Quelle gouvernance informationnelle pour une PME High Tech ?

Aurèle Nicolet, Haute Ecole de Gestion, Genève

Quelle gouvernance informationnelle pour une PME High Tech ?

Introduction

Fondée en 1998, Alpes Lasers est une jeune société anonyme spécialisée dans la recherche et le développement de laser à cascade quantique, une technologie relativement nouvelle, puisque les premiers essais concluants ont été menés au début des années 90 et les premières commercialisations ont commencé à l’orée des années 2000 (Quantum cascade laser 2016).

Constatant des difficultés à gérer efficacement son information, l’entreprise contacte la Haute école de gestion et lui demande de l’accompagner dans une démarche de gouvernance informationnelle, sous la forme d’un mandat. Deux principaux objectifs sont établis : cartographier les ressources informationnelles et formuler des recommandations.

Méthodologie

Afin de réaliser notre premier objectif, nous avons mené une enquête qui visait à dresser deux états des lieux, celui des ressources documentaires de l’entreprise et celui de ses pratiques de gestion de l’information.

Pour le premier point, nous avons choisi d’établir un inventaire typologique. Pour le second, nous avons opté pour des entretiens semi-directifs. En plus de ces deux états des lieux, nous avons également procédé à une analyse des exigences légales et réglementaires auxquelles est soumise l’entreprise.

Inventaire typologique

Pour réaliser notre inventaire, nous nous sommes inspirés de travaux préexistants, comme celui qu’a réalisé Mme Conus dans le cadre de son travail de Bachelor (Conus 2013, p.77). Nous avons aussi fait le choix de ne concevoir qu’une seul grille, prévue aussi bien pour les documents papiers que pour les documents numériques, car, pour Jean-Pascal Perrein, la non-différenciation du format est l’un des cinq piliers de la gouvernance informationnelle (Perrein 2014a). Notre grille comporte dix entrées :

  • Numéro de référence
  • Lieu de conservation
  • Titre du dossier : Il s’agit du titre inscrit sur le classeur ou la boîte d’archive ; pour les documents numériques, le nom du dossier ou du sous-dossier.
  • Description : le détail du contenu lorsque le titre n’est pas assez explicite ou inexistant.
  • Dates extrêmes
  • Unité productrice : cela désigne l’unité créatrice des documents ou de leur enregistrement.
  • Nature du support
  • Volume : il est donné en mètres linéaires pour les documents papier et en kilo-octet pour les documents numériques afin de faciliter la conversion en giga-octet.
  • État : Pour l’état de conservation, nous avons créé une échelle de trois degrés : bon, moyen et mauvais. Le niveau « mauvais » correspond à un état critique, tels que des moisissures, de l’urine ou d’autres éléments affectant l’intégrité des documents. Le niveau « moyen » est utilisé pour des documents présentant des pliures ou des déchirures, mais qui ne nuisent pas à son intégrité. Enfin, le niveau « bon » correspond à des documents ne présentant pas de dégâts ou extrêmement minimes. Comme l’échelle peut difficilement être reportée pour les documents numériques, nous avons utilisé l’entrée pour noter d’éventuels problèmes de lecture des fichiers.
  • Remarques : elles ont été utilisées pour des notes comme des indications données lors des entretiens ou des constatations au moment de l’inventaire.

Pour commencer notre inventaire, nous sommes partis de la liste de classeurs et de boîtes fournie par l’assistante administrative. Très vite, nous avons constaté que cette liste ne reflétait plus la réalité du terrain. En raison d’un récent déménagement, les lieux de stockage indiqués ne correspondaient plus et les classeurs/boîtes ne respectaient plus un ordre logique. Ainsi, différents éléments d’une même série se retrouvaient dispersés sur plusieurs étagères. De plus, des cartons contenant des classeurs de la filiale allemande n’avaient pas été ouverts.

Tous ces éléments ont engendré un retard sur le planning prévu et nous ont amené à continuer l’inventaire en parallèle des entretiens. Cependant, ce délai supplémentaire n’a pas été uniquement négatif, puisque les entretiens nous ont permis d’affiner notre compréhension sur certains dossiers et de découvrir l’existence de séries de documents que nous n’aurions pas soupçonnée.

Une fois terminé l’inventaire de documents papier, nous nous sommes attaqués aux documents numériques et avons exploré l’espace partagé « Common », le principal lieu de stockage en dehors des bases de données. Nous nous sommes heurtés à deux difficultés : le degré de détail de l’inventaire et l’identification du producteur. En effet, pour des documents physiques, le niveau de description est assez facile. Il s’agit généralement du classeur ou de la boîte d’archives. Dans le cas d’un dossier numérique, la séparation est plus difficile. Nous avons finalement opté pour une description au niveau du sous-dossier, nous réservant néanmoins le droit d’adapter ce niveau de description selon les cas rencontrés. Ainsi, l’organisation labyrinthique du dossier « Admin » nous a amené à affiner le degré de détail, alors que le dossier « Measurement », dont le type de contenu est extrêmement répétitif et standardisé, a été décrit au niveau du dossier.

Pour le deuxième problème, celui de l’identification claire d’un producteur, deux cas se présentaient. Dans l’un, le créateur du fichier ou du dossier n’était pas humain. On peut prendre comme exemple les programmes de mesure qui créent automatiquement des fichiers dans le dossier « Measurement ». Dans l’autre cas, le producteur est humain, mais nous ne possédons aucune indication de son nom ou de sa fonction. Or, au sein de l’entreprise, des personnes peuvent cumuler plusieurs responsabilités et les dossiers peuvent contenir des fichiers appartenant à des services différents.

Ces éléments problématiques ont rendu difficile l’établissement d’une comparaison claire entre les dossiers numériques et les dossiers papier.

Entretiens

Sur la base de l’organigramme, nous avons sélectionné huit personnes à interviewer : les différents de chefs de service/unité, l’assistante administrative et le CEO. Puis, nous avons préparé un guide d’entretien, basé sur un exemple fourni par notre directrice de mémoire (Makhlouf Shabou [ca. 2016]) et sur l’article de Crockett et Foster qui propose plusieurs questions à poser aux producteurs d’archives (Crockett et Foster, 2004, p. 51). Nous avons choisi d’orienter la discussion autour de trois éléments : les fonctions et activités du collaborateur, les problèmes d’accès à l’information et ses pratiques de gestion et d’archivage des documents. Une dernière partie permettait à l’interviewé d’exprimer ses attentes vis-à-vis du projet.

Une fois le guide terminé, nous avons contacté les collaborateurs afin de préciser le but de notre rencontre et fixer une date de rendez-vous. Les entretiens ont duré environ quarante-cinq minutes. Pour une meilleure flexibilité et afin que nos interlocuteurs soient plus à l’aise pour présenter leurs pratiques et problèmes, nous avons fait le choix de ne pas enregistrer les entretiens. Une fois les notes mises au propre, nous en avons envoyé une copie afin de les faire valider par le participant.

Résultats

Volumétrie

Commençons par la volumétrie. Alpes Lasers compte environ 50 mètres linéaires et 360 Go de données numériques. Pour des raisons de calcul, nous avons séparé les documents numériques des documents papier, car il est difficile d’établir une comparaison entre le poids d’un fichier et un métrage linéaire (Chabin 2013).

Figure 1 : Volumétrie des documents papier par service

Trois unités se partagent un peu plus de 90% de la masse documentaire papier. Il s’agit de l’assistante administrative (53%), de la filiale allemande AL-Technologie (23%) et de l’unité Back-End (17%) qui s’occupe du montage, de l’analyse des mesures et de la sélection des lasers. Leur prédominance s’explique assez bien. L’assistante administrative a la charge de la comptabilité, des ressources humaines, des relations avec les fournisseurs ou encore des dossiers des clients. Pareillement, nous retrouvons pour AL-Technologie les dossiers comptables, ceux du personnel et les différentes commandes passées. Or, malgré le développement du numérique, tous ces éléments restent encore très souvent sous format papier. Pour l’unité Back-end, la majorité de ses documents sont des feuilles de mesure et des ordres de fabrication, qui jusqu’à présent étaient systématiquement imprimés.

Concernant la volumétrie de l’espace partagé « common », en raison du problème d’identification claire des producteurs évoqué plus haut, il nous était impossible de la présenter par service. Nous avons donc fait le choix de garder la structure de l’espace.

Figure 2 : Volumétrie des dossiers de l’espace partagé « common »

Quatorze dossiers composent l’espace partagé, mais n’ont pas tous la même importance. Nous pouvons tout de suite remarquer le poids important du dossier « Measurement » et celui dérisoire (<1%) de six dossiers. Pour quatre d’entre eux (« Attic », « Exe », « Lost and founds » et « Test set perms »), la raison est simple. Il s’agit de dossiers utilisés par l’unité IT comme débarras, zone de test ou d’aide à l’installation de programme. Concernant les deux derniers, l’explication est différente. « Produits » est un dossier récemment créé, dont une grande majorité de ses sous-dossiers sont vides, car la documentation pour les produits n’est pas encore rédigée. Enfin, la légèreté du dossier « Documentation » tient à la nature de ses documents : modèles, manuels et autres fichiers de texte.

Besoins et environnement d’Alpes Lasers

En parallèle de l’enquête menée via l’inventaire et les entretiens, nous nous sommes intéressés aux besoins et à l’environnement d’Alpes Lasers afin de les prendre en compte dans notre projet de gouvernance. Trois points sont ressortis : les objectifs stratégiques, les exigences réglementaires et normatives, ainsi que les besoins du secteur.

Puisqu’il n’existe pas de document présentant explicitement les objectifs stratégiques de l’entreprise, nous avons demandé au CEO de nous en dresser une liste. Trois objectifs sont ressortis, qui s’avèrent davantage opérationnels que stratégiques : la réduction du risque de développement, l’optimisation de la prévisibilité de la production et la maximisation des opportunités de comprendre les mécanismes sous-jacents. Ce sont trois éléments que nous pouvons relier à ceux de tout programme de gouvernance informationnelle (GlassIG 2016) : minimiser les risques, minimiser les coûts et optimiser la valeur.

Concernant la législation et dans le domaine qui nous intéresse, Alpes Lasers est principalement soumise, comme toute société anonyme, au Code des Obligations et à l’Ordonnance concernant la tenue et la conservation des livres de comptes (Olico). À ces deux textes, nous pouvons ajouter l’article 70 de la loi sur la TVA qui précise certains délais de conservation dans le cas des créances fiscales. De plus, comme la société a pris en charge les documents de sa filiale située en Allemagne en cours de fermeture, elle est également soumise à la législation allemande.

Pour les entreprises, la recherche et le développement jouent un rôle important, particulièrement dans un domaine novateur comme les lasers à cascade quantique. Deux éléments sont à prendre en compte : les brevets et les données de la recherche.

La quantité de brevets détenus par une société est un élément fondamental dans la course à l’innovation (Seuillot 2015). Ainsi, l’un des fondateurs d’Alpes Lasers, Jérôme Faist a presque dû réinventer le laser à cascade quantique, car les brevets de son invention « appartenaient aux Laboratoires Bell et étaient bloqués » (Fonds national suisse 2007, p. 2).

Depuis plusieurs années, les milieux universitaires et les organismes de financement s’intéressent à la gestion des données de la recherche et surtout à leur réutilisation possible. Ainsi, dans le cadre du programme Horizon 2020, l’Union européenne a lancé un projet pilote qui demande à chaque groupe de chercheurs un plan de gestion des données ou data management plan (DMP). Ce document planifie la gestion des données durant toute la durée d’un projet et au-delà, s’intéressant aux questions de conservation et de diffusion de données. Pour le moment, en Suisse, la rédaction d’un DMP n’est pas encore obligatoire, mais fait partie des mesures du programme pluriannuel 2017-2020 du Fonds national suisse de la recherche scientifique.

On pourrait être tenté de croire que l’adoption d’un DMP ne concerne que la recherche publique, car il a trait à l’ouverture des données, un élément qui coïncide peu avec des intérêts commerciaux. Cependant, il faut bien prendre garde à ne pas assimiler la gestion des données de la recherche à leur partage systématique (Donnelly 2015, p.11). En fait, les entreprises peuvent tirer plusieurs bénéfices d’un DMP, comme une amélioration du flux de données, une plus grande efficacité dans l’enregistrement ou encore la réutilisation des données au sein de l’entreprise (Beagrie, Pink 2012, p. 3).

Problèmes constatés

Notre enquête nous a permis de relever plusieurs éléments problématiques que nous avons ensuite apprécié selon les principes d’ARMA, car « [ils] forment les bases à partir desquelles tout programme efficace de gouvernance de l’information est élaboré, évalué et – que l’organisation ou son personnel les connaisse ou non – un jour ou l’autre jugé. » (ARMA International 2015, p. 2).

Commençons par l’absence d’une direction de l’information qui touche au principe de responsabilité. Cela entraine un manque de vision d’ensemble permettant de coordonner les efforts de chacun. Ainsi, chaque collaborateur développe sa propre méthode sans avoir connaissance de celle des autres ou de retour sur la sienne, un manque qui a plusieurs fois été exprimé lors des entretiens.

Le second élément problématique est celui de la disponibilité. Il est difficile d’accéder à l’information, en dehors des dossiers connus et utilisés régulièrement. Plusieurs facteurs peuvent l’expliquer. Tout d’abord, chaque unité a sa propre méthode de classement. Ensuite, il n’y a pas de processus d’élimination des éléments obsolètes ou redondants, ce qui engendre du bruit. Enfin, l’environnement informatique hétérogène rend l’accès difficile à certains programmes.

Lors de l’inventaire, nous avons relevé la difficulté d’identifier clairement le producteur. Cette absence d’information sur le contexte de création, comme l’identité de l’auteur, rend problématique la vérification de l’authenticité et de la fiabilité d’un document et donc au principe d’intégrité.

D’une manière générale, Alpes Lasers veille à la protection de ses données et à leur confidentialité. Cependant, lors de nos entretiens, nous avons appris que plusieurs collaborateurs utilisaient des services comme Dropbox ou Google Drive pour le travail à distance ou le partage de documents avec des personnes externes à l’entreprise, comme des fournisseurs ou des clients. Cela pose des problèmes de perte de maitrise de l’information, car les conditions exactes de stockage et de protection de ces fournisseurs sont peu transparentes.

En ce qui concerne les principes de conservation et de disposition de l’information, nous relevons l’absence d’un sort final pour les documents. Une fois créés, ils sont conservés, quelle que soit leur valeur. Ceci engendre plusieurs problèmes. Tout d’abord, la présence de documents redondants ou obsolètes entraine un bruit lors des recherches. Ensuite, tôt ou tard, se posera la question de la place.

Enfin, le dernier point problématique touche au principe de transparence. Alpes Lasers documente peu ses processus ou sa production. Cette absence de documentation est caractéristique des PME, « car la proximité permet les échanges oraux sans formalisation écrite » (Hassanaly 2013, p.47). À ce titre, le choix adopté par l’unité IT de proposer une aide ponctuelle plutôt que de concevoir des manuels d’utilisateur est particulièrement illustratif. Consciente de cette lacune, l’entreprise a entrepris des efforts dans ce sens, mais la démarche est récente et apparaît peu dans les entretiens, ce qui tend à penser que cela n’a pas encore été bien intégré par les collaborateurs.

Recommandations

À partir des résultats de l’enquête et des lacunes constatées, nous avons exprimé une série de recommandations qui s’articule autour de trois points : définition d’une politique, engagement d’une personne responsable de l’information et adoption d’outils méthodologiques.

Définir une politique de gouvernance informationnelle

Document qui traduit l’engagement de la direction dans la gestion de l’information, la politique de gouvernance informationnelle cadre et légitime « un ensemble d’exigences et de règles, formalisées et rendues applicables dans un référentiel ». (Perrein 2013). Elle possède quatre objectifs (Makhlouf Shabou 2015, p. 8) :

  • Consigner la stratégie et les décisions prises concernant la gouvernance ;
  • Communiquer cette stratégie et les décisions prises à l’ensemble de l’organisation ;
  • Impliquer la direction ;
  • Uniformiser les pratiques.

Comme il s’agit d’une pratique encore peu répandue, il n’existe, pour le moment, pas de modèle canonique. Cependant, différents éléments tendent à se retrouver dans les politiques que nous avons analysées. On trouve souvent un exposé des bénéfices et des objectifs, une définition des rôles et responsabilités, et enfin une liste des normes et des standards auxquels se référer.

Pour réaliser une première version de notre politique de gouvernance, nous nous sommes inspirés de celle de l’Université de Lausanne (UNIRIS 2014a). Deux éléments ont présidé ce choix. D’une part, son cadre légal est, en partie, similaire à celui d’Alpes Lasers : les deux organisations sont suisses. D’autre part, la forme claire et didactique nous semblait parfaitement convenir pour une entreprise qui n’est pas familiarisée avec les questions de gouvernance. Il faut toutefois noter que la politique proposée dans notre travail, l’est à titre d’illustration. Mettre en place une politique nécessiterait plus de temps que ce que nous avions à disposition.

Nommer une personne responsable

Tous (ARMA International 2015, p. 2 ; Perrein 2015) s’accordent sur l’importance de nommer une personne ou une entité dédiée à la gouvernance de l’information. Dans notre travail, nous avons envisagé de confier cette responsabilité à une seule personne, mais, suite aux remarques de notre expert, il nous semble plus intéressant d’établir un comité en charge de la gouvernance et d’avoir une personne spécialiste de l’information pour sa mise en application. Concernant cette personne, trois scénarios sont possibles : l’engagement d’un ou d’une professionnelle à 40%, l’appel à une entreprise spécialisée ou un partenariat avec la Haute école de gestion.

L’engagement d’un professionnel offre plusieurs avantages. La personne est intégrée dans la société et a une bonne connaissance de ses processus et de ses ressources, ce qui facilite la coordination entre les différents acteurs, comme l’IT, la direction et les producteurs d’information. De plus, elle peut plus facilement s’engager dans des projets à long terme comme la valorisation des archives définitives. Seul inconvénient, l’engagement est une charge fixe, difficile à moduler selon les ressources financières de l’entreprise.

L’appel à une société spécialisée, par rapport à l’engagement d’une personne fixe, offre un avantage d’ordre budgétaire, puisqu’il est plus facile d’ajuster la dépense selon la situation financière ; mais en raison de son externalité, elle risque de ne pas avoir une vision d’ensemble et de coordination entre les services et donc de ne pas conduire à une véritable gouvernance de l’information.

Enfin, le troisième scénario, un partenariat avec la Haute école de gestion, dispose des mêmes avantages et inconvénients que le deuxième. Nous retrouvons une dépense moindre, puisqu’il s’agit d’étudiants en formation, mais le problème d’externalité est augmenté. En effet, il est difficile de disposer d’une vision d’ensemble, lorsque chaque étudiant doit s’approprier le contexte de l’organisation. Le troisième scénario pourrait davantage prendre la forme de mandats ponctuels portant sur des éléments précis, tels que la mise en place d’un plan de classement ou d’un calendrier de conservation.

Mettre en place des outils méthodologiques

Plan de classement

Selon la norme ISO 15489, le plan de classement a trois usages (ISO 15489-2, p. 9). D’une part, il permet d’organiser, décrire et articuler les documents. Il sert également à relier et à partager les documents communs à plusieurs entités, en interne comme à l'extérieur de l'organisme. Enfin, il offre la possibilité d’améliorer l'accès, la recherche, l'utilisation et la diffusion des documents de la manière la plus appropriée.

Une fois le plan de classement validé, se pose la question de sa mise en place. La commission « Records Management » de l’association des archivistes français considère trois stratégies : la renaissance, la reprise partielle ou la reprise totale (Groupe interassociation AAF-ADBS "Records Management" 2011, p. 29).

La stratégie de la renaissance consiste à arrêter une date à laquelle l’ancienne arborescence ne peut plus être modifiée. Seule la lecture est autorisée et les documents ne sont pas repris dans le nouveau classement. L’avantage de cette méthode tient à sa simplicité et à la possibilité de repartir à zéro. Cependant, le constant va-et-vient entre les deux structures risque d’entretenir la confusion plutôt que la dissiper.

La stratégie de la reprise partielle laisse les documents non essentiels et inactifs dans l’ancienne structure et rapatrie les autres dans la nouvelle. Cette option offre un bon compromis. La dépense en temps est moindre que pour la reprise totale. Son principal point noir est le risque de prolonger la transition entre les deux systèmes, mais le problème est moins important que pour la stratégie de renaissance.

La stratégie de la reprise totale fait le choix d’abandonner complètement l’ancienne arborescence et de transférer l’ensemble des documents sur la nouvelle. Cela a le mérite d’assurer une cohérence et une unité à l’ensemble, mais le coût en temps et en moyen est énorme. De plus, il existe un risque, faible mais réel, que certains documents ne puissent être repris dans la nouvelle structure, si certaines activités de l’entreprise ont changé, par exemple.

Pour notre part, nous recommandons cette dernière stratégie. Certes, l’investissement en temps est important, mais ce délai peut être mis à profit en éliminant les éléments obsolètes parallèlement au transfert des documents.

Calendrier de conservation

Présenté généralement sous la forme d’un tableau, le calendrier de conservation répertorie les différents types de documents d’une organisation et définit plusieurs éléments : le responsable de l’exemplaire principal et ceux des exemplaires secondaires pour chaque type de document ; la durée de conservation du document lorsqu’il n’est plus actif et enfin le sort final du document (élimination ou archivage définitif). Cela permettra à Alpes Lasers de maitriser le cycle de vie de ses documents.

Politique de nommage

Un nommage clair et précis rend facile l’identification et la classification des documents. Il peut en outre pallier à une absence de métadonnées (UNIRIS 2014b). Il convient cependant de ne pas imposer une politique artificielle, mais d'harmoniser les pratiques déjà existantes, car le succès dépend de plusieurs éléments, comme la consultation et l'adhésion des utilisateurs (Scaglione 2016, p. 4).

Plan de gestion des données de la recherche

En raison de la part importante de la recherche et du développement au sein d’Alpes Lasers, il nous semble important de mettre en place un DMP pour chaque projet, aussi bien interne qu’externe. Il n’est cependant pas nécessaire d’en créer un de toutes pièces. C’est pourquoi nous proposons d’adopter celui conçu pour le programme d’Horizon 2020 (Commission européenne 2016, p. 5).

Plan de protection

Alpes Lasers a déjà pris certaines mesures, comme la conservation de documents sensibles dans un coffre d’une banque. L’adoption d’un plan de protection des documents essentiels permettra de systématiser et d’unifier la pratique.

Conclusion

L’enquête menée nous a permis de relever plusieurs éléments problématiques, tels qu’une organisation des dossiers propres à chaque unité, voire à chaque collaborateur, ou encore une absence d’élimination des informations obsolètes ou redondantes. Ceci pointe un manque de gouvernance claire chez Alpes Lasers, d’une vue d’ensemble du fonds documentaire et du cycle de vie. Le problème n’est pas propre à notre mandant et touche de nombreux organismes.

Pour pallier ce problème, nous avons proposé une série de recommandations qui relèvent finalement davantage du records management que véritablement de la gouvernance informationnelle. Cela n’est pas étonnant, puisqu’on peut considérer le records management comme le socle de la gouvernance de l’information (Pagnamenta 2014, p. 11). Enfin, nous tenons à rappeler que les recommandations proposées ne constituent pas une fin en soi, mais ne sont qu'une première étape. En effet, la gouvernance de l'information n'est pas un projet à court terme, mais doit être envisagée sur le long terme (Smallwood 2014, chap.1 ; GlassIG 2016).

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