iPRES 2016 - International conference on digital preservation, Berne, Bibliothèque nationale suisse, 3-6 octobre 2016

Hansueli Locher, Bibliothèque nationale suisse

iPRES 2016 - International conference on digital preservation

Berne, Bibliothèque nationale suisse, 3-6 octobre 2016

Toute personne active dans le domaine de la conservation d’informations numériques est amenée à s’intéresser à la conférence internationale annuelle iPRES. L’édition 2016 de cette conférence a été organisée par la Bibliothèque nationale suisse et s’est tenue à Berne. Du 3 au 6 octobre elle a proposé à plus de 300 participants un programme riche et varié, avec des présentations, des tables rondes, des ateliers de travail et des posters.

L’origine de iPRES

iPRES résulte d’une invitation en 2003 de l’Académie chinoise des sciences (ACS) et de l‘Electronic Information for Libraries (eIFL) pour une première conférence qui s’est tenue à Pékin en 2004 et à laquelle des experts européens de la conservation numérique participèrent. Après la clôture de ce colloque riche en échanges et enseignements, la Deutsche Forschungsgemeinschaft (DFG, Conseil allemand de la recherche) proposa de renouveler l’expérience. Ainsi vit le jour cette manifestation, qui se tient chaque année sur un continent différent.

Une large palette de thèmes

Les thèmes qui se rapportent à la conservation numérique sont le cœur de iPRES et chaque conférence, dans son programme, met l’accent sur un aspect particulier. Le spectre est donc large. La présentation de solutions concrètes, locales, régionales ou internationales, y trouve sa place, aussi bien que les discussions autour des stratégies à mettre en œuvre.

Les stratégies et les processus de conservation, ainsi que leurs répercussions sur les systèmes d’archivage à long terme, étaient au premier plan de la conférence de Berne. Les orateurs ont abordé des thèmes qui tournaient autour de l’infrastructure, des systèmes (en particulier des systèmes de stockage de données), des outils en relation avec l’archivage numérique. Les défis posés par la conservation dans différentes disciplines, en particulier pour les institutions chargées de transmettre le patrimoine culturel, ont été largement évoqués. Les études de cas, les échanges d’expériences et de « bonnes recettes » trouvées par les uns ou les autres étaient également présents dans ces journées. Une question très actuelle a retenu l’attention : de quelles compétences aura-t-on besoin pour assurer les différentes tâches dans le domaine de la conservation numérique ? Et par conséquent, quelles formations faut-il mettre sur pied et encourager pour avoir la garantie de disposer de personnel qualifié dans ces domaines ?

Je renonce dans cet article à présenter dans le détail les nombreuses contributions : ce serait difficile de le faire de façon à les refléter correctement. Je renvoie le lecteur intéressé à la page web de la conférence, www.ipres2016.ch ; sous le lien « Programme » il trouvera les actes de la conférence (Proceedings) sous forme de documents PDF. Je préfère me concentrer sur quelques points que j’ai trouvés particulièrement forts lors de ces journées.

J’ai observé avec intérêt la façon dont se sont reflétées les approches diverses entre la recherche et la pratique, ou comment les différences entre la théorie et la pratique ont été discutées. Presque à chaque fois elles s’enrichissent l’une l’autre et permettent à chacune de progresser.

Temps forts des discours d’orientation

Les discours d’orientation de la conférence sont restés dans ma mémoire comme des temps particulièrement forts et de haute qualité.

Robert Kahn, directeur général de la Corporation for National Research Initiatives in Reston (USA) nous a parlé le premier jour des défis et des possibilités de l’archivage numérique. Il a entre autre présenté aux participants l’idée d’un registre global d’identificateurs (Global Handle Registry). Il s’agit d’un système mondial de résolution d’identificateurs univoques d’objets numériques, basé sur l’attribution aux organisations d’un préfixe. Celles-ci définissent ensuite des préfixes subordonnés et enfin attribuent pour leur domaine de compétence des suffixes ou indicateurs uniques. Ce système hiérarchique de recensement aurait à son sommet le registre global qui permettrait une identification univoque et assurerait ainsi le référencement des objets numériques.

Le deuxième jour, Sabine Himmelsbach, directrice de la Maison des arts électroniques de Bâle nous présenta les problèmes liés à l’archivage de l’art numérique. Nous apprîmes que la durée de vie de ces œuvres est très dépendante des versions du hardware et du logiciel sur lesquelles elles ont été créées. Dans certains cas, des stratégies telles que des émulations peuvent être appliquées. Mais dès qu’une œuvre tire certains inputs directement de l’internet, il devient difficile de les perpétuer car les technologies du web changent constamment. Dans le meilleur des cas, l’artiste intervient lui-même, comme dans l’exemple que l’oratrice nous a présenté, où des flux provenant de différentes chaînes d’information en continu sont fusionnés et réarrangés pour créer une nouvelle présentation des contenus. Cela signifie aussi que l’artiste modifie son œuvre, qui ne se présente plus telle qu’elle était dans sa version précédente.

David Bosshard, directeur général du Gottlieb Duttweiler Institut für Wirtschaft und Gesellschaft (Institut Gottlieb Duttweiler pour l’économie et la société) examina la question du changement social par les technologies numériques et les potentialités qu’elles offrent. Les frontières de plus en plus floues entre la sphère privée et la sphère publique, ainsi que les attentes toujours plus hautes envers les technologies étaient au centre de son discours. Quels risques et quelles chances présentent les stocks toujours plus grands de données ? Comment se développe la relation entre l’homme et la machine ? Comment seront prises les décisions dans le futur ? Ces questions sont trois exemples parmi celles que l’orateur a discutées avec nous.

Des ateliers de travail intéressants

Des ateliers de travail qui pouvaient répondre à toutes les exigences ont été proposés aux participants. Les identifiants durables pour les objets numériques, des introductions à l’utilisation d’outils ou la discussion sur les stratégies de sorties des services basés sur le « cloud » en sont quelques exemples.

Faire un choix parmi cette offre si variée fut difficile : dans de tels moments, il faudrait pouvoir se cloner ! Comme j’ai plutôt une formation technique, je me suis finalement décidé pour une introduction à "Fedora Repository", logiciel développé par Duraspace pour gérer des collections d’objets numériques. J’ai reçu les instructions d’installation des logiciels nécessaires pour le workshop avant la conférence déjà, ainsi nous avons pu traiter des objets concrets dès le début de l’atelier. Quelques exemples pratiques ont permis de comprendre rapidement le fonctionnement du logiciel. J’ai ainsi découvert avec surprise qu’en plus d’un outil de gestion, je disposais de SOLR, un puissant outil de recherche qui me permettait de formuler des requêtes et d’avoir accès à des ensembles d’objets numériques.

Un deuxième atelier de très haute qualité, consacré aux exigences auxquelles doit répondre un système de stockage à long terme de données, m’a beaucoup intéressé. Dans ce cas aussi, une préparation de l’atelier a été faite avant la conférence, au moyen d’un questionnaire. Il s’agissait de définir, sur la base de nos propres expériences, quelles fonctions et quelles propriétés sont pour nous importantes pour un tel système. Les résultats de l’enquête ont servi de point de départ d’une discussion approfondie. Il était très intéressant de voir pour quelles raisons quelles institutions ont défini des priorités différentes des nôtres ou dans quels domaines nous nous écartons de la norme.

Cet atelier ne s’est pas terminé avec la conférence : ses responsables ont pris l’engagement de traiter et de synthétiser les contributions des participants afin de consolider une liste pondérée d’exigences et de fonctionnalités. Cette liste sera une excellente base pour les institutions qui doivent acquérir un système d’archivage à long terme de leurs données.

Plusieurs niveaux

L’expérience m’a montré que les conférences se déroulent toujours sur plusieurs niveaux. Il y a bien sûr le programme officiel qui sert d’accroche. Mais il y a aussi pour moi – et certainement pour la plupart des participants – un agenda caché. Une conférence est une occasion idéale de mener des discussions informelles, de partager avec les collègues d’autres institutions les questions que l’on se pose et les problèmes auxquels nous sommes confrontés. Les pauses, les repas de midi et les évènements sociaux sont des temps idéaux pour répondre à ce besoin.

La conférence de cette année proposait en plus un « networking wall », sur lequel les congressistes pouvaient faire connaître leurs domaines d’expertise ou les questions pour lesquelles ils cherchaient de l’aide. Un très bon moyen pour trouver un interlocuteur !

Twitter a joué, comme toujours dans les conférences internationales, un rôle important. Je dois avouer que je ne l’ai pas utilisé de façon active. Mais j’ai apprécié de pouvoir connaître par ce biais les impressions sur les présentations auxquelles je n’ai pas pu participer ou de revoir, une fois ces journées terminées, certaines informations qui m’intéressaient et que je n’avais pas eu le temps de creuser sur le moment.

iPRES 2017

La lecture de ce papier vous a-t-elle donné l’envie de participer à la prochaine conférence ?

iPRES 2017 se tiendra en 2017 à Kyoto (Japon), du 25 au 27 novembre.

Pour plus d‘informations:

Twitter: #ipres2016

Page web: www.ipres2016.ch