InfoTrack, une nouvelle formation en ligne aux compétences informationnelles pour la Bibliothèque de l’Université de Genève : retour d’expérience

Aurélie Vieux, Université de Genève 

Laure Mellifluo, Université de Genève  

Anne Ronchi, Université de Genève  

InfoTrack, une nouvelle formation en ligne aux compétences informationnelles pour la Bibliothèque de l’Université de Genève : retour d’expérience

Un contexte institutionnel favorable

Le projet de formation aux compétences informationnelles InfoTrack a profité d’un contexte institutionnel particulièrement propice à son développement.

Depuis septembre 2006, la Bibliothèque de l’Université de Genève (UNIGE)  formait ses étudiants à la recherche documentaire via le didacticiel CALIS[1] qui avait été introduit d’abord en sciences humaines et sociales (SES) et en théologie, puis en médecine et en sciences. Il avait été créé dans le cadre du programme fédéral du «Campus virtuel Suisse»[2] et visait à offrir une formation générale à la recherche documentaire, mais il a donné lieu à des adaptations disciplinaires et à des solutions technologiques spécifiques sur plusieurs sites[3] et facultés.

Dans le cadre de son plan d’action stratégique 2014-2017[4], la Bibliothèque de l’UNIGE vise une « autonomie accrue des usagers » et prévoit  d’ici fin 2017 de :

  • systématiser les formations documentaires ;
  • concevoir et développer des supports d'auto-apprentissage de type CALIS ;
  • accroître la culture informationnelle des usagers en l’inscrivant dans les cursus universitaires (crédits ECTS).

Suite à une analyse de l’existant réalisée en 2014 sur CALIS, il est apparu nécessaire de repenser cette formation en vue d’une refonte intégrale et de réfléchir à une nouvelle solution technologique. En effet, basé sur des concepts d’apprentissage anciens reposant sur du texte et un parcours entièrement dirigé, CALIS ne répondait plus totalement aux nouvelles pratiques pédagogiques des jeunes générations d’apprenants. De plus, la formation ne couvrait pas la totalité des thématiques liées à la culture informationnelle selon le référentiel suisse[5], notamment l’utilisation de l’information (synthèse, présentation orale, rédaction, etc.). Du côté professionnel, l’effort demandé pour la mise à jour des contenus sur les diverses plateformes était devenu considérable.

Partant de ce constat, un mandat a été rédigé avec les objectifs suivants :

  • répondre aux normes suisses sur les compétences en culture informationnelle[6] ;
  • former de manière uniforme et plus systématique tous les étudiants Bachelor aux compétences informationnelles de base, généralistes et transversales ;
  • faciliter l’intégration de l’apprentissage des compétences informationnelles dans les curricula d’études.

Outre le fait de pouvoir s’appuyer sur la riche expérience de la Bibliothèque en matière de formation à la recherche documentaire, le projet a profité de son alignement avec la vision stratégique de l’Université de Genève, qui ambitionne de se profiler comme un acteur-clé dans le développement des technologies de l’information et de la communication[7]. Dans le contexte du projet institutionnel « Université numérique » qui vise une université connectée d’ici 2020, InfoTrack a obtenu le soutien financier du rectorat. Cette position lui a permis de dépasser le cadre de la Bibliothèque et de se positionner au niveau institutionnel, au même titre, par exemple, que l’Archive ouverte UNIGE.

Les grandes lignes du projet

InfoTrack s’inscrit dans le cadre des projets d’évolution de système d’information institutionnels, ce qui implique le suivi d’une méthodologie de gestion documentée et le respect d’un calendrier global. Un comité de pilotage a été constitué, composé de membres du comité de direction, d’un coordinateur du pôle Communication et Services, d’un collaborateur du service des Nouvelles Technologies de l’Information, de la Communication, et de l’Enseignement (NTICE) et d’un collaborateur du Service de soutien à l’enseignement et à l’apprentissage (SEA). Sous la responsabilité de ce comité de pilotage, le projet est géré par la Bibliothèque comme maître d’œuvre avec le soutien de la Division du système et des technologies de l’information et de la communication (DiSTIC) comme maître d’ouvrage.

Lancé en janvier 2015, il s’est articulé en trois phases : proposition, cadrage et réalisation. À chaque étape, des livrables ont été fixés tels que le concept de formation ; les scénarios ; les vidéos ; la plateforme ; etc. De manière itérative, chaque stade a fait l’objet d’évaluations avec les acteurs concernés, selon le calendrier suivant :

Figure 1 : calendrier du projet

Livré en septembre 2016 pour la rentrée universitaire, InfoTrack a été terminé dans les délais fixés.

Pour accompagner le déploiement de la plateforme sur les sites et son appropriation par les collaborateurs de la Bibliothèque, durant l’été 2016, une campagne de communication interne et externe a été menée auprès du public académique (enseignants, assistants, etc.).

Dans cette phase de mise en œuvre, des référents InfoTrack ont été formés sur chaque site de la Bibliothèque.

Le produit final

InfoTrack est disponible en libre accès depuis septembre 2016 sur https://infotrack.unige.ch. Au final, la formation comprend 24 modules de formation (ou leçons) répartis en 5 thématiques :

  • Comment trouver ?
  • Plan de recherche documentaire
  • Trier
  • Plagiat
  • Rédaction et communication

Figure 2 : page d’accueil de la plateforme InfoTrack

Grâce à ce système modulaire, le dispositif est prévu pour être utilisé aussi bien en auto-formation à distance qu’intégré dans un cours en présentiel sur les compétences informationnelles. De plus, cela permettra de créer sans problème des modules supplémentaires selon les besoins sans nécessiter une réorganisation complète du dispositif.

Chaque module peut être suivi individuellement. Aucun ordre de progression n’est imposé aux utilisateurs. Cependant, ceux-ci peuvent débuter par un test de niveau, qui leur conseillera une sélection de modules en fonction de leurs résultats. De plus, sur chaque page, un bloc propose des modules complémentaires pour poursuivre son parcours sur la plateforme, à l’image des suggestions que l’on est habitué à rencontrer sur YouTube par exemple.

À chaque module correspond un ou plusieurs objectifs pédagogiques. Pour les atteindre, les étudiants disposent en premier lieu d’une vidéo de 3 à 5 minutes : une introduction présente la problématique sous forme d’une mise en situation humoristique mettant en scène des étudiants dans des situations fictives, puis une partie didactique répond aux questions et explique les concepts importants. Un quiz permet ensuite de mettre en pratique ces concepts ou de réviser les points essentiels de la vidéo. Un court résumé conclut le module, parfois accompagné de ressources pour approfondir le sujet. En auto-formation, la durée pour compléter un module est estimée à 10 minutes.

Figure 3 : détail d’un module de formation sur InfoTrack

Pour les étudiants qui souhaitent s’auto-former et gérer eux-mêmes leur progression à travers leur formation, un espace personnalisé est accessible après authentification. Une fois identifié sur la plateforme, l’apprenant peut enregistrer ses résultats aux quizzes et suivre ses progrès de manière autonome. Son tableau de bord personnel lui indique pour chaque thématique le nombre de points obtenus par module.

Figure 4 : tableau de bord personnel pour le suivi de sa progression

La construction collaborative comme mode de développement

Dans la perspective de répondre aux objectifs institutionnels portés par la Bibliothèque et plus largement par l’UNIGE, la méthodologie de gestion de projet employée s’est voulue collaborative et basée sur la mise en place de plusieurs partenariats avec d’autres services de l’UNIGE et un partenaire externe. Au cours des différentes phases, ces contributions ont considérablement enrichi les contenus par l’expertise métier apportée par chacun.

Les contenus pédagogiques

Une équipe projet de trois personnes a été créée au sein de la Bibliothèque avec l’engagement de deux collaboratrices supplémentaires. L’équipe se compose de deux collaboratrices scientifiques pour la chefferie de projet et d’une bibliothécaire-formatrice pour l’expertise métier. L’équipe réunit trois types de compétences complémentaires : une bonne connaissance de la culture informationnelle, des compétences techno-pédagogiques ainsi qu’une solide maîtrise des nouvelles technologies.

Tout au long du processus, elle a travaillé en collaboration avec des bibliothécaires pour la définition du concept de formation et l’élaboration des contenus des modules de cours. Ces derniers ont également participé à la phase d’évaluation par la relecture des scénarios des vidéos, du glossaire, des quizzes et des textes des rubriques « à retenir » et « pour aller plus loin ».

Le Service de soutien à l’enseignement et à l’apprentissage (SEA) est intervenu en tant qu’expert pédagogique dans la construction des modules de cours en lien avec l’utilisation de l’information (synthétiser une recherche, communiquer à l’oral, créer un support visuel pour une présentation orale). Cette équipe a également relu et validé les quizzes ainsi que le test de niveau.

Les scénarios des vidéos didactiques ont été co-écrits par l’équipe projet avec un scénariste de la Société de création multimédia genevoise la Souris verte. Cette société a également été mandatée pour la réalisation des vidéos ainsi que pour la création d’un design pour la plateforme.

En plus de ces différents partenaires, tout le matériel pédagogique a été validé par un panel d’enseignants ainsi que par un panel d’étudiants.

Enfin, il était important de poursuivre la collaboration avec des étudiants pour définir l’architecture et l’organisation des contenus informationnels sur les pages du site. Ainsi, des exercices de tri par carte (card sorting) ont été réalisés avec une quinzaine d’étudiants. Cette méthodologie d’architecture informationnelle a été utile pour regrouper les unités d’apprentissages en thématiques et pour caler la terminologie.

La plateforme

La méthodologie collaborative conduite pour l’élaboration des contenus a été poursuivie pour la conception organisationnelle du site.

L’équipe projet s’est associée avec le service des Nouvelles Technologies de l’Information, de la Communication, et de l’Enseignement (NTICE) de la DiSTIC pour la définition des fonctionnalités techniques, le choix et son développement informatique.

Après une analyse comparative entre plusieurs solutions, le choix s’est porté sur le logiciel de gestion de contenu Concrete5. En effet, bien qu’il s’agisse d’un dispositif numérique à vocation pédagogique, Concrete5 a été privilégié par rapport à un Learning Management System (LMS) comme Moodle ou Chamilo, car il offre plusieurs avantages. Non seulement, il permet de développer un environnement de formation ergonomique avec un design attractif qui porte les objectifs de formation, mais il répond aussi à des exigences fonctionnelles en facilitant les tâches liées à la maintenance et la mise à jour des contenus. De plus, sa souplesse assure à la plateforme une adaptabilité à long terme avec des coûts de maintenance minimaux puisque Concrete5 est déjà utilisé à l’UNIGE pour ses sites web.

Lors de la phase de cadrage, un partenariat avec des étudiants du Master en Sciences de l’information de la Haute Ecole de Gestion (HEG) a enrichi la réflexion autour de l’architecture et le design des contenus informationnels en ligne. Par ailleurs, les préconisations de ces étudiants ont été utiles au moment de la rédaction des textes pédagogiques accompagnant les vidéos de cours.

Son élaboration s’est faite en deux étapes : d’abord une première maquette fonctionnelle a été élaborée et testée avec des étudiants de l’UNIGE, puis, en fonction des retours, un prototype a été développé sur Concrete5. Celui-ci a été testé par des bibliothécaires et des étudiants de Bachelor, ce qui a permis de finaliser l’architecture de la plateforme.

Retour d’expérience

Les tracas administratifs

Le nouveau système de pilotage de projets mis en place au sein de l’UNIGE a demandé aux cheffes de projet un important travail de documentation. Cette étape a permis de faire d’InfoTrack un dispositif de formation porté et financé non seulement par la Bibliothèque, mais aussi par le Rectorat.

Le soutien des plus hautes instances de l’Université est un avantage certain pour l’adoption de la formation par le corps enseignant et son intégration dans les cursus universitaires. Cependant, sa gestion a été considérablement alourdie par le cadre administratif imposé par ce système institutionnel.

L’importance de la coordination

Il est apparu dès le début du projet que celui-ci devait reposer sur des partenariats afin de bénéficier de l’expertise métier, pédagogique ou technique la plus adéquate disponible à l’UNIGE. La participation de bibliothécaires, d’enseignants, de conseillers pédagogiques, d’informaticiens et d’étudiants de l’UNIGE l’a considérablement enrichi et lui a permis d’aboutir à un résultat de qualité non seulement par la pertinence des contenus que les bibliothécaires étaient déjà habitués à présenter dans leurs formations, mais aussi par la forme : validité pédagogique du dispositif et fonctionnalités techniques de l’outil en ligne. Ce point est essentiel aussi pour la suite, car la Bibliothèque ne sera pas la seule entité de l’UNIGE à assurer la promotion d’InfoTrack auprès des étudiants.

Un autre partenariat-clé a été la collaboration avec la Société de création multimédia la Souris verte pour la rédaction des scénarios et la réalisation des vidéos. Ces compétences n’étant pas disponibles à l’interne, il était nécessaire de trouver des professionnels ailleurs.

Cette volonté d’intégrer de nombreux partenaires internes et externes à l'institution a cependant nécessité un important travail de coordination. Pour que chacun se retrouve dans le projet tout en assurant le respect des délais et du budget impartis, il a fallu que les cheffes de projet supervisent de près les différentes tâches et communiquent en continu avec tous les acteurs pour qui InfoTrack n’était pas l’unique réalisation en cours. Un planning et une répartition claire des tâches au préalable ont facilité ce processus.

Une évaluation constante

Pour assurer l’adéquation d’InfoTrack avec les utilisateurs finaux, des tests ont été effectués dès le début auprès de panels d’étudiants et d’enseignants. L’ergonomie de la plateforme a été testée par des étudiants à plusieurs étapes du développement, d’abord sur des maquettes, puis sur le site lui-même au cours de sa réalisation. Les scénarios des vidéos ont tous été relus par des enseignants, puis adaptés selon leurs retours. Cette étape a permis de fixer le format définitif des vidéos comprenant une première partie jouée et drôle, puis un cours plus théorique et finalement une chute comique. Le choix du vocabulaire a fait l’objet d’adaptation pour éviter le jargon bibliothéconomique.

Conclusion

Le défi à relever est de poursuivre la communication institutionnelle autour d’InfoTrack pour améliorer son intégration dans les cursus académiques de l’UNIGE tout en continuant à faire évoluer le dispositif de formation.

Dans cette perspective, la difficulté sera de maintenir la mobilisation des différents partenaires pour la création de modules supplémentaires sur le même modèle de construction collaborative.

Les bibliothécaires ont initié depuis plusieurs années des partenariats avec le corps enseignant pour l’intégration des formations aux compétences informationnelles dans leurs cours. InfoTrack redonne un élan bienvenu à cette collaboration et ouvre de nouvelles perspectives dans certaines filières qui ne profitaient pas encore de cette offre. Le choix d’avoir décliné les objectifs d’apprentissage d’InfoTrack à partir du référentiel suisse dans le domaine apporte un surplus de légitimité à ces efforts et une base cohérente pour des développements futurs.

L’objectif, à terme, est que tous les étudiants de l’UNIGE finissent leur Bachelor en maîtrisant ces compétences. Grâce à InfoTrack, ils disposent maintenant d’un outil moderne et attractif qui va assurément les y aider.

Notes

[1] CALIS est l’acronyme de « Computer-assisted learning for Information searching »

[2] Campus virtuel Suisse (CVS), 2009. Swiss Virtual Campus [en ligne]. 2009 [Consulté le 27.09.2016] Disponible à l’adresse : http://www.virtualcampus.ch/display2625.html

[3] La Bibliothèque de l’UNIGE est formée de quatre sites physiques et d’un service de coordination.

[4] Division de l’information scientifique (DIS), 2014. Plan d’action stratégique de la DIS, UNIGE 2014-2017. DIS [en ligne]. 01.05.2014 [Consulté le 27.09.2016] Disponible à l’adresse : https://www.unige.ch/dis/index.php/download_file/view/38/170/

[5] Groupe de travail Culture informationnelle dans les hautes écoles suisses, 2011. Normes suisses sur les compétences en culture informationnelle [En ligne] Informationskompetenz [Consulté le 30.11.2016] Disponible à l’adresse : http://www.informationskompetenz.ch/fr/ikurz-fr/standards-ch

[6] Idem

[7] Université de Genève (UNIGE), 2016. Vers une université connectée et digitalisée. In : Campus. N°126, dossier «Uberisation », p38-39.