Numérique et patrimoine culturel : quels impacts ? Un condensé du Satellite Meeting IFLA Préservation et Conservation d’août 2014

Numérique et patrimoine culturel : quels impacts ? Un condensé du Satellite Meeting IFLA Préservation et Conservation d’août 2014

Le Satellite Meeting de la section IFLA Préservation et Conservation (P&C)(1) organisé à Genève les 13 et le 14 août 2014 à la Bibliothèque de l’Institut des Hautes Etudes Internationales et du Développement (IHEID)(2) a été l’occasion de réunir quelque 90 professionnels suisses et du monde entier, sur un thème essentiel : « Le Patrimoine culturel à l’ère numérique ». Autour de la question du patrimoine culturel, les défis à relever sont nombreux : d’un côté, destructions, vols, pillages, catastrophes naturelles, incendie, guerres…de l’autre, préservation, archivage, conservation et numérisation.

Le patrimoine culturel apparait comme un thème éternel et abondamment traité, mais il prend un autre éclairage quand on le considère à l`ère du numérique. De nombreuses possibilités s’offrent pour sa préservation et sa conservation en recourant à un certain nombre de méthodes, à des « plans de sauvetage » quand cela s’avère indispensable, ou de techniques spécifiques selon les matériaux et leur durabilité.  Conserver l’héritage culturel de l’humanité est un vrai défi à relever, auquel s’emploient de nombreux spécialistes de par le monde. En cela, le Satellite Meeting Préservation & Conservation de l’IFLA représenta un réel moment de partage et d’échange entre professionnels concernés ou sensibilisés par cette question.

Il serait difficile de retranscrire ici l’ensemble des communications et des débats durant ces deux jours. Seuls quelques aspects sont donc développés. Le programme proposé est un judicieux équilibre entre expériences suisses (à la fois genevoises, romandes et suisses-allemandes) et internationales (avec des interventions d’Australie, d’Italie, de Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud, Algérie, Etats-Unis, Pakistan, Malaisie, Indonésie, Iran).

Deux conférences dites inaugurales ont d’entrée de jeu posé la problématique : celle d’Alex Byrne, bibliothécaire d’Etat et directeur de la bibliothèque de Nouvelle-Galles du Sud (New South Wales) en Australie(3) est centrée sur les institutions de la mémoire qui représentent un lien essentiel entre passé, présent et futur. Alexis Rivier, conservateur en charge de la bibliothèque numérique à la Bibliothèque de Genève, détaille la numérisation du patrimoine intellectuel genevois qui présente des incidences sur la conservation des documents.

D’autres conférences évoquent ensuite Genève et son riche patrimoine : celle d’Anouk Dunant Gonzenbach, archiviste, qui détaille la politique d’archivage à long terme aux Archives de l’Etat de Genève et celle de Nelly Cauliez, conservateur et responsable de l’Unité Régie de la Bibliothèque de Genève, qui prend l’angle, essentiel si ce n’est primordial, de la formation au sauvetage des collections à la Bibliothèque de Genève. Très proche est la communication de Maria Teresa Shazar, à propos du cas qui s’est présenté en automne 2013 lors de travaux à l’Abbaye de St Maurice, travaux ayant entrainé d’importants dommages aux collections entreposées. Avec Randy Silverman, conservateur à la Marriott Library de l’Université de l’Utah, il va s’agir de trouver les moyens les plus adéquats pour sauver des séismes des objets en verre ou des supports très fragiles. Christophe Jacobs, président du comité français du Bouclier bleu(4), présente quant à lui les différentes actions de cette association créée en 2001, afin de soutenir en France l’application de la convention de La Haye sur la protection des biens culturels en cas de conflit.

Un volet parallèle de cette conférence dédié au patrimoine culturel est l’aspect conservation et préservation grâce à la technologie numérique : Memoriav, exposé par Yves Niederhaüser responsable du domaine video-TV de cette organisme, est à la fois un réseau mais également une plateforme pour l’accès au patrimoine audiovisuel suisse(5); digiTUR, projet mis en place par la ville et le canton de Zürich pour sauvegarder leur patrimoine culturel(6) est présenté par Susanne Bliggenstorfer et Eva Martina Hanke, respectivement directrice et chargée de projet de la ZentralBibliothek de Zürich. La Bibliothèque nationale d’Iran (représentée par Afsaneh Teymourikhani et Saeedeh Akbari Daryan du département des Ressources numériques) développe un projet intitulé « National Persistent Identifier » afin d’identifier les objets numériques, tandis que l’Afrique du Sud numérise des collections photographiques (Nellie Somers, Université de KwaZulu-Natal). Enfin, le projet « e-manuscripta.ch », plateforme de manuscrits numérisés provenant des archives et bibliothèques suisses, est exposé par Eva Martina Hanke, chargée de projet de la ZentralBibliothek de Zürich.

D’autres aspects ont été traités, notamment les questions juridiques avec « le Traité de Marrakech visant à favoriser l’accès à la lecture aux personnes aveugles, déficientes visuelles ou ayant d’autres difficultés » (Rafael Ferrez Vasquez, OMPI)(7), mais aussi la question des archives privées dans les bibliothèques et les musées avec Kevin Racine du Musée d’histoire naturelle de Genève ; l’action de l’IFLA par rapport aux thèmes de la préservation et de la conservation avec Geneviève Clavel, de la Bibliothèque nationale suisse et par ailleurs membre du Governing Board de l’IFLA ; les programmes de formation des étudiants en sciences de l’information à la thématique numérique par Porchia Moore (Université de Caroline du Sud aux Etats-Unis). Enfin citons la troisième conférence plénière donnée par Winston Roberts de la Bibliothèque nationale de Nouvelle-Zélande, évoquant avec sensibilité et profondeur les commémorations récentes dans son pays du centenaire de la Première guerre mondiale.

Voici donc, très condensés, les thèmes principaux débattus lors du Satellite Meeting genevois. Variété, diversité, richesse des exemples et des expériences de par le monde et en Suisse sont des traits marquants de ces deux journées. Il est à souhaiter que l’IFLA s’arrête plus souvent à proximité de Genève pour renouveler l’évènement.

Notes

(1) http://www.ifla.org/preservation-and-conservation

Le meeting a été organisé en partenariat avec :

  • l’Association genevoise des bibliothécaires diplômés en information documentaire (AGBD),
  • the Association of International Librarians Specialists (AILIS),
  • la Haute école de gestion, Département Information documentaire (HEG-ID),
  • l’Association internationale francophone des bibliothécaires documentalistes (AIFBD)
  • le Programme de formation continue Archives, Libraries and Information Science (ALIS) des Universités de Berne et de Lausanne

(2) http://graduateinstitute.ch/fr/home/research/library.html

(3) Cette communication fut présentée par Winston Roberts, car un vol de monnaies anciennes et précieuses eut lieu à la bibliothèque de Nouvelle-Galles du Sud avant la conférence empêchant A. Byrne de se déplacer : c’est une parfaite illustration des dangers que peut subir le patrimoine culturel

(4) http://www.bouclier-bleu.fr/

(5) http://fr.memoriav.ch/

(6) http://www.zb.uzh.ch/spezialsammlungen/digitur/index.html.de

(7) Ce thème qui ne rentre pas véritablement dans le thème général de la conférence a été pris au vu de son actualité et du rôle joué par l’OMPI dont le siège est à Genève