Sommaire - N°3, Mars 2006
Etudes et recherches :
Comptes-rendus d'expériences :
Une bibliothécaire et une stagiaire bibliothécaire au pays des volcans- Rosemarie Fournier et Céline Bize
Evénements :
Ouvrages parus en Science de l'information :
Editorial N°3
Nous avons le plaisir de vous présenter le numéro 3 de RESSI. Notre appel à collaboration n'est pas resté vain puisqu'encore une fois encore l'équipe de rédaction a pu compter sur votre soutien pour alimenter cette parution.
Notre livraison comprend deux articles dans la rubrique Etudes et recherches. Jean-Philippe Accart se penche sur l'histoire et l'évolution du mot « documentation ». Francine Courtial et Gilbert Lenoir nous proposent l'évaluation d'une collection de revues dans le but d'orienter le fonds d'une bibliothèque spécialisée en cancérologie.
Notre souhait de privilégier des auteurs résidant en Suisse mais de rester ouverts aux auteurs internationaux est encore une fois réalisé puisque de ces deux articles proposés, l'un est écrit par un professionnel de la Bibliothèque nationale suisse et l'autre provient de l'Institut de cancérologie Gustave Roussy en France.
Le dossier Comptes rendus d'expériences nous conduit au Nicaragua où Rosemarie Fournier, bibliothécaire suisse travaille pour la coopération internationale depuis plusieurs années et où Céline Bize, étudiante de 3 ème année dans la filière Information documentaire de la Haute école de gestion de Genève a effectué un stage de trois mois à l'Institut d'Histoire du Nicaragua et d'Amérique Centrale à Managua.
Dans le dossier Evénements, Linda Beaupré et Hélène Laverdure, respectivement de la Sûreté et du Ministère du travail du Québec, nous donnent un aperçu du colloque international sur la gestion de l'information numérique qui a eu lieu à Tunis du 14 au 16 avril 2005, et résument leurs interventions sur leurs deux expériences de gestion électronique des documents (GED). Hélène Madinier et Ariane Rezzonico, de la HEG de Genève nous proposent un compte rendu du Congrès Online Information 2005 qui s'est tenu à Londres en décembre dernier et a mis en évidence l'importance des réseaux sociaux dans l'information en ligne. Wikis, blogs, gestion de l'information dans les organisations et évolution du rôle des professionnels de l'information ont particulièrement intéressé nos collègues dans ce congrès.
Dans la rubrique Ouvrages parus en Science de l'information, Claire Peltier, de la Haute école de gestion de Genève, nous propose la recension en français d'un ouvrage en anglais sur les bibliothèques numériques. Robert Barth, de la Hochschule für Technik und Wirtschaft de Coire (Chur), nous propose une recension en allemand d'un ouvrage sur la bibliothéconomie.
Nous remercions les auteurs qui ont contribué à ce numéro et d'ores et déjà nous attendons les articles qui viendront remplir les colonnes du numéro 4.
Le Comité de rédaction
Jean-Philippe Accart, Bibliothèque nationale suisse, Berne
« Documentation » : un mot, une histoire, une actualité autour d’un métier
La documentation – et plus largement les sciences de l'information et de la communication (SIC) – s'enrichit régulièrement d'ouvrages, articles ou écrits de recherche sur son histoire (1) : ce champ disciplinaire intéresse donc les chercheurs en sciences de l'information qui focalisent leur réflexion sur des thèmes particuliers tels l'évolution du métier, le document, le document numérique, la recherche d'information, l'indexation ou les classifications dans une perspective historique. Le contexte actuel de l'information montre que, même si l'histoire de la documentation est récente – un peu plus d'un siècle – certaines idées visionnaires émises à la fin du XIXe siècle resurgissent grâce aux technologies de l'information (2) ce qui permet une mise en perspective avec le développement des réseaux. On peut y voir un signe de maturité, voire de reconnaissance qui montre, à l'évidence, un changement dans la perception de cette discipline, considérée longtemps comme une technique de traitement du document quels que soient la forme et le support de celui-ci. En 1993, la revue de l'ADBS (3), Documentaliste, sciences de l'information , publiait un numéro spécial intitulé « Contributions à l'histoire de la documentation en France » (4) avec, entre autres, des articles de Jean Meyriat, un des pères fondateurs des sciences de l'information en France, de Marie-France Blanquet, d'Yves Le Coadic et de Bruno Delmas. Plus de dix ans ont passé : qu'en est-il aujourd'hui du terme « documentation » ? Comment est-il analysé, perçu ? Est-il à ranger dans la catégorie des termes obsolètes ou garde-t-il son actualité ? Inspiré en partie de ces publications, cet article fait le point sur le sens, l'histoire et l'actualité du mot « documentation ». En corollaire, l'évolution du métier de documentaliste apparaît comme fortement liée aux sens actuels accordés au terme « documentation ».
Les mots et leur sens
En considérant les différentes définitions des dictionnaires, encyclopédies et manuels (5), il est peu de dire que le mot « documentation » revêt plusieurs réalités, qui sont toujours actuelles :
La plupart des définitions font référence au fait que « documentation » vient de « document ». Jusqu'au XVIIe siècle, le document est pris dans un sens juridique : venant du latin « documentum », il est « ce qui sert à instruire », il est une preuve (Blanquet, 1993). Les auteurs des années 1920-1950 ont souligné le caractère cognitif du document, comme résultat, trace, preuve d'un traitement cognitif effectué par son auteur. Plus tard, une définition plus large sera donnée : un document est porteur de connaissances, il sert à démontrer. Il possède des caractéristiques physiques (sa forme) et des caractéristiques intellectuelles (son contenu). Il se définit actuellement par sa nature (écrit, imprimé, numérique…), son support et son mode de diffusion (Accart, Réthy, 2003). Le caractère cognitif du document est amplifié par les recherches récentes des chercheurs en sciences de l'information, le document dit « numérique » fait également l'objet de toutes les attentions (6).
Les historiens des mots situent l'apparition du mot « documentation » vers 1870 (7) . Le verbe « documenter » est employé et le Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française de Paul Robert (8) le définit comme étant « l'action de fournir des documents ». Il prend aussi le sens de « renseigner ».
Nous devons le sens actuel du mot « documentation » à certains précurseurs ainsi qu'à certaines associations professionnelles (Meyriat, 1993). En 1895, Paul Otlet et Henri Lafontaine sont les premiers à utiliser ce terme : la définition qu'ils en donnent est très large car, englobant la bibliographie, elle est la science qui permet la fourniture de tous les documents sur un sujet donné (Otlet, 1934). Au début du XXe siècle, les termes bibliographie et documentation sont alors complémentaires, la nouveauté de la documentation étant la diffusion, la mise à disposition de l'information (Fayet-Scribe, 2000). Elle s'ouvre sur l'information, traite les documents ; le support prend une place secondaire. En 1931, l 'Union française des organismes de documentation (UFOD) se met en place : c'est la première association professionnelle de documentalistes, qui donnera les bases de création de l'ADBS en 1963. L'UFOD précise les règles et les normes de la profession, elle définit une terminologie de la documentation et fait adopter « documentaliste » au lieu de « documentariste » ou « documentateur » (9), jugés trop techniques (10) . Le relais sera pris par l'Institut national des techniques de la documentation (INTD) en 1950. A partir de cette deuxième moitié du XXe siècle, l'informatique commence à être utilisée pour traiter les données ; l'information scientifique et technique (IST) se met en place. On parle de plus en plus de gestion automatisée des documents, de recherche automatique. La notion de documentation, en ce qu'elle exploite le contenu des documents, se développe en complément de la gestion matérielle, le terme est défini dans les dictionnaires (Comberousse, 2005). A l'heure actuelle, cette définition s'applique toujours, et correspond en partie aux évolutions du métier.
Les mots et leur actualité
Maryvonne Holzem précise à juste raison que le terme « documentation » est dorénavant associé de manière systématique à « information », montrant ainsi qu'en lui-même ce terme seul n'est plus aujourd'hui suffisamment porteur de sens (Holzem, 1999). Dans les années 1990, l'association professionnelle des documentalistes a modifié le développé de son sigle (ADBS) en « Association des professionnels de l'information et de la documentation ». Les dictionnaires et encyclopédies actuelles donnent des définitions de ces termes : le document est désigné comme « un écrit, un objet ayant valeur de preuve, de témoignage ou d'information ». Le verbe documenter signifie « fournir des documents, des informations à… ». La documentation est « l'action de rechercher et d'utiliser des documents, des informations » ; c'est également « un ensemble de documents réunis ». Le documentaliste, lui, est chargé de « réunir, classer, diffuser des documents (pour le compte d'une collectivité, d'un service public, d'une entreprise, etc., ou pour appuyer un travail de recherche, une étude) ». Une évolution notable dans ces définitions est le terme d' « action » auquel est relié le fait de « rechercher et d'utiliser des informations »: cela est relativement nouveau et renforce l'image d'un métier qui va au-devant de l'information, par conséquent dynamique où la notion de service à l'utilisateur est implicite. Le terme « information » prime cependant de plus en plus sur celui de « documentation » ; le verbe « diffuser » est également employé et l'utilisateur est enfin cité. Le lien entre documentaliste, information-documentation et utilisateur est établi, ce qui n'était pas le cas auparavant. D'aucuns trouveront ces définitions trop restrictives et ils auront raison. Les instances officielles ou associatives apportent leurs propres définitions : le Répertoire opérationnel des métiers (ROME), édité sur Internet par l'Agence nationale pour l'emploi, donne dans sa dernière édition une fiche signalétique complète du métier (11). L'Euroréférentiel des emplois-types de l'information-documentation publié par l'ADBS (12) détaille et définit les différents aspects du métier : 49 métiers liés à la documentation sont listés ; à titre de comparaison, ils étaient 22 en 1999. Cette inflation des dénominations montre bien la diversification réelle du métier – et donc du sens du mot documentation - et même si la présence de certains métiers dans cette liste peut apparaître inadaptée car relevant plutôt des métiers de la communication ou informatique (communicateur technique, enquêteur professionnel, gestionnaire de données…), elle révèle un souci réel de l'ADBS d'être la plus exhaustive possible dans son approche et une volonté de rassembler des métiers qui ont pour dénominateur commun le traitement et l'organisation de l'information. Cette liste permet de repérer trois grandes tendances :
Les mots et la réalité
La technologie des réseaux, loin de faire disparaître la documentation, fait apparaître ce mot sous un autre jour : la définition de la documentation s'élargit, elle est de plus en plus liée à des techniques qui relèvent des archives, de la veille d'information ou de la mémoire d'entreprise. Prenons les métiers de records manager , de knowledge manager ou de veilleur, que certains voient comme des appellations différentes de celui de documentaliste : records manager est plus proche du métier d'archiviste, mais fait appel également à des techniques documentaires. La notion de mémoire d'entreprise constituée par la documentation interne de l'entreprise n'est pas étrangère aux documentalistes. Le métier de knowledge manager est parfois exercé par un documentaliste, mais plus souvent par un expert - ou un réseau d'experts - au sein de l'entreprise. La documentation n'est pas du Knowledge Management : organiser des savoirs propres à des individus, faire la relation entre des individus, des savoirs et des expertises nécessitent parfois d'autres compétences que celles de documentaliste. Ce dernier peut, dans certains cas, être partie intégrante du réseau des savoirs mis en place au sein de l'entreprise, proposer de relier bases d'information et bases de connaissances, extraire les connaissances contenues dans les documents : c'est un maillon de la chaîne, essentiel certes, mais pas suffisant. Le métier de veilleur, quant à lui, est proche de celui de documentaliste, c'est une extension de son rôle qui demande expérience et connaissance de l'environnement interne et externe de l'entreprise. La plupart des documentalistes ont une partie de leur activité orientée vers la veille : ils attirent l'attention de leurs utilisateurs sur tel ou tel document, site Web, article ou ouvrage récemment parus, définissent des profils, s'abonnent à des produits d'information électronique. Ils réalisent des synthèses d'actualité. L'activité de veille est fortement répandue dans certains secteurs de l'activité économique (militaire, pharmaceutique, bancaire, technologie de pointe…) : le terme de « renseignement » s'applique parfaitement à la veille, et la documentation retrouve ainsi une de ses définitions premières. Dans le domaine administratif, le statut récent de chargé d'études documentaire dans la fonction publique française (13) montre que la réalité a changé : le chargé d'études documentaires est un cadre, il doit être capable de fournir une information pointue, organisée, sous forme de dossier documentaire, de résumé. Les exigences du concours sont élevées, un niveau de spécialisation important est demandé au candidat.
Ces différents exemples permettent d'affirmer qu'actuellement la documentation a changé de rôle et de positionnement dans les organisations, et donc de définition. Cela est dû à une conjonction de phénomènes dont certains ont déjà été décrits : le niveau intellectuel, une formation universitaire, une identité professionnelle qui s'affirme, la place grandissante de la technologie, un niveau d'exigence élevé de la part des institutions et des organisations. La place prise par l'information dans l'entreprise est un autre facteur d'évolution non négligeable. La fonction documentaire a tendance à être diffuse, de même que l'information. Après une ère de centralisation de l'information sous forme de services dédiés, nous voyons apparaître des services éclatés au sein des entreprises ou des institutions et parfois même des responsabilités autrefois attribuées à une seule personne distribuées à plusieurs.
Conclusion : Le présent et l'avenir
Au travers de ce qui précède, nous avons vu le sens du mot « documentation » évoluer et s'enrichir avec le temps, englobé ou associé avec la notion d'information : il donne un autre contenu au métier de documentaliste, plus large, plus étoffé et qui correspond mieux à la réalité. En 2006, la situation de la documentation évolue : tout en gardant ses bases traditionnelles, le métier est de plus en plus conditionné par la technologie et les réseaux, au point même de poser la question de son utilité : la documentation n'est-elle (ou ne sera-t-elle pas) pas remplacée par le « tout-numérique », avec l'accès facilité aux ressources électroniques ou le développement des moteurs de recherche sans la nécessité pour l'utilisateur de recourir à un intermédiaire ? Il est encore trop tôt pour donner une réponse claire. Les questions au cœur du métier restent cependant aussi sensibles : orientation, accès, validation, coût de l'information sont parmi les points-clés qui caractérisent le monde de l'information aujourd'hui et auxquels les documentalistes peuvent apporter une réponse. Le « tout-numérique » implique maintenant une nouvelle définition de la documentation : exercer dans ce secteur induit implicitement de savoir rechercher, organiser et diffuser l'information à l'aide des technologies. Technologie et documentation sont étroitement liées et le seront probablement pour longtemps.
NOTES
(1) Voir la bibliographie pour les dernières publications et également les travaux de la SFSIC (Société française des sciences de l'information et de la communication :http://sfsic.free.fr/)
(2) Notamment l'idée de la bibliothèque universelle chère à Paul Otlet et les récents développements du moteur de recherche Google avec le projet GooglePrint.
(3) ADBS : Association des professionnels de l'information et de la documentation :http://www.adbs.fr
(4) Documentaliste, sciences de l'information , 1993, vol. 30, n° 4-5
(5) Larousse, le Robert ou Le Littré pour les dictionnaires ; Encarta, Universalis, Hachette, le Dictionnaire encyclopédique de l'information et de la documentation pour les encyclopédies et les dictionnaires encyclopédiques.
(6) De nombreux groupes de recherches en sciences de l'information existent. Pour mémoire :
- Institut des Sciences du Document Numérique (ISDN) :
http://isdn.enssib.fr/institut/institut.html
- Groupe de Recherche "Document Numérique et Usages", Université Paris VIII :
http://doc.univ-paris8.fr/ http://archivesic.ccsd.cnrs.fr/sic_00001020.html
(7) Cité dans : « Cours de licence Documentation » :
http://www.sha.univ-poitiers.fr/documentation/sciencesinfo.html(Université de Poitiers).
(8) Edition 2000.
(9) Au cours dea années 2000, l'ADBS a lancé une réflexion auprès de ses adhérents sur le changement de nom du métier, « documentaliste » étant jugé peu adapté aux évolutions en cours. « Information Manager » a notamment été proposé, mais au final, le terme de « documentaliste » est resté.
(10) L'UFOD a vu son action continuer avec la création de l'ADBS en 1963.
(11) Répertoire opérationnel des métiers (ROME) - Code ROME 32214 - Spécialiste de la gestion de l'information:http://rome.anpe.net/candidat/index.php
(12) ECIA (2004). Euroréférentiel I&D. 2 Niveaux de qualification des professionnels européens de l'information-documentation. Paris, ADBS. ISBN 2-84365-069-0.
(13) Concours interministériel mis en place en 1998.
BIBLIOGRAPHIE
ACCART Jean-Philippe, RETHY Marie-Pierre (2003). Le Métier de documentaliste . Paris, Electre-Le Cercle de la Librairie. ISBN 2-7654-0872.
BLANQUET Marie-France (1993) , La fonction documentaire : étude dans une perspective historique , vol. 30 : n° 4-5 / juillet 1993, p.199-204
COMBEROUSSE Martine (2005). Histoire de l'information scientifique et technique . Paris, A. Colin, (Coll.128 ; 213). ISBN 200-34417-1.
«Contributions à l'histoire de la documentation en France » (1993). Dossier. Documentaliste, sciences de l'information, vol. 30, n° 4-5.
FAYET-SCRIBE Sylvie (2000). Histoire de la documentation en France. Culture, science et technologie de l'information : 1895-1937 . Paris, CNRS Editions. ISBN 2-271-05790-6.
HOLZEM Yvonne (1999). Terminologie et documentation : pour une meilleure circulation des savoirs. Paris, ADBS. ISBN 2-84365-032-1.
MEYRIAT Jean (2000 ). « Robert Escarpit, la documentation et les sciences de l'Inforcom. ». Documentaliste, sciences de l'information, v ol. 37, 5-6, déc., p.326-328.
MEYRIAT Jean (1993). « Un siècle de documentation : la chose et le mot ». Documentaliste, sciences de l'information , vol. 30, 4-5, juil., p.192-198.
OTLET Paul (1934). Traité de documentation. Le livre sur le livre. Théorie et pratique . Bruxelles, Editions Mundanéum, Palais Mondial. (Réédité par le Centre de lecture publique de la Communauté française de Belgique, Liège, 1989). ISBN 2-87130-015-1.
Bibliographie complémentaire
(textes non cités dans l'article mais ayant servi à son élaboration)
BRIET Suzanne (1951). Qu'est-ce que la documentation ? Paris, Editions documentaires et industrielles.
BUCKLAND Michael K. (1997). “What is a “ Document? , Journal of the American Society for Information Science, vol. 48, n° 9, 804-809.
BUCKLAND Michael K. (1998).“ What is a “digital document ?”, Document numérique, t.2, n° 2, 221-230.
CHAUMIER Jacques (2002). Les Techniques documentaires au fil de l'histoire. 1950-2000 . Paris, ADBS. ISBN 2-84365-064-X.
DELMAS Bruno (1994). « Une fonction nouvelle : genèse et développement des centres de documentation » in Histoire des bibliothèques françaises , Paris, Electre- Cercle de la Librairie , tome 4, pp. 179-193. ISBN 2-7654-0510-7.
DUVERNE Anne (1993). "Les pionniers du savoir" , Documentaliste, sciences de l'information, vol. 30, n°6, nov.-déc.
ECIA (2004). Euroréférentiel I&D. 2 Niveaux de qualification des professionnels européens de l'information-documentation. Paris, ADBS. ISBN 2-84365-069-0.
FONDIN Hubert (2001). « La science de l'information : posture épistémologique et spécificité disciplinaire » . Documentaliste, sciences de l'information, juin, vol . 38, n° 2, pp. 113-122.
FONDIN Hubert (2002). « La « science de l'information » et la documentation ou les relations entre science et technique ». Documentaliste, sciences de l'information , juin, vol. 39, n° 3, pp. 122-129.
Histoire des bibliothèques françaises (1992). sous la dir. de Martine Poulain. Paris, Electre-Cercle de la librairie. ISBN 2-7654-0510-7.
LE COADIC Yves-François (1994). La science de l'information , Paris, PUF, « coll. Que sais-je ? », n° 2873. ISBN2-13-046831-9.
Les origines des sciences de l'information et de la communication (2002). SFIC, sous la dir. R. Boure. Villeneuve d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion. ISBN 2-85939-745-0.
Recherches récentes en sciences de l'information : convergences et dynamiques (2002). Sous la dir. de Viviane Couzinet et Gérard Régimbeau, en collab. avec Josiane Demeurisse, Joëlle Devillard, Patrick Fraysse et Francine Pavan. Actes du colloque international organisé les 21 et 22 mars 2002 à Toulouse par l'équipe Médiations en information et communication spécialisées (MICS) du LERASS (Université Toulouse 3). ISBN 2-84365-059-3
Evaluation d’une collection de revues
Identification d’un noyau de revues en cancérologie
L'évaluation de l'utilisation des revues permet d'identifier un noyau de 180 revues cumulant 80% des citations et des consultations. Ce noyau de revues permet d'orienter les collections de la bibliothèque vers les ressources ayant un impact réel sur la recherche en cancérologie, la pratique clinique et l'enseignement.
Introduction
Avec le développement des collections de revues électroniques de plus en plus importantes par les bibliothèques médicales, il est essentiel de pouvoir disposer d'outils et de méthodes évaluant leur pertinence pour les utilisateurs, afin de sélectionner, dans le cadre du budget alloué, les périodiques qui ont un impact sur l'activité de la communauté desservie.
Cet article décrit la méthode utilisée par la bibliothèque médicale de l'Institut de Cancérologie Gustave Roussy (IGR), pour évaluer les revues pertinentes reflétant les missions de l'Institut. Premier centre européen de lutte contre le cancer, dont les différentes missions sont le traitement du cancer, la recherche en cancérologie et l'enseignement, l'IGR réunit en un même lieu les départements de cancérologie clinique et des unités de recherche et d'épidémiologie dans le cadre d'un Institut Fédératif de Recherche. Les ressources documentaires spécifiques en cancérologie, sont développées par la bibliothèque médicale en complémentarité avec les collections de revues électroniques du CNRS et de l'INSERM. En effet les plate-formes BiblioVie et BiblioInserm proposent actuellement, plus de 2800 revues médicales et scientifiques. Dans ce contexte, évaluer précisément les besoins des médecins, chercheurs, soignants, étudiants et autres utilisateurs de la bibliothèque, est indispensable pour sélectionner les collections de revues spécifiques.
La dernière évaluation complète des collections a été réalisée en 1998 à l'aide d'une enquête auprès des médecins et des chercheurs, pour obtenir une vision précise de l'utilité des revues. Puis des enquêtes annuelles de moindre importance ont permis de mettre à jour ces informations. Avec l'augmentation du nombre de revues rendues disponibles par l'Institut Fédératif de Recherche, ce type d'enquête n'est plus réalisable. L'actualisation de ces données est essentielle pour recueillir des informations permettant de sélectionner les périodiques biomédicaux répondant aux besoins identifiés des utilisateurs.
L'évaluation des revues présentée dans cet article, est réalisée à partir de l'analyse des données statistiques de l'utilisation des revues par les médecins et chercheurs pour leurs travaux de recherche publiés dans les revues internationales et françaises. Les collections utiles, au sens large, comprennent à la fois les revues dans lesquelles les auteurs de l'IGR publient, les revues citées dans leurs publications en référence bibliographique, et les revues qu'ils consultent en ligne et photocopient à la bibliothèque médicale.
Méthode
Plusieurs études méthodologiques décrivent l'évaluation d'une collection de revues à partir de l'analyse des citations, notamment celle de Burright qui évalue les besoins informationnels d'une communauté de neurobiologistes en utilisant l'analyse bibliométrique des références bibliographiques citées dans leurs publications (Burright et al., 2005).
La méthode proposée ici, permet de confronter les données statistiques obtenues par l'analyse des citations des publications durant trois années consécutives, avec les statistiques des consultations des revues en ligne ou sur place à la bibliothèque, collectées sur la même période.
Première étape : élaboration du corpus documentaire
Les publications des médecins et chercheurs de l'IGR ont été recensées avec leurs citations, de 2002 à 2004, à partir de la base Science Citation Index (SCI) de l'Institute of Scientific Information (ISI). SCI identifie les adresses de tous les auteurs, et indexe les références bibliographiques citées par les auteurs des articles dans un format normalisé. Le corpus des citations bibliographiques ainsi obtenu est structuré en champs homogènes et peut être importé dans un tableur type Excel pour réaliser l'analyse bibliométrique.
Seconde étape : bibliométrie
Le tableur permet de réaliser, pour chaque année, les tris des références bibliographiques citées et les comptages des revues afin d'obtenir les données suivantes :
Le graphique des distributions des fréquences cumulées des citations des revues met en évidence une zone avec de fortes fréquences pour un nombre restreint de revues, dont les titres apparaissent fréquemment dans le corpus bibliographique.
L'analyse statistique des références bibliographiques citées, permet d'identifier les ressources documentaires médicales et scientifiques les plus utilisées pour la recherche clinique et fondamentale en cancérologie et leur durée de vie.
Troisième étape : mesure des consultations des revues
Sur la même période, les statistiques de consultation des revues, en ligne et à la bibliothèque sont recensées ; elles fournissent des informations complémentaires concernant l'utilisation des revues. Les éditeurs communiquent des statistiques de consultation des revues électroniques, générées automatiquement avec une périodicité et un format variables. Par ailleurs les statistiques des photocopies réalisées à la bibliothèque sont collectées pour chaque titre disponible en version imprimée. Ces données enregistrées année par année, reflètent l'évolution de l'activité de consultation des ressources disponibles sur le site de l'IGR et à la bibliothèque.
Les statistiques des consultations mettent en évidence des revues très consultées par les utilisateurs qui publient rarement : étudiants, soignants par exemple.
Quatrième étape : synthèse dans un tableau de bord
La confrontation des données de l'analyse des citations et des consultations est réalisée après avoir élaboré un tableau de bord qui synthétise l'ensemble des caractéristiques des revues en cours :
La construction du tableau de bord des revues facilite la synthèse des informations utiles pour évaluer chaque revue. Il permet de classer les revues par fréquences décroissantes d'utilisation et de leur attribuer un rang selon le classement.
Cinquième étape : comparaison du noyau de revues majeures avec les collections disponibles à l'IGR
La comparaison du noyau des revues dont les fréquences d'utilisation sont les plus élevées, avec les collections documentaires disponibles sur le site permet d'évaluer leur utilité pour la recherche, la pratique clinique, l'enseignement, et éventuellement de réorienter les collections en fonction de l'évolution des thématiques nouvelles.
Résultats et discussion
Le résultat du recensement des articles publiés à l'IGR de 2002 à 2004 constitue un corpus de 1447 notices bibliographiques, à partir desquelles 45772 références bibliographiques citées sont identifiées.
Le Tableau 1 indique les résultats obtenus année par année :
Année | Articles de l'IGR | Citations bibliographiques |
---|---|---|
2002 | 478 | 15522 |
2003 | 532 | 15895 |
2004 | 437 | 14355 |
Total | 1447 | 45772 |
Tableau 1 : Nombre de publications IGR et de citations de 2002 à 2004
Analyse des publications
L’analyse des revues dans lesquelles les médecins et chercheurs publient fournit moins d’information sur l’utilité des revues que l’analyse du corpus plus important des citations bibliographiques. C’est pourquoi l’analyse bibliométrique concerne essentiellement les citations bibliographiques des publications.
Types de documents cités
L’analyse des références citées permet de différencier les types de documents utilisés : 91% sont des articles de revues ou séries, 7% des livres ou monographies, 1% des congrès, 1% des sites Web ou des logiciels. Cette répartition des ressources documentaires citées caractérisée par une forte proportion des périodiques cités, une faible représentation des livres, et l’apparition de citations de sites Web dans les citations bibliographiques, est en accord avec la répartition des citations obtenues par d’autres études d’évaluation des collections basée sur l’analyse des citations (Smith, 2003).
La collection des périodiques est la première ressource utilisée par les chercheurs et les médecins. C’est pourquoi notre objectif actuel est de définir un noyau de revues majeures en cancérologie. L’analyse des autres ressources citées dans les références peut être poursuivie dans un second temps, pour mettre en évidence un noyau de livres et de manuels de référence en cancérologie.
Répartition des références citées par année
Le schéma 2 indique l’ancienneté des références citées dans les articles du corpus des publications de l’IGR de 2004. La courbe se décompose en 3 phases :
Schéma 1 : Répartition des citations par année d’ancienneté
La courbe de distribution des fréquences des références citées atteint son sommet en deux ans : 25% des références citées concernent des articles publiés dans les deux années précédentes ; 80% des références sont citées dans la décennie de leur publication. L’ensemble des citations se disperse sur plus de 150 années. L’analyse de l’évolution de l’utilisation des revues en fonction du temps fournit des informations importantes pour la durée de l’archivage des collections de revues.
Identification du noyau des revues citées
La distribution des fréquences d’utilisation des revues cumulées est conforme aux lois bibliométriques spécifiques (Bradford, 1934). Sa représentation graphique a une forme caractéristique, fortement décroissante et asymétrique, qui est illustrée dans le schéma 2.
Schéma 2 : Distribution des fréquences de citations des revues
La forme des distributions fréquences cumulées des citations des revues est conforme à celle observée par des études analysant l’utilisation de collections de revues médicales (Gallagher et al., 2005). Elle est caractérisée par 2 zones :
Le noyau des revues comprend 180 revues très utilisées avec des taux élevés de citation dans les publications de l’IGR, donc fortement corrélés avec la recherche en cancérologie. Par ailleurs, la zone de dispersion recense 1225 revues peu utilisées et peu citées, et qui peuvent éventuellement permettre de détecter des évolutions dans les choix des revues par les chercheurs.
Caractéristiques des revues du noyau
Les revues les plus citées se répartissent en cinq principaux domaines : biologie, cancérologie clinique, autres spécialités médicales, pharmacologie, santé publique. Plus de 67% des revues concernent la cancérologie clinique et les différentes spécialités médicales, 33% des revues la recherche fondamentale en cancérologie.
Voir Annexe 1 : Noyau des revues citées : Classement thématique.
Impact Factor (IF) des revues du noyau
Les facteurs d’impact des revues sont utilisés généralement comme un indicateur de qualité des périodiques. Ils sont calculés par l’Institute for Scientific Information (ISI) à partir des citations bibliographiques issues de la littérature mondiale, et sont publiés annuellement dans le Journal of Citation Report (JCR).
On constate qu’il existe d’importantes variations de facteur d’impact moyen par domaine, et dans chaque domaine les écarts entre les maxima et minima sont très larges. Le tableau de répartition des titres par domaine ci-dessous, indique pour chaque domaine le nombre de revues du noyau, et leur Impact Factor (IF) minimal, moyen et maximal.
Domaines | Revues | IF max | IF moyen | IF min |
---|---|---|---|---|
Biologie, Biochimie Chimie | 50 | 52,43 | 11,768 | 2,37 |
Cancérologie | 47 | 36,557 | 4,914 | 0 |
Médecine, autres spécialités | 73 | 38,57 | 5,744 | 0,301 |
Pharmacologie | 5 | 5,204 | 3,5252 | 1,854 |
Santé Publique, Statistiques | 5 | 4,933 | 2,756 | 1,389 |
Total | 180 | 52,431 | 7,056 | 0 |
Tableau 2 : Répartition des revues par domaine et Impact Factor (JCR 2004)
On observe que 95% des 180 revues majeures du noyau sont classés par l’ISI, avec un IF moyen de 7,056. Des variations conséquentes des facteurs d’impact des revues du noyau sont mises en évidence selon les domaines : les revues de biologie ont les facteurs d’impact les plus élevés.
Pour les revues les plus citées, l’IF et les données statistiques issues de l’analyse des revues citées dans les publications de l’IGR sont corrélés. Concernant les revues citées dont le facteur d’impact est moins élevé, cette corrélation n’apparaît plus. L’intérêt de l’IF comme indicateur de la valeur d’un périodique n’est pas systématique conformément aux résultats publiés dans des études antérieures (Kreider, 1999).
Analyse des statistiques de consultation des revues
L’analyse statistique du corpus des citations informe sur la pertinence des collections de revues pour la recherche en cancérologie, puisque les médecins et les chercheurs les citent, qu’elles soient ou non indexés dans le JCR. De plus, les statistiques de consultation des revues imprimées ou électroniques confirment cette sélection de revues majeures et apportent un éclairage complémentaire.
Les statistiques des photocopies des revues disponibles traditionnellement à la bibliothèque médicale reflètent l’activité de consultation des revues, mais ne tiennent pas compte de la consultation sur place, ni des prêts aux lecteurs autorisés. Bien que ces données indiquent une diminution d’année en année, elles mettent en en évidence certaines collections spécifiques peu citées, classées par l’ISI avec de faibles IF, mais qui indiquent des fréquences élevées d’utilisation à la bibliothèque médicale comme les revues publiées en français utilisées pour la veille ou l’enseignement.
Voir Annexe 2 : Revues publiées en français les plus consultées.
Les statistiques des consultations des revues électroniques fournies par les éditeurs de 2002 à 2004 sont peu comparables. Certains éditeurs ne communiquent pas d’information sur l’usage de leurs revues. Le manque d’homogénéité et de fiabilité des données rend leur interprétation difficile (Samson et al., 2004). La mise en place d’un système d’accès unique vers les revues électroniques est préférable pour obtenir des statistiques complètes, normalisées, centrées sur les ressources de la bibliothèque et comparables. Cependant, ce système ne prend pas en compte les utilisateurs qui enregistrent les accès des revues électroniques dans leurs favoris pour pouvoir réaliser une veille régulière des principales revues de leur domaine.
L’observation des choix des utilisateurs quant au format d’accès à la revue : électronique ou imprimée, fournit des arguments pour sélectionner une collection limitée de revues à maintenir en accès traditionnel.
Disponibilité des revues du noyau pour les médecins et chercheurs de l’IGR
La combinaison des analyses des citations et des consultations de revues permet d’établir un classement par fréquence décroissante d’utilisation des revues par les médecins, les soignants, les chercheurs et les étudiants. Ces informations sont importantes pour évaluer et sélectionner, dans le cadre budgétaire défini, les collections de revues qui contribuent au développement des activités de la recherche en cancérologie, des traitements et de l’enseignement.
L’évaluation comparative réalisée à partir de la collection des revues du noyau, indique que la quasi-totalité des revues du noyau est accessible en ligne ou en format imprimé ce qui conforte les choix actuels réalisés. La collection proposée par la bibliothèque médicale est réorientée pour atteindre une disponibilité complète des collections du noyau.
Conclusion
La conduite de la politique de développement des ressources documentaires tient compte des données économiques (budget alloué, coûts de la documentation) et des données bibliothéconomiques (pertinence des collections, demande des utilisateurs, consultations). L’analyse de l’utilité des collections de revues, réalisée en confrontant les données chiffrées des publications, des citations, des consultations, a fourni des informations précises pour identifier les besoins des utilisateurs. Ces données ont permis de définir un noyau de revues majeures utiles pour la recherche en cancérologie, et d’observer son utilisation dans le temps. Cette méthode d’évaluation fournit des arguments concrets pour justifier de nouveaux abonnements ou désabonnements, et limiter la durée des collections. Elle apporte un éclairage utile pour mettre en œuvre une politique de développement des collections de revues reflétant les missions de l’Institut, et éventuellement repositionner les collections selon les évolutions thématiques de la recherche.
Annexes
Annexe 1: Noyau des revues citées : Classement thématique
Annexe 2 : Revues publiées en français les plus consultées
Bibliographie
BRADFORD, Samuel C (1934). Sources of information on specific subjects. Engineering: an illustrated weekly, t. 137, n°3550, p. 85-86.
BURRIGHT, Marian A. (2005). Understanding Information Use in a Multidisciplinary Field: A Local Citation Analysis of Neuroscience Research. College and Research Libraries, t. 66, n° 3, p. 198-210.
GALLAGHER, John et al.(2005). Evidence-based librarianship: Utilizing data from all available sources to make judicious print cancellation decisions. Library Collections, Acquisitions, and Technical Services, t. 29, n°2, p. 169-179.
KREIDER, Janice (1999). The correlation of local citation data with citation data from Journal Citation Report. Library resources and technical services, t. 43, n° 2, p. 67-77.
LAPELERIE, François (1999). Les choix des périodiques scientifiques dans le cadre d'une politique documentaire. Bulletin des bibliothèques de France, t. 44, n°2 , p. 64-72.
SAMSON, Sue et al. (2004). Networked Resources, Assessment and Collection Development. The Journal of Academic Librarianship, t. 30, n°6, p. 476-481.
SMITH, Erin T (2003). Assessing Collection Usefulness: An Investigation of Library Ownership of the Resources Graduate Students Use. College & Research Libraries, t. 64, n°5, p. 344-355.
Linda Beaupré, Sûreté du Québec, Canada
Hélène Laverdure, Ministère du Travail, Canada
L’information numerique et les enjeux de la societe de l’information: Colloque scientifique international du 14 au 16 avril 2005 à Tunis
Le Colloque scientifique international tenu à Tunis du 14 au 16 avril 2005 était présenté en marge du Sommet mondial de la société de l'information qui aura lieu en novembre 2005. Le thème reposait essentiellement sur la gestion de l'information numérique, thème qui occupe aujourd'hui une place incontournable dans toutes les stratégies de développement des organisations. Les sous-thèmes suivants figuraient au programme du colloque : Les sciences de l'information à l'ère du numérique, les réseaux d'information et les usages des données numériques, l'information numérique et les stratégies de développement, et bien d'autres. A cette rencontre étaient conviés des enseignants universitaires et chercheurs, des professionnels de l'information, des chefs de projets en entreprise ainsi que des cadres supérieurs issus des secteurs clés de l'économie.
C'est dans le contexte de ce colloque international que nous avons présenté nos projets de conférence au comité scientifique qui les ont acceptés. Nos communications ont traité, d'une part, de la mise en œuvre de la gestion électronique des documents (GED) au sein de la Sûreté du Québec et, d'autre part, du projet Corail du ministère du Travail du Québec relatifs aux relations du travail en ligne.
Résumé de la conférence
La gestion électronique des documents : véritable catalyseur vers un changement de paradigmes
La Sûreté du Québec dépend, entre autres, des informations qu'elle détient pour accomplir sa mission et fournir les services adéquats à la population, aux institutions et aux entreprises. La qualité, la protection et l'accessibilité de cette information sont déterminantes pour la réalisation des opérations et l'atteinte des objectifs. Pour la Sûreté , l'information constitue sa matière première et l'essentiel de sa production. On constate que la gestion de l'information, tous supports confondus, est aujourd'hui au cœur des préoccupations des organisations. Elle fait l'objet de nombreux questionnements et suscite un intérêt certain quant au souci de prendre les dispositions nécessaires en vue d'en assurer un traitement adéquat. Conséquemment, la Gestion électronique des documents (GED) s'avère être un véritable catalyseur vers un changement quant aux pratiques de gestion des documents, et ce, sans égard aux supports. Elle est actuellement le meilleur moyen technologique pour assurer la gestion de l'actif informationnel, et ce, de la collecte ou de la création des documents jusqu'à leur disposition finale. Sans compter que dans nos administrations modernes les actifs informationnels accusent une croissance importante, rapide et soutenue. Ce phénomène est constaté entre autres par l'avènement des outils bureautiques et d'Internet, notamment l'utilisation massive du courrier électronique pour échanger les informations. Au terme de son implantation, la GED facilitera la gestion et la conservation des documents par l'informatisation du Plan de classification et du Calendrier de conservation ; elle favorisera également la centralisation de certaines opérations de contrôle ainsi que la systématisation du déclassement dans les unités administratives. Tout ceci sans pour autant mettre en péril les principes de sécurité décentralisée et de cloisonnement des accès aux différentes unités administratives. L'implantation de la GED participera également à la consolidation des besoins, facilitera l'intégration des activités de gestion des documents et offrira de multiples possibilités aux utilisateurs. Elle évitera la prolifération de technologies disparates et répondra tant aux besoins spécifiques des utilisateurs qu'aux besoins institutionnels dans ce domaine d'activités.
Ma participation à ce colloque à titre de conférencière a contribué au rayonnement de l'organisation tout en offrant une occasion de partager mon expertise en Gestion électronique des documents et d'aller voir, à l'extérieur du Québec, l'état d'avancement des travaux dans le domaine. Cet événement a également permis à la Sûreté et à moi-même d'enrichir notre potentiel de connaissance dans le domaine. L'expérience s'est avérée des plus enrichissantes!
Résumé de la conférence
Corail, les relations du travail en ligne
Le ministère du Travail et la Commission des relations du travail (CRT) du Québec sont à élaborer un nouveau service en ligne afin de mieux desservir les besoins de leurs clientèles internes et externes. Les documents visés concernent les relations du travail au Québec. Plus précisément, il s'agit des conventions collectives, des sentences arbitrales de grief, des dossiers d'accréditation ainsi que certaines décisions de plaintes relatives à l'emploi. Certains documents jugés confidentiels ne seront disponibles qu'à la clientèle interne. Une fois mise en place, la solution préconisée devra intégrer les principales fonctions de gestion électronique des documents, de numérisation des documents sur support papier, de recherche et consultation, de diffusion électronique et finalement de tarification des services. Elle sera également basée sur une architecture ouverte et évolutive permettant de répondre adéquatement aux besoins de gestion documentaire pour la clientèle interne ainsi qu'aux besoins de recherche des différentes clientèles internes et externes. Cette solution devra finalement permettre au Ministère d'assurer le respect de la législation et des orientations gouvernementales en vigueur au Gouvernement du Québec en matière de gestion documentaire.
L'amélioration du service à la clientèle du Ministère et de la CRT a été la principale motivation des autorités permettant au projet de voir le jour. Plusieurs bénéfices ont également été considérés, on n'a qu'à parler de la rationalisation des espaces d'entreposage, du partage de documents électroniques et de la protection des documents. La solution développée se divise en trois sous-systèmes soit la numérisation, l'indexation et la conversion en format PDF; le dépôt et la diffusion des documents à nos clientèles internes; la diffusion à nos clientèles externes.
Dès le début du projet, on souhaite que la numérisation des documents permette la destruction du support papier. Les processus et les mécanismes de conversion vers un support numérique doivent garantir l'intégrité des documents. Par conséquent, le traitement est entièrement automatisé et les outils développés permettent d'obtenir et de conserver les renseignements authentifiant un document numérisé. L'outil de gestion électronique des documents assure la conservation, la diffusion et la gestion des documents visés par le projet. Le principal avantage pour les utilisateurs reste sans contredit une plus grande autonomie dans la recherche et le repérage de documents, quels qu'ils soient. Il est maintenant possible aux clientèles internes de faire des recherches directement dans le texte des documents mais également en utilisant les métadonnées associées à un document. Une interface a été développée spécialement pour la diffusion à nos clientèles externes. Celles-ci pourront accéder aux documents au moment qui leur convient et ce, dès 2006, en s'abonnant à Corail pour une journée, un mois ou une année.
En conclusion
Notre participation à ce colloque nous a permis de partager nos expériences respectives avec des gens provenant de différents pays et d’approfondir certains aspects de l’information numérique. La majorité des conférences auxquelles nous avons assisté étaient d’ordre théorique. Ce que nous retenons particulièrement de ce colloque est la difficulté de concilier théorie et pratique. Les ressources humaines et financières étant limitées, comment trouver le temps de répondre aux besoins des utilisateurs tout en prenant un temps de réflexion sur l’impact de nos processus archivistiques sur l’évolution fulgurante de l’information numérique?
Céline Bize, Haute Ecole de Gestion, Genève
Une bibliothecaire et une stagiaire bibliothecaire au pays des volcans
Introduction
Tout a commencé un jour d'automne 1998 à Bienne. Là se trouve Cinfo http://www.cinfo.ch/, centre d'information, de conseil et de formation sur les professions de la coopération internationale et de l'aide humanitaire. Cinfo organise périodiquement des journées d'information destinées aux personnes intéressées par une expérience de travail à l'étranger. Mon mari et moi avons assisté à l'une des ces journées et avons ainsi fait la connaissance d'E-Changer http://www.e-changer.ch/. Nous avons été immédiatement séduits par sa philosophie, par le sérieux de la préparation au départ et du suivi sur le terrain.
Mouvement d'envoi de volontaires au Sud, plus particulièrement en Amérique latine, E-Changer a son siège à Fribourg, Suisse. Son activité principale est la formation et l'accompagnement de personnes qui s'engagent pour une expérience de vie dans un pays où leurs compétences professionnelles et personnelles peuvent appuyer un projet. C'est avec eux que nous sommes partis trois ans en Bolivie et que nous avons signé un nouveau contrat pour deux ans à Managua, Nicaragua.
Nous avons mis sur pied un groupe de soutien à notre projet. C'est une exigence d'E-Changer: le travail de fourmi que nous accomplissons au Sud doit être relayé en Suisse. Ce groupe de soutien est constitué de toutes les personnes -connues ou inconnues- qui ont envie de suivre notre travail et d'en savoir plus sur un pays qu'ils ne visiteront peut-être jamais. Nous l'avons appelé "hormiga", qui veut dire "fourmi" en espagnol. Pourquoi? Parce qu'une fourmi toute seule ne peut pas faire grand-chose mais mettez-en quelques centaines ensemble et vous verrez qu'elles sont capables de changer leur monde! Le travail d'information et de sensibilisation se fait à travers de notre site Internet www.hormiga.ch, d'articles d'information dans différents médias et de lettres circulaires adressées aux membres.
Les bibliothèques des pays en voie de développement
Vous pouvez bien l'imaginer: une bibliothèque bolivienne ou nicaraguayenne n'a pas grand-chose à voir avec ses homologues helvétiques. La plupart du temps, les livres sont rares, obsolètes, en mauvais état. Les bibliothécaires sont peu ou pas formés. Les locaux sont vieillots, petits, mal adaptés. Le public est rare… Quant la propre bibliothèque nationale d'un pays n'a AUCUN budget d'acquisitions, on peut imaginer à quel point la situation est grave. Il y a heureusement quelques exceptions. A Managua, par exemple, la Banque centrale (el Banco Central) a sa propre bibliothèque qui ferait bonne figure dans une ville européenne: catalogue en ligne, libre-accès, collections actualisées http://biblioteca.bcn.gob.ni/. L'arbre qui cache la forêt…
La coopération internationale, pourtant très active dans le domaine de l'éducation, appuie très peu de projets bibliothéconomiques. Pourquoi? Il serait intéressant de faire une étude sur ce thème. Personnellement, je pense que les bibliothèques du Sud souffrent d'un manque de visibilité. Elles ne sont pas reconnues par les instances qui gèrent l'aide au développement. Il faut dire à leur décharge que le thème n'est pas très spectaculaire et que personne ne souligne son importance. Les bibliothécaires du Nord ont certainement une part de responsabilité dans cette indifférence. Il n'est pas dans leur tradition de collaborer et d'appuyer leurs collègues moins bien lotis.
Mon travail en Bolivie (1)…
Mon premier contact avec une bibliothèque bolivienne fut à Tarija, au centre pour enfants handicapés où mon mari appuyait l'équipe éducative. Ce centre possède une petite bibliothèque de quelque 200 titres sur les thèmes de l'éducation spécialisée et du handicap. Même les étudiants de la Faculté de psychologie ou ceux de l'Ecole normale viennent consulter ces livres car nulle part ailleurs à Tarija, ville de 150'000 habitants, on n'en trouve l'équivalent. La Bibliothèque municipale de Tarija n'a ni catalogue, ni budget d'acquisitions, ni service de prêt. En Bolivie, si un lecteur ne rend pas un livre emprunté, on retient le prix dudit livre sur le salaire du bibliothécaire. La photocopie est une véritable industrie: faute d'argent pour acheter les livres, on les photocopie à tour de bras dans l'une des nombreuses officines qui entourent chaque université. Le piratage est également florissant. Comment les blâmer? Quand plus de 60% de la population est en dessous du seuil de pauvreté (moins de deux dollars par jour), l'achat d'un livre est simplement impossible.
J'ai collaboré de manière bénévole à différents projets de bibliothèques, à Tarija et à La Paz. Je me suis heurtée à chaque fois au manque crucial de moyens matériels. Même l'achat de crayons, de papier ou d'étiquettes peut se révéler problématique. Par bonheur, la motivation et l'envie d'en savoir plus ne coûtent rien. Le personnel de ces bibliothèques m'a toujours accueillie avec enthousiasme. Il m'a fallu du temps pour comprendre leur situation. Je découvrais une nouvelle réalité, celle d'un pays tellement pauvre que le moindre bout de papier prenait de la valeur. Paradoxalement, pour pouvoir leur offrir mon aide, je me suis appuyée sur eux. C'est ensemble que nous avons cherché des solutions raisonnables pour améliorer leur bibliothèque. Bien sûr, il y eut des moments de découragement, des désillusions, des déceptions… Le plus difficile pour moi, ce fut peut-être la force d'inertie de certains organismes ou de certaines personnes et le temps fou que prend l'accomplissement de la moindre tâche. Ma notion du temps et celle des Boliviens ne se sont jamais bien accordées, malgré tous nos efforts.
Durant mon séjour bolivien, j'estime avoir reçu bien plus qu'apporté, tant du point de vue professionnel que personnel. J'ai appris à exercer mon métier de manière différente et j'ai appris que le cœur peut plus que la raison. Je garde un souvenir lumineux de ces trois années au pays des lamas.
… et au Nicaragua
J'étais encore en Bolivie quand j'ai entendu parler d'un poste de coopérante au Nicaragua. Premiers contacts électroniques avec la directrice, premiers échanges de vue, premiers rêves… L'idée s'est avérée irrésistible, la réalité aussi. A la fin de notre contrat, nous avons fait escale à Managua avant de rentrer en Suisse afin d'examiner de près le projet et le lieu de vie. La décision fut vite prise: après la Bolivie , vive le Nicaragua !
María de los Ángeles Chirino Ramos , la directrice de la bibliothèque et archives de l'IHNCA (2), que nous appelons familièrement Marielos, se désespérait de trouver un jour une bibliothécaire coopérante pour former son personnel. Elle est cubaine et vit au Nicaragua depuis une vingtaine d'années. C'est la seule personne diplômée en bibliothéconomie de l'institut et elle se rend parfaitement compte de l'importance d'une formation. Elle m'a donc accueillie à bras ouverts. C'est ainsi que, depuis janvier 2005, je me rends chaque jour à la Universidad Centroamericana où se trouve l'IHNCA, Instituto Histórico de Nicaragua y Centroamérica . Mon travail porte essentiellement sur deux axes:
Ce projet est atypique pour différentes raisons. Normalement, la plupart des volontaires travaillent dans des milieux populaires, avec des mouvements de base, avec une population défavorisée, dans des conditions qui peuvent être difficiles. Je suis dans un institut faisant partie d'une université; mes collègues sont toutes licenciées universitaires. De plus, la plupart sont attentives à ce qui se passe dans le pays et les discussions que nous avons sont enrichissantes et éclairantes pour moi.
Autre point vital: les partenaires du sud accueillent généralement les volontaires avec beaucoup d'enthousiasme mais les problèmes ne tardent pas. Le décalage entre la description du projet et la réalité du terrain est un fait quasi incontournable et peut causer de sérieux problèmes. Rien de tel à l'IHNCA. Je me sens acceptée et reconnue. Je crois que mes collègues apprécient mes cours (du moins me le font-ils savoir à travers les évaluations). Je ne voudrais pas sembler présomptueuse mais réellement j'ai l'impression d'apporter une petite pierre utile à cet édifice.
Ce type de projet, relativement nouveau pour E-Changer, possède un potentiel de développement très important. Le fait que le partenaire sud soit aussi solide, fiable et motivé est un gage de progrès. Le fait que mes collègues soient capables de propager l'enseignement reçu est un gage de durabilité. Le fait que la direction de l'IHNCA soit convaincue de l'importance de l'apport d'une coopérante et qu'elle le valorise est un gage de succès.
Une stagiaire de la HEG à l'IHNCA
En 2004, lors de mon séjour en Suisse, j'avais signalé à la HEG que, si un(e) étudiant(e) parlant espagnol souhaitait faire son stage pratique au Nicaragua, j'étais tout à fait disposée à l'accueillir et à suivre son stage.
C'est ainsi que Céline Bize a séjourné trois mois à Managua, accomplissant son stage au sein de l'équipe de l'IHNCA. Cette expérience fut tout à fait positive. Je me sentais responsable car, après tout, c'est moi qui avais offert cette possibilité à la HEG. Par bonheur, Céline est une personne très compétente, très professionnelle. Son stage s'est bien déroulé et l'IHNCA est tout à fait prêt à examiner un autre dossier de stagiaire pour l'an prochain!
Le séjour de Céline à l'IHNCA s'inscrit parfaitement dans la philosophie de mon travail de coopérante. C'est un élément de plus dans la sensibilisation Nord-Sud. Maintenant, Céline, sa famille, ses amis, ses camarades de classe connaîtront un peu mieux la réalité nicaraguayenne.
Différence de mentalités
Dans une entrevue récente (3), une travailleuse sociale brésilienne qui collabore avec E-Changer donnait une réponse intéressante à la question de savoir ce qui avait attiré son attention lors de son voyage en Suisse:
"En premier lieu, j'ai découvert la frénésie helvétique. Ici tout est très rapide. Les heures sont millimétriquement calculées. L'horloge fonctionne intensément. Tout est très méthodique et j'ai pu constater l'attention énorme au travail dans les endroits où je me suis rendue. Les Suisses sont très objectifs et sérieux. Comprendre ce rythme a été un apprentissage important. J'ai été très étonnée de la relation des gens avec le temps. Je l'ai ressenti par moments comme quelque chose de stressant. J'ai senti parfois le risque que la qualité de vie soit menacée par le fait de courir et de courir. Le temps conditionne tout. Une certaine rigidité des corps, la tension de l'embrassade comme salutation, si on s'embrasse..."
De quoi faire réfléchir, non? Depuis que je vis dans le Sud, j'ai eu maintes occasions de constater à quel point nos priorités diffèrent. Si pour nous, l'heure est sacro-sainte, ici c'est la rencontre. Donc, si je suis avec un ami et que l'heure tourne, ce n'est pas grave. Si j'arrive en retard (ou pas du tout) à mon prochain rendez-vous, tant pis. L'important, c'est ici et maintenant. A la bibliothèque, cela se traduit par des piles de livres partout, des plans de travail annuels qui ressortent plus du domaine du rêve que de la réalité, un flou dans les procédures de travail qui ferait le désespoir de n'importe quelle direction de bibliothèque suisse. Comment trouver ma place là-dedans? Je l'avoue, j'ai souffert et je souffre encore! Les mots clés sont s'adapter et relativiser. S'adapter à une autre culture et arriver à se fondre dans le paysage sans perdre ses propres repères. Il ne s'agit pas d'effacer ce qui fait ma différence mais de faire en sorte qu'elle cohabite le plus harmonieusement possible avec l'autre. Relativiser est aussi essentiel: est-ce vraiment si important si le tableau des statistiques du prêt n'est pas d'une clarté éblouissante? Ce qui compte, c'est que l'on mette sur pied des statistiques, même si elles ne sont pas parfaites. La comparaison entre là-bas et ici est stérile, la transposition impossible. C'est ce qui fait toute la richesse du défi: inventer quelque chose de nouveau en s'appuyant sur une expérience professionnelle acquise dans des conditions totalement différentes, et en tenant compte d'une réalité à mille lieues de la Suisse.
Efficacité et rendement
La quantité de travail accomplie ici ne peut en aucun cas se référer aux normes suisses. Tout prend tellement de temps! La faute à la bureaucratie que l'on retrouve partout. Un exemple: si je veux disposer du beamer le vendredi après-midi pour mon cours, je dois faire à chaque fois une demande écrite au moyen d'un formulaire ad hoc. Je l'envoie par courrier électronique et de plus j'en apporte une copie imprimée, signée, au responsable du service informatique. Quelqu'un viendra tout exprès installer et désinstaller le beamer (chose que je pourrais très bien faire moi-même). Le temps passé à ce genre d'exercice et la paperasse accumulée (on ne jette rien) font que le rendement est assez bas.
La difficulté à rationaliser les procédures de travail est réelle. Je suis chargée de l'appui à la réalisation d'un manuel de procédures. On m'avait dit qu'il était déjà quasiment terminé et qu'il manquait juste le peaufinage de quelques détails. Nous sommes en décembre et il n'est toujours pas fini… C'est un peu ma faute: mes suggestions de simplification et de rationalisation de certaines tâches ont demandé une longue réflexion. C'est un peu leur faute aussi: il est très difficile de prendre des décisions relatives à la politique de la bibliothèque et de s'y tenir. On décide que l'IHNCA est une bibliothèque de consultation, sans prêt à domicile, mais on multiplie les exceptions; la finance d'inscription est de 10 dollars mais c'est vraiment "à la tête du client" et au bon vouloir de la direction. On ne s'en sort plus. Toutefois il faut souligner qu'un manuel de procédures est encore quelque chose de relativement nouveau au Nicaragua. C'est tout à l'honneur de l'IHNCA de vouloir se doter d'un tel instrument de travail.
Mieux vaut en rire
L'humour est un support de premier plan dans la rencontre des cultures. Il aide à éviter les frictions. Si on parvient à rire de ses propres travers, on se gagne déjà un grand capital de sympathie. Quand mes collègues me mettent en boîte à propos de ma ponctualité jamais en faille, je me sens acceptée, reconnue dans ma différence.
L'humour est un excellent instrument de travail dans la coopération. On ne sait jamais comment quelqu'un prendra une remarque ou une critique même constructive. Il y a toujours le risque de tomber dans le stéréotype de l'étranger qui sait (normal, il vient d'un pays développé ) et qui a la bonté de faire bénéficier l'indigène de ses connaissances. Une manière d'éviter cette attitude paternaliste, c'est de ne pas se prendre trop au sérieux.
L'enseignement peut être très vertical dans ce pays. C'est quelque chose de sérieux, qui ne laisse pas beaucoup de place à l'élève. La pédagogie du prof-qui-sait et de l'élève-qui-écoute-et-apprend est encore très utilisée. Une de mes "élèves" m'a dit un jour qu'elle appréciait le fait de pouvoir dire une "bêtise" pendant mes cours, sans avoir peur que je me fâche. Cela m'a conforté dans ma conviction de laisser les cours ex-cathedra au vestiaire et de me lancer à fond dans les cours participatifs, multipliant les travaux de groupe, les présentations d'élèves, les jeux de rôle… Je ne finirai peut-être pas le programme de formation prévu pour ces deux ans mais je sais que les sujets abordés seront bien assimilés.
Bilan à mi-chemin
Je suis à l'IHNCA depuis une année. Je parle de l'IHNCA en disant "nous" parce que je me considère partie prenante de cette institution. Je prends chaque jour comme il vient, sans essayer de voir plus loin que le prochain cours ou la prochaine réunion de travail. Même si j'ai un plan de travail à suivre, j'apprends l'improvisation. Je perds chaque jour un peu plus de ma "raideur suisse". Je me surprends même à arriver en retard, c'est dire. Le climat de Managua y contribue certainement. La chaleur intense, la touffeur des jours, l'humidité ambiante durant la saison des pluies… c'est tout simplement impossible de garder le même rythme de travail qu'au Nord.
En 2006, je poursuivrai ma tâche: former mes collègues et collaborer au renforcement de l'institution. Si les catastrophes naturelles nous épargnent, si les élections présidentielles se déroulent sans émeutes, si l'université continue à financer l'IHNCA, si tout va bien, je terminerai mon contrat en décembre 2006. Je rentrerai en Suisse avec un bagage professionnel et personnel bien plus lourd que celui que j'avais en arrivant. J'aurai sûrement encore bien d'autres choses à vous raconter… En attendant, je passe le clavier à Céline Bize, afin qu'elle vous conte son expérience !
Rosemarie Fournier, décembre 2005
Notes
(1) Voir Lire, mais en Bolivie / Rosemarie Fournier. - Arbido, 2003, vol. 18, no 9, pp. 25 - 26.
(2) Institut d'histoire du Nicaragua et d'Amérique centrale (Managua)
(3) Una mirada a la cooperación suiza con ojos del sur / Sergio Ferrari. - Nov.2005
L'IHNCA
L'Institut d'histoire du Nicaragua et d'Amérique centrale à Managua est une institution de l'Université d'Amérique centrale (UCA) consacrée à la recherche, la diffusion de l'histoire et la gestion du patrimoine documentaire. Sa mission est de produire et de délivrer des connaissances nouvelles sur l'histoire du Nicaragua et de l'Amérique centrale; préserver, enrichir et diffuser le patrimoine culturel en appliquant les technologies de l'information et de la communication (TIC). Pour cela, il promeut la recherche et l'échange académique; il développe de nouvelles méthodes d'enseignement de l'histoire; il organise des cours, conférences et expositions; il publie des textes et des revues spécialisées et gère des fonds documentaires.
L'IHNCA possède une bibliothèque et un centre d'archives importants. Les collections furent initiées à partir de 1934 par les Jésuites. Il s'agissait de rassembler la documentation existante sur l'histoire du Nicaragua et de l'Amérique centrale. Cette tâche fut spécialement difficile dans un pays régulièrement dévasté par des révolutions, des guerres, des tremblements de terre, des inondations et autres catastrophes. Actuellement, l'Institut détient des livres, documents manuscrits, périodiques, cartes, photographies, vidéos, microfilms, cassettes sonores... Il possède même une importante collection de céramique précolombienne, de masques et de peintures. Le catalogue d'une partie de ces fonds est automatisé et consultable en ligne.
Tu pars au Nicaragua?
Novembre 2004, je rentre chez moi d'une journée de cours à la Haute École de gestion de Genève , où j'étudie en filière information documentaire. Dans le train, une de mes camarades me demande : «Alors Céline, tu vas faire ton stage au Nicaragua?». Je ne comprends pas sa question… je n'ai pas encore vu l'e-mail qui nous annonce qu'une bibliothécaire suisse qui part pour deux ans au Nicaragua est d'accord d'accueillir un/e stagiaire, mais mes amis savaient déjà que je serais intéressée. Aimant les voyages et ayant déjà l'idée dans un coin de ma tête de participer un jour à un projet de coopération, je me dis que c'est une occasion unique qui se présente à moi. Mon stage ne me permettrait pas seulement de mettre en pratique les connaissances acquises durant les deux premières années de mes études, mais aussi de me confronter à une réalité professionnelle différente de celle que je pourrais trouver en Suisse et de découvrir une nouvelle région du monde.
Septembre 2005, l'atterrissage est plutôt difficile. Quatre jours après la fin des examens, je me trouve loin de chez moi, dans un pays que je ne connais pas. Toutefois, je trouve tout de suite un environnement familier dans la bibliothèque et l'accueil est chaleureux. Après une semaine d'introduction où j'ai l'occasion de visiter tous les services, il est temps de commencer les tâches qui m'ont été confiées.
Recherches sur Internet
Une partie de mon activité a consisté à faire des recherches sur Internet pour élaborer un guide de ressources utiles aux utilisateurs mais aussi aux bibliothécaires qui sont peu habitués à utiliser Internet. Mes recherches se sont effectuées sur deux axes: des ressources utiles pour le personnel des services au public et d'autres ayant pour thème la bibliothéconomie. Je me suis vite rendu compte des difficultés qu'un tel travail peut comporter dans un pays comme le Nicaragua. La mauvaise connexion à Internet et certains ordinateurs obsolètes ont rendu le travail plus compliqué que prévu.
J'ai aussi été confrontée à un problème de langue. En effet, la plupart des bibliothécaires de l'Institut ne maîtrisent pas l'anglais. Il y a donc des ressources auxquelles ils ont plus difficilement accès. Cela a particulièrement été le cas dans le domaine de la bibliothéconomie. Il existe un certain nombre de portails consacrés à ce thème en espagnol, mais parfois même sur des sites hispanophones, tous les liens renvoient à des ressources en anglais. Je trouve aussi dommage que, par exemple, le portail de l'UNESCO pour les bibliothèques ne propose pas une version en espagnol.
A ces difficultés s'ajoute un sentiment de frustration, celui de ne pas pouvoir proposer un autre type de ressources qui pourraient être très utiles. En effet, durant la deuxième année de cours, nous avons appris à utiliser les bases de données commerciales. Il est évident qu'ici, il est impossible de pouvoir se les offrir. C'était donc à chaque fois une déception quand je tombais sur le site d'une banque de données ou d'un périodique électronique intéressant mais coûteux. Heureusement, les ressources non payantes se développent, comme les archives ouvertes ou les périodiques électroniques gratuits. Il y a aussi des bases de données bibliographiques gratuites mais dans ce cas la difficulté est de fournir le document lui-même. Il existe par exemple un projet d'archives ouvertes pour l'Amérique latine mais, malheureusement, il n'en est qu'à l'état de test pour le moment. Il faut donc apprendre à prendre son temps et oublier nos standards européens. Lors de mon travail, je me suis aussi demandé à quel point les ressources trouvées peuvent être utilisées. Parfois la connexion à Internet est tellement lente que l'on peut rapidement se décourager.
La collection Dariana
L'autre moitié de mon travail a consisté à corriger le catalogage de la collection «Dariana», selon les normes AACR2. La bibliothèque possède en effet une bonne partie des œuvres de et sur Rubén Darío, grand poète nicaraguayen. Je devais donc, à partir de l'inventaire de la collection, vérifier le catalogage de chaque ouvrage, lui attribuer des descripteurs pris dans une liste restreinte et lui allouer une cote basée sur la classification Dewey. Je devais aussi compléter certains champs non remplis ou encore assigner un numéro de registre, unique pour chaque exemplaire. Il fallait aussi vérifier que la même édition ne fasse pas l'objet de deux notices catalographiques, ce qui était parfois le cas quand l'ouvrage se trouvait dans plusieurs fonds. Il s'est avéré que certains livres n'avaient pas leur place dans la collection, comme par exemple les textes écrits par les fils et petit-fils de Darío. Dans ce cas, ils ont été sortis de la collection et intégrés dans un autre fonds. Dewey, AACR2 sont autant de points de repère , même loin de chez soi. L'utilisation de normes et de standards ne permet pas seulement un meilleur échange de données, mais aussi de se retrouver en milieu familier, même dans un environnement très différent et de pouvoir pratiquer ce que j'ai appris en Suisse au Nicaragua. Par contre, j'ai eu quelques problèmes avec CDS/ISIS, le logiciel utilisé pour le catalogue. L'interface est peu conviviale et il m'a fallu du temps pour maîtriser certaines fonctions.
Petit bilan
Lors de ce stage, j'ai pu mettre en pratique mes connaissances en matière de recherche sur Internet et faire profiter la bibliothèque de ma plus grande habitude de l'utilisation de cet outil. Évidement, le travail que j'ai effectué n'est qu'un point de départ. Les documents que j'ai rédigés sont amenés à évoluer, au fur et à mesure que de nouvelles sources apparaissent ou que d'autre disparaissent.
Sur un plan personnel, cela m'a permis de faire des découvertes, tant sur le domaine Amérique latine que dans le domaine de la bibliothéconomie, autant de ressources qui pourront m'être utiles dans le futur. Toutefois, ce travail m'a demandé beaucoup de patience, qui n'est normalement pas une de mes qualités, et de flexibilité. J'ai aussi eu la satisfaction d'avoir assez de temps pour terminer les tâches qui m'avaient été confiées, aussi bien pour le guide de ressources que pour la collection Dariana , qui est maintenant entièrement recataloguée.
En prenant la décision de partir au Nicaragua, mon but n'était pas seulement centré sur la pratique professionnelle ; je souhaitais évidemment aussi découvrir une autre partie du monde et pratiquer une langue étrangère. J'ai pu faire un peu mieux connaissance avec la réalité nicaraguayenne en voyageant dans le pays, en lisant la presse quotidienne et en assistant à des conférences sur des thèmes d'actualité. Il n'est pas impossible que dans quelques années, je parte pour un projet de coopération quelque part dans le monde, mais je ressens aussi le besoin d'acquérir de l'expérience en Suisse, pour pouvoir ensuite en faire bénéficier d'autres personnes. Une chose est sûre, cette aventure m'a renforcée dans le choix de ma formation. En effet, dans un contexte où l'accès aux ressources documentaires est rendu plus difficile pour plusieurs raisons (financière, linguistique, technique...), je me rends mieux compte de l'importance du rôle que les professionnels doivent jouer pour faciliter l'accès à l'information.
Je garderai un bon souvenir de mes collègues et de l'ambiance de cette bibliothèque, même si pour moi, trois mois ont été trop courts pour m'intégrer complètement dans ce pays si différent. Toutefois, je resterai attentive aux événements et à l'évolution de ce coin du monde.
Hélène Madinier, Haute Ecole de Gestion, Genève
Ariane Rezzonico, Haute Ecole de Gestion, Genève
Congres Online information 2005 : La montée en puissance des réseaux sociaux
Le congrès Online Information 2005, qui s'est tenu du 29 novembre au 1 er décembre, pour sa trentième édition, a rassemblé quelque 775 délégués d'une quarantaine de pays, et plus de 9700 visiteurs autour de 250 exposants.
Comme les années précédentes, plus de 30 conférences et une centaine de séminaires en libre accès (free seminars) en marge de l'exposition ont été organisés.
Donc une assez bonne tenue par rapport à Online 2004 ; même si les éditeurs scientifiques, au niveau de l'exposition sont surreprésentés.
Plusieurs grandes tendances se dégagent:
On décrira ici l'évolution des outils de recherche, les wikis et les blogs, et des exemples particulièrement intéressants de gestion de l'information et d'innovation dans des bibliothèques, illustrant la nécessaire évolution des rôles des professionnels de l'information.
Mais tout d'abord, il nous paraît important de rendre compte de la conférence d'ouverture, donnée par David Weinberger, professeur-chercheur associé au centre Berkman d'études sur Internet et la société, centre rattaché à la faculté de droit de Harvard. (1)
Sa conférence, intitulée « the shape of knowledge- everything is miscellaneous » a esquissé quelques grandes tendances, non sans provocation.
On en citera deux:
S'il est indéniable que les utilisateurs recherchent eux-mêmes l'information, que les experts connaissent les sources fiables, et qu'il faut revoir le rôle de l'intermédiaire en conséquence, n'a-ton pas intérêt ici à aller à contre-courant de cette tendance et à démontrer l'importance de la validation de l'information ? Il y a eu ici des objections de l'assistance, remarquant que l'on ne peut se satisfaire d'informations non validées dans les domaines scientifiques, juridiques etc…, domaines dans lesquels la validation de l'information est parfois vitale…
Cette tendance a parfois été confirmée par plusieurs intervenants qui citaient des utilisateurs pensant que « si l'information n'est pas sur Google, c'est qu'elle n'existe pas ».
Cette dernière tendance s'est trouvée dans les faits confirmée par plusieurs conférences :
Que ce soit des réalisations basées sur des blogs et des wikis, des systèmes de gestion de contenu (CMS) et de gestion des connaissances (KM), toutes ces initiatives ont en commun une forte composante communautaire, sociale, et on verra la place que peuvent y trouver des professionnels de l'information.
Outil de recherche, wikis et blogs
Outils de recherche
Les grands moteurs de recherche, à savoir « The Big4 » (comprenant Yahoo, MSN, Google et Ask), évoluent vers des applications offrant de plus en plus de services personnalisés. Si jusqu'à présent, la taille des index était un critère discriminant dans le choix d'un moteur, on remarque qu'actuellement la concurrence se joue sur la recherche verticale (segmentée par domaine ou par champ), la catégorisation des résultats ou encore l'intégration de contenus. Google multiplie les applications comme Google Base, Google Books, Google Blog Search, etc. Yahoo a développé une version beta d'un outil Yahoo Mindset (2) qui offre la possibilité d'orienter les résultats selon leur nature commerciale ou non. Cette fonctionnalité (que l'on utilise en positionnant un curseur) permet de choisir ce que l'on souhaite privilégier comme type d'information et les résultats seront issus de sources plus académiques ou institutionnelles. Yahoo propose depuis quelques temps la recherche de podcast dans une version beta (3). Cette nouvelle application permet de récupérer des fichiers audio ou vidéo et de les télécharger sur son baladeur numérique ou de les consulter directement sur son ordinateur.
Ask (4) offre de nouvelles possibilités permettant d'étendre ou de restreindre les résultats d'une recherche. Quant à la recherche sur ses propres fichiers (desktop search), tous les grands outils affinent leurs fonctionnalités mais la protection des données n'est pas garantie, particulièrement dans le cas de Google qui garde une copie des fichiers même si ceux-ci ont été effacés sur son ordinateur.
Les wikis
L'apport des wikis dans le monde professionnel est de plus en plus important. Un wiki permet à un groupe un travail collaboratif. Si les wikis se sont révélés très utiles pour publier des guides de voyages, des dictionnaires ou des encyclopédies, leur usage est de plus en plus répandu que ce soit sur un intranet ou sur internet. En gestion de projet, le wiki permet de publier des documents, de les mettre à jour, de les corriger et de conserver toutes les versions antérieures. On peut également utiliser un wiki pour planifier un travail. Le wiki ne nécessite pas d'application coûteuse et complexe et remplace parfois des échanges de courriers électroniques au sein des entreprises. Son utilisation ne requiert pas de compétences particulières de la part des collaborateurs. Toutefois, l'implantation et la mise en œuvre demandent des aptitudes en informatique pour choisir un outil de création et maintenir le fonctionnement du wiki. Si l'on ne veut pas créer son propre serveur on peut utiliser des serveurs externes qui offrent gratuitement ou non les logiciels ainsi que l'hébergement de l'application. Le contenu non structuré du wiki se distingue des pages structurées de l'intranet et il est important de définir clairement les usages propres à chacun.
Quant à Wikipedia, le wiki le plus connu, son créateur Jimmy Wales a présenté son fonctionnement et la manière dont sont assurées la gouvernance et la vérification du contenu des articles. Selon Jimmy Wales, la gouvernance de Wikipedia est « un mélange de consensus, de démocratie, d'aristocratie et de monarchie ». Beaucoup de rédacteurs sont étudiants et un nouveau sujet est vérifié à travers le « Google Test ». Ce test effectué sur Google permet de vérifier l'existence d'un thème. S'il n'y a pas de réponse, les experts considèrent que le sujet ne doit pas figurer dans l'encyclopédie .
Les blogs et la blogosphère
Cette année, une session entière leur était consacrée et des expériences originales ont été présentées tant dans l'enseignement supérieur, dans les entreprises ou dans les medias. La simplicité pour le mettre en œuvre, la création de communautés, la visibilité et le partage d'information sont les points forts des blogs. L'accroissement du nombre de blogs va se poursuivre et Technorati (5) (outil de recherche et de création) offre l'accès à plus de 25 millions de blogs.
Le quotidien anglais « The Guardian » propose une quarantaine de blogs à ses lecteurs. Il est certain que l'usage des blogs leur a permis de mieux présenter des informations par l'ajout de photos, de vidéos, de podcast, etc. Les lecteurs sont invités à participer à ces blogs en insérant leurs commentaires ou en partageant des analyses d'événements avec les journalistes. Tous les domaines couverts par le Guardian sont représentés : les sports, les jeux, les actualités, la culture, la politique, etc. Les quarante blogs du Guardian ont déjà généré plus de 85000 commentaires. Les lecteurs ont également la possibilité de réagir entre eux à des informations trouvées sur les blogs. On retrouve dans ces usages la notion de réseau social qui est le point fort de ces nouvelles applications. L'introduction des blogs a aidé le Guardian à mieux restituer des informations et à créer un véritable contenu multimédia.
Une autre illustration de l'usage des blogs a été présentée par l'entreprise IBM. IBM a choisi d'utiliser le blog comme moyen de communication avec ses collaborateurs et ses clients. Tout collaborateur peut animer son blog pour autant qu'il ne divulgue pas d'informations confidentielles ou nuisant à l'entreprise. IBM a mis en place des procédures destinées à accompagner la création des blogs. Ceux-ci peuvent être professionnels ou non. Certains blogs d'IBM ont une orientation marketing permettant aux consommateurs de s'informer sur les produits et de les commenter. D'autres blogs sont internes à l'entreprise et permettent l'échange d'information entre experts. Ils sont utilisés comme outil de Knowledge Management. Des développeurs partagent leurs recherches et la collaboration entre équipes s'en trouve renforcée. IBM recense environ 12000 blogueurs dans plus de 70 pays. Que ce soit en gestion de projet, en veille ou en KM, la simplicité de gestion du blog liée à la possibilité d'archiver les informations publiées, voire d'en syndiquer une partie offre aux collaborateurs des entreprises une source d'information inépuisable.
La gestion de l'information dans les organisations
Plusieurs expériences de gestion d'information dans les organisations ont été relatées.
Les noms de ces réalisations sont bien sûr tous différents mais il est frappant de constater que la démarche ainsi que les facteurs de succès et d'échec et les enseignements à en tirer sont souvent très proches. Ici encore, on constate l'importance des réseaux sociaux.
Certaines réalisations sont basées sur des portails. Dans tous les cas, il s'agit de mieux gérer les informations internes ou externes.
Il y a autant de spécialistes de portails que de définitions précises (6), mais on peut cependant considérer qu'un portail est un cadre supportant des sites Intranet, Internet, et Extranet; il intègre des applications et des processus à l'intérieur et au-delà des frontières de l'organisation.
On rendra compte des quatre exemples suivants (7) :
1. L'équipe de projet de l'Université de Reading devait convaincre la direction de choisir un CMS, d'élaborer l'appel d'offres et de procéder à sa mise en œuvre, sachant que coexistaient des centaines de contributeurs en interne avec des compétences techniques variables, un grand nombre de sites Web: plus de 64 000 pages de contenu et plus de 80 serveurs Web, le tout sans coordination centrale, ni stratégie de contenu.
La mise en œuvre du nouvel outil s'est accompagnée de la rédaction de guides de réutilisation du contenu et de guides de style de contenu à l'intention des différents contributeurs.
Une grande part de succès réside dans la «politique»: la nécessité de communiquer, de recueillir l'adhésion, de convaincre les sceptiques. Pour cela, il faut créer des comités avec des experts internes, recruter des consultants, faire des liens avec la stratégie d'entreprise, et faire un audit des contenus.
Il est aussi utile de choisir un site-pilote (ici le site de recrutement pour étudiants postgrades), permettant de tester la technologie, le personnel et les processus.
Dans l'appel d'offres, il est essentiel de ne pas trop détailler, de donner des scénarios d'utilisation du système, et d'indiquer clairement les exigences essentielles.
Pour le choix, il faut définir des critères pondérés de technologies, d'usage, et de processus, et demander des démonstrations des scénarios.
Même si cette présentation était davantage axée sur la façon de choisir, elle insistait néanmoins sur:
2. la mise en œuvre d'un portail à l'université d'Utrecht, aux Pays-Bas devait permettre d'avoir accès à l'Intranet, à toutes les ressources électroniques de l'université, à la messagerie et aux applications de gestion, au travers un seul cadre et une seule authentification (single sign-on). Ce dernier aspect n'est pas encore mis en œuvre, de même que l'intégration d'applications trop différentes. Il faut noter qu'il a fallu convaincre tous les départements de son utilité.
Enseignements tirés par l'équipe de projet :
3. La chaîne câblée danoise TDC a fait une première expérience de portail malheureuse, dont elle a tiré les enseignements.
Elle avait choisi un CMS pas encore mûr technologiquement, le projet était mené par le service informatique, qui communiquait peu.
La solution n'a pas correspondu aux attentes. Le projet a donc été re-ciblé, en l'ancrant beaucoup plus sur les besoins des utilisateurs, en communiquant mieux et en élargissant l'équipe éditoriale.
Leur mot d'ordre: « Penser grand mais commencer petit »
4. Enfin, Swiss Re, une grande compagnie de réassurance basée à Zurich compte environ 9000 employés répartis sur une trentaine de localisations dans le monde, et a mis en place un projet de KM visant à gérer la surcharge informationnelle.
L'équipe de projet a recueilli les besoins et les a agrégés sous différents axes: par sujet, par fonction, organisationnel et géographique, puis a créé deux plateformes :
Parmi les facteurs de succès :
On peut identifier des points récurrents au travers ces 4 exemples :
L'évolution du rôle des professionnels de l'information: «Des collections aux connexions»
Plusieurs communications et ateliers portaient (comme souvent à Online) sur la nécessaire évolution du rôle du professionnel de l'information, mais un récit d'expérience est apparu comme exemplaire: la transformation du rôle des bibliothèques des Nations Unies à New York (8).
Exemplaire dans le processus de changement, et exemplaire du rôle d'animation souligné plus haut.
Linda Stoddart, responsable de la bibliothèque centrale des Nations Unies (Dag Hammarskjöld Library) et du groupe de travail «knowledge sharing» a tout d'abord expliqué que la bibliothèque était en quelque sorte acculée au changement : les départs n'étaient plus remplacés, les budgets coupés, et ses services de moins en moins utilisés.
Bref, c'était changer ou disparaître.
En 2004, une nouvelle structure a été mise en place avec un groupe de travail de knowledge sharing, lançant une série d'initiatives qui ont transformé peu à peu les bibliothèques, qui d'une approche orientée processus ont développé une approche orientée conseil et coaching.
Ses objectifs :
Son mot d'ordre: «From collections to connections».
Il s'agit donc de passer d'un modèle de constitution de collections à un modèle de service, de connexion: connexions entre les documents et les utilisateurs, entre les documents et les fonctions, et entre les utilisateurs eux-mêmes.
Ce changement a pu s'opérer en élaborant une stratégie, en la communiquant aussi bien en direction du personnel que de la hiérarchie, en utilisant un petit groupe d'agents du changement et en formant intensivement les collaborateurs des bibliothèques. Il s'est concrétisé dans de nouvelles activités :
Cela n'a certes pas été sans mal dans une institution aussi bureaucratique que l'ONU: la culture centralisée, hiérarchique, la lourdeur des procédures et la résistance au changement ont constitué de réels obstacles. En ce sens, la communication de messages positifs, la promotion de la nouvelle image, des nouvelles activités, et la mise en valeur des succès ont contribué à vaincre ces résistances.
Mais depuis deux ans, les bibliothèques de l'ONU ont beaucoup gagné en visibilité et elles ont désormais une meilleure image dans l'organisation.
Les professionnels de l'information assument ici des rôles de consultants, d'interprètes, d'animateurs de réseaux, rôles qui favorisent le partage des connaissances et l'apprentissage organisationnel.
NOTES
(1) http://cyber.law.harvard.edu/home/david_weinberger
(2) http://mindset.research.yahoo.com/
(3) http://podcasts.yahoo.com/
(4) http://www.ask.com
(5) >http://www.technorati.com/
(6) Cf présentation de Janus Boye du 1.12.2005: Portals: from idea to reality - the dangers of the current state of portals in the marketplace, cf programme 2005 http://www.online-information.co.uk/ol05/conferenceprogramme.html
(7) http://www.online-information.co.uk/ol05/conferenceprogramme.html
(8) « Innovation and change: transforming United Nations libraries »,, cf programme 2005 http://www.online-information.co.uk/ol05/conferenceprogramme.html
Tedd, Lucy A., Large, Andrew. Digital Libraries : principles and practice in a global environment. Münich : Saur, 2005. ISBN3-598-11627-6
Publié par deux professeurs en sciences de l'information, Lucy A. Tedd (du Département des Sciences de l'Information de l'Université britannique d' Aberystwyth, et Andrew Large (Graduate school of Library and Information Studies de l'Université canadienne McGill), ce deuxième ouvrage rédigé en tandem propose une introduction générale aux bibliothèques numériques (1).
Malgré l'existence d'une littérature déjà abondante sur la question, l'ouvrage est à bien des égards bienvenu en raison de son approche à la fois théorique et pratique. En effet, il traite à la fois de l'aspect historique des différentes technologies de l'information (de l'invention de l'écriture au e-book), des usagers et des services (compétence en recherche de l'information, services de référence numériques), des sources d'informations numériques (documents en texte intégral, publications en open access), des standards et de l'interopérabilité (métadonnées, protocoles d'interrogation), de l'organisation de l'accès aux sources d'information numériques (logiciels de gestion des documents numériques, logiciels libres), de l'esthétique des interfaces (pour attirer et garder les usagers tout en tenant compte de leur multiculturalité), de la recherche d'information numérique (recherche en texte intégral, portails), des aspects pratiques de l'implantation d'un projet de bibliothèque numérique (gestion du projet, droits d'auteur, consortiums), ainsi que de plusieurs études de cas présentant des bibliothèques numériques de différents endroits du monde.
On notera que la bibliothèque numérique de l'Open University britannique (institution dont le public est constitué d'étudiants sans qualifications mais qui sont autorisés à suivre des études supérieures) fait l'objet d'intéressants développements dans le dernier chapitre du livre. Les auteurs explicitent les raisons qui ont amené l'Open Library à implanter un service de bibliothèque numérique, doté de plusieurs milliers de périodiques électroniques, de sources de référence rapides en ligne de thèses en ligne, etc. Ils signalent aussi que l'Open Library propose à ses usagers certains services personnalisé tels que des chats en direct avec un bibliothécaire pour obtenir de l'aide à la recherche, des cours en ligne sur les sources d'information numériques, etc.
L'enjeu de la formation à la recherche de l'information fait l'objet d'un développement dans le chapitre intitulé ( Users and Services) , dans lequel les deux auteurs développent le concept d'" information literacy" . Celui-ci a trait, entre autres, aux aptitudes d'identifier un besoin d'information, de construire une stratégie de recherche, de comparer et d'évaluer les sources d'information, etc. Dans la partie intitulée " Libraries and Information Media in Historical context ", les auteurs insistent sur le fait que la révolution numérique actuelle change la manière dont l'information est utilisée aujourd'hui dans le monde. De leur point de vue, l'émergence de l'information numérique ne constitue rien d'autre que la dernière nouveauté d'une longue liste de développements technologiques remontant, pour les plus anciens, à l'Antiquité. Cette (ré)volution constitue une chance pour la promotion du savoir, à condition que l'éducation à la recherche de l'information soit assurée. Dans cette optique, Lucy Tedd et Andrew Large insistent sur l'importance de la formation des étudiants et exposent les modules de formation à distance développés au Royaume-Uni.
L'ouvrage n'omet pas de passer en revue les multiples acteurs qui proposent des ressources électroniques en texte intégral (les sociétés telles que EBSCO, ACM, Ingenta, le mouvement de l'open access). Il offre également un aperçu des différents projets internationaux en cours, ainsi qu'une typologie des métiers émergeants: architecte de l'information , médiateur de savoir , bibliothécaire hybride …
Bien structuré, truffé de définitions et conçu de manière pédagogique, cet ouvrage présente aussi le mérite d'avoir été écrit dans un anglais facile à lire. Il faut savoir gré aux auteurs d'offrir des exemples relevant d'un très large palette (y compris dans les pays non-occidentaux). La rapidité avec laquelle certains sujets sont abordés (notamment les périodiques électroniques) est compensée par une riche bibliographie annexée à la fin de chaque chapitre. Un index thématique complète l'ouvrage pour en faire un point de départ idéal pour les professionnels de l'information ou l'étudiant en sciences de l'information. Une iconographie foisonnante, malheureusement présentée en noir et blanc et dans un format peu confortable pour les yeux, complète les nombreuses références pratiques (adresses de sites web, URL de documents, etc.) insérées directement dans le corps du texte.
NOTES
(1) Ouvrage précédent : Information seeking in the online age: principles and practice / Andrew Large, Lucy A. Tedd and R.J. Hartley. – London : Bowker Saur,1999. – 308p. – ISBN 1-85739-260-4
Am Deutschen Bibliothekartag 2005 bedauerte die Herausgeberin des vorliegenden Bandes, Petra Hauke, sehr wortreich die mangelnde Anerkennung der „Bibliothekswissenschaft“ namentlich in Deutschland. Kann es aber so schlimm um diese „Wissenschaft“ stehen, wenn P. Hauke gleich einen Band mit über 30 Beiträgen auf fast 500 Seiten zustande bringt? Wohl kaum – dafür dauert der Notstand weiter an, wie man denn das Kind zu nennen habe: Guy St. Clair bereichert die lange Liste durch einen weiteren Versuch: „Today we speak of librarianship, information management, knowledge management, and their overarching connection with learning, and we gather this entire realm of knowledge seeking into the discipline of knowledge services . This new discipline – the convergence of librarianship, information managment, knowledge managment and learning - builds on the basic foundation of library science – as a science for the organization of knowledge – to lead the user to success in his or her quest.” (S. 5)
Das Werk entstammt einem Seminar Projekt unter dem Titel „Von der Idee zum Buch – Durchführung eines Publikationsprojektes“, an dem 18 Studierende beteiligt waren. Da es sich nicht um einen Kongressband handelt, sind die Beiträge inhaltlich sehr breit gestreut, auch wenn versucht wird, die Aufsätze durch übergeordnete Kategorie n thematisch zu gruppieren z.B.: Bibliothekswissenschaft im Zeitalter digitaler Medien, Bibliothekswissenschaft im Dienst der Gesellschaft, im Dienst wissenschaftlicher Information und Kommunikation, im Dienst der Bibliothekspraxis oder Bibliothekswissenschaft in Lehre, Studium und Beruf.
Aus der Fülle vermag man im Rahmen einer knappen Rezension nur weniges herauszugreifen: Lesenswert ist z.B. der konzise Überblick zur Geschichte der Bibliothekswissenschaft von Michael Buckland (19-32). Walther Umstätter ergänzt mit einem Rückblick auf 75 Jahre Ausbildung an der Humboldt-Universität in Berlin (81-94).
Bemerkenswert nüchtern und pragmatisch sind die Beiträge von Claudia Lux und Ulrich Naumann über den Praxisbezug der Bibliothekswissenschaft (287-294 bzw. 365-380).
Aus schweizerischer Sicht besonders anzuzeigen ist der Beitrag von Marc Rittberger über den gegenwärtigen Stand des Projekts CERTIDOC zur Zertifizierung der im Berufsleben erworbenen Kompetenzen und der Beitrag von Josef Herget und Norbert Lang über die Arbeitsmarktchancen in der Schweiz.
Nicht alles ist neu: Die Beiträge im Kapitel „Bibliothekswissenschaft im Zeitalter digitaler Medien“, etwa über Informationskompetenz und elektronisches Publizieren, sind an Fachtagungen zu eben diesen Themen schon differenzierter behandelt worden. Damit ist auch die Problematik einer solch weit gefassten Thematik angeschnitten: Sie birgt die Gefahr eines gewissen Beliebigkeit der Aufsätze. Die Grundidee jedoch, Studierende durch die Betreuung einer solchen Publikation in den Wissenschaftsbetrieb einzuführen, ist nur zu begrüssen!