Quelle qualité pour les archives électroniques ? Réflexions et retour d’expérience autour du processus décisionnel du Conseil d’Etat valaisan

Alain Dubois, Archives de l'État du Valais

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Quelle qualité pour les archives électroniques ? Réflexions et retour d’expérience autour du processus décisionnel du Conseil d’État valaisan

En guise de préambule – quelques réflexions sur la qualité des archives électroniques

Une hypothèse de travail simple a guidé toute la réflexion des Archives de l’État du Valais en matière d’archivage électronique : la qualité des archives électroniques est étroitement liée à la qualité des données et des métadonnées qui sont extraites ou héritées des systèmes de gestion des documents, qu’il s’agisse d’une structure arborescente gérée par un système d’exploitation, d’un système de gestion électronique des documents ou d’un système de records management électronique(2). Les systèmes de gestion des documents et les plates-formes de pérennisation et d’archivage constituent en effet les deux faces d’une même médaille, dont l’avers dépend de la qualité du revers et réciproquement. C’est ainsi qu’il me paraît possible, en y ajoutant néanmoins une palette de nuances, de dégager trois niveaux de qualité. Et ces niveaux de qualité peuvent se mesurer à l’aune des normes de description du Conseil international des Archives, qui de facto répondent aux trois questions suivantes : Quoi ? Il s’agit de décrire le contenu des dossiers et des documents, ainsi que des données, sur la base de la norme ISAD(G)(3). Qui ? Il s’agit d’identifier et de décrire les producteurs des dossiers, des documents et des données, sur la base de la norme ISAAR (CPF)(4). Comment ? Il s’agit de documenter la manière dont se sont progressivement constitués les dossiers d’affaires, qui résultent toujours d’un processus d’activité, sur la base de la norme ISDF(5). Sur cette base, il est ainsi possible de distinguer :

  • un niveau de qualité minimal. L’archiviste a peu de contrôle sur le(s) système(s) qui produi(sen)t les données et les métadonnées avant leur versement aux Archives. Il est dès lors très fortement tributaire de la qualité des systèmes de gestion des documents mis en place, notamment des attributs du système paramétrés par défaut qui lui permettent d’extraire les métadonnées qui décrivent le contenu des dossiers. Il lui sera néanmoins très difficile de garantir a posteriori une qualité qui a fait défaut initialement. Ce niveau de qualité, qui apporte des renseignements sur le quoi, se retrouve, entre autres, dans les structures arborescentes gérées par un système d’exploitation.
  • un niveau de qualité intermédiaire. L’archiviste a la possibilité d’extraire des systèmes de gestion des documents des métadonnées qui décrivent le contenu des dossiers et renseignent sur les utilisateurs ou les groupes d’utilisateurs qui ont accès aux dossiers. Ce niveau de qualité, qui apporte des renseignements sur le quoi et le qui, se retrouve, entre autres, dans les systèmes de gestion électronique des documents et dans les systèmes de records management électronique.
  • un niveau de qualité maximal. L’archiviste a la possibilité d’extraire des systèmes de gestion des documents des métadonnées qui décrivent le contenu des dossiers et renseignent non seulement sur les utilisateurs et les groupes d’utilisateurs, mais également sur la manière dont ont été progressivement constitués les dossiers. Ce niveau de qualité, qui apporte des renseignements sur le quoi, le qui et le comment, se retrouve dans les systèmes de gestion des affaires, qui intègrent à la fois la gestion par processus d’activités et le records management électronique.

Le niveau de qualité des archives électroniques est donc directement influencé par le système qui gère les données et les documents avant leur versement sur une plate-forme de pérennisation et d’archivage. A ce stade, il me paraît néanmoins nécessaire d’ajouter une seconde variable : le degré d’implication des archivistes dans la conception des systèmes de gestion des documents. En effet, plus l’archiviste participe à la définition et à l’implémentation des systèmes de gestion des documents, meilleures seront les chances d’en extraire des archives électroniques de qualité. Il est ainsi tout à fait possible d’augmenter la qualité des archives électroniques qui proviennent d’une structure arborescente issue d’un système d’exploitation, en y ajoutant nativement certaines métadonnées descriptives, de même que la qualité des archives électroniques extraites d’un système de gestion des affaires pourra être médiocre en raison d’une absence de paramétrage de certaines métadonnées descriptives dans le système d’origine. La prise en compte de ces deux variables milite donc clairement en faveur de l’intervention des archivistes durant tout le cycle de vie des documents et des données électroniques dans une perspective de gestion continue des documents ou de records continuum. Ce sont en tous les cas ces réflexions – cette intime conviction, serais-je tenté de dire – qui ont guidé et nourri l’action des Archives de l’État du Valais au cours des cinq dernières années en matière de gestion des documents et d’archivage électronique.

Le retour d’expérience présenté dans le cadre de cet article, qui sous-tend la réflexion décrite ci-dessus, porte sur un projet pilote mené en 2012-2013 sur l’archivage du processus décisionnel du Conseil d’État valaisan. Il s’agit certes de la description d’une situation idéale, où les Archives de l’État du Valais ont été étroitement associées à la définition et à la mise en œuvre du système qui gère ce processus et ont pu, par incidence, obtenir un niveau de qualité élevé du point de vue des archives électroniques versées, mais qui devrait néanmoins tendre à devenir la norme à l’avenir. Surtout, ce retour d’expérience veut démontrer tous les bénéfices et toutes les potentialités d’un travail certes exigeant, mais susceptible d’apporter des plus-values décisives par rapport à un archivage sous forme papier.

1. Les conditions cadres nécessaires à un archivage électronique

Trois prérequis ont été nécessaires pour mener un tel projet pilote.

Disposer d’un système de gestion des documents tout d’abord. Avant de mettre en place un tel système, les Archives de l’État du Valais ont d’abord dû définir une méthode de travail à l’interne. Synthétisée dans un Guide de gestion des documents, cette dernière présente les différentes étapes nécessaire à l’implémentation d’un système de gestion des documents de sa conception à sa réalisation concrète selon les principes de la gestion de projet(6). Les Archives de l’État du Valais ont ensuite travaillé – et travaillent actuellement – à la mise en œuvre concrète du système de gestion des documents à travers le projet Enterprise Content Management ou projet ECM, qui a pour objectif non seulement de dématérialiser progressivement les processus d’activités de l’État du Valais qui ne sont pas gérés par des outils métier spécifiques, mais également de mettre en œuvre des projets de records management électronique à proprement parler. C’est ainsi que sont aujourd’hui entièrement dématérialisés le processus décisionnel du Conseil d’État, que je présenterai plus en détail ci-dessous, et le processus des dossiers soumises à la signature des chefs du Département de la santé, des affaires sociales et de la culture et du Département des transports, de l’équipement et de l’environnement. Des systèmes de records management électronique ont, dans le même temps, été mis en œuvre ou le seront prochainement auprès de la Chancellerie d’État et du Service parlementaire, de l’état-major de la cheffe du Département de la santé, des affaires sociales et de la culture, du Service de la culture et du Service de l’agriculture.

Disposer d’une plate-forme d’archivage électronique ensuite. Dans le cadre d’un projet mené au niveau du Service de la culture, qui visait à assurer la conservation à long terme des collections numériques et numérisées des Archives de l’État du Valais, de la Médiathèque Valais et des Musées cantonaux, les Archives de l’État du Valais ont contribué à la mise en place d’une plate-forme de pérennisation et d’archivage conforme aux normes et standards internationaux en la matière. Cette plate-forme, mise en service en mai 2011, accueille également les publications officielles produites par les autorités cantonales et communales et les dossiers des ouvrages d’art exécutés à la demande du Service des routes, transports et cours d’eau. Elle accueillera prochainement les pièces justificatives numérisées par le Service des registres fonciers et de la géomatique(7).

Disposer d’une interface d’échange entre le système de gestion des documents et la plate-forme d’archivage électronique enfin. C’est le Matterhorn METS Profile, publié en novembre 2012 auprès de la Bibliothèque du Congrès à Washington qui, aujourd’hui, assure ce rôle(8). Ce profil, décrit ci-dessous, est un modèle qui présente les données et documents électroniques ainsi que les métadonnées qui s’y rapportent selon les principes d’un document METS.

C’est ainsi qu’au cours des dernières années et à travers ces différents projets, les Archives de l’État du Valais ont progressivement mis en place les outils qui permettent de gérer tout le cycle de vie d’un document depuis sa création dans un système de records management jusqu’à sa conservation à long terme sur une plate-forme dédiée.

2. L’archivage du processus décisionnel du Conseil d’État

Mises progressivement en place, ces conditions cadres ont finalement permis la réalisation du projet pilote d’archivage du processus décisionnel du Conseil d’État valaisan.

2.1. Le processus décisionnel du Conseil d’État

Conduit à la fois sous forme papier et électronique, le processus de préparation, de traitement et de notification des décisions du Conseil d’État, processus central de l’Administration cantonale valaisanne, apportait un certain nombre de contraintes, liées notamment à la gestion hybride des documents, auxquelles il s’agissait de remédier. Décision a donc été prise de le dématérialiser, non seulement afin d’améliorer la rapidité, la fluidité et la traçabilité du processus, ainsi que la gestion et l’accès aux dossiers et aux documents, mais également de garantir la conservation à long terme des dossiers. Le projet a été conduit entre juin 2010 et décembre 2011 par la direction opérationnelle du projet ECM, composée de représentants des Archives de l’État du Valais (gestion des documents), de la Chancellerie d’État (analyse des processus) et du Service cantonal de l’informatique (implémentation de l’outil), et de représentants des unités administratives directement concernées par le processus (états-majors des chefs de département et services centraux). Les séances du Conseil d’État se déroulent ainsi sous forme entièrement électronique depuis le début avril 2011. Ce sont près de 250 personnes qui participent au traitement hebdomadaire de 150 dossiers en moyenne.

Résumé dans le schéma suivant(9), le processus se déroule comme suit :

01. Préparation
Le Service qui souhaite soumettre un dossier à l’approbation du Conseil d’État prépare un projet de décision, auquel il joint toutes les pièces utiles à la prise de décision (correspondance, rapport, recours ou dossier de procédure, par exemple). Une fois validé, le chef de service transmet le dossier au secrétariat du chef de département.

02.01. Analyse formelle
Le secrétariat du chef de département examine le dossier d’un point de vue formel (complétude du dossier et saisie des différents champs obligatoires). Cas échéant, il peut le retourner au service émetteur pour correction ou complément. Une fois validé, le dossier est transmis au chef de département pour prise de connaissance.

02.02. Pré-validation / Validation
Le chef de département examine le dossier du point de vue du contenu. Cas échéant, il peut soit le retourner au service émetteur pour demander des compléments ou des adaptations, soit le retirer. Une fois validé, le dossier est transmis soit aux services centraux pour préavis (étape 02.03. Préavis), soit à la Chancellerie d’État pour inscription à l’ordre du jour de la prochaine séance du Conseil d’État (étape 03. Consolidation).

02.03. Préavis
Un préavis des services centraux est requis dans les cas suivants : dossiers en lien avec les ressources humaines (préavis du Service des ressources humaines et de l’Administration cantonale des finances), dossiers ayant une incidence financière (Administration cantonale des finances), projets d’actes législatifs (Chancellerie d’État) et renouvellement des commissions administratives (Secrétariat à l’égalité et à la famille). Un préavis peut être favorable, défavorable ou formulé avec des réserves. Le service central peut également refuser de se prononcer sur le projet de décision.

02.04. Validation
Une fois préavisé, le dossier est retourné chez le chef de département qui décide de la suite à donner en fonction du type de préavis reçu. Si le préavis est positif, le dossier est transmis à la Chancellerie d’État pour inscription à l’ordre du jour de la prochaine séance du Conseil d’État. Si le préavis est négatif ou formulé avec des réserves ou si le service central ne se prononce pas, le chef de département prend contact avec le service émetteur pour décider de la suite à donner (retrait du projet de décision ou compléments apportés au dossier).

03. Consolidation
Une fois transmis à la Chancellerie d’État, le dossier est une nouvelle fois examiné du point de vue formel par la secrétaire du protocole (contrôle de la présence des préavis des services centraux et de la liste de distribution). Cas échéant, il peut être retourné au département émetteur pour correction ou adaptation. Si le dossier est complet, il est inscrit au bordereau de la prochaine séance du Conseil d’État.

04. États-majors
A ce moment-là, le dossier est libéré auprès des états-majors des chefs de département pour analyse et commentaires en prévision de la séance du Conseil d’État.

05. Séance
Le dossier est traité au cours de la séance du Conseil d’État. Un dossier peut être validé ou refusé, modifié, non traité pour des questions de temps ou mis en attente pour des raisons stratégiques ou politiques.

06. Diffusion
Une fois validé par le Conseil d’État, le dossier est transmis au département émetteur pour notification. Ce dernier est ensuite chargé de le transmettre au service émetteur. Le dossier est alors conservé dans le système pendant plusieurs années avant d’être versé sur la plate-forme de pérennisation et d’archivage.

2.2. L’archivage du processus décisionnel du Conseil d’État

En préambule, il me paraît essentiel de rappeler une évidence : l’archivage d’un dossier sous forme électronique ne conduit pas à des changements majeurs dans le travail d’évaluation effectué par l’archiviste. Les fondamentaux restent identiques, même s’il est nécessaire d’effectuer quelques adaptations méthodologiques. Dans le cadre de l’archivage d’un dossier papier, l’archiviste dispose de l’état du dossier tel qu’il est à la clôture de l’affaire. Il dispose par ailleurs d’informations sur le contenu et les acteurs de ce dernier (le quoi et le qui évoqués précédemment), mais plus rarement sur le processus qui est à l’origine de sa création (le comment). Dans le cadre de l’archivage d’un dossier électronique, l’archiviste dispose également de l’état du dossier tel qu’il est à la clôture de l’affaire. Par contre, selon la nature du système de gestion des documents mis en œuvre, il dispose d’un vaste réservoir de métadonnées qui peut le renseigner non seulement sur le contenu et les acteurs d’un dossier, mais aussi sur le processus qui en découle. C’est donc à l’archiviste de sélectionner les métadonnées qui lui paraissent utiles et nécessaires à la compréhension de la manière dont s’est progressivement constitué le dossier jusqu’à sa clôture. En somme de rendre intelligible le contexte de création de ce dernier pour une personne étrangère au domaine concerné. D’où la nécessité d’intervenir en amont de la chaîne documentaire pour paramétrer dans le système de gestion des documents les éléments d’information nécessaires à la conservation à long terme du dossier électronique. C’est donc à ce niveau que, de mon point de vue, réside la différence majeure entre archivage papier et archivage électronique : décrire a posteriori un dossier pour l’un, identifier a priori les renseignements nécessaires à la compréhension d’un dossier par les générations futures pour l’autre. Sans parler, bien évidemment, de la possibilité de représenter ces derniers de manière dynamique et de les traiter automatiquement.

2.2.1. La sélection des documents nécessaires à la compréhension d’une affaire

Débutons par un aspect du métier qui ne change pas. A l’instar du monde papier, l’archiviste doit tout d’abord se charger de l’évaluation du contenu du dossier. Il va ainsi sélectionner les documents qu’il juge nécessaires à la bonne compréhension de l’affaire. Dans le cadre du processus décisionnel du Conseil d’État, l’archiviste dispose d’un modèle de dossier d’affaires qui se compose des éléments suivants :

Le dossier « 1 – Rapports » contient le ou les rapports qui soutiennent le projet de décision, tandis que le dossier « 2 – Préavis » contient les préavis requis auprès des services centraux et le dossier « 3 – annexes » toutes les autres pièces nécessaires à la prise de décision (procédure d’adjudication ou dossier de recours, par exemple). Le dossier « 4 – interne », accessible uniquement aux différents états-majors des chefs de département (en l’occurrence l’état-major de la présidence du Conseil d’État), contient des notes qui étayent les prises de position des chefs de département. Enfin, à la racine du dossier, se trouve(nt) le(s) projet(s) de décision.

Ont ensuite été définis la typologie et le cycle de vie des documents :

L’évaluation des documents a abouti aux décisions suivantes :

  • conservation définitive de tous les documents contenus dans les dossiers « 1 – Rapports », « 2 – Préavis » et « 3 – Annexes » ;
  • conservation définitive du projet de décision du Conseil d’État soumis par le service émetteur au département, du projet de décision présenté par le département au Conseil d’État et de la décision validée par le Conseil d’État ;
  • élimination des dossiers « 4 – interne » ;
  • élimination des certificats médicaux et des notes internes.

2.2.2. La sélection des métadonnées nécessaires à la compréhension de l’affaire

Poursuivons notre travail d’évaluation par un élément nouveau, susceptible d’un point de vue qualitatif d’améliorer notablement la description des archives. A la différence du monde papier, en effet, l’archiviste dispose dans le monde électronique d’un réservoir presque inépuisable d’informations à travers les métadonnées produites par les systèmes de gestion des documents. Son travail consiste dès lors à sélectionner dans ce vaste ensemble les informations qui documentent en toute transparence la constitution progressive d’un dossier d’affaires. Ces informations sont de deux types : les métadonnées de description, qui renseignent sur le contenu même du dossier, et les métadonnées de pérennisation, qui permettent de gérer le dossier sur le long terme. En écho aux trois standards du Conseil international des Archives évoqués ci-dessus, elles répondent aux trois questions suivantes :

  • que contient le dossier ?
  • qui est intervenu sur le dossier ?
  • comment le dossier s’est-il progressivement constitué ?

C’est ainsi que, comme nous le montre la copie d’écran suivante, la page d’accueil d’un dossier soumis à l’approbation du Conseil d’État valaisan permet de répondre à ces trois questions :

Que contient un dossier ?
Dans le cadre du processus décisionnel du Conseil d’État, les métadonnées qui décrivent le contenu d’un dossier sont de deux types :

  • les métadonnées qui décrivent le dossier d’affaires en tant que tel ;
  • les métadonnées qui décrivent les sous-dossiers et les documents en tant que tels.

Sur la base d’une analyse très détaillée du système de gestion des décisions du Conseil d’État, les Archives de l’État du Valais ont ainsi décidé de sélectionner 15 métadonnées qui décrivent le dossier en tant que tel(10), 3 métadonnées(11) qui décrivent le répertoire et 5 métadonnées qui décrivent le document(11).

Qui est intervenu sur le dossier d’activité ?
Dans le cadre du processus décisionnel du Conseil d’État, chaque utilisateur est identifié non pas au niveau individuel, mais en fonction du ou des rôles qu’il exerce tout au long du processus. Il est ainsi rattaché à un ou plusieurs groupes d’utilisateurs, ce qui permet par ailleurs de gérer les droits d’accès aux documents.

Comment le dossier s’est progressivement constitué ?
Un système de gestion des affaires présente l’avantage de renseigner les différentes étapes de constitution d’un dossier d’affaires sous forme d’événement. Dans ce cas idéal, l’archiviste n’a bien évidemment pas le devoir de conserver tous les événements qui affectent un dossier jusqu’à sa clôture, mais bien d’en conserver les principaux. Dans le cadre du processus décisionnel du Conseil d’État, les Archives de l’État du Valais ont ainsi décidé de conserver les événements suivants :

  • 01 Préparation
    • lancer le workflow du dossier
  • 02.01 Analyse formelle
    • accepter (opération qui permet de passer à l’étape suivante « 02.02 Pré-validation »). En revanche, les autres événements de cette étape ne sont pas conservés, dans la mesure où il ne s’agit que de contrôles formels qui n’ont pas d’influence sur le contenu même du dossier.
  • 02.02 Pré-validation / Validation
    • accepter (opération qui permet de passer à l’étape suivante (soit « 02.03. Préavis », soit « 03 Consolidation »))
    • retourner pour adaptation du dossier auprès de l’émetteur
    • retirer le dossier
    • requérir un préavis de la part des services centraux (Administration cantonal des finances, Service des ressources humaines, Chancellerie d’État et Secrétariat à l’égalité et à la famille)
  • 02.03 Préavis
    • préavis (type de préavis (favorable, défavorable, avec réserve, ne se prononce pas), auteur, date)
  • 02.04 Validation
    • accepter (opération qui permet de passer à l’étape suivante « 03 Consolidation »)
    • retourner pour adaptation du dossier auprès de l’émetteur
    • retirer le dossier
  • 03 Consolidation
    • Faire suivre (opération qui permet de passer à l’étape suivante « 04 Analyse »). En revanche, les autres événements de cette étape ne sont pas conservés, dans la mesure où il ne s’agit que de contrôles formels qui n’ont pas d’influence sur le contenu même du dossier.
  • 04 Analyse
    • Les événements de cette étape ne sont pas conservés.
  • 05 Séance
    • Décision du Conseil d’État (Accepté, refusé, mis en attente)
    • Compte-rendu de la décision
    • Report du dossier à une autre séance (non traité)
    • Faire suivre (opération qui permet de passer à l’étape suivante « 06 Diffusion » et de transmettre le dossier au service émetteur)
  • 06 Diffusion
    • Faire suivre (opération qui permet de transmettre le dossier au service émetteur)

2.2.3. La modélisation des (méta)données dans le format du Matterhorn METS Profile

Une fois effectué le travail d’analyse et de sélection du contenu du dossier et des métadonnées qui s’y rapportent, il s’est agi tout d’abord de créer un WebReport pour les extraire du système de gestion des décisions du Conseil d’État, puis de les intégrer dans un modèle de données. Dans le cadre des Archives de l’État du Valais, c’est le Matterhorn METS Profile qui a été choisi. Ce modèle de données permet, en effet, de restituer dans un fichier .zip :

  • le contenu (dossiers et documents) ;
  • les métadonnées encodées dans un fichier mets.xml qui se compose des éléments suivants :
    • information de description (en EAD)
    • information de préservation (en PREMIS)
    • informations sur la structure du dossier (relations entre les sous-dossiers, les documents et les métadonnées)

2. 4. Le modèle de données développé pour le processus décisionnel du Conseil d’État

J’illustrerai mon propos à travers l’exemple d’un dossier d’adjudication complémentaire validé par le Conseil d’État en 2012 pour les travaux de terrassement et de revêtement de la place de stockage des poids lourds sur le site d’un centre de contrôle autoroutier. Le dossier est tout d’abord extrait du système de gestion des décisions du Conseil d’État sous la forme d’un SIP (Submission Information Package), qui se base sur la structure d’analyse présentée ci-dessus (fichier .zip composé d’un dossier qui regroupe les documents de l’affaire en question et d’un fichier mets.xml).

Le contenu du dossier, subdivisé en sous-dossiers et en documents, est présenté conformément à la structure définie ci-dessus suite à l’évaluation des documents :

Quant au fichier mets.xml, il permet de présenter toutes les métadonnées extraites du système de gestion des décisions du Conseil d’État en relation avec le dossier d’adjudication complémentaire(13).

Ces métadonnées sont présentes dans plusieurs sections du fichier.

La section <METS:dmdSec>

Cette section contient, d’une part, les métadonnées qui décrivent le dossier d’adjudication complémentaire en tant que tel. Les métadonnées sont encodées en EAD (Encoded Archival Description)(14) , déclinaison XML de la norme de description ISAD(G) :

Cette section contient, d’autre part, les métadonnées qui décrivent les sous-dossiers (répertoires) et les documents (fichiers) du dossier d’adjudication complémentaire. Ainsi en est-il, par exemple, du projet de décision du Conseil d’État soumis par le service émetteur :

La section <METS:amdSec>

Cette section contient les métadonnées qui permettent de pérenniser un dossier. Ces métadonnées de préservation sont décrites selon le standard PREMIS, qui se compose de quatre sections(15):

La section « Objet » (section <PREMIS:object>)

Cette section contient des informations qui permettent de garantir la conservation à long terme des documents électroniques. Elle comporte notamment des informations sur les formats de fichier utilisés, ainsi que leur version, de même que les sommes de contrôle effectuées. Voici, à titre d’exemple, les métadonnées extraites de la décision validée par le Conseil d’État :

La section « Evénement » (section <PREMIS:event>)

Cette section contient les informations relatives aux différentes étapes du processus. J’illustrerai mon propos à travers l’exemple du passage du dossier d’adjudication de l’étape « 01. Préparation » à l’étape « 02.01. Analyse formelle » ; il s’agit du moment où le dossier a été transmis par le Service des bâtiments, monument et archéologie au secrétariat du chef du Département des transports, de l’équipement et de l’environnement :

La section « Agent » (section <PREMIS:agent>)

Cette section contient les informations relatives aux différents groupes d’utilisateurs qui sont intervenus au cours du processus. Dans le cadre du processus décisionnel du Conseil d’État, les groupes d’utilisateurs sont relativement importants, dans la mesure où ce sont eux qui permettent de gérer les droits d’accès à tout ou partie d’un dossier lorsque ce dernier n’est pas encore accessible pour le public – le délai de protection des documents contenant des données sensibles et des profils de la personnalité est, par exemple, de 100 ans(16). J’illustrerai mon propos avec le groupe d’utilisateurs de l’Administration cantonale des finances chargé de donner un préavis aux projets de décision qui ont une incidence financière. Ce groupe d’utilisateurs est défini comme suit dans le fichier METS :

La section « Droits » (section <PREMIS:rights>)

Cette section contient les informations relatives aux droits dont disposent les différents groupes d’utilisateurs qui interviennent au cours du processus sur les objets qu’ils créent, modifient, éliminent ou simplement auxquels ils accèdent. Dans le cadre du processus décisionnel du Conseil d’État, cette section est relativement importante, dans la mesure où elle permet d’accorder aux groupes d’utilisateurs les mêmes droits dont ils disposaient dans le système de gestion des documents et ce jusqu’à l’échéance du délai de protection. J’illustrerai mon propos avec les droits attribués au groupe de la Chancellerie d’État, qui dispose du droit de voir et de voir le contenu des dossiers et des documents, mais non de les créer, de les modifier et/ou de les éliminer. Ce droit est défini comme suit dans le fichier METS :

Vers une conclusion

Le projet mené par les Archives de l’État du Valais visait à démontrer non seulement la faisabilité de l’extraction d’un SIP depuis un système de gestion des documents, mais surtout l’exploration et l’exploitation des possibilités offertes par la sélection des métadonnées dans les systèmes de gestion des documents pour enrichir la description archivistique et assurer, par voie de conséquence, un archivage de qualité.
Le test a été mené sur un échantillon pour lequel les informations de description et de préservation étaient riches. Ce niveau de qualité maximal a été rendu possible par l’intégration dans le système de gestion des décisions du Conseil d’État de métadonnées qui donnaient des renseignements sur le contenu d’un dossier progressivement constitué au cours d’un processus parfaitement connu et dont les acteurs étaient clairement identifiés. A terme, il ne pourra toutefois être déployé que dans les systèmes de gestion des affaires. Dans les systèmes de records management électronique traditionnels, par contre, il faudra accepter un niveau de qualité intermédiaire, qui renseigne avant tout sur le contenu et les acteurs, mais pas sur le processus qui a documenté la constitution progressive d’un dossier. Par contre, là où les données et les métadonnées ne sont pas clairement gérées avant leur versement sur une plate-forme de pérennisation et d’archivage, il sera difficile de garantir a posteriori une qualité qui a fait défaut initialement. C’est ainsi que ce retour d’expérience démontre de manière claire, me semble-t-il, que les archivistes, s’ils souhaitent disposer d’archives électroniques de qualité, doivent intervenir en amont de la chaîne documentaire et participer très activement aux projets de records management électronique et de dématérialisation des processus d’activités. C’est en effet au moment de la conception des systèmes d’information que se définit – et, partant, se joue – la bataille de la qualité des données et des documents, ainsi que des métadonnées, qui sont destinés à être conservés sur le long terme. Il en va finalement de la transmission de notre mémoire aux générations futures.

Notes

(1)Il convient de préciser à ce propos que les résultats présentés dans le cadre de cet article ont été rendus en partie possibles grâce à la fructueuse collaboration conclue depuis plusieurs années en matière d’archivage électronique entre les Archives de l‘État du Valais et l’entreprise Docuteam GmbH, en particulier Tobias Wildi.

(2)Les Archives de l’État du Valais ont du reste eu l’occasion d’approfondir cette notion de qualité dans le cadre du projet « Définition et mesure des qualités des archives et documents électroniques publics (QADEPs) » dirigé par Basma Makhlouf Shabou, professeur d’archivistique à la Haute Ecole de gestion de Genève, filière Information documentaire, et réalisé en partenariat avec l’Université de Berne, les Archives fédérales, les Archives d’État de Genève et Docuteam GmbH.

(3)La Norme générale et internationale de description archivistique a été publiée officiellement par le Conseil international des Archives en 1994 ; la seconde et dernière version date de 1999. Se référer à http://www.icacds.org.uk/fr/ISAD(G).pdf [Consulté le 8 novembre 2013].

(4)La Norme internationale sur les notices d’autorité archivistiques relatives aux collectivités, aux personnes et aux familles a été publiée en 1995 ; la seconde et dernière version date de 2004. Se référer à http://www.icacds.org.uk/fr/ISAAR(CPF).htm [Consulté le 8 novembre 2013].

(5)La Norme internationale pour la description des fonctions a été publiée en février 2008. Se référer à www.ica.org/download.php?id=1150 [Consulté le 8 novembre 2013].

(6)Actuellement disponible sous forme papier, le Guide de gestion des documents sera mis à la disposition du public sous forme électronique au cours de l’année 2014 sur le nouveau site Internet des Archives de l’Etat du Valais. Tout projet de gestion des documents se déroule en cinq phases : définition du projet, analyse de la gestion des documents, conception du nouveau système de gestion des documents, dont le référentiel de classement et de gestion, qui synthétise en un seul document le plan de classement, le calendrier de conservation et les droits d’accès, constitue la pierre angulaire, implémentation concrète du système, utilisation de ce dernier au quotidien et révision périodique.

(7)A l’heure actuelle, la plate-forme de pérennisation et d’archivage conserve près de 375 000 objets pour un volume de 20 TB. Un article de synthèse à paraître en 2014 en présentera du reste la genèse : Alain Dubois, « Une plate-forme pour la pérennisation du patrimoine valaisan », dans Des institutions au service du patrimoine culturel, changement et continuité. La contribution valaisanne.

(8)Ce profil, conjointement développé par les Archives de l’État du Valais et Docuteam GmbH, est disponible ici : http://www.loc.gov/standards/mets/profiles/00000041.xml [Consulté le 8 novembre 2013].

(9)Schéma extrait d’ECM DCE. Manuel d’utilisation du logiciel de gestion du processus décisionnel du Conseil d’État, version 1.5 du 21 février 2011, p. 2.

(10)"Il s’agit des métadonnées suivantes : numéro de référence, nom du créateur, titre, description, type, date de création, département émetteur, service émetteur, personne de référence, typologie DCE, sous-typologie DCE, nature, nom du collaborateur (dossier RH), prénom du collaborateur (dossier RH) et commune (si applicable).

(11)"Il s’agit des métadonnées suivantes : doc ID (identifiant unique), titre du dossier et date d’enregistrement.

(12)"Il s’agit des métadonnées suivantes : doc ID (identifiant unique), auteur, titre du document, date d’enregistrement et format.

(13)Un document METS se compose de différentes sections :

  • un en-tête <METS:metsHdr>
  • une section qui contient les métadonnées descriptives METS:dmdSec>
  • une section qui contient les métadonnées de préservation <METS:amdSec>
  • une section de fichiers <METS:fileSec>
  • une carte de structure <METS:structMap>

Pour plus d’information sur le profil METS, se référer à http://www.loc.gov/standards/mets/ [Consulté le 8 novembre 2013].

(14)Sur l’EAD, se référer à http://www.loc.gov/ead/ [Consulté le 8 novembre 2013].

(15)Pour plus d’information sur le standard PREMIS (PREservation Metadata : Implementation Strategies), se référer à http://www.loc.gov/standards/premis/ [Consulté le 8 novembre 2013].

(16)Art. 43, al. 2 de la Loi sur l’information du public, la protection des données et l’archivage (LIPDA) du 9 octobre 2008.