L’offre de périodiques en bibliothèque universitaire : les avantages d’une démarche collective

Anne-Christine Robert

Tamara Morcillo

Michel Maillefer

L’offre de périodiques en bibliothèque universitaire : les avantages d’une démarche collective

Historique

En 2000, les bibliothécaires de la Faculté de Médecine et de la Faculté des Sciences de l’Université de Genève avaient décidé de lancer un appel d’offre commun auprès d’agences d’abonnements pour leurs souscriptions aux publications en série de l’année 2001. Ainsi réunis, le nombre de titres et la masse budgétaire étaient assez importants pour espérer obtenir des conditions de prix avantageuses ; par ailleurs un fournisseur unique permettait d’alléger les activités de gestion de la collection de publications en série. Le projet s’inscrivait également dans la ligne des recommandations faites dans un rapport d’audit concernant les bibliothèques réalisé en 1999 et était largement soutenu par les personnes impliquées, tant au niveau académique, des instances décisionnelles que des bibliothécaires concernés. Le projet avait alors abouti à la sélection d’un prestataire unique pour les bibliothèques de la Faculté des Sciences, celles de Médecine n’ayant pas pu, pour des raisons internes et indépendantes de leur volonté, s’associer au contrat établi. Le contrat, d’une durée de 3 ans, a été reconduit pour être en vigueur jusqu’en 2006. Il est à relever que les bibliothèques de l’Université sont rattachées aux facultés, disposent chacune de directions séparées et évoluent dans des contextes administratifs et financiers différents.

Objectifs de la démarche

En 2006, la démarche a été renouvelée sur la base des mêmes motivations qu’en 2000 par les bibliothèques des Facultés de Médecine, des Sciences et de Psychologie et des sciences de l’éducation.

  1. L’un des objectifs principaux était tout d’abord d’obtenir des conditions financières avantageuses, afin de limiter l’impact de l’augmentation systématique des prix des périodiques. En effet, cette problématique touche directement l’adéquation de la collection des bibliothèques avec les besoins documentaires de leurs utilisateurs. Le nombre de titres de périodiques présents dans les bibliothèques est en diminution constante depuis de nombreuses années et dans certains cas, la suppression d’abonnements existants touche directement à la collection minimale nécessaire à l’enseignement et la recherche. Les résiliations ont alors un impact direct sur les informations nécessaires à nos utilisateurs.
  2. En raison des bouleversements technologiques actuels qui obligent les prestataires à se positionner dans ce marché concurrentiel et à offrir de nouveaux outils de gestion performants, il était devenu souhaitable d’avoir un aperçu des possibilités techniques en regard de nos besoins.
  3. Par ailleurs, il était également indispensable de rationaliser la gestion des abonnements, ainsi que d’avoir une vue d’ensemble des titres et des budgets relatifs. Ces informations permettent en effet de dégager des indicateurs de pertinence du fonds, ainsi que d’adapter la collection aux besoins évolutifs des utilisateurs. Bien que certains soient payants, les outils mis à disposition par les agents présentent un intérêt évident pour faciliter la gestion de nos collections.
  4. Le dernier objectif qui nous tenait tout particulièrement à cœur, était de favoriser et consolider les synergies et la collaboration entre plusieurs facultés. En effet, à l’époque des politiques d’édition numérique, les interactions entre les différents acteurs sont stimulées et peuvent avoir des retours positifs importants. La collaboration entre la Faculté de Médecine, la Faculté des Sciences et la Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education nous a permis d’élargir notre portefeuille, en terme de volume de la collection à traiter, du budget en jeu et de force de travail pour la comparaison des offres que nous devions ensuite recevoir.

Forts de l’expérience effectuée en 2000 et sur la base des objectifs liés à la situation en 2006, nous avons pu nous lancer dans l’exercice de l’appel d’offre pour les publications en série de la Faculté de Médecine, de la Faculté des Sciences et de la Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education.

La situation avant l’appel

Les trois bibliothèques des facultés participantes se trouvent dans des situations très hétérogènes, notamment au niveau organisationnel interne : d’une bibliothèque centralisée à plusieurs bibliothèques délocalisées, appartenant à des structures différentes ; d’un fournisseur commun à plusieurs fournisseurs parfois pour la même bibliothèque.Par ailleurs, et ce problème n’était pas des moindres, les bibliothèques ne partagent pas d’outil de gestion des périodiques commun, travaillant chacune sur des logiciels différents, renseignant de manière individuelle leurs propres bases de données.

Notre forte et joyeuse volonté de collaborer ensemble nous a permis tout au long du projet de surmonter les difficultés liées à la gestion de l’appel d’offre, à notre situation organisationnelle hétérogène, à la dispersion des informations et ce, dans des formats différents.

Par ailleurs, nous avons pu bénéficier – tant sur le plan de la méthodologie que sur celui des documents produits à cette occasion – de l’excellent travail réalisé par nos collègues en 2000 et nous nous en sommes largement inspirés. Nous avons également bénéficié d’un rapport intermédiaire et d’un rapport final qui ont attiré notre attention sur différentes problématiques rencontrées lors du premier appel d’offre. Le partage de cette expérience nous a été précieux tout au long de la démarche.

Déroulement du projet

Sur la base du projet réalisé en 2000, nous avons déterminé les principales étapes et fixé le calendrier. L’une des conditions critiques temporelles était le renouvellement des abonnements en cours pour 2007 sans interruption d’accès à l’information pour nos utilisateurs.

Les principales étapes étaient les suivantes :

1. Définition du cadre du projet, des objectifs et du calendrier général

Un projet se définit par un certain nombre de caractéristiques, permettant d’assurer sa réalisation, dans les délais et budgets impartis, tout en respectant l’objectif de départ. Ces éléments standard ont été fixés dans un premier temps entre les partenaires du projet.

2. Réalisation du dossier et des documents annexes

La réalisation du dossier nous a été grandement facilitée par l’exemple que nous avions à disposition, issu de l’appel d’offre réalisé en 2000. En effet, dans la mesure du possible, nous nous sommes basés sur les documents existants en les adaptant aux évolutions du marché et des besoins des bibliothèques. Les ajustements se sont faits essentiellement sur les thèmes des interfaces, des outils de gestion, de la gestion des périodiques au format électronique. Il a fallu dans un premier temps réaliser un fichier commun contenant l’ensemble des titres souhaités par toutes les entités participantes. La fusion des données a posé un certain nombre de problèmes, de format, de formatage et de partage des données. Suite à la fusion des données, nous sommes arrivés aux chiffres suivants pour l’année 2006 : 1684 titres pour un montant total de 2'230'697 CHF. Forts de ces informations, nous avons réalisé que nous figurions certainement parmi les clients de taille moyenne, voire importante, pour les fournisseurs.

3. Contact des fournisseurs potentiels

Nous avons sélectionné les prestataires potentiels aux niveaux suisse, européen et international. Ce marché est largement ouvert et nous nous devions d’élargir au maximum la portée de l’appel d’offre. Nous avons donc transmis notre dossier aux fournisseurs suivants : Karger Libri, Huber & Lang, Ebsco, Médecine & Hygiène, Harrassowitz et Swets.

4. Réception, traitement et analyse des offres reçues

Tous nous ont répondu dans le délai imparti. L’un d’entre eux a renoncé à nous faire parvenir une offre, ne pouvant répondre aux exigences du cahier des charges. Les raisons évoquées étaient de l’ordre des prestations techniques, ainsi que des exigences contractuelles étendues sur 3 ans. Les autres prestataires nous ont fourni des dossiers de tailles très différentes et répondant de manière plus ou moins exacte au cahier des charges.

5. Négociations et choix du prestataire

Suite à l’analyse des offres, la sélection des prestataires répondant le plus précisément à notre cahier des charges a été faite. Les négociations nous ont permis de clarifier certains points concernant la gestion, ainsi que la procédure en cas de transfert de portefeuille. Les entretiens se sont déroulés avec les représentants des prestataires qui ont fait le déplacement sur Genève.

Détails sur le traitement des offres reçues

La qualité et la présentation des offres reçues en retour étaient très variables, ce qui nous a posé quelques problèmes lors de la comparaison des différents fournisseurs. En effet, nous avions demandé des informations standardisées afin de pouvoir comparer non seulement les prix, mais également les services offerts par chacun des prestataires contactés. L’hétérogénéité des réponses, notamment au niveau des offres financières nous a obligé à manipuler les informations reçues afin de pouvoir les comparer sur une base homogène.

Cette analyse nous a permis de sélectionner les prestataires dont l’offre s’approchait le plus de nos besoins exprimés dans le dossier de soumission. Nous avons pu ensuite pondérer l’analyse comparative en fonction des éléments déterminants et prendre contact avec les prestataires sélectionnés afin d’éclaircir quelques points et éventuellement négocier certains détails du contrat, notamment en terme de prix, de marge, de commission ou de services.

Le traitement des offres reçues a été la partie la plus importante en terme d’investissement en temps et en énergie de la part des personnes impliquées dans le projet. En effet, nous avions réalisé une grille de comparaison très détaillée afin de confronter les offres sur l’ensemble des points exposés dans le cahier des charges. Le but principal de cette démarche était de sélectionner le prestataire idéal selon les objectifs en terme de fourniture de périodiques pour les facultés investies dans le projet.

Les négociations

Deux prestataires ont été déterminés et conviés à la phase finale de sélection. Après le traitement des questions concernant les renouvellements, les fonctionnalités des interfaces à disposition, les négociations ont porté sur les intérêts financiers en jeu.

Les séances de négociation ont eu lieu en présence des bibliothécaires chefs concernés par le projet, mais sous la direction du Prof. Ph. Halban et avec la participation de M. P. Batardon, administrateur, de la Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education. La contribution de MM Halban et Batardon à cette étape du projet a été déterminante et la qualité des négociations incombe à leur détermination et leur grande compétence en la matière. Les conditions ont également pu être élargies à l’ensemble des bibliothèques de l’Université de Genève, ainsi qu’aux bibliothèques des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et du Centre hospitalier universitaire vaudois.

Sur la base des dossiers et de ces séances, le choix du prestataire final s'est porté sur l'entreprise Ebsco.Les bibliothécaires ont alors pu effectuer le transfert des abonnements existants.

Les résultats de la démarche

Grâce à l’appel d’offre ainsi qu’aux négociations, nous avons obtenu des conditions que nous pouvons qualifier d’excellentes, pour ce qui concerne à la fois la gestion des coûts et la gestion administrative des abonnements aux périodiques.

Au niveau financier, nous pouvons relever une réduction de 3% sur le prix éditeur. Les remises octroyées sont comprises entre 0,5% et 3% pour des paiements s’étalant jusqu’à février de l’année en cours des abonnements. Aucune commission n’est prélevée par le prestataire sélectionné.

Concernant la gestion des abonnements, les outils mis à disposition sur l’interface EbscoNet nous ont permis de rationaliser le travail, en obtenant facilement des rapports de gestion, des statistiques, des listes par éditeurs etc.

Le choix d’un fournisseur unique pour les trois facultés permet de plus d’échanger facilement des informations en interne et de comparer nos données.

Enfin, la collaboration entre nos bibliothèques nous a permis de relever que les problématiques de gestion sont similaires d’une faculté à l’autre quand bien même les disciplines sont différentes. La réalisation de l’appel d’offre en commun a permis de prendre en compte l’ensemble des problématiques et d’y apporter une réponse globale, qui s’est montrée bénéfique pour chacun des partenaires. Les conclusions et avantages du travail réalisé

Cet exercice nous a permis d’atteindre les objectifs que nous nous étions fixés. A l’origine de la démarche, le partenariat entre les trois facultés a mis en évidence un budget d’acquisition suffisamment important pour que les fournisseurs nous considèrent comme des clients importants. Ceci est sans aucun doute une des raisons pour lesquelles nous avons pu obtenir des conditions financières aussi intéressantes.

Les négociations ont été une étape déterminante non seulement pour bénéficier des meilleures conditions financières, mais également pour décrocher les mêmes conditions pour l’ensemble des bibliothèques de l’Université de Genève et celles des HUG.

La démarche a démontré qu'il est bénéfique pour l'Université de Genève que trois bibliothèques de facultés travaillent en collaboration sur un projet commun. Cette collaboration a en effet permis d'atteindre, voire de dépasser, les objectifs fixés. Mais les échanges et les réflexions issus de cette expérience ont également favorisé la prise de conscience du fait, qu'en dépit de rattachements administratifs différents, les partenaires partagent les mêmes problèmes et peuvent mettre en commun leurs compétences pour y apporter des solutions. Finalement, c’est un type de démarche qui ne peut que profiter aux publics des bibliothèques (c’est-à-dire leur première raison d’être) qui en l’occurrence bénéficient d’un meilleur service: le maintien d’une offre de périodiques très large malgré des budgets en baisse.