Utilisation de l’ePortfolio pour renforcer sa e-réputation et son employabilité

Isaline Renaud, Haute Ecole de Gestion, Genève

Utilisation de l’ePortfolio pour renforcer sa e-réputation et son employabilité

1.    Introduction

Le Personal Branding n’est pas un phénomène nouveau. Inspiré directement des techniques du marketing, il revendique la considération de l’individu en tant que marque et par extension, une mise en valeur de soi promotionnelle. Il s’agit ainsi de la gestion de sa marque personnelle dans la réalité et sur le web. Celle-ci a été facilitée par les outils du web 2.0 et la dématérialisation de l’information. Ainsi, des réseaux sociaux, des blogs, des plateformes en ligne offrent la possibilité de s’exposer sur la toile et de se rendre visible.  Néanmoins, ces pratiques ne sont pas sans risques. Les données restent volatiles et des systèmes tel que Facebook ne garantissent pas une protection solide. Par ailleurs, l’authentification d’une personne ne peut pas toujours être prouvée. Il convient donc de surveiller activement sa e-réputation pour ne pas connaître des conflits d’identité numérique ou des problèmes de diffamation. D’autant plus que la crédibilité de ses actions est évaluée surtout par son entourage social et professionnel. Il suffit d’évoquer les propos de Warren Buffet pour se rappeler à quel point, la construction et la persistance de son image est fragile : « It takes 20 years to build a reputation and five minutes to ruin it ». Des entreprises spécialisées dans les domaines du marketing digital et de l’e-réputation proposent des nettoyages numériques. Cependant, ceux-ci restent onéreux et toutes les données ne peuvent jamais être complètement effacées. Ce manque de maîtrise est causé, entre autres,  par les algorithmes et la mise en mémoire des pages web par les moteurs de recherche. Chaque action sur Internet laisse donc des traces et le Personal Branding doit impliquer la révision de l’information injectée en ligne, ainsi que la pertinence des outils utilisés.

2.    Contexte et définitions

La Haute école de gestion de Genève (HEG) s’intéresse à cette problématique depuis quelques années. Des cours sur la gestion de carrière et l’e-réputation sont donnés à des étudiants qui souhaitent obtenir des titres de Bachelor ou de Master of Science. De plus, elle est le partenaire pédagogique pour un projet pilote pour Caritas Genève, financé par la Lotterie romande, dont le but est de favoriser la réinsertion professionnelle de personnes marginalisées socialement. La HEG est donc active sur deux axes par rapport au Personal Branding :

  • La mise en valeur de soi pour trouver un emploi après des études
  • L’alphabétisation numérique et la réinsertion sociale et professionnelle

Ces deux orientations sont abordées par l’introduction d’une démarche ePortfolio, dans le cadre de formations sur l’identité numérique et la gestion de sa e-réputation.

L’ePortfolio se définit de plusieurs manières. Trois définitions qui se rapprochent le plus de l’utilisation qui en est faite à la HEG peuvent être retenues :

  1. L’ePortfolio est « un ensemble évolutif de documents et de ressources électroniques capitalisés dans un environnement numérique décrivant et illustrant l’apprentissage, l’expérience, les compétences ou le parcours de son auteur ».(1)
  2. L’ePortfolio est « une collection de documents authentiques de divers types, tirés d'archives plus complètes, qui représente ce qu'une personne ou une organisation a appris au cours du temps, sur lequel la personne ou l'organisation a réfléchi, et qui a été conçu pour être présenté à un ou plusieurs types de public dans un but rhétorique particulier».(2)
  3. L’ePortfolio « est une technologie conçue pour donner à une personne, ou une organisation, une représentation de son capital humain, professionnel, relationnel, social et culturel, représentation sur laquelle elle peut réfléchir et/ou partager avec d'autres».(3)

En résumé, l’ePortfolio est considéré comme un outil électronique qui permet de réunir et de mettre en valeur ses compétences professionnelles et sociales sur une même plateforme.

Il est également envisagé comme un moyen de faire le bilan sur ses expériences passées et de clarifier ses projets et ses plans de carrière.

De plus, sa réalisation permet de confirmer ou de développer ses compétences numériques.

La HEG se sert de la plateforme aGeneve.net http://www.ageneve.net/(4) durant les enseignements donnés aux personnes en réinsertion professionnelle et aux étudiants qui sont bientôt sur le marché de l’emploi.

Ce site Internet est le fruit du travail d'une collaboration entre Caritas Genève, la fondation Ynternet.org et la HEG-Genève. Une même philosophie réunit ces trois acteurs: celle de réduire la fracture numérique et de permettre à tout citoyen de Genève de valoriser ses aptitudes et son savoir-être par la création d'un ePortfolio, accessible gratuitement.

aGeneve.net a  donc pour but de favoriser l'intégration et la réinsertion sociales de personnes en difficulté, mais aussi de permettre aux citoyens genevois en recherche de travail ou de liens sociaux,  de se créer un réseau.

D’ailleurs, sa revendication principale est de fournir un réseau social et éthique au travail, en famille et en formation.

Ainsi, la confidentialité des données est garantie et un but lucratif n’est pas visé. Les services mis à disposition sont créés sous licence libre et respectent les principes de la licence GNU. Le CMS WordPress http://fr.wordpress.com/  est intégré et huit articles sont déjà paramétrés et guident l’utilisateur dans la création de son ePortfolio. La structure de ces articles et leur contenu ont été étudiés par la fondation Ynternet.org et figurent dans leur guide sur l’ePortfolio(5).

Structure et contenu des articles

  1. Accueil : Cet article contient une présentation de ses objectifs professionnels, une présentation sur soi, sur ses projets, sur ses compétences. Il annonce en outre le contenu des autres articles.
  2. Passé : Cette page présente les expériences professionnelles passées et les formations effectuées. L’accent est mis sur la mise en valeur de ses compétences transversales et spécifiques.
  3. Présent : Cette rubrique est consacrée aux activités présentes, aux projets en cours, à la présentation d’une journée type dans le quotidien.
  4. Projet : Cet article présente les perspectives de développement pour sa carrière, ses ambitions, les projets envisagés.
  5. Hobbys : Cet espace est dédié à la présentation de ses passions, de sa vision, de ses motivations et de ses activités personnelles.
  6. Réseaux : Dans cette page sont référencées les sources d’information qui sont consultées régulièrement, ainsi que les contacts, les associations qui ont permis le développement d’une activité ou d’une compétence.
  7. Contact : Cette page donne les coordonnées de l’utilisateur et elle renseigne sur la manière de le contacter, ainsi que sur ses disponibilités.
  8. Blog : Cet espace est réservé à la diffusion d’articles sur un domaine, sur la promotion d’un événement, sur la mise en valeur du travail d’autrui, sur le partage de ses centres d’intérêts via des blogs, des sites web et des supports multimédias.

De plus, les utilisateurs ont la possibilité de rendre public ou privé leur ePortfolio, de choisir un design spécifique parmi plusieurs interfaces proposées, et de se constituer une liste de contacts parmi les membres inscrits sur aGeneve.net.

Afin d’adapter les programmes de ses cours, la Haute école de gestion a soumis un questionnaire aux étudiants et demandé des feedbacks auprès de ceux-ci et des personnes en réinsertion professionnelle sur leur perception de cet outil électronique. Des recherches en ligne ont également été effectuées pour voir si les ePortfolios créés pendant les formations avaient été maintenus. La question centrale était de déceler les niveaux d’intérêt et d’utilité pour cette démarche.

En outre, une étude exploratoire a été conduite auprès de dix employeurs en Suisse romande, afin de dégager des tendances sur la notoriété de l’ePortfolio. Elle permettra par la suite de définir les méthodes d’investigation pour une enquête potentielle plus conséquente.

3.    La mise en valeur de soi-même pour trouver un emploi après des études

3.1 Etat de l’art

La littérature académique francophone et anglophone renseigne sur l’utilisation et la perception actuelles de l’ePortfolio. En France, il fait souvent partie d’un projet pilote pédagogique. Il est ainsi intégré à certains cours dans les universités qui ont adopté les nouvelles technologies de la communication et de l’information dans leur enseignement. Actuellement, on recense 86.2 % des établissements d’enseignement supérieur français qui mènent cette expérience.(6)

Cependant, l’ePortfolio reste peu  connu des employeurs qui considèrent souvent que les diplômes, les attestations ou les certificats de travail sont suffisants pour évaluer les compétences d’un candidat.

De plus, ils voient ce support comme un complément, mais non comme un substitut du CV ou du diplôme, qu’ils trouvent plus accessibles et demandent moins de temps de lecture(7). Toutefois, une enquête de TNS Sofres réalisée en 2011 en France, a démontré que seulement 19% des recruteurs utilisent le diplôme comme moyen final de sélection.(8) En ce qui concerne la mise à jour et la volonté de conserver son ePortfolio, une étude conduite en 2008 auprès d’étudiants d’un master professionnel en ingénierie des ressources humaines de l’Université Catholique de l’Ouest à Angers(9) a expliqué que de nombreux étudiants ne développaient plus leur ePortfolio, une fois le cours terminé. Une enquête similaire menée en 2009 à la Victoria University à Melbourne a confirmé ce problème en interrogeant les étudiants de la faculté Business(10). Les raisons évoquées sont une perte de motivation face à l’absence de réaction des employeurs ou des professionnels d’un domaine qui ne connaissent pas l’ePortfolio ou ne commentent pas le contenu de celui-ci. Seulement 7% des étudiants sondés ont présenté leur ePortfolio à un employeur. En outre, d’autres outils comme les réseaux sociaux professionnels sont jugés suffisants pour faire connaître ses compétences. Enfin, la création d’un ePortfolio et surtout sa mise à jour sont chronophages et pour beaucoup, les résultats attendus ne sont pas à la hauteur du temps investi.

La littérature a également révélé que de nombreuses institutions élaborent elles-mêmes leur propre plateforme. Sinon, des blogs et des sites web offrant la possibilité de mettre son CV en ligne et de se créer un profil sont largement exploités. Enfin, les réseaux sociaux sont utilisés pour compléter ou créer entièrement un profil, mais la possibilité de présenter le développement de ses capacités reste limitée, en comparaison de l’ePortfolio qui permet une rédaction plus détaillée.

3.2 Méthodologie

48 étudiants en information documentaire et en informatique de gestion, en fin de cursus, niveau Bachelor ont créé un ePortfolio sur la plateforme aGeneve.net et d’autres outils dans le cadre d’un cours sur l’identité numérique et la e-réputation, en  juin 2012. Ils avaient pour directives de rédiger les huit articles proposés dans la structure fixée par la fondation Ynternet.org et la HEG. Ce travail faisait l’objet d’une évaluation. Après sa validation, un questionnaire leur a été envoyé via le site Internet Survey Monkey http://fr.surveymonkey.com/.

Il permettait d’évaluer la satisfaction pour le cours, mais aussi de découvrir l’importance accordée à la création de l’ePortfolio et la volonté de le faire évoluer.

Ainsi, six questions leur ont été posées.

  1. De manière générale, êtes-vous satisfait (e) du cours eCulture et identité numérique ?
  2. Quel degré d’importance accordez-vous à la maîtrise de votre identité numérique ?
  3. Avez-vous trouvé utile de réaliser un ePortfolio ?
  4. Allez-vous garder votre ePortfolio en ligne après le cours ?
  5. Allez-vous faire évoluer votre ePortfolio après le cours ?

Par ailleurs, les étudiants ont pu soumettre leur avis personnel par écrit sur le travail accompli durant le cours et sur leurs impressions par rapport à leur ePortfolio.

En octobre 2012, une étude exploratoire a été conduite auprès de 10 employeurs de Suisse romande. Six questions leur ont été posées par téléphone, toutefois trois personnes interviewées ont répondu par email, pour des raisons de disponibilité.

Ils devaient ainsi répondre aux questions suivantes :

  1. Est-ce que vous vous renseignez sur l’e-réputation d’un candidat lors d’une recherche de candidature ?
  2. Quels outils/méthodes utilisez-vous ? (Google, contacts…)
  3. Avez-vous déjà consulté l’ePortfolio d’un candidat lors d’une recherche de candidature ?
  4. Pensez-vous qu’il est utile de consulter un ePortfolio lors du recrutement ? Si oui, à quelle phase ?
  5. Quels éléments les plus importants souhaitez-vous obtenir sur le candidat ?
  6. Parmi les canaux d’information suivants, lesquels utilisez-vous pour diffuser une offre d’emploi ? Lesquels considérez-vous lors d’une réponse à une offre ?
  • Les réseaux sociaux professionnels (viadeo, Linkedin)
  • Les plateformes de recrutement (Jobup, monster.ch)
  • Le site de l’entreprise
  • L’ePortfolio
  • Le dossier de candidature papier envoyé par courrier postal
  • Le dossier de candidature électronique envoyé par email
  • Une vidéo
  • Autre ?

Ces questions devaient permettre de répondre aux interrogations suivantes :

  • Est-ce que l’ePortfolio est méconnu des employeurs ? 
  • Est-ce qu’il est confondu avec d’autres outils ?
  • Est-ce que les employeurs ont le temps de le consulter ?

Il était capital pour la HEG de dégager des tendances par rapport à l’intérêt des employeurs pour l’ePortfolio pour justifier sa présence dans les formations auprès des étudiants et des personnes en réinsertion professionnelle.

3.3 Résultats

Résultats de l’évolution des ePortfolios des étudiants

48 étudiants ont donc réalisé un ePortfolio sur une plateforme numérique de leur choix ou en créant directement un site Internet, en juin 2012.

Les étudiants se sont beaucoup investis puisque la moyenne générale pour ce travail était de 5.3 sur 6. Les critères d’évaluation portaient sur la qualité de la rédaction des articles, sur la mise à jour de l’information, les exemples donnés, la mise en avant de ses compétences spécifiques et transversales, ainsi que sur les choix ergonomiques.

Cinq mois après, en novembre  2012, l’évolution de leur ePortfolio a été observée.

Les résultats sont les suivants :

16 ePortfolios ont été supprimés.

32 ePortfolios sont encore actifs, dont 24 en libre accès et 8 en accès privés.

Seulement 6 ePortfolios ont été mis à jour.

Ce qui est particulièrement frappant, c’est que même si certains étudiants ont obtenu une note excellente, ils ont choisi dès la fin de l’évaluation de supprimer leur ePortfolio. Cela démontre qu’ils n’étaient pas convaincus de son utilité dès le départ ou qu’ils ne souhaitaient pas rester visibles sur Internet.

Les étudiants qui ont mis à jour leur ePortfolio ont donné des renseignements sur leur nouvel emploi, sur la fin de leurs études, l’obtention de leur diplôme. Trois personnes en ont fait une vitrine professionnelle pour mettre en avant leur travail de bachelor et d’autres réalisations. Certains ont même migré leur ePortfolio vers une plateforme qui leur convenait mieux.

Résultats du sondage auprès des étudiants

33 étudiants ont répondu au sondage directement après la fin du dernier cours en juin 2012.

Il en est ressorti que plus de la moitié des étudiants accordent de l’importance à leur identité numérique et souhaitent garder et faire évoluer leur ePortfolio.

Cependant, la situation actuelle montre que seulement 6 ePortfolios ont été mis à jour.

Ces résultats démontrent que la perception de l’ePortfolio est positive, mais il reste tout de même un nombre important d’étudiants qui ne sont pas convaincus de l’utilisation de cet outil. Ainsi, 15 étudiants sur 33 ont choisi de supprimer leur ePortfolio, une fois l’évaluation du cours passée.

Cinq mois plus tard, ce positionnement reste avéré et on compte une personne supplémentaire qui a décidé également de le retirer d’Internet.

Les avis exprimés librement reviennent surtout sur la contextualisation des cours sur l’identité numérique et sur la définition du niveau exigé. Ainsi, plusieurs étudiants ont trouvé que la sensibilisation à l’e-réputation et la création de l’ePortfolio seraient plus appropriées pour un cours de première année, plutôt qu’en fin de parcours académique.

Parmi les critiques négatives sur l’ePortfolio, les principaux reproches portent, d’une part sur le temps passé pour la réalisation, la rigidité de la structure des articles qui laisse peu de liberté pour présenter davantage un aspect de sa personnalité et d’autre part, sur la difficulté à choisir les éléments à présenter. De plus, un manque de méthodologie pour rendre son ePortfolio plus visible, s’est fait ressentir, ainsi que des conseils sur le contenu à insérer, puisque certains étudiants avaient du mal à définir la frontière entre leur vie privée et leur vie professionnelle. Enfin, beaucoup d’étudiants ont précisé qu’ils se faisaient contacter par des employeurs via LinkedIn et que ce réseau social offre maintenant la possibilité d’ajouter un ePortfolio. La plateforme serait donc plus avantageuse qu’aGeneve.net qui n’est pas encore connue et limitée quant à la personnalisation de son site.

Parmi les critiques positives, l’utilité de l’utilisation d’un ePortfolio et des réseaux sociaux a été mise en avant, afin de renforcer son identité numérique, mais, la méfiance reste présente lorsqu’il s’agit de laisser des traces sur Internet ou de confier ses données à un outil qu’on ne maîtrise pas entièrement. Certains étudiants ont même souligné qu’ils se sentaient forcés dans le cadre du cours de donner des informations les concernant sur le web et qu’ils ne souhaitaient pas le faire. Cela démontre une réticence par rapport à la mise en avant de soi de manière virtuelle, ainsi qu’une volonté de ne pas être traçable. Cependant, d’autres étudiants ont évalué le renseignement en ligne comme un moyen de renforcer leur identité professionnelle et leur e-réputation et surtout, de résoudre des conflits en cas d’homonymie ou d’usurpation d’identité.

Résultats du sondage auprès des employeurs

10 employeurs de Suisse romande ont répondu à un entretien semi-directif.

Seulement deux répondants ont eu quelques fois l’occasion de consulter un ePortfolio lors du recrutement d’un candidat. Les autres n’en ont jamais vu et ont demandé des explications par rapport à ce terme. Il semblerait que ce concept soit mal connu.

Tous les répondants ont évoqué qu’ils trouvaient le ePortfolio utile pour les raisons suivantes :

  • Il peut être un complément au CV
  • Il peut être un outil de discrimination lors des sélections finales
  • Il constitue une manière d’entrer en contact et de rebondir sur plusieurs questions lors d’un entretien

Les employeurs interrogés voient surtout l’ePortfolio comme un moyen de renseignement directement sur les valeurs, les traits de la personnalité et les activités sans devoir passer par des recherches sur le web.

Cependant, beaucoup ont précisé que les informations principales qui leur importent lors d’une candidature sont les compétences et la formation qui doivent être soutenus par des diplômes et des certificats. Ainsi, le ePortfolio doit aussi fournir ces éléments et ils doivent pouvoir être repérés rapidement.

Enfin, les sondés ont exprimé que c’est au candidat à rendre visible son ePortfolio.

Cette promotion est tout à fait envisageable, par le biais d’un dossier de candidature envoyé électroniquement, qui semble être avec les réseaux sociaux et les plateformes de recrutement,  un des canaux les plus courants pour répondre à une offre d’emploi.

On peut constater que les employeurs ne connaissent pas assez l’ePortfolio, mais s’ils ont la possibilité d’en consulter un, ils le font volontiers. Il s’agit avant tout d’un problème de visibilité plutôt que de temps.

4.    L’alphabétisation numérique et la réinsertion sociale et professionnelle

4.1 Etat de l’art

La littérature concernant l’utilisation de l’ePortfolio dans l’optique d’une intégration sociale et nettement moins abondante et récente que celle sur la recherche uniquement d’un emploi. Cependant, quelques projets prépondérants peuvent être retenus, car ils abordent l’aspect sur la cohésion et l’intégration sociales, ainsi que sur le développement des compétences numériques. Ainsi, en Angleterre, l’université de Bristol a mis au point en 2005, des ateliers et des formations e-learning qui permettent aux citoyens d’apprendre à utiliser Internet, d’écrire une histoire sur soi et d’appartenir à une communauté.

Les participants ont en plus accès à des guides et bénéficient de soutien personnel. L’université collabore avec les autorités publiques et cible toutes les couches défavorisées de la population : les personnes qui sont dans des situations précaires ou qui ont des troubles mentaux. Les cours sont adaptés pour des publics adolescents, jeunes et adultes.

En 2012, un projet similaire est encore actif à Bordeaux. Il s’agit du projet Numeclic http://www.numeclic.fr/ qui se revendique comme une aide à l’insertion sociale par l’usage des technologies numériques. Ainsi, des ateliers sont proposés à des personnes qui ont besoin de se réinsérer professionnellement et socialement et de trouver un logement. Elles peuvent suivre des formations également sur l’e-réputation dans lesquelles les dangers de l’utilisation d’Internet sont mis en avant.

D’autres projets ciblant des publics plus spécifiques ont également vu le jour. Par exemple, en 2007, au Canada, la commission scolaire de Laval a développé des formations pour les migrants autour de l’ePortfolio pour qu’ils puissent faire le lien entre leur pays d’origine et leur pays d’accueil. Cette démarche permet ainsi de valoriser leurs compétences auprès de leur nouvel environnement social et professionnel. Par ailleurs, cet outil est utilisé dans le but de développer les connaissances linguistiques et d’améliorer la maîtrise de la langue française.

Le développement des compétences linguistiques a aussi été mis en avant dans un projet ePortfolio, actif depuis 2005, à l’English Language Centre & Education Development Office à la City University à Hong Kong. Cette approche vise à renseigner sur ses expériences à une fréquence rapide. Les étudiants ont donc la possibilité de faire part de leur niveau actuel, de leur avancement dans l’apprentissage d’une langue.

On constate donc que l’ePortfolio ne sert pas seulement à réduire la fracture numérique et à trouver un emploi, mais qu’il peut être un support pédagogique et un moyen de communiquer. Pour beaucoup de personnes défavorisées socialement, raconter son histoire, ou faire le bilan sur ses expériences passées, permet de se revaloriser et de faire partie d’une communauté.

4.2 Méthodologie

Deux expériences pilotes de réinsertion professionnelle ont été menées à la Haute école de gestion de Genève, l’une en 2011 et l’autre en 2012.

14 participants, dont trois assistants sociaux ont suivi la première formation.

Celle-ci était principalement axée sur la présentation de la plateforme aGeneve.net et sur des cours d’alphabétisation numérique, car beaucoup de participants ne maîtrisaient pas l’utilisation d’Internet et d’un ordinateur.

Pour la deuxième formation, ce sont trois participants, collaborateurs à l’épicerie Caritas Genève qui sont venus assister aux cours.

Les candidats ont pu aussi suivre des présentations et participer à des débats, afin de rendre les cours plus variés et d’apporter un complément aux ateliers ePortfolio.

Ils ont porté sur :

  • l’identité numérique
  • l’utilisation des réseaux sociaux
  • la sécurité sur Internet
  • l’utilisation des technologies de l’information et de la communication au travail

Les formations se sont déroulées sur trois journées.

A la fin de chacune, les participants ont été interrogés sous forme d’un focus groupe sur les cours qu’ils venaient de suivre. Les discussions abordées portaient sur l’utilité de l’ePortfolio, sur les compétences et les connaissances d’Internet des personnes en réinsertion, ainsi que sur la légitimité d’utiliser les nouvelles technologies de l’information et de la communication.

4.3 Feedbacks des formations pour Caritas Genève

En 2011 et en 2012, 17 personnes ont participé aux formations pour Caritas Genève et ont créé un ePortfolio sur la plateforme aGeneve.net. Actuellement, 15 ePortfolios sont encore actifs, dont 8 en libre accès et 7 en accès privés. Seulement 2 ePortfolios ont été supprimés.

Aucun des participants n’a fait évoluer son ePortfolio ou l’a mis à jour.

La majeure partie des personnes en formation était en réinsertion professionnelle et ne maîtrisait pas les outils numériques, sauf 6 personnes qui avaient déjà de fortes compétences dans ce domaine.

Dans l’ensemble, les participants ont apprécié les ateliers et ils ont jugé la création d’un ePortfolio utile pour chercher du travail ou se réinsérer professionnellement. Ils ont même trouvé qu’insérer une URL rattachant leur nom au site aGeneve.net pouvait être une valeur ajoutée dans un CV. Ils se sont familiarisés avec le CMS WordPress et ils ont amené des critiques constructives sur la plateforme qui est encore en phase d’améliorations.

Par ailleurs, ils trouvent important qu’elle soit développée, afin de créer un réseau social à Genève, moins élitiste que ce que propose LinkedIn et plus éthique que Facebook.

Les participants ont suggéré à la fin des ateliers, dans le but de futures formations, de séparer la rédaction de l’ePortfolio de l’outil informatique. Ils ont ainsi trouvé parfois fastidieux de devoir réfléchir au fonctionnement de WordPress (insertion d’image,design, sélection du thème) tout en rédigeant leur parcours social et professionnel.

Ils ont proposé de faire deux étapes successives :

  • réfléchir et rédiger sur soi (papier ou Word)
  • apprendre à utiliser WordPress et ensuite insérer le texte rédigé auparavant

Ces formations pilotes ont permis de soulever plusieurs points à améliorer pour la suite.

Par exemple, il faudrait apporter une aide plus ciblée par rapport au développement des compétences numériques avant de créer un ePortfolio. Par ailleurs, il faut aussi prendre en compte que beaucoup de participants ont des lacunes quant à la rédaction en langue française ou anglaise et qu’une adaptation est nécessaire.

5.    Freins et facteurs de succès

La création d’un ePortfolio à la HEG a été un succès puisque plus de la moitié des étudiants et des participants des formations Caritas l’ont gardé. Cependant, peu de personnes l’ont maintenu à jour. Ainsi, cela pose plusieurs questions par rapport à l’utilité, à la motivation et aux compétences numériques. Pour beaucoup d’étudiants, la mise à jour est une activité chronophage et certains réactivent leur ePorfolio uniquement s’ils sont en recherche d’emploi. Le sondage a montré que la volonté de persistance est très partagée et plus faible dans la réalité que souhaitée. Le frein majeur au développement de l’ePortfolio par les étudiants est une très forte utilisation des réseaux sociaux professionnels, qui sont plus considérés comme un substitut qu’une complémentarité.

Par ailleurs, quelques étudiants ont été tout de suite contactés par des employeurs par ce biais et appuient donc que les réseaux sociaux sont plus visibles qu’un ePortfolio. De plus, le sondage auprès des employeurs semble présager que cet outil n’est pas assez connu.

Quant au frein majeur de l’évolution de l’ePortfolio chez les participants de Caritas, il s’agit du manque de compétences numériques. Pour beaucoup, les formations leur ont permis de se familiariser avec un ordinateur et un navigateur Internet. Cependant, elles n’étaient pas suffisantes pour permettre une autonomie quant à l’utilisation de cet outil pour la suite. C’est sans doute pour cela que peu d’ePortfolio ont été supprimés dans ce groupe et qu’aucun n’a évolué après les formations, car certaines personnes ne savaient plus s’en servir et d’autres ne bénéficiaient plus d’une aide suffisante pour rédiger les articles.

6.    Recommandations

La première recommandation est de chercher à rendre l’ePortfolio plus visible et à le promouvoir auprès des employeurs, en le référençant sur tous les supports numériques. Il convient également de revoir sa structure et d’en orienter le contenu en fonction d’un poste précis. L’essentiel est de donner des clés de lecture rapides pour permettre au recruteur  de cerner rapidement le contenu et de se sentir impliqué. D’ailleurs, les cours à la HEG ont été remaniés suite à l’attribution d’un nouveau programme. Ainsi, toutes les formations sur la création d’un ePortfolio interviennent dans le cadre de modules liés à la gestion de carrière et sont désormais axées sur le renforcement de son employabilité.

De plus, le sondage auprès des employeurs pourrait déboucher vers une enquête qualitative de plus grande ampleur, afin de mieux cerner leur représentation de l’ePortfolio et de mieux connaître leurs besoins.

Par ailleurs, la plateforme aGeneve qui se réclame en tant que réseau pour les citoyens de Genève, pourrait s’étendre et permettre l’accès à n’importe quelle personne, afin de favoriser le réseautage avec les employeurs. Elle devrait d’ailleurs, permettre la mise en ligne d’offres d’emploi pour renforcer son attractivité.

Enfin, les formations pour Caritas Genève qui sont maintenues, au rythme d’une session par année, devraient accueillir plusieurs publics avec différents niveaux par rapport aux compétences numériques. Il faudrait également s’assurer du suivi des participants et leur permettre un soutien en cas de besoin. Il s’agira donc de faire plus d’alphabétisation numérique. C’est d’ailleurs dans ce cadre que les formations sur aGeneve vont être également rattachées au projet « l’Antenne Citoyenne » de la Ville, dont la mission et d’empêcher l’e-exclusion.

7.    Conclusion

L’ePortfolio est une réponse possible à la dilution de son image, de son identité numérique que peut provoquer Internet. Toutefois, il est avant tout pour la HEG un outil qui permet de rassembler sur une seule plateforme, le contenu et les documents de manière dynamique pour se vendre professionnellement. Si de plus en plus d’employeurs accordent de l’attention aux traces laissées sur Internet, il permet ainsi de montrer un profil valorisant. Cependant, il reste très concurrencé par les réseaux sociaux.

D’ailleurs, aux Etats-Unis, Twitter est le premier outil consulté dans certaines régions pour décider de la sélection d’un candidat. Si la place de l’ePortfolio et son utilité restent compromises, il peut être utilisé en plus de divers canaux de l’information 2.0. Ce qui est indéniable, c’est que le contenu reste maîtrisé par son auteur. La difficulté quand on fait du  Personal Branding reste somme toute, le choix des outils de communication qui, en outre de leur diversité ne cessent d’évoluer.

La HEG, Caritas Genève, Ynternet.org et l’Antenne citoyenne font partie des acteurs qui cherchent à former les individus quant aux compétences et à l’identité numérique. Ces soutiens pédagogiques s’avèrent utiles notamment pour les personnes en réinsertion professionnelle. Ils posent cependant, plus de problèmes aux étudiants de la HEG, dont les avis sur l’utilité de la création d’un ePortfolio restent très mitigés. Ce sera après plusieurs séries de cours que la HEG décidera de modifier ou non ses programmes de formation concernant le Personal Branding. Quoi qu’il en soit, la gestion de son identité en ligne reste capitale pour augmenter ses chances d’employabilité, puisque que presque tous les employeurs se servent aujourd’hui du web pour chercher des informations sur les candidats.

Finalement, il faut rappeler qu’il est nécessaire de prendre également en considération le réseautage et sa manière d’être en société, car une réputation repose aussi sur la vie réelle et n’est pas uniquement une construction virtuelle.

Notes

(1) Heutte, Jean, Caron, Pierre-André. Démarche ePortfolio et identité numérique : développer les compétences et l’agentivité des étudiants. AIPU 2012, p. 5

(2) EIFEL. Définition du ePortfolio. In : EIFEL [en ligne] 2012. http://www.eife-l.org/publications/eportfolio/eportfolio-lessons/definition (page consultée le 14.11.2012)

(3) idem

(4) AGENEVE.NET : L’art du profil pour mieux se présenter. Accueil [en ligne]. 2012 http://www.ageneve.net/ (page consultée le 14.11.2012)

(5) Concept Fondation Ynternet.org. Guide pour l’usage des services d’ePortfolio citoyens www.ageneve.net pour Caritas Genève & HEG-GE. 32p.

(6) Heutte, Jean. La démarche ePortfolio dans l’enseignement supérieur français : état des lieux et éléments de réflexion. 4e Colloque internationale de l’université à l’ère du numérique. CIUEN 2012.

(7) Bennaghmough, Saloua. La place de l’e-portfolio dans la décision de recrutement : complément ou substitut au diplôme ?Université de Bourgogne, Université de Haute Alsace

(8) TNS Sofres. Les perspectives 2012 en matière de ressources humaines et de recrutement. In expectra.fr [en ligne]. 09 janvier 2012. http://www.expectra.fr/799/tendances-rh-2012-les-nouvelles-technologies-s-imposent-dans-la-selection-des-candidats (page consultée le 31.10.2012)

(9) Didier Gauthier, Philippe, Jézégou, Annie. Persister dans la publication de son e-portfolio ? Etude menée auprès d’un groupe d’étudiants de l’enseignement supérieur. Revue internationale des technologies en pédagogie universitaire. 2009, vol.6 n° 1, pp. 6-17.

(10) Woodley Carolyn, Sims, Rob. EPortfolios, professional development and employability : some student perceptions. Campus-Wide Information Systems, Vol. 28, n°3. pp. 164-174.

Bibliographie

AGENEVE.NET : L’art du profil pour mieux se présenter. Accueil [en ligne]. 2012 http://www.ageneve.net/ (page consultée le 14.11.2012)

Bennaghmough, Saloua. La place de l’e-portfolio dans la décision de recrutement : complément ou substitut au diplôme ? Université de Bourgogne, Université de Haute Alsace.

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