les collections de livres rares a commencé au XVIe siècle, comme l’attestent des ventes aux enchères d’incunables aux Pays-Bas, et la multiplication des foires du livre à travers l’Europe. Le commerce du livre ancien, tel que nous le connaissons, a pris forme dans la seconde moitié du XIXe siècle, époque à laquelle ont été fondées les grandes librairies spécialisées dans le domaine, dont certaines subsistent encore aujourd’hui. Dès le début des années 1900, ces marchands commencent à se regrouper en associations nationales pour mieux défendre leurs intérêts, et internationales suite à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. L’après-guerre était l’occasion de poursuivre un but plus que louable : établir la paix internationale par l’échange culturel et l’ouverture des marchés, en utilisant le livre comme terrain d’entente, à l’heure où le chauvinisme était de mise et où le niveau de communication entre pays était au plus bas. C’est ainsi que l’ILAB a vu le jour, grâce aux efforts de M. Hertzberger.

Depuis lors, cet organisme chapeaute 22 associations représentant 37 pays et s’occupe de questions délicates générées par les règlements conflictuels sur les politiques relatives aux biens culturels, le droit de prescription, les confiscations, le droit de préemption et bien entendu le trafic légal, et illégal. Ainsi, nous apprenons que l’Italie possède une législation tellement spécifique et réglementée qu’elle encourage dans un certain sens son contournement, alors que celle de l’Allemagne est si permissive qu’une grande partie des ouvrages volés dans le monde se retrouvent vendus sur son territoire, sans que les autorités étrangères ne puissent intervenir. De nombreux cas sont évoqués, du scandale Aristophil en France, au cas de Marino Massimo De Caro de la Bibliothèque Girolamini à Naples, qui a fait couler beaucoup d’encre, en passant par l’investigation auprès de la maison de ventes aux enchères munichoise, Zisska und Schauer, accusée de détenir plusieurs centaines d’ouvrages volés en Italie, aux Etats-Unis et au Japon.

Dans leur article et au travers de ces exemples, M. Govi et Sally Burdon, présidente de l’ILAB, souhaitent mettre en évidence « comment des politiques mal conçues ou obsolètes en matière de biens culturels peuvent porter préjudice aux acteurs du marché ainsi qu’à la conservation et à la valeur des livres eux-mêmes » (http://library.ifla.org/2458/1/189-govi-en.pdf). L’ILAB a d’ailleurs créé une « liste rouge » recensant les ouvrages volés (https://stolen-book.org/), mais tant qu’aucune unification, ou même une simple coordination, ne sera mise en place à un niveau international, la vente d’objets volés restera favorisée par ces quiproquos et conflits juridiques.

Le cas du Nigéria

La troisième conférence présentait les problèmes de pillage et trafic de biens culturels au Nigéria. Godwin Nwachukwu Arua, bibliothécaire responsable au Federal College of Education à Eha-Amufu, nous explique le cas particulier de ce pays où le patrimoine culturel a depuis des siècles été l’objet de trafics et pillages pour être revendu à l’étranger. Pire, pour des raisons d’ignorance, de croyances religieuses, de conflits internes et même par négligence, ces richesses transmises de génération en génération ont parfois simplement été détruites. M. Arua insiste sur la mise en place d’instruments normatifs et législatifs pour sauvegarder - et récupérer – le patrimoine nigérian, à l’image de la Convention pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel établie par l’UNESCO. Le pillage, le vol, le trafic illicite et la destruction d’œuvres d’art et d’antiquités sont des réalités actuelles au Nigéria, et M. Arua déplore que ces problèmes soient l’une des formes de criminalité les moins reconnues et analysées (http://library.ifla.org/2512/1/189-arua-en.pdf).

Groupe d’Experts contre le vol, le trafic et la falsification - EGATTT

La dernière conférencière, Arda Scholte, venait au nom de l’ICA (Conseil International des Archives) présenter le groupe d’experts contre le vol, le trafic et la falsification (EGATTT(1)) nouvellement créé, ainsi que ses missions (http://library.ifla.org/2459/1/189-scholte-en.doc.pdf). Celles-ci se déclinent en quatre axes principaux, à commencer par la mise en place d’une coopération entre différentes autres organisations internationales, comme l’IFLA justement, mais également le Consortium of European Research Libraries (CERL), l’International Council of Museums (ICOM) et l’UNESCO, et certains services chargés d’appliquer la loi, comme l’Organisation Mondiale des Douanes (OMD) ou Interpol. Un autre axe est celui de la mise au point d’instruments et de méthodes pour définir et signaler des objets volés et/ou faisant l’objet d’un trafic, en commençant par une réflexion sur les dispositifs en matière de listes rouges. A ce sujet, un travail de Master sera effectué par l’un des soussignés à la Haute école de gestion de Genève, sous la responsabilité de M. Didier Grange, président de l’EGATTT, ce qui démontre bien le bénéfice qu’offre la participation à des congrès professionnels.

La prévention est évidemment une des approches à préconiser, au sein des organisations, mais également au travers de formations. La sensibilisation du public, des institutions, des professionnels et des forces de l’ordre est bien entendu nécessaire pour la constitution d’un réseau efficace. La collaboration entre les associations et institutions des domaines liés au patrimoine culturel est donc indispensable pour contribuer à la lutte contre le vol et le commerce illicite.

Francophonie : Caucus, Stand et AG AIFBD

Le salon des exposants du congrès de l’IFLA 2019 à Athènes a offert aux visiteurs un stand inédit, celui de l’AIFBD. Il s’agissait d’un stand occupé et financé conjointement par l’AIFBD et par le projet de recherche PLACED (projet de recherche européen sur la médiation des activités dans les espaces des bibliothèques et regroupant des partenaires français, suédois et danois). L’AIFBD est l’Association internationale francophone des bibliothécaires et documentalistes. Cette association est issue d’une réflexion amorcée au congrès de l’IFLA en 2004 qui a abouti à la création formelle de l’association en 2008.

En proposant un stand à l’IFLA, l’objectif de l’association était évidemment de faire sa promotion et celles des différentes actions dans lesquelles elle est investie. Cette année, c’est un dispositif de médiation sur le rôle des bibliothèques et des centres de documentation autour des objectifs de développement durable qui a été mis en avant.

Ce stand dans les allées de l’IFLA a également eu un effet positif secondaire inattendu : il a permis à la communauté francophone de se retrouver. On a pu observer tout au long du congrès, une utilisation de ce stand par l’ensemble des francophones présents comme un point de rencontre et d’échanges entre les visiteurs de l’IFLA pratiquant la langue française.

En effet, bien qu’il fasse partie des sept langues officielles de l’IFLA (comme l'arabe, le chinois, l'anglais, l'allemand, le russe et l'espagnol), le français doit trouver sa place dans cette manifestation internationale, comme les autres langues, à l’exception de l’anglais.

Il le fait au travers de différents dispositifs, comme des bourses, ou le Caucus francophone (dont l’organisation a été repensée avec succès, cette année), mais son usage au sein de l’IFLA reste une problématique bien présente. Symboliquement, la politique des langues de l’IFLA est bien présente en français pour sa version 2007 (https://www.ifla.org/files/assets/hq/languages/language-policy-fr.pdf) mais pas pour la version 2019 de sa Language Policy, proposée seulement en anglais, espagnol et allemand (https://www.ifla.org/language-policy).

Ainsi, à l’exception de certaines sections spécifiques, comme celle dédiée à l’Amérique latine et aux Caraïbes qui utilise par défaut l’espagnol, les autres sections travaillent très majoritairement en anglais. Ce choix (par défaut) peut se comprendre, tant les contraintes logistiques et financières d’une solution de traduction semblent importantes, mais il est rarement explicite sur les sites des sections. Il limite, de fait, la participation aux sections aux personnes maîtrisant suffisamment l’anglais.

Dans le même registre, la possibilité offerte, lors des sessions plénières, de bénéficier de traductions simultanées n’est pas forcément communiquée ou prise en compte par les intervenants. On a donc pu assister à des présentations faites en anglais par des francophones et retraduites en français par la traduction simultanée !

Ces quelques exemples ou anecdotes reflètent bien la difficulté de faire exister le multilinguisme en général, et le français en particulier, au sein d’une organisation comme l’IFLA.

Dans ce contexte, le stand de l’AIFBD a clairement répondu à un besoin latent de la communauté francophone, en constituant tout au long du congrès un espace de discussions et d’échanges pour une communauté qui a par ailleurs peu d’occasions de se retrouver à un niveau international. Elle partage pourtant un espace documentaire francophone commun, d'autant plus grâce aux facilités de circulation qu'offre la dématérialisation. Elle se retrouve également autour de problématiques communes, comme la traduction ou la visibilité des productions francophones.

Forts de cette expérience, nous ne pouvons qu’espérer que l’AIFBD trouvera les moyens de proposer à nouveau un stand pour les prochaines éditions de l’IFLA. Un espace de ce type permettrait assurément de renforcer la visibilité de la communauté francophone au sein de l’IFLA, ainsi que celle des projets ou réalisations issues de ses acteurs, en mutualisant ainsi les coûts inhérents à un tel stand.

L’expérience réalisée au cours du congrès de l’IFLA de cette année devrait alimenter la réflexion sur les moyens qui peuvent être mis en œuvre pour renforcer la visibilité et la place de la communauté francophone dans le milieu des bibliothèques et de la documentation.

Conclusion

Ces rencontres nous permettent également de découvrir une réalité différente, sur le terrain. Athènes, ville exceptionnelle par l’importance de son histoire, nous a ouvert ses bras de pierre blanche sur le fond bleu de la Méditerranée, et nous avons plongé dans ses musées et institutions culturelles témoignant de plusieurs millénaires de culture, à commencer par la Bibliothèque Nationale.

Cet imposant écrin, baigné de soleil et d’eau, offre au visiteur une ombre bienvenue par l’étendue de ses jardins, et de son toit accessible et surprenant. La vue y est magnifique, et sa situation géographique, au cœur d’un ancien quartier portuaire en pleine réaffectation, en fait le lieu de rencontre des jeunes, des moins jeunes, et des familles, qui viennent y chercher la fraîcheur en fin d’après-midi, et bien sûr admirer le coucher de soleil sur l’une des plus anciennes villes du monde.

Nous avons également eu l’occasion de participer à quelques visites de bibliothèques, notamment la bibliothèque publique d’Agia Paraskevi qui a pour particularité d’être rattachée au musée d’Alekos Kondopoulos, un peintre grec du XXème siècle. Les deux institutions se trouvent dans le même bâtiment, une moitié étant occupée par la bibliothèque et l’autre, conservée en l’état après le décès de l’artiste, par le musée dédié à la vie et l’œuvre de Kondopoulos. 

Si cette bibliothèque ne se distingue pas d’une autre bibliothèque municipale du point de vue de ses espaces et de ses collections, c’est la quantité d’événements qu’elle organise qui est frappant. En effet, selon les vœux de Kondopoulos, la donation du bâtiment à la bibliothèque inclut un montant qui lui est alloué annuellement de manière immuable, et ce bien avant la crise économique. Les bibliothécaires font usage de ce budget confortable pour faire vivre l’institution et sa communauté. Par exemple, cinq clubs de lecture hebdomadaires sont animés à la bibliothèque, chacun visant un public différent, et rencontrent un franc succès. Des cours d’écriture et de storytelling pour les adultes et pour les jeunes sont organisés régulièrement, et de plus gros événements, nécessitant la fermeture de la rue qui longe l’établissement, ont également lieu fréquemment. Si les bibliothécaires déplorent le manque de place qui ne leur permet pas de développer leurs collections autant qu’elles le souhaiteraient, elles sont ravies du succès que remportent tous les événements organisés. Cette bibliothèque a vraiment su trouver sa place au sein de sa communauté.

Ce déplacement professionnel fut extrêmement enrichissant. Chacun d’entre nous a rapporté dans ses bagages, en plus d’une bouteille d’ouzo, de tsipouro ou de mastika, des connaissances nouvelles et une vision différente, élargie, de son domaine professionnel. Des amitiés sont nées, des idées ont germé et des théories ont été échangées. L’importance des congrès dans notre domaine n’est plus à prouver : tous ceux qui y participent – régulièrement ou non – y trouvent généralement leur compte, et font ensuite profiter leur institution des connaissances acquises et du réseau développé à cette occasion. Pour conclure, nous ne pouvons que vous encourager, vous, lecteurs, à participer à ce genre d’événements, à vous impliquer dans votre milieu professionnel, et surtout, à rester ouverts et curieux à la nouveauté.

Bibliographie

BENET, Enric, FELIU, Toni, et ORTE, Andreu, 2019. IFLA WLIC, Athènes, 24-30 août 2019 [en ligne]. 28 juin 2019. [Consulté le 28 octobre 2019]. Disponible en ligne : http://library.ifla.org/2488/1/272-benet-en.pdf

BIBLIBRE et IFLA, 2018. Media release : IFLA International Marketing Award Winners 2018. www.ifla.org [en ligne]. [Consulté le 15 octobre 2019]. Disponible à l’adresse : https://www.ifla.org/files/assets/management-and-marketing/newsletters/media_release_2018.pdf

MAGER, Bonnie, 2019. Werk. Slay. Yas Queen ! Embracing the confusing world of social media. IFLA WLIC, Athènes, 24-30 août 2019 [présentation orale].